Après la bataille de Poitiers 1356, la chevalerie commençait à dégénérer; cette institution, tout à la fois religieuse, militaire et politique, à force d'être communiquée, s'était avilie.
Quelques souverains, voulant ranimer les vertus de l'ancienne chevalerie, formèrent des sociétés particulières de guerriers qui, à la noblesse de l'origine, joignaient celle des sentiments : Edouard III créa l'ordre de la Jarretière ; le roi de France Jean institua l'ordre de l'Etoile ; mais cet ordre, prodigué sans choix et sans discernement, tomba bientôt dans le mépris et l'oubli.
Il n'en fut pas de même celui de l'Annonciade, formé vers le même temps par René, comte de Savoie, surnommé le Comte Vert.
Bourbon, frappé des avantages qui résultaient de ces sociétés ou fraternités d'armes, entreprit d'en établir une dont les membres fussent les modèles de la noblesse française dans la carrière de l'honneur ; lui-même en rédigea les statuts.
L'amour de la religion et de l'état, la franchise, la bonté, la valeur suprême et la galanterie fondée sur le respect et l'attachement dus aux femmes , la protection particulière des veuves, des orphelins, des vieillards et des ministres des autels, telles étaient les vertus qui devaient distinguer les nouveaux chevaliers.
Plein de ces idées, Bourbon convoqua à Chantelle la noblesse du Bourbonnais et des provinces voisines ; on vit bientôt arriver auprès de lui les la Tour, les Guichard-Dauphin, les la Palisse, les Montaigu, les Damas, les Chastelux, les de Blot, les Lespinasse, les Lordins de Saligny, les Vichy, les Châteaumorand, les la Fayette, les Giffé, fes Veaussé, les la Mothe, les Fontenai, les Busset, les Chasnente, les Champroux, les de Serpeine, les Chantermêle et beaucoup d'autres chefs de maisons nobles.
« Me voici enfin, dit le prince, me voici en la compagnie où je désire le plus de vivre et de mourir ; tous mes voeux tendent au bonheur de mes sujets et à la défense du royaume : aidez-moi de vos secours et de vos lumières; après Dieu, je n'ai de confiance qu'en vous. »
Il remercia ensuite chaque seigneur en particulier du zèle qu'il lui avait témoigné, en contribuant à la somme de cent mille florins dont il s'était rendu pleige pour le roi.
Le duc les retint tous pendant plusieurs jours à Chantelle et leur prodigua tous les divertissements dont ces temps étaient susceptibles : il joignit les présents aux fêtes.
« Béni soit Dieu, disaient ces bons gentilshommes, car nous avons seigneur et maître.»
Bourbon, en congédiant la compagnie, la pria de se rendre à Moulins le premier jour de l'an 1369.
Ce jour-là, les seigneurs et les gentilshommes qu'on a nommés plus haut allèrent prendre le duc dans son appartement; il leur déclara alors que « pour le bon espoir qu'il avait en eux, il porterait avec eux pour devise une ceinture où il y aurait écrit un joyeux mot : ESPÉRANCE.»
Il leur distribua (alors les marques du nouvel ordre, qui consistaient en une ceinture dorée et un écu d'or orné d'une bande de perles, où était gravé le mot ALLEN ;
de là le duc se rendit à l'église collégiale de Notre-Dame, précédé de tous les chevaliers, pour se mettre avec eux sous la protection de Dieu ; à son retour il les harangua en ces termes :
« Messeigneurs, je vous mercie tous de mon ordre qu'avez pris ; ledit ordre signifie que tous nobles qui l'ont et le portent doivent être tous comme frères, et vivre et mourir l'un avec l'autre en tous leurs besoins, c'est à savoir en toutes bonnes oeuvres, que chevaliers d'honneur et nobles hommes doivent mener ; et outre, qu'ils ne soient en lieu à ouïr blasphémer Dieu, qui le puisse achever, et prie à tous ceux de l'ordre, qu'ils veuillent honorer dames et damoiselles, et ne souffrir en ouïr mal dire ; car ceux qui mal en dient, font petit de leur honneur et dient d'une femme qui ne peut se revancher, ce qu'ils n'oseroient dire d'un homme, dont plus en accroît leur honte ; et des femmes, après Dieu, vient une partie de l'honneur de ce monde.
Le second article de cet ordre, si est que ceux qui le portent ne soient jongleurs et médisants l'un de l'autre, qui est une laide chose à tout gentilhomme, mais porter foi l'un à l'autre, comme il appartient à tout honneur et chevalerie.
Mes amis, continua le bon duc, à travers de mon écu d'or est une bande où il y a écrit ALLEX , c'est-à-dire, allons tous ensemble au service de Dieu, et soyons tous un en la défense de nos pays, et là où nous pourrons trouver ou conquêter honneur par fait de chevalerie ; et pour ce , mes frères , je vous ai dit que signifie l'ordre de l'Écu d'Or, laquelle un chacun à qui je l'ai baillé le doit jurer et promettre de le tenir, et moi le premier. »
A ces mots, le duc leva la main et fit le plus respectable de tous les serments, celui de défendre la religion la patrie, l'innocence, la faiblesse et l'infortune; il reçut ensuite le serment des nouveaux chevaliers prosternés à ses genoux. L'un d'eux, Guillaume de Damas, prit la parole et le remercia en ces termes au nom de tous les autres : «Très haut et très-puissant prince, notre très-redouté seigneur, véez-ci votre chevalerie qui VOUS mercie très-humblement du bel ordre et grands dons que leur avez donnés, lesquels ne savent que vous donner à ce jour, fors qu'ils vous offrent leurs corps et leurs biens, qu'il vous plaise les recevoir à cettui premier jour de l'an, nonobstant qu'ils y sont obligés, mais leur coeur est ferme, et leur volonté est pareille.»
Le duc lui répondit : « J'ai reçu aujourd'hui les plus belles estrennes que seigneur pût recevoir, quand j'ai recule coeur de tant de nobles chevaliers.
Bourbon couronna ce beau jour par une des actions les plus magnanimes dont l'histoire ait consacré le souvenir.
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