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PHystorique- Les Portes du Temps
29 décembre 2020

La Vendée de Jean Yole

La Vendée de Jean Yole

(Yole et Bourrine du Marais)

Morceau du Poitou, coupé n'importe comment ou à peu près, à la mesure d'un département, la Vendée est un assemblage de petits pays de structure et de pittoresque les plus divers : marais, plaine, bocage « C'est par son histoire seule que la Vendée forme un bloc, comme c'est, d'ailleurs, un seul moment, un moment héroïque de son histoire qui a donné à ce nom, pris à une petite rivière inconnue, une signification, une gloire, une vie.

De ce pays avant tout secret, habité par des âmes secrètes, qui pouvait mieux parler qu’un Vendéen vivant dans sa Vendée, que l’observateur et le penseur du « malaise paysan », M. Jean Yole ?

Point de frontières bien nettes pour séparer cette terre de ses voisines, et qu’est-ce qui peut bien en faire un tout ?  M. jean yole le cherche. Le dessin de l’ensemble est-il donné par la lumière ? Par « ce gris hollandais, ce gris si lumineux des ciels aux abords de la mer, quand s’y ajoutent comme ici les reflets et les fines vapeurs qui montent des eaux tranquilles de nos marais et de nos cent étangs bocagers ? Beau miroir, légèrement embué, ou les images de chaque lieu se rejoignent dans la même tonalité sobre, riche de nuances, fine trame tamisant le soleil comme ces voiles légers autour de la lampe qui donne à tout la chambre la même couleur ».

Non, pourtant : la lumière ne suffit pas à caractériser la Vendée ; pas plus que n’y suffisent le commandement de la mer et l’action de l’eau.

Non, le secret de la Vendée n’est pas là ; il n’est que dans son histoire, et M. Jean Yole en feuillette les pages : « bataille du Nord et du Midi » que fut le Poitou ; guerres de religion qui ont laissé leur empreinte en certains coins de la Plaine et du Marais du Sud ; apostolat du P. de Montfort ; vie rurale et chrétienne, avec les conseils du prêtre et dans l’accord des métayers et des châtelains ; et, à la révolution, ces cloches de 600 paroisses qui sonnent comme pour un glas : « la grande guerre ».

Les Vendéens du Sud n’y furent pas du même côté que les autres. M. Jean Yole les trouve exprimés en Georges Clémenceau, un homme « de la lignée des chefs vendéens » qu’en 1918 « toutes la Vendée, sans distinction de partis, a reconnu comme des siens ».

Et voilà qu’il tient son unité.

« La Vendée, dit-il, c’est une foi, une énergie fière, une ténacité farouche sous le couvert de la plus fine sensibilité.

La Vendée, c’est à la fois Charette et Clemenceau. »

Le tour du domaine commence.

L’âme vendéenne est partout la même, mais les visages des pays changent. Le premier que nous rencontrons, c’est le Bocage, qui commande militairement La Roche sur Yon et qui s’étend sur les deux tiers du département.

 Nous en avons le panorama du haut du Mont des Alouettes ; les arbres qui bordent les chemins et encadrent les champs dont ils renforcent les haies donnent l’illusion d’une immense forêt.

A la belle saison, tout disparait dans la verdure. Mais les yeux du Vendéen qu’est M. Jean Yole y aperçoivent les villes et les bourgs, les églises, comme celle des Herbiers, le cloitre de la Grainetière, etc. C’est le Bas-Bocage.

Le Haut-Bocage, au Nord-Est, est une bande de terre granitique ou les arbres rare et maigre, ou l’humus n’est qu’une couche mince, ou les  champs s’entourent de pierres sèches et les buissons s’étoffent d’ajoncs et de genêts.

Nous voici maintenant dans le chemin creux du Bas-Bocage. A côté passe le chemin des piétons, dans la saison d’hiver, le chemin de messe, qui va d’échalier en échalier. Un paysage d’une unité cellulaire, ou la vue est limitée à la longueur du sillon, où l’on ne sait rien de ce qui se passe au-delà, mais où l’on entend et où les gens sont dressés à l’écoute. La terre va du mortier au bloc durci comme de la brique et dont seuls les bœufs peuvent avoir raison. «  La lenteur des attelages, cette lenteur qui remonte du grain même de la terre, règle le rythme de cette vie rurale et s’impose à tout le reste, jusqu’aux joies…. »

 

Pays de recueillement, de prière aussi, pays des croix, peintes sur les portes ou dressées aux carrefours, « ce Bocage mystérieux, c’est la Vendée aux lèvres closes, scellées sur un signe de croix ».

La Plaine a un visage tout différent : « Une terre riche, plate, à peine ridée, un immense tapis qui serait mal tiré aux quatre coins. De-ci, de-là, une ferme flanquée de quelques arbres : un logis, une gentilhommière marquée d’un bouquet de plus dense frondaison, de murailles plus hautes, rares ilots dans la mer calme. L’uniformité dans l’étendue, mais qui, au moment de la moisson, se change en une féerie agricole. »

Le bourg plainaud ne craint pas la grande route. Il ne se cache pas. Là ne se voit pas le granit du Bocage, mais la pierre blanche qui se platine vite : des maisons hautes avec des portes bourgeoises et des salles pavées de carreaux à fleurs. L’homme de la Plaine va aux champs le fouet à l’épaule, allongeant le pas près de son cheval. Contrairement au Bocain, il néglige les disciplines religieuses. «  Le port d’attache de ses affinité spirituelles semble être demeuré La Rochelle. » il est féru de progrès. Dans la plaine, la commune compte plus que la paroisse.

 C’est Fontenay le Comte, la capital du Bas Poitou, qu’est le lien rattachant la Vendée à la grande histoire. M. Jean Yole décrit avec amour mérité le charme de cette ville «  qui a des lettres, mais n’en fait pas étalage, et dont la distinction racée est discrète ». Il va chercher au fond des cours dans des rues étroites, un balcon de ferronnerie, une fenêtre à meneaux, la fontaine des Quatre-Tias, etc. ; il glorifie l’église Notre Dame, « la belle à deux lieues, la belle à deux pas », la maison de Rapin, Terre-Neuve, et, non loin, la forêt de Mervent, « druidique, féodale et familière ».

 

  La Plaine conduit au Marais du Sud. La capitale de ce Marais est Luçon. Est-ce le silence des rues durant la semaine, le canal avec ses eaux mortes, le port ou les bateaux se font de plus en plus rares, les allées et venues des chanoines se rendant aux offices ou en revenant les hautes murailles, aux sévérités de clôtures, des quartiers tranquilles, le souvenir de l’aménagement par les moines de ce Marais auquel Luçon commande et qui est « un bien saintement construit » ?

M. Jean Yole a le sentiment d’être là dans une cité à béguinages.

Il décrit le long et patient travail

-          Un travail des moines et des paroisses – d’où est sorti «  ce Marais fécond qui n’a pas reçu de fumures depuis de siècles et qu’engraissent annuellement les inondations saisonnières, et il en dépeint les aspects divers- Marais desséché de Luçon, Marais boisé, Marais mouillé, - la vie, les ensemencements, l’envoi des troupeaux aux pâturages et leur retour, les héritages limités par des fossés que le Maraichin traverse à l’aide du « bâton sautou ». il dit la splendeur de la fenaison, les meules blondes qui cheminent lentement les unes en barques, les autres en charrettes, et l’édification de la « barge » pareille à la carène ventrue d’un navire échoué.

 Il regarde tout à tour les « cabaniers », maitres de ce royaume paisible de l’herbe, et les « huttiers », maitres du royaume mystérieux de l’eau, pêcheurs et chasseurs à la sauvagine.

De ce Marais du Nord, le Marais de Challans, le Marais habité, le Marais enchanté. A perte de vue dans la plaine, des maisons innombrables assiégées tantôt par l’eau, tantôt par l’herbe des prairies, suivant la saison : les « bourrines ». « On se croirait devant un mouillage dans une mer tranquille. »

 L’automne fini, les chemins de terre disparaissent. On renfloue les yoles. «  La yole qui sert le plus souvent et qui s’appelle encore pour les vieux « la yole de messe », contient toute la famille sagement accroupie. C’est elle qui, par vents et marées, mène les nouveau-nés au baptême, les enfants à l’école, les morts aux cimetières, conduit la mariée qui ne s’habillera qu’au bourg, et va chercher aux rives le prêtre, le médecin, la sage-femme, le facteur. »

 La malice du vent s’ajoutant à la malice de l’eau ; la vie prodigieuse des prés, l’été ; les chemins de planches et le saut à la « ningle », la perche de châtaignier.

M. Jean Yole connait tout et dit tout, et d’abord, bien entendu, le grand métier du Marais du Nord, l’élevage des canards, et d’autres métiers, comme le charpentier de yoles, et même le pêcheur de grenouilles.

Les  Maraîchins du Nord sont tous naturellement pêcheurs et chasseurs ; ils sont bons paroissiens et ils aiment leur ville, Challans.

 Avec le Bocage, la Plaine et les deux Marais, la Vendée a encore son rivage, ses iles, l’ile de Noirmoutier et l’ile d’Yeu, les Sables d’Olonne et ses « paysans de la mer ». M. Jean Yole ne les oublie point. Il les raconte et il les peint. Il montre partout, sur ces côtes, la familiarité où voisinent l’élément marin et l’élément paysan, par exemple chez les pêcheurs de homards ou de palourdes, chez ces « bouchotteurs » qui ne restent pas enfermés dans les pieux noirs de leurs moules, ou chez ces sauniers qui, le même jour, courent de leur sel à leurs foins.

Est-il quelque coin de son pays de Vendée dont il n’ait dit un mot, donné une image vivante, pareille aux vivantes illustrations de son livre ? Je ne le pense pas.

Ce qu’il cherche surtout et ce qu’il fait admirablement voir sous tous ces croquis, toutes ces aquarelles, c’est l’âme vendéenne ; il la saisit dans la vie, dans le cadre précis d’un bourg et le déroulement des heures d’une journée, comme dans les coutumes du mariage et le repas des noces.

Il trouve en Vendée une âme secrète, une âme paysanne, disciplinée, polie envers la vie, prudente aussi et réfractaire, comme ce paysans qui, devant un tracteur, à la foire de la Roche sur Yon, disait : «  Encore une insulte aux bœufs : » Un âme ou domine le fonds religieux, ainsi que le prouvent les manifestations collectives de la foi, les pèlerinages, les missions, les voyages aux villes saintes : Saint-Laurent sur Sèvres, Chavagnes en Paillers et Mormaison.

L’âme de la Vendée se garde jalousement dans les logis vendéens, disséminés, cachés presque, au creux des campagnes. Là, « le lieu a commandé. La maison fait corps avec les champs ». Qu’il aille sur son domaine à pied, en sabots ou en botes de chasse, le fusil à la main, ou à cheval, le maitre de cette maison s’est pour toujours attaché à cette terre laborieuse, héroïque, croyante, et s’y est instruit.

C’est dans un de ces logis, un de ces asiles de la tradition, que M. Jean Yole voit rentrer des champs, l’air rêveur, un chapelet entre les doigts, le maitre du lieu. « Pour qui prie-t-il ? Quelques anniversaires en ce jour du 24 aout ?.... Cherchons une date.. 24 aout 1883… Frohsdorf… Mort du roi…. »

Tout au long de ces pages, M. Jean Yole ne se contente pas de peindre avec art des paysages ni même des figures ; il va et nous conduit dans les champs, dans les maisons ; il nous fait entrer dans la métairie d’un Bocain, dont le chien aboie, mais dont la femme, dès notre arrivée, prend dans le buffet des verres et les essuie ; il monte avec nous dans l’une de ces barque dans laquelle le prêtre porte le Viatique à la femme qui mourir, la Devinette.

Avec tous ses dons d’observation, il fait partout son miel de toutes ces fleurs de vérité qui sont aussi, très souvent, des fleurs de poésie ; il s’éclaire et il nous éclaire à la lumière de centaines de petits faits concrets, quotidiens et parlants, que seul peut connaitre celui qui vit là, celui qui sait voir et celui qui aime ces gens et ces choses de chez lui, de chez nous. Elle est toute dans ce livre, la Vendée.

Charles Baussan

 

 

 

 

Jean Yole, l'un des maîtres de la pensée vendéenne et chantre de notre terroir paysan.

Fils d'un maître charpentier, Léopold ROBERT, plus connu sous le nom de Jean YOLE, est né à Soullans le 7 septembre 1878, troisième d'une fratrie de huit enfants. Il commença ses études au Petit Séminaire des Sables d'Olonne, puis à l'Institution Richelieu de Luçon.

 

Hutte - Bourrine, la Maison du MARAIS Poitevin Vendéen

Comme dans le Marais Poitevin, les habitants du Marais nord Vendéen sont appelés " Maraichins ". Ils demeurent dans des maisons basses, couvertes en tuiles creuses (tiges de bottes) jointes à la chaux. Mais l'habitat caractéristique du marais, la maison maraichine la plus ancienne, c'est " la Bourrine ".

 

Marais Poitevin - Breton, la N'Yole dés - barques -

Les " N'yoleurs " Le mot maraîchin " N'yoleur " indique les personnes qui savent utiliser les yoles dans les marais breton vendéen.




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