Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PHystorique- Les Portes du Temps
9 novembre 2021

19 septembre 1356 Bataille Poitiers – Maupertuis, le roi de France Jean le Bon est fait prisonnier par le Prince Noir

19 septembre 1356 Bataille Poitiers – Maupertuis, le roi de France Jean le Bon est fait prisonnier par le Prince Noir

Des merveilleuses aventures et fortunes du vaillant prince de Galles qui, à poy de gens, se parti de Bordeaulx l'an de grâce MCCCLVI et s'en vint parmi le pays de Gascongne, de Lymosin et de Berry, ardant et exillant jusques prez d'Orliens et de Parys, et le suivy le roi Jehan jusques prez de Poittiers, et furent les François desconfits et le dit roy pris  

 

Les différents récits sont contradictoires : il est donc difficile de reconstituer la bataille sur le terrain.

Malgré d’ultimes et matinales tentatives, le cardinal de Talleyrand échoue dans sa mission de paix.

Die Lunae, hoc est XIX. Die mensis Septembris, in Aurora venit cardinalis ut prius de pace tractanda, sed minime profuit. Princeps vero videns partem adversam indies roborari, potius elegit congredi quam ita in damnum suum prolongari. Nam saepe videbat nunc ducentos, nunc CCC., nunc quigentos catervatim ruere ad cuneum Francorum, quod maxime ipsum aggravabat ; unde cardinali simpliciter respondebat se non ulterius verbis suis parere fabulosis, sciens ipsum amabiliorem regi Franciae quam sibi, et sic data principi benedictione remeavit unde prius evenerat.

Le jour se lève découvrant les préparatifs de chacun.

 L’armée de France avec sa tête la cavalerie d’élite suivie des différents corps de bataille est prête à déferler sur les anglais pour les anéantir.

 

Le roi de France donna le signal de l'attaque.

Mais les vingt-quatre heures de répit qu'il avait accordées devaient lui être funestes.

Pendant cet intervalle, le prince Noir avait modifié son ordre de bataille et rendu sa position locale plus formidable. Il comptait en tout 15,000 hommes, dont un tiers seulement était anglais; le reste se composait d'Aquitains, de Gascons et d'aventuriers.

Son armée se divisait ainsi : 6,000 nobles, 6,000 archers, 2,000 soudoyers ou brigands et quelques valets. Il mit à pied sa cavalerie, la rangea sur trois lignes, et plaça aux extrémités les Gascons et les aventuriers disposés en herse ou coins renversés, attaquant par la base.

Ces derniers corps étaient formés de soldats très-braves, mais très-indisciplinés. Ils avaient, il est vrai, pour chefs d'excellents officiers, et entre autres le captal de Buch, un des capitaines les plus renommés de cette époque (1), ce qui fait que le prince de Galles espérait en tirer bon parti.

 

La première bataille des Anglais était aux ordres des deux maréchaux, les comtes de Warwick et de Suffolk. 

En outre, il fit mettre en embuscade sur le revers de la position 1,000 cavaliers qui, sous les ordres du comte de Warwick, devaient attaquer par le flanc l'armée du roi Jean au moment où elle monterait à l'assaut du plateau.

Là étaient les Gascons, le sire d'Albret, le sire de Pouamiers et ses frères, le sire de Montferrand, le sire de l'Esparre, le sire de Mussidan, le sire de Condom, Jean de Grailly captal de Buch, Aimery de Tarse et plusieurs autres bons chevaliers et écuyers de Gascogne et d'Angleterre, et les archers devant eux en manière de herse.

 

Le prince conduisait la deuxième bataille ;

il avait sous lui 1,000 hommes d'armes, 2,500 archers et 1,600 brigands, et étaient auprès du prince et pour son corps garder, deux bons chevaliers, Jean Chandos et James Audley.

Il avait pour lieutenants d'habiles officiers qui ne le quittèrent point dans toutes ses campagnes, tels que: Regnault Cobham, Richard Stafford, le sire de la Ware, Edouard Spencer, Pierre Audley, Barthélemy Burghersh, et Thomas Spencer, Thomas Granson, Richard de Pontchardon, le sire de Felton, Maurice Berkerley et plusieurs bons chevaliers ; ils étaient très-bien ordonnés et mis en bon convenant, chaque baron et chevalier sous sa bannière et son pennon, et les archers devant eux.

Le prince de Galles, dit un écrivain, n'avait pas encore vingt-cinq ans; mais à cet âge il était déjà un vieux guerrier, car il se battait depuis dix ans. Il avait déployé des talents qui le mettaient au rang des meilleurs généraux de son siècle. De nouveaux exploits lui acquirent la réputation du plus grand capitaine que l'Angleterre ait produit.

Plusieurs de ces officiers portaient l'ordre de la Jarretière qu'Édouard III leur avait donné en récompense de leur belle conduite à Crécy.

 

La troisième bataille, qui formait arrière-garde, était aux ordres de deux comtes d'Angleterre, très-vaillants chevaliers, Salisbury et Oxford.

Là se tenaient Guillaume Fitz-Warin, Etienne de Consenton, le sire de Braseton, le sire de Multon, Beaudoin de Fraville, le sire de Basset, le sire de Willoughby, le sire de Berkeley, Daniel Pasèle, Denis de Morbeke et plusieurs autres bons chevaliers et écuyers, chaque seigneur sous sa bannière et les archers devant eux.

L'ordre et le silence le plus profond régnaient dans le camp des Anglais, celui des Français au contraire était plein de tumulte et d'agitation.

La bataille des maréchaux

Les anglo-gascons appliquent le plan initié par Chandos : une manœuvre de provocation puis une fuite feinte du plus gros des troupes dissimulées par d’immenses « fumière » (feux produisant des nuages de fumée).

Ce mouvement attise l’impatiente des maréchaux français qui en total désaccord se disputent et sans même consulter le roi chargent de manière désordonnée chacun de leur côté.

Le choix des cavaliers qui devaient les premiers frayer un passage à l'armée avait amené beaucoup de réclamations : tous les barons français voulaient avoir l'honneur d'en faire partie et de porter les premiers coups à l'ennemi.

Cette opération se termina au milieu des plus violents murmures, et, selon le plan proposé par Eustache de Ribeaumont, on marcha à l'ennemi.

Les 300 cavaliers désignés s'avancèrent alors sous les ordres des maréchaux de Clermont et d'Andrehen et se précipitèrent au galop, tête baissée, dans le défilé. Ils étaient suivis d'une division d'infanterie.

 Le roi de France, devant rester en ligne, renvoya ses chevaux; les nobles suivirent son exemple; en peu de temps il n'y eut guère plus que des hommes à pied.

Au moment où la cavalerie française s'engageait dans le chemin du plateau, les arbalétriers anglais, cachés derrière d'épais buissons, firent pleuvoir sur eux une quantité prodigieuse de traits qui, lancés presque à bout portant, atteignirent tous le but.

« Les Englois avoient fait deux ailles de leurs archiers sur les costez de le bataille …C’est aux archer que se heurtent successivement la bataille des maréchaux, puis celle du duc de Normandie qui réussit cependant à forcer l’entrée du camp anglais,  mais les archiers des Anglois prindrent si espessement à traire que la bataille du duc commança à ressortir, et enfin celle du roi : Mais François s’entasserent si pour le grant trait des archiers, qui sur leurs testes leur venoit, que grant foison ne povoient combatre et chairent les uns sur les autre. »

Les chevaux, piqués par de longues flèches dentelées, se renversaient sur leurs cavaliers; en peu de temps le chemin fut comblé de cadavres.

Cependant l'élan des Français avait été si impétueux, que les maréchaux Jean de Clermont et Raoul d'Andrehen rompirent les palissades, parvinrent jusqu'au plateau et culbutèrent les premiers rangs d'archers. Mais leurs efforts cédèrent à la difficulté du terrain qui était couvert de vignes; ils ne purent aller plus loin, et cette charge vigoureuse ne produisit aucun effet.

 

Après la défaite des maréchaux français, le Manuscrit d'Amiens ajoute encore :

« Quand les gens d'armes d'Angleterre virent que cette première bataille était déconfite, et que la bataille du duc de Normandie s'ouvrait et branlait, il leur revint force et courage, ils montèrent tous à cheval, ceux qui chevaux avaient. Et quoique d'abord ils se fussent mis en trois batailles, ils se remirent en un instant en une seule et chevauchèrent en avant, criant très-haut et très-clair :

« Saint Georges et Guyenne ! »

 

Ainsi la division en trois batailles est affirmée souvent dans le Manuscrit d'Amiens qui, dans le plan général de la bataille, s'accorde avec la rédaction primitive, bien qu'il en diffère dans beaucoup de détails.

On a pu voir combien pour les nombres, il est impossible de s'en rapporter à Froissart.

D'abord, dans le même manuscrit, il vient de nous dire que les quatre chevaliers français estiment l'armée anglo-gasconne à environ 12,000 hommes, soit 3,000 gens d'armes, 5,000 archers et 4,000 bidauds ; puis il porte le total des troupes anglaises à 14,100 hommes, qu'il répartit en trois batailles, comprenant chacune 1,000 hommes d'armes, 2,200 archers et 1,500 brigands.

Jusqu'ici, rien à dire. Froissart admet sans doute : que dans leur appréciation à vue d'oeil, les quatre Français n'ont pu qu'évaluer approximativement les forces ennemies.

Mais bientôt, après avoir, ainsi que nous venons de le dire, divisé en trois parts égales l'armée anglaise, il évalue à 1,000 hommes d'armes, 2,500 archers et 1,600 brigands la bataille du prince de Galles qu'il augmente ainsi de 300 archers et de 100 brigands, sans se soucier des premiers chiffres donnés plus haut.

Quoi qu'il en soit, admettons ici avec M. Luce les chiffres du Manuscrit d'Amiens, et disons que l'armée anglo-gasconne était divisée en trois batailles, comptant chacune 1,000 hommes d'armes, 2,200 à 2,500 archers, et 1,500 à 1,600 brigands.

On voit combien cette version diffère de la première rédaction, qui ne porte qu'à 7,500 hommes les forces anglaises à Poitiers, et les réunit en une seule bataille.

Froissart parle donc différemment, selon qu'il lui convient d'exalter plus ou moins les Anglais, d'ailleurs si grands à cette époque, et l'on peut dire, à la suite de ces contradictions, que Froissart n'a pas de plus grand adversaire que lui-même. Aussi, avec lui plus qu'avec tout autre, si le plan général de cette histoire est possible, si on peut suivre toujours la tactique des deux armées, il est juste de dire que les détails sont souvent insaisissables

Le héraut Chandos est complétement d'accord avec le Manuscrit d'Amiens au sujet des dispositions de l'armée anglaise.

A ce plan général que le chroniqueur nous donne sur ces dispositions, il faut ajouter à la droite le détachement de 300 hommes d'armes et de 300 archers à cheval, qui a pour mission de contourner la hauteur où il est campé, et de prendre en flanc la bataille du duc de Normandie échelonnée au bas de cette hauteur.

Un certain nombre de cavaliers anglais sont encore restés à cheval entre chaque bataille pour s'opposer aux cavaliers français (Luce, Froissart).

Il faut ajouter également les archers distribués derrière les deux côtés de la haie, que nous voyons à l'œuvre dans le récit de la bataille.

D'où sont-ils tirés? Froissart n'en dit rien, mais on peut conclure, d'après le héraut Chandos, qu'ils faisaient partie de l'arrière-garde, car, selon ce héraut, l'armée anglaise fut attaquée sur ses derrières, au moment même où elle se mettait en mesure de passer le Miausson, et où l'avant-garde, commandée par le comte de Warwich, était déjà de l'autre côté de cette rivière.

 

Les passages suivants, qui mettent ce fait hors de doute, doivent être cités textuellement.

Le prince de Galles dit au comte de Warwich :

 « Primers, passerés le passage

« Et garderés nostre carriage,

« Je chevacherai iprès vous. »

Et plus loin :

«  Et li princes se desloga,

« A chi vacher se chimina,

« Car celui jour ne quidoit pas

« Combattre, je na mente pas. »

Aussi le héraut Chandos a bien soin de faire remarquer que ce fut l'arrière-garde, placée sous les ordres du comte de Salisbury, qui eut à soutenir le choc des maréchaux de France et de leurs 300 chevaliers d'élite, et qui les mit en déroute.

Il ajoute que cette déconfiture eut lieu

« Devant que poist estre tournée

 « L'avaunt-garde et repassée,

«  Car ja fuist outre la rivière (Note de M. Luce, Froissart, tome V)

 

Hume admet également la division de l'armée anglaise en trois batailles qui est, pensons-nous, la véritable.

Aussi, adoptons-nous, en ceci au moins, la version du Manuscrit d'Amiens ; quant au nombre des Anglais, la version de ce manuscrit est la plus vraisemblable.

Lorsque, après l’échec de la bataille des maréchaux, celle du dauphin commence à faiblir, c’est Chandos qui comprend que la victoire est possible et qui conseille au prince de passer de la défensive à l’offensive :

«  Là dist messire Jean Chandos au prince un grand mot et honnourable : « Sire, sire, chevauchiés avant : la journée est vostre, Diex sera hui en vostre mains. Adreçons nous devers vostre adversaire…. »

La cavalerie d’élite engagée dans le Maupertuis, prise de flanc par les archers gallois est anéantie.

 Le prince de Galles, voyant la cavalerie française engagée si avant, s'avança à son tour avec une nombreuse division, entoura vers le gué de l’Homme, les deux maréchaux dont l'un, le maréchal d'Andrehen, fut fait prisonnier, et l'autre, le maréchal de Clermont, fut égorgé, quoiqu'il demandât quartier (2).

L'infanterie, qui suivait les gendarmes, voyant tomber les deux maréchaux, et ne pouvant avancer, arrêtée qu'elle était par la cavalerie, épouvantée d'ailleurs du nombre d'hommes qui succombaient incessamment sous les traits d'ennemis invisibles, l'infanterie recula en désordre et vint se jeter sur le corps du duc de Normandie.

 

 Le prince de Galles, attentif aux moindres événements de la bataille, profita de ce désordre pour faire attaquer en flanc la division du Dauphin, qui s'ébranlait pour appuyer, par un mouvement de flanc, la division du centre le comte de Warwick, caché dans le revers de la montagne, sortit aussitôt de son embuscade avec ses cavaliers, et fondit à bride abattue sur l'aile gauche des Français.

Le connétable Gauthier de Brienne, qui formait l'arrière-garde avec quelques cavaliers allemands, s'apprêta bravement à recevoir les Anglais; mais il fut écrasé par le nombre et tué dès le premier choc.

L'aile gauche fut entièrement découverte. Wanvick, continuant sa marche, rompit facilement les rangs des Français qui combattaient à pied, et s'approcha du lieu où se tenaient le Dauphin et ses deux frères.

 

La fuite des Princes

De Vodenay et Landas, gouverneurs des princes, craignant de les voir tomber au pouvoir des ennemis, les firent retirer de cette mêlée et les conduisirent dans la direction de Chauvigny (3).

En voyant les princes se retirer avec 800 lances saines et entières, dit Froissard, les milices des communes crurent que la bataille était perdue, et elles prirent la fuite dans le plus grand désordre.

Dans le récit de la bataille même, le Manuscrit d'Amiens évalué à 1,600 et non à 800 lances, le nombre des troupes qui abandonnèrent le champ de bataille à la suite des jeunes princes français.

 

Le duc d'Orléans, qui, comme nous l'avons dit, commandait l'aile droite, forte de 16,000 hommes, au lieu de se porter au secours de la division du Dauphin, se laissa également dominer par la crainte qui s'était emparée des milices; il prit lâchement la fuite sans avoir tiré l'épée, et entraîna à sa suite toute sa division.

En sorte qu'en un instant la plaine fut couverte de fuyards, et l'on vit dans cette circonstance près de 30,000 hommes fuir devant 1,000 cavaliers.

Quand les Anglais virent le succès de cette attaque, ils reprirent force, courage et haleine. Ils montèrent aussitôt sur leurs chevaux, qu'ils avaient gardés auprès d'eux, et se mirent à crier à haute voix :

Saint George et Guyenne ! C'est alors que Jean Chandoz dit au prince :

« Sire, sire, marchez en avant ! la journée est à vous. Adressons-nous à votre adversaire le roi de France. C'est sur lui qu'il faut diriger tous nos efforts, car il est brave; je suis sûr qu'il ne fuira pas, et nous le prendrons, s'il plaît à Dieu et à saint George. »

Le prince fut de cet avis. Il fit monter à cheval toute sa gendarmerie, descendit par le revers de la montagne et vint attaquer en queue le corps que commandait le roi Jean.

Celui-ci, engagé dans le chemin du plateau, s'efforçait en ce moment de passer par-dessus les cadavres dont cette route était encombrée.

Ce fut là que l'on se battit tout de bon, dit Froissard; car auparavant le combat n'avait été qu'une déroute générale. « On ne peut pas dire ni présumer, ajoute-t-il dans son langage pittoresque, que le roi Jean s'effrayât oncques de choses qu'il vit ou ouït dire; mais demeura et fut toujours bon chevalier et bien combattant, et ne montra pas semblant de fuir ni de reculer. »

La division que commandait le roi était- elle seule aussi nombreuse que l'armée anglaise; mais celle-ci était transportée d'ardeur par la victoire, tandis que les Français étaient découragés et forcés de combattre à pied, avec des armes pesantes, leurs chevaux ayant été entraînés dans la fuite des deux autres corps.

En voyant venir les Anglais par sa gauche, le roi s'empressa de regagner sa première ligne de bataille et de se préparer à une défense vigoureuse.

« Bien avoit sentiment et connoissance le roi de France que ses gens étoient en péril; car il veoit ses batailles (divisions) ouvrir et branler, ses pennons trébucher et reculer par la force de leurs ennemis; mais, par faits d'armes, il  les cuida bien toutes les recouvrer.

Là crioient les François : Montjoie et Saint-Denis !

et les Anglois : Saint George! Guyenne ! »

Les exhortations du roi et la résolution qu'il montrait animèrent les bannerets d'une nouvelle ardeur. Chandoz, voyant les Français à pied, descendit également de cheval. .

Le choc fut terrible.

Le roi de France y fit preuve d'un rare courage. Entouré de tous côtés, une hache de combat à la main, il portait de rudes coups aux nombreux assaillants qu'attiraient son casque surmonté de riches panaches et sa cotte d'armes étincelante de fleurs de lis d'or.

Sa brave noblesse se serrait autour de lui; tous, princes ou barons, oubliaient le soin de leur défense personnelle pour faire au roi un rempart de leur dévouement. Mais peu à peu leurs rangs s'éclaircissaient sous les charges fréquentes de la gendarmerie anglaise.

Le porte-étendard Charny, blessé, couvert de sang, se plaçait encore devant le monarque pour le protéger avec le labarum sacré de la patrie, et l'agitait sans cesse pour rallier les Français dispersés, jusqu'à ce qu'enfin, criblé de coups de lance, il tomba pour ne plus se relever et s'ensevelit dans les plis de son drapeau, se conformant ainsi à cette règle de chevalerie :

Le malheur avenant d'un désavantage, le taffetas de l'oriflamme doit servir à celui qui le porte de linceul pour l'enterrer.

Dès que la bannière royale fut abattue, les groupes qui combattaient séparément et auxquels elle servait de signe de ralliement, croyant le roi pris, déposèrent les armes.

 

 

Bataille de Poitiers Maupertuis 1356 capture du roi de France Jean le Bon II

Capture du roi Jean

Bientôt le roi Jean ne fut plus entouré que de quarante braves qui se firent littéralement hacher à ses côtés. A pied, au milieu des chevaux, il se battait comme un simple écuyer. Souvent renversé par le choc, il se relevait, écartait ses ennemis et essayait de gagner la chaussée de Poitiers, où il espérait trouver quelques-uns des détachements de sa nombreuse armée, qui avaient si lâchement déserté le champ de bataille.

Philippe, son quatrième fils, à peine âgé de quatorze ans, marchait à ses côtés. Le noble enfant de France avait reçu plusieurs blessures en parant les coups qu'on portait à son père.

Enfin, après trois mortelles heures de cette lutte acharnée, le casque du roi est brisé (4); lui-même est atteint de deux coups d'épée au visage, mais il résiste encore. Sublime en cet instant suprême, il s'élance en brandissant sa hache, nu-tête, le visage plein de sang, et il fait reculer ses assaillants.

Pierre de Clermont, en cherchant à le garantir, tombe abattu à ses pieds. Jacques de la Marche, son frère, le remplace; mais, frappé par plusieurs coups, il chancelle, ses genoux fléchissent, et, dans cette position, son bras affaibli essaie encore de défendre le royal combattant.

Les Anglais, saisis d'admiration pour le dévouement de la noblesse française et pour l'héroïsme de son roi, suspendent leurs coups et crient de toutes parts :

Rendez-vous! rendez-vous!

Mais le prince, résolu de mourir les armes à la main pour ne pas survivre à sa défaite, combattait toujours.

La vue de son jeune fils blessé, couvert de sang et se pressant contre lui pour chercher un refuge, changea tout à coup ses dispositions.

Le père fit place au chevalier. Tremblant pour un objet si cher, il consentit à se rendre.

LE-ROI-JEAN-à-POITIERS-BATAILLE 1356

Cependant, dominé encore, dans ce moment terrible, par l'esprit de chevalerie, il ne voulait remettre son arme de combat qu'au prince de Galles.

 Où est mon cousin le prince de Galles ? criait-il, je ne veux me rendre que à lui seul.

En même temps il reculait toujours, serrant d'une main son fils contre lui, et de l'autre repoussant avec le tronçon de sa hache ceux qui approchaient.

Cette longue résistance irritait la foule de ses ennemis, qui tous voulaient avoir l'honneur de le prendre. Des cris de mort s'élevaient déjà, lorsque Denis de Morbec, chevalier de l'Artois, se nomma comme banneret.

Le prince lui jeta son gantelet couvert de sang.

Ce Morbec avait été obligé de quitter la France par suite d'un jugement qui le condamnait à la peine de mort (5).

Ainsi ce fut à un sujet rebelle que le roi de France fut contraint de se rendre.

 

Captus ibi fuit rex Franciae Johannes et filius ejus Philippus juvenis infans tame armatus ; capti fuerunt occisi qui fuerunt XIIII. Comites, barones et banerettes XXI. Et fugerunt tres filii regis et frater regis et episcopus de Lengres et quinquaginta septem qui fuerunt ad vexillum. Capti sunt etiam milites M. CCCC., capti sunt in toto tria milia hominiun armatorum. Mortui sunt de hominibus armatis II.M et quigenti. Pedites mortui non numerantur. Et sic finit bellum de Poyters.

 

 Mais à peine le transfuge français se mettait-il en route pour conduire au prince de Galles le royal prisonnier, que Bernard de Truttes, capitaine gascon, et une vingtaine d'Anglais, vinrent s'emparer à leur tour du monarque.

Tous s'attribuaient l'honneur de l'avoir pris. La dispute devint très-vive entre eux; car il s'agissait d'une rançon royale, et tous la convoitaient. L'un le tirait par le collier, l'autre par le bras.

« C'est moi qui l'ai pris, disait celui-ci. — Non, disait celui-là, c'est moi qui ai brisé son casque.Et moi sa hache, disait un autre. — Je l'ai désarmé, il est à moi. »

Jean, étreignant fortement son fils, avançait péniblement au milieu d'une haie d'épées et de lances, et répétait sans cesse à ces forcenés :

« Mes amis, je suis votre prisonnier à tous, et je suis assez grand seigneur pour vous rendre tous riches. »

Mais, dans l'exaltation brutale de leur querelle, ils mettaient en délibération s'il ne valait pas mieux le tuer pour terminer le différend.

C'est dans ce moment qu'arrivèrent le comte de Warwick et George Regnault de Cobehen.

Le prince de Galles, qui était durement hardi et courageux comme un lion fel et crueux, à la fin de la journée se trouvait tellement couvert de sueur, que Jean Chandoz lui dit :

« Sire, vous avez assez fait aujourd'hui, la bataille est gagnée; je ne vois plus dans la plaine ni bannière ni pennon français. Reposez-vous un instant, et plantez votre étendard au haut de ce buisson, afin qu'il serve de signe de ralliement à vos soldats. «

 Le prince suivit ce conseil; le drapeau aux armes d'Angleterre fut attaché à un arbre, et, en peu d'instants, la tente de couleur vermeille qu'on avait tendue fut pleine de chevaliers anglais et gascons qui arrivaient conduisant leurs prisonniers.

Aussitôt que ses maréchaux, le comte de Warwick et le comte de Suffolk, furent revenus le prince Noir leur demanda s'ils avaient des nouvelles du roi.

 — Aucune, répondirent-ils; mais nous croyons bien qu'il est mort ou pris, car il n'a point quitté le champ de bataille.

 « Adoncques, dit le prince en grande hâte au comte de Warwick et à monseigneur Regnault de Cobehen, je vous prie, partez ci, et chevauchez si avant qu'à votre retour vous m'en sachiez à dire la vérité. »

Ces deux seigneurs remontèrent à cheval, et, s'étant placés sur une élévation, ils aperçurent dans la plaine une grande flotte de gens d'armes, tous à pied, et qui veneaient moult lentement.

Ils se doutèrent que le roi de France était au milieu de ce groupe, et, éperonnant leurs chevaux, ils s'y dirigèrent en toute hâte, rompirent la foule en s'écriant de par le prince de Galles : Il y va de la tête pour tous ceux qui ne s'écarteront pas à l'instant.

Au nom du prince, les rangs s'ouvrirent, et les deux officiers parvinrent jusqu'au roi de France qu'ils saluèrent en s'inclinant tout bas. Celui-ci fut moult lie (joyeux) de leur venue, car ils le délivrèrent de grands dangers.

Avec le roi de France furent pris son jeune fils Philippe de Valois, Jacques de Bourbon, Eustache de Malet, Tancarville, le sire Bonaple de Rougé, les comtes d'Artois, de Parthenay et de Dampmartin, dix-sept comtes, sans les barons, dit Froissard, les chevaliers et les écuyers.

 

 

 

 

 

Dimanche 18 septembre 1356, la trêve de Dieu entre les armées du roi Jean le Bon et du Prince Noir <==.... .....==> Le SOUPER, Tel fut le dernier épisode de la bataille de Poitiers 1356 - Où sont les morts ?

....==> NOTE ARCHEOLOGIQUE SUR LA BATAILLE DE POITIERS OU MAUPERTUIS (1356).

 

 


 

(1) Buch était un petit comtat ou captulat situé  près de Bordeaux.

(2) Froissard attribue sa mort à Chandoz, au sujet de la querelle qu'ils avaient eue la veille.

« D'autre part, dit-il, messire Jean de Clermont, moult vaillant et gentil chevalier, se combattoit dessous sa bannière, et y fit assez d'armes tant qu'il put durer; mais il fut abattu ni oncques puis ne se put relever, ni venir à rançon. Là fut-il mort et occis, et voulurent bien maintenir et dire aucuns que ce fut pour les paroles qu'il avait eues la journée devant avec messire Jean Chandoz. »

(3)  André fut tué â la bataille de Maupertuis le 19 septembre 1356.

La veille, son fils avait perdu la vie dans une escarmouche.

Un autre sire de Chauvigny, dont Froissard ne dit pas le nom, fut fait prisonnier.

 

Je crois devoir présenter quelques observations au sujet d'une note latine extraite d'un manuscrit auquel en donne quelque importance.

La voici avec la traduction littérale :

Post pugnam infelicem Gallis coatra Edouardum, principem Anglorum, reliquiae exercutus gallliei in castellun, et urhern calviniensem recesserunt. Postera die, Angli circuitum urbis maentaque circumdederunt.

At rupto ponte lapideo urbis. Vigennam perexerunt prope capellam sancti Petri in agris. Tum repentè Galli in ferrun Anglorums cum contemptu  ruerunt. Raro in praelio tantum sanguinis  fusum est. Angli victi, compulsi sunt fugere, sed intercluduntur per aciem Gallorum ad Australem regionem et pontem ruplum Vigennae fluminis : undé ubiquè impedimentum iter hostium; Angli milites amissos  humaverunt In prato quod nunc est propé ecclesiam Santi Lodegarii. »

Après la bataille des Français contre Edouard, prince des Anglais, les restes de l'armée française se réfugièrent dans le château et la ville de Chauvigny.

 Le lendemain, les Anglais entourèrent la ville et les remparts. Mais le pont en pierre de la ville ayant été rompu, ils traversèrent la Vienne auprès de la chapelle de Saint- Pierre-les-Champs.

 Alors les Français se précipitèrent tout à coup avec mépris sur les lances des Anglais. Rarement, dans un combat, il y eut autant de sang répandu. Les Anglais, vaincus, furent forcés de fuir ; mais, au midi, ils sont arrêtés par l'armée des Français et le pont rompu de la Vienne. De là, de toutes parts des obstacles pour s'ouvrir un, passage.

Les Anglais ensevelirent les soldats qu'ils avaient perdus, dans un pré qui est maintenant auprès de l'église Saint-Léger.

1° Tous les historiens s'accordent à dire que armée anglaise, affaiblie par la victoire même, se hâta de gagner Bordeaux avec le roi de France qu'elle avait fait prisonnier et le butin dont elle était chargée.

 Ils ne vinrent donc pas à Chauvigny, où s'était réfugié le dauphin avec 16,000 hommes, débris de l'année vaincue à Maupertuis.

2° Comment les ennemis pouvaient-ils entourer la ville et les remparts, lorsque le pont était rompu et que la  Vienne était entre eux et Chauvigny ?

 Pourquoi les Français coupaient-Ils le pont, lorsqu'ils sortaient de leurs citadelles pour se précipiter avec mépris sur les lances des Anglais qui, après avoir travers la rivière, se développaient dans une vaste prairie? Comment les Anglais, vaincus et entourés de toutes parts, enterraient-ils tranquillement leurs morts dans un pré, entre l'église de Saint-léger et celle de Saint-Just, au centre même de la ville basse ? Pourquoi  n’étaient- ils pas égorgés ou faits prisonniers, puisqu'au midi étaient une armée victorieuse, au levant et au nord des forteresses et au couchant la Vienne qui, dans cet endroit, est large et profonde?

Poser de telles questions, c'est les résoudre. D'où il faut conclure que, à cette époque il était plus facile de vaincre les Anglais avec la plume qu'avec l'épée.

Il m'est pénible, sans doute, d'enlever ce beau fleuron de la couronne de gloire de notre pays. Mais, avant tout, on se doit à la vérité.

« Amicus Plato, sed magis amica veritas. »

 

Ces braves officiers, ayant pourvu à la sûreté des princes, revinrent auprès du roi Jean et se firent tuer.

(4) Un chevalier s'empara des débris de ce casque, et, s'échappant de la mêlée, alla les porter au prince de Galles, qui lui donna en échange une forte somme d'argent.

(5) Jouant à la paume, deux ans auparavant, il se prit de querelle avec un jeune bachelier fort aimé de Jean II, et lui cassa la tête avec sa raquette de fer. Le roi, justement irrité, donna l'ordre de le faire arrêter; mais il s'échappa et alla se ranger dans le parti des Anglais.

Publicité
Commentaires
PHystorique- Les Portes du Temps
Publicité
Publicité