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PHystorique- Les Portes du Temps
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5 juillet 2024

Histoire dramatique des brigands célèbres sur mer et sur terre : Gilles de Rais ou Il était une fois Barbe Bleue

Vers le milieu du XVe siècle, une désolation universelle régnait dans la ville de Nantes et dans un grand nombre de paroisses voisines; à peine se passait-il un mois, une semaine, sans qu’il fût bruit de la disparition subite de quelque jeune garçon ; les plus beaux, les mieux faits étaient enlevés de préférence.

Les uns attribuaient ces méfaits à quelque troupe de Bohémiens cachée dans les environs, laquelle cuydait sans nul doute dresser ces jeunes enfants au fait de mendicité et de volerie ; les autres en accusaient hautement certains juifs, qu’on supposait habiter la ville en secret, et qui, avec la chair et le sang de ces jeunes agneaux sans tache, célébraient leur Pasque impie ou quelque autre mystère de magie et sortilège.

Les mères, comme autrefois Rachel, ne voulaient pas être consolées, parce que leurs fils n’étaient plus.

 

D’autres rumeurs cependant circulaient encore dans la contrée : on se disait tout bas à l’oreille que certains pêcheurs attardés, remontant le soir la rivière de Têtu, avaient maintes fois entendu derrière les épaisses murailles du donjon de Machecoul, des cris plaintifs comme de jeunes enfants qu’on mettrait à la torture, des clameurs lamentables mêlées à des rires infernaux et aux éclats d'une orgie diabolique.

Les vents du midi avaient souvent apporté jusqu’à Nantes des odeurs de chairs grillées, et plus d’une fois on avait vu resplendir dans les cours du sombre manoir les flammes d’immenses bûchers.

 

Mais, encore est-il que cela se répétait tout bas, tout bas, car c’était un puissant et terrible seigneur que le duc de Raiz, sire de Machecoul, la Suze, Chantoré (Chantocé), Thiffanges (Tiffauges) et autres lieux; quoique livré à des pratiques extérieures de dévotion qui, de son temps d’ailleurs, n’excluaient pas les plus coupables excès, le seigneur de Raiz était devenu la terreur de ses vassaux et de ses voisins.

 

Cruel, débauché, ambitieux, il ne reculait devant aucun obstacle quand il s’agissait d’assouvir une passion ou d’augmenter la puissance dont il était altéré; cependant ses folles prodigalités l’avaient réduit à vendre ou à engager la plupart de ses vastes domaines, et à l’âge tant d’hommes de son rang avaient fondé leur renommée et accru leur crédit par de hauts faits d’armes ou par des services rendus à l’état, Gilles de Raiz se trouvait réduit à demander aux mystères diaboliques les moyens de domination que ses débauches allaient chaque jour amoindrissant.

 

Cependant longtemps peut-être encore, ces sourdes rumeurs qui attribuaient au sire de Raiz l’enlèvement de tant de petits enfants, seraient restées sans écho; le moyen, en effet, qu’un misérable vassal osât accuser son seigneur d’un pareil crime! et quand quelqu’un l’eût osé, est-il croyable que les gens de justice de monseigneur le duc de Bretagne eussent prêté l’oreille aux clameurs de quelques manants à l’encontre d’un pareil personnage?

Mais par malheur pour lui, Gilles de Raiz osa bientôt se commettre à plus puissant que lui et braver l’autorité du duc de Bretagne, son suzerain. Dans un moment de détresse, il avait vendu à Geoffroy Féron la place et forteresse de Malemort, moyennant 50,000 écus d’or ; puis, la somme une fois dissipée, il avait été, sans plus de façon, reprendre à main armée cette possession dont il avait touché et dissipé le prix.

Informé de cette entreprise, le duc de Bretagne fit injonction au sire de Raiz de rendre ladite place, sous peine, en cas de désobéissance, de 50,000 écus d’or d'amende.

Gilles n’avait pas obtempéré à cet ordre, et même avait fait battre et désarmer Jean Rousseau, sergent-général du duc, et plusieurs autres sergents.

De pareils excès ne pouvaient être tolérés : des commissaires furent nommés pour faire le procès au sire de Raiz.

Voici comment s’exprime, à cet égard, dans son réquisitoire, le procureur de Nantes, par son lieutenant procédant de son office :

« Et combien que toute puissance vienne de Dieu, et que chacun sujet doive obéissance à son prince, et que celui-ci fût vassal et sujet de notre souverain seigneur, et lui eût fait le serment de fidélité, ainsi que ses autres barons, parquoi, entre autres choses, ne lui fût licite de propre autorité faire entreprise par voie de fait au pays dudit seigneur, sans son congé et licence ; nonobstant ledit sire au desçu et outre la volonté de mondit seigneur, avait fait assembler des gens et pris en mauvaise manière et à port d’armes la place et forteresse de Malemort, à l’encontre de Geoffroy-le-Féron, auquel ledit sire avait auparavant vendu ladite place ; item, qu’il avait fait battre des sergents de Monseigneur à Machecoul, en haine des injonctions qui lui étaient faitcs de la part dudit seigneur, enfreignant ainsi son serment de fidélité, et se montrant rebelle et désobéissant audit seigneur et à sa justice. »

Tant qu’il ne s’était agi que des plaintes de petites gens et des rumeurs du populaire, la justice, en la personne du procureur de Nantes, avait gardé un respectueux silence à l’encontre du sire de Machecoul ; mais quand celui-ci finit par se mesurer contre l’autorité du duc de Bretagne, cette bénigne tolérance cessa d’être de saison, et tous les gens de mondit seigneur le duc crièrent haro sur le vassal félon.

Alors se reproduisirent contre lui les faits particuliers articulés unanimement par plus de quatre-vingts témoins, et dont nous empruntons encore l’analyse au réquisitoire du lieutenant du procureur de Nantes :

« Fut dit et proposé combien que des commandements de Dieu et de la loi il soit défendu de non être homicide de son prochain et semblable, ainçois et commander l’aimer comme soi-même ; ce néanmoins ledit sire avait pris et fait prendre plusieurs petits enfants, non pas seulement ne 10, ne 20, mais 30, 40, 50, 60, 100, 200 et plus, et tant que bonnement on ne pourrait faire certainement la déclaration du nombre, s’était livré à leur endroit à diverses pratiques diaboliques et à tous bons catholiques déplaisantes, et non content de cela, les aurait fait meurtrir, et puis après aurait fait arder leurs corps et réduire en cendres. »

Il fut procédé à une enquête et information devant plusieurs commissaires, et notamment devant Jean de Coucheronde, Jean Couppegorge et Estienne Baluart.

Une foule de témoins furent entendus dans ces enquêtes, et leurs déclarations ayant été concluantes, il fut résolu que le procès serait fait devant Pierre-de-Lhôpital, président de Bretagne, sénéchal de Rennes, et autres commissaires, tant contre Gilles de Raiz, que contre aucuns de ses gens et serviteurs, dénommés en la complainte lamenteuse, présentée par Jean Janet et la femme Marie d’Aigrepied, Jean Clipholon, Rodigo de Guérarde, Jean Janvier et autres.

 Appréhendé au corps et conduit devant les commissaires, Gilles de Raiz reconnut les faits à lui imputés relativement à la prise de la place de Malemort, mais il nia avoir fait ni fait faire aucun mauvais traitement aux gens du duc ; quant aux autres faits, il les nia d’abord, malgré les dépositions accablantes de Henriet et de Ponton, deux de ses domestiques.

Pour obtenir ses aveux sur ce point, la législation du temps ne fournissait pas de moyen plus efficace que la torture, et il fut décidé qu’on y aurait recours.

 Conduit dans la chambre du questionnaire, l’accusé demanda terme « à luy adviser sur les choses qu’il avait déniées », et il lui fut accordé jusqu'au lendemain,

 Le lendemain, Gilles de Raiz est conduit en la haute et grande Chambre de Nantes, les instruments de torture sont là, le tourmenteur-juré, les bras nus jusqu’aux coudes, est prêt à entrer en besogne au premier signal ; il est vrai que le procès- verbal constate que ces horribles préparatifs étaient cachés aux yeux de l’accusé ; « la gehenne était préparée, mais loin en était, sans que ledit sire la pût voir, ni apercevoir ; confessa celui Gilles de Raiz franchement et libéralement les choses ci- après déclarées et qui en suivent. »

Cette confession, qui ne tient pas moins de dix pages d’un manuscrit in-folio, peut se résumer ainsi :

Par suite de sa mauvaise conduite et de ses excès de toute nature, Gilles de Raiz avait vu considérablement décheoir sa puissance et se démembrer sa seigneurie : ce n’était plus ce vaste duché qu’avait possédé son aïeul, le seigneur de la Suze.

La place de Malemort et ses dépendances, le plus beau fleuron de sa couronne ducale, comme on sait, avait été vendue à deniers comptants à Geoffroy Fréron; le château de Chantorô, la terre de Thiffanges étaient grevées de charges de toute nature, et, de toutes ses possessions, il ne lui restait bientôt plus que le donjon de Machecoul, le tenaient souvent en quelque sorte prisonnier les poursuites exercées contre lui au nom du duc de Bretagne.

Ses compagnons de débauche, Gilles de Sille et Roger de Briqueville, le voyant déchu de son ancienne splendeur, s’étaient éloignés de lui ; il se voyait seul au monde, ruiné, méprisé, et poursuivi par le souvenir de ses méfaits; la terre ne pouvait plus rien pour lui ; obéissant aux grossières croyances de son époque, il résolut de recourir à l’enfer; son idée fixe, comme il le dit, était d’obtenir des intelligences infernales, science, richesse, puissance, et de retourner au premier état de sa seigneurie.

Voici, d’après ses déclarations même, le résumé de ses tentatives dans cette voie criminelle; on ne sait, en vérité, ce qui doit le plus étonner, dans cette série de forfaits, de la naïve crédulité ou de la froide cruauté de cet imbécile ambitieux et blasé.

 « L’année que mon aïeul le sire de la Suze alla de vie à tres- passement, dit-il, je fis venir des parties de Florence maître François Prélat, pour me faire des invocations au diable, lequel me dit qu’il avait commerce avec un diable nommé Rarion, lequel il me ferait apparaître, sur quoi il fit diverses conjurations, èsquelles je ne vis ni aperçus le diable, de quoi je fus moult courroucé. «

Lors me dit le nommé François que le diable ne viendrait pas parce que j'avais failli à diverses promesses que je lui avais faistes, alors je lui demandai ce que le diable voulait avoir de moi, que je le lui donnerais, sauf ma vie et mon âme, pourvu qu’il me donnât science 1 , richesse et puissance ; et depuis ledit François me dit avoir parlé au diable qui, entre autres choses, demandait avoir par donation la vie d’un grand nombre d’enfants. »

Ici commence le 'récit d’une série d’horreurs exécutées de sang-froid par l’accusé et par ses serviteurs pour accomplir la promesse faite au diable.

 « En suite de quoi, continue le sire de Raiz, il me fut à plusieurs fois amené par Henriet et Ponton un grand nombre de jeunes fils mâles et des plus beaux de corps, comme plus agréables à Satan, lesquels furent occis en diverses manières, aucunes fois par leur couper la gorge à dagues et à couteaux et séparer la tête du corps, ou bien on leur rompait la tête à coups de bâton, aucunes fois on leur enlevait les membres, on les fendait pour en voir les entrailles, aucunes fois on les attachait par une corde à une perche ou à un croc de fer pour les étrangler et faire languir.

« Ces enfants, par après, étaient ars, tellement qu’ils revenaient en poudre; à Chantoré, un grand nombre de petits enfants furent jetés au bas d’une tour, ils furent bien longuement, et depuis, les en fit tirer et porter en coffre, par eau, audit lieu de Machecoul. »

L’accusé, continuant, raconte diverses scènes dans lesquelles sa crédulité avait été exploitée par François, Henriet et Ponton.

Tantôt le diable lui fait demander par l’invocateur François la main, le cœur, le foie ou les yeux d’un petit enfant; tantôt Barion veut une cédule signée avec le sang du petit doigt de sa main gauche; le sire de Raiz muni de ces horribles offrandes, se tient dans un cercle magique que François a tracé autour d’eux, il appelle le diable de toutes ses forces; mais, dit- il, « rien de tout cela ne fut baillé au diable, car je ne vis point icelui. »

En revanche, quand Gilles de Raiz n’est pas présent, l’invocateur François fait merveilles; Barion lui apparaît tantôt en serpent, tantôt en léopard, « de quoi le sire de Raiz se veut aller assurer, portant avec lui un morceau de la vraie croix, de peur de maléfice, ce dont on parvient à le détourner. »

Une autre fois, Gilles de Raiz, placé dans le cercle magique, et se trouvant pris de peur, commença à réciter une oraison de Notre-Dame commençant par aima, et sortit du cercle et de la chambre en faisant le signe de croix ; quelques instants après, Henriet lui dit qu’à travers la porte, il avait entendu frapper sur François, « comme qui ferist sur une couette (un  oreiller) ; incontinent, dit-il, j’ouvris ladite chambre, à rentrée de laquelle je vis ledit invocateur moult blessé au visage et ailleurs, ayant au front une grande bosse : de crainte qu'il n’en mourût, je le fis confesser, et ne mourut. »

Renvoyé d’abord devant l’official de Nantes, pour être procédé contre lui par le fait de sorcellerie, Gilles de Raiz fut définitivement ramené devant la Cour séculière, où, le 25 octobre 1440, il fut condamné, ainsi que Henriet et Ponton, à être pendu et ars.

Le lendemain, vers dix heures du matin, les condamnés furent conduits pour être exécutés dans un pré situé au-dessus des ponts de Nantes.

A peu de distance desdits ponts « lesqueux, dit le procès-verbal, étant audit lieu, ledit Gilles de Raiz confortait et exhortait lesdits serviteurs du salut de leurs âmes, leur disant de ne pas se méfier de la miséricorde de Dieu; qu’ils remerciassent Dieu de leur avoir montré tel signe d’amour, qu'il avait voulu qu'ils mourussent en leurs forces et bonnes mémoires, sans avoir souffert que soudainement ils fussent pris de leurs maléfices ; qu'ils ne craignissent rien la mort de ce monde n’était que petit trépas, sans lequel on ne pouvait voir Dieu et sa gloire, et qu’ils doivent bien désirer être hors ce monde n’y avait que misère, qu'incontinent que leurs âmes seraient séparées de leurs corps, ils s’entreverraient en la gloire avec Dieu en paradis.

Se recommandant à monseigneur saint Jacques, où toujours il avait eu sa singulière affection, et aussi à monseigneur saint Michel, lequel il priait, quand son âme partirait du corps, qu’il lui plût la recevoir et la présenter devant Dieu. « A leur tour, ses serviteurs disaient et priaient qu’à cette heure il fût un vaillant chevalier en l'amour de Dieu, et qu’il lui souvînt de sa Passion qui avait été pour notre rédemption.

« Lequel Gilles mourut en cette repentance, et paravant, que le feu eût fait ouverture de son corps et de ses entrailles, fut tiré du feu et mis le corps en une châsse, et porté en sépulture en l’église des Carmes, de Nantes, et incontinent furent lesdits Henriet et Ponton pendus et ars, tellement qu’ils devinrent poudre, et curent grande contrition de leurs méfaits et y persévérèrent jusqu’à la fin. »

 

I𝐋 𝐄𝐓𝐀𝐈𝐓 𝐔𝐍𝐄 𝐅𝐎𝐈𝐒, 𝐁𝐀𝐑𝐁𝐄 𝐁𝐋𝐄𝐔𝐄.
Promenades contées nocturnes

Le Département de la Vendée vous invite à une promenade nocturne inédite sur les terres de Barbe-Bleue et de son épouse, pour une immersion au cœur de ce célèbre conte de Charles Perrault. Guidée par la lueur des lanternes - et votre curiosité …? -, cette promenade surprenante vous conduira à l’extérieur et à l’intérieur du château de Tiffauges, exceptionnellement mise en lumière.

 

Les mercredis, du 24 juillet au 21 août 2024

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Généalogie: Gilles de Rais seigneur de Champtocé, Machecoul, du château de Tiffauges, Pouzauges<==

Le souvenir de Gilles de Rais à Orléans (Compagnon d'armes de Jeanne d'Arc)<==

Procession du Cortège du Roy, 1429, Sacre de Charles VII (Gilles de Laval - Les Otages de la Sainte Ampoule)<==

Le mystère du siège d'Orléans - Jeanne d'Arc, Gilles de Rais - Château de Tiffauges<==

Le procès de Gilles de Rais et Francesco Prelati.<==

 

 

 

 

« Jean V, duc de Bretagne , avait donné ou vendu à un de ses favoris, le sire Geoffroy Le- feron, la place et la forteresse de Malemort, que lui avait cédées le maréchal de Retz : celui-ci s’opposa à cette cession connue ne rentrant pas dans les conventions de son traité avec le duc; il fit donc saisir par ses gens Geoffroy Leferon, qu’il conduisit sous les murs de Saint-Etienne-de-Malemort; et il s’apprêtait à lui faire trancher la tête lorsque Jean Leferon, qui commandait dans la place au nom de son frère, s’empressa de rendre les clefs de la forteresse au maréchal.

Ce dernier laissa la vie sauve aux deux frères, mais il les envoya prisonniers a son château de Tiffauges ; le duc de Bretagne n’obtint la délivrance de Geoffroy et de Jean Leferon, qu’en menaçant de toute sa colère et d’une amende de cinquante mille écus d’or le maréchal, qui il voulut pas néanmoins se dessaisir du château de Saint-Etienne-de-Malemort.

Les frères Leferon, retournés à Nantes, firent tous leurs efforts pour obtenir du duc la punition officielle d’un tel crime de félonie, et pour augmenter le courroux de Jean V, se firent l’écho des bruits qui circulaient et que le duc n’entendait pas pour la première fois.

Avant de donner l’autorisation de poursuivre un seigneur aussi noble et aussi puissant, Jean demanda à réfléchir, disant qu’il ne voulait que la justice, mais que des bruits n’étaient pas des preuves.

Gilles connaissait ces dispositions lorsque commence cette histoire. Après s’être bien creusé la tête pour savoir ce que pouvaient être devenus la sorcière et le page, Gilles fit venir Prelati, et l’engagea à interroger l’avenir.

Mémoires de Barbe-Bleue  par Mlle Émilie Carpentier

 

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