JEAN Ier L'ARCHEVÊQUE, seigneur de PARTHENAY (1327-1358

Depuis que les victoires de saint Louis avaient définitivement soustrait Parthenay et le reste du Poitou à l'influence anglaise, près d'un siècle s'était écoulé.

Durant cette longue période, la paix n'avait cessé de régner dans nos contrées de l'ouest, et l'Angleterre semblait ne plus vouloir renouveler ses tentatives pour recouvrer toutes ses anciennes provinces françaises.

Mais la situation changea complètement sous le règne de Charles le Bel.

 Des difficultés qui survinrent entre les deux couronnes ayant rallumé la guerre en Guienne, le sire de Parthenay, Jean L'Archevêque, fut chargé par le roi de concourir à la défense de la Saintonge et de l'Aunis contre les agressions des Anglais.

Au mois d'octobre 1327, il se trouvait à la Rochelle « en cette première émotion de guerre de nouvel faite par les gens d'Espagne contre la ville et pays de la Rochelle.

Pendant qu'il était dans cette ville, le lieutenant de Guichard de Montigny, sénéchal de Saintonge, lui compta trois cents livres tournois à valoir sur ses gages et ceux de dix chevaliers et trente-huit écuyers qu'il commandait (1).

Philippe VI de Valois lui conserva les fonctions militaires et le titre de conseiller du roi que son prédécesseur lui avait donnés.

En 1330, le sire de Parthenay était gouverneur de Saintes pour ce monarque (2).

Cette ville, prise sur les Anglais par le comte d'Alençon, leur fut restituée en 1331. Il assista le mercredi avant Pâques 1331, au Louvre à Paris, à une nombreuse réunion des pairs et des plus grands seigneurs de France faisant partie du conseil du roi. L'assemblée prononça le bannissement de Robert d'Artois (3).

 

Jean L'Archevêque, voulant récompenser les services d'un de ses écuyers nommé Phelipot de Biars, lui donna deux métairies, la Jalière et la Vilenière (paroisse de la Boissière en Gâtine), qu'il avait acquises, la première, de Jean Beaujau, la seconde, de Guillaume de la Vilenière.

L'acte, approuvé par Marie de Beaujeu, dame de Parthenay, est daté de Puy-de-Serre le 3 avril 1335.

L'année suivante, mardi après la Purification, Jean L'Archevêque, par acte daté de Parthenay, donne au même écuyer le droit de pacage dans ses bois de Château-Bourdin. Enfin, par une dernière charte donnée au Fonteniou le mardi après la Saint-Marc 1339, il agrandit la compétence de sa juridiction de la Jalière en la portant de sept sous à soixante sous (4).

Le sceau du seigneur de Parthenay, apposé au bas de ces divers actes de libéralité, est un des plus remarquables que l'on connaisse (fig. 49).

Le sceau du seigneur de Parthenay

On peut même dire que c'est une œuvre d'art tant la composition en est heureuse et la gravure parfaite.

Le seigneur y est représenté à cheval, en costume complet de chevalier, l'épée au côté, l'écu armorié au bras gauche, la lance ornée de sa bannière à la main droite. La visière de son heaume à demi levée laisse voir son visage aux traits accentués, dont le graveur a certainement voulu reproduire la ressemblance.

Le cheval est couvert d'une housse aux armes des L'Archevêque. Le seigneur sort dans cet équipage de guerre ou de parade d'une porte de ville fortifiée sur laquelle flotte sa bannière. Il semble que l'artiste en la gravant ait songé à la porte de Saint-Jacques de Parthenay. Le contre-scel est encore plus curieux.

C'est la reproduction fort bien dessinée d'un camée ou d'une pierre gravée antique. Au-dessous, un bras tient une lance.

 Adroite est l'écu aux armes des Parthenay; à gauche, la bannière et le heaume cimé d'une mitre.

 

Autour du médaillon on lit cette légende :

GE SVY AV SIRE DE PARTENAY (fig. 50).

Fig 50

Jusqu'ici les hostilités avec l'Angleterre avaient été peu sérieuses. Mais des symptômes alarmants annonçaient qu'une lutte longue et opiniâtre allait s'engager entre les deux nations rivales.

Édouard III, roi d'Angleterre, qui n'aspirait à rien moins qu'à s'emparer de la couronne de France, en vertu des prétendus droits de sa mère Isabelle, déclara la guerre à Philippe de Valois au mois d'août 1339. Elle devait durer cent ans.

La Flandre, le Cambrésis et la Bretagne furent le premier et le principal théâtre des hostilités.

Mais il y avait aussi de grandes précautions à prendre du côté de la Guienne et des côtes de l'Océan contre les incursions anglaises.

Le seigneur de Parthenay, nommé capitaine du roi en Poitou, rassembla des troupes en 1340 sur les côtes du Talmondais, où l'on redoutait apparemment une descente de l'ennemi.

 Dans leurs rangs figurait un certain nombre de sergents armés envoyés sur son ordre par la commune de Poitiers, avant même la convocation de l'arrière-ban.

Les bourgeois poitevins, formalistes par excellence et très-jaloux de leurs droits, se plaignirent au roi de cette mesure justifiée, ce semble, par la nécessité. Ils obtinrent contre le sire de Parthenay, le 30 octobre 1340, un ordre d'information dont on ne connaît pas le résultat (5).

Édouard III ayant ordonné au comte de Derby, commandant en Guienne, de ravager les provinces françaises du Midi, Philippe de Valois, le 8 août 1345, nomma Pierre de Bourbon lieutenant général du Languedoc et de la Gascogne et l'envoya dans ces contrées à la tête d'une armée pour contenir les Anglais.

 Pendant ce temps-là le sire de Parthenay ne restait point oisif en Saintonge où le roi utilisait ses services, ainsi que le prouve un paiement de deux cents livres tournois qu'il reçut du trésor le 4 décembre 1345, pour ses gages et ceux de dix-sept écuyers, en rémunération du temps passé sous les armes dans ce pays du 13 août ou 31 octobre précédents, sous les ordres de Jean de Marigny, évêque de Beauvais, lieutenant du roi en Poitou, Saintonge et Limousin (6).

Il pourvoyait activement à la défense de la Saintonge et du Poitou, faisait réparer les fortifications des châteaux qu'il possédait dans ces provinces, c'est-à-dire évidemment Châtelaillon, Coudray-Salbart, Vouvent, Mervent, Secondigny et Parthenay, et y entretenait des garnisons d'hommes d'armes.

Ces précautions étaient loin d'être inutiles, car les marches de Poitou et de Saintonge furent le théâtre d'escarmouches continuelles entre Français et Anglais, dans les derniers mois de 1345 et au commencement de 1346 (7).

L'activité déployée par Jean L'Archevêque dans ces circonstances et les lourdes charges qu'il supporta pour la défense du royaume lui valurent de Philippe de Valois une lettre d'État en date du 1er janvier 1346 (8).

Sur ces entrefaites, le duc de Normandie, fils aîné du roi de France, envoyé pour tenir tête au comte de Derby en Guienne, traversa le Poitou avec des forces considérables et vint au mois de février 1346 mettre le siège devant Agen, que les Anglais tenaient en leur possession.

Le sire de Parthenay, qui servait dans l'armée du prince, s'y fit remarquer parmi les plus braves.

 Pendant les opérations du siège, Guillaume Rolland, sénéchal de Beaucaire, obtint du duc la permission de faire une chevauchée dans les environs pour ramasser des vivres. Aussitôt une troupe de courageux chevaliers, formant environ sept cents lances, part sous ses ordres.

Le sire de Parthenay faisait partie de cette expédition avec l'élite de l'armée, le duc de Bourbon, le comte de Ponthieu son frère, le comte de Tancarville, le dauphin d'Auvergne, le sire de Coucy, le sire de Beaujeu, le sire de Pons, Guichard d'Angle, etc.

Arrivés non loin de Tonneins après une nuit de marche, un espion leur indiqua un pré où la garnison anglaise de la ville avait parqué huit cents têtes de gros bétail.

Alors le sénéchal de Beaucaire ayant fait cacher dans une vallée tous les guerriers ses compagnons :

« Messeigneurs, dit-il, je conseille que vous demorés en ceste valée couvertement, et je m'en irai à tout soixante compagnons acueillier ceste grande proie, et le vous amenrai chi endroit. Et si ces Anglois issent hors pour rescourre leur proie, ensi que je pense bien qu'ils le feront, je les amenrai jusqu'à vous tout fuiant. Car je scai bien qu'ils me chasseront folement, et vous lor irés au devant hardiement; si seront tout vostre par raison. »

 

Ce qui fut dit fut fait.

Les Anglais, apercevant le sénéchal et ses compagnons qui enlevaient leurs bestiaux, sortent de la ville, sous la conduite d'Étienne de Lucy, leur capitaine, poursuivent les Français avec acharnement et tombent dans l'embuscade où ils sont tous tués ou faits prisonniers.

Les vainqueurs se dirigent alors sur Tonneins dont ils s'emparent sans coup férir, et, après y avoir laissé une garnison suffisante, retournent au siège devant Agen, qui se rendit bientôt au duc de Normandie (9).

A la suite de ce succès, le duc de Normandie forma le célèbre siège d'Aiguillon (avril 1346), défendu par Gauthier de Mauny.

 Il est plus que probable que le seigneur de Parthenay demeura dans l'armée du prince et prit part aux rudes combats qui se livrèrent sous les murs de cette place.

Pendant que les Français assiégeaient péniblement Aiguillon, le roi d'Angleterre, débarqué en Normandie vers le milieu de juillet 1346, menaçait la capitale à la tête de quarante mille hommes.

Philippe de Valois rassemblait des forces considérables pour repousser cette invasion. De toutes parts les troupes féodales et communales accouraient à la défense du royaume; c'était un armement général.

Le sire de Parthenay se rendit à Poitiers avec six chevaliers et dix écuyers à la solde du roi pour assister à la montre du 18 août 1346 (10). Sa compagnie qui, la veille 17 août, avait passé une autre revue au lieu- dit Pont-de-Mée était ainsi composée :

ledit M. L'Archevêque; M. Simon Barbel; M. Pierre du Plaisié; M. Guichart d'Angle; M. Pierre de Ju; M. Guillaume de la Vergne; M. Guy de Saint-Savin ; Hanekin de Bunissioles, escuier; Jacques de Puguinon; Guillaume de Saint-Michel; Hémery de Coe; Pierre des Bos; Ernoul de Lussenbourg; Jehanin Joli de Coussay pour Guion de la Guerrière; Seryonnet du Morlar; Jean Samin (11).

Le sire de Parthenay rejoignit-il les troupes que Philippe VI conduisait alors en Picardie à la poursuite d'Edouard III? C'est ce que l'on ignore. Le fait est possible. Mais peut-être aussi demeura-t-il dans l'ouest.

En effet, le Poitou n'avait pas trop de ses forces pour résister aux Anglais de Guienne qui pouvaient l'envahir d'un instant à l'autre, et les événements ne tardèrent pas à prouver qu'elles étaient même insuffisantes.

Le départ du duc de Normandie, qui venait de lever le siège d'Aiguillon (20 août 1346) pour courir dans le Nord au secours de son père, permit aux Anglais de reprendre l'offensive en Aquitaine, au moment où l'armée de Philippe de Valois éprouvait le funeste désastre de Crécy (26 août 1346).

 

L'instant était favorable pour le comte de Derby.

 Il entra en Saintonge le 12 septembre, à la tête de douze cents hommes d'armes, deux mille archers et trois mille piétons, s'empara successivement de Mirambeau, Mortagne-sur-Mer, Taillebourg, Saint-Jean-d'Angely, Aunay, Surgères, Benon, mais il échoua devant Marans et Niort, que défendit énergiquement le capitaine Guichard d'Angle.

En revanche, les Anglais prirent Saint-Maixent, Montreuil-Bonnin, brûlèrent Lusignan dont ils ne purent forcer le château.

 Enfin ils se rendirent maîtres de Poitiers le 4 octobre 1346. Pendant douze jours cette malheureuse ville et le pays environnant furent livrés au pillage.

La frayeur régnait partout.

Froissart dit que les chevaliers et écuyers de la Saintonge et du Poitou se tenaient renfermés dans leurs châteaux forts et garnisons, n'osant pas arrêter la marche de l'ennemi.

Les populations rurales y avaient aussi cherché un refuge et on ne montrait quelque vigueur que pour repousser les assauts donnés aux places fortes.

Il y a donc tout lieu de croire que la tactique de Jean L'Archevêque ne fut pas différente et qu'il se tint également sur la défensive, soit à Parthenay, soit dans un de ses autres châteaux, jusqu'à ce que Derby, faute de forces suffisantes pour conserver ses conquêtes, eût évacué le Poitou pour retourner à Bordeaux par le même chemin.

La Gâtine ne fut point atteinte par l'invasion qui ravagea surtout, non loin de là et sur ses limites, les archiprêtrés de Sanxay, Lusignan, Exoudun, Rom, Melle et Chaunay  (12).

Mais la guerre, qui durait depuis plusieurs années et qui donnait lieu à de petits combats et à des brigandages continuels, n'en causa pas moins de grands préjudices au seigneur de Parthenay.

Il était obligé de se tenir continuellement en armes.

Philippe de Valois lui tint compte de son dévouement. Par lettres données à Vincennes, le 27 août 1348, il ordonna à son trésorier à Paris de payer à son amé et féal conseiller le seigneur de Parthenay la somme de mille livres tournois

 « pour les pertes et dommages qu'il a éprouvés pour cause des guerres et des grands frais qu'il a faits en plusieurs de ses châteaux, qu'il tient et a tenus garnis de gens d'armes à ses dépens es frontière de nos ennemis (13). » ;

Ce fut également en reconnaissance de ses services que le roi, par lettres datées de Montargis au mois de juin 1349, lui octroya la faveur de tenir de l'autorité royale, sous un seul et même hommage, les châtellenies de Parthenay, Vouvent et Mervent pour lesquelles les L'Archevêque avaient toujours rendu trois hommages.

 En outre, il attribua le ressort judiciaire de ces trois châtellenies, au siège de Saint-Maixent, ressort qui plus tard fut souvent disputé et changea plusieurs fois (14).

Des lettres closes du roi, en date du 23 août 1350, lendemain de la mort de Philippe de Valois, convoquèrent Jean L'Archevêque (15).

 

Mais les hostilités ne recommencèrent sérieusement qu'en 1351.

Au mois d'avril de cette année, un combat acharné s'engagea au pont de Taillebourg entre un corps de cinq cents lances françaises et un corps anglo-gascon de cinq cents lances, quinze cents archers et trois mille piétons.

Parmi les Français on remarquait des chevaliers d'élite, Guy de Nesle, maréchal de France, le sire d'Audrehen, gouverneur du comté d'Angoulême, bientôt maréchal de France, messire Boucicaut, le sire de Parthenay, les sires de Pons, de Surgères, de Tonnay-Boutonne, de Liniers, d'Argenton, Guichard d'Angle, etc.

Ils s'étaient postés au bout du pont pour défendre le passage de la Charente.

 Lorsque les Anglais, qui venaient de Bordeaux, parurent de l'autre côté de la rivière, ils manifestèrent d'abord un certain étonnement. Craignant de ne pouvoir forcer le pont, ils firent un mouvement en arrière.

 

 

A cette vue les Français ne contiennent plus leur ardeur.

Oubliant les règles de la prudence et leur infériorité numérique, ils s'élancent de l'autre côté, à la poursuite de l'ennemi.

A la suite d'un rude combat quelque temps indécis où tout le monde fit vaillamment son devoir, la victoire se déclara en faveur du nombre.

Le sire de Parthenay et tous les chevaliers qui n'avaient pas péri furent faits prisonniers.

Les Anglo-Gascons, satisfaits de leur victoire et surtout de leurs prisonniers dont la rançon leur rapporta cent mille moutons, reprirent le chemin de Bordeaux.

D'après Froissart, les chevaliers battus et pris au pont de Taillebourg avaient été détachés de l'armée qui assiégeait Saint-Jean-d'Angely sous les ordres de Charles d'Espagne, connétable de France, et du maréchal de Beaujeu.

Quoi qu'il en soit, cette entreprise, commencée au plus tard au mois de juillet 1351, fut couronnée de succès. Saint-Jean-d'Angely se rendit au roi Jean dans les premiers jours de septembre.

 Le roi y séjourna sept jours, nomma le sire d'Argenton capitaine de la place conquise et retourna à Paris après avoir licencié l'armée (16).

Ce capitaine, objet de la confiance du roi de France, n'est autre que Jean d'Argenton, seigneur de Hérisson et de Leigné en Gâtine, domaines pour lesquels il rendait l'hommage féodal au sire de Parthenay (17).

Nous avons déjà parlé de cette famille.

 

 

On ignore à quelle époque Jean L'Archevêque, prisonnier des Anglais au pont de Taillebourg, fut rendu à la liberté.

Les ravages de ce fléau n'étaient pas réparés lorsque la guerre se ralluma, un an après la mort de Philippe VI et l'avènement du roi Jean.

 

Siège de Saint-Jean-d'Angély (1351)

En mars 1351, Jean II le Bon ordonna que fut mis le siège devant Saint-Jean-d'Angély. Les chevaliers poitevins, saintongeais, tourangeaux, angevins installèrent leur camp au pied des murs de la cité.

 Les maréchaux Guy II de Nesle et Édouard Ier de Beaujeu furent désignés pour prendre le commandement de l'armée royale française.

Le 1er avril 1351, un engagement eut brusquement lieu dans la Saintonge du Nord. Les Français y furent « déconfits » par les Anglo-Gascons.

 Messire Guy de Nesle, maréchal de France, demeura au pouvoir de l'ennemi, avec son frère et plusieurs autres barons et chevaliers.

 

Les troupes du roi Jean, accourant sur les lieux, vengèrent cet échec par quelques succès.

 

Au mois de mai 1351, Lusignan fut enlevé aux Anglais par le connétable Charles d'Espagne et Jean le Meingre, dit Boucicaut, malgré la résistance du château qui fut plus longue que celle de la ville (18).

Institué capitaine du château de Lusignan, Boucicaut s'empressa de le réparer.

 Le receveur de Poitou, Philippe Gillier, lui versa pour cet objet, le 8 juin 1351, la somme de 250 livres (19).

Jean de Berry, comte de Poitou, assigna à ce brave chevalier 250 livres de gages par mois, en temps de guerre, et 160 livres pendant les trêves.

Boucicaut reprit Fouras et le rendit à Aymar de Malmont, seigneur de Tonnay-Boutonne et de Fouras (20).

Dès dès le mois de juin 1351, Guillaume L'Archevêque le remplaçait son père au service du roi, à la tête d'une compagnie de huit chevaliers et vingt-huit écuyers.

Le 18 juin, les commissaires de M. de Craon, lieutenant du roi en Poitou, Saintonge, Angoumois, Limousin et Périgord, ordonnèrent au trésorier des guerres de payer les gages ordinaires aux hommes de cette compagnie, inscrits sur un rôle spécial et détaillé joint à leur mandement.

Le rôle de la montre de la compagnie de Guillaume L'Archevêque avait été reçu et arrêté le même jour à Angoulême où elle se trouvait et d'où elle alla sans doute au siège de Saint-Jean-d'Angely.

Tous les chevaliers qui la composaient étaient Gâtinaux.

 

 En voici la liste curieuse accompagnée du signalement de leurs chevaux :

 

La monstre Guillaume Larcevesque et des genz de sa compaignie, reçeue à Engoulesme le XVIIIe jour de juing.

Premièrement le dit Guillaume, cheval blanc mal taint, III piedz blanz.

Guillaume de St-Michiel, cheval blant, XXX I.

Guillaume de la Hay, cheval liart gris, XX I.

Guiot de St-Michiel, cheval gris pomellé, jambes noires, XL l.

Jehan Pousset, cheval blanc, III piez blancz, devant estellé, XX l.

Philippot de Biars, cheval gris, musel blanc, 1 pied darrière blanc, IIIXX l.

Muset de Vicque, cheval noir maltaint, XL l.

Philippot de Blavete, cheval noir fendu marquié en la cuisse, xx l.

Gervais Dise, cheval liart, moucheté fendu, XXX l.

Guillaume de Sazille, cheval blonc cler, XV 1.

Guillaume Chabeu, cheval blonc cler, IIII piedz blanz, XV 1.

Le bastart de Partenai, cheval brun bai estellé, IIII piedz blanz, XX l.

Jehan Chevalier, cheval gris, I pied darrenier blanc, front chenu, musel blanc, XX 1.

Gieffroy Cresson, cheval tout noir fendu, XX 1.

Massé Soucaire, cheval noir, XX 1.

Johan Poussin, cheval liart, XX 1.

Monsr Gieffroy, sire d'Argenton, cheval liart gris, XL l.

Jehan Vuatier, cheval gris, III jambes noires, XL.

Monsr Aymeri d'Argenton, cheval liart pommellé, LX 1.

Monr Guillaume de Liniers, cheval brun bai, III piedz blanz, musel blanc, XL 1.

Monsr Guy de Verno, cheval gris pommellé, III piez blanz, XXX 1.

Charles de Liniers, cheval morel fendu, XX 1.

Jehan Guichart, cheval noir, XX 1.

Salardin dou Souillous (Fouilloux?), cheval noir estellé, I pied blanc dairrière, XX 1.

Jehan Sauvin (Gauvin?) cheval blonc cler, XX 1.

Gieffroy Rigaut, cheval gris noir, xxx 1.

Jehan Bonet, cheval brun bay, darrière fendu, XX 1.

Symon de Marconnay, cheval brun bay, II piez devant blanz, XL 1.

Philippot de Boesse, cheval liart, musel blanc, XX 1.

Lescuier de la Roche, cheval bay, II piez dairriere blanz, estellé, XXX 1.

Monsr Morice de Volvire, cheval liart pommellé, XXX I.

Aymeric de Volvire, cheval liart, musel blanc, pellé, XX 1.

Perrot de la Roche, cheval brun bay, musel blanc estellé, XXX 1.

Guillaume de Volvire, cheval brun bay, jambes noires, XX 1.

Philippe du Puy du Four, cheval brun bay, jambes noires, XX 1.

Monsr Guillaume du Retail, chevalier, cheval tout noir, XXX 1.

Guillaume David, cheval pommellé gris, jambes noires, XXX I.

Jehan Garin, cheval brun bay, III piez blanz, estellé, xx 1.

Monsr Guillaume de Verno, cheval bay, jambes noires, XX 1.

Guillaume de Mervent, cheval bay, jambes noires, XX 1.

Monsr Jehan du Retail, chevalier, cheval bay, jambes noires, XL 1.

Hublet du Plessis, cheval gris, II piez blanz dairriere, XX I.1. (21)

 

 

Les défenseurs de la place qui y tenaient garnison, ne se sentant pas assez forts pour défendre la ville, se retirèrent dans le château royal, puis demandèrent et obtinrent un traité dont les clauses font pleinement ressortir l'esprit de cette époque.

 

Voici ce traité :

« A tous ceulx qui ces présentes lettres verront : Charles Despaigue, comte d’Angoulesme, connétable de France, lieutenant du roy, notre sire, es pays d’entre les rivières de Loire et de la Dourdonne; et Raymon Guilhem, seigneur de Copanne, Giraut de Saint-Aon, Gailhart Durant, Pierre de Castelnuef et Jehan de Montignac, escuyers de la part du roy d’Angleterre et de lestablie de Saint- Jehan-d’Angeli, salut et cognoissance de vérité : Savoir faisons que le respit et les astinances entre nous connestable devant dit pour le roy de France, nostre sire, et ceux de nostre présent hoste et de nostre part, et nous, sire de Copanne, Giraut de Saint-Aon, Gailhart Durant, Pierre de Castelnuef et Jehan de Montignac, devant diz, tant en nos noms et pour nous comme es noms et pour tous ceulx de nostre dite establie de la ville et chastel de Saint- Jehan-d’Angeli octroiées, convenanciées et jurées sur sainctes euvangiles de chascune partie dujourd’hui au derrenier jour de ce présent mois d’aoust à soleil couchant, a été traicté, octroié, convenancié, accordé, fiancé et juré, en la fourme et manière qui s’ensuit :

Premièrement: Nous, sire de Copanne, Giraut de Saint-Aon, et autres dessus nommés de la dite ville et establie de Saint-Jehan, rendrons la dite ville et le chastel de Saint-Jehan au connestable dessus dict realment et de fait ou a celui qui de par le roy de France ou de par le dit connestable y sera député le deurnier jour de ce présent mois d’aoust dedans soleil couchant, se a celi jour ou six jours devant plus prochains, c’est assavoir du vingt cinquième jour du di- mois d’aoust jusques au dit deurnier jour d’iceli mois nous ne sommes secourus par hôme de notre part qui soit si fort sur les champs en l’un des dits sept jours qu’il puisse lever pour bataille le dit connestable et affronter li et ses gens, ou celi et ses gens qui de par le roy de France, ou de par le dit connestable, y serait député.

 Auquel cas seront pris de chascune par deux chevaliers pour faire planner et... la place d’entre les deux batailles.

Et sont et seront ces choses entendues en bonne foi sanz nul mal engin. Et en cas que nous serions si fort que nous nous poussions combattre et feussions desconfis, rendrons la ville et le chastel le dit jour, dedans l’heure dessus dite.

 Idem : Est accordé que nous de la dite establie par nulle autre voie quelconque que par celle dessus dite ne nous pourrons ne devrons tenir pour secourus.

Item : Est accordé par nous connestable que celi jour ce secours venoit à la dite establie, les queulx hommes qui y sont porront issir pour estre et combatre avecque leur dit secours ; Et aussi les hostages ci-après nommés bailliés de leur part se porront combatre avec leurs gens se il leur plaît, par si que du capitaine qui viendra de leur part.

Ils bailleront bonne seureté par la foi du dit capitaine et par ses lettres ouvertes scellées de son scel, de rendre la ville et le chastel de Saint-Jehan au cas qu’ils ne seroient secourus par la manière que dessus.

Item : Est accordé par nous de la dite establie que les autres non nobles, servans et gens de pié, ne partiront de la dite ville ne du chastel, ne se secourons, conforterons, ne aiderons, ne recevrons dans la ville ne le chastel nuis de ceulx qui viendraient pour nous secourre, ne aussi ne prenrons ne recevrons aide ne confort de eulx.

 Item : Est accordé par nous de la dite establie que nous ne chevaucherons, ne pillerons au païs du roy de France, de ses aidant, ne de nul de ses subgez durant ce temps.

Item : avons accordé que ce dit temps durant nous ne partirons de la dite ville, ne nous avitaillerons ne croistrons de vivres quels qu’ils soient, ne croistrons de gens que de capitaine, ne laisserons entrer dans la ville autres gens et autres vivres, que ils ne conforteront la ville de nulz ouvrages ne de nulle artillerie.

Item : Avons accordé que pour quelconque treuves, astinances ou souffrance de guerre qui se puisse prendre entre les deux roy, nous ne barrons que nous ne rendions la dite ville et le dit chastel à la dite journée... les convenances se nous nous n’estions secourus par la voie dessus dite. Item: Avons accordé que si nous savions qu’aucun de nos gens qui chevauchent et pillent au païs du roy de France, nous les en destourberons... »

 

D'après ce traité, Raymond Guilhem, seigneur de Copanne, Giraut de Saint-Aon, Gailhard Durant, Pierre de Castelnuef et Jehan de Montignac, écuyers pour le roi d'Angleterre et chefs de la garnison, s'engagèrent à rendre au connétable, le 31 août 1351, au coucher du soleil, la ville et le château de Saint-Jean-d'Angély, dans l'état où ils se trouvaient au moment du traité, si, du 25 au 31 du même mois, ils ne recevaient secours assez fort pour combattre en champ clos le connétable et ses chevaliers ; que, dans le cas où ils seraient ainsi secourus, deux chevaliers choisis de chaque côté détermineraient le champ de bataille, — la possession de la ville et du château devant être le prix du vainqueur.

Les gens du parti d'Angleterre s'interdisaient de recevoir tout autre secours soit en hommes, soit en vivres, munitions ou travaux. Il fut convenu aussi que les chevaliers de la garnison pourraient sortir de la ville pour combattre avec les leurs, et que les otages donnés de part et d'autre, se rangeraient sous leurs bannières respectives.

Les chevaliers anglais devaient s'abstenir, pendant la trêve, de piller en pays de France.

D'après Froissart, les « Anglais » n'ayant pas été secourus et n'ayant plus de vivres, rendirent la ville sans combat, à l'expiration du délai fixé par la capitulation.

D'après Holinshed, au contraire, le fils de lord d'Albret, à la tête de six cents hommes d'armes, aurait tenté, sans succès d'ailleurs, de lui faire lever le siège.

Quoi qu'il en soit, et qu'il y ait eu ou non bataille à cette occasion, Saint-Jean-d'Angély revint au pouvoir des Français, et, de ce fait, l'église archiépiscopale de Tours rentra en possession d'une rente de soixante louis qui lui avait été léguée par un de ses doyens « sur la recette du minage de Saint-Jean-d'Angély ».

Après le « reconquest » de Saint-Jean-d'Angély, le roi s'y reposa et raffraîchit huit jours et, étant renouvelés et ordonnés nouveaux officiers, il s'en partit, et laissa la ville au capitaine d'Argenton, de Poitiers, après avoir confirmé les privilèges des maires et échevins ».

 

 

Beaucoup de ces chevaliers ou de leurs familles sont connus par d'autres documents.

Philippot de Biars est celui-là même auquel le seigneur de Parthenay donna la Jalière en 1335. Gervais Dize est certainement proche parent d'Adam Dize, châtelain de Parthenay et gouverneur de la juridiction de Gâtine en 1337. Un Guillaume Dize fut prieur du Bois-de-Secondigny en 1412.

Geoffroy Cresson appartient à une famille qui posséda la seigneurie de Vieillefonds (paroisse de Saint-Germain) aux XVe et XVIe siècles.

Aymeri d'Argenton était seigneur de Hérisson et Geoffroi était son frère.

Charles de Liniers, membre d'une nombreuse et illustre famille, était le deuxième fils de Guy ou Guillaume de Liniers, seigneur d'Airvault et de la Meilleraye, en Gâtine.

Jean Guichard appartient à la famille appelée plus tard Guichard d'Orfeuille. C'est très-probablement celui qui fonda, avec Marie de Brenezay, son épouse, une chapellenie dans l'église Saint-Jean de Parthenay, à la chapelle Saint-Michel et Sainte-Catherine (22).

 Jean Bonnet est évidemment l'un des ancêtres de la famille Bonnet qui possédait les seigneuries de la Chapelle-Bertrand, de la Boissière et de Saint-Lin, dès le commencement du XVe siècle et qui reconstruisit le château de Chapelle-Bertrand au XVIe. Ce château, qui existe encore, n'a subi aucun changement depuis son origine.

On le reconnaît parfaitement dans la description qu'en donne un aveu du 21 août 1602. C'est toujours le même grand logis, accompagné sur sa façade de trois tours, dont celle du milieu contient l'escalier, avec ses vastes appartements au rez-de-chaussée et au premier étage, avec sa couverture à tiers point et en ardoises, avec sa cour entourée de hautes murailles percées d'un grand portail surmonté d'un pavillon en ardoise, d'une petite porte et d'un autre portail conduisant au jardin (23).

Simon de Marconnay était fils de Jean. Sa famille était une des premières du Mirebalais. Maurice, Aymeri et Guillaume de Volvire sont membres d'une famille originaire du bas Poitou, qui possédait Chaillé et Nieul sur l'Autize, relevant de Vouvant, l'une des baronnies des L'Archevêque.

La famille de Philippe du Puy du Fou était également originaire du bas Poitou. C'est probablement une sœur ou une nièce de notre chevalier, nommée aussi Philippe, qui épousa Thibaut de Granges, et, par son testament d'avril 1396, choisit sa sépulture dans la chapelle du grand cimetière de Xaintray près de celle de son mari (24).

 Un Jean du Puy du Fou épousa une La Ramée, dame d'Amaillou, vers 1400.

Guillaume du Retail était seigneur du Retail, près Alonne, fief relevant de la baronnie de Secondigny. Jean du Retail, évidemment l'un de ses proches parents, est sans doute le même que celui qualifié de seigneur de Dislay, en 1396, et aussi de le Frémaudière-Escureulx. Cette famille existait en Gâtine dès le XIIIe siècle (25).

Au mois d'avril 1353, Guillaume L'Archevêque se trouvait à Saint-Jean-d'Angely à la tête d'une compagnie moins nombreuse, dans les rangs de laquelle on rencontre quatre chevaliers de la compagnie commandée par lui en 1351.

 

 En voici la composition :

La monstre Monsr Guillaume Larcevesque reçeue à Saint-Jehan d'Angéli le XIIIIe jour d'avril l'an mil CCCLIII.

 

Le dit Monsr Guillaume, cheval gri pommelé, c. 1.

Guillaume de Saint-Michau, cheval brun bay, poi estellé, LX l.

Lancelot de Fonteniz (Fonteniou), cheval gris rouge, estellé au lonc, XL 1.

Johan de Blavette, cheval brun bay, II jambes noires, XL l.

Regnaut Berc, cheval brun bay estellé au lonc, marqué en la cuisse derriere, XL l.

Guillaume Berc, cheval tout noir, marqué en la cuisse dextre, XL l.

Guillaume du Puey, cheval gris fauve, poi estellé, fendu, xxx l.

Macé Sauguaire, cheval tout liart gris, XXX 1.

Simon Valin, cheval bay cler, jambes noires, XL l.

Vincent Charron, cheval bay cler, estellé, II jambes noires, XXX 1.

Cognart d'Orfeule, cheval liart moucheté, XL l.

Philippot de Blavete, cheval morel fendu, marqué en la cuisse dextre, XXX l.

Johan de Saint-Martin, cheval tout morel, XXX 1.

Muset de Vegue, cheval brun bay estellé, II jambes noires, XXX l.

Le bastart de Partenay, cheval tout noir, XL 1.

Johan Chevalier, cheval brun bay, IIII jambes noires, XXX 1.

Gervais Dize, cheval brun bay marqué en la poitrine, L l. (26).

 

==> Le fort de Fouras détruit avant 1351, le donjon est reconstruit par Jean II de Brosse, Maréchal de France, vers 1480.

 

En 1351, Jean le Maingre, dit Boucicaut, l’enleva d’assaut aux Anglais et le rendit à Aimar de Malmont, qui resta chargé de le défendre

Tous ces chevaliers sont originaires du pays de Gâtine.

L'un d'eux, Lancelot du Fonteniou, était seigneur du Fonteniou (paroisse de Vernou), fief relevant de Parthenay. Nous avons déjà cité plusieurs membres de cette famille qui remonte au commencement du XIIIe siècle. Elle fut remplacée au Fonteniou par les La Court au commencement du XVe siècle.

En 1356, Guillaume L'Archevêque commandait encore, aux gages du trésor royal, une compagnie de huit chevaliers, quarante-sept écuyers et deux archers à cheval. Il était, sous les ordres de Jehan de Clermont, sire de Chantilli, maréchal de France, lieutenant du roi entre la Loire et la Dordogne.

La quittance de trois cent huit livres dix-huit sols qu'il donna au trésorier des guerres pour les gages de sa compagnie est datée de Charroux le 13 février 1356 (27).

La guerre avec l'Angleterre, quoiqu'à peine interrompue par des trêves mal observées, se traînait languissante et n'amenait aucun résultat sérieux. Tout à coup elle reprit avec un nouvel acharnement.

Le prince Noir, fils d'Édouard III, ayant quitté Bordeaux à la tête d'une armée d'élite anglo-gasconne, s'avança vers la Loire jusqu'à Romorantin, semant le ravage sur son passage.

 

Le roi Jean, qui luttait en Normandie, convoqua aussitôt la chevalerie française qui répondit tout entière à son appel.

Il réunit une armée magnifique, traversa la Loire et poursuivit avec rapidité le prince, battant en retraite sur la Guienne.

Il l'atteignit près de Poitiers, à Maupertuis.

Les Anglo-Gascons, obligés de suspendre leur marche, se fortifièrent habilement sur une éminence et le long d'un chemin creux.

Le roi, au lieu d'attendre prudemment la victoire assurée qui s'offrait à lui, la laissa échapper par son impatience et son courage irréfléchi.

Une attaque brusque et mal combinée fut résolue :

« Si sonnerent les trompettes parmi l'ost. Adoncques s'armerent toutes gens et monterent à cheval. Là put-on voir grand'noblesse de belles armures, de riches armoiries, de bannières, de pennons de belle chevalerie et écuyerie; car là étoit toute la fleur de France; ni nul chevalier et écuyer n'étoit demeuré à l'hôtel, si il ne vouloit être déshonoré (28). »

Le sire de Parthenay déploya, lui aussi, sa bannière et conduisit sa chevauchée dans ces champs de Maupertuis que plusieurs de ses chevaliers allaient arroser de leur sang.

 

Son fils Guillaume devait aussi nécessairement s'y trouver avec la compagnie qu'il commandait quelques mois auparavant, car le maréchal de Clermont, sous les ordres duquel il était placé, trouva la mort dans le combat.

On connaît les détails de cette néfaste journée, où les Français se perdirent par leur précipitation et leur témérité.

 

Jean L'Archevêque faisait partie de la division commandée par le roi. Il combattit au milieu de ces braves qui s'illustrèrent par une résistance glorieuse.

Près de lui tombèrent noblement trois chevaliers Gâtinaux, Guillaume du Retail, Guy de Liniers, seigneur de la Meilleraye, et Thomas Janvre de la Bouchetière.

 Les corps des deux premiers furent ensevelis le lendemain, avec tant d'autres, aux Cordeliers de Poitiers (29).

 Le dernier, Janvre, surnommé Bagaulin ou le libre parleur, avait fait au roi, quelques jours auparavant, une réponse demeurée célèbre. Pendant une des marches forcées qui précédèrent la bataille, l'armée chantait la chanson de Roland. « Il n'y a plus de Roland, » s'écria le roi Jean.

« Il s'en trouverait bien s'il y avait un Charlemague », repartit le sire de la Bouchetière (30).

Tous deux se trompèrent.

 

Le jour du danger, le chevalier gâtineau se fit tuer en vrai paladin, et Jean II, la hache à la main, combattant à pied comme un archer, succomba en roi de France.

Le sire de Parthenay n'échappa à la mort que pour tomber au pouvoir des Anglais avec le roi et ses héroïques défenseurs (19 septembre 1356).

 Le soir de cette funeste journée, le prince de Galles honora sa victoire par sa courtoisie et son respect à l'égard de ses illustres prisonniers.

« Quand ce vint au soir, dit Froissart, le prince de Galles donna à souper au roi de France et à monseigneur Philippe, son fils, à monseigneur Jacques de Bourbon, et à la plus grande partie des comtes et barons de France qui prisonniers étaient.

Et assit le prince, le roi Jean et son fils monseigneur Philippe, monseigneur Jacques de Bourbon, monseigneur Jean d'Artois, le comte de Tancarville le comte d'Étampes, le comte de Dampmartin le seigneur de Joinville et le seigneur de Parthenai, à une table moult haute et bien couverte, et tous les autres barons et chevaliers aux autres tables.

Et servoit toujours le prince à la table du roi, pour prière que le roi lui scut faire; ains disoit toujours qu'il n'étoit mie encore si suffisant qu'il appartint de lui seoir à la table d'un si haut prince et de si vaillant homme (31). »

Jean L'Archevêque, prisonnier des Anglais pour la deuxième fois, dut sans doute payer une rançon considérable pour sortir d'entre leurs mains. Il avait recouvré la liberté au plus tard au mois de janvier 1358.

Voulant récompenser probablement quelques services d'Aimeri d'Argenton, seigneur de Hérisson, qui peut-être l'avait aidé à payer sa rançon, il lui concéda et lui inféoda, le 7 janvier 1358, la moitié par indivis des droits de vente et des droits de poids perçus à son profit à Parthenay, ainsi que la moitié par indivis du péage de Vernou et de la Chapelle-Seguin.

 Les droits de vente frappaient les denrées et objets vendus dans la ville de Parthenay, tels que bestiaux vifs ou morts, peaux, poissons frais ou secs, sel en gros ou en détail, chanvre, lin, laine, fil, toiles, fer, acier, cire, farine, etc.

Jean d'Argenton, successeur d'Aimery, en rendit l'aveu féodal au seigneur de Parthenay, le 13 janvier 1388.

Les seigneurs de Hérisson jouissaient encore au XVIIIe siècle de la moitié de ces taxes perçues d'après un tarif légèrement modifié en 1749.

Une sentence du bureau des finances de Poitiers du 4 septembre 1711 confirma leur droit trois fois séculaire (32).

 

Le bourg de Hérisson, siège de la châtellenie possédée en 1358 par Aimeri d'Argenton, eut jadis une certaine importance. Plusieurs actes anciens, notamment un aveu de l'an 1400 environ, lui donnent le nom de ville de Hérisson.

Dès l'an 1345, un marché s'y tenait tous les samedis (33).

Il y avait une halle, deux églises, Saint-Georges et Saint-Jean, deux auberges, le Mouton et Saint-Georges, et enfin le château.

 

Brûlé par les colonnes infernales de la Révolution, ce bourg, placé au centre de la Gâtine, dans un pays très-boisé, en dehors de toutes voies modernes de communication, n'offre plus qu'un aspect désolé.

Les ruines y abondent et éveillent la curiosité. Le château, construit sur une motte, se compose d'une petite enceinte de murailles flanquées, au couchant, de trois tours qui remontent au moins au XIIe siècle, sauf quelques remaniements ou modifications dans les parties supérieures.

Le bâtiment d'habitation, depuis longtemps délabré, adossé au mur d'enceinte dans l'intérieur, date de la fin du XVe siècle seulement.

Près de là s'élève l'église de Saint-Georges construite au XIIe siècle, réparée au XVe. Les voûtes ogivales de son unique nef, à moitié effondrées, recouvrent encore un vieil autel en bois devant lequel gît une dalle funéraire où on lit l'épitaphe de Charlotte d'Escoubleau de Sourdis, comtesse douairière de Clisson, dame de Hérisson, décédée au château de ce lieu le 5 juillet 1704.

C'est une des aïeules maternelles du célèbre Lescure, qui possèda aussi Hérisson.

 

 Le clocher carré ajouté après coup au XVe siècle contient encore une des deux anciennes cloches, fondue en 1571, dont les sons ne troublent plus depuis longtemps le silence de ces ruines.

La chapelle de Saint-Jean, située plus loin dans le bourg, remonte au moins au XIIIe siècle (fig. 52). Ses voûtes sont écroulées, et une partie de ses murs renversée. La portion antérieure et le clocher sont une addition de 1422, ainsi que l'indique l'inscription gravée sur le cintre de la porte : L'an M IIII XXII fut fait.

 Cette chapelle était en 1782 à la collation de la famille Gauvain de la Proustière (34).

Trois piliers en pierre de la halle de Hérisson étaient encore debout il y a quelques années.

 La rue conduisant de ladite halle au bas bourg s'appelait très-anciennement rue de la Maugie. L'auberge du Mouton, destinée aux marchands qui fréquentaient jadis le marché du samedi, existe toujours avec ses grandes fenêtres à croisillons, ornées de moulures prismatiques de la fin du XVe ou du commencement du XVIe siècle.

La mort a conservé aussi son antique demeure. Des tombes muettes, sous lesquelles dorment des générations inconnues, se pressent en rangs serrés dans un cimetière abandonné, autour d'un lampadaire aux trois quarts renversé, du XIVe siècle environ (fig. 53).

 La seigneurie de Hérisson, qui relevait de Parthenay, appartint aux d'Argenton depuis les temps les plus anciens jusqu'aux premières années du XVe siècle.

Les seigneurs de Châteauneuf en Gâtine, leurs voisins, possédaient par indivis avec eux la moitié des droits de vente et de péage de Hérisson, ainsi que la moitié des taxes perçues sur les marchés dudit lieu (35).

Peu de temps après la donation faite au seigneur de Hérisson, Jean L'Archevêque confirma, le 13 mars 1358, la nomination de Nicolas d'Alet, prêtre, désigné le 20 septembre 1357 par Marie de Beaujeu, sa femme, pour desservir une chapellenie dans l'église de Notre-Dame-de-la-Coudre.

La pieuse dame de Parthenay avait fondé dans cette église plusieurs chapellenies pour le salut de son âme et de ses parents.

 Celle que Nicolas d'Alet était appelé à desservir avait été dotée par elle de dix livres de rente et fondée à l'autel Saint-Antoine (36).

Jean L'Archevêque mourut le 1er mai 1358, et fut enseveli auprès de ses ancêtres, dans l'église des Cordeliers de Parthenay (37).

 Il ne paraît pas avoir laissé de postérité de son premier mariage avec la vidamesse de Chartres, morte en 1326.

 Mais de son second mariage avec Marie de Beaujeu, il eut trois enfants : Guillaume, son successeur; Marie, qui épousa Aymar de Maumont, seigneur de Tonnay-Boutonne; Aliénor, successivement abbesse de Bonneval-de-Thouars et de Fontevrault.

Quelques mois avant sa mort, il contracta une troisième union avec Jeanne Maingot de Surgères.

 

 

 

 

 

 

 

La Gâtine historique et monumentale par M. Bélisaire Ledain,... ; ouvrage accompagné d'eaux fortes... dessinés... et gravés par M. E. Sadoux

Histoire de la ville, commune et sénéchaussée de Saint-Jean-d'Angély / par Eugène Réveillaud.

Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la chancellerie de France. 1 / publiés par Paul Guérin,...

La Gazette des bains de mer de Royan-sur-l'Océan

Paysages et monuments du Poitou / photographiés par Jules Robuchon.

 

 

 

 

Les Sires de Parthenay et la Gâtine pendant la première période de la Guerre de cent ans (Time Travel) <==.... ....==> ==> GUILLAUME VII LARCHEVÊQUE. seigneur de Parthenay (1358-1401).

Histoire du Poitou: LE POITOU PENDANT LA GUERRE DE CENT ANS (1340-1453).  <==

 

 


 

(1). Dom Fonteneau, t. XXXVII, p. 61.

(2). Notice sur les L'Arch., par M. Marchegay.

 (3). Recueil des rangs des grands de France, p. 379, par du Tillet. — Recueil des guerres et traités, par du Tillet, p. 48 r° et 57 v°, éd. 1538.

(4). Arch. du château de Chapelle-Bertrand.

(5). Archives municipales de Poitiers, E. 6, liasse 12. — Manuscrits du château d'Auxance communiqués par M. Lecointre-Dupont.

(6). Dom Fonteneau, t. XXXVIII, p. 96, 2e partie.

(7). Chron. de Froissart, édition de M. Siméon Luce, t. III. XXIV, note.

(8). Dom Fonteneau, t. XXXVIII, 2e partie, p. 98.

(9). Chrono de Froissart, éd. de M. Luce, t. III, p. 113. M. Luce démontre que Froissart a confondu Angoulême avec Agen et Saint-Jean-d'Angely avec Antenis ou Thonis, qui n'est autre que Tonneins.

(10). Dom Fonteneau, t. XXXVIII, 2e partie, p. 101.

(11). Fonds français, 9501 (anc. 1226), Extraits des montres, revues, etc., par Ducange, f° 170. Ce document m'a été signalé et communiqué par M. le comte de la Boutetière.

(12). Chron. de Froissart, t. IV, p. VII, 11-16 et variantes.

(13). Arch. des Deux-Sèvres.

(14). Arch. nation., 0. 19704.

(15). Arch. des Deux-Sèvres.

(16). Chron. de Froissart, t. IV, passim, notes et rectifications d'après des pièces originales par l'éditeur M. Luce. — 2. Affiches du Poitou.

(17) Affiche du Poitou

(18). Charles d'Espagne, comte d'Angoulême (don Carlos de la Cerda), favori du roi qui l'avait nommé « connétable de France » et lui avait donné, en Aunis, les châteaux de Benon et de Frontenay-l'Abattu.

 Froissart, éd. Luce, t. IV, u, 219, 223, et notes, p. VII. — Chronique normande du XIVe siècle, éd. Molinier, 69, 100. 268^ 269. — Arch. hist. du Poitou, XIII, introd., par Guérin, et. passim; XVII, introd. xxm.

(19) Arch. hist. du Poitou, XVII, introd. XXIII.

(20). Avril 1323 Vidimus et confirmation des lettres d'Hugues de la Celle, commissaire du roi, données au mois de décembre 1325, et portant assignation à Guillaume de Maumont de certains revenus en compensation de la terre qu'il avait cédée à Philippe, comte de Poitiers « Taunay Boutonne et in terra Sancti Laurencii, que quondam fuit domini Guillelmi de Mastacio, militis, et in aliis locis dicto domino Guillelmo de Malomonte acomodis et prefato domino regi minus dampnosis;……. castrum et terram de Fourras cum suis pertinenciis pro quater viginti libris rendualibus »

La terre et seigneurie de Tonnay-Boutonne resta dans la maison de Maumont jusqu'au milieu du xv siècle au moins, et les descendants de Guillaume en portèrent le titre.

Aymar, seigneur de Tonnay-Boutonne, épousa Marie, fille de Jean Larchevêque de Parthenay.

(21). Titres scellés de Clérembault, t. V, nos 120, 121. (Bibl. nat.).

(22). Dict. des familles de l'anc. Poit., t. II, p. 188.

(23). Archives du château de Chapelle-Bertrand.

(24). Dom Fonteneau, t. XXXVIII, p. 254.

(25). Arch. de la Vienne, abbaye de Fontaine-le-Comte, prieuré du Bois-de-Secondigny. — Hist. des Chasteigners, par Duchêne.

(26). Titres scellés de Clérembault t. V, n° 116. (Bibl. nat.)

(27). Idem, t. V, n° 125.

(28). Chron. de Froissart.

(29). Annales d'Aquitaine, par Bouchet. — Dict. des fam. de l'anc. Poit., t. II, Liniers.

(30). Dict. des fam. de l'anc. Poit., t. II, p. 243, 244. — Froissart, éd. Kervyn de Lettenhove, t. V, notes, p. 527.

(31). Chron. de Froissart.

— Vies des grands capitaines français du moyen âge, par Alex. Mazas, t. III, p. 439. — Joseph Aubert rapporte aussi que le seigneur de Parthenay fut pris à la bataille de Poitiers en combattant près du roi.

(32). Arch. nation., O. 19704.

(33). Arch. de la Vienne, abb. de Fontenay-le-Comte, prieuré du Bois-de-Secondigny.

(34). Pouillé du diocèse de Poitiers, 1782. — Pouillé du dioc. de Poit., par Beauchet-Filleau.

 (35). Arch. du château de la Bretonnière de Chalandray, aveu de Châteauneuf de l'an 1400 environ,

(36). Arch. nation., O. 19703

(37). Lettre de F. Des Landes, gardien des Cordeliers de Parthenay, du commencement du XVI siècle, à Mme de Soubise. « Primâ die Maii obiit dominus Johannes Archiepiscopus dominus de Partiniaco. »