Les opérations de la colonne des généraux Ferrand et Huché (Guerre de Vendée 1794)
On a beaucoup écrit sur les méfaits, "présumés" selon certains, des troupes républicaines en Vendée durant la Révolution et en 1994, un désormais vieux professeur d’histoire parisien, M. Jean-Clément Martin, rappelait que les éventuels massacres y ayant été perpétrés "ne furent tenus - faut-il le rappeler - que par des terroristes urbains dans l’hiver 1793-1794 et par des colonnes infernales dans le printemps 1794 .
Il ajoutait que les comportements que ces troupes ont pu avoir, avant ou après cette période, ne sont à considérer que comme faisant partie de l’ordre normal des choses.
Les sources de première main sur les actions de ces troupes sont rares, et celles de seconde main (ou plus) provenant des vainqueurs révolutionnaires soulignent les difficultés qu’elles rencontraient pour exécuter les ordres d’extermination donnés par le gouvernement.
Une de ces troupes venue "pacifier le pays", et commandée par les généraux Ferrand et Huché, a laissé quelques informations sur certaines des actions qu’elle pratiquait alors, ainsi lors de sa "marche" qui la conduisit de Chantonnay, le 10 juillet 1794, à Palluau le 20 juillet, puis jusqu’à Challans.
18 juin 1794.
LIBERTÉ ÉGALITÉ
ARMÉ E DE L'OUEST
Au quartier général de La Roullière, le 30 prairial (18 Juin), l'an 2 de la République française une et indivisible
L'adjudant général Levasseur partira avec sa troupe, qui a ordre de sortir du camp à minuit. Arrivée aux landes de Vire, elle se formera sur deux colonnes : la première, aux ordres du général Crouzat, ira passer le Maine à Chasseloirer se portera sur Maisdon et de là s'abattra sur Monière ; la deuxième, aux ordres de l'adjudant général Levasseur, passera le Maine à Bélabar, fouillera Saint-Fiacre et gagnera Monière, où elle se joindra à la première colonne.
Levasseur passera la Sèvre avec sa troupe, qui sera composée de 1.070 hommes
Sa mission sera de balayer tous les brigands qui infestent la rive droite de la Sèvre jusqu'à Nantes. Il donnera tous ses soins pour incendier les moulins à vent et à eau, démolir les fours et déchirer les bateaux ; il fera ramasser les vieillards, femmes et enfants brigands, et les fera conduire à Nantes. Les grains et les bestiaux qu'il pourra rassembler seront, de même, conduits sous bonne escorte à Nantes.
Si, dans sa marche, l'adjudant général Levasseur se trouvait attaqué par des forces supérieures, il fera sa retraite sur Nantes, dans le cas où il serait forcer de l'effectuer.
Il est prévenu que j'enverrai un fort détachement aux moulins des côteaux et un autre devant Vertou 1.
Le général de brigade, Signé : CROUZAT.
Le 20, le général retraçait dans son rapport les phases de cette expédition :
Hier, 2 colonnes de 600 hommes chacune se sont portées sur le bourg de Monière. Une trentaine de brigands des deux sexes ont été pris et conduits à Nantes. Tous les fours ont été détruits ainsi que trois moulins à eau. Les deux moulins à vent de La Haye ont été brûlés. Les petits rassemblements de brigands ont pris la fuite vers la Loire. La marche Ides colonnes a été souvent retardée par des abattis d'arbres sur les routes.
La guérison de Levasseur n'était point parfaite, mais bien que la fièvre continuât à le miner, il refusa de se dérober à un service qui était devenu très pénible au camp de La Roullière.
Le système des camps retranchés, inauguré par le général Vimeux, n'était en réalité que l'exécution d'une idée du général Turreau, qui voulait enfermer les Vendéens dans une enceinte de forts pour les empêcher de s'approvisionner de subsistances.
Turreau prétendait aussi que les forces vendéennes viendraient se briser contre ces camps, les soldats de Charette et de Stofflet ayant l'habitude de se retirer après avoir déchargé cinq ou six coups de fusils.
Neuf camps furent ainsi formés ; le général Crouzat avait été désigné pour commander le camp de La Roullière.
Les idées d'apaisement qui avaient déterminé la destitution des généraux Turreau, Cordellier et autres, le rappel de Carrier, s'étaient encore accentuées à la fin de juin 1794 ; d'autre part les Vendéens étaient bien fatigués de cette terrible guerre, qui semblait s'éterniser.
C'est ce qui explique cette lettre du général Crouzat au général en chef, du 23 juin, datée de La Roullière :
Je m'empresse de te rendre compte d'un entretien qui a eu lieu hier avec les brigands et dont le représentant du peuple Bo a été instruit : à 4 heures de l'après-midi, étant en ronde et arrivé sur la Bute-du-Chêne vis-à-vis de Vertou, une douzaine de brigands se sont présentés sans armes de l'autre côté de la rivière criant qu'ils voulaient se rendre et demandant qu'un républicain s'avançât pour entendre leur proposition.
Un officier républicain s'approche, et les Vendéens déclarent qu'ils sont prêts à se rendre ; ils demandent à n'être pas faits prisonniers, mais à être répartis dans les différents corps des armées républicaines ; ils ajoutent qu'ils seront suivis par un millier de leurs camarades.
Le même jour ils se présentent au pont de Vertou et attendent la réponse aux propositions qu'ils ont faites.
Crouzat leur répond :
Les rebelles seront reçus à se rendre ; ils auront la vie sauve ; la Convention nationale décidera de leur sort.
Le 24, deux cents d'entre eux reviennent sans armes toujours au pont de Vertou : deux officiers républicains parlementent avec eux ; les Vendéens paraissent disposés à passer la rivière, mais quelques instants après ils annoncent qu'ils se défient de la manière dont on les traiterait ; les officiers estiment qu'ils se rendraient s'ils n'étaient pas retenus par d'autres.
Au moment où le général Crouzat quitte la Butte du- Chêne, le 24, il entend les Vendéens pousser des cris mêlés de vive la République et de vive le roi.
De nouveaux pourparlers ont lieu entre les Vendéens et un officier de l'état-major républicain ; ils proposent à ce dernier un rendez-vous dans lequel ils lui remettront une pétition signée par tous ceux qui sont prêts à se rendre.
Les idées d'apaisement paraissant faire des progrès chez les Vendéens, le général Crouzat leur envoie, à un endroit convenu un officier d'état-major, mais l'officier ne trouve personne au rendez-vous ; il est porteur d'une proclamation du général Crouzat aux rebelles de Vertou, ainsi conçue :
La République ou la mort.
…… Ouvrez les yeux, voyez tout le peuple français (excepté vous, misérables restes des habitants de la Vendée) combattant pour la liberté et l'égalité... Venez vous joindre à nous et goûter les douceurs de notre Gouvernement que vous méconnaissez. Vous aurez la vie sauve, vous, vos femmes et vos enfants (2).
Mettez bas les armes ; qu'un petit nombre d'entre vous les apporte et les dépose au bord de l'eau
Le 2 juillet, le commandant du camp de La Roullière écrit à Vimeux :
Je crois qu'il serait utile de rapprocher le camp de Nantes et de le porter à la lande Ragon ou aux Sorinières ; je pense aussi qu'il serait à propos d'établir un camp de douze à quinze cents hommes à La Plée et de jeter un pont devant Vertou pour la communication entre les deux camps.
Un brigand vient de se rendre avec son fusil et cinq cartouches.
Mais ni la proclamation du général Crouzat, ni son affichage, ni les tendances pacifiques du Gouvernement républicain ne produisent l'effet attendu.
Le 1er juillet, cinq chefs Vendéens répondent par une proclamation dans laquelle on lit :
Républicains ! de bonne foi avez-vous cru nous séduire par la proclamation dont vous nous avez laissé copie le 29 juin Dernier ? Avez-vous cru que nous n'apercevrions pas le piège que vous nous tendez ?... Vous nous engagez à rentrer dans nos foyers... où les prendrions-nous?
Hommes égarés ! revenez plutôt de votre erreur... nous sommes Français royalistes, et nous le serons toujours.
Cette proclamation était suivie de deux autres que signaient Charette et Stofflet.
Dans ces conditions les hostilités recommencèrent.
Le 2 juillet, l'adjudant général Levasseur reçoit pour le lendemain, à une heure du matin, l'ordre de faire une opération commune avec son général :
LIBERTÉ FRATERNITÉ — ÉGALITÉ
Il est ordonné au citoyen Levasseur, adjudant général, de partir demain, à une heure précise du matin, avec le détachement des chasseurs des Ardennes, le 25e bataillon de la réserve et quinze hommes à cheval; il se portera sur la Chevrotière en partant par le pont Saint-Martin, il fouillera tout ce qu'il trouvera sur sa droite avant d'arriver à sa destination.
Il est prévenu que le général Crouzat se dirigea en même temps sur la gauche de la forêt de La Freudière, qu'il tournera en prenant une position sur la droite de cette même forêt qu'il fera fouiller, après quoi il se portera sur La Chevrotière, où il arrivera par la route de Saint-Philibert pour se réunir dans ledit lieu à la colonne de Levasseur, qui y prendra poste jusqu'à cette réunion et, dans le cas d'une résistance majeure, Levasseur se repliera sur la colonne de Crouzat aux points qui lui sont indiqués.
Au quartier général du camp de La Roulière, le 14 messidor, l'an 2° de la République française une et indivisible (2 juillet 1794).
Le général de brigade, Signé : CROUZAT.
La colonne du général étant obligée de rester longtemps en station dans les landes de Panveau pour fouiller toute la partie de sa gauche jusqu'à Saint-Philbert, l'adjudant général Levasseur, après avoir fouillé entièrement le village de la Chevrotière, pourra s'avancer au-devant de ladite colonne jusqu'aux landes susnommées.
Le 3, le général Crouzat rend compte de cette expédition nocturne et joint à son compte rendu ses réflexions :
Les brigands de Vertou, excités par quelques prêtres et quelques nobles qui leur restent, sont devenus plus insolents.
Deux colonnes de trois cents hommes chacune sont sorties du camp pour aller fouiller la forêt de La Freudière. Six ou huit brigands ont été tués en se défendant ; trente-huit individus, hommes, femmes et enfants ont été conduits à Nantes. Un vieillard prisonnier a été relâché et renvoyé dans ses foyers. La proclamation a été affichée sur le passage des colonnes. J'ai recommandé les plus grands ménagements pour les prisonniers.
Le 14 juillet 1794, à Nantes, le représentant du peuple Bo réunit le général Huché, qui est revenu à l'armée de l'Ouest après son arrestation, l'adjudant général Aubertin, le général Boussard, et on arrête un plan qui a pour but de rendre la Loire navigable.
La colonne de Boussard est à Challans, celle d'Aubertin à Machecoul, le général Ferrand se trouve à Montaigu ; ils prendront tous part à cette action commune (3) :
D'après l'ordre qui nous a été donné par le général divisionnaire Huché, les généraux de brigade et adjudants généraux soussignés sommes convenus de ce qui suit (4) :
La colonne aux ordres du général Ferrand actuellement à Montaigu en partira le 29 (17 juillet) pour se rendre ledit jour à La Roche-Servière et arriver le lendemain matin à la pointe du jour sur La Bésillière pour en faire l'attaque à 5 heures.
La colonne de Chalans, aux ordres du général Boussard, partira le 28 (16 juillet) pour se rendre au camp de Fréligné.
Le même jour celle de Machecoul, aux ordres du général Aubertin, se rendra au même lieu.
Le lendemain ces deux colonnes se porteront brusquement à la petite pointe du jour sous la forêt de Touvois, celle du général Boussard fouillera la partie droite et celle de l'adjudant général Aubertin la partie gauche.
Après cette opération, qui aura lieu ledit jour, les deux colonnes se porteront entre les forêts des Grandes-Landes et de Touvois faisant face à Légé.
Le lendemain 30 (18 juillet), les colonnes de concert se porteront sur le village de La Bésillière, où elles seront rendues exactement à 5 heures du matin.
Le 28 (16 juillet), la petite colonne du camp de La Rouillère ira prendre poste à Saint-Colombin ou Pont-James.
Le 29 (17), cette colonne marchera sur la grande route de Légé et s'arrêtera à une demi-lieue du bourg de Légé.
Le 30, elle se réunira dans le lieu de Légé même, à trois- heures du matin, à la colonne de l'adjudant général Aubertin.
Chaque colonne sera pourvue pour quatre jours de pain à compter de celui de son départ particulier, de sorte que le pain sera dû aux colonnes Boussard, Aubertin et du camp de La Roullière le deux, et à celle du général Ferrand le trois.
Toutes ces colonnes se correspondront et se concerteront pour les opérations ultérieures ; et pendant tout, le temps qu'elles seront réunies, le commandement sera dévolu au plus ancien de service dans le grade le plus élevé ou de service en cas d'égalité de grade : en conséquence, il appartient au général Boussard qui sera chargé de tous les rapports et de l'exécution des marches sous les ordres du général divisionnaire.
Bien entendu que le 29 (17) le général Dutruy fera sortir des Sables une colonne de huit cents hommes pour aller prendre poste à La Roche-sur-Yon, où elle restera jusqu'à nouvel ordre.
Après cette expédition, le général Huché donnera les ordres au général Ferrand de se porter sur la rive gauche de la Loire qu'il purgera des brigands qui l'infestent en attendant les ordres ultérieurs sur l'occupation des postes, soit de Montgloire ou tout autre qui seraient reconnus nécessaires pour la sûreté de la navigation de cette rivière.
Fait et arrêté à Nantes, le 26 messidor, 2e année républicaine (14 juillet).
Signé : Aubertin, adjudant général; Lantal, Ferrand, Boussard, Blaumont, Huché et Huché, capitaine adjudant aux adjudants généraux faisant fonction de secrétaire.
Pour copie conforme :
Signé : HUCHÉ.
La colonne fournie par le camp de La Roullière sera composée de 400 hommes d'infanterie et de 10 hommes de cavalerie.
Le général divisionnaire,
HUCHÉ.
Henry Levasseur, maire et sous-préfet de Rambouillet ; Napoléon Ier à Rambouillet, l'invasion / par M. Lorin
montaiguvendée.fr
Histoire Le site du Petit luc - Chapelle du Petit-Luc - Les Lucs-sur-Boulogne<==.... ....==>Chroniques Fontenaisiennes 1794
Guerre de Vendée : guide des sources numérisées
Depuis plus de 15 ans, les Archives de la Vendée ont entrepris la numérisation de sources relatives à la guerre de Vendée quel que soit leur lieu de
conservation. La mise en ligne des archives conservées au Service historique de la Défense (http://recherche-
archives.vendee.fr/archives/fonds/FRAD085_SHD_B) et aux Archives nationales (http://recherche-archives.vendee.fr/archive/fonds/FRAD085_1Num80) a
constitué, à cet égard, deux épisodes majeurs de cette entreprise. En parallèle, des sources conservées ou prêtées aux Archives de la Vendée ont aussi été numérisées, il s’agit essentiellement d’archives privées, manuscrites ou imprimées. Accessibles depuis leurs inventaires respectifs sur le site des Archives de la Vendée, il a paru intéressant de les rassembler aussi dans un guide dont la première version est publiée ce jour (13 septembre 2018).
Site des Archives départementales de la Vendée, http://www.archives.vendee.fr/. Guerre de Vendée : guide des sources numérisées (septembre 2018)
Pour accéder aux analyses complètes et aux images, copier la cote entre guillemets dans le formulaire de recherche du site : http://recherche-archives.vendee.fr/archives/recherche/avance
1 Papiers de M. Levasseur.
2 Savary. -
3 Papiers de M. Levasseur.
4 Papiers de M. Levasseur.