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PHystorique- Les Portes du Temps
12 juillet 2023

CHATEAU DU FOU HISTOIRE — SEIGNEURS DU FOU

CHATEAU DU FOU HISTOIRE — SEIGNEURS DU FOU

Le nom du Fou ne paraît qu'au milieu de la seconde moitié du XVe siècle.

 Antérieurement, cette localité s'appelait Armenteresse ou la Menteresse : décima d'Armenterece, vers 1250; fié d'Armenteresse, 1326; Jehan Salmon, chevalier, seigneur d'Armenteresse, 1433 ; Le Fou, alias la Menteresse, 1500.

Elle doit son nom actuel à Yves ou Yvon du Fou, conseiller et chambellan de Louis XI, qui y fit construire le château encore debout aujourd'hui.

La maison du Fou, anciennement du Faou, de Fagus, hêtre, était originaire de la paroisse du Fou, en l'évêché de Cornouailles en Bretagne.

Elle portait d'azur à une fleur de lis d'or et deux éperviers affrontés d'argent, bequés et membrés d'or.

En 1426, vivait JACOB Du Fou, seigneur de Lezat et de Rustephan. Il eut trois fils, qui tous trois quittèrent la Bretagne pour passer au service du roi Louis XI, auprès duquel ils firent une brillante fortune :

1° YVES, qui continua la postérité et sur lequel nous reviendrons;

2° Raoul, abbé de Noyers en Touraine, 1470-1486; évêque d'Angoulême, puis d'Évreux, mort en 1501 ;

3° Jean, seigneur de Rostrenen, conseiller et chambellan du roi, bailli et gouverneur de Touraine, 1480-1484; grand échanson de France.

YVES, qui nous intéresse particulièrement, était, comme son frère Jean, conseiller et chambellan de Louis XI.

On le trouve, dès 1462, capitaine de la ville et du château de Luzignan ; il est capitaine de Cherbourg en 1464, grand veneur de France en 1472, lieutenant général de l'armée envoyée, en 1474, pour réduire le Roussillon et la Cerdagne; la même année, il est chargé, avec Pierre de Rohan, seigneur de Gié, et Imbert de Bastarnay, de châtier la rébellion de la ville de Bourges; gouverneur du Dauphiné en 1475; général réformateur des eaux et forêts du pays de Poitou en 1478; sénéchal de Poitou en 1480; bailli de Touraine en 1484, il meurt le 2 août 1488.

ARM MOURAUD

Yves DU Fou était devenu propriétaire de l'Armenteresse, qui n'était probablement qu'un médiocre fief dépendant de la seigneurie voisine de la Flotte, par son mariage, vers 1465, avec Anne Mouraude, d'une ancienne famille du Poitou, fille de Jean Mouraud ou Mourault, maire de Poitiers, en 1461, pour la cinquième fois, et de Jeanne Larchère, dont la famille avait également donné des maires à la ville de Poitiers au XVe siècle.

 

C'était là, pour le gentilhomme breton, un riche mariage, auquel ne fut peut-être pas étranger le roi Louis XI, qui aimait assez à récompenser de cette façon, pour lui peu onéreuse, les services qu'on lui rendait. Témoins, le mariage du sire de Bastarnay avec Georgette de Montchenu, dame de Montrésor, et même celui de Jean du Fou, frère cadet d 'Yves, avec Jeanne de la Rochefoucault, héritière des belles terres de Montbazon, de Sainte-Maure et de Nouastre.

Jeanne Mouraude apporta à son mari les seigneuries de la Roche et des Touches de Lezay, en Bas- Poitou, et celle de la Flotte, paroisse de Saint-Cyr en Châtelleraudais, pour laquelle Jean Mouraud rendit aveu au nom de Jeanne Larchère, sa femme, de 1434 à 1456.

C’est peu de temps après son mariage qu'Yves du Fou fit construire dans la paroisse de Vouneuil-sur-Vienne, limitrophe de celle de Saint-Cyr, et sur l’ancien fief de l'Armenteresse, le château qui porte son nom.

Il devait être fort avancé, sinon terminé en 1470, puisque nous voyons, à cette date, Yves du Fou obtenir du roi de substituer à son propre nom à celui de l'Armenteresse.

Nous n'avons pas les lettres patentes de Louis XI, mais elles sont mentionnées de la façon suivante, p. 68 de la Réformation des eaux et forêts du Poitou :

 « Lettres de Louis XI « registrées où besoin a été, par lesquelles il change le nom du château de l’Armenteresse en celui du Fou, dit « mois de mai 1470. »

Des actes authentiques viennent prouver l'exactitude de cette énonciation : en effet, dans des aveux rendus au seigneur de La Barre-Pouvreau, les 5 janvier et 7 mars 1469 (1470, n. s.) (1), nous voyons Yves du Fou qualifié de seigneur de la Rementeresse, tandis qu'en 1474 il a le titre de seigneur du Fou, notamment dans l'aveu rendu par lui, le 15 novembre, de la terre de la Flotte à Charles d'Anjou, roi de Sicile, vicomte de Châtellerault; la mutation de nom a donc eu lieu entre ces deux dates.

Sa femme, Anne Mouraude, était morte en 1479; car, le 20 septembre de cette année, Yvon, seigneur du Fou, chevalier, conseiller, chambellan du roi, grand-veneur de France, tant en son nom que comme loyal administrateur des biens des enfants de lui et de feue Anne Mouraude, rend aveu à la dame de La Barre-Pouvreau pour les hébergements de La Roche, La Boucherie, etc. (2).

ARM VIVONNE ARCHIAC MONTPEZAT

Lors des importants Etats généraux de Tours, convoqués dès le début du règne de Charles VIII, en 1484, le corps de ville de Poitiers y députa Maurice Claveurier et Jean Laidet.

De tout temps les maires avaient été seuls capitaines de la ville. Or, la commission royale qui donna en 1485 la capitainerie du château au sénéchal Yvon du Fou, lui attribua en outre celle de la ville.

Les bourgeois ne manquèrent pas de s'y opposer. Leur procureur Méry Claveurier, en remettant les clefs du château au procureur du sénéchal, le 1er octobre, fit remarquer qu'en cas de péril et de guerre la garde du dit château devait appartenir en commun au sénéchal et au maire.

Les droits ou prétentions des parties furent réservés et le statu quo maintenu.

 Charles VIII fit son entrée solennelle à Poitiers au mois de février 1487, en allant en Guienne, réprimer la révolte féodale dont Dunois était un des principaux chefs.

 ==> Mars 1487 Charles VIII confisque tous les domaines du comte de Dunois et fit démanteler les fortifications de Parthenay

Yvon du Fou contracta un second mariage avec Catherine de Vivonne, fille de Germain de Vivonne, seigneur d'Amville, et de Marguerite de Brosse.

 Catherine, devenue veuve en 1488, se remaria avec Amanieu de Comborn, le 27 janvier 1489.

Yvon du Fou eut, de sa première femme :

1°o Jacques, qui hérita du château du Fou;

2° François, auteur de la branche du Vigean ;

3° Héliette, qui épousa, le 10 novembre 1482, François de Bourdeilles, chevalier, seigneur de Bourdeilles et de la Tour-Blanche, en Périgord.

JACQUES DU Fou, seigneur du Fou en Poitou et du Préau en Quercy, était, avec son frère François, sous la tutelle de l'évêque d'Évreux leur oncle, au mois de décembre 1488 (3).

 Il fut, le 9 juin 1498, confirmé, par le roi Louis XII, maître particulier des eaux et forêts en Poitou, en considération des services rendus au roi Charles VIII qu'il avait suivi à Naples.

 En 1512, il était chargé, avec son voisin Pierre de Neuchèze, seigneur de Baudiment, de la levée des milices en Guyenne et en Poitou.

Nommé maître d'hôtel ordinaire du roi en 1514, il mourait en 1526.

Jacques du Fou avait épousé Jeanne d'Archiac, dont il n'eut que deux filles :

1° Françoise, qui fut la première femme de Jean, seigneur de Hautefort;

2° Helyette ou Lyette qui suit.

Helyette épousa, du vivant de son père, par contrat du 26 décembre 1521, ANTOINE DE LETTES, seigneur des PREZ et de MONTPEZAT, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.

Ce mariage fit passer la seigneurie du Fou dans la maison des Prez de Montpezat.

Brantôme commet, à ce sujet, une singulière erreur. Parlant d'Antoine de Lettes de Montpezat, il écrit :

« Le Roy, au retour de sa prison (1526), passant par le Poitou, luy fit espouser la demoiselle du Fou, « cousine germaine de mon père, riche héritière pour le temps, car elle avoit dix mille livres de rentes, et en « belles maisons (4). »

Si François Ier fit faire ce mariage, dont le contrat est du 26 décembre 1521, il est bien clair que ce ne fut pas au retour de sa captivité de Madrid, en 1526, et pour récompenser Montpezat des services qu'il en avait reçus après la bataille de Pavie et en Espagne.

C'est là une preuve, entre tant d 'autres, que le père Anselme a grandement raison lorsqu'il recommande de lire les mémoires de Brantôme avec précaution.

Le nouveau seigneur du Fou était d'une noble famille du Quercy, jusqu'à lui sans illustration. Écuyer tranchant de François Ier en 1516, début du règne, il devint, en 1520, gentilhomme de la chambre du roi.

Fait prisonnier à la bataille de Pavie, sa rançon fut payée par François Ier auquel il tint compagnie pendant sa captivité et qui le chargea de diverses missions auprès de Charles-Quint; sans doute en récompense de ses services, il obtint la maîtrise des eaux et forêts du Poitou et la capitainerie de Montluçon.

 Après avoir figuré avec distinction au siège de Naples, en 1528, il fut, en 1532, envoyé comme ambassadeur en Angleterre; mais il se fit surtout remarquer en Italie, par la glorieuse défense de Fossano, place du Piémont assez médiocre, dans laquelle il résista pendant trente-deux jours à toutes les attaques des impériaux commandés par Antoine de Leyve, l'un des meilleurs généraux de Charles-Quint.

 Il en sortit, le 8 juillet 1536, avec tous les honneurs de la guerre. On le retrouve encore à la défense de Marseille et au siège de Perpignan;

Il est fait maréchal de France, le 13 mars 1544, il recevait enfin la juste récompense de ses longs et brillants services.

Il ne devait pas jouir longtemps de cette haute dignité, car la mort le prenait au mois de novembre de la même année.

Sa veuve, qui donnait quittance le 15 septembre de partie des gages de son mari, comparut par procureur, comme dame du Fou, à la réformation de la coutume du Poitou en 1559.

De leur mariage naquit :

MELCHIOR DES PREZ, seigneur de Montpezat, du Fou, etc. Il fut comme son père et son aïeul, maître des eaux et forêts en Poitou, et y joignit même la haute fonction de sénéchal de cette province. Il fut également chevalier de l'ordre du Roi et son lieutenant en Guyenne.

ARM SAVOIE

Par contrat du 16 juin 1560, il épousa Henriette de Savoie, marquise de Villars, fille unique d'Honorat de Savoie, deuxième du nom, marquis de Villars, maréchal et amiral de France, et de Françoise de Foix, vicomtesse de Castillon.

Après la mort de son mari, elle se remaria, le 22 juillet 1576, à Charles de Lorraine, duc de Mayenne, pair, amiral et grand chambellan de France.

ARM THOMASSIN

De sa première union était né :

EMMANUEL PHILIBERT DES PREZ, marquis de Villars, seigneur du Fou. Nommé chevalier de l'ordre du Roi en 1618, il fut blessé au siège de Montauban, le 2 septembre 1621, et mourut peu de jours après sans postérité d'Éléonore Thomassin, fille de Renée Thomassin, seigneur de Montmartin.

Vers le milieu du XVIIe siècle, par suite de circonstances que nous n'avons pu éclaircir, le château du Fou entre dans la maison d'Appelvoisin de la Roche-du-Maine qui possédait déjà la seigneurie voisine de Chistré.

Depuis cette époque jusqu'à la Révolution, les deux châteaux n'eurent qu'un même propriétaire et passèrent successivement aux héritiers de Charles Tiercelin d'Appelvoisin de la Roche-du-Maine, auteur de cette réunion.

Nous en avons donné la filiation et les alliances dans la partie de cette étude consacrée au château de Chistré ; nous nous contenterons de les énumérer ici.

ARM VERTEILLAC

Ce sont :

Charles Tiercelin d'Appelvoisin, marquis de la Roche-du-Maine, mort en 1694; Charles-Bernard-Donatien, marié deux fois, en 1707 et en 1714; Charles-Auguste, marié en 1739; Charles-Gabriel-René, marié en 1766 et guillotiné en 1793.

On a vu, à l'article de Chistré, que le Fou fut attribué à la seconde de ses filles, Jeanne-Charlotte-Félicité-Élisabeth, mariée, en 1823, à THIBAUD DE LA BROUSSE, marquis de VERTEILLAC.

 De ce mariage vinrent deux filles et un fils. Les filles furent, l'une la vicomtesse de Courcelles; l'autre, d'abord mariée à M. de Bourbon-Conti, fils naturel du dernier prince de Conti, épousa, en secondes noces, M. Sosthène de la Rochefoucauld, duc de Doudeauville.

Le fils, César-Augustin, marié d'abord à Mlle de Montalembert, n'en eut pas d'enfants.., et se remaria a dame Marie-Henriette de Leuze, dont est née une fille, Marie-Henriette-Herminie, aujourd'hui princesse de Léon et future duchesse de Rohan.

Marquis de Campagne au Château du Fou

Le noble manoir qui nous occupe n’est demeuré à aucune de ces grandes familles; il a été acquis, vers 1854, par M. LE COMTE DE CAMPAGNE.

ARM CAMPAGNE

Par des raisons qu'il est difficile d'apprécier aujourd'hui, les d'Appelvoisin, devenus propriétaires du Fou, le préférèrent à leur ancienne résidence de Chistré dont le château était cependant tout à la fois plus récent, d'une architecture plus élégante et d'une distribution mieux appropriée aux exigences de la vie moderne.

 Le dernier seigneur, Charles-Gabriel-René, alla même plus loin. Il obtint, en 1775, des lettres patentes du roi, portant union des fiefs du Fou, Chistré, Cenan, La Brosse, Cenon, Ternay, Chagon et La Flotte, pour ne former qu'une seule et même juridiction, dont l'exercice se tiendra audit lieu du Fou, sous un seul hommage qui sera fait au roi, à cause de son château de Châtellerault.

C'était, pour ainsi dire, la consécration de la supériorité féodale du Fou sur son antique voisin.

Mais il ne devait pas jouir longtemps de cette faveur, car bientôt la Révolution faisait disparaître toutes les juridictions féodales.

Celle du Fou, même avant la réunion de 1775, était considérable et s'étendait non seulement sur une notable partie de la paroisse de Vouneuil, mais encore dans plusieurs des paroisses voisines.

 Le Fou avait droit de haute, moyenne et basse justice, et relevait féodalement du marquisat de Clairvaux.

 

Planche 10 Vue du Château du FOU côté parc

MONUMENTS .

Le château du Fou, placé sur une colline crayeuse, à gauche de la Vienne, se compose d'un gros corps de logis, aspecté au midi, avec deux ailes en retour d'équerre.

Il est flanqué, aux angles, de fortes tours, sans parler de deux autres de moindre dimension, qui défendent l'entrée, percée dans l'aile orientale.

Le tout est entouré de fossés larges et profonds, dont les parois, en belles pierres de taille, donnent tout à fait grand air à ce vieux manoir.

Ces fossés, qui sont aujourd'hui transformés en jardins, et n'ont jamais dû recevoir beaucoup d'eau, forment le quadrilatère; on est donc porté à croire que la cour intérieure était également fermée par des bâtiments du côté du sud, aujourd'hui ouvert sur une agréable vallée, comme à Chaumont-sur-Loire, dont le plan général a de grandes analogies avec celui du Fou.

Château du FOU porte d'entrée à l'Est

Chaumont est un peu plus récent ; mais tous deux appartiennent à l'époque où la haute noblesse française tend à convertir l'ancien château fort en une habitation de plaisance appropriée aux habitudes nées d'un nouvel état social.

L'architecte avait à concilier les nécessités de la défense avec les exigences toujours croissantes de la vie domestique. Continuant l'ancienne tradition, il ne tint aucun compte des effets du canon, et ne songea à défendre sa forteresse que contre l'escalade.

Aussi, les hautes et puissantes murailles, couronnées de créneaux à mâchicoulis et flanquées de tours, n'étaient-elles percées que d'une seule porte et d'étroites ouvertures inégalement distribuées sur les façades.

A l'extérieur, tout annonçait une sévère forteresse; mais, à l'intérieur, l'aspect changeait; les ouvertures agrandies étaient régulièrement placées les unes au-dessus des autres, offrant, dans le dessin général, des lignes perpendiculaires, tandis qu'au siècle précédent, lorsque, chose rare, elles étaient régulièrement disposées, elles formaient des bandes horizontales.

Ceci s'applique surtout à ce qui a existé, car les ouvertures ont été multipliées et remaniées ; les hautes lucarnes, qui devaient animer la toiture, aujourd'hui refaite et abaissée, ont entièrement disparu.

Château du FOu vue prise sur la Terrase au Sud

Il en est de même du pont-levis, remplacé par un pont dormant; son existence n'est plus attestée que par les profondes rainures creusées de chaque côté de la porte, entre les deux tours qui défendaient l'entrée.

L'intérieur a été complètement remanié; il ne reste plus rien des belles et hautes cheminées qui devaient orner la plupart des appartements.

Par contre, la chapelle, qui se trouve dans l'angle formé par la jonction de l'aile orientale avec le corps de logis, est plus intacte et a conservé ses nervures prismatiques et sa tribune en pierre, à laquelle on accède par l'escalier principal, qui communique directement avec les différents étages du château.

C'est une vis de belles et larges proportions dont le noyau s'épanouit au sommet en d'élégantes ramifications, ornées de pendentifs représentant des anges porteurs de blasons actuellement effacés.

Pigeonnier du château du FOU

Pigeonnier du château du FOU

 

En résumé, le Fou était autrefois une imposante habitation seigneuriale, conservant encore le caractère et les moyens de défense d'une forteresse, mais déjà mieux aérée et plus commode que les châteaux du siècle précédent.

Aujourd'hui, avec les grands arbres qui l'entourent, d'où il semble émerger, c'est une très belle et très agréable résidence.

Le beau parc au milieu duquel s'élève le château renferme trois bornes milliaires de l'époque gallo-romaine, dont une surtout porte une inscription d'un haut intérêt, et qui a servi à M. de Longuemar pour fixer à 2,415 mètres la longueur de la lieue gauloise.

 Cette borne a été exhumée du cimetière de Cenon, localité gallo-romaine située au confluent de la Vienne et du Clain.

 Elle avait été, comme la plupart de celles qu'on a rencontrées au même lieu, creusée en forme d'auge, pour recevoir une sépulture chrétienne; mais elle provenait de la voie romaine de Poitiers à Tours, dont il subsiste dans le voisinage de nombreuses traces.

planche 6

Lecture : Imperator Caesar divi Hadriani filius, divi Trajani Parthici nepos, divi Nervae pronepos, Titus AEHus Hadrianus Antoninus Augustus pius, pontifex maximus, tribunitia protestate... pater patria?, Limonum, IX, Fines, VII.

Les chiffres des années de la puissance tribunitienne qui manquent sur la pierre doivent, suivant une autre inscription, être III, ce qui répond à l'année 140.

On sait que les limites du Poitou et de la Touraine étaient alors à Ingrandes-sur-Vienne, désignée dans l’inscription par le mot fines, et que Limonum est Poitiers.

Cette borne était donc placée à IX unités itinéraires de Poitiers et a VII d'Ingrandes.

Or, en suivant la voie romaine, encore apparente en plusieurs endroits, on a, comme distance entre Poitiers et Ingrandes, 38,640 mètres qui, divisés par XVI, total des unités itinéraires IX et VII, portées sur l'inscription, donnent bien 2,415 mètres, c'est-à-dire la longueur de la lieue gauloise, déjà fixée à l’aide d’autres documents, par MM. de Saint-Ferjeux, Mesnard et Aurès.

Cette modeste pierre est donc un monument précieux.

Éléments protégés MH : les vestiges de la poterne d'entrée avec ses deux tours ; la tourelle d'escalier avec sa voûte supérieure; les douves : classement par arrêté du 6 février 1953. Les parties bâties et non bâties du château comprenant : le logis (en complément des parties déjà classées), les communs, la ferme, l'orangerie, les murs de soutènement, les canaux, les bassins et les fontaines ainsi que des parties non bâties correspondant à l'emprise des jardins : inscription par arrêté du 9 novembre 2010.

CH. DE GRANDMAISON,

Archiviste d'Indre-et-Loire, Membre de la Société des Antiquaires de l'Ouest.

La vénerie moderne  par Léon de Jaquier ; dessins de P. Mahler

Histoire sommaire de la ville de Poitiers par Bélisaire Ledain.

 

 

(1) Inventaire analytique des Archives du château de La Barre par A. Richard, archiviste de la Vienne, t. II, p. 86 et 224.

(2) Inventaire des Archives du château de La Barre, t. II, p. 66, 83, 224.

(3) Ibid., t. II, p. 83 et 86.

(4) Brantôme, Vies des hommes illustres et des grands capitaines françois, discours XVI, art. de M. de Montpezat.

(5) La première ligne et la lettre o soulignées manquent sur la pierre et sont restituées.

 

Pièces Justificatives

Janvier 1468 Rémission octroyée à Pierre Angot, écuyer, marié et établi au Bois-de-Céné, qui, réfugié, avec tous tes autres sujets de la châtellenie, à la Garnache, et ayant été commis par Yves du Fou à diriger les travaux de réparation des murailles et fortifications de la place, avait frappé d'un épieu de chasse un nommé Colas Gahouart qui refusait de lui obéir et qui mourut des suites de ce coup.

(JJ. 200, no 97, fol. 53 vo.)

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de nostre bien amé Pierre Angot,escuier, contenant que dès son jeune aage il a tousjours suivy les guerres et esté de nostre ordonnance soubz la charge de nostre amé et feal chevalier, conseillier et chambellan Loys de Crussol, nostre seneschal de Poictou (1), jusques à ce qu'il s'est marié avec une femme demourant en la parroisse de Boys de Cenné, en laquelle ledit supliant fait de fait sa continuelle residence,qui esten la chastellenie de la Gasnache; ouquel lieu de la Ganasche (2), qui est joignant du païs de Bretagne, ville et chasteau et l'une des belles et fortes places du bas païs de Poictou, laquelle est de bien grant garde et où tenoient de mil à douze cens combatans, où par temps de guerre les subgectz de ladicte chastellenie sont astrains et ont acoustumé eulx retirer et leurs biens.

En ensuivant lesquelles choses, nostre amé et feal Loys de Rezay (3), chevalier, cappitaine de ladicte place de la Ganasche, voiant les divisions presentes, les cources et entreprinses qui y ont esté faictes ès places et chastellenies voisines, aussi l'eminent peril qui pourroit avenir oudit païs par faulte de la garde d'icelle place de la Ganasche, commit à la garde d'icelle nostre amé et feal chevalier, conseillier et chambellan Yves du Fou (4), par nous derrenierement commis à recevoir tes monstres des nobtes en nostre conté de Poictou.

Par lequel fut fait commandement à tous les subgetz de nostre dite chastellenie de eulx retirer et leurs biens en ladicte place de la Ganasche, et mesmement audit suppliant.

Lequel en obeissant audit commandement, se retira lui et ses biens, estant en bonne et suffisant habilement de guerre pour la garde et deffence de ladicte ville.

Et pour ce qu'il estoit homme congnoissant en fait de guerre et que ladicte place estoit ruyneuse en une partie des murailles d'icelle, par quoy estoit neccessité de la reparer par taudeis de bois, clayes et autres choses, et faire par manière qu'on peust environner la muraille de jour et de nuyt, fut par ledit commis par ledit cappitaine nommé ledit supliant pour ordonner et faire faire ladicte reparacion et emparement par les subgetz de ladite chastellenie, qui de toute ancienneté sont tenus de reparer ladicte place, et fait commandement ausdizsubgetz de obeyr en ce audit supliant, auquel fut par ledit cappitaine, le jour saint Thomas XXIe jour de decembre derrenier passé, donné puissance de les y contraindre.

 Et peu après, fist icellui supliant aporter par aucuns desdiz subgetz des clayes et autres boys pour ledit emparement, et fist porter partie d'iceulx sur la muraille pour ce que ceulx qui les avoient apportées estoient trop feibles pour les asseoir et mettre à point, ledit supliant descendit de dessus ladicte muraille pour trouver autres genspouraiderà faire ladicte reparacion et asseoir ledit taudeis, et assez près de la porte de ladicte ville, trouva l'un desdiz subgetz, nommé Colas Gahouart, qui estoit venu en ladicte ville pour aider faire ladicte reparacion auquel il fit commandement démonter sur ladicte muraille, pour aider à asseoir ledit taudeis.

Lequel Gahouart estoit homme de bras et haustère, habondant en rigoureux langaige, et lui fist responce en jurant le sang, la mort et la teste de Dieu, qu'il n'y entreroit point et qu'il n'en avoit que faire.

Ce voiant ledit supliant et que ledit emparement requeroit scelerité, fist deffense au portié de non le laisser yssir jusques à ce qu'il eust aidé à faire ladite reparacion, ainsi que faisoient les autres subgetz.

Lequel Gahouart, nonobstant ladicte deffense, s'efforça yssir hors ladicte ville, en jurant le sang et la teste de Dieu que, pour ledit supliant ne pour ledit portier il n'en feroit riens et s'en iroit oultre leur gré et ce fait, se prinst audit supliant et le rebouta bien rudement de savoye et voiant par icelluy supliant la rebellion dudit Gahouart et les blaphèmes du non de Dieu qu'il faisoit, aussi l'eminent peril qui estoitpar deffault de ladicte reparacion, s'avança de vouloir contraindre reaument et de fait ledit Gahouart à aider à faire ladictereparacion, et en ce faisant d'un espieu de chasse que ledit supliant tenoit en sa main, cuidant [frapper] d'icellui ledit Gahouart sur les espaulles, de cas de fortune et d'avanture, ainsi que ledit Gahouart démarcha, le coup du plat dudit espieu luy cheut sur l'ouye senestre, duquel coup ledit Gahouart fut. …….(5) et l'oreille rendit ung peu de sang, et après qu'il fut confessé perdit la parolle.

Et depuis a vescu quatre ou cinq jours, beut et manga, et après ce, par mauvais gouvernement ou autrement, ala de vie à trespas. [A l'occasion] duquel cas, ledit supliant, doubtant rigueur de justice, s'est mis en franchise, dont il n'oseroit yssir, se noz grace et misericorde ne lui estoient par nous sur ce imparties, si comme il dit, en nous humblement requérant que, attendu ce que dessus est dit et que ledit cas est advenu par cas de fortune, en cuidant contraindre ledit Gahouart à aider à faire ledit taudeis, que en tous autres cas il est bien famé et renommé et ne fut jamais actaint ne convaincu d'aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise lui impartir nostre dicte graceet misericorde.

 Pour ce est il, etc., en quoy, ete., et l'avons relevé, etc., satisfacion, etc. et sur ce imposons, etc.

Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc., sans pour ce lui mettre ou donner, etc. Et se son corps, etc.

Et afin, etc. Sauf, etc.

Donné au Mans, ou moys de janvier l'an de grace mil cccc. soixante sept, et de nostre règne le septiesme.

Ainsi signé Par le roy, à la relacion du Conseil. Rolant. Visa. Contentor. Duban.

 

 

 

 

 

(1). Sur Louis de Crussol, sénéchal de Poitou, cf. notre volume précédent, p 450, note.

(2). Béatrice de Clisson, l'une des filles du connétable, avait apporté les terres et seigneuries de la Garnache et de Beauvoir-sur-Mer à son mari Alain vni, vicomte de Rohan, comte de Porhoët et de Léon, après la mort duquel elles passèrent à leur fils aîné, Alain IX.

 Celui-ci étant décédé le 20 mars 1462 n. s., c était, à la date des présentes lettres, Jean II, vicomte de Rohan, son fils, qui était seigneur de la Garnache.

 Il quitta en 1470 le service du duc de Bretagne pour s'attacher à Louis XI.

(3). D'une famille originaire de Bretagne, Louis de Rezay, chevalier, fils de Mathurin, était établi dans le Bas-Poitou, où il possédait les seigneuries de la Merlatière, de la Ralière, de la Jarrie et de Saint-Fulgent.

Le 20 octobre 1467, à Fontenay-le-Comte, il s'excusa auprès d'Yvon Du Fou, commissaire du roi, de ne pouvoir se rendre au ban des nobles de la sénéchaussée de Poitou, retenu par ses fonctions de capitaine du château de la Garnache, et il prêta serment de garder fidèlement cette place. (Roolles des bans et arrière-bans de province de Poictou, etc. Réimpr. Nantes, 1883,in-4°, p. 21.) Il occupait cette

charge dès avant l'année 1460, comme on l'apprend par un procès criminel jugé au Parlement de Paris, dans lequel il était inculpé.

Alain vin de Rohan, seigneur de la Garnache, s'était engagé à payer une rente de 120 écus à Nicolas de Volvire, chevalier, et il y eut contestation au sujet de l'assiette de cette rente entre Joachim et Maurice de Volvire, ses fils, d'une part, et Béatrice de Clisson, veuve d'Alain VIII, d'autre, contestation qui fut reprise par Maurice de Volvire, seigneur de Rocheserviére, Saint-Gervais et Chaveil, héritier de son frère, contre Alain IX, puis contre Jean II, vicomte de Rohan, et durait encore le 1er septembre 1467, date de lettres de Louis XI données à la requête du seigneur de Rocheservière. (Coll. dom Fonteneau, t. VIII, p. 215.)

Au cours du procès, à l'instigation d'Alain ix ou pour lui être agréable, Louis de Rezay, capitaine de la Garnache, Pierre Du Tertre, châtelain, Jean Blois l'aine, procureur, André Quesneau et plusieurs autres officiers dudit lieu se rendirent coupables de violences et d'excès contre Maurice de Volvire, battirent ses gens et prirent ses biens à Saint-Gervais.

Une information ayant été ordonnée sur la plainte de celui-ci, ils l'entravèrent par tous les moyens, et mirent douze hommes armés en embuscade pour s'emparer de la personne du plaignant et de ceux qui étaient chargés de l'enquête.

La cour, ayant été saisie de l'affaire, décerna un mandement pour informer à nouveau le 16 juillet 1460.

Maurice de Volvire dut se faire délivrer un sauf-conduit, le 23 mai 1461, pour venir sûrement à Paris, où il obtint, le 15 décembre suivant, un défaut contre les officiers de la Garnache.

 Les plaidoiries eurent lieu le 17 février 1462, et à partir de cette date on ne trouve plus rien de l'affaire sur les registres criminels, qui du reste présentent beaucoup de lacunes. (Arch. nat., X2a 29,fol 225 vo ; X2a 30, fol. 44 vo, 45 r° et v°; X~32, aux dates du l5 déc. 1461 et du 17 février 1462,n. s..)

Une dizaine d'années plus tard, Louis de Rezay (qui neprend plus le titre de capitaine de la Garnache) fut à son tour victime de sévices semblables, et dans les mêmes conditions, ainsi que ses officiers de la Merlatière et de la Ratière.

 Un procès ancien, que Mathurin de Rezay et ensuite Louis, son fils, soutenaient contre le comte de Penthièvre et contre le fils de celui-ci, Jean de Brosse, sr de Laigle, parce que ces derniers voulaient contraindre les habitants de la châtellenie de la Merlatière à faire le guet au château des Essarts, fut la cause déterminante de la haine que le seigneur de Laigle voua à Louis de Rezay, et des voies de fait qu'il fit exercer par ses officiers et serviteurs contre sa personne et ses biens et ceux de ses gens.

Au mois d'avril 1469, il envoya une cinquantaine de gens de guerre au « Bois-Roteau », appartenant aux Rezay, où ils chassèrent à cor et à cri, dans le but de faire sortir du château de la Merlatière, pour les attaquer, Louis de Rezay et ses serviteurs.

La femme de celui-ci, qui était alors à la Jarrie, ainsi que son frère Gabriel, un garde et quelques hommes vinrent se rendre compte de ce qui arrivait. Les chasseurs alors leur coururent sus, criant « Tuez ! tuez »

Madame de Rezay fut jetée à terre et blessée, Gabriel et le garde furent emmenés prisonniers. Tels sont les faits qui motivèrent les poursuites de Louis de Rezay contre le sr de Laigle et ses serviteurs, et pour lesquels le procureur général s'adjoignit à lui. Par mandement du 26 juillet 1469, la cour ordonna l'arrestation des coupables.

Elle ne put sans doute avoir lieu, car, le 2 juillet 1470, Rezay et le procureur du roi requéraient défaut contre Jean de Brosse et ses officiers, qui depuis avaient été ajournés en personne, sur peine de bannissement et de confiscation, et s'étaient bien gardés de venir.

Le sr de Laigle d'ailleurs avait eu le crédit d'obtenir des lettres l'autorisant à se faire représenter par procureur.

C'est dans les plaidoiries, prononcées le 20 novembre 1470, et dans le mandement du 26 juillet de l'année précédente, que l'on a puisé ce résumé des faits de la cause, dont l'issue n'a pas non plus été retrouvée. (X2a 35, date du 2 juillet 1470 ; X2a 36, fol. 246 ; X2a 37, au 20 novembre 1470.)

(4). Yves ou Yvon Du Fou, chevalier, second fils de Jacques Du Fou, seigneur de Rustephen en Bretagne, fut, par les charges et missions importantes et nombreuses qu'il remplit, un personnage considérable et très en vue sous les rois Louis XI et Charles VIII.

 Ecuyer d'écurie du premier dès le début de son règne, il lui était sans doute attaché déjà quand il était encore dauphin.

 Par lettres patentes datées de Paris, le 24 septembre 1461, ce prince lui fit don des moulins, prés, rivière et étangs de Lusignan (Arch. de la Chambre des Comptes, anc. mém. L, fol. 166 Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 138), et quelques mois après il le nomma capitaine du château de Lusignan.

 A l'époque de la Ligue du Bien public, trois jours après le combat de Montlhéry, le 19 juillet 1465, Charles comte du Maine écrivait de Châtellerault aux maire et habitants de Poitiers :

« Pour aucunes choses survenues, envoyons presentement le cappitaine de Lusignen vers vous, auquel nous avons donné charge en parler à vous amplement et pour vous dire comment de présent monseigneur le roy est à Corbeil ou dedens Paris, avecques la pluspart de son armée par quoy les choses ne sont si mal qu'on les pourroit bien avoir semées. Et de nostre part sommes cy venuz pour faire garder les passaiges de par deçà et pour amasser gens, ainsi que plus à plain saurez par ledit cappitaine …»  (Arch. hist. du Poitou, t. ter, p. 153.)

Deux ans plus tard, il écrivait lui-même, de Paris, le 31 août 1467, à Messieurs de la ville de Poitiers « Le roy a sceu que Monsr Charles (le frère de Louis XI) a eu aucuns entendemens et a cuidé faire aucunes entreprises secretes sur la ville de Poictiers. Et à ceste cause m'en a parlé et demandé mon advis, mais je luy ay repondu et avecques ce me suis fait fort pour tous vous, Messieurs, que sur ma vie il ne s'en doit soulcier toutesfoiz il vous en a escript par monsr le bailly des Montaignes (Josselin Du Bois, seigneur engagiste de Montmorillon).

Par quoy je vous pry que sur ce luy vueillez escrire en façon qu'il n'ait cause d'avoir suspection sur vous et que vueillez avoir aussi bonne voulenté à bien et leaument le servir, comme vous et vos predecesseurs avez tousjours fait ou temps passé. » (M. ibid., p. 167.)

La commission d'Yvon Du Fou pour recevoir les montres des nobles du pays de Poitou, rappelée dans les présentes lettres de rémission, était datée de Paris, le 21 septembre 1467, comme il nous l'apprend lui-même dans le rôle des nobles qu'il fit dresser à cette occasion. (Roolles des bans et arrière-bans de la province de Poictou, etc. Réimpression, Nantes, 1883, in-4o, p. 3.)

Citons aussi un mandement de Louis de Crussol, sénéchal de Poitou, à Michel Dauron, receveur ordinaire pour le roi dans le comté, lui ordonnant, le 5 octobre sui- vant, de payer les frais de déplacement de quatre sergents chargés d'aller faire « afficher les assignations desdites montres pour le present mois d'octobre, savoir le premier par tout le siège de Poictiers, le second par tout le siège de Nyort, le troisiesme par tout le siège de Fontenay le Comte, et le quatriesme par tout le siège de Thouars ». (Orig., Bibt. nat.,ms. fr. 27692, no 8.)

Le 18 octobre 1469, par lettre écrite à La Rementeresse, Du Fou demandait à Louis XI, en raison du serment qu'il lui avait fait en recevant la garde du château de Lusignan, de n'y laisser entrer jamais homme plus fort que lui, réservé la personne du roi, quel accueil il devait faire à une requête de Charles, duc de Guyenne, d'être reçu dans cette place. Il priait en même temps le roi de faire asseoir de nouveau sur les revenus du Poitou les 1.000 écus qui avaient été rayés de sa pension. (Bibi. nat., ms. fr. 20485, fol. 130.)

 Louis XI, qui était à ce moment en bons termes avec son frère, lui répondit d'Orléans, dès le 21 octobre suivant, le relevant de son serment et lui recommandant de ne faire aucune difficulté d'accueillir le duc de Guyenne au château de Lusignan et de lui en remettre les clefs. (Vaësen, Lettres missives de Louis XI, in-8°. t. IV, p. 39.)

Une autre lettre d'Yvon Du Fou, de Cognac, le 3 mai 1472, annonce à Louis XI la capitulation de cette ville où commandait, pour le frère du roi, le sire d'Archiac, qu'il garde prisonnier provisoirement, tout en sollicitant pour celui-ci l'indulgence royale. (Bibl. nat., ms. fr. 20486, fol. 18.)

Une missive du roi en date du 7 mai suivant témoigne que celui-ci ne vit pas de bon œil l'indulgence dont le capitaine de Lusignan avait fait preuve envers le sire d'Archiac, qui s'était gravement compromis dans les menées du duc de Guyenne. (Vaësen, op. cit., t. IV, pp. 318, 367.)

Mentionnons encore deux lettres d'Yvon Du Fou adressées à Louis XI et datées des 30 octobre et 3 novembre, sans indication d'année, et une lettre à lui écrite en qualité de gouverneur d'Angoumois par le sr de Canaye, d'Ancenis, le 27 décembre 1472.(Ms.fr. 20428, fol. 48, 49 ms. fr. 20429, fol. 49.)

Si Louis XI garda rancune à Yvon, comme il l'appelle familièrement dans ses lettres missives, de sa modération envers le sire d'Archiac, ce ne fut pas pour longtemps car dans le courant de cette année même (1472) il lui donna l'office de grand veneur de France aux gages de 3200 livres.

Il avait en outre 2000 livres d'appointements comme capitaine de la ville et du château de Lusignan et une pension de 2700 livres dont il jouit toute sa vie.

En 1462 il était premier échanson du roi et quelques années plus tard son chambellan. Dans le troisième compte de Mathieu Beauvarlet, pour l'année finie le 30 septembre 1464, Yvon Du Fou figure en outre en qualité de capitaine de Cherbourg.

Il est dit capitaine général des francs-archers dans des lettres patentes données à Chartres, au mois d'août 1474, confirmant à Agne de La Tour, vicomte de Turenne, et aux habitants de la vicomté, ses sujets, leur exemption de fournir aucun contingent de francs-archers ni de contribuer à leur habillement. (JJ. 204, no 89, fol. 55 v° ; Ordonnances des Rois de France, t.XVIII, p. 46, où le nom Du Fou est imprimé par erreur Dufort.)

La même année, Du Fou avait été nommé lieutenant général à l'armée de Roussillon et de Cerdagne, pour réduire ces pays en l'obéissance du roi.

 Dans des actes de 1475 on le trouve qualifié gouverneur de Dauphiné.

En 1478, il obtint encore la charge de maitre et général réformateur des eaux et forêts en Poitou l'on conserve à la Bibliothèque nationale quatre quittances de lui à Etienne de Bonney, receveur ordinaire de Poitou, pour les gages de cet office (16 nov.1478, 11 sept. 1480 (deux) et 13 déc. 1481 ms. fr. 27692, Pièces orig. 1208, Du Fou, nos il, 12, 14 et 15).

Pendant la longue minorité de Charles, comte d'Angoulême (1467-1476), Yvon Du Fou, qui lui avait été donné comme curateur, exerça aussi le gouvernement de l'Angoumois avec la comtesse douairière, Marguerite de Rohan, veuve de Jean d'Orléans, et eut à poursuivre un long procès contre Renaud Chabot, puis contre Louis, son fils, seigneur de Jarnac, qui avaient usurpé certains droits appartenant au comte et accablaient de vexations leurs sujets de ladite seigneurie. (Voy.Titres de la Chambre des comptes d'Angoulême, Arch. nat.,P.1406.)

Nommé bailli de Touraine l'an 1484, il fut reçu en cette qualité par la Chambre des comptes de Paris, le 10 juillet de cette année. (Arch. nat., PP 118, anc. mémorial S., fol. 92V. et Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 231.)

Il n'exerça que peu de temps cet office *, car dès l'année suivante il fut appelé à remplacer, comme sénéchal de Poitou, Philippe de Commines qui venait d'être destitué.

 Nous n'avons pas à entrer ici dans le détail de la disgrâce du célèbre auteur des Mémoires, assez connu d'ailleurs depuis les études publiées par leurs plus récents éditeurs.

Par lettres patentes données à Orléans, le 15 septembre 1485, Charles VIII, ou plutôt la régente Anne de Beaujeu, avait déclaré Commines privé de sa dignité de sénéchal de Poitou et de la charge de capitaine de Poitiers, qui de tout temps avait été unie à celle de sénéchal, et disposé de ces deux offices en faveur d'Yvon Du Fou, grand veneur de France. (Edit. de Mlle Dupont, mémoires de Philippe de Commynes, Preuves, t.III, 1847, in-8°, p. 128 Kervyn de Lettenhove, Lettres et négociations de Philippe de Commines, Bruxelles. 2 vol. in 8°, 1868,t. p.36.)

 On conserve aux Archives de la ville de Poitiers un acte du 1er octobre 1485, par lequel J. Guyneuf, chevalier, sr de Boulzé fondé de pouvoirs de Mre Yvon Du Fou, sénéchal de Poitou, reconnaît avoir reçu d'Aimery Claveurier, au nom des maire, bourgeois et échevins de Poitiers, les clefs du château et stipule que, toutes les fois qu'il adviendrait péril imminent en cette ville, les maire et échevins auraient la garde des clefs avec le sénéchal, et qu'aucune des portes murées par leur ordre ne serait ouverte sans leur consentement.

Le même jour, Jean Falaiseau, lieutenant général du bailli de Touraine, chargé par le nouveau sénéchal de prendre en son nom possession de cet office, déclara aux magistrats municipaux que les provisions de capitaine du château de Poitiers données au profit de Du Fou n'avaient point pour effet de lui commettre la garde de la ville, qui par un ancien usage et privilège appartenait au maire, mais seulement la garde et capitainerie du château, sauf au sénéchal à faire valoir ses droits comme il le jugerait à propos. (Orig.. Arch. comm. de Poitiers, E. 22.)

Yvon Du Fou jouit de ces deux offices jusqu'à sa mort. c'est-à-dire pendant trois ans environ.

Gautier des Cars, sénéchal de Périgord, lui succéda comme capitaine du château de Poitiers (21 août 1488. id. E. 23). et Jacques de Beaumont, sire de Bressuire, en qualité de sénéchal de Poitou.

 

Le dernier acte émanant d'Yvon Du Fou que nous ayons trouvé, est daté du 27 juillet 1488, six jours avant son décès il s'y intitule chambellan du roi et sénéchal de Poitou, et confesse avoir reçu d'Antoine Bayart, trésorier général de Languedoc, la somme de 350 livres à lui donnée par le roi pour l'indemniser de ses dépenses devant la ville de Fougères, pendant que l'armée royale en faisait le siège, auquel il avait charge de par le roi de la conduite de l'artillerie. (Bibl. nat., ms. fr. 27692, Du Fou, no 18.)

Louis XI s'était d'ailleurs toujours montré d'une grande libéralité envers ce personnage.

Voici un relevé des principaux dons qu'il lui fit, outre celui des moulins, prés et étangs de Lusignan, daté du 24 septembre 1461, mentionné plus haut :

 Tours, juin 1469, don de l'étang de Coursec (cne de Montamisé) et de la terragerie de Charracé (Bibl. nat., ms. fr. 27693, no 5), dont aveu en date du 18 avril 1472 (Arch. nat., P. 1145, fol. 151) cf. une lettre de Louis XI à la Chambre des comptes, lui ordonnant d'enregistrer lesdites lettres, 4 août 1469, Vaësen, Lettres de Louis XI, t. IV, p. 19); Paris, 10 novembre 1474. Don à vie du revenu du domaine de Lusignan, à percevoir de la main du receveur de domaine du Poitou (anc. mém. 0 de la Chambre des comptes, fol. 191 Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 189), revenu qui s'élève, pour l'année finie à la Saint-Jean 1477, la somme de 331 livres 6 s. 5 d., suivant la quittance de Du Fou à Etienne de Bonney, receveur ordinaire, du 18 novembre 1477 (ms. fr. 27692, n" 10) Le Plessis du Parc, 5 novembre 1477. Don de tout le profit, revenu et émolument du droit de gabelle du grenier à sel de Louviers (vidimus des lettres patentes et quittance, du 17 janvier 1480, d'une somme de 1024 livres tournois, montant dudit revenu pour la seule année 1479 (M.. n°s 9 et 13) Lierville, août 1480. Lettres de don à Yvon Du Fou, chambellan du roi et grand veneur de France, et à ses héritiers en toute propriété, de la forêt de Gâtine et de l'étang de la Tomberrard en Poitou (Arch. nat., X1a 8607, fol. 253 vol, enreg. le 22 novembre suivant au Parlement de Paris (id. X1a 1489, fol. 167), à la suite de deux lettres de cachet du roi à la cour, la première datée d'Orléans, le 21 août, et la seconde de Pithiviers, le 29 août 1480. (Vaësen, Lettres de Louis XI, t. VIlIt, p. 179 et 261) la forêt et l'étang étaient dans la mouvance de Lusignan Du Fou en fit hommage au roi, le 26 mars 1481 n. s. (Arch. nat., P. 5543, cote )tic xLvi.) Citons encore deux quittances de payement de sommes à lui dues pour parties de sa pension: l° par Michel Dauron, receveur et payeur des gens de guerre en Poitou 2° par Jean Rideau, fermier de la ferme du quart du sel audit pays, le 4 avril 1471 n. s., et le 2 mars 1472 n. s. ; une autre du 15 juillet 1475, dans laquelle Yvon Du Fou s'intitule chambellan du roi, grand veneur de France et gouverneur d'Angoumois, par laquelle il reconnaît avoir reçu de Noël Le Barge, trésorier des guerre?, 300 livres pour son état de capitaine de cent lances fournies d'avril à juin 1475. (Ms. fr. 27692, nos 6 à 8.)

Yvon Du Fou avait épousé une riche héritière de Poitiers, Anne, fille unique de Jean Mourraut, sr de la Hoche, des Touches de Lezay, etc., etc. (sur lequel cf. notre t. IX, p. 328, et notre t. X. p. 303), et de Jeanne Larcher.

 Ce mariage eut lieu peu de temps avant le mois de juin 1469; eu effet, dans la donation que lui fit le roi de l'étang de Coursec, à propos de la terre et seigneurie d'Armentaresse (aliàs la Hamentaresse), il est dit qu'elle lui était advenue tout récemment or l'on sait pertinemment qu'elle lui fut apportée en dot, avec beaucoup d'autres, par Anne Mourraut.

La situation de ce fief plut à Du Fou : il y fit construire un château et obtint de Louis XI, par lettres de mai 1470, que le nom d'Armentaresse serait commué en celui du Fou, qu'il a toujours conservé depuis.

Dans une note relative à Jean Mourraut, nous avons indiqué les hommages et aveux qu'Yvon fit au nom de sa femme, des terres et seigneuries relevant de la Barre-Pouvreau. (Vol. précédent, p. 306, note.)

Après son mariage, il accrut encore ses possessions de Poitou par l'acquisition des terres et seigneuries du Vigean et de la Loubantière (paroisse de Buxerolles) cette dernière, relevant de la Tour-Maubergeon, lui fut cédée par les héritiers de feu Philippe Arnault, et il en rendit aveu le 25 janvier 1478 n. s. (Arch. nat., P. 1145, fol. 151.)

Dans le but d'arrondir la première, il passa le 19 juin 1487, devant le garde du sceau aux contrats de la ville et châtellenie de l'Isle-Jourdain, un contrat d'échange avec Jean de Langellée, écuyer, seigneur de la Fa, son voisin, de plusieurs pièces de terre sises au « Pré Chenevrault », aux Renardières, sur le chemin de la Fa au village du Magnou, etc.

 Dans cet acte Yvon Du Fou s'intitule chevalier, seigneur du Fou et du Vigean, chambellan du roi, grand veneur de France et sénéchal de Poitou. (Bibl. nat., ms. fr.27692, Fou, n" 2.)

 Il avait fondé avec Anne Mourraut, le 7 mai 1475, une chapelle, des messes et anniversaires dans l'église Notre-Dame-la-Grande e de Poitiers les titres et qualités qu'il prend dans l'acte de fondation sont chambellan du roi, grand veneur, gouverneur d'Angoumois et capitaine de Lusignan. (Coll. dom Fonteneau, t. XX, p. 658.)

Sa première femme étant morte un peu antérieurement au20 septembre 1479, date d'aveux qu'il rendit au nom de ses fils mineurs, il épousa en secondes noces Catherine de Vivonne, fille de Germain, seigneur de la Châtaigneraie, dont il n'eut point d'enfants.

 Yvon Du Fou mourut le 2 août 1488 et fut inhumé dans la chapelle de Sainte-Anne à Notre-Dame-la-Grande, où l'on voit encore une partie de son tombeau orné de son blason, que l'on retrouve à la voûte avec celui d'Anne Mourraut.

Ses deux fils, Jacques et François, encore mineurs, eurent pour tuteur Raoul Du Fou, évêque d'Evreux, abbé de Valence, leur oncle (cf. Mémoire pour les enfants d’Y. Du Fou, Bibl. nat., ms. fr. 20432, fol. 5), qui reçut en leur nom et en cette qualité, le 1er mars 1489, à cause de leur seigneurie de Lage-Saveneau, un aveu de Pierre Gnenand pour diverses pièces de terre. (id., ms. fr. 27692. Fou, n° 26.)

Catherine de Vivonne se remaria, en 1489, à Amanieu, vicomte de Comborn.

 * Il n'est pas absolument certain d'ailleurs qu’Yvon Du Fou ait été réellement bailli de Touraine.

A la date du 3 mai précédent (1484), on trouve sur le registre du Parlement mention du serment et de la réception de Jean Du Fou en qualité de bailli de Touraine (X1a 4825, fol. 214).

 Les anciens inventaires de la Chambre des comptes portent bien Yves Du Fou comme ayant été reçu le 1er juillet ; mais il a pu y avoir confusion de prénom. D’autre part, il n’y a point de doute que Jean, grand échanson de France, frère ainé d’Yvon, ait exercé la charge de bailli et gouverneur de Touraine. (Le P. Anselme, t. VIII, p.582)

(5). Ici, deux ou trois mots absolument illisibles, par suite de l'usure du parchemin.

 

 

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