Les hommes avaient reconnu la nécessité de vivre en commun, et dès l'origine de leur réunion, ils adoptèrent des usages conformes à leurs mœurs. Ces usages consacrés par le temps et constamment observés par les peuples, devinrent pour eux des lois, et ce sont ces lois que depuis on a appelées Coutumes. Ces lois n'étaient cependant qu'un droit introduit par les mœurs, les usages et le consentement des peuples, mais leur longue observation a fait leur force, et tellement qu'en 1277, il intervint arrêt au Parlement portant défense aux avocats d'invoquer le droit écrit là où Coutume avait lieu.
Ces usages n'étaient point écrits. Quand on voulait prouver leur existence, on réunissait des praticiens au nombre de vingt au moins, et leur affirmation sur tel ou tel autre point en déterminait l'application par les juges d'alors.
En 1453, Charles VII reconnut la nécessité de réunir ces différents usages pour en former un tout qui put désormais servir seul de règle et ses motifs sont clairement exprimés dans l'article 125 de son Ordonnance.
En exécution de cette décision royale, la Coutume de Poitou avait été imprimée en 1486. Ce n'était alors qu'une compilation, et ce ne fut qu'en 1514 qu'elle fut arrêtée par les trois états de la province et revue et réformée en 1559.
L'Ordonnance intervenue à cet égard, le 12 février 1558, fait connaître les motifs qui avaient déterminé Henri, prince régnant, à mettre à exécution celle de son prédécesseur, et en conséquence à faire rédiger toutes les Coutumes par écrit. Il chargea du soin de veiller à cette rédaction trois membres de son Parlement Christophe de Thou président, Barthélemy Defaye et Jacques Violle conseillers.
On lit dans cette Ordonnance du 12 février 1558
« Savoir faisons que nous, voulant le bien et soulagement de nos sujets, la matière mise en délibération avec aucuns princes de notre sang et gens de notre conseil privé étant nous, avons ordonné voulons et nous plaît que vous ayez, le plutôt que faire se pourra, à exécuter le contenu en nos dites lettres de commission et outre, réformer, rédiger et arrêter de nouvel les Coutumes de notre bailliage de Meleun, et pour cet effet, vous transporter tant en notre ville de Meleun qu'ès villes du Mans, Tours, Angers, Poitiers, la Rochelle, Loudun, Auxerre et autres villes comprises en nos dites lettres de commission; vous permettant à cette fin de désemparer notre dite cour durant le temps de la séance d'icelle, pour par vous trois ou deux de vous par défaut et empêchement du tiers (pourvu que vous, de Thou, président, puissiez y assister) vacquer à la rédaction et réformation desdites Coutumes, et en chacune desdites villes convoquer et assemble les gens des trois états de chacune desdites provinces, lesquels à cet effet seront contraints, à savoir : les gens d'église par prise et saisie de leur temporel, et les gens laiz par prise et saisie de leurs biens meubles et immeubles, et ce nonobstant opposition ou appellation quelconque et sans préjudice d'icelle. En présence et du consentement desquels états vous enjoignons.de nouvel rédiger et accorder, si besoin est, mûrir, corriger et abroger lesdites Coutumes, ou partie d'icelles et faire vos procès-verbaux des débats et oppositions qui seront faits en procédant par vous à la rédaction et accord d'icelles en la manière due et accoutumée; pour lesdites Coutumes ainsi rédigées, accordées, modérées ou corrigées, comme dit est, être publiées et enregistrées ès greffes des principaux siéges de chacune desdites provinces; et dorénavant gardées et observées comme loi et édit perpétuels et irrévocables. »
Par suite et en exécution de la mission qui: leur avait été confiée par le roi, dans l'Ordonnance dont précèdent les principales dispositions, M. le président de Thou et MM. les conseillers Defaye et Violle se rendirent à Poitiers et procédèrent, en octobre 1559 et en présence des trois ordres de la province pour ce dûment convoqués, à la réforme et rédaction de la Coutume qui depuis lors et jusqu'aux changements survenus en 1789, et depuis jusqu'à la publication de la loi du 30 ventôse an XII, a servi de règle pour les contrats de mariage, les communautés conjugales, leur continuation avec les enfants mineurs en cas de non inventaire par la mère ou le père survivant, leur liquidation, les donations, les partages de succession, les ventes les rémérés les retraits les arrentemens, en un mot pour tous les contrats qui pouvaient intervenir entre tous ceux qui faisaient partie de la province, sauf une exception assez bizarre pour certaines paroisses dont les prétentions pouvaient être régies tantôt par la Coutume d'Anjou, tantôt par celle de Poitou, tantôt même par l'une et par l'autre, et voici l'origine de cette singularité
Entre les provinces de Poitou, de Bretagne et d'Anjou il y avait plusieurs cantons dont elles s'étaient disputées la domination. Les paroisses, après avoir été soumises respectivement tantôt à la domination de l'une, tantôt à celle de l'autre, étaient demeurées indépendantes de toutes. On les appelait à cet effet Mées ou Marches communes.
Les procès des habitants de ces Marches communes qui payaient les tailles en Bretagne étaient jugés par la Coutume de la Bretagne, et ceux des habitants qui les payaient en Poitou ou en Anjou, étaient jugés par les dispositions des Coutumes respectives de ces provinces.
Pour ceux des habitants de ces Marches communes qui n'étaient taillables ni de l'une ni de l'autre des provinces de Poitou et d'Anjou on faisait dans les actions réelles application de l'une et de l'autre des Coutumes; ainsi en matière de revendication d'héritage, partage, pétition d'hérédité, donation, etc., la moitié des choses contentieuses se réglait par la Coutume de Poitou et l'autre moitié suivant la Coutume d'Anjou.
En matière personnelle, il y avait un usage différent entre les deux provinces en Poitou, on appliquait toujours l'es dispositions de la Coutume par moitié en Anjou, l'application de la Coutume dépendait du siège ou l'affaire était portée par les parties et les procès étaient jugés par la loi de la Coutume dans l'étendue de laquelle se trouvait la juridiction saisie du litige.
Ces bizarreries sont attestées par Constant, l'un des savants commentateurs de la Coutume de Poitou, et par Chopin et Dupineau, commentateurs de celle d'Anjou.
Il entre naturellement dans le plan de cet ouvrage de rechercher l'étymologie de ces mots, Mées ou Marches communes, et de faire connaître celles des paroisses d'Anjou, de Bretagne et de Poitou qui prenaient cette dénomination de Marches.
Dans ses observations sur la Coutume de Poitou annotées par Filleau avocat du roi au présidial de Poitiers, Théveno: et Rifault, avocats audit siège, recueillies par Braud, avocat en parlement, Jean Lelet. édition de 1723 en parlant du mot marquis établit que quelques auteurs l'ont fait dériver du mot allemand marcha, qui veut dire cheval d'autres, du mot maritaber aussi allemand, qui signifie maitre des chevaux, ou qui commande sur les chevaux; mais l'opinion la plus probable; dit-il, est que le mot marquis vient du mot markan qui veut dire gouverneur de la Marche, envoyé ou préposé pour la garde des limites ; qui limitibus praepositus est ;
il ajoute En France, on appelle la Marche, la partie de la province qui est la plus éloignée de son milieu laquelle touche à la province voisine limitrophe »
Un autre auteur, qui a écrit sur la coutume d'Anjou (Poquet de Livonnière) dit : Ce terme Marches signifie limites. Le chapitre IV du quatrième livre des Capitulaires de Charlemage est intitulé: De vassis dominicis ad Marcham custodiendam.
Dans les Capitulaires de CharIes-le-Chauve, titre XLVI, chapitre Ier, on lit ces mots: Quia vero periculosum est longitus à Marcha eos abducere, dominus commendavit suo marchioni qualiter cos distringat aut castiget.
Ce terme Marcha est employé dans les Capitulaires en plusieurs endroits, dans la même signification, Marchias hispania, Marchia tolosana, ce qui a fait dire que Marche signifie limites, confins, et marchio celui qui était préposé pour la garde des limites, d'où on a fait marchis, en vieux langage, et depuis marquis.
Le même auteur classe ces Marches, dont au surplus l'origine est fort ancienne, en trois catégories:
Marches communes,
Marches avantagères,
Marches conthrotées..
Le 13 novembre 1426, il intervint transaction entre Louis d'Amboise vicomte de Thouars et seigneur de Mauléon d'une part, François de Montbrun chevalier seigneur de Maulèvrier, vicomte d'Aulnay d'autre part, par laquelle ces seigneurs, supposant la jurisdiction et la féodalité communes entr'eux par indivis sur les sujets et vassaux qui relevaient de Maulévrier, pour l'Anjou, et de Mauléon, pour le Poitou, convinrent qu'ils pourraient être par prévention assignés devant les juges de l'une ou de l'autre et que les procès seraient jugés suivant la Coutume de la province où ils auraient été intentés.
L'opinion que l'usage des Marches avait été établi par le consentement commun des souverains d'Anjou, de Bretagne et de Poitou, et des vassaux de ces princes dont les fiefs étaient situés sur les confins de ces provinces pour entretenir la paix entre leurs sujets, est confirmée par une ancienne loi des Marches, selon laquelle il n'était pas permis aux seigneurs châtelains et barons voisins des Marches d'y posséder rien en propre.
Ils étaient obligés de concéder, par un commun accord le fond des héritages situés en Marches à des sujets et vassaux qui le tenaient d'eux, moitié par indivis d'un seigneur poitevin et moitié par indivis d'un seigneur breton, à la charge de certains devoirs qui consistaient, savoir: au profit du seigneur poitevin dans le droit de lever la onzième gerbe, ce qui s'appelait thouarçais parce qu'il était dû au seigneur de Thouars, ou à des barons et châtelains relevant la plupart de Thouars, et au profit du seigneur breton dans le droit de lever la dixième gerbe qui s'appelait mée.
Selon le même auteur, Gabriel Hullin dans son Traité des Marches, imprimé en 1691 à Rennes, chez Jean Vatard et Jean Gaîne, prétend que ce mot mée venait de ce que l'évêché de Nantes était divisé en deux moitiés par le cours de la Loire que la partie au-delà la Loire, du côté du Poitou s'appelait la moitié d'Outre-Loire, et par corruption de moitié ou plutôt media parte, on avait fait mée. Pocquet de Livonnière n'admet pas cette origine, mais il n'en recherche pas une autre et déclare qu'au surplus il est peu important de l'approfondir.
Boucheul qui, dans son Ouvrage sur la Coutume de Poitou, emploie aussi le mot mées comme synonyme de Marches communes, se tait sur son étymologie, ce qui justifierait qu'on attachait peu d'intérêt à l'origine de cette dénomination.
Les Marches communes étaient celles qui relevaient de deux seigneurs, l'un d'Anjou, l'autre de Poitou par indivis tant pour le fief que pour la justice.
Les Marches avantagères étaient celles qui étaient communes pour la féodalité, relevant par indivis de deux seigneurs, l'un angevin, l'autre poitevin mais pour la jurisdiction et pour tout le resté, étaient d'une province exclusivement à l'autre et sujettes à la justice d'un seul seigneur et de ses suzerains privativement aux autres.
Les conthrostées appelées contrhotées dans le pays, étaient celles communes à deux provinces et à deux seigneurs pour la juridiction, et ne relevaient néanmoins que d'un seul seigneur. Ces dernières Marches n'étaient point des paroisses, mais des domaines et lieux particuliers, situés dans les paroisses des Marches communes ou avantagères.
On comptait seize paroisses des Marches d'Anjou et de Poitou qui se trouvaient dans les confins de la sénéchaussée de Saumur, savoir les paroisses de Massay, Cersay, Baigneux, Bouillé-Saint-Paul, Tourtenay, Brion, Sainst-Cyr-Lalande, Saiont-Machaire, Argenron-l’Eglise, le Veaudelanay, Saint-Martin-de-Sanzay, Bouillé-Loretz, Louzy, Saint-Verge, Marcon et Montbrun.
Ces paroisses et les héritages y situés dépendaient, pour l'Anjou de la baronnie de Montreuil-Bellay, et pour le Poitou, du duché de Thouars et suivant l'usage des Marches, les seigneurs de Thouars et de Montreuil-Bellay, ou leurs juges, connaissaient par prévention des causes civiles et criminelles de ces paroisses, ce qui les plaçait dans un état presque continuel de vexations comme étant soumises à la double prévention des juges royaux et subalternes d'Anjou et de Poitou.
Par édit du 4 juin 1633 et sa déclaration du 26 août 1635, enregistrée au Parlement le 7 septembre suivant, le roi fit cesser cet abus en ordonnant que désormais les paroisses des Marches d'Anjou et de Poitou seraient exclusivement justiciables du présidial d'Angers.
Nonobstant ces édit et déclaration, le présidial de Poitiers continua de connaître des différends élevés dans celles de ses paroisses comprises dans les Marches, mais ces diverses décisions furent annulées par ordonnance du 7 mars 1641 et par arrêts du grand conseil des 16 juillet 1641, 18 août 1679 et 18 novembre 1685, le présidial d'Angers fut maintenu dans le droit à lui attribué par l'édit de 1633.
Le présidial d'Angers essaya, en 1641, de faire comprendre dans sa juridiction diverses paroisses qu'il soutenait former les Marches communes d'Anjou et de Poitou, savoir:
Saint-Pierre des Echaubrognes, Evrune, Saint-Christophe-du-Bois, la Seguiniere, Le Petit-Chollet, Saint-André de la Marche, Lemay, Saint-Macaire, la Roucagne, Roussay, le Longeron, Torfou, Montigne, Saint-Hilaire près Mortagne, le Puy-Saint-Bonnet, Moutiers, Mallièvre, Treize-Vents la Chapelle-Largeau et Saint-Laurent-sur-Sèvre.
Cette prétention donna lieu à la nomination d'un commissaire charge de s'entourer de tous documents et de statuer à cet égard. Cette mission fut confiée à un sieur Lanier conseiller au grand conseil qui, par ordonnance du 7 mars 1641, reconnut et déclara soumises à la juridiction d'Angers, comme Marches communes d'Anjou et de Poitou, les seules paroisses de
Saint-Pierre-des-Echaubrognes, la Thessouaille, Évrune, Lemay, Saint-Christophe-du-Bois, la Seguinière, le Petit-Chollet, Saint André de la Marche, Saint-Macaire la Roumagne, Roussay, le Longeron et en deçà la rivière de Sèvre Torfou et Montigne.
Pour le Puy-Saint-Bonnet et Saint-Hilaire près Mortagne, il ordonna un plus ample informé, et à l'égard des paroisses de Saint-Laurent-sur-Sèvre, Moutiers, Treize-Vents et la Chapelle-Largeau il mit les parties hors de cour ce qui démontre qu'il n'était pas assez clairement justifié que ces paroisses étaient comprises dans le rayon des Marches communes des deux provinces.
Depuis l'édit de 1633 et cette ordonnance de 1641, le présidial de Poitiers pouvait bien connaître des procès nés dans ces diverses paroisses, mais il était tenu d'y appliquer les dispositions de la Coutume d'Anjou.
Il lui était interdit cependant de connaître des appels des sentences rendues par les officiers de Tiffauges, Mauléon, Maulévrier et la Séguiniere.
L'auteur, auquel nous avons emprunté ces documents, confesse son ignorance sur ce qui pouvait composer les Marches communes de la Bretagne de l'Anjou et du Poitou il craint de ne présenter que des conjectures et il aurait voulu ne donner que du vrai. Il se borne alors à dire ce qu'il sait, et il nous enseigne que parmi ces Marches, il y en avait de communes, il y en avait d'avantagèrcs, et voici comment il les classe et les désigne :
Les Marches communes au Poitou et à la Bretagne sont les paroisses de :
Gestiné, Boussay, Cugan et la Buffière qui sont aux environs de Clisson. D'autres y ajoutent les paroisses des bois de Cessé, Pan, Poidemoron.
Les Marches avantagères au Poitou sur la Bretagne sont Saint-Hilaire-de-Loulay, Treize-Septiers, la Boissière, la Guyonnière, Remaillé, Rocheservière, Saint-Christophe, la Grolle, Mort-Maison, Saint-Sulpice, Bouain.
Les Marches avantagères à la Bretagne sur le Poitou, sont les paroisses de Vieille-Vigne, Saint-André-de-Treize-Voix, Saint-Colombain, Sainte-Hermine, Montevert, Aigrefeuille, la Bernadière, Saint-Hilaire-du-Bois.
En ce qui concerne les Marches d'Anjou et de Bretagne, il ne connaît que la paroisse de la Boissière du Doré qui donna lieu à de grandes contestations entre différents seigneurs sur lesquelles ils transigèrent, et pour justifier ce fait, cet auteur rapporte un aveu de 1494, rendu par un curé, dans lequel on lit : On a eu raison de qualifier cette paroisse Marche commune d'Anjou et de Bretagne.
Nous devons ajouter que les paroisses de Nieul-sous-les-Aubiers et d'Etusson faisaient aussi partie des Marches, mais des Marches avantagères, parce qu'il y avait plusieurs domaines qui relevaient moitié par indivis d'un seigneur poitevin, et moitié par indivis d'un seigneur angevin.
Nous avons établi que les Marches conthrotées ne se composaient point de paroisses, mais de lieux et domaines particuliers, situés dans les paroisses des Marches communes ou avantagères ces domaines avaient cela de particulier, qu'ils ne relevaient que d'un seul seigneur angevin ou poitevin, tandis que les domaines des autres Marches communes ou avantagères relevaient moitié par indivis d'un seigneur angevin, moitié par indivis d'un seigneur poitevin.
Les Marches conthrotées dérivaient à peu près des mêmes sources que les Marches communes, continue le même auteur, d'une convention faite entre les seigneurs des diverses paroisses pour terminer leurs différends au sujet des limites de leur territoire, avec cette différence que le plus souvent et même plus fréquemment, ils ont laissé, les choses contentieuses entr'eux, communes par indivis, ce qui a formé les Marches communes ; quelquefois ils ont fait une espèce de partage par forme d'échange et de compensation, en demeurant d'accord qu'un héritage limitrophe releverait pour le tout d'un seigneur angevin, à la charge qu'un autre héritage releverait aussi pour le tout d'un seigneur poitevin, partageant ainsi la féodalité à part et à divis, per commutationem partium, et laissant la juridiction contentieuse indivise et commune, ce qui a formé les Marches qu'on appelait conthrotées dans le pays. Cette dénomination, qui se rapporte à ces mots : alter contrà alterum, ou alius contrà alium, paraissait préférable à celle que l'on faisait dériver de ces autres mots, contrà hostes.
C'était sans doute par suite de cette convention que la maison de Comboureau, située dans la paroisse de Torfou, Marche commune, relevait pour le tout du seigneur de Mortagne, seigneur poitevin; que la métairie de la Chabossière située aussi paroisse de Torfou, relevait pour le tout du seigneur de Tiffauges, seigneur poitevin; et que d'un autre côté, la terre et la métairie de la Guerche, située dans la paroisse de Montigné, Marche commune relevait pour le tout du seigneur de Monfaucon, seigneur angevin.
Si Robert de Vaugondy qui, en 1778 a fait une carte générale des côtes de France, depuis les confins de la Bretagne jusqu'à l'embouchure de la Gironde, et qui comprend les gouvernements généraux de Poitou, Aunis, Saintonge et Angoumois, n'a pas commis d'erreur, on sera porté à penser que les paroisses désignées par le commissaire Lanier, dans son ordonnance de 1641, composaient réellement les Marches communes aux provinces de Poitou et d'Anjou, et que Pocquet de Livonnière a rencontré juste dans la nomenclature qu'il nous donne de celles de ces Marches qui étaient avantagères à la Bretagne sur le Poitou.
En réalité, ces 'diverses paroisses sont situées sur les confins des deux provinces voisines limitrophes.
Toutefois nous ne pouvons qu'attribuer à un oubli la non mention de la paroisse d'Argenton-Château car par sa situation si rapprochée de l'Anjou, et faisant cependant partie du Poitou, il est permis d'assurer que cette paroisse devait naturellement être comprise dans le cercle des Marches communes à ces deux provinces.
On pourrait cependant attribuer cette non mention à une autre cause il existait entre les Coutumes d'Anjou et de Poitou (disent les auteurs du Répertoire général de jurisprudence, t. 39 p. 1, édition in-8° de 1780) une ligne de démarcation qui, pour n'être pas déterminée par des bornes matérielles, n'en existait pas moins.
Cette ligne séparative résultait de la mouvance des fiefs. Ceux qui relevaient d'une seigneurie assise en Poitou appartenaient à la Coutume de Poitou, et réciproquement ceux dont le dominant était dans la province d'Anjou, étaient sous l'empire de la Coutume de cette province.
Ainsi les Marches n'avaient rien de commun relativement aux Coutumes féodales. L'indivision du territoire n'exerçait aucune influence sur les Coutumes, et leur empire était circonscrit par des limites très distinctes.
Chaque fief était soumis à la Coutume de la seigneurie dont il relevait. Si le fief dominant sur Argenton-Château était situé en Poitou, ce fait expliquerait pourquoi cette paroisse n'est pas dénommée dans celles qui formaient les Marches communes et que nous avons fait connaître.
Si Pocquet de Livonnière sait peu, comme il le dit, en ce qui concerne les Marches communes au Poitou et la Bretagne, Gabriel Hullin sénéchal de Tiffauges, est plus explicite, et voici les documents que nous avons puisés dans l'Ouvrage qu'il fit imprimer en 1651 :
« Des accords entre les ducs de Bretagne et les comtes de Poitou, résulte que sous la seigneurie de Clisson, il y a des Marches communes quatre paroisses, savoir Gestiné, Cugan, Boussay, la Bruffière.
II est bien vrai que les seigneurs de Clisson et de Tiffauges ont divisé les dites paroisses pour l'obéissance et pour la baillée des mesures tant à blé qu'à vin, par laquelle division est demeurée à la seigneurie de Clisson la paroisse de Cugan et de Gestiné et au seigneur de Tiffauges la paroisse de Boussay et de la Bruffière, sauf treize villages de la paroisse de la Bruffière qui sont demeurés en communauté partant que les dites paroisses de Boussay et de la Bruffière étaient plus grandes des dits villages qui sont :
la Sauvagère, le Bas-Plessis, la Brosse la Guinaudière, le Pontereau, la Raterie, la Patonnière, la Caillactière, le Haut-Plessis, le Millouen, le Plessis ou Perthuis-Chapeau. »
Tel est l'historique de ces Marches dont les habitants demeurèrent fidèles à leurs usages primitifs que le temps avait transformé en lois pour eux. Ainsi les premiers usages des Pictaves n'éprouvèrent aucune atteinte pendant que dura la domination des Anglais dans l'Aquitaine. On peut vaincre un peuple, mais on le fait difficilement renoncer à ses lois et à ses mœurs.
Nous n'entreprendrons pas d'analyser ici toutes les dispositions de cette Coutume du Poitou qui contenait 445 articles. Nous croyons devoir nous borner à faire connaitre les plus importantes, qui donnèrent naissance à une réflexion qui depuis était pour ainsi dire passée en proverbe dans le pays, c'est que cette Coutume avait été faite par trois personnes seulement, une femme, un prêtre et un seigneur ; ce qui signifiait que de toutes les Coutumes, elle était la plus favorable aux femmes, au clergé et à la noblesse, et voici ce qui donnait lieu aux reproches que l'on adressait à ses réformateurs :
Le douaire y était légal et préfix, c'est-à-dire qu'il n'avait pas besoin d'y être stipulé, et que la femme, par le fait seul du mariage, gagnait la jouissance du tiers des biens propres de son mari ; le mari pouvait donner tous ses meubles, acquêts et conquêts immeubles à sa femme et même le tiers de ses biens anciens. Il pouvait stipuler en sa faveur-tels gains nuptiaux ou de survie que bon lui semblait.
Le mariage seul constituait communauté entre les époux lors même que les conditions civiles n'en avaient pas été stipulées par écrit. Ainsi, par le fait seul du mariage consommé la fortune mobilière d'un mari opulent devenait, pour moitié, le patrimoine de la femme lors même qu'elle ne lui avait fait aucun apport par une donation, elle pouvait devenir propriétaire de l'autre moitié, et par ce moyen devenir riche de pauvre qu'elle était et au détriment de la famille de son mari. C'était là, il faut en convenir, de grands avantages pour les femmes.
D'après cette Coutume du Poitou article 100, la dime appartenait de droit au curé. Pour celles qu'on appelait menues et vertes, il était préféré au gros décimateur, quand même celui-ci aurait été le curé primitif.
Par dîmes menues on entendait celle des pois, des fèves et autres légumes et menus grains, et par vertes, celles qui se percevaient sur les agneaux et sur les porcs. Celles-ci se payaient en argent, et le motif de cette conversion est facile à comprendre cette dime, soit au 6 au 7, au 10 ou au 12, ne pouvait pas être acquittée en nature.
Un ecclésiastique pouvait prescrire la dime contre un ecclésiastique, mais jamais un laïc n'était admis à opposer la prescription de la dime à son curé. Cette distinction justifie qu'en effet la Coutume accordait au clergé un privilège qu'elle refusait aux simples manans ou habitants qui, entre eux, pouvaient toujours s'opposer respectivement la prescription.
Cette Coutume admettait la maxime Nulle terre sans seigneur. Aussi le vassal qui laissait une portion de son héritage en friche était exposé à s'en voir dépouiller par suite de ce privilège exorbitant.
Le cens y était imprescriptible. Un seigneur y avait le droit de retirer le domaine que l'un de ses vassaux avait aliéné quand l'héritage était situé dans la mouvance de son fief.
Si un seigneur avait fait bail a cens d'un immeuble sous la condition de le mettre dans un état de culture déterminé, et si le preneur à cens négligeait pendant trois ans de l'entretenir dans l'état de culture convenue, le seigneur avait la faculté de le reprendre sans aucune indemnité. Le colon était ainsi privé du fruit de tous ses travaux et de ses engrais.
Ce retrait opéré par le seigneur prenait le titre de sentence de réunion, sentence qui s'obtenait facilement après trois publications.
Les cultivateurs qui habitaient dans l'étendue d'une seigneurie, étaient ainsi sous la dépendance absolue de leur maître, et si absolue que souvent un simple délit de chasse entraînait les galères.
Quant aux successions, on suivait la règle paterna paternis, materna maternis, c'est-à-dire que les biens provenant du père retournaient à ses parents, et ceux de la mère aux siens, ce qui a maintes fois occasionné des contestations longues et coûteuses.
Cette Coutume, quoique assez étendue, puisque comme nous l'avons déjà dit, elle se composait de 445 articles, n'avait cependant pas prévu tous les cas.
Elle était muette en ce qui concerne les servitudes, et comme la province était du ressort du parlement de Paris, on y suivait à cet égard cette Coutume de Paris dont l'article 186 porte : Nulle servitude sans titre.
Il y avait en Poitou presqu'autant de juridictions que de seigneuries. Le marquis, le comte, le baron le châtelain avait sa justice souvent haute et basse. Chacun d'eux nommait ses officiers et donnait des provisions à ses tabellions ou gardes-notes, fonctionnaires qui depuis ont pris la dénomination plus élevée de notaires.
Ces officiers de justice pouvaient exercer dans plusieurs juridictions. Ils étaient pour ainsi dire ambulants, car les audiences, dans chaque seigneurie, ne tenaient pas aux mêmes jours.
Indépendamment de ces justices seigneuriales, auxquelles on donnait le nom de subalternes, il y avait en Poitou, et notamment dans cette partie de la province qui forme le département des Deux-Sèvres, des sièges royaux, des sénéchaussées auxquels on venait par appel.
De cet état de choses, il résultait que la cause qui avait été soutenue par un procureur devant le juge du seigneur, l'était encore par lui au siège ou à la sénéchaussée où il exerçait encore les mêmes fonctions. Cet abus était d'autant plus dangereux que souvent la passion ou la cupidité conseillait des appels qui devenaient ruineux pour les parties, et l'on peut en juger par le fait suivant que la tradition nous a sans doute transmis pour nous prémunir contre le danger de former légèrement un appel :
Un individu avait élevé deux alouettes dont la ressemblance était parfaite. L'une avait profité des leçons du maître et chantait à ravir. L'autre plus rebelle ne chantait jamais. Un amateur passe la belle chanteuse s'évertue ; il l'admire, il la veut posséder et dans son enthousiasme il en offre 600 livres. Le prix est déterminant et le marché conclu. La livraison aura lieu le lendemain. La nuit porte conseil et le maître en recevant les 25 louis donne l'alouette indocile à son acheteur. Silence profond de la nouvelle venue ; on attend, on espère, on s'inquiète, et bref on reconnaît la supercherie. De là procès pour avoir l'harmonieuse alouette. On plaide en première instance, on vient en appel expertise, contre-expertise, enquête, contre-enquête contredits, salvations, répliques, dupliques, rien n'est épargné et en définitive le procès avait consommé la ruine des deux plaideurs, lorsque l'objet du litige y mit fin par sa mort.
La juridiction de ces petites seigneuries se bornait à l'étendue du fief, et bien qu'il fût de règle que chacune des contestations qui s'élevaient dans chacune de ces justices y fussent portées, il y avait des causes qui en étaient distraites par une exception. On pouvait obtenir le privilège de les porter ailleurs sur lettres octroyées par le prince, lettres qui prenaient le titre de Committimus. Ceux qui avaient ainsi leurs causes commises ne pouvaient être traduits que devant les juges dénommés dans les lettres obtenues par les impétrans.
Ces justices subalternes étaient si multipliées et les émoluments de leurs officiers si minimes, qu'il y avait nécessité à ce que les mêmes officiers fussent appelés dans plusieurs. Il n'était pas rare de voir le même avocat, le même procureur investi du titre de sénéchal ou de procureur fiscal pour diverses juridictions. Ces provisions données par divers seigneurs n'étaient point incompatibles entre elles. On pourrait citer de nombreux exemples de ce cumul de fonctions, et quelques anciens se rappellent encore qu'une famille très honorable de l'arrondissement de Niort compte des ascendants qui, comme huissiers près d'une justice seigneuriale, y assignaient, comme procureurs y plaidaient les causes pour lesquelles ils avaient ajourné la partie adverse, comme notaires rédigeaient les transactions qui intervenaient sur les procès, et comme contrôleurs des actes les enregistraient.
Le but de cet ouvrage étant borné au département des Deux-Sèvres, il y serait hors de notre sujet de faire connaître les changements qu'amena dans la capitale du Poitou l'exil du parlement sous Louis XV et l'établissement de celui connu dans l'histoire sous le nom de parlement Meaupou, parce que ces circonstances ne produisirent aucun résultat contraire aux précédents usages reçus dans les petits sièges royaux et les petites juridictions lors établies dans l'étendue du territoire pour lequel nous écrivons.
Il est cependant de ces dispositions générales que les anciennes ordonnances rendaient applicables à tous les-ressorts telle est celle du 7 janvier 1277, intitulée:
Constitution sur l’Instruction des Procès, qui a été constamment suivie depuis et que nous croyons devoir rapporter aujourd'hui dans son style d'alors pour démontrer que la plupart des préceptes que l'on invoque de nos jours, avaient été tracés dès le treizième siècle.
ART. 5. Les parties qui entreront en la chambre des plez le demandeur brièvement exposera son fet et sans délation aussi breement respondra le défendeur.
ART. 11. Nuls advocats n'ose recorder ou recommencier ce que son compagnon à qui il aidera, aura dict, mais il puet bien aucune chose adjouster de nouvel, s'il y avait à adjouster. »
Ces deux articles nous démontrent que dès-lors on savait apprécier l’emploi du temps et que l'on prévoyait combien les longueurs des plaidoiries et les redites étaient de nature à fatiguer les juges.
Cette prévoyance est encore mieux signalée dans l'article 19, où l'on défend les interruptions et recommande d'accorder ou dénier les faits posés, et en voici les termes textuels :
« A prendre les conseils, l'un demande, et li conseiller tantôt respondent, et à celui qui parlera, nulz n'aille contre lui de parole ; ne nulz ne recorde ce que son compaignon aura dict; mes autres paroles respondent aux choses à ottroyer ou désottroyer, et li soit tant seulement souffert au respondeur du second dit à ajouster nouvelle reson .»
Un critique prétend que dans beaucoup de nos tribunaux actuels, il conviendrait que ces dispositions fussent affichées en gros caractères dans les salles d'audience, et que les magistrats tinssent sévèrement la main à leur exécution.
Quant à la procédure, on suivait, en Poitou celle tracée par l'ordonnance de Moulins. Survint celle de 1667, qui, enregistrée au parlement de Paris, a servi de règle jusqu'à l'émission de notre Code actuel.
Les changements survenus dans l'ordre judiciaire sont trop récents et trop connus pour qu'il soit besoin de les mentionner dans ce travail. Tout le monde sait qu'à la première division du territoire français en départements et en districts, chaque district avait son tribunal, qu'à cette première organisation a succédé celle d'un seul tribunal par département, où les affaires s'expédiaient sans aucun écrit ni acte de procédure préalable, qu'on est revenu à une nouvelle division par arrondissement, qui a son tribunal composé de trois ou quatre juges, selon sa population, excepté le chef-lieu judiciaire, où, dans la plupart, il y a neuf juges, nombre qui, pour plusieurs chefs-lieux judiciaires, a été récemment réduit à sept.
Le département des Deux-Sèvres se compose de quatre arrondissements : Bressuire, Parthenay, Niort et Melle. Le premier, le deuxième et le quatrième ont chacun-trois juges pour. 262 communes.
Niort, chef-lieu judiciaire saisi par appel des jugements correctionnels intervenus à Bressuire, Parthenay, Melle Saintes et Bourbon-Vendée, a neuf juges pour quatre-vingt-quatorze communes et une population de 97,222 individus. Il se trouve néanmoins compris dans la réduction des juges au nombre de sept.
Ainsi, pour 356 communes et une population de 305,119 personnes (recensement de 1836), on compte dix-huit juges de première instance dans le département, et avec le temps qui produira des extinctions il y en aura seize.
Nous ne parlons pas des juges de paix on sait qu'il y en a un par canton, et par conséquent trente-un dans le département, quoiqu'il ne se compose que de 29 cantons parce que dans les villes de Niort et Saint-Maixent, il y a deux arrondissements de justice de paix.
Pour compléter l'historique de l'organisation judiciaire dans les Deux-Sèvres, cette partie intéressante de l'ancienne province de Poitou, nous ne devons pas laisser ignorer l'existence d'un tribunal de commerce à Niort, créé par lettres-patentes de 1565, dont la juridiction s'étend sur tout l'arrondissement du tribunal de première instance, et l'établissement d'un conseil de prud'hommes, qui, aux termes de l'ordonnance du 6 mai 1818, doit être composé de neuf membres savoir :
La juridiction de ce conseil s'étend sur tous les marchands fabricants, chefs d'atelier, contre-maîtres, commis, teinturiers, ouvriers-compagnons ou apprentis, travaillant pour les fabriques du lieu ou du canton de la situation des fabriques quelque soit l'endroit de la résidence des uns et des autres.
Ainsi, l'ouvrier, le compagnon, le chef d'atelier, qui, demeurant à Mauzé, Coulonges, Saint-Maixent, ou partout ailleurs, travaillerait pour l'une des fabriques, énoncées dans l'ordonnance du 6 mai 1818, établies à Niort, serait justiciable de notre conseil de prud'hommes, malgré que son domicile serait hors de nos deux cantons.
Cette ordonnance spéciale contient ainsi une exception à la règle générale, qui veut que dans toute action on suive le domicile du défendeur la loi romaine, en effet, avait dit
Actor sequitur forum rei.
Et cet axiome était et est encore suivi dans toute la France.
Par suite nécessaire de l'arrêt du parlement de 1277 qui avait interdit aux avocats d'invoquer le droit écrit, là où Coutume avait lieu, les juges d'alors.ne pouvaient appliquer le droit coutumier aux territoires qui étaient régis par le droit écrit.
L'arrondissement de Niort compte plusieurs communes qui, quoique situées dans le rayon de la province du Poitou étaient cependant soumises au droit romain, et nous avons cru devoir en annexer le tableau à ce travail.
Aujourd'hui que le Code civil compte plus de 30 ans de publicité, on aura rarement besoin de consulter ce tableau, et sous ce rapport il présente peu d'intérêt, mais il en offre peut-être comme monument historique.
Dans son second Mémoire sur la Statistique de notre département, M. Dupin, cet administrateur si éclairé, si essentiellement juste, que nous avons eu le bonheur de posséder pendant treize années, et qu'une mort prématurée a enlevé à la cour des comptes et ses nombreux amis, s'était borné à dire, page 166 :
Avant la révolution, le département des Deux-Sèvres était régi par la « Coutume de Poitou et situé dans le ressort du parlement de Paris hormis vingt-quatre communes du sud-ouest, qui dépendaient du parlement de Bordeaux et qui suivaient le droit écrit coutumier. »
M. Dupin n'indique pas ces communes il n'était pas jurisconsulte et il ne soupçonnait pas de quelle importance il pourrait être aux magistrats, au barreau et au public lui-même, de bien connaître ceux des territoires qui, quoique situés dans l'enceinte de la province de Poitou, devaient cependant être régis par une législation différente.
En suppléant à cette lacune et en donnant l'énumération qui précède, nous avons établi que le Code civil comptant plus de trente années d'existence, elle offrirait peut-être plus d'intérêt historique que d'utilité réelle.
Il est cependant encore beaucoup de circonstances, dans lesquelles il est très essentiel d'être bien fixé sur les dépendances territoriales qui étaient soumises au droit écrit. Des héritiers peuvent avoir à liquider les successions de leurs auteurs, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale; les époux ont pu dans les conditions civiles de leur mariage établir des dispositions que la Coutume de Poitou déclarait nulles, que la Coutume de Saint-Jean-d'Angely autorisait au contraire, et vice versa.
Une femme peut avoir aliéné ses immeubles pendant le cours de son mariage; s'il ne s'est pas écoulé trente ans depuis qu'elle aura recouvré le libre exercice de ses droits, soit par la mort de son mari, soit par une séparation judiciaire, et qu'elle demande à être restituée contre le contrat de vente, il sera nécessaire de constater si l'héritage aliéné était régi par la Coutume de Poitou ou par celle de Saint-Jean-d'Angély. Dans l'une, l'aliénation était valable sauf l'action en remploi, reprise ou récompense de la femme sur les biens de la communauté, et en cas d'insuffisance sur ceux du mari et en Saintonge, au contraire la femme était toujours fondée à se faire restituer contre la vente de ses propres, quand elle formait son action avant que la prescription fut acquise contre elle.
Assez fréquemment encore il se présente au palais des questions de servitude de passage. Cette servitude, discontinue de sa nature, puisque, pour être exercée, elle a besoin du fait actuel de l'homme, ne pouvait, en Poitou comme sous l'empire de notre Code-civil, émaner que d'un titre constitutif en Saintonge au contraire, la possession trentenaire équivalait au titre et celui qui la réclame de nos jours, a grand intérêt à savoir par laquelle de ces deux Coutumes sa propriété était régie.
Cette nomenclature est surtout utile à connaître pour celles des communes dans lesquelles il y a eu fusion de territoires soumis à deux Coutumes différentes.
Ainsi la paroisse de Chanteloup (Saintonge) a été réunie anciennement à Bessines paroisse de Poitou ; Mazin pays de droit écrit, l'a été à Saint-Hilaire-la-Pallud, pays coutumier. L'on conçoit alors combien il importe, en cas de contestation, de connaître celles des dépendances des communes actuelles de Bessines et Saint-Hilaire-la-Pallud, qui autrefois appartenaient à Chanteloup et à Mazin.
Nous pouvons citer un exemple de cette nécessité :
Deux propriétaires (1) plaidaient pour un passage que l'un prétendait vouloir exercer en traversant, dans .toute sa longueur, une vaste pièce de pré qui appartenait à l'autre. Cette servitude était onéreuse, diminuait la valeur de l'héritage, et le propriétaire se refusait à son usage ; pour s'y soustraire, il invoquait la Coutume de Poitou. Les propriétés respectives étaient limitrophes et situées dans la commune actuelle de Bessines. Mais le demandeur produisit une déclaration rendue au seigneur, de laquelle il résultait que les héritages étaient autrefois une dépendance de la seigneurie de Chanteloup, et force fut au défendeur de souffrir sa propriété grevée de cette servitude de passage, toute gênante qu'elle était pour lui. Il en eut été autrement, si on n'avait pas démontré d'abord que Chanteloup, réuni à Bessines, était soumis au droit écrit, et en second lieu qu'on avait usé du droit pendant trente ans.
Cet exemple et plusieurs autres cas que l'on ne peut pas prévoir, et qui peuvent se rencontrer encore, nous ont déterminé à joindre à notre travail le tableau qui le terminerait, si nous n'avions à faire connaître une autre organisation judiciaire qui existait dans notre département.
(1) Rousseau, de Pierre-Levée, Faribaud, de Coulon.
Indépendamment des sièges royaux, des sénéchaussées et des justices seigneuriales qui connaissaient, en première instance et en appel, des matières civiles de police et criminelle il y avait en Poitou une autre juridiction qui était désignée sous le nom d'élection, Il y en avait quatre dans le territoire qui forme aujourd'hui le département des Deux-Sèvres, savoir
Niort. Saint-Maixent. Thouars. Châtillon-sur-Sèvre.
Parthenay et soixante-trois autres paroisses étaient de l'élection de Poitiers.
L'élection de Niort étendait sa juridiction sur cent vingt-quatre paroisses, celle de Saint-Maixent s'exerçait sur soixante-une ; l'élection de Thouars embrassait quatre-vingt-dix-sept paroisses, et Châtillon n'en comptait que sept, de celles qui font aujourd'hui partie de notre département.
Les élections étaient une juridiction royale subalterne, qui prononçait, en première instance, sur les matières dont les cours-des-aides connaissaient par appel. On appelait d’élus les officiers qui composaient cette juridiction, et cette dénomination d'élus provient de ce que, dans l'origine, ces officiers étaient nommés par voie d'élection. Ces fonctionnaires exceptionnels étaient chargés du détail des impositions et du soin d'en faire l'assiette et la levée sur les paroisses. Cette voie d'élection, pour nommer les titulaires de cette juridiction, n'exista que jusqu'au quatorzième siècle.
En 1373, Charles V établit deux élus dans chaque ville capitale, régla leurs fonctions par son ordonnance de 1374 et confirma leur établissement par édit de novembre 1379.
En 1383 Charles VI augmenta le nombre des élus dans chaque siège, et Charles VII par son ordonnance du 26 août 1452, créa de nouveaux sièges d'élection que Louis XII confirma dans-leurs privilèges en 1500.
Voici les motifs qui déterminèrent Charles VII à augmenter le nombre des élections, et nous les rapportons textuellement dans leur style :
« Comme pour obvier aux vexations et travaux que nox pauvres subjects ont supporté le temps passé, à l'occasion de ce que les fermiers des aydes receveurs des tailles les faisoient souventes fois convenir devant les esteuz, sur le fait des aydes, lesquels en diverses élections de nostre royaume tiennent leurs sièges si loings des fins et extrémités d’icelle, qu’il convient aux pauvres laboureurs et autres gens de faire grands dépens et perdre plusieurs journées pour allers comparoir devant lesdits eleuz ès dits sièges, qui sont communément en aucunes principales villes de leur élection, ou il font continuelle résidence ; nous, pour y pouvoir lors promptement et jusques à ce autrement en fust ordonné, eussions n’aguères fait certaines nouvelles ordonnances, contenant entre’autres choses, que en chacunes châtellenies fussent commis desdits eleuz, pour cognoistre de tous les procès et débats qui surviendront à cause desdites aydes, etc.
Avons par grande et meure délibération des gens de notre grand conseil, etc., ordonné et ordonnons que en aucune eslection de notre dit royaume, mesmement en celles qui sont de grande estendue, soient ordonnez et établis certains lieux pour tenir les sièges desdits esleuz, lesquels sièges n’auront de ressort à l’entour d’eux, que cinq ou six lieues ou environ, pour le soulagement de notre dit peuple, tellement que ceux qui seront adjournés auxdits sièges puissent aller et retourner en leur maison et comparoir à leurs assignations tout en un même jour ; lesquels sièges seront choisis, etc… »
Conformément et par suite de cette ordonnance de 1452, François Ier, en 1543, avait créé des élus particuliers qui étaient placés dans les villes et bourgs éloignés de plus de six lieues d'une élection en chef.
Cette création fut supprimée et rétablie par deux édits de décembre 1637 et décembre 1634, et enfin totalement supprimée par les édits d'août 1681 et de janvier 1685 ; mais les diverses élections n'en conservèrent pas moins leur étendue primitive, et celle de Niort surtout qui embrassait la commune de Nieul, éloignée de vingt lieues et qui servait de confin à l'élection .de Confolens.
Un manuscrit que l'un des hommes notables de ce département (1) a eu le bonheur de sauver des mains d'un épicier de Poitiers, nous fait connaître l'état de l'élection de Niort en 1716.
‘1) M. Jouyneau des Loges, avocat à Thouars.
Il résulte de cet écrit, qui peut-être a le premier fait naître l'idée de la statistique du pays, que l'élection de Niort comptait autrefois 188 paroisses dans son ressort.
En 1636 les châtellenies de Marsillac, de Châteauneuf, qui comprenaient 54 paroisses, en furent distraites pour former l'élection de Cognac, et, en 1615 il en fut enlevé 10 pour former en partie la nouvelle élection de Confolens.
Par suite de ces démembrements, l'élection ne contenait plus que 124 paroisses, qui formaient 14,374 feux, qui occupaient 2,264 domaines ou métairies de différente valeur, et environ 200 moulins, en y comprenant ceux situés sur de petits ruisseaux, dont la course était nulle l'été par le manque de moteur: Eh comptant six personnes par feu, lisons-nous encore dans le même manuscrit, on trouvait dans cette élection 86,244 personnes de tous âges, qui aidaient à payer au roi le montant des impositions, qui était, savoir:
Des 124 paroisses qui, en 1716 étaient comprises dans le ressort de l'élection de Niort, et qui, d'après les calculs d'alors, offraient une population de 86,244 individus, 96 seulement font aujourd'hui partie du département des Deux-Sèvres, et présentent une masse de 90,929 personnes d'après le recensement de 1836. Les communes qui ne nous appartiennent plus, comprenaient 2,550 feux-, et en les calculant à quatre individus par feu, au lieu de six, comme on l'avait fait en 1716, on trouvera que d'alors, de nos jours, la population de cette élection a augmenté de 14,875 personnes, un sixième à peu près, et cependant généralement partout, les familles sont aujourd'hui bien moins nombreuses qu'elles ne l'étaient au commencement du dix-huitième siècle ; mais des étrangers sont venus, en masse, s'implanter dans notre pays.
Les élections connaissaient des tailles, des aydes des impositions ou subsides, des contraventions a la distribution des parchemins et papiers timbrés, des affaires contentieuses concernant la ferme du tabac et les octrois des villes, tant au civil qu'au criminel, et même des émotions populaires et rébellions d'habitants arrivées à l'occasion de ces impositions.
Cette juridiction connaissait encore des privilèges et exemptions des gentilshommes et ecclésiastiques, mais, par édit du 16 juillet 1754, il lui était défendu d'ordonner l'enregistrement des titres de noblesse en son greffe.
Les officiers des élections ne décidaient, en dernier ressort, que jusqu'à concurrence de la somme de trente livres et au-dessous, et un arrêt du conseil, du 9 mars 1718, leur avait enjoint, lorsqu'ils prononçaient la nullité des procès-verbaux des commis aux aydes, d'expliquer et de signer expressément dans leurs sentences les nullités qu'ils y avaient trouvées. L'intérêt du fisc avait présidé, sans doute, à cette décision afin que les gens du roi pussent mieux s'éclairer sur le point de savoir s'il y avait lieu à former appel des décisions qui avaient ainsi mis à néant les procès-verbaux des préposés à la perception de cette branche du revenu public.
Telle était cette institution qui, pour notre pays, embrassait une grande étendue de territoire, et dont les derniers officiers en exercice étaient à la suppression, à notre connaissance :
MM. POUDRET DE SEVRET, père de M. le colonel Sevret, ancien aide-de-camp de Bernadotte, aujourd'hui député de Maine-et-Loire; DECEMME, père de l'un des membres titulaires de la Société Potier et Clerc du fief.
Il était naturel, ce nous semblé, d'attribuer à notre département celles des paroisses qui avaient originairement fait partie de l'élection, mais voici ce qui est arrivé :
Lorsqu'en 1790, l'assemblée constituante divisa les provinces du royaume en départements et en districts, M. Briault, ce répertoire vivant du Droit coutumier, ce criminaliste si profond, dont la reconnaissance a gravé les traits que nous sommes heureux de posséder (1), M. Briault demanda que la rivière de l'Autise fut prise pour ligne de démarcation entre les Deux-Sèvres et la Vendée.
Il voulait ainsi rattacher à notre district la paroisse de Benet, dont les relations industrielles et agricoles n'avaient lieu qu'avec Niort.
M. Cochon de l'Apparent, ancien sénéchal de Champdeniers, qui possédait sur la rive droite de l'Autise, à Ardin le domaine dont il tirait son surnom, et qui voulait être des Deux-Sèvres, objecta que, par ce tracé, si nous conservions Benet, Bouille, Lesson et Sainte-Christine, qui étaient de l'élection de Niort, nous perdrions Coulonges, qui était de celle de Fontenay.
D'un autre côté, les constituants de la Saintonge et d'Aunis nous disputaient, les uns Aulnay, les autres Mauzé ; Aulnay, parce qu'ils en voulaient la forêt pour limite ; Mauzé parce qu'il était de la généralité de la Rochelle.
Pour tout concilier, nos mandataires firent le sacrifice de Benet pour Coulonges et ses annexes, et d'Aulnay pour Mauzé.
Par suite des tracés qui furent adoptés, plusieurs des paroisses, qui dépendaient jadis de l'élection de Niort, furent attribuées à nos voisins, savoir :
(i) M. Chrétien, né sans fortune et avec le goût des arts, fut protégé par M. Briault. !) fit son portrait. C'était la dette du cœur.
Nous avons cru-devoir établir, en marge de chacune de ces communes, le nombre de feux dont elles se composaient en 1716 et nous regrettons de n'avoir pas pu recueillir les documents nécessaires pour vérifier si, de 1716 à notre époque, ce nombre de feux avait augmenté ou diminué.
Il résulte de cette division du territoire que, par rapport à l'étendue ou le ressort de l'ancienne élection de Niort, les départements limitrophes ont gagné :
Et toujours en partant de 1716, car, depuis lors, ces diverses communes ont pu prendre de l'accroissement en population, et il y aura fallu nécessairement de nouvelles constructions qui auront formé autant de nouveaux feux.
Des 61 communes qui composaient l'élection de la ville de Saint-Maixent, et dont nos recherches nous ont procuré les noms, 37 ont été attribuées au quatrième arrondissement de ce département, Melle; 21 à celui de Niort et 3 celui de Parthenay : Chantecorps, Saint-Georges-de Noisné et Claré.
Ces 61 communes payaient en 1747, en principal des impositions d'alors, la somme de 166,673 liv., d'après le dépouillement que nous avons fait des rôles de ladite année, échappés aux flammes qui, en 1805, ont dévoré les archives de la préfecture.
L'élection de Châtillon avait une grande extension, car elle embrassait plusieurs paroisses du Bas-Poitou, notamment Challans et Montaigu.
Nous avons fait des recherches pour réunir tous les documents propres à nous fixer sur le nombre et la situation des paroisses qui, en 1789, étaient soumises à cette juridiction, mais le fléau dévastateur de la guerre civile, qui a exercé ses ravages sur cette malheureuse contrée, a tari toutes les sources où nous aurions pu les puiser.
Nous éprouvons pareil regret pour J'élection de Thouars, où la même cause a produit le même effet.
Mémoires de la Société de statistique du département des Deux-Sèvres
Chronologie Historique des Comtes de la MARCHE - Liste des comtes de la Marche<==.... .... ==> 4 août 1789 : abolition des privilèges et droits féodaux
Gabriel Hullin qui a publié en 1616 Traité de la nature et usage des marches séparantes les provinces de Poictou, Bretagne et Anjou, licencié en droit, était par ailleurs procureur de la juridiction seigneuriale de Tiffauges, paroisse située à la frontière de la Bretagne, de l'Anjou et du Poitou, et connaissait ainsi parfaitement la question : son ouvrage fut réédité en 1651, 1666 et 1710.
La difficile question des marches a été ensuite reprise par Pocquet de Livonnière (Traité des marches communes d'Anjou et de Poitou, Paris, 1725), puis par Emile Chénon (les Marches séparantes d'Anjou, Bretagne et Poitou, Paris, 1892), dont l'étude reste fondamentale, et enfin par René Cintré (les Marches de Bretagne au Moyen Age. Economie, guerre et société en pays de frontière, 14e-15e siècles, Pornichet, 1992).