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PHystorique- Les Portes du Temps
22 février 2024

L'an de grace 1456 Palais archiépiscopal de Rouen : Chefs d'accusation portés contre Jeanne d'Arc

Jeanne d’Arc, du Procès de réhabilitation en 1456 au centenaire de sa canonisation

 

La fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme célèbre la vie et les campagnes militaires de Jeanne D'Arc. Jeanne D'Arc, la Pucelle d'Orléans, est considérée une héroïne française pour son rôle dans la Guerre de Cent Ans. Ses visions ont aidé au Roi Charles VII à gagner sa couronne et à vaincre les Anglais.

La fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme est célébrée le deuxième dimanche du mois de mai. La date coïncide bien avec le 8 mai, le jour d'anniversaire de la libération d'Orléans par l'armée française en 1429, sous le commandement de Jeanne D'Arc. La journée est célébrée depuis 1921.

En 1456 Procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc

Tractatus super materia processus : telle est l’expression par laquelle l’Instrumentum du procès en nullité de la condamnation de Jeanne d’Arc désigne les mémoires relatifs au procès de condamnation, qui furent produits et présentés dans le cadre de la procédure de révision destinée à aboutir à la sentence de réhabilitation de la Pucelle du 7 juillet 1456

Les trois commissaires désignés par le Pape, pour réviser le procès de Jeanne d'Arc étaient : Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims et maître d’œuvre du second procès de Jeanne d’Arc ; Guillaume Chartier, Evêque de Paris, et Olivier de Longueil, Evoque de Coutances, qui s'adjoignirent Jean Bréal, inquisiteur de la Foi.

Ils prononcèrent solennellement leur Jugement de réhabilitation, déclarant que les Jugement et sentence rendus contre Jeanne « ont été, sont et seront nuls, invalides, sans valeur, sans autorité... etc., etc.. »

Bossuet dans son Analyse de l'Histoire de France, à l'usage du Dauphin, affirme que le Pape Calixte III a confirmé personnellement la sentence, rendue à Rouen, en 1456, par ses trois délégués et leur assesseur.

 

Chefs d'accusation portés contre Jeanne d'Arc, et sur lesquels l’Université de Paris fut consultée par le tribunal de Rouen.

ARTICLE PREMIER.

Une certaine femme dit et affirme, qu'étant âgée de treize ans ou environ, elle a vu de ses yeux corporels saint Michel qui venoit la consoler, et quelquefois aussi saint Gabriel , qui lui apparoissoit sous une figure corporelle ; d'autres fois encore une grande multitude d'anges, et que dès-lors les saintes Catherine et Marguerite se sont fait voir à elle corporellement; qu'elle les voit même tous les jours, et a entendu leur voix ; que quelquefois elle les a embrassées et baisées en touchant leur corps.

Elle a vu aussi les têtes des anges et des deux saintes ; mais elle n'a rien voulu dire des autres parties de leurs corps ni de leurs vêtemens.

Ces deux saintes lui ont parlé quelquefois auprès d'une fontaine située près d'un grand arbre, appelé communément l’Arbre des Fées, dont on dit que les fées le fréquentent, et qu'on y vient pour recouvrer la santé, quoique le tout soit situé dans un lieu profane , et que plusieurs fois, dans ce lieu et dans d'autres endroits, elle les a vénérées et leur a fait la révérence.

Elle dit encore que ces deux saintes lui apparoissent, et se montrent à elle, depuis cette époque, avec des couronnes très-belles et très-précieuses, et même que plusieurs fois elles lui ont dit, par l'ordre de Dieu , qu'il falloit qu'elle allat trouver un certain prince séculier, et lui promettre que, par son secours et ses travaux, il recouvreroit par la force des armes un grand domaine temporel et un grand honneur mondain ; qu'il remporteroit la victoire sur ses ennemis ; qu'il la recevroit à son service, et lui donneroit des armes avec un corps d'armée pour exécuter ses promesses.

De plus, etc. (rapporté à l'article 5.) Elle ajoute que ces deux saintes l'ont approuvée, lorsqu'à l'insçu, et contre la volonté de ses père et mère, elle est sortie, à l'âge de dix-sept ans ou environ de la maison paternelle; et, s'étant associée à une multitude de gens d'armes, elle a passé les jours et les nuits avec eux, sans avoir jamais, ou n'ayant que rarement, d'autre femme avec elle.

Ces saintes lui ont dit et ordonné beaucoup d'autres choses, à raison de quoi elle se dit envoyée par le Dieu du ciel, et par l'Eglise victorieuse des saints qui jouissent déjà de la béatitude.

ARTICLE 2.

Cette même femme dit encore que le signe par lequel le prince auquel elle étoit envoyée s'est déterminé à croire à ses révélations et à la recevoir pour faire la guerre , consiste en ce que saint Michel, accompagné d'une multitude d'anges, dont les uns avoient des ailes, les autres des couronnes, parmi lesquels se trouvoient les saintes Catherine et Marguerite, et vint trouver ce prince ; cet ange et ces saintes marchoient pendant un long espace à terre, dans les chemins, sur les degrés et dans sa chambre, avec les autres anges; l'un de ces anges donna à ce prince une couronne très-précieuse d'or pur , et s'inclina en lui faisant la révérence.

Cette femme a dit une fois qu'elle croit que ce prince étoit seul lorsqu'il reçut ce signe, quoiqu'il y eût du monde assez proche de lui; et une autre fois, qu'un archevêque reçut le signe, qui étoit une couronne, et la remit au prince, en présence et à la vue de plusieurs seigneurs temporels.

ARTICLE 3.

Cette femme connoît, et est certaine que celui qui la visite est saint Michel, à cause des bons conseils, des secours qu'il lui a donnés, et de la bonne doctrine qu'il lui a apprise, et parce qu'il s'est nommé lui-même, en lui disant qu'il étoit saint Michel.

Elle distingue pareillement les deux saintes l'une d'avec l'autre, parce quelles se nomment à elle en la saluant ; c'est pourquoi elle croit qu'il est saint Michel, et elle croit que les discours et actions dudit saint Michel sont choses vraies et bonnes, aussi fermement qu'elle croit que notre Seigneur Jésus-Christ a souffert et est mort pour notre rédemption.

ARTICLE 4.

Elle dit encore qu'elle est certaine que plusieurs faits qui sont dans le futur contingent arriveront, et elle se vante d'avoir eu connoissance, par les révélations qui lui ont été faites par les deux saintes, de certains faits cachés; par exemple, quelle sera délivrée de prison j et que les Français feront en sa compagnie le plus beau fait qui ait jamais été fait dans toute la chrétienté, et encore qu'elle a reconnu, par révélation des personnes qu'elle n'avoit jamais vues, et qu'elle a révélé et fait trouver une certaine épée qui étoit dans la terre.

ARTICLE 5. (D'abord de l'article premier. )

Elle ajoute que ces deux saintes lui ont commandé, de l'ordre de Dieu, de prendre et de porter l'habit d'homme ; qu'elle l'a pris, comme elle fait encore, en obéissant à cet ordre avec tant de persévérance, que tantôt elle dit simplement qu'elle aime mieux mourir que de quitter cet habit, et d'autres fois, à moins que ce ne fût par l'ordre de Dieu ; elle a même mieux aimé ne pas assister à la messe et être privée du sacrement de l'Eucharistie , dans les temps prescrits aux fidèles, que de reprendre l'habit de femme et de déposer l'habit d'homme.

( ARTICLE 5. )

Cette même femme dit et affirme que, par l'ordre et du bon plaisir de Dieu, elle a pris et porté continuellement un habit à l'usage des hommes.

Elle dit de plus que, puisqu'elle avoit ordre de Dieu de porter l'habit d'homme, elle devoit prendre une robe courte, un gippon, des manches et des chausses attachées avec beaucoup d'aiguillettes, avoir les cheveux coupés en rond au-dessus des oreilles, et ne rien garder sur elle qui pût indiquer ou faire reconnoître le sexe féminin , si ce n'est ce que la nature a mis en elle pour la différence de son sexe.

Elle convient d'avoir recu plusieurs fois l'Eucharistie étant ainsi vêtue, et elle n'a jamais voulu, quoique avertie et requise plusieurs fois charitablement, reprendre l'habit de femme, disant tantôt simplement qu'elle aime mieux mourir que de quitter cet habit, et d'autres fois, à moins que ce ne soit de l'ordre de Dieu, et que, si elle étoit en habit d'homme avec ceux en faveur de qui elle s'est armée, et que si elle agissoit ainsi qu'avant sa prise et sa détention, ce seroit un des plus grands biens qui pût arriver à tout le royaume de France, ajoutant que, pour chose au monde , elle ne feroit pas le serment de ne plus porter l'habit d'homme, et de ne plus prendre les armes, et en tout cela, elle dit qu'elle a bien fait, et qu'elle fait bien d'obéir à Dieu et à ses ordres.

ARTICLE 6.

Elle avoue et elle convient encore qu'elle a fait écrire plusieurs lettres dans lesquelles on mettoit ces mots: Jesus Maria, avec une croix; que quelquefois elle y mettoit une autre croix, et que cela signifioit qu'il ne falloit pas exécuter ce qu'elle mandoit dans sa lettre.

Dans d'autres lettres, elle a fait écrire qu'elle feroit tuer ceux qui n'obéiroient pas à ses lettres et à ses ordres, et qu'on la reconnoîtroit aux coups, parce qu'elle avoit le meilleur droit de par le Dieu du ciel ; et elle dit souvent qu'elle n'a rien fait qu'en vertu de révélations et par les ordres de Dieu.

ARTICLE 7.

Elle dit encore et elle avoue, qu'à l'âge de dix-sept ans ou environ, elle est allée, de son gré, et en vertu d'une révélation , trouver un certain écuyer qu'elle n'avoit jamais vu, quittant la maison paternelle contre la volonté de ses père et mère, qui perdirent presque la raison quand ils apprirent son départ ; qu'elle pria cet écuyer de la mener ou de la faire conduire au prince dont on parloit tout-à-l'heure; qu'alors ce capitaine lui donna, sur sa demande un habit d'homme et une épée, et qu'il ordonna un chevalier, un écuyer et quatre valets pour la conduire; qu'étant arrivés auprès du prince dont il a été parlé plus haut, elle lui dit qu'elle vouloit conduire la guerre contre ses adversaires, lui promettant de lui procurer un grand domaine et de vaincre ses ennemis, et qu'elle étoit envoyée pour cela par le Dieu du ciel ; ajoutant qu'en tout cela elle a bien agi, de l'ordre de Dieu et en vertu de révélation.

ARTICLE 8.

Elle dit et avoue encore que d'elle-même, et sans y être forcée et engagée par personne, elle s'est précipitée d'une certaine tour très-élevée, aimant mieux mourir que d'être mise entre les mains de ses adversaires, et que de survivre à la destruction de la ville de Compiègne.

Elle dit encore qu'elle n'a pas pu éviter de se précipiter ainsi, quoique les deux saintes lui aient défendu de se jeter en bas, et quoiqu'elle convienne que c'est un grand péché d'offenser ces deux saintes; mais qu'elle sait bien que ce péché lui a été remis après qu'elle s'en est confessée; et elle dit que cela lui a été révélé.

ARTICLE 9.

(D'abord de l’article premier. )

Les deux saintes lui ont révélé qu'elle sera sauvée dans la gloire des bienheureux, et qu'elle s'assurera le salut de son ame, si elle garde la virginité qu'elle leur a vouée la première fois qu'elle les a vues et entendues ; et, à l'occasion de cette révélation, elle assure qu'elle est aussi certaine de son salut, que si elle étoit réellement et de fait dans le royaume des cieux.

(ARTICLE 9. )

Cette même femme dit que ces deux saintes lui ont promis de la conduire en paradis, si elle conservoi t bien la virginité de son corps et de son ame, qu'elle leur avoit vouée ; elle dit qu'elle en est aussi certaine que si elle étoit déjà dans la gloire des saints; et elle ne croit pas avoir commis de péché mortel, parce que, si elle étoit en état de péché mortel, ces deux saintes, à ce qu'il lui semble, ne viendroient pas la visiter tous les jours, comme elles le font.

ARTICLE 10.

Cette même femme dit et affirme que Dieu aime certaines personnes, qu'elle désigne, qu'elle nomme, et qui sont encore sur la terre, et qu'il les aime plus qu'il ne l'aime elle-même, et qu'elle le sait par la révélation des saintes Catherine et Marguerite, qui lui parlent, non en anglais, mais en français, parce qu'elles ne sont pas pour les Anglais, et dès qu'elle a su que les voix étoient pour le prince dont on a parlé plus haut, elle n'a pas aimé les Bourguignons.

ARTICLE 11.

Elle dit et avoue encore qu'à l'égard de ces voix et des esprits, qu'elle appelle Michel, Gabriel, Catherine et Marguerite , elles les a vénérés plusieurs fois en se découvrant la tête ( caput discoperiendo), en fléchissant les genoux , en baisant la terre sur laquelle ils marchoi-ent, et en leur vouant sa virginité; qu'en les embrassant et en baisant les deux saintes, elle les a touchées corporellement et sensiblement ; qu'elle les a plusieurs fois appelées à elle pour leur demander conseil et secours, quoique souvent elles viennent la visiter sans être appelées ; qu'elle acquiesce et obéit à leurs conseils, et qu'elle y a acquiescé dès le commencement, sans prendre conseil de qui que ce soit, comme de son père et de sa mère, de son curé, de quelque prélat, ou de tout autre ecclésiastique.

Et néanmoins elle croit que les voix des saints et saintes de cette nature lui viennent de Dieu, et par ses ordres, aussi fermement qu'elle croit à la religion chrétienne, et que notre Seigneur Jésus-Christ a souffert la mort pour nous délivrer ; que si un mauvais esprit lui apparoissoit en feignant d'être saint Michel, elle sauroit bien discerner s'il seroît saint Michel, ou non.

Cette même femme dit encore que, de son propre gré, sans qu'on l'y ait portée ou induite, elle a juré à ces deux saintes de ne point révéler le signe de la couronne qui devoit être donnée au prince à qui on l'envoyoit; et enfin elle dit qu'elle ne pourroit le révéler qu'autant qu'elle en auroit la permission.

 

ARTICLE 12.

Cette femme dit et avoue que si l'Eglise voulait qu'elle fît quelque chose de contraire à ce qu'elle dit que Dieu lui a ordonné, elle ne le feroit pas pour chose quelconque, affirmant qu'elle sait bien que ce qui est contenu dans son procès vient de l'ordre de Dieu, et qu'il lui seroit impossible de faire le contraire.

Elle ajoute que sur tout cela elle ne veut point s'en rapporter à la décision de l'Eglise militante, ni à celle d'aucun homme du monde, mais à Dieu seul, notre Seigneur, surtout par rapport aux révélations et aux matières qui en sont l'objet, et à tout ce qu'elle a fait en vertu de ces mêmes révélations ; et elle dit qu'elle n'a point fait cette réponse et les autres en les prenant dans sa propre tête, mais qu'elle les a faites et les a données de l'ordre de ses voix, et en vertu des révélations qui lui ont été faites , quoique les juges et d'autres personnes, qui étoient présentes, lui aient déclaré plusieurs fois l'article de foi : Je crois à l’Eglise, une, sainte et catholique, en lui exposant que tout fidèle vivant est tenu d'obéir et de soumettre ses discours et ses actions à l'Eglise militante, surtout en matière de foi, et qui concerne la doctrine sacrée et les ordonnances ecclésiastiques.

( Et de l'article premier. )

Elle a différé et refusé de se soumettre, elle, ses actions et ses discours, à l'Eglise militante, quoiqu’on l'ait plusieurs fois avertie et requise, disant qu'il lui est impossible de faire le contraire de ce qu'elle a affirmé dans son procès avoir fait de l'ordre de Dieu ; et que, sur ces choses-là, elle ne s'en rapporte à la décision ni au jugement d'aucun homme vivant, mais seulement au jugement de Dieu.

(Extrait des grosses du procès de condamnation. Traduction de M. Lebrun des Charmettes, Hist. de Jeanne d'Arc. )

 

 

Sentence définitive d'absolution et de justification de la Pucelle d'Orléans.

EN l'honneur et révérence de la sainte, sacrée et inséparable Trinité, du Pere, du Fils et du Saint Esprit. Amen.

Nostre saulveur et redempteur Jésus, Dieu et homme; par l'éternelle majesté et providence, institua et ordonna, premièrement saint Pierre et ses apostres, avec leurs successeurs, pour regir et gouverner l'Eglise militante, pour speculer et regarder principalement la vérité, et pour enseigner et remonstrer à tous vrais viateurs (l) les sentiers et chemins de justice et équité, pour raddresser les desvoyez, consoller les desolez, relever et résoudre les opprimez et réduire à la droite voye.

A ces causes, par l'autorité du Saint Siege apostolique, nous Jean reverend pere en Dieu, archevesque de Reims, et Guillaume, reverend pere en Dieu, evesque de Paris, et Richard, par la grace de Dieu, evesque de Constances, et Jehan Brehal, docteur en theologie, de l'ordre des Freres Presclieurs, inquisiteur d'heresie et idolatrie au royaume de France, juges déleguez et ordonnez par nostre très saint pere, le Pape moderne (Caliste III).

Veu le procez devant nous solempnellement agité et débatu, et en la vertu et puissance du mandement apostolique s'addressanl à nous, reverendement par nous receu et recueilly de la part de honneste et notable dame Isabeau Darc, veuve de deffunct Jacques Darc, et jadis mere de Jehanne Darc, et de Jehan et Pierre Darc freres naturels et légitimes de bonne mémoire, de Jehanne vulgairement appellée la Pucelle, et de tous ses parens, acteurs, à leurs noms prins contre les inquisiteurs de la foy constituez au diocese de Beauvais, contre le promoteur d'office de la cour epis, copain de Beauvais, contre Guillaume de Hellande, evesque de Beauvais, et contre tous autres prétendans proufits et interests en ceste matiere, tant conjointement que séparablement.

Attendue et veue tout, principalement l'évocation peremptoire et l'exécution de ladite vefve, de ses enfans et amys acteurs, avec l'un de nos promoteurs institué et créé par nous et à notre instance, à l'encontre des coupables fauteurs et deffendans pour nous rescrire et certifier ce qu'ils auront fait contre lesdits accusez et deffendeurs, et leurs réponses, et pour procéder juridiquement à rencontre d'eux.

Veue, après la demande et petition de ceux qui sont acteurs et demandeurs, attendu aussi leurs raisons et conclusions mises par escrit en forme et maniere d'articles, qui toutes prétendent et veulent conclurre toute fallace, dolosité, fraude, iniquité et déception faites et commises touchant un procez en matiere de la foy, fait et attempté contre Jehanne la Pucelle, par Pierre Cauchon, en son vivant evesque de Beauvais, et par l'inquisiteur de la foy, prétendu et mal ordonné au diocese de Beauvais, et par maistre Jehan Destivet promoteur, ou se disant promoteur audit diocese, ou à tout le moins à cette execution de la Pucelle, et à la fraude et falsification de ce procez et autres choses, qui s'en sont ensuivies, qui sont à l'honneur et purgation de la deffunte.

Veus aussi, visitez et examinez les livres, mémoriaux, lettres et originaux, escriptures et libelles faits et réduits par escripts en vertu et mandement de nos lettres de compulsoire, et les protocolles baillez par nos notaires, avec leurs signes exhibez et monstrez à nostre présence, ainsi que l'avions requis et demandé, pour en sçavoir leur opinion et meure délibération, et sur ce avons appeliez et invitez advocats et conseillers en la présence desquels avons communiqué les escriptures, libelles et articles, avec les advocations et allégations des docteurs pour congnoistre la vérité de tout ce procez.

Nous avons conséquemment veu et leu les informations et préparatoires, faits par reverend pere en Dieu messire Guillaume de Saint Martin (2), cardinal de Rome, pour lors legat en France, lequel invitasmes avec l'inquisiteur, après que nous eusmes visitez leurs livres et allégations qui leurs furent, à leur venue, présentez et communiquez , tant par nous que par nos commissaires, avec les autres articles et escriptures faites au commencement du procez, et, après qu'ils les eurent visitez et examinez, avec plusieurs traitez des docteurs et prelats qui nous en avoient escript leur opinion, sentencierent et estimerent qu'il falloit élucider (3) et déclarer tous les doutes de ce procez : semblablement par l'ordonnance de très-reverend pere en Dieu légat en France, ces articles, traitez, escriptures, et libelles furent publiez,

visitez et présentez à la requeste desdits acteurs et promoteur, et finallement furent ratifiez et approuvez, après maintes semonces, invitations et évocations.

Attendues aussi les dépositions et attestations des tesmoings touchant la bonne vie, sainte conversation de ladite Pucelle deffuncte, et tant du lieu dont elle étoit, que de l'examen et interrogacion d'icelle, faits en la présence de plusieurs venerables docteurs et prelats de l'Eglise, et principalement en la présence de très-reverend pere en Dieu Regnault (4) archevesque de Reims, dedans la ville de Poitiers et autres lieux.

Veu mesmement et consideré ce qu'elle vaticina (5) de la liberté et franchise d'Orléans ; c'est assavoir que le siegeseroit levé de devant laditte ville, qui alors estoit assiegée par les Anglois, et que le roi de France seroit couronné en la ville de Reims, ce qui est advenu.

Oultre plus veu la qualité du faux jugement, et la maniere de procéder, et les lettres et mandemens du roi de France, avec les dépositions et attestations données sur le terme de procéder; et fut donnée et produite contre toutes ces choses préclusions de dire et alleguer.

Ouye aussi la description de nostre promoteur, lequel après qu'il eust visité et leu pleinement ces articles et escriptures, se adjoignit et associa avec lesdits acteurs, et au nom de nostre office et dignité, feist de sa part derechef produire et remettre en jugement toutes les escriptures, attesta tions et articles jusques aux intensions et fins desdits acteurs exprimez et déclarez sous certaines protesta- tions , requestes et réservations faictes de sa part et desdits acteurs.

Lesquelles requestes avons admises et acceptées avec plusieurs motifs de droit, qui nous pouvoient advertir et adviser, par nous receus et visitez, et le nom de Jésus invoqué, conclud en la cause, et ce jour assigné à ouir notre sentence.

Toutes ces choses veues, attendues et considérées meurement et diligentement, et avons receus les articles que les faux juges, depuis qu'ils eurent jugez le procez cauteleusement, adviserent qu'il estoit bon de les extraire des confessions et affirmations de ladicte Pucelle defuncte, pour les envoyer et transmettre à plusieurs notables et honnestes personnes.

Ces articles ont esté toutesfois contredits et impugnez par nostre promoteur et par la mere et les freres de ladicte defuncte, ainsi comme faux et iniques, tirez et controuvez injustement, et tout autrement qu'elle n'avoit confessé.

Pour ces causes, afin que nostre sentence procede de la vérité et congnoissance de Dieu le créateur, qui seul sçait congnoistre les esperits et volontez des hommes, et n'y a que lui qui parfaitement sache ses révélations, et en est le seul et véritable juge; car il donne sa grace à où il lui plaist, et aucunes fois eslit les humbles et petits pour confondre les grands, fiers, et orgueilleux, ne deslaissant jamais despourveus ceux qui ont en lui bonne esperance ; mais leurs aider et subvenir en leurs tribulations et adversitez.

Parquoy sur ceste affaire veuë et considérée la meure déliberation et opinion préméditée et préparée touchant la décision de ce procez : veu aussi la solempnelle détermination des docteurs et prelats d'église , qui sur ce ont déliberé avec grand revolution de livres, codicilles, libelles, protocolles et opinions, tant de paroles que d'escriptures, faites sur la matiere de la defuncte Jehanne d'Arc, lesquelles choses sont plus dignes d'admiration que de condamnation : veu et consideré le faux jugement que l'on donna contre elle, et la maniere de y procéder qui n'a pas esté raisonnable ; mais totalement captieuse, fraudulente et détestable pour les questions que l'on a proposées à laditte défuncte hautes et ardues, ausquelles ung grant docteur à grant peine y eut bien sceu donner response; mesme aussi que plusieurs grans personnages ont respondu qu'il estoit merveilleusement difficile de respondre aux questions qu'on lui proposoit plus à sa dampnation qu'à sa salvation, jouxte ce que dit saint Paul des déterminations et révélations divines, il s'en faut rapporter à Dieu.

A ces causes, ainsi que justice le requiert, nous décernons et disons que ces articles doivent estre recommencez et reïterez ; c'est assavoir que un servant au procez intenté et prétendu contre laditte defuncte, touchant la sentence donnée contre elle par les articles escripts faulsement, calomnieusement et malicieusement.

Et veu les malveillances et adversaires d'icelle, lesquels ont prétendu extraire de sa confession, non pas la vérité, mais la falsité en plusieurs points et passages du procez substancieux, lesquels eussent peu émouvoir et incliner le cœur et l'opinion des consuls et advocats, en autre et plus saine déliberation, et à rejetter plusieurs circonstances et allégations, qui ne sont point contenues à son procez, selon la vérité et vraye justice ; mais seulement en termes et paroles de rigueur, lesquels changent la substance de toute la vérité de ce procez : parquoy nous cassons , annulions et adnihillons ces articles comme faux et captieux, extraits et tirez invéritablement de la confession de Jehanne la Pucelle.

Et à ce procez, décernons et déclarons en jugement qu'il convient les lacerer, deschirer et mettre au feu.  

Oultre plus, après que nous avons en toute diligence visité, veu et regardé les causes, aultres articles dudit procez , et principalement deux choses, c'est à sçavoir que les juges ont toujours prétendu, chercher et affecté trouver fallacieusement matière et occasion de la juger et condamner rechûë et récidivée à son heresie et idolatrie , et qu'ils ont livrée entre les mains de ses ennemis les Anglois, et n'ont point voulu admettre et accepter les submissions, récusations et appellations d'icelle , requerante estre menée au Pape, se rapportant de son cas au saint Siege apostolique, et ses escriptures être examinées, veues et visitées par les clercs de France ; attendu aussi et considéré que frauduleusement et deceptieusement tirerent d'elle une abjuration et renonciation, par force et violence , en la présence du bourreau , et en la menaçant de la faire brûler publiquement et cruellement; par ces menaces et violente crainte, lui firent faire une cedule de abjuration et renonciation, laquelle Jehanne n'entendoit, ne cognoissoit aucunement.

Davantaige, après que nous avons visité les traictez dessus dits, les raisons et opinions des docteurs de theologie, de droit canon, et civil; données et respondues sur les crimes faulsement imposez à laditte Pucelle, et qui ne despendoient point de l'ordre et de la continuation du procez ; veus d'autre part plusieurs points et articles elegantement touchez, touchant l'injustice, nullité et non valeur du procez, fait et mené contre elle, avec les honnêtes déterminations, veridiques responses des docteurs soustenans justement le parti du noble roy de France, et remonstrans l'innocence, la simplesse et humilité de la Pucelle, et au contraire la malice, cavillation, injuste et desraisonable sentence des juges, qui plus par vengeance que droite et équitable justice l'ont condamnée.

Nous estans à notre hault tribunal, ayant toujours Dieu devant les yeux, par sentence diflinitive, proferée et donnée en nostre chaire judicialle et hault tribunal, nous dessusdits, proferons, prononçons, décernons et déclarons que ledit procez et la sentence, pleins de fraudes, cavillations, iniquités et du tout repugnante à droit et justice, contenant erreurs et abus manifeste : pareillement l'abjuration predicte et toutes les faulses et iniques exécutions, qui en sont procedées et ensuivies, doivent être cassées, adnullées, lacerées et destruites; et qui-plus est, pour autant que justice et raison nous persuade et commande , les cassons, irritons, adnullons et évacuons de toute force, puissance, valeur et vertu, et sentencions et déclarons laditte Jehanne, que Dieu absolve, ses freres et parens, acteurs et demandeurs, n'avoir oncq contracté, ne encouru aucune tache ou macule d'infamie, à raison et occasion des premisses, innocens, incoulpables et exempts de crime et peché, lequel faulsement on imposoit à ladicte Pucelle.

Oultre plus, ordonnons intimation et execution solempnelle et publique de nostre - dicte sentence estre faite incontinent et sans délais en ceste ville et cité de Rouen en deux lieux ; c'est assavoir l'un ce jourd'huy en la place et cymetiere de Saint-Ouen, auquel lieu sera faite procession generale et sermon solempnel, par un venerable docteur en theologie; et l'autre au viel Marché, où yra demain au matin la procession generale, et là sera fait sermon solempnel par un venerable docteur en theologie ; c'est assavoir en la place en laquelle laditte Pucelle fut cruellement et horriblement bruslée et suffoquée; et après la solempnelle predication seront plantées et affichée croix digne et honnestes, en souvenance et perpetuelle memoire de laditte Pucelle defuncte, et tous autres trespassez, tant en cesteditte ville de Rouen, qu'en autres lieux de ce royaume, là où nous verrons qu'il sera convenable et expedient, pour donner signe, mémoire et certification notable de l'execution et intimation de nostre sentence ; et si aucunes choses sont encore à establir, ordonner et accomplir, nous les reservons à nostre puissance et disposition, et pour cause.

Cette présente sentence fut donnée, leuë et publiée par messieurs les juges dessusdits, en la présence de reverend pere en Dieu l'evesque du Mans, Hector Cocquerel, Alain Olivier, Nicolas du Bois, Jehan de Gouis et plusieurs autres :

et fut fait au palais archiépiscopal de Rouen, l'an de grace 1456, le septième jour du mois de juillet.

En ce point-là pronôncerent Jehan, par la grace de Dieu, archevesque de Reims, Guillaume, reverend pere en Dieu monsieur l'evesque de Paris, et Richard, par la grâce divine monsieur l'evesque de Constance. (Coutance en Nonnandie.)

 

(Tiré du manuscrit de MM. les cardinaux de Rohan et Soubise, fol. 123, verso. Cette même sentence se trouve en latin dans l'Histoire de France, de Marcel, t. 3, p. 415. )

 

L’enfance de Jeanne d’Arc <==

Jeanne d’Arc , les voix de l’arbre des Fées – Saint Michel, Sainte Catherine, Sainte Marguerite <==

==> Le procès de Jeanne d’Arc : le rôle de Pierre Cauchon 21 février 1431.

==> Jeanne d’Arc, du Procès de réhabilitation en 1456 au centenaire de sa canonisation

==> Le palais archiépiscopal du Rouen médiéval reconstitué.

==> Documents inédits XVIe siècle - Petits-neveux de JEANNE d’ARC au comté Nantais.

==> Quand la Pucelle d’Orléans fut proclamée sainte. Centenaire de la canonisation de Jeanne d’Arc (1920-2020)

 

 


 

(1). Viateurs : voyageurs; mot tiré du latin.  

(2) Le cardinal d'Estouteville.

(3). Elucider: éclaircir.

(4). Regnault de Chartres, archevêque de  Rheims, et chancelier de France.

(5). Vaticina : prophétisa

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