D'après l'étymologie communément reçue, Brouzils signifie broussailles et, à cette époque, la dénomination était juste sous plus d'un rapport. S'appuyant d'un côté à la forêt de Grasla, qui étendait sa masse d'ombre et de verdure sur la contrée (1), les Brouzils formaient en quelque sorte le fond du bocage vendéen.
Aux alentours du bourg, c'étaient des terrains couverts d'un fouillis d'arbustes, de ronces et d'ajoncs, en un mot les broussailles des abords de la forêt. En s'éloignant un peu, on se trouvait au milieu de vastes landes, toutes fleuries de bruyères.
Sous le nom de landes des Brouzils, de Corprais, de la Brelézière, du Chêne, etc., elles occupaient une partie assez considérable du territoire de la paroisse. Dans leur ensemble, ces landes n'étaient pas cependant des terres impropres à la culture ; mais les guerres et le manque de bras avaient contraint d'en laisser une partie en friche.
Aujourd'hui le soc de la charrue est passé presque partout et l'on a pu voir que le sol n’était pas stérile. Ainsi en était-il des âmes quand M. Monnereau vint aux Brouzils (2) : c'était la bonne terre qui attend le laboureur.
Longtemps elle avait été cultivée par les soins des Bénédictins. Le premier établissement religieux de la paroisse des Brouzils fut, en effet, un Prieuré fondé, en 1120, par Gérard Achematte, seigneur de Montaigu, qui en fit don à l'ordre de Cluny dans la personne du prieur de Saint-Martin de l'île d'Aix, duquel relevait immédiatement le prieur des Brouzils. Ils fondent le prieuré de l'ordre de "CLUNY DE BROSILIS" (3)
Celui-ci avait le droit de nomination à la cure, et entretenait des rentes de son bénéfice le prêtre chargé du ministère paroissial. Il en fut ainsi jusqu'en 1789.
Cependant quelques années auparavant, les Bénédictins avaient quitté le Prieuré (4) pour se retirer dans leur monastère de Saint-Jacques de Nantes, et ils avaient cédé leur maison, ainsi que les dîmes qu'ils levaient dans la partie est de la paroisse, au dernier curé nommé par eux, M. Houssin.
Cet ecclésiastique était né à Ampoigué, près de Château-Gontier, au diocèse d'Angers On peut présumer de son mérite et de sa vertu par son attitude dans l'épreuve et par celle de ses paroissiens. Il refusa constamment de prêter serment à la Constitution civile du Clergé. Une personne, renouvelant en quelque sorte la tentation proposée au saint vieillard Eléazar, essaya un jour de lui insinuer qu’il pourrait se contenter de faire ce serment de touche : « Non, non, répliqua-t-il, ma bouche ne peut pas dire ce que mon cœur dément. »
L'heure venue de donner sa réponse aux hommes du pouvoir, il jugea l'occasion favorable pour faire une éclatante profession de foi. Dans son église même, de la porte de la sacristie et en présence de l'autorité locale, il parla ainsi : « Messieurs, le serment de fidélité à la Constitution dite du Clergé de France, que vous me demandez, n'étant pas approuvé par le Souverain Pontife, je vous déclare hautement que je ne saurais le faire. »
Le vicaire, M. Louis Maroilleau, ne suivit pas malheureusement un si bel exemple. Il ne tarda pas à porter la honte de sa faute : les habitants des Brouzils le chassèrent de chez eux (5).
Cependant les jours de M. Houssin étaient en danger. Après être resté caché quelque temps aux environs de sa paroisse, il se détermina à suivre les armées vendéennes dans leur expédition d'outre-Loire.
Il se trouvait à la déroute du Mans et fut contraint, lui aussi, de prendre la fuite. Arrêté à quelques lieues d'Angers, à la Cornuaille, le 5 nivôse, an 11 (23 décembre 1793), il répondit aux questions qui lui furent adressées avec une franchise et une fermeté qui frappèrent les officiers municipaux. Traduit devant la commission militaire d'Angers, il continua d'affirmer bien haut qu'il était prêtre non assermenté.
Comme tel, il fut condamné à mort, le 16 nivôse, an II (1er janvier 1794) et exécuté le même jour.
Il n'est pas douteux qu'à l'heure suprême le généreux confesseur de la foi n'ait songé à ses chers paroissiens des Brouzils. Mais ceux-ci ne surent rien du glorieux trépas de leur pasteur. Eux-mêmes subissaient alors les plus rudes épreuves. Ils furent d'autant plus traqués par les républicains que, parmi eux, tous les hommes valides avaient pris les armes et s'étaient rangés sous les ordres de Charette.
Un certain nombre périrent dans les glorieux combats qui furent livrés sur le territoire même de la paroisse ; l'un dans le bourg, l'autre dans les landes de la Fraisière.
Pour se soustraire à la fureur des colonnes infernales, les vieillards, les femmes et les enfants cherchèrent un refuge dans la forêt de Grasla.
Sous des tentes faites de branches entrelacées, ils y menaient une vie de privations et de souffrances.
La religion néanmoins leur apportait ses consolations. Bien des fois, dans les plus sombres profondeurs de la forêt, on vit se renouveler les scènes des catacombes.
A la faveur de la nuit, Les prêtres fidèles, cachés dans les environs, venaient célébrer les Saints Mystères et administrer les Sacrements.
Parfois leur dévouement leur coûtait la vie. C'est ainsi que MM. Payraudeau et Jagueneau tous les deux originaires des Brouzils, furent arrêtés et massacrés par les Bleus.
On peut dire que, malgré de si rudes secousses, la foi des Brouziliens était demeurée ferme et vivante au sein de la tourmente révolutionnaire. L’orage passé, il fut visible que plusieurs dangers la menaçaient. D’abord et surtout l'ignorance. « L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (6) » L'âme, fût-elle nourrie du Pain eucharistique, ne saurait se passer de la parole sainte.
Or, depuis des années, la chaire chrétienne était restée muette, le prêtre n'avait pu faire régulièrement le catéchisme, et l'enfant avait grandi avec les seules notions religieuses reçues dans la famille, notions à peu près suffisantes en quelques foyers privilégiés, mais le plus souvent, hélas! notions vagues et incomplètes, quand elles n'étaient pas plus ou moins erronées. C'est ainsi que s'explique l'adhésion de bon nombre de Brouziliens au schisme de la Petite-Eglise.
L'ignorance aidant, la cupidité avait produit un autre mal chez les gens de conscience moins délicate : quelques-uns s'étaient faits acquéreurs de biens nationaux, et c'est parmi eux, tout spécialement, que le zèle de M. Monnereau trouvera plus tard des détracteurs et des persécuteurs.
Enfin, à la faveur de ce brouillard qui enveloppait la vérité chrétienne, l'esprit pervers s'était glissé et cherchait à corrompre les âmes ; l'amour des plaisirs se montrait d'autant plus ardent qu'il avait été plus longtemps comprimé.
Certes, tout n'était pas à condamner dans cette paroisse restée par le fond si chrétienne. La famille y conservait ses traditions de simplicité et de foi. On priait à chaque foyer : le Crucifix et l'image de la Sainte Vierge y étaient à la place d'honneur. Lorsque M. Monnereau arriva, un autre signe lui parut de bon augure : il fut frappé, comme il l'a dit plus tard, de la réserve et de la modestie des femmes.
Malheureusement, au sortir de la Révolution, 1’influence du prêtre n'avait pu ressaisir les âmes. M. Goillandeau n'avait ni la force physique, ni l'ascendant moral, qui lui auraient été nécessaires. Il ne prêchait pas, et quand il exerçait les autres fonctions de son ministère, les âmes étaient en défiance.
Pourtant ce curé était un bon prêtre, qui n'avait pas accepté la Constitution civile du clergé, mais, en 1797, il avait prononcé le serinent de haine à la royauté, le croyant d'ordre purement civil. Cet acte de faiblesse, refuse par l'ensemble du clergé, avait éloigné de lui nombre de ses paroissiens. Il fallait donc un pasteur d'éminente vertu pour rendre à la paroisse des Brouzils la vigueur de la vie chrétienne. Nous savons comment la divine Providence venait d'y pourvoir.
Il importe de faire connaître les hommes dont la vertu éminente mérite d'être proposée pour modèle, surtout quand ils ont laissé de nombreux enfants spirituels, qui doivent conserver leur souvenir, se pénétrer de leur esprit et s'efforcer de marcher sur leurs traces.
M. Pierre Monnereau (1787-1856), curé des Brouzils et fondateur de la Congrégation des soeurs des Sacrés Coeurs de Jésus et de Marie, dites de Mormaison
Destruction du gibier de la forêt de Grasla commune des Brouzils en 1619 <==.... ...==> 1794, Combat de Saint Fulgent 9 janvier – combat des Brouzils 12 janvier (Charette Forêt de Grasla)
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844, les Normands pénètrent dans le Pertuis d'Antioche, ravagent l'île d'Aix, égorgent les habitants et brûlent un prieuré bénédictin au lieu-dit Les Ormeaux, Les habitants désertent l'île et reste déserte pendant presque deux siècles.
(1) Aujourd'hui la forêt n'est plus qu'un vaste taillis que l'on coupe régulièrement. çà et là cependant, quelques bouquets d'arbres échappés à la hache peuvent donner une idée des beaux bois d'alors.
(2) M. Pierre Monnereau naquit, le 29 juillet 1787, à Saint-Martin-des-Noyers, dans le diocèse de Luçon, et fut le second de seize enfants issus du mariage de René Monnereau, maréchal, et de Marguerite Groleau, tous deux recommandables par leurs vertus.
On s'empressa de le faire régénérer dans les eaux du baptême. Sa mère, qui avait à coeur de conserver en lui le trésor de l'innocence, l'environna de la plus tendre sollicitude, et lui fit sucer la piété avec le lait.
Il était encore en bas âge, lorsque la révolution de 1793 éclata et précipita dans un abîme de malheurs la France entière et particulièrement la Vendée, qui prit les armes pour la défense de l'autel et du trône.
Au milieu du théâtre de la guerre civile, René Monnereau et sa famille passèrent par de rudes épreuves. Le jeune Pierre faillit en être la victime; plus d'une fois, comme ses parents, il dut prendre la fuite devant les troupes qui mettaient tout à feu et à sang. A ces dangers, vint s'en joindre un autre : il fut atteint de la petite vérole. Tandis qu'il était en proie à cette cruelle maladie, il fallut le jeter à la hâte sur une charrette, et le conduire d'un lieu dans un autre, exposé jour et nuit aux injures de l'air.
Cependant, son père, à la tête d'une petite troupe d'hommes dévoués comme lui, combattait avec un courage à toute épreuve, pour la Religion et pour la royauté. Ce brave Vendéen, étant tombé entre les mains des révolutionnaires, ne dut son salut qu'à une protection visible de la Providence : les mains liées derrière le dos, il attendait la mort avec quelques autres soldats de l'armée catholique. Les républicains, sur le point de le fusiller, le fouillèrent, et trouvant sur lui un chapelet, l'en frappèrent au visage avec violence ; tout-à-coup, saisi d'une sorte d'inspiration, il se dérobe, entre dans une maison où l'on coupe les liens qui enchaînent ses mains, s'éloigne rapidement et est bientôt à l'abri des balles. Le lendemain il retrouva dans la poche de son habit le chapelet qu'il croyait entre les mains des révolutionnaires. Le Dieu de bonté veillait avec le même soin sur son enfant, et le conservait, parmi des périls sans nombre, pour l'accomplissement des grands desseins qu'il avait sur lui.
Les victoires de Charette permirent à la famille Monnereau de rentrer dans la maison paternelle. Elle accueillit avec bonté quatre religieuses qui vinrent y chercher un asile. Le jeune Pierre attira l'attention de ces âmes d'élite par son ingénuité et sa candeur ; elles aidèrent sa pieuse mère à diriger ses premiers pas dans les sentiers de la vertu et lui apprirent à lire.
Plusieurs ecclésiastiques se réfugièrent aussi successivement dans cette maison bénie du ciel, entre autres M. Justin-Maurice Pronzat, né à Nantes, et curé de Rouans, prêtre aussi distingué par sa vertu que par sa science. Il avait quitté la France, au moment de la Révolution, et y était bientôt rentré, dans l'espérance de desservir sa paroisse ; mais se voyant dans l'impossibilité d'y rester, il s'était attaché comme aumônier à l'armée de Charette. Longtemps il se tint caché aux environs des Essarts où ce général avait établi un cantonnement. Il avait pris le titre d'administrateur de l'hôpital ; c'est sous cette dénomination qu'il signa un certain nombre d'actes de baptêmes, de mariages et de sépultures qu'il fit dans l'année 1795 à Saint-Martin-des-Noyers.
Après avoir secrètement exercé le saint ministère dans cette paroisse, dont le vénérable curé, M. Guillet, était en exil, il commença d'en remplir publiquement les fonctions, comme desservant, au commencement de février 1796, et il les continua jusqu'au mois de novembre 1797.
A cette époque, il fut obligé de les interrompre, d'abord à cause d'une maladie grave dont il fut atteint, puis pour avoir refusé de jurer haine à la royauté ; en conséquence de ce refus, un mandat d'arrêt fut lancé contre lui. Il se trouvait au presbytère au moment où les agents révolutionnaires vinrent pour le saisir ; mais comme ils avaient laissé libre une porte de communication avec l'église, il en profita pour s'échapper et gagner un asile sûr, pendant que René Monnereau et d'autres habitants du bourg s'entretenaient avec les gendarmes. Au bout de quelques mois, le 15 juin 1798, il put reprendre publiquement ses fonctions, et il les exerça sans interruption jusqu'au mois de juin 1800, au milieu de diverses épreuves.
(3) La charte de fondation du prieuré des Brouzils, accordée par le seigneur de Montaigu, Gérard Archemaste, confirme (c’est-à-dire qu’elle prend acte de faits existants) ce qu’il concède au prieuré des Brouzils pour pourvoir aux besoins de celui-ci et à ceux des moines qui le composent. Gérard Archemaste (XIe siècle) confie ce prieuré aux clunisiens. Il donne « à ce prieuré et à son prieur » la partie sud-est du territoire brouzilien.
Le texte évoque, peut-être, une grange (établissement agricole dépendant du prieuré) existant en forêt de Grasla : plusieurs indices archéologiques où se trouvant dans d’autres textes le laissent supposer sans certitude à ce sujet. La Guère et La Girairière, citées dans le texte, fournissent des revenus financiers et en nature, utiles au fonctionnement du prieuré et de l’ordre, et à l’entretien des moines. Probablement après la guerre de Cent Ans (1453), les moines quittent Les Brouzils. Cependant, il subsiste un prieur, soit extérieur à la paroisse (et qui conserve le bénéfice, c’est-à-dire le revenu : c’est le cas de Flavigny, grand vicaire du diocèse de Luçon au début du XVIIe siècle) soit le curé est nommé prieur (c’est le cas de François Houssin, le dernier curé avant la Révolution).
(4) II n'y a que peu d'années, on montrait encore au milieu du bourg des Brouzils, uue ancienne maison appelée le Prieuré, qui avait servi de demeure aux Bénédictins. Aujourd'hui, elle a fait place à des constructions nouvelles, mais le lieu a conservé la dénomination.
(5) M. Louis Maroilleau devint curé constitutionnel de Saint-Georges-de-Montaigu, puis de Saint-André-Treize-Voies.
(6) Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit de ore Dei. Matth. iv, 4.