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PHystorique- Les Portes du Temps
26 janvier 2018

Le rayonnement Clunisien de l'abbaye de Maillezais sur la région au Moyen Âge !

sites clunisiens de vendée au moyena age

 L’abbaye de Maillezais n’appartint jamais à l’ordre de Cluny, mais elle en subit l’influence.

Le projet Clunypedia a pour but de faire connaître le rôle joué par Cluny et les sites clunisiens dans notre histoire et d'aider ainsi à la préservation et à la promotion du patrimoine matériel et immatériel qui en est le témoin. http://www.clunypedia.com

LA VENDEE
Situation par rapport à l'abbaye de Cluny : Ouest
Nombre de sites historiques recensés : 51
Dont membres FESC : 1
Distance des sites de Cluny : entre 500 km et 600 km

C'est essentiellement le territoire du sud-est de la Vendée actuelle qui concentre les nombreuses possessions du grand monastère de Maillezais.

C'est la duchesse d'Aquitaine elle-même, Emma, qui décide en 987 de fonder un monastère sur la commune de Saint-Pierre-le-Vieux. Sur volonté de l'abbé Théodelin, l'abbaye est transférée en 1003 à Maillezais et les ducs de Poitou s'y font désormais couronner et ensevelir. Elle passe sous la dépendance de Cluny en 1057. ==> Gisants des ducs d’Aquitaine inhumés à l’abbaye de Maillezais, Guillaume VI – Eudes - Guillaume le Grand

En 1317, l'évêché de Poitiers, très vaste, est divisé en 3 par la pape Jean XXII : Maillezais devient une cité épiscopale, et l'abbatiale devient cathédrale, ce qui contribue à nouveau à renforcer la prospérité de l'abbaye.

La Fédération Européenne des Sites Clunisiens propose une carte (N°1) qui permet de découvrir toutes les dépendances de Cluny, avec un focus (carte n°2) sur celles de l'abbaye Saint-Pierre au Moyen Âge.

Impressionnant non ? (https://www.facebook.com/AbbayesDuSudVendee/)


 

Histoire de l'ordre de Cluny 

Une élection à Maillezais sous la présidence de l’abbé de Cluny, Saint Hugues en 1060.

(Extrait )

SAINT HUGUES

 

Après avoir ainsi donné cours à sa vengeance, elle se réfugia avec ses complices dans son château de Chinon. Pendant deux ans les époux restèrent séparés. Mais, sur les instances de ses sujets, qui devaient à la duchesse de nombreux bienfaits, Guillaume se réconcilia avec elle, et tous deux reprirent la construction de Maillezais. Emma y appela Gausbert, son parent, abbé de Saint-Julien de Tours, qui vint y installer treize frères et un prieur.

Vers la fin de sa vie, Guillaume, ayant rompu de nouveau avec son épouse, avec qui il avait toujours mal vécu, et s'étant fait moine à Saint-Cyprien de Poitiers, chassa de Maillezais les moines tourangeaux et y plaça des religieux de Saint-Cyprien. Après sa mort, Guillaume-le-Grand, dont la piété était à l'abri des passions de son père, rappela les moines expulsés. Leur abbé, Théodelin, ancien juif converti, gagna complètement la confiance du duc.

 Il lui persuada de reconstruire le monastère d'après un plan plus vaste et sur l'emplacement d'un château-fort, dont la position inquiétait les moines. Le duc y consentit, lui donna l'île entière [1010], et plus tard prit l'habit et reçut la sépulture à Maillezais.

La Chronique du monastère ne nous apprend pas quelles furent ses destinées. Elle loue la patience et la longanimité d'Humbert, successeur de Théodeline ; mais sa direction, qui manquait de fermeté, y laissa pendant quinze années pénétrer plus d'un abus, et la présence d'un supérieur étranger était devenue nécessaire. 1

En 1060, Goderan fut nommé abbé après la mort d'Humbert. Il avait quitté Saint-Rémy de Reims pour chercher une discipline plus sévère à Cluny, et Hugues se l'était attaché en qualité de chapelain. Il fit écrire par Pierre, un de ses moines, le récit de la fondation de Maillezais, document précieux pour l'histoire de la province. L'auteur, dans la crainte d'encourir le reproche d'adulation, s'excuse de passer sous silence les actes de cet abbé.

Malgré la répugnance des moines aquitains pour des supérieurs d'origine franque, Goderan triompha de leurs antipathies et sut se faire aimer d'eux. On cite de lui un exemple de piété héroïque.

Il assistait un jour Hugues de Cluny qui donnait la communion à un lépreux. Ce malheureux, en roulant l'hostie dans sa bouche ulcérée, en laissa échapper une parcelle recouverte d'une bave infecte et horrible à voir. De peur de laisser tomber à terre la chair du Christ, Goderan la reçut dans sa main et l'avala avec les affreuses mucosités qui l'enveloppaient. Hugues, témoin habituel de tant d'actes de courage, ne put retenir son admiration. Le supplice de saint Laurent brûlé sur un gril, disait-il, lui paraissait doux en comparaison.

Goderan, élevé plus tard sur le siège de Saintes, garda jusqu'à la fin de sa vie le gouvernement de Maillezais.

Quoique Urbain II, dans une bulle de 1100, ait compris ce monastère au nombre de ceux qui devaient être ordonnés par Cluny, Cluny n'y introduisit qu'accidentellement la réforme. Il était placé sous la liberté romaine, et ses moines revendiquèrent le droit d'élire eux-mêmes leur abbé. Cette position indépendante contribua à amener, en 1125, sa ruine par un seigneur peu commode, Geoffroy de Lusignan. 2

Depuis que le comte Guillaume-Fier-à-Bras avait réuni sous son autorité le Poitou, le Limousin, la Saintonge et l'Aunis, le titre de duc d'Aquitaine s'était conservé dans sa famille, et les comtes d'Auvergne n'occupaient plus qu'un rang inférieur.

Les trois premiers fils de Guillaume-le-Grand étant morts sans postérité, Guy Geoffroy, second fils de sa seconde femme Agnès, fille d'Othe-Guillaume, comte de Bourgogne, recueillit son héritage et prit le nom de Guillaume. La piété, la vive intelligence, le caractère chevaleresque de son père, revivaient en lui. Il alla, en 1063, en Espagne avec une armée, recrutée en grande partie d'aventuriers normands, enleva aux Sarrasins la ville de Balbastro, et ravagea le pays.

Sa bienveillance envers les églises, un voyage qu'il fit à Rome au tombeau des Apôtres, le souvenir de son père, le recommandèrent à l'amitié du pape, qui le regardait comme un fils dévoué de l'Église.

Cette confiance était si complète que Grégoire VII lui écrivit, pour le prier d'adresser des reproches à Philippe Ier sur le trafic des biens ecclésiastiques, et le menacer de l'excommunication et de la perte de sa couronne.

En 1068, Guillaume VIII d'Aquitaine (3), qui avait été obligé de répudier ses deux premières femmes pour cause de parenté, se remaria avec Hildegarde, fille de Robert-le-Vieux, duc de Bourgogne. Elle était, comme Constance d'Aragon, propre nièce de l'abbé Hugues. Avant cette union, le duc était déjà un grand admirateur de Cluny, où Henri, un de ses fils, avait pris l'habit.

En approuvant, en 1067, la donation faite par Isembert, seigneur de Chatelaillon, de l'île d'Aix située à l'embouchure de la Charente, il motiva cette approbation sur la renommée du monastère, « qui, parmi les Églises du monde » entier, était le plus florissant par l'observance. » Il ajoutait qu'il avait été attiré par l'odeur de ses parfums à désirer avec lui le bienfait d'une communauté de prières. (4)

L'année de son mariage avec la nièce de Hugues, il construisit au-dessus des murs de Poitiers, au-delà du Clain, un monastère dédié à la Vierge, à saint Jean, à saint André, et qui reçut le nom de Monstierneuf. Il le dota magnifiquement et l'affranchit de toute autorité, même de la sienne.

 Il s'interdit le pouvoir de poursuivre, dans l'enceinte du bourg, les coupables qui auraient mérité sa colère. Le bourg était un lieu d'asile aussi sacré que l'église même.

 

Le duc, ses enfants, les officiers de sa cour, son sénéchal, son prévôt, son maréchal, ses domestiques, ne possédaient aucun droit d'hébergé, d'hospitalité, aucune taille sur les moines et sur leurs tenanciers. Il exempta ces derniers du service militaire, et affranchit les propriétés possédées par les religieux dans le comté, de tous droits d'usage.

Il leur donna, sous les murs de Poitiers, un étang avec des maisons, des familles de pêcheurs, des moulins, le bourg de Saint-Saturnin avec ses tanneries, le péage du pont neuf sur le Clain, des métairies dans le voisinage et dans le pays de Saintes, un cens de dix muids de vin par an, le droit de prendre dans ses forêts tout le bois qui leur serait nécessaire. Il les exempta de toutes redevances, étal, péage et autres.

Il renonça à exercer aucune justice sur les hommes du monastère. Si l'un d'eux avait une querelle avec un homme du comte, la cause était déférée devant un tribunal mixte, dont le prévôt et l'abbé faisaient partie. Une pareille donation mettait entre les mains des religieux tous les éléments qui étaient propres à développer la prospérité du monastère, et avec elle l'aisance et la liberté des habitants du bourg.

En 1076, le duc le donna à Cluny, et Hugues y envoya dix-huit frères, sous la direction du prieur Guy, qui construisit une noble et vaste basilique. Urbain II en fit la consécration-, le duc la choisit pour la sépulture de sa famille.

 Après Guy, qui resta quinze années à Monstierneuf, cinq disciples de l'abbé Hugues, entre autres un de ses neveux nommé Létald, s'y succédèrent de son vivant. Fidèle à Cluny jusqu'à la fin, Monstierneuf, qui comptait quarante-huit moines, resta à l'état d'abbaye et devint, avec dix-neuf petits prieurés, le représentant de l'ordre dans le Poitou et la Saintonge. (5)

Guy était un moine champenois, frère du seigneur prince du château de Plaiolas, qui fil donner Saint-Gondon-d'Oie à Cluny, en 1082. Il fut inhumé à Cluny, et sur son tombeau on lisait cette épitaphe :

Clauditur hoc turaulo vir magnus nomme Guido. Gall. Christ., t. II, p. 1205.

 

En 1079, au concile de Bordeaux, présidé par Amat, évêque d'Oloron, et par Hugues de Romans, légat du Saint-Siège, le duc Guillaume, qui touchait à la fin de sa carrière, demanda aux évêques de lui désigner un lieu où il pût établir des moines qui prieraient pour lui et pour sa famille.

Ils lui conseillèrent de choisir l'église dans laquelle reposait le corps de saint Eutrope, premier évêque de Saintes, qui avait souffert le martyre au troisième siècle, frappé d'un coup de hache à la tête par des païens.

Le duc venait d'enlever cette église à des laïques qui laissaient tomber dans le désordre les clercs attachés à sa desserte.

Kalon, vicomte de Saintes, l'évêque Boson, les prélats, les abbés, furent unanimes pour lui signaler sa restauration comme urgente. Deux ans plus tard, dans un second concile tenu à Saintes, Guillaume, en présence des abbés de Saint-Martial, de Saint-Jean d'Angély, de la Chaise-Dieu, du moine Teuzo attaché au palais du pape, en fit la tradition à l'abbé Hugues.

Le premier soin des Clunistes fut de reconstruire l'église sur un emplacement plus commode, et d'après un plan qui en fît le type le plus pur et le plus riche de ces grandes églises romanes qui dominent encore aujourd'hui par leur nombre dans la Saintonge.

Hugues y annexa un prieuré de vingt-un moines, avec treize dépendances.

La crainte qu'inspirait aux grands monastères libres la puissance de Cluny, la répugnance qu'ils éprouvaient à lui être soumis, occasionnèrent une guerre intestine dans ceux de Saint-Jean d'Angély et de Saint-Cyprien de Poitiers, qui tous deux attribuaient leur fondation à Pépin Ier, roi d'Aquitaine.

Vers l'an 1010, Frodin, abbé d'Angély, crut découvrir la tête de saint Jean-Baptiste, précurseur du Christ. D'où avait-elle été apportée? On l'ignorait et on s'en inquiétait peu. Mais ce fut une grande joie dans tout le pays. On la montra au peuple, on l'enferma dans une châsse d'argent avec une inscription, et, de l'Aquitaine, de la Gaule, de l'Espagne, de l'Italie, les rois, les ducs, les comtes, les évêques, les abbés, accoururent pour vénérer la sainte relique et combler l'église de présents. Le monastère était riche en terres, en églises, en petites dépendances.

Il avait été réformé, à la demande du duc Guillaume III, par Raynald et Aimeric, disciples de saint Odilon.

En 1080, Foulques-Taillefer, comte d'Angoulême, lui assujettit Saint-Cybar de cette ville, du consentement de l'abbé de Cluny, à qui il en avait d'abord fait don.

Il stipula que, si les religieux de Saint-Jean devenaient incapables de maintenir la règle à Saint-Cybar, l'abbé serait pris de préférence à Cluny même.

En 1099, à la mort d'Ansculfe, abbé de Saint-Jean, une contestation s'éleva entre les moines d'Angély et ceux de Cluny, à propos de son successeur. Hugues avait envoyé, en cette qualité, un de ses disciples nommé Henri, religieux d'un grand mérite et originaire du pays.

 Les deux parties, ne pouvant parvenir à s'entendre, s'en référèrent à l'arbitrage du duc Guillaume VII et de Ramnulfe, évêque de Saintes, pour Cluny, du comte Hugues de Lusignan et d'Arnaud, archevêque de Bordeaux, pour Saint-Jean.

Ces arbitres décidèrent en 1103 les moines d'Angély à admettre Henri comme abbé, à la condition qu'après sa mort ils rentreraient dans la liberté de leurs élections. (6)

Cette transaction ne fut pas, à ce qu'il paraît, définitive; car, après Henri et deux ou trois successeurs, nous retrouvons, en 1150, sur les diptyques du monastère, le nom de Pierre-le-Vénérable, en qualité d'abbé.

Mais il y avait dans la puissance de l'abbaye trop d'éléments d'indépendance pour que cette soumission ne fût pas vivement contestée. Elle possédait de nombreuses propriétés, une juridiction absolue sur le bourg, le droit d'armer des vassaux pour sa défense, celui d'autoriser les transactions civiles, de donner asile aux accusés qui venaient se placer sous sa sauvegarde. 

La richesse des moines, l'aisance qu'ils répandirent autour d'eux, leur justice et leur protection intelligente, imprimèrent au bourg de Saint-Jean-d'Angély de rapides accroissements, et dès 1204 il posséda des franchises municipales et un hôtel-de-ville bâti avec le consentement de Philippe-Auguste.

Quoique, jusqu'à cette époque, l'abbaye fût restée, en vertu des privilèges apostoliques, soumise à l'ordination de Cluny, elle n'en avait pas moins fait des efforts persévérants pour s'en dégager. Pendant plus d'un siècle, elle entretint à ce sujet des procès qui lui causèrent de graves préjudices.

La lutte prit fin en 1217, sous Gérard de Bélesme, abbé de Cluny, et Hélie, abbé de Saint-Jean, par un traité que proposèrent les prieurs de la Charité et de Barbézieux, arbitres du premier, les abbés de Saint-Maixent et de Saint-Léger, arbitres du second.

Afin de trancher la question de soumission et de cimenter la paix, les religieux d'Angély abandonnèrent à Cluny, en toute propriété et dégagé de toute dette, le petit prieuré de Bury, au diocèse de Senlis.

Ils s'engagèrent à payer à son abbé un cens annuel de vingt marcs d'argent, pour l'indemniser des dépenses qu'avait occasionnées, pendant de longues années, la poursuite du procès en cour de Rome. L'abbé de Cluny renonça de son côté à tout droit de suprématie sur Saint-Jean. Il rendit aux religieux les pièces de la procédure, à l'exception des privilèges généraux, dont il s'engagea à ne point tirer parti.

La résistance, qui dura près d'un siècle et demi à Saint-Jean d'Angély, se termina à Saint-Cyprien de Poitiers au bout de quelques années. Cluny y rencontra un adversaire qui ne craignit pas de combattre les préférences du Saint-Siège et d'opposer règle contre règle.

Raynald, élève de Robert d'Aurillac, fondateur de la Chaise-Dieu, avait été abbé de Saint-Cyprien durant une partie de la vie de saint Hugues. Il unissait le caractère à l'intelligence. Lettré et curieux de connaître ce qui s'écrivait de plus remarquable de son temps, il demanda à Anselme, prieur du Bec, de lui adresser une copie de son Monologium. 

L'éloquence qu'il déploya dans les conciles rendit son nom célèbre en France et même à Rome. Il fit flétrir par Grégoire VII, dans une bulle confirmative des privilèges de son abbaye, un usage qu'il avait cherché vainement à déraciner lui-même. Cet usage consistait à servir aux clercs de Poitiers un repas copieux, dans le monastère, le jour de la fête de son patron. Il en résultait souvent des rixes accompagnées de blessures et d'effusion de sang, qui troublaient la paix des moines.

Raynald, jaloux d'assurer l'avenir de ses réformes, désigna pour son successeur le prieur Bernard d'Àbbeville, qui avait débuté par les austérités de la vie érémitique et qui devint plus tard célèbre sous le nom de Bernard de Tiron.

Il parvint par un singulier moyen, à le faire sortir de sa solitude. Il alla un jour lui rendre visite dans la forêt de Fontgoyard où il s'était réfugié, afin de ne pas être nommé abbé de Saint-Savin, et où des cellules nombreuses s'étaient établies autour de la sienne.

Au moment de prendre congé de lui, il témoigna une vive crainte de s'égarer dans la forêt ou d'être attaqué par des voleurs, et le pria de l'accompagner jusqu'à la sortie. Arrivé là, il s'empara de lui et le força de le suivre à Saint-Cyprien. Les moines reçurent avec enthousiasme cet homme des forêts qui portait une longue barbe, de longs cheveux, des vêtements en lambeaux. Ils le revêtirent de leur habit, le rasèrent, le proclamèrent prieur, puis abbé après la mort de Raynald.

Saint-Cyprien ayant été autrefois confié par Guillaume-le-Grand, duc d'Aquitaine, à saint Odilon, Hugues se plaignit de cette élection faite au mépris de ses droits, et somma Rernard de lui jurer obéissance ou d'abdiquer ses fonctions. Sur son refus, il porta sa cause à Rome.

Pascal II ordonna à Bernard de prêter le serment demandé ou de se démettre. Il adressa, en même temps, de vifs reproches à Pierre, évêque de Poitiers, qui lui avait donné la consécration abbatiale. « Nous sommes étonné, disait-il, que vous ayez » agi contre l'ordre de votre chef. Vous n'ignorez pas que les » décrets apostoliques ont confié le monastère de Saint-Cyprien à » Cluny, et néanmoins vous avez donné la consécration à un abbé » élu à l'improviste et contrairement à ces privilèges.

TOME II. 15

 

Nous ordonnons donc que ce frère abbé soit privé de son office jusqu'à ce qu'il ait donné satisfaction à l'abbé de Cluny, et que Saint Cyprien, conformément aux constitutions romaines, continue  d'être ordonné par Cluny.

 Le Pape recommandait également à Pierre d'obtenir la soumission de l'abbé de Maillezais, qui s'était placé dans le même cas, au mépris d'un précepte d'Urbain II.

 Autrement, disait-il à l'évêque, prends garde d'attirer sur toi  l'indignation du siège apostolique, et sur eux une sentence justement méritée.

Un homme aussi saint que Bernard ne pouvait que se soumettre en présence d'un pareil ordre.

Il déposa le bâton pastoral, et avec deux compagnons, Robert d'Arbrissel et Vital de Mortain, il se mit à parcourir pieds nus les bourgs et les châteaux, prêchant la parole de Dieu, dissuadant les prêtres normands de contracter des mariages publics, selon l'usage général du pays.

Il obtint peu de succès dans cette mission qui l'exposa à des insultes et à des guets-apens de la part des clercs et de leurs concubines.

Pourquoi,  lui dit un jour l'archidiacre de Coutances; pourquoi, toi qui es moine et qui dois être complètement mort au monde, viens-tu  annoncer ici la parole à des vivants?

 — C'est, répondit Bernard,  parce que les prédicateurs doivent être morts aux vices, afin de  pouvoir, par l'autorité de cette mort, châtier ceux qui vivent dans » les vices et les rendre semblables à eux. Voilà pourquoi, moi, qui » suis moine et mort au monde, loin d'avoir perdu la faculté de  prêcher, je la possède mieux que personne. »

Les religieux de Saint-Cyprien et Hugues de Cluny n'ayant pu s'entendre sur le choix d'un abbé, le monastère resta pendant quatre ans sans supérieur.

Des frères fatigués de cet abandon firent prier Bernard de revenir parmi eux. Il y consentit; mais auparavant, il se vêtit des habits les plus grossiers, monta sur un âne et partit pour Rome. Sa renommée l'avait devancé. Pascal II connaissait la fermeté qu'il avait montrée au concile de Poitiers de 1100, où ses légats, les cardinaux Jean et Benoît, condamnèrent de nouveau les relations, adultères de Philippe Ier avec Bertrade d'Anjou.

 Il savait que, au moment où les pères venaient de prononcer l'excommunication contre le roi de France, Guillaume VII, duc d'Aquitaine, qui avait répudié Ermengarde d'Anjou, afin d'épouser Mathilde de Toulouse, veuve de Sanche-Ramirez, roi d'Aragon, redoutant une condamnation semblable, avait lancé ses soldats sur les évêques, avec ordre d'enlever leurs bagages, de les frapper de verges, de les mettre à mort.

Les prélats et les abbés s'étaient enfuis à la vue de cette troupe furieuse, seuls, Bernard et Robert d'Arbrissel, avaient osé affronter le danger, continué de se montrer en public, refusé de rétracter l'anathème porté contre le roi, et proclamé qu'ils regardaient comme une gloire suprême de mourir pour la cause du Christ.

 


 Pétri Malleacensis, de Ccenobio Malleacensis insuloe, Labbe, Bibl. nov., t. JI; p. 222 à 238.

1 Ann. Bened., t. IV, p. 212, 362, 443, 600, 661. —Anonymi Malleacensis de Destructione sui Coenobii, Labbe, Bibl. nova, t. II, p. 238.

2 Ann. Bened., t. IV, p. 64, 263, 443, 600, 661. — Anonym. Malleacensis, dans Labbe, Bibl. nov., t. II, p. 238.

 

3 Il était sixième du nom comme comte de Poitiers, et huitième comme duc d'Aquitaine.

4 Ann. Bened., t. V, p. 8. — Chronicon Malleacense, dans Labbe, Bibl. nov., t. II, p. 211. — Art de vérifier les dates, t. III, p. 3H0.

5 Gall. Christ., Samm., t. IV, p. 653. — Chartes et diplômes, t. III, p. 166.

Acta Ord. S. Benedict, t. V, appendice, p. 633. — Chronicon sancti Maxentii, dans Labbe, Bibl. nova, t. II, p. 212. — Bull. CL, p. 20.

6 La Chronique de Maillezais dit, en parlant de Henri : « Comitis supplicatione et spontanea monachorum electione sublimatus in paterna sede. » Son nom de famille est inconnu. L'Obituaire de Saiut-Jean-d'Angély fixait la date de sa mort à l'année 1131, Gall. Christ., t. II, p. 1101. TOME II.

 

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