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PHystorique- Les Portes du Temps
28 février 2024

ARMOIRIES DES DUCS D'AQUITAINE ET DES COMTES DE POITOU (1190-1453).

BLASON DES ROIS D'ANGLETERRE

Etude historique de Sigillographie héraldique

 A PROPOS DE CARREAUX DE FAÏENCE VERNISSÉE, DU XIIIe Siècle, provenant de l’abbaye des Châteliers

 

A la fin du IXe siècle, l'Aquitaine se composait des 'fiefs de Gascogne, d'Armagnac, de Fezensac, du Périgord, du Poitou, du Comté d'Angoulême et de la Marche.

 En 1137, le mariage d'Eléonore, fille de Guillaume X, dernier duc de Guienne, et comte de Poitiers, avec Louis VII, réunit pour un instant l'Aquitaine à la Couronne de France.

Mais, après le divorce de ce prince (1152), Eléonore épousa Henri II Plantagenet, depuis roi .d'Angleterre, et par- là, l'Aquitaine ou Guienne passa entre les mains des rois anglais. Philippe-Auguste la reprit en 1204, par confiscation sur Jean-sans-Terre; mais Saint Louis crut devoir la restituer, et la remit en 1259 au roi d'Angleterre Henri III (1), à l'exception du Poitou qui devint l'apanage de son frère Alphonse. Ce prince étant mort sans enfants, son héritage revint à la couronne sous Philippe-le-Hardi.

Quant à la Guienne, elle fut définitivement réunie, à la France sous Charles VII, en 1453.

C'est à partir de 1190 environ, qu'à l'exemple du roi de France, les grands barons et les hauts justiciers, adoptèrent pour leurs sceaux, des symboles qui devinrent des armoiries héréditaires.

Le sceau d'Aliénor d'Aquitaine, employé en ce temps, n'indique nullement quelles pouvaient être les armoiries des ducs d'Aquitaine à la fin du XIIe siècle et au commencement du XIIIe.

D’après ces données, et à partir de cette époque :

  Quels furent les armoiries et insignes héraldiques des bannières des sceaux d'Aquitaine, sous les ducs nationaux et les rois anglais ?'

2° Quelles furent plus spécialement, les anciennes armoiries du Poitou ?

 

Il est certain que les armoiries n'existaient pas, alors que régnaient sur nos contrées, les descendants mâles d'Ebles Manzer, les Guillaume, nommés ainsi do père en fils, nous apprend Mathieu Paris,-quod proprium et nomem ducisus Aquitanorum, –glorieuse lignée qui, née avec Guillaume-Tête-d'Etoupes, le fils de la pieuse et savante Adèle de Normandie, s'éteignit dans l'unique enfant de Guillaume X, la « bonne comtesse Aliénor comme aimaient à la qualifier ses fidèles Poitevins. Par son mariage avec Louis VII, elle avait apporté à la couronne de France, pour un temps et jusqu'à son divorce, le duché d'Aquitaine et son plus beau fleuron, le comté de Poitou.

Les meilleurs auteurs qui ont écrit sur la science héraldique, M. Anatole de Barthélémy, entr'autres, font dater les armoiries, du règne de Louis-le-Jeune, lors du sacre de son fils plus tard Philippe-Auguste voulut orner de fleurs de lis d'or, symbole de vénération envers la Vierge, la dalmatique et les bottines de soie azurée dont le royal enfant était revêtu; dès lors, le semis fleurdelisé fut l'Insigne héraldique de la France et couvrit les plis de l'étendard royal, Vexillum floribus liliorum distinctum, notait Rigord qui écrivait en 1190.

 A l'exemple du roi, les grands barons et les hauts justiciers, adoptèrent pour leurs sceaux des symboles qui devinrent les armoiries féodales.

Or, c'est vers ce temps que notre Aliénor timbra les chartes qu'elle octroyait, d'un sceau qui nous est connu par un dessin conservé à la bibliothèque de Poitiers. Dans un cadre ovalaire de 6 centimètres sur 4, le sceau d’Aliénor d’Aquitaine représente un personnage (une femme), la tête ornée de la couronne ducale fleuronnée, portant d'une main une colombe et tenant de l'autre la tige fleurie d'un lis (2).

 Quant au « léopard sur fond de gueules, qui symbolise les armes de la Guyenne et qui figure sur celles de la ville de Bordeaux », peut-il y avoir un lien entre cette figure héraldique et la restauration dont le tombeau de Guillaume VI (comme comte de Poitiers), ou Guillaume VIII (comme duc d'Aquitaine), fut l'objet, à la fin du XVIIe siècle?

 Voici d'ailleurs le fait relatif à cet événement architectural :

Mort au château de Chizé (Deux-Sèvres), en 1086, nôtre comte avait été inhumé selon ses intentions, en l'abbaye de Montierneuf qu'il avait fondée à Poitiers vers l'année 1078.

Le mausolée, que décoraient uniquement quelques vers latins composés par le chroniqueur du couvent, le moine Martin, disparut, paraît-il, en 1643, sous l'effondrement de la voûte de l'église.

A sa place, on érigea un monument sur lequel le duc d'Aquitaine fut représenté gisant et les pieds appuyés sur un léopard.

La révolution le fit disparaître; mais, en 1822, la sépulture fut retrouvée et mise au jour. Dans le sarcophage où il reposait depuis huit siècles, le noble sire apparut, recouvert de la cucule des moines de Cluny; au-dessus des mains, jointes sur la poitrine, « on remarquait une plaque en broderies de diverses couleurs, qui représentait une croix ancrée, de forme grecque, accostée d'une autre, plus petite, à croisillons égaux (3) ».

 Si l'on voulait reconnaître dans ces-broderies, des insignes héraldiques, (dont l'usage ne se répandit que cent ans plus tard), ce serait là, en somme, le primitif blason des premiers ducs d'Aquitaine. Mais comme la tradition n'en a pas été conservée et monumentée par les sceaux, il nous est impossible de nous prononcer affirmativement à cet égard.

Il n'en est pas de même de la représentation du léopard servant, pour ainsi dire, de support à l'image de Guillaume VI. Elle nous paraît avoir été l'origine des armes de Guyenne, qui figurent sur celles de Bordeaux, et aussi sur celles des rois d'Angleterre, postérieurement au mariage de Henri II Plantagenet.

Au moyen âge et surtout à partir du commencement du XIIe siècle, lorsqu'un cadet de la haute féodalité s'alliait à l'héritière unique d'un grand fief, il était d'usage qu'il prît le nom et les armes de sa femme pour les transmettre à sa postérité. A cet égard, nous citerons comme exemples, deux des enfants de Louis VI, roi de France, qui, par leurs alliances avec les héritières des maisons de Dreux et de Courtenay, furent les tiges illustres des comtes de Dreux et des princes de Courtenay.

A l'époque de Henri II, les rois d'Angleterre, de même que les rois de France, ne portaient point d'insignes héraldiques sur leurs sceaux, et ce n'est qu'à partir de Henri III que nous retrouvons l'écu aux trois léopards, qui devint alors le véritable blason de leur dynastie.

 Par application de la coutume reçue, par chevaleresque galanterie, dans le but d'affirmer leurs droits acquis sur les grandes provinces d'Aquitaine et de Normandie détachées de la couronne de France, les rois anglais, comme descendants d'Aliénor, prirent et conservèrent pour insignes de leur étendard national, le léopard de notre grand duc d'Aquitaine, Guillaume X.

En sorte que, c'est un souvenir de France et de nos gloires passées, que nous voyons encore briller sur le drapeau anglais.

Seulement, le léopard courageux de Guillaume VI, y a triplé sa signification de volonté et d'ambition belliqueuse et conquérante.

Rappelons ici que le roi Edouard Ier avait épousé en 1254 Eléonore de Castille, et qu'un sceau de cette dernière est ainsi décrit par Douet d'Arcq (n° 10018) « Sous un chapiteau, la reine debout, vue de face, couronnée, en robe et manteau vairé, tient à la main un sceptre fleuronné,' la main gauche à l'attache de son manteau. Elle est accompagnée, à dextre d'un château et d'un lion, à senestre d'un lion et d'un château, ce qui équivaut à un écartelé de Castille et de Léon. Sous le piédouche sur lequel elle pose: un léopard (4). »

 Jusqu'en 1453, époque de la réunion définitive de l'Aquitaine à la France, les armoiries de cette province furent celles de sa suzeraine l'Angleterre : De gueules à 3 léopards d’or.

 

II

Louvan-Géliot, dans sa Vraie et parfaite science des armoiries, M. DC. LX, p. 60, nous apprend que les anciens comtes de Poitou, issus des ducs de Bourgogne, portaient : «D’or à trois bandes d’azur, et en cœur un écusson échiqueté de gueules et d’or, les points de gueules chargés de chasteaux d’or. »

Par Guillaume V le Grand, comte de Poitiers, duc de Guienne en 990, époux vers 1018, d'Agnès de Bourgogne, fille d'Otte-Guillaume, et par Guillaume VIII, son fils, successeur de ses frères Guillaume VI et Guillaume VII, comme duc de Guienne et comte de Poitou on 1058, époux vers 1068, d'Hildegarde de Bourgogne, fille de Robert 1er, duc de Bourgogne, –Guillaume IX, comte de Poitiers et duc de Guienne, fils de Guillaume VIII, Guillaume X, son petit-fils, et Eléonore de Guienne, fille de ce dernier, descendaient bien, comme le dit Géliot, des anciens ducs de Bourgogne (5).

 Ce point fixé, il nous semble donc possible de pouvoir attribuer légitimement les armes ci-dessus aux successeurs d'Ebles-le-Grand (comme comtes de Poitiers et ducs d'Aquitaine), tout au moins après 1190.

 Bien qu'à partir de 1204 la Guienne fut revenue à la France, nous constatons qu'en 1227, Richard, frère du roi d'Angleterre Henri III, s'intitulait comte de Poitou (par prétention), et que le revers de son sceau, appendu à des trêves avec la France, portait un Ecu au lion rampant couronné et à la bordure besantée (6).

En 1259, Saint Louis ayant restitué la Guienne à l'Angleterre a l'exception du Poitou qui demeura province française, le contre-sceau d'Alphonse, comte de Poitiers, frère de Saint Louis (7) porte un écu parti d’un semé de France et d’un semé de châteaux de Castille, 1249.

En ce qui concerne spécialement les armoiries du Poitou, dont nous venons d'indiquer les principaux types conservés par la sigillographie, elles ont été, pour ainsi dire, synthétisées dans le blason dont Louvan-Géliot nous a transmis les termes. Nous y retrouvons en effet le rappel héraldique des fastes de notre vieille province.

Dans l'échiqueté domanial de gueules et d’or, les points de gueules chargés de château d’or,  (sans les léopards infidèles passés à l'étranger), sont réunies les vieilles couleurs poitevines que l'on voyait briller sur l'étendard des Guillaume, et plus tard, sur celui des Plantagenet.

 Les Châteaux d’or  rappellent peut-être, par un pieux et chevaleresque souvenir, la gente dame Eléonore de Castille, duchesse d'Aquitaine, épouse d'Edouard d'Angleterre, ainsi que la grande reine Blanche de Castille, mère de Saint Louis et d'Alphonse, comte de Poitiers.

 L'écu d’or à 3 bandes d’azur constate la descendance des premiers comtes du Poitou de l'illustre maison princière de Bourgogne.

Il résulte de ce qui précède, qu'à partir de la dernière moitié du XIIIe siècle, on ne voit plus figurer les trois léopards étrangers dans les armoiries du comté de Poitou, délivré du joug anglais (sauf pendant la période qui s'étend de 1356 à 1369), et ils sont remplacés par les Châteaux d’or, qui ne rappellent plus que des souvenirs de galant hommage aux deux reines d'Angleterre et de France, dont les descendants furent les souverains du pays (9).

A l'enterrement de S. M. Henri IV, tous les hérauts des provinces de France avaient leurs robes de deuil avec les cottes d'armes ou tabards aux couleurs et armes de leur pays, par, dessus, le chaperon sur l'épaule, la toque de velours noir et leurs sceptres à là main seule, la couleur des cottes différait.

Dans le nombre des 22 provinces représentées, et en suivant l'ordre de préséance, venait au septième rang, le Comté de Poitou, cotte de velours cramoisi brodée aux armes : «de gueules à cinq tours d’or maçonnées de sable en sautoir », véritables et seules armoiries poitevines de l’époque (10).

 

 

Parmi les carreaux de faïence vernissée, mis au jour dans des fouilles exécutées en 1889 à l'ancienne abbaye des Châteliers (Deux-Sèvres), sous la direction de Mgr Barbier de Montault, (et dont quelques spécimens nous ont été présentés par M. Bouneault à la réunion de notre Société du 8 février dernier), nous en avons remarqué deux qui nous ont particulièrement intéressés.

Ils portent chacun un écusson triangulaire à bords latéraux légèrement incurvés. Sur le premier, sont figurées les armes des Plantagenet : de gueules à 3 léopards d’or, - possesseurs du Poitou et.de la Guienne par le mariage d'Eléonore avec Henri II roi d'Angleterre. Le second : de gueules chargé de châteaux à l’antique d’or, reproduit le blason d'Eléonore de Castille, femme en 1254 d'Edouard 1er d'Angleterre, morte en 1290.

Ces faits, sous réserve des observations et restrictions. qui précèdent, (notamment au point de vue de l'origine du blason poitevin), nous permettent de comprendre et établir, entre les deux dates, de 1254 et 1290, la confection et la mise en place des curieux carreaux de la dernière moitié du XIIIe siècle, que nous devons, sans doute, au zèle religieux des royaux fondateurs et protecteurs de l'abbaye des Châteliers, ou à une pensée de flatteur hommage à leur suzeraineté sur notre pays.

C. DE SAINT-MARC.

 

 

==> Ducs d' Aquitaine et Comtes de Poitou et plus

 

 

(1) A cette époque, elle avait perdu son nom pour prendre celui de Guienne, dont il paraît n'être qu'une, corruption.

L'Aquitaine ou Guyenne, fut réunie à la France en 1453, et le Poitou en 1369.

(2). Au t. III de l'ouvrage de DOUET D'ARCQ, n° 10006, p. 263, se trouve la description d'un sceau d'Eléonore appendu à une charte par laquelle, Alienor dei gratia regina Anglie, ducissa Normannie et Aquitanie, comitissa Andegavensis, donne à André de Chauvigny, le fief de Sainte-Sévère. Au Vandreuil, l'an 1199.

« Ce n'est qu'un faible fragment ou l'on voit la même représentation sur la face et sur le revers, la reine debout, vue de face, tenant une fleur de lis à la main droite, et à la gauche, un globe crucifère, surmonté d'un oiseau. » Il ne reste plus que les lettres N 0, à la légende de la face, et N D, à la légende du revers.

 

 (3). V. L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, XLII, 22 oct. 1900, n° 903, p. 674, et XLII, 7 nov. 1900, n° 905, pp. 797 et 798.

(4). D'après LOUVAN-GELIOT, les armes de Castille, sont : De gueules, au château sommé de trois-tours d'or.

(5). Guillaume V (III, comme comte de Poitiers), Guillaume VIII, (VI, comme comte de Poitiers), Guillaume IX (VII, comme comte de Poitiers), Guillaume X (VIII, comme, comte de Poitiers).

(6). Coll des sceaux de DOUET D'ARCQ, t. III, p. 293, col. 2. D'autre part, au t. 1 du même ouvrage, nous relevons les mentions ci-après 1° n° 1077. p. 437, col. 1 : contre-sceau de la Sénéchaussée du Poitou : Ecu parti d'un semé de France et d'un semé de châteaux de Castille……, 1249. 2° n° 4476, p. 218, col. 1 : contre-sceau de la Sénéchaussée de Poitou : Ecu fleurdelisé de 6 fleurs de lis, 3, 2 et 1, dans une porte de ville.

(7). DOUET D'ARCQ, 1077, p. 437, col. 2.

(8). DOUET D'ARCQ, n° 4676, t. II, p. 218, col. 1.

(9). Alphonse, frère de Saint Louis, étant mort sans enfants, son apanage revint, à la couronne sous Philippe-le-Hardi. Les Anglais redevinrent maîtres du Poitou, après la bataille de Poitiers (1356), et le traite de Bretigny le leur concéda en toute souveraineté (1360). Charles V le recouvra en 1369.

(10). FAVYN : Le théâtre d'honneur et de chevallerie. REVUE HÉRALDIQUE, HISTORIQUE ET NOBILIAIRE. T. XX, n° 4, 25 avril 1905, pp. 202 à 204. Héraut, Rois d'armes, par le baron du Roure de Paulin.

 

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