Voyage dans le temps au siège de Parthenay en 1419 par M

Une copie vidimée d'une charte du mois d'août 1419, qu’on peut considérer comme la charte originale elle-même, parce qu'elle a été faite la même année, en mars (qu'on ne s'étonne pas de cette coïncidence, l'année commençait alors à Pâques), me donne occasion de parler du siège de la ville de Parthenay, de la même année.

Ce fait d'armes important pour la province du Poitou et d'un certain poids dans la balance générale des grands événements de l'époque, et surtout le traité particulier qui le termina, n'avaient jamais été parfaitement connus.

On en savait quelque chose d'après les documents du temps , notamment par une lettre de Charles VI (1) et par Juvénal des Ursins (2) et d'autres écrivains de l'époque; mais c'est la charte dont M. Dorfeuille (3) a fait hommage à la Société, et sur laquelle j'ai rédigé cet article, comme rapport détaillé, qui fait connaître précisément à quelle condition l'armée du Dauphin, depuis Roi sous le nom de Charles VII, et ayant assumé sur sa tête l'autorité royale dans l'Ouest de la France, pendant la démence du Roi Charles VI, son père, consentit à la levée du siège de Parthenay.

 On voit les mesures prises par chacune des parties pour la conservation de ses droits, et les précautions jugées nécessaires pour neutraliser, en quelque sorte, un point important, le château et la ville de Parthenay, et même la contrée qui en dépendait.

On comprendrait difficilement les causes qui amenèrent le siége de Parthenay, à l'encontre d'un grand vassal qui ne s'annonçait pas en rébellion ouverte contre son suzerain le comte de Poitou, et les conditions faites pour la levée de ce siège, si on ne connaissait pas exactement la position réelle des choses d'alors, pour le Dauphin-régent et Poitiers dont il avait fait sa capitale.

Disons donc quelques mots de généralité pour l'intelligence du sujet particulier à traiter ici.

Le Dauphin Charles, troisième fils du Roi Charles VI et de la Reine Isabeau de Bavière, de malheureuse mémoire, était devenu comte de Poitou, à la suite de son grand-oncle Jean, duc de Berry, et du Dauphin Louis; et il avait pris possession de cet apanage, au moment où les troubles, en France, devinrent de la nature la plus inquiétante.

Lorsqu'eut lieu l'entrée des Bourguignons et le massacre des Armagnacs à Paris, le Dauphin Charles fut sauvé de l'hôtel St-Paul par Tanneguy du Châtel qui l'enveloppa dans un linceul, et, monté sur le cheval que lui procura Robert-leMaçon (4), depuis son chancelier, ce prince chercha tout d'abord un asile à Poitiers.

Une des plus belles constructions du duc Jean de Berry, le château de Clain-et-Boivre (Le château triangulaire de Poitiers) dont le savant et vénérable collègue dont nous pleurons la perte, M. l'abbé Gibault, nous a fait un portrait si enchanteur (5), devint alors le Louvre ou les Tuileries du véritable Souverain de la France.

Mais à l'Est, vers Paris, étaient des provinces qui avaient pris parti contre lui, et qu'occupaient les Bourguignons et les guerriers du parti anglais; au Midi, à Bordeaux, se trouvaient les Anglais eux-mêmes; au Nord, c'était la Bretagne, dont le duc flottait entre les deux partis, et qui ne tarda pas, comme on disait alors, à se faire bourguignon.

Le Dauphin-régent devait assurer sa nouvelle capitale, en l'entourant d'un pays, sinon entièrement soumis, du moins dont il n'eût rien à craindre.

Ainsi il avait tout près de lui les possessions de la maison d'Anjou, qui venaient presqu'aux portes de Poitiers, à Mirebeau.

Mais, époux de la belle et vertueuse Marie d'Anjou, et gendre chéri de la reine de Sicile, duchesse d'Anjou, Yolande d'Aragon, le pouvoir de Charles n'avait rien à craindre de ce côté, il ne pouvait en espérer que des secours et de bons conseils.

Or, il était un grand vassal du comté de Poitou, dont les domaines s'avançaient jusqu'à cinq lieues de la capitale de la province, à Cramart, près Ayron. Je veux parler ici de Jean de Parthenay - l'Archevêque, véritable souverain de la Gâtine, comme puîné de la royale maison de Lusignan, et descendant du chef d'une ancienne peuplade fixée et possessionnée dans notre contrée.

Le sire de Parthenay s'était toujours montré attaché au parti bourguignon et prêt à entrer en opposition avec l'autorité royale; il était déjà âgé, sans enfant, et ses héritières naturelles étaient ses deux sœurs, savoir : Jeanne de Parthenay, mariée à Guillaume, comte de Tancarville et de Melun, et Marie de Parthenay, épouse de Louis de Châlons, comte de Tonnerre.

 Sentant l'importance de la réunion de la Gâtine et de Parthenay, qui en est la capitale, au comté du Poitou, Charles VI avait traité avec Jean l'Archevêque pour avoir, à sa mort, ses importantes possessions. Le Dauphin avait fait un pareil acte, mais cette sorte de convention de succéder ne devait avoir d'effet que pour l'avenir.

Or, la possession actuelle de Parthenay et de son territoire par les ennemis du Régent pouvait avoir un résultat désastreux pour la cause de celui-ci, et il était instant, dès-lors, de prendre des mesures à ce sujet.

 

Pont Levis le château de Fouras en état de siège

La guerre civile désolait effectivement la France dans les premiers mois de 1419.

 Le Dauphin s'était emparé de Tours, et, dans un voyage en Limousin, il s'assura que cette province résisterait aux efforts des Anglais, qui pouvaient arriver par la route de Bordeaux.

Mais on savait que Jean l'Archevêque était de plus en plus en relation avec le parti bourguignon. Or, ce seigneur avait nombre de bonnes forteresses au cœur du Poitou (6); et Parthenay, à dix lieues de Poitiers, occupé par l'ennemi, aurait sans doute obligé la Cour et le Parlement de prendre un refuge ailleurs.

C'était, du reste, une position dont il était utile, sous un autre point vue, de ne pas laisser prendre possession à d'autres.

Parthenay, au dire de Juvénal des Ursins, l'un des membres du Parlement de Poitiers dont j'écris l'histoire, après en avoir lu tous les registres; Parthenay était une ville trèsforte et même reputée imprenable, ayant trois paires de fossés et deux paires de murs qui l'entouraient.

 Le château était aussi très-fort, et on n'y craignait pas la famine, car, au dire du même écrivain, il était suffisamment approvisionné de seigle, grain qui se garde dix ans ( je laisse toujours parler l'auteur), tandis que le froment ne se conserve guère.

 De plus, la garnison était nombreuse et composée d'hommes de grand cœur, ou Francs, comme on le disait et comme on le dit encore dans le pays.

 Ils étaient commandés en chef par deux vaillants chevaliers de la contrée et de la même maison , Guischard et Gilles d'Appelvoisin (7); ce dernier était plus connu sous le nom de messire Gilles.

 Sous eux, on remarquait de nobles guerriers du même pays, dont les familles existent encore ou ne se sont éteintes que beaucoup plus tard et après avoir jeté de l'éclat, savoir : Guille ou Guillaume de la Court (8), Guillaume Perceval. Chabot (9), Jean Sauvestre (10), Guillaume Jousseaume (11), Micheau Baudouin (12), Jean de Nuchèze (13) et Jean Chauvereau.

Pour attaquer une place aussi forte et si en position d'être défendue, le Dauphin réunit un bon corps d'armée, composé des guerriers des différentes provinces soumises à l'ennemi qui s'étaient réfugiés près de lui, des contingents des pays en son pouvoir, et surtout de guerriers de la province de Poitou.

Le commandement de l'armée fut donné au prince Philippe d'Orléans, comte de Vertus (14), à qui le Régent concéda le titre de capitaine général du Roi et de lui Dauphin ès pays de Guienne et de Poitou, et au sire de Torsay (15), grand-maître des arbalétriers de France, et ces deux généraux avaient sous eux des capitaines expérimentés.

Parthenay fut donc investi, et on employa d'abord touts les moyens en usage pour arriver à une prompte réduction, sans pouvoir y parvenir.

Mais, plus tard, on usa aussi d'une tactique qui ne fut pas infructueuse, ainsi qu'on le verra bientôt. Il y avait, dans l'intérieur de la ville et au château, plusieurs gentilshommes poitevins, grands propriétaires et très-attachés au sol, dont les maisons et les domaines étaient hors de la ville et dans le surplus de la Gâtine, on leur fit notifier que s'il n'y avait pas capitulation, on confisquerait leurs biens et que tout d'abord on les séquestrerait, en commençant par abattre et détruire les bâtiments.

Pour quelques-uns, et d'abord pour ceux qui passaient pour les plus bourguignons, la menace fut suivie de l'effet.

Pendant ce temps, messire Gilles sortait touts les jours hors de la ville, bien monté et bien armé, invitant chacun des chevaliers dauphinois à venir rompre une lance avec lui.

Souvent le défi était accepté; et toujours vainqueur, tant grande était sa force, tellement supérieure était son adresse, il ne prenait jamais que le cheval de celui qu'il abattait, et un marc d'argent : tel était son taux, dit le chroniqueur ; c'était toute loyauté de sa part.

Il en était autrement de Lévesque, dit le Capitaine-Noir, véritable chef de brigands, qui se tenait le plus souvent dans les bois, et en sortait à la dérobée pour faire grand dommage à l'armée des assiégeants, en empêchant la venue des vivres, et en surprenant et mettant à mort, sans miséricorde, ceux qui s'écartaient.

Aussi les Dauphinois agissaient de la même manière avec les soldats de Lévesque; autant ils en prenaient, autant ils en pendaient. La mort par les armes leur semblait même trop douce et trop honorable pour de tels brigands.

 

Près de Parthenay est un vieux château qui a appartenu longtemps à une famille, l'une des plus anciennes et des plus illustres du Poitou, aux Châtaigner, qu'on a appelés, non sans raison , les Montmorency du Poitou (16).

Le vieux château de Thenessu (Château de Tennessus- Amailloux), était alors un château, bien fortifié et en rase campagne, susceptible de résister longtemps.

 

 

 

 

 

 

Georges Ier de la Trémoille <==........==> Le château de Tennessus (commune d'Amaillou) érigée durant la guerre de Cent ans -Les de la Court du Fontenioux de Vernoux

 

 

 

 

 


Notice Historique sur le Château Triangulaire de Poitiers - Jean de France, duc de Berry et comte de Poitou -
Dans la seconde moitié du XIIe siècle, la ville est sous domination de la couronne d'Angleterre après le mariage d'Aliénor d'Aquitaine et d'Henri II Plantagenêt en 1152. De cette époque date la construction d'une vaste enceinte, qui remplace l'ancien rempart gallo-romain.

 

Niort le 21 septembre 1418, le dauphin Charles institut par une lettre la translation du Parlement royal à Poitiers
La guerre civile des Armagnacs et des Bourguignons qui sévissait alors, ne justifiait que trop bien ces précautions. Comme le duc de Berry était un des principaux chefs du parti Armagnac, le roi Charles VI ordonna la confiscation de son comté de Poitou.

 

(1) Insérée dans le Recueil des Ordonnances, t. XII, p. 263.

(2) Histoire de Charles VI.

(3) M. Dorfeuille, né à St-Maixent, d'une ancienne famille du Poitou, qui a marqué surtout dans les derniers siècles, s'est beaucoup occupé de l'histoire de sa province. On lui doit plusieurs notices, entre autres une sur les Taifaliens, sur le Dragon de Niort, etc. M. Dorfeuille a donné à la Société des Antiquaires de l'Ouest des chartes, des manuscrits, etc.  très-précieux pour le pays.

(4) On peut voir, à ce sujet, une ordonnance du 7 novembre 1420 portant concession à Robert-le-Maçon d'un péage en Anjou, à raison de ce service La circonstance relative au cheval y est positivement indiquée.

(5) Dans la Revue anglp-française, t. 1er.

(6) Vouvant, Mervent, Secondigny, le Coudray-Salbart, etc.

(7) La maison d'Appelvoisin a marqué grandement en Poitou, et elle n'est éteinte que depuis peu d'années. Il est ridicule de croire qu'elle vient d'Italie et qu'elle est la même que celle des Pallavicini.

Les Appel voisin sortent de la terre portant ce nom, entre la forêt de Chantemerle et la Châtaigneraye, en Bas-Poitou, vendue depuis peu d'années par Mme la marquise de la Brousse de Verteillac. Or, le nom de celleci est Tiercelin d'Appelvoisin de la Roche du Maine. D'Appelvoisin de la Roche du Maine, général français marquant du XVIe siècle, n'ayant qu'une fille unique, la maria à Tiercelin le lieutenant de sa compagnie d hommes d'armes, à charge d'unir les deux noms.

Des Appel voisin d'une branche cadette, notamment Bodinatière et Brebaudet, des environs de Fontenay-le-Comte, ont marqué dans les guerres de religion.

(8) Cette famille s'est éteinte vers Pouzauges, il y a environ un siècle.

(9) La maison de Chabot, encore existante et l'une des plus illustres du Poitou, remonte par titres à l'époque où a commencé l'usage des noms propres.

(10) Un Sauvestre est cité dans les mémoires du connétable de Richemont. Cette maison possédait la terre de Clisson-en-Boismé, près Bressuire, et c'est une héritière de ce nom qui l'a portée à un Lescure, du Midi de la France, venu en Poitou avec son oncle, l'un des évêques de Luçon.

(11) Les Jousseaume ont possédé les terres de Comméquiers et de la Forêt-sur-Sèvre. Le marquis de la Bretèche, de cette maison, a marqué assez comme officier général pour qu'une médaille ait été frappée en son honneur.

(12) Famille éteinte vers la Roche-sur-Yon, il y a moins d'un siècle, dans les seigneurs de la Lierre, dont la terre a passé à un Gazeau.

(13) Cette maison, encore existante, a fourni un évêque de Châlons.

L'un de ses membres a comparu au procès-verbal de la grande réformation de la coutume du Poitou.

(14) Frère du duc d'Orléans.

(15) Il fut aussi grand-sénéchal du Poitou.

(16) Pour peu qu'on connaisse l'histoire du Poitou, on sait ce que furent les sires de la Roche-Posay et d'Abain. L'évêque de Poitou, de cette maison, était un homme lettré, et il a publié plusieurs ouvrages.

La branche cadette de Thenessu s'est éteinte pendant la révolution.

L'érudit Duchesne a écrit l'Histoire de la maison de Châtaigner, qui a donné son nom à la Châtaigneraie, petite ville du Bas-Poitou.

(17) Aussi, dans la charte sur laquelle on a fait cet article, on voit que l'idée fixe est une paix générale intérieure de la France, pour agir d'un commun accord contre les Angloys enciens ennemys de cest royaulme. La position politique des deux nations l'une envers l'autre, au commencement du XVe siècle et actuellement, semble être tout autre.

(18) Il serait facile ici de faire une note assez curieuse sur Guillaume Cousinot, mais cela mènerait trop loin

(19) Gruel, dans les Mémoires d'Artus de Richemont, parle aussi de Jéhan de la Chaussée qui prenait son nom de la terre de ce nom, près du Thouet et de Gourgé, et ainsi nommée d'une voie romaine dont j'indiquerai la direction plus tard.

(20) Cette famille vient de s'éteindre.

(21) Les St-Gelais étaient une branche de la maison de Lusignan, possessionnée sur les bords de la Sèvre-Niortaise.

Le sire de Parthenay, à cause du Coudray-Salbart, étendait sa domination jusque dans ces parages.

(22) Ord. des Rois de France, t. XII, p. 225.