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PHystorique- Les Portes du Temps
3 mars 2024

LA VENTE DU MOBILIER DE L'ABBAYE DE MARMOUTIER (1792-1793)

A l'époque de la Révolution, l'abbaye de Marmoutier fut confisquée à l'instar des autres biens du clergé, et l'immeuble avec ses dépendances fut vendu comme bien national, ainsi que le mobilier qui s'y trouvait.

La vente du mobilier de Marmoutier fut faite par Me Radault, notaire à Tours, demeurant paroisse de Saint-Symphorien sur la levée (aujourd'hui, n° 19), en vertu d'une délibération du Directoire du District de Tours du 4 octobre 1792, en exécution de la Loi du 17 août précédent (1792), ordonnant l'évacuation de toutes les communautés au 1er octobre suivant, après affiches et publications faites à Tours, et dans les paroisses de Saint-Symphorien, Sainte-Radegonde et Saint-Georges, en présence du maire et des conseillers municipaux de Sainte-Radegonde convoqués et sous la surveillance de la garde nationale du lieu.

 La vente se fit les 9, 10, 11, 12, 13, 14, 17, 19, 20, 21, 24 et 27 décembre 1792; les 2, 3, 4 et 7 janvier suivant (1793), en 551 articles qui produisirent 12,811 livres.

A la fin de la séance du 7 janvier 1793, il est dit que la continuation de la vente aura lieu aussitôt que le Département et le District auront décidé si la vente des boiseries et autres objets doit être faite et que les volontaires de l'armée seront sortis de la maison.

Un arrêté du Directoire du District de Tours du 27 décembre 1792 (an 1er de la République) décide que toutes les boiseries qui sont en place dans les maisons religieuses, ainsi que tout ce qui tient à plâtre, fer et clous, sera provisoirement réservé et que les commissaires aux ventes voudront bien se conformer aud. arrêté, et ordonner aux huissiers de ne rien vendre des objets ci-dessus réservés, afin qu'il n'y ait plus dorénavant de dégradations, semblables à celles sur lesquelles on a à gémir. Divers objets furent distraits de la vente, notamment ;

— Le 17 décembre 1792, par le citoyen Anthime Margueron fils, pharmacien, qui donna reçu des arbustes et des plantes en pots, parmi lesquels il s'en trouve en faïence, transportés à la maison de l'Union-Chrétienne, à l'effet d'y former un Jardin de Botanique, conformément à la commission reçue des commissaires nommés par le Département pour réunir tous les objets relatifs aux sciences et aux arts ;

— le 15 janvier 1793, quatre cents cotrets sont délivrés au citoyen Clemenson, administrateur des pauvres de la paroisse de Saint-Martin, qui avait présenté une pétition à cette fin, vu le prix avantageux de la vente (29 livres le 100);

— et le 15 avril 1793, divers objets de cuisine sont aussi remis au Directeur de l'Hôpital militaire à Beaumont, suivant son reçu.

 

Les Ornements d'Église

Quant aux ornements d'église, ils avaient été demandés précédemment, en novembre et décembre 1792, à échanger par l'évêque Suzor, pour Saint-Gatien, et par les curés des paroisses de Notre-Dame-La-Riche, de Sainte-Radegonde et de Saint-Symphorien.

 Ces remises et échanges furent faits en vertu d'arrêtés du Directoire du District de Tours ; celui de Saint-Gatien fut expédié par Chalmel, l'historien de la Touraine.

L'évêque constitutionnel Suzor avait fait ainsi sa demande :

 « Aux Citoyens administrateurs du Département d'Indre-et-Loire.

« Toujours occupé de la décoration de notre église, je ne verrais pas sans regret brûler les ornements rouges et blancs de Marmoutier, de première classe. J'ose donc vous prier, Citoyens, de nous en permettre l'échange avec ceux de St.-Gatien, en même quantité, en même couleur et infiniment plus riches, ce qui ne peut que faire le bien de la nation, étant sûrs qu'en les brûlant, ils produiront plus d'or. »

« Signé : A. SUZOR, évêque.

 

Ornements de St-Gatien à donner pour pareille quantité de Marmoutier :

« 1° Une chasuble, 2 dalmatiques et 6 chappes de velours cramoisy, brodées eu or et relevés en bosses ;

« 2° Un ornement blanc composé de 6 chappes, une chasuble et deux dalmatiques ;

« 3° Une chasuble et deux dalmatiques vertes, trois chappes.

Ornements de Marmoutier à échanger pour pareille quantité de St.-Gatien :

« Le 1er ornement rouge de Marmoutier composé d'une chasuble, 4 dalmatiques et 6 chappes en velours cramoisy et broderie infiniment moins riches que ceux de St-Gatien;

« Le ler ornement blanc de Marmoutier composé de 6 chappes, une chasuble et 2 dalmatiques,

« Une chasuble, deux dalmatiques et une chappe vertes et deux chappes violettes. »

Le Curé de la Riche dit que la Loi qui ordonne le brûlis des broderies d'or et d'argent qui sont sur les ornements des communautés supprimées, exprime, qu'avant cette opération, on consultera le besoin des paroisses, auxquelles on accordera des ornements selon le besoin reconnu. Puis, il expose ce dont il a besoin et ajoute qu'il a un superbe ornement rouge velours ciselé, fond or, orfroid, fleurs de lys en bosse d'or qui par celte décoration devient odieux à plusieurs; cet ornement fournirait immensément au brûlis.

Le curé de Ste Radégonde dit que son église a peu ou pas d'ornements qui lui étaient prêtés par Marmoutier quand il en avait besoin et qu'il rendait. Il demande à en recevoir sur ceux échangés par les paroisses de la Riche et de St.-Symphorien.

Les boiseries avaient été visitées, le 22 décembre 1792, par le citoyen P. Bruley, qui était médiocrement tenté par celles du grand réfectoire, à cause du déchet prodigieux qu'on en éprouvera ; celles de la petite salle à manger, plaisamment appelée « la salle grâce », lui conviendrait davantage ; il se trouvera à la vente ; ce qu'il préférerait davantage ce serait des lambris tout faits et des panneaux propres à faire des parquets et autres ouvrages de menuiserie.

Le 7 janvier 93, le citoyen Mitouflet priait le citoyen Radault notaire de vouloir bien lui acheter la porte de fer et la grille qui sont à l'entrée du grand jardin de Marmoutier ; il lui donna plein pouvoir d'y mettre le prix qu'il jugera à propos, s'en rapportant entièrement à sa prudence.

La vente du mobilier de Marmoutier fut reprise le 10 août 1793. Dans cette séance, en vendit notamment dans le réfectoire 12 tableaux au citoyen Aubin « de Saint-Symphorien » pour 36 livres, et trois petits tableaux à la femme Picoleau pour 33 sols.

A la fin de la séance, il est dit que la vente ne continuera qu'après le départ des volontaires.

La vente reprend les 10 septembre et 5 octobre 1793.

Au commencement de cette séance, il est dit que par un arrêté du Département du 3 octobre courant, ensuite de l'avis du District du 21 septembre précédent, sur la demande qu'en ont faite les officiers de santé étant actuellement dans l'abbaye de Marmoutier aux soins des malades et blessés, qu'ayant besoin de la sacristie et de l'église, et comme il y a encore à vendre les boiseries du choeur de l'église qui nuisent pour y placer des lits et qu'il est nécessaire de vendre l'orgue pour éviter qu'il y soit touché ayant déjà été endommagé ; en conséquence dud. arrêté et de l'avis du District la vente continue.

Alors il est vendu, dans la sacristie, plusieurs tableaux et basselages pour 4 livres ; dans une petite cave étant dans l'église plusieurs morceaux de marbre et basselages, sur la mise à prix de 80 livres, sont adjugés au citoyen Soûlas pour270 livres.

Les stalles du choeur, sur la mise à prix de 200 livres sont adjugées au citoyen Briau pour 420 livres ; le buffet d'orgue et les tuyaux, sur la mise à prix de 2,000 livres sont adjugés aux citoyens René et François Soûlas, de Saint-Symphorien, pour 3,705 livres.

La vente comprend en tout 620 articles, qui ont produit une somme totale nette de 17,697 livres versées au citoyen Dupré, receveur du bureau des actes judiciaires, au fur et à mesure des versements par les adjudicataires.

Les tableaux adjugés étaient au nombre de quarante-cinq, non compris ceux choisis et prélevés par l'administration des Beaux-Arts, notamment trois tableaux de Le Sueur, qui se trouvent actuellement au Musée de Tours, d'après l'indication officielle qui en est faite dans une description par M. Anatole de Montaiglon et par M. Laurent, conservateur du Musée, dans le catalogue de 1890.

Ces tableaux sont : Saint-Sébastien, le roi saint Louis pansant les malades, et la Messe de saint Martin, évêque de Tours ; ils se trouvaient dans la salle dite de Saint-Martin, ou des tableaux.

 

Les livres composant la bibliothèque de Marmoutier furent transportés d'abord dans les cloîtres de Saint-Martin, puis dans l'église et les salles du couvent des Filles de l'Union-Chrétienne, rue la Préfecture, et enfin en 1793, à l'Archevêché, 2e étage; Dom Abrassard, bénédictin de Marmoutier, fut désigné pour bibliothécaire. Le mobilier du jardinier avait été distingué et décrit séparément, sans doute pour lui être remis.

Les lieux désignés dans le parcours de la vente sont: la cuisine, la boulangerie, le réfectoire, la chapelle, l'église, la sacristie, les chambres n 05 10, 17, 14, 13, Saint-Florent, 22, 19, 21, chambres Saint-Martin, Saint-Damien, Saint-Pierre, Saint-Jean, Saint-Benoît, Saint-Placide, Saint-Gatien, Saint-Cosme, Saint-Sébastien, n°8, Saint-Louis, Saint-Joseph, n° 17, Saint-Florent, Saint-Pierre n° 13; 1er dortoir, chambres 8, 9, 13, 14, 17, 12, 11, 16,18, 19, 20, 21, 22,23,24,25,27,28,29,30,31; 2edortoir 63, 57, 55, 43, 44, 45, 48, 49,50, 51, 53, 5t, soit 65 chambres.

Ad. VINCENT, Notaire honoraire.

 

Société archéologique de Touraine

 

 

1 Ces notes sont extraites des minutes, déposées en l'étude de M Vincent, notaire à Tours.

 

 

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