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PHystorique- Les Portes du Temps
31 octobre 2021

Dimanche 18 septembre 1356, la trêve de Dieu entre les armées du roi Jean le Bon et du Prince Noir

Bataille Maupertuis – Poitiers – Dimanche 18 septembre 1356, la trêve de Dieu entre les armées du roi Jean le Bon et du Prince Noir

 Le soleil se lève découvrant les lieux où sont installées les deux armées. Tout au sud, le bois des Nouaillé où sont retranchés les anglo-gascons. Seul un chemin de terre conduit jusqu’à eux.

C’est un mauvais passage, un « malpertuis » étroit entre haies et fossés qui descend en pente douce jusqu’au gué de l’Omme ou il traverse le Miosson. Il était si étroit, qu'à peine quatre cavaliers pouvaient y passer de front (1).

Le prince de Galles plaça à la droite et à la gauche les archers les plus habiles qui devaient tirer, sans être vus, sur tous ceux qui s'engageraient dans cette espèce d'entonnoir. Deux hameaux, l'un nommé Caderousse et l'autre les Bordes, formaient l'avancé du prince de Galles, qui en fit occuper les maisons de manière à être partout à l'abri des charges de cavalerie, force principale de l'armée française.

Pour mieux préciser cette position, nous dirons que le front de l'armée anglaise occupait un développement de 1,500 toises, l'extrême gauche appuyée au Miausson et l'extrême droite à la forêt de Nouaillé, et que le plateau se trouvait à deux petites lieues sud de Poitiers (2), à quatre lieues ouest de Chauvigny et à une lieue ouest de Beauvoir.

 

Au Nord-Ouest, le gué du Russon et le marais de villeneuve. A l’est, la voie romaine et le plateau de Beauvoir, logis de l’armée de France.Carte Bataille Poitiers Maupertuis - Dimanche 18 septembre 1356, la trêve de Dieu entre les armées du roi Jean le Bon et du Prince Noir

Cette position, comme on le voit, était on ne peut plus avantageuse pour les Anglais; mais elle avait cet inconvénient qu'ils ne pouvaient en sortir sans danger, même pour faire des vivres, et que, si le roi Jean se fût contenté de les tenir bloqués, comme il l'avait fait, ils auraient couru risque d'y mourir de faim.

L'armée française, étant arrivée tard devant le plateau, campa en désordre, formant une ligne courbe dont le développement embrassait près d'une lieue d'étendue.

Le roi s'établit dans une tente faite de soie rouge.

C’est là que le roi Jean fait chanter messe sous sa tente, entouré de ses 4 fils et de ses principaux chevaliers. Tous sont pour une attaque immédiate.

Il tint un conseil de guerre auquel assistèrent le duc d'Orléans, le connétable Gauthier de Brienne, les deux maréchaux de Clermont et d'Andrehan, les comtes de Tancarville, de Sarbruck, de Dammartin, de Ventadour, etc., et plusieurs prélats, au nombre desquels on distinguait Guillaume de Melun, évêque de Sens, et Jean Chauveau, évêque de Châlons (3).

Dans ce conseil on agita la question de savoir s'il fallait se contenter de bloquer les Anglais ou s'il fallait leur livrer bataille.

Tous les barons français s'écrièrent d'une voix unanime qu'il fallait combattre.

 

 

 

 La reconnaissance du camp ennemi

Prudent, le roi envoie une troupe d’éclaireurs menée par Messire de Ribemont et Guichard d’Angles étudier la position anglo-gasconne.

Ces officiers s'approchèrent très-près du plateau, mais ils se contentèrent de l'examiner de front. S'ils en avaient fait le tour, ils auraient vu qu'il existait sur la droite un large chemin conduisant au plateau; ils auraient vu également que le Miausson, changeant brusquement de direction, laissait à découvert le flanc droit de l'ennemi, et, d'après ces renseignements, au lieu d'attaquer la position par le front, ils l'auraient tournée par la forêt de Noaillé. Ils en jugèrent autrement.

Le roi qui attendait leur retour, monté sur un cheval blanc, dit Froissard, parcourait les rangs de ses chevaliers et leur disait :

Entre vous autres, quand vous êtes à Paris, à Chartres, à Rennes, vous menacez les Anglais et vous souhaitez, le bacinet en tête, être devant eux; or, vous y êtes. Je vous les montre, si leur veuillez montrer vos mautalens; car sans faute nous les combattrons.

En ce moment parurent les officiers envoyés en reconnaissance; ils fendirent la presse et s'arrêtèrent devant le roi. « Seigneurs, quelles nouvelles ? leur dit le monarque.

Bonnes, sire, répondit Eustache de Ribeaumont; si aurez, s'il plaît à Dieu, une bonne journée sur vos ennemis.

Or, reprit le roi, dites-nous la manière de leur convenant et comment nous pourrons les combattre.

Adonc, répondit de Ribeaumont, nous avons vu et considéré les Anglais : si peuvent être par estimation deux mille hommes d'armes, quatre mille archers et quinze cents brigades.

Et comment gisent-ils? demanda le roi.

- Sire, ils sont en très-fort lieu, et ne pouvez voir ni imaginer qu'ils aient que une bataille; mais trop bellement, trop sagement l'ont-ils ordonnée, et ont pris le long d'un chemin fortifié mâlement de haies et de buissons, et ont vêtu cette haie, d'une part et d'autre, de leurs archers, tellement qu'on ne peut ni entrer ni chevaucher en leur chemin fors que parmi eux.

Si convient-il aller celle voie, si l'on veut les combattre. En celle haie n'a qu'une seule entrée et issue, où quatre hommes d'armes pourroient chevaucher de front. Au coron d'icelle haie où on ne peut aller ni chevaucher, sont leurs gens d'armes tous à pied, et devant iceux sont leurs archers en manière d'une herse.

 - Adonc, parla le roi, messire Eustache, comment nous conseillez-vous à y aller?

Sire, tous à pied, excepté trois cents armures de fer des vôtres, tous des plus apperts et hardis, durs et forts et entreprenants de votre ost, et bien montés sur fleurs de coursiers, pour dérompre et ouvrir ces archers, et puis vos batailles et gens d'armes vitement suivre tous à pied et venir sur les Anglois, mains à mains, et les combattre de grand'volonté. C'est tout le conseil que de mon avis je puis donner ni imaginer. »

Cette observation détermine la tactique à employer : « Tous à pied sauf 300 cavaliers pour ouvrir une brèche en leurs rangs ».

 

Ce conseil plut au roi, qui aussitôt donna l'ordre à ses maréchaux de choisir 300 chevaliers et écuyers, les plus roides et les plus apperts de tout l'ost, et les mieux montés, et de tout disposer pour l'attaque.

 

 

Nous avons donné sur la bataille de Poitiers le récit de la première rédaction de Froissart, la plus favorable aux Anglais ; le Manuscrit d'Amiens contient sur cette bataille, des détails parfois très-différents et souvent plus complets.

C'est cette seconde version qu'adopte M. Luce dans son sommaire. Nous en reproduisons les principaux passages, en les traduisant en français moderne.

Parlant de la reconnaissance exécutée par Ribemont et les quatre chevaliers français et des renseignements qu'ils rapportèrent au roi Jean sur les dispositions des Anglais, le Manuscrit d'Amiens s'exprime ainsi :

«  Les quatre chevaliers susnommés dirent au roi qu'ils avaient vu les Anglais, et qu'ils pouvaient être environ 12,000 hommes : 3,000 hommes d'armes, 5,000 archers et 4,000 bidaus à pied, car ils les avaient vus entrer en leur ordonnance et mettre en comroy de bataille ; les ennemis avaient pris position, ajoutaient-ils, le long d'une haie, et placé leurs archers d'un côté et de l'autre. Il n'y avait en toute cette haie qu'une seule entrée, où quatre hommes d'armes pouvaient chevaucher de front, et cette entrée était trop bien gardée d'archers et de gens de pied.

Après se tenaient au fond de ce chemin les gens d'armes en bon ordre, deux haies d'archers devant eux en forme de herse.

Tous étaient à pied, les chevaux derrière eux, et on ne pouvait aller à eux d'aucun côté, si ce n'est par le chemin bordé par la haie. Ils avaient encore l'avantage d'une petite hauteur, sur laquelle ils avaient placé leurs chevaux et leurs bagages ; de l'autre côté, à gauche, était une petite plaine, mais ils l'avaient fortifiée de fossés et de chariots, et on ne pouvait les attaquer de ce côté.

« Alors le roi s'arrêta et demanda aux chevaliers de quel côté ils conseillaient d'assaillir les Anglais.

Ils se regardaient l'un l'autre, et hésitaient à répondre, car il leur semblait que le roi leur faisait une grosse demande. Ils restèrent ainsi un moment, mais le roi reprit la parole, et ordonna à Eustache de Ribemont de dire son avis.

Alors Eustache parla, et dit que les Anglais, selon lui, étaient en forte place.

« Il faudra, ajouta Eustache, prendre trois cents des nôtres, preux chevaliers, hardis, tous bien armés, et montés sur fleur de coursiers, qui chargeront vigoureusement, sans épargner ni eux ni leurs montures ; ces trois cents gens d'armes devront fondre, ouvrir et dérompre les archers d'Angleterre, et puis nos batailles qui sont grandes et grosses, et bien étoffées de bons gens d'armes, devront suivre vivement à pied, car il y a tant de vignes, que les chevaux ne pourraient s'en tirer.

— C'est le meilleur conseil que je sache, par l'âme de mon père ! répondit le roi de France. Messire Eustache, vous avez bien parlé, il sera fait comme vous l'avez dit, et nous nous conformerons à votre plan. »

 

Alors furent choisis 300 hommes, chevaliers et écuyers, les plus preux et les plus hardis de toute l'armée, et le connétable de France et les deux maréchaux les devaient conduire et gouverner.

Là ne fut pas mise en oubli la fleur de la chevalerie, premièrement : Jean de Clermont, Arnoul d'Audeneham, Eustache de Ribemont, Jean de Landas, Robert de Duras, les Ecossais William et Archibald Douglas, Guichart de Hangest, Guillaume de Nesle, Guillaume de Montagu en Auvergne, le Poitevin de Pons, le sire de Parthenay, Guichart d'Angle, l'Archiprêtre, armé sur un coursier couvert de parures, Pierre d'Alençon, Château Vilain, Grancey, le vicomte de Thouars, et beaucoup d'autres, au nombre de trois cents, qui défilèrent tous devant les maréchaux.

Encore étaient ordonnés avec eux, et en cette première bataille, une grosse route de chevaliers allemands, parmi lesquels le comte de Sarrebruke, le comte de Nassau, le comte de Nido, et plusieurs autres, tous bien armés et bien montés.

Pendant qu'ils marchaient droit aux Anglais, les trois autres batailles s'ordonnèrent.

 La première était sous les ordres du duc de Normandie, fils aîné du roi Jean et se composait de 3,000 hommes d'armes et de 9,000 autres gens. Avec le jeune duc, pour le gouverner et le conseiller, étaient les sires de Saint-Venant et Thomas de Vodenay ; en cette bataille se trouvait grand nombre de bons chevaliers.

La deuxième bataille obéissait au duc d'Orléans, frère du roi ; il avait sous lui une grosse route de gens d'armes, et elle comptait bien 15,000 hommes des uns et des autres.

Ensuite venait la grosse bataille du roi, où l'on voyait foison de comtes, de barons et de chevaliers.

Plus loin, parlant d'Eustache de Ribemont, le Manuscrit d'Amiens ajoute : Messire Eustache de Ribemont était tout près du roi, monté sur un fort coursier ; il était armé de toutes pièces, et s'occupait d'ordonner les batailles de par le roi. Il chevauchait vers les Anglais pour voir et apprendre leurs dispositions, et puis il revenait vers le roi.

 

Ribemont remplissait, on le voit, auprès du roi Jean, le même rôle que James Audley et Chandos auprès du prince de Galles.

 

 

 

L’armée royale suivant les préconisations se met en ordre de bataille.

En conséquence, les clairons sonnèrent, et, de toutes parts, bannières et pennons se déployèrent en signe de ralliement et de combat.

Après que chaque chef eut réuni ses hommes d'armes, le roi s'occupa de ranger ses cavaliers en ordre de bataille.

L'armée, forte de 48,000 hommes, fut, selon Froissard, divisée en trois corps : celui de gauche eut pour commandant le fils aîné du roi, Charles, duc de Normandie (depuis Charles V); celui de droite eut pour chef le duc d'Orléans, frère du roi; enfin il se plaça lui-même à la tête du corps du centre, celui qui prenait ordinairement le plus de part à l'action.

Les quatre enfants du roi faisaient partie de l'armée : le duc de Normandie, le duc d'Anjou, Jean duc de Berry, et Philippe, le plus jeune, âgé de quatorze ans. Ce dernier combattit auprès de son père, les deux autres dans le corps d'armée de leur frère aîné.

L'armée française fut disposée en échiquier, de sorte que le corps du centre dépassât les deux autres de toute sa profondeur. Mais on commit la faute de les tenir trop éloignés les uns des autres pour pouvoir se prêter, en cas de besoin, un mutuel appui.

Déjà toute l'armée s'ébranlait pour se porter en avant, lorsque le cardinal Élie Talleyrand de Périgord arriva à toute bride, accompagné du cardinal d'Urgel et d'une troupe de nobles de ses domaines.

Ces prélats avaient été envoyés par le pape Innocent VI (il était Français) pour arrêter l'effusion du sang entre les deux armées et mettre un terme à la rivalité de la France et de l'Angleterre.

Le cardinal de Périgord, s'adressant au roi, le pria de modérer son ardeur et celle de ses hommes d'armes pendant quelques instants. Jean, qui était assez descendant à toutes voies de raison, le lui accorda, en lui demandant ce qu'il avait à dire.

Le cardinal lui représenta que l'armée du prince de Galles, quoique inférieure en nombre, ne se laisserait pas vaincre sans se défendre opiniâtrement, et que, fût-il vaincu, sa défaite coûterait à la France, l'élite de la noblesse réunie sous la bannière royale.

Il ajouta que, si le roi voulait y consentir, il irait trouver le prince de Galles et le déciderait à terminer le différend par un arrangement qui donnerait à la France de grands avantages.

Vaincu par ses instances, le roi consentit à différer l'attaque.

Alors le cardinal traversa le champ de bataille, revêtu des insignes de sa dignité ecclésiastique, et alla jusqu'au camp du prince de Galles.

 Il le trouva à pied au milieu des vignes et entouré de ses principaux officiers.

Le prince accueillit le prélat avec beaucoup de bienveillance. Celui-ci lui représenta que sa position était critique, et qu'il ne pouvait espérer de se mesurer avec succès contre la puissante armée du roi de France, et qu'il valait mieux accéder à un accommodement.

Le prince répondit qu'il n'en était pas éloigné, pourvu que les conditions fussent honorables pour lui et pour son armée.

« Beau fils, vous dites bien, reprit le cardinal, et je vous accorderai si je puis, car ce seroit grande pitié si tant de braves gens qui sont dans ce camp et dans celui du roi envenoient aux mains et s'en tr'égorgeoient. »

Le cardinal, satisfait des dispositions du jeune Édouard, revint auprès du roi et l'engagea à signer une trêve de vingt-quatre heures, pour qu'on pût débattre les conditions du traité.

Jean ne voulut accorder cette trêve qu'après avoir pris l'avis des membres de son conseil. Ceux-ci se récrièrent vivement en entendant parler de suspension d'armes. Tous furent d'avis qu'on commençât l'attaque aussitôt.

Le roi, aussi ardent que ses barons, voulait marcher sur-le-champ.

Le cardinal redoubla ses instances : il parla au nom de l'humanité, il allégua la solennité du dimanche, il parvint à arracher le consentement du monarque.

Ce répit devait durer le dimanche tout le jour et le lendemain jusqu'au soleil levant.

Le cardinal alla en informer le prince anglais, qui n'en parut mie courroucé.

Cependant, malgré son apparente tranquillité, il n'était pas rassuré sur les dangers de sa position. Ce qui le prouve, ce sont les conditions qu'il présenta lui-même. Il offrait, en effet, de rendre Calais et toutes les places conquises par les Anglais pendant cette campagne, de rendre en outre la liberté à tous les prisonniers français, et il s'engageait à ne porter de sept années les armes contre la France.

Mais le roi Jean rejeta ces propositions avantageuses, et, après une assez longue délibération en conseil privé, il chargea le cardinal d'aller porter à son ennemi l'ultimatum suivant :

Le prince de Galles se rendra prisonnier avec cent de ses principaux chevaliers ; le reste de l'armée sera libre de se retirer sur Bordeaux.

Le cardinal se récria sur la dureté de ces conditions; mais on ne voulut rien entendre.

 Il revint donc une troisième fois auprès du prince anglais pour lui en faire part. Celui-ci accueillit fort mal ces propositions, et répondit avec hauteur que l'Angleterre n'aurait jamais à payer sa rançon; qu'il se tiendrait prêt à combattre pour le lendemain (4).

(Abbaye saint Junien de Nouaillé, comparaison avec une vue de l'abbaye de 1699)

 

la Trêve de Dieu.

Le roi de France ne peut que se soumettre à cet ordre chrétien supérieur à l’ordre royale qu’il représente.

 

Il accorde donc son dimanche de paix à Dieu.

 Chaque camp passe le temps à sa manière, pendant que les anglo-gascons fortifient leurs positions dans le bois de Nouaillé, ils passèrent le reste du jour à creuser des fossés et à renforcer les haies autour d'eux, les français paradent, étalent leur luxe et ripaillent sans penser au lendemain.

La chronique des Quatre Premiers Valois montre que le cardinal du Périgord propose au roi de France d’accepter que le Prince de Galles retourne à Bordeaux afin d’éviter l’affrontement. De plus, il rendrait Calais, Guines, ainsi que tous les châteaux pris en Gascogne.

Cette proposition avantageuse est refusée par Jean II : « Là estoit venu le cardinal de Pierregort, envoyé de par le pappe pour mettre accort entre les princes.

Et ala le dit cardinal devers le roy Jehan requerir trieves de par le prince, et pour les trieves avoir vouloit le prince rendre au roy Jehan tous les chasteaulz et forteresses, que il avoit conquis ou royaume de France, qui en sa main estoient depuis III ans, et cent mil florins et vouloit le prince demourer prisonnier et ostage, tant que ce feust acompli et parfaict, et tele manière que toutes ses gens s’en peussent aller sanz combatre.

Ces offres reffusa le roy Jehan et dist au cardinal, que le prince et toutes ses gens se rendroient du tout en sa merci, ou il essaieroit de les conquerre à la force.

Et quand le prince sceut celle response, il ordonna ses gens et attendi la bataille mout doubtablement, car le roy Jehan avoit moult grant ost,et estoient avec lui ses IIII filz qui estoient moult jeunes. »

Enfin il occupa une partie de ses troupes pendant toute la nuit à creuser de larges fossés sur la droite et à briser le terrain sur la gauche; il barricada, au moyen de palissades, l'embouchure du chemin qui conduit au plateau.

Pour ranimer l'ardeur de ses soldats, ou plutôt pour leur inspirer l'énergie du désespoir, il fit savoir à toute son armée que le roi de France avait ordonné de fustiger les prisonniers et de leur faire couper les pouces. Cette menace supposée produisit l'effet qu'en attendait le prince Noir.

Tous les soldats s'écrièrent d'une voix indignée qu'ils aimaient mieux mourir que de subir un pareil traitement.

 

 

 

17 septembre 1356 - rencontre de la Chabotterie entre le Prince Noir et l’arrière garde de Jean le Bon<==.... ....==> 19 septembre 1356 Bataille Poitiers – Maupertuis, le roi de France Jean le Bon est fait prisonnier par le Prince Noir

 

 

 

 


 

 

Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU ) - 

En lisant l'histoire du Poitou , les faits qui appartiennent à celle de France et d'Angleterre y reviennent si souvent, qu'il faut absolument recourir à l'une et à l'autre si l'on veut vraiment comprendre ce qu'on lit Les Gaulois habitant le Poitou s'appelaient les Pictons; de là le nom de Poitou, Poitiers.

(1) Le père Daniel.

(2) Voici quelques observations sur le véritable lieu où fut livrée la bataille de Poitiers. On sait que trois grandes batailles ont eu lieu dans le voisinage de cette ville : celle de Vouillé, entre Clovis et Alaric; celle de Tours, entre Abdhéram et Charles Martel, et celle du roi Jean et du prince Noir. Il est arrivé que les traditions populaires confondent ces trois événements.

Les gens instruits du Poitou ont été très-embarrassés pour assigner le véritable lieu où se livra la bataille de 1356. Cette question est devenue le sujet d'une controverse à laquelle dom Mazet, Luzabeau, Dubelloy et Thihaudeau ont pris part. Mais, d'après une tradition que rien ne justifie, les habitants à qui l'on demande à voir le champ de bataille vous conduisent dans un lieu nommé la Chabeaussière ou Cartage, qui appartenait à l'abbaye de la Trinité, à deux lieues et demie sud-est de Poitiers et à une demie-lieue de Beauvoir. A la seule inspection des localités, on reste convaincu que ces gens sont dans l'erreur, car aucune circonstance du récit de Froissard ne peut s'appliquer à la Chabeaussière. Cette opinion a été émise dans les Mémoires de l'Académie de Trévoux : il résulte clairement des faits qui y sont énoncés qu'il est impossible que la bataille se soit livrée dans ce lieu, attendu que la position de la Chabeaussière n'aurait pu contenir le sixième seulement de l'armée du prince de Galles et que le terrain était de nature à n'avoir jamais été planté de vignes.

Le véritable champ de la bataille est Maupertuis, à une lieue et demie sud-est de Poitiers, qu'on nomme actuellement Cardinerie. Le savant dom Ponteneau, religieux bénédictin, qui avait été pendant trente ans chargé de faire des recherches sur l'histoire du Poitou, écrivait ceci en 1770 : « Le lieu de la bataille livrée le 19 septembre 1356 porte maintenant le nom de Cardinerie; c'est une campagne dans la paroisse de Beauvoir.

L'armée française appuyait sur Miqualoux. Plusieurs titres latins postérieurs à 1356 et conservés dans les archives du grand-prieuré d'Aquitaine font mention de cette Cardinerie, et ajouteut toujours aliàs Maupertuis (autrefois Maupertuis). » Ceci est d'un grand poids.

Miqualoux, vers lequel appuyait l'aile gauche de l'armée française, se trouvait à un quart de lieue de Maupertuis, ayant été à peu près le point central de la ligne des Français.

Le roi Jean devait naturellement faire face à la position des Bordes, occupée par les Anglais. Ceux-ci ne pouvaient être placés ailleurs, car, s'ils avaient pris une direction oblique sur la gauche, ils se seraient jetés dans le Miausson; s'ils avaient obliqué à droite, ils se seraient trouvés dans des marais impraticables.

(3)   Depuis les premiers temps de la monarchie française jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, les prêtres furent tenus de payer le tribut du service militaire.

Nous lisons dans un mémoire manuscrit sur le recrutement de l'armée: Si, dans les derniers temps, les ecclésiastiques ont éloigné d'eux les périls de la guerre, dans les premiers siècles de notre monarchie jusqu'à Louis XIV on les a vus marcher dans les rangs de nos armées.

Aucun ecclésiastique, quel que fût son rang, n'était exempt de servir dans les anciennes armées françaises. Des peines étaient prescrites contre ceux qui ne remplissaient pas cette obligation.

Lorsque le service militaire fut devenu une prérogative seigneuriale, les ecclésiastiques s'empressèrent d'avoir des bannières et de conduire leurs vassaux à l'armée. Sous Charles Martel, ils montraient déjà plus d'ardeur qu'aucune autre classe de guerriers. Les décrets de quelques papes, il est vrai, défendaient aux ecclésiastiques d'aller à la guerre; mais dans toute l'Europe on honorait trop la gloire des armes pour croire qu'une profession pût être respectée si elle était affranchie de contribuer à la défense de la patrie- (Xavier Audouin.)

— On vit d'ailleurs aussi d'autres papes récompenser les ecclésiastiques qui se distinguaient aux armées. Grégoire VIII écrivit, en 1174, à Guillaume de Parthenay, archevêque de Bordeaux, pour le féliciter sur sa bonne conduite dans plusieurs batailles, et il autorisa ce prélat à faire porter à ses enfants mâles le nom d'Archevêque. (André Duchesne.)

 — Pour la première fois, sous Pépin, le pape Zacharie avait demandé une exemption de service pour les prêtres; elle était motivée sur les frais considérables qu'entraînait la présence des bannières ecclésiastiques dans les camps, mais sa demande n'avait point été accueillie non plus. (Daniel, Histoire de la Milice. — Codice Carolino, epist. 77.)

 — Philippe-Auguste, comme ses ancêtres, obligea toujours au service les évêques et les abbés. (Gesta Philippi Augusti.) — Après le siége de Breval, en 1194, ce prince rendit justice au courage des abbés et des curés qui conduisaient les peuples au combat, et il ordonna la saisie de tous les revenus des évêques d'Orléans et d'Auxerre, qui ne s'étaient pas distingués à la guerre; (Xavier Audouin, Rigordus de Gestis Philippi II, f. 49.)

— En 1224, plusieurs ecclésiastiques et, entre autres, l'évêque de Lisieux sollicitèrent leur dispense du service personnel, qu'ils motivèrent sur des raisons assez plausibles; mais, Louis VIII ayant fait examiner leur réclamation par une commission composée d'évêques et d'officiers, elle fut rejetée, et il fut décidé que les évêques marcheraient comme les autres seigneurs. (Xavier Audouin. —Charte du Trésor du Roi, expédiée à Tours en 1224.)

 - Philippe-le-Bel, en 1302 et 1303, écrivit aux baillits : « Avons par le conseil et consentement de nos prélats, de nos barons et de nos autres conseil« lers, ordonné que tous archevêques, évêques, abbés, ducs, comtes, barons, etc., nous aident « à la poursuite de la guerre de Flandre pour quatre mois. » (Xavier Audouin. — Belleforèt, Traité du Ban, chap. vi.)

Philippe-le-Long convoqua les prélats et chapitres pour la guerre de Flandre, en 1314, et les appela au camp d'Arras, en 1318, en armes et à cheval. (Xavier Audouin. - La Roque, Traité de la Noblesse.)

- Philippe de Valois accorda une exception, mais elle ne put porter atteinte à l'obligation imposée à tous, et, en 1337, une circulaire de ce prince aux prélats les appela auprès de lui, en toute hâte, pour entrer en campagne, afin qu'il pût leur confier la garde des côtes. (Xavier Audouin. - Mérnoriaux de la Chambre des Comptes, fol. 128.)

Charles VI, dans son ordonnance sur les obligations militaires, désigne les ecclésiastiques parmi ceux qui (selon le teg le) « ont accoutumé d'user et ensuivir armes, et qui sont tous en état de poursuivir. » (Xavier Audouin). — Ordonnance de 1413.

Dans une montre (c'est-à-dire revue) du bailliage de Rouen, en 1486, on trouva présents tous les religieux de l'abbaye de Saint-Ouen; l'évêque de Rouen, lui seul, ne s'y étant pas présenté, fut condamné pour n'avoir pas obéi à la réquisition de marcher. (Xavier Audouin.  La Roque, Traité de la Noblesse.)

— Le XVe siècle s'écoula sans que les ecclésiastiques obtinssent des exemptions du service personnel, quoique Louis XI en eût accordé même à des villes entières, et ils continuèrent à être dans l'obligation de servir.

— Jusqu'au commencement du XVIe siècle, personne ne crut que sa profession pouvait l'exempter du service personnel; mais le perfectionnement de l'organisation des armées permanentes, dans ce siècle, établit assez promptement une distinction entre le soldat et l'homme de la classe civile. Cette distinction donna naissance à l'idée que, dans un état, une portion de la population devait payer de sa personne et l'autre de sa fortune pour l'entretien des armées. Cette distinction fut la source d'une foule d'exemptions : le clergé lui-même ne manqua pas de s'en procurer, malgré le souvenir de la gloire qu'il avait acquise dans la carrière des armes.

Les guerres de la Ligue et de la Fronde furent les dernières où il soutint sa réputation militaire. Le cardinal de Fleury, premier ministre de France sous Louis XIV et sous Louis XV, fit prononcer l'exemption définitive de tout le clergé.

(4)   La journée du dimanche étant consacrée à la trêve, plusieurs officiers anglais descendirent du plateau pour courir dans la plaine. Jean Chandoz fut de ce nombre. Il trouva sur son passage le maréchal de Clermont, et une querelle s'éleva entre eux.

Voici comment Froissard raconte cette affaire :

« Tant chevauchèrent ces deux chevaliers qu'ils se trouvèrent et rencontrèrent d'aventure, et là eut grosses paroles et reproches entre eux. Je vous dirai pourquoi : ces deux chevaliers, qui étoient jeunes et amoureux, portoient une même devise d'une bleue dame, ouvrée de brodure au ray (rayons) d'un soleil sur le senestre bras. Et toujours étoient sur leurs plus hauts vêtements, en quelque état qu'ils fussent. Il ne plut mie adonc à messire Jean de Clermont qu'il vît porter sa devise à messire Jean Chandoz, et s'arrêta tout coi devant lui, et lui dit : « Chandoz, vous aussi désirois-je à voir et encontrer; depuis quand avez-vous empris de porter ma devise? - Et vous la mienne, répondit messire Jean Chandoz; car autant elle est mienne comme vostre. — Je vous le nie, dit le maréchal de Clermont, et, si la souffrance (la trêve) ne fust entre les vostres et les nostres, je le vous montrasse tantost que vous n'avxez nulle cause de la porter. — Ha ! ce répondit messire Chandoz, demain au matin voust le trouverez tout appareillé à défendre et de prouver par le fait d'armes que aussi bien elle est mienne que vostre. » A ces paroles, ils passèrent outre. On verra quelle fut la conséquence de cette rencontre pour le maréchal de Clermont.

 

 

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