Carte France Féodale
HISTOIRE DE POITOU (Introduction)
Dépassée seulement en étendue par la Bretagne, la Normandie et la Champagne, atteignant à peu près la superficie de la Provence, de l'Orléanais et de l'Ile-de-France, la région poitevine représente une surface à peine inférieure d'un tiers aux royaumes actuels de Belgique ou des Pays-Bas.
Les trois départements de la Vendée, des Deux-Sèvres et de la Vienne, avec leurs 20.000 kil. carrés, ne contiennent que les trois quarts de l'ancien Poitou, qui a été amputé successivement, au IXe, au Xe et à la fin du XVIIIe siècle, d'une partie de son territoire.
La province ne présente pas, il est vrai, d'unité dans la composition du sol. Elle est formée de quatre zones inégales, l'une restreinte, bordure granitique du massif central, la seconde très étendue occupant les deux tiers de sa superficie, constituée par des terrains calcaires, les uns infertiles, les autres fertiles, la troisième, Gâtine et Bocage, fragment détaché du massif ancien armoricain, la quatrième enfin, plus récente, lisière de marais, de plaines alluviales et de cordons sablonneux le long de l'Océan. De là, une certaine diversité dans les pays dont la province se constitua, et des contrastes entre les populations qui les habitèrent. Mais, cette variété même a aidé à la formation d'un véritable centre historique.
Les deux zones pastorales et forestières du Poitou oriental d'un côté, du Poitou occidental, Gâtine et Bocage de l'autre, se trouvèrent solidaires de celle du Poitou calcaire, propre à la culture des céréales, de la vigne, des arbres fruitiers, des plantes industrielles, infiniment plus fertile et où la terre, « douce comme la soie », se prête merveilleusement au travail de l'homme.
Pasteurs, forestiers, laboureurs et vignerons du Haut et du Bas-Poitou furent de bonne heure amenés à nouer des relations avec les éleveurs de moutons, les pécheurs et les sauniers du Marais et du littoral. Ainsi se créa une individualité géographique et historique, la région poitevine.
La douceur d'un climat tempéré par la chute des pluies océaniques et par la prédominance des vents d'Ouest, le voisinage de la mer, dont les eaux semblaient venir autrefois par le golfe du Poitou à la rencontre de la terre, la multiplicité des voies naturelles, fluviales et terrestres, tous ces avantages ont contribué à faire de bonne heure de cette région un centre d'attraction pour les hommes.
La fortune historique du Poitou est toutefois venue surtout de la place qu'il occupe dans l'ensemble du sol français. Au cœur de la province, s'ouvre ce long seuil calcaire, large de 70 à 80 kilomètres, ancien détroit qui unissait les mers du bassin parisien à celles du bassin aquitanique, et qui, après qu'elles se sont retirées, est devenu l'une des grandes routes de l'Europe occidentale. Là, comme un large fleuve aux eaux permanentes, depuis des milliers d'années, ont passé les multitudes humaines et les produits qu'elles transportent, Le Nord et le Midi s'y sont rencontrés; l'Occident européen et français y est entré en contact avec les nationalités aquitaniques et ibériques. Hommes des âges préhistoriques, Celtes, Romains, Arabes, Normands, Anglo-Aquitains et Français du Nord, catholiques et protestants, s'en sont disputé la possession.
Races et langues sont venues y prendre contact, comme aux grands passages des Alpes.
Cette situation privilégiée a valu au Poitou d'occuper un rang éminent dans l'histoire de la civilisation et de se trouver mêlé aux grands événements de cette histoire.
C'est ainsi que la nature a voué en quelque sorte la région poitevine aux destinées diverses par lesquelles elle devait passer. Véritable «marche » entre le Nord et le Midi, entre l'Ouest et le Centre, terre de passage où se sont heurtés tant de flots humains, le Poitou est « la bataille », le champ clos où s'est décidé à cinq reprises le sort même de la France, d'abord à l'époque franque, puis au moment de l'invasion arabe, ensuite pendant le conflit anglo-français, et enfin, après l'âpre mêlée calviniste et catholique, aux temps révolutionnaires qui déchaînèrent la guerre de « géants « de la Vendée.
Au milieu de ces variations surprenantes, une population s'est constituée, formée d'éléments complexes, mais qui a gardé longtemps sa physionomie originale et qui en conserve quelques traits. Assemblage de génies en apparence contradictoires, « véritable Mélusine », comme l'a appelée Michelet, la race poitevine a étonné par ses contrastes.
La vie sur ce sol a été à la fois facile et malaisée. La majeure part de la région s'est prêtée aux établissements humains par sa fertilité, sans exiger d'efforts de ceux qui s'y fixèrent. Mais au contraire, le Marais, le littoral, la Gâtine et le Bocage à l'Ouest, les brandes et les landes de l'Est ont exigé de leurs habitants la mise en œuvre de patientes énergies. D'ailleurs, l'existence des uns et des autres a passé par des alternatives de paix et de prospérité, de troubles et de misères, consécutives aux grands chocs des peuples. De là, dans le caractère comme dans l'existence historique du Poitou, des oppositions tranchées.
Bien avant Michelet, les chroniqueurs du XIIe et du XIIIe siècle avaient remarqué ce « génie mixte et contradictoire » d'une province, où « tout parait commencer, où rien ne s'achève », véritable « Janus », pays à deux visages, l'un tourné au nord, l'autre au sud, qui avant de se fondre dans l'unité française, et même après s'y être confondu, étonne par les soubresauts déconcertants où il a paru se complaire. Il a hésité en effet entre les dominations et les civilisations opposées, entre la Gaule et Rome, entre le paganisme et le christianisme, entre les Visigoths et les Francs, entre les Capétiens et les Plantagenets, entre Rome et Genève, entre la Révolution et l'ancien régime, fournissant aux diverses causes des champions et des adversaires. Les vicissitudes de son histoire, ces guerres sans fin, ces luttes ardentes, suivies de longues périodes de paix et de calme, où le Poitou paraît comme assoupi et reposé après la fièvre, ces torpeurs suivies de réaction, trouvent leur explication partielle dans les traits permanents de la nature physique et dans la situation d'une province qui a ainsi payé en quelque sorte la rançon de ses privilèges.
La discontinuité dans l'effort, l'apparence de la versatilité, de lourdes chutes après des envolées pleines d'espérances, de profondes décadences succédant à des périodes de grandeur, tel est l'aspect que présente l'histoire de la nationalité poitevine. Elle laisse l'impression de l'inachevé. L'apathie, la somnolence, la passivité y font souvent suite aux manifestations d'énergie, d'activité et de vitalité. Aux époques où il n'est pas aiguillonné par la nécessité ou réveillé par la souffrance, le génie poitevin s'abandonne volontiers à la douceur du bien-être. Mais les Poitevins, si sensibles aux bienfaits de la paix, de la discipline, de l'autorité, se sont révoltés toujours contre les abus de la force, contre les excès de l'arbitraire, contre les atteintes portées à leurs traditions séculaires.
De là, le fond permanent de l'esprit d'indépendance qui persiste sous les apparences de la soumission, et ces accès d'individualisme qui se manifestent brusquement, quand on méconnaît leur caractère.
De là, chez eux, même quand ils semblent abdiquer devant les nationalités où les dominations victorieuses, la persistance de ferments d'opposition.
Obligés par leur situation, au point de contact d'Etats rivaux ou de civilisations ennemies, de comparer et de juger les forces, les intérêts, les partis en présence, les Poitevins ont dû évoluer dans des directions bien différentes et hésiter longtemps avant de choisir les maîtres dont ils attendaient le meilleur gouvernement. Ils passèrent pour versatiles et peu sûrs, parce qu'ils exerçaient leur faculté de discernement et qu'ils prenaient leurs intérêts pour guides de leurs actes.
Mais, au cours de leur histoire si changeante, marquée par tant d'événements dramatiques, ils acquirent cette sûreté et cette pénétration de jugement, ce sens pratique, cette finesse, cette lucidité et cette précision d'intelligence, cette gravité parfois un peu lourde, cette volonté réfléchie et persévérante qui les ont de bonne heure caractérisés. Ainsi a été trempé au creuset des événements le génie d'une race, dont l'apport a été capital dans la formation de notre passé historique.
P. Boissonnade
Carte des Gaules lorsque Clovis vint y jetter les Fondements de la Monarchie Française <==.... ....==> État du royaume de France en 1429, la Porte de France Vaucouleurs
==> RECHERCHES SUR LES SITES DE CHATEAUX ET DE LIEUX FORTIFIÉS EN HAUT-POITOU AU MOYEN AGE
==> Histoire du Poitou: LE POITOU PENDANT LA GUERRE DE CENT ANS (1340-1453).
Que voulait dire être Français au Moyen-Âge ?