Le Cheval de Troie de la Guerre de Cent ans de Du Guesclin pour délivrer Niort des Anglais

C’est une grande et jolie ville, bien bâtie et riche. Son commerce, qui consiste spécialement en grains, bestiaux, étoffes, toiles, pelleteries et angélique renommée, est très considérable. Il y a des manufactures de bas, droguets, fils à coudre, et autres de cette espèce, que l’on travaille tous les jours à perfectionner.

Cette ville est très favorablement située sur la rivière de Sèvre, qui est navigable jusqu’à Marans, ce qui facilite beaucoup l’exportation de ses marchandises, surtout de ses farines appelées Minots, que l’on transporte en quantité considérable à Marans, ou on les embarque pour l’approvisionnement des vaisseaux.

Le Cheval de Troie de la Guerre de Cent ans de Du Guesclin pour délivrer Niort des Anglais (1)

Il s’y tient tous les ans quatre foires considérables qui durent huit jours chacune, ce qui attire beaucoup de monde pendant ce temps dans Nyort, ou l’on vient acheter les étoffes qui s’y fabriquent, des marchandises en chamoiserie de toute espèce, des bœufs, chevaux et mules, dont il se fait un commerce très étendu, ainsi que des blés qui s’y recueillent en abondance dans cette partie de la Province, ou le sol gras et fertile présente de riches et vastes plaines, des prairies et pâturages excellents, et enfin des vignes qui produisent du vin d’une assez bonne qualité.

 

On voit à Niort une très belle promenade publique ; un vaste champ de foire placé sur le bord de la grande route ; un château fort servant à renfermer les prisonniers d’Etat ou de guerre, suivant les circonstances. On entre dans le château par un pont levis qui conduit à deux tours qui renferment actuellement plus de 300 Anglais pris dans cette guerre.Le Cheval de Troie de la Guerre de Cent ans de Du Guesclin pour délivrer Niort des Anglais

Ce fut Eléonore d’Aquitaine, femme de Louis le jeune, qui ayant affectionné cette ville, la décora, et qui fit creuser le canal, ou bassin actuel, qui est dans le faubourg. ==> FORTIFICATION ANCIENNES ENCEINTES DE LA VILLE DE NIORT

Niort est regardé comme une des plus anciennes villes du Poitou, et la Charte qui ordonne la construction du Port de la ville de La Rochelle est datée de Niort. ==> La Rochelle, le port d'Aliénor d'Aquitaine

Après la bataille de Poitiers, donnée en 1356, la paix, devenue nécessaire, fut faite et réglée par le traité de Brétigny.

Le Cheval de Troie de la Guerre de Cent ans de Du Guesclin pour délivrer Niort des Anglais (3)

Ce fut l’anglais vainqueur qui fit la loi au roi de  France, et celui-ci fut obligé de lui céder le Poitou, l’Aunis et la Saintonge, dont Jean Chandos prit possession en 1361.

 

« En cette année 1361, dit Froissart, passa messire Jehan Chandos, comme régent et lieutenant de par le roi d'Angleterre ; et vint prendre la possession de toutes les terres dessus dictes, et les fois et les hommages des comtes, des vicomtes, des barons et des chevaliers, des villes et des forteresses ; et mit et institua partout sénéchaux, baillifs et officiers à son ordonnance et vint demeurer à Niort (Froissart, livre. Ier, chap. CXLI). »

Nous donnons, d'après le procès-verbal dressé à cette époque, le détail de la prise de possession de la ville de Niort sans conserver l'ancienne orthographe de ce document dont le texte a été publié par M. A. Bardonnet dans les Mémoires de la Société de statistique des Deux-Sèvres :

« Le mercredi, fête de la Saint-Michel, avant dernier jour de septembre 1361, monseigneur Chandos, lieutenant du roi d'Angleterre, vint à Niort.

Il était en compagnie de messires Richard Totesham et Guillaume de Felynton. Il se présenta à la porte Saint-Gelais, pour avoir à prendre la possession et saisine de la ville et chastel de Niort.

« Et illeques furent présens : messire Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault, et messire Guichard d'Angle, commissaire du roi de France, pour prendre, bailler et délivrer la possession du pays de Poitou, de Xaintonge et de plusieurs autres, au roi d'Angleterre.

« Ils entrèrent en la première porte de la ville, en une maison assise entre les deux portes, et là trouvèrent le maire de la ville qui faisait lire la lettre de transport et avec le maire étaient plusieurs bourgeois et habitants de la ville.

« Les commissaires du roi de France demandèrent au maire de leur remettre les clefs de la ville pour les bailler à messire Jehan Chandos, lieutenant du roi d'Angleterre.

Le maire les leur donna et pria, les commissaires do demander à messire Jehan Chandos comment il voulait confirmer et faire confirmer par le roi d'Angleterre les privilèges et libertés dont les habitants jouissaient.

« Les commissaires portèrent les clefs de la ville à Jehan Chandos et lui firent connaître les paroles du maire. Il prit les clefs au nom du roi d'Angleterre et les confia au maire, puis il l'assura qu'il ferait volontiers confirmer les privilèges et libertés autant qu'il le pourrait et aussi complètement que le traité de paix le portait.

« Jehan Chandos prit ensuite le toroil (marteau) de la porte de la ville en signe de possession, au nom du roi d'Angleterre. Il se rendit aussitôt, avec les commissaires, au château dont le gouverneur, Taxart de Bazin gant, lui remit les clefs, et il pénétra dans l'intérieur et prit le toroil de la porte, comme marque de prise de possession.

Il remit ensuite les clefs au gouverneur, jusqu'au lendemain, pour garder le château au nom du roi d'Angleterre.

« Le même jour, Jehan Chandos fit faire le cri général par tous les quartiers de la ville, afin de convoquer pour le lendemain, à l'Hôtel des frères mineurs, tous les habitants.

« Ce jour-là, Jehan Chandos reçut à cet hôtel les serments d’obéissance des personnes dont les noms suivent :

« Maistre Jehan Sené, maire et en son nom privé ; Maistre Pierre Bachisme ; Maistre Michel Sarrasin ; Maistre Jehan Buffeteau ; Maistre Pierre Pertseschausses ; Maistre Jehan Voysin ; Jean Sarrazin : Guilleaume Birochon ; Jehan Giffart ; Jehan de Luserche du Columbier ; Jehan de Sainte Vaise ; Guilleaume Borreau ; Pierre Gabiret; Jehan du Grant ; Jehan Filloleau; Raoul Gandin; Robin Françoys; Bausdet Basselme; Jehan Auffroy ; Jehan de Sainte Vaisse ; Guillaume Aloay ; Michea Polain ; Jehan Polain ; Jehan Compaignon ; Jehan Pignon ; André de la Mote; Jehan d'Ambayse; Pierre Chandious ; André Chauray ; Philippon Teaut; Messire André Caillant; Guillaume Julle; Simon Aymer ; Jehan Bachisme; Jehan Couteau : Jehan de Saint Serre ; Aymé Compaignon ; Jehan de Faye; Jehan Ymbert; Jehan Buffeteau : Pierre Beau Jau ; Aymé Ratier: Jehan Rosseau; Gervays Laydin; Arnaud de la Cote ; Robin Benest ; Jehan Ami ; Jehan Laydet ; Pierre de Maire ; Gervays de Londres; Jehan Tesson; Jehan Mercier; Jehan Pereys ; Guillaume Amiot; Jehan Arnaud ; Guillaume Hervé; Peyre Legayre ; Denis Joucelin ; Peyre Fougolier; Jehan Legayre ; Thomas de l'Escole ; Jehan Brochard ; Thomas Recoquille: Jehan Jacquet: Jehan Moricet; Jehan Claret; Jehan Papineau; Aymé Sureau ; Jehan Vergeau ; Guillaume Bernard ; Bachoe Laydin ; Aymé Jay ; Jehan Saboure ; Pierre Rosseau ; Pierre Philippon ; Jehan Flamen ; Jehan Servent ; Simon Garny ; Pierre Babineau ; Pierre Grossin ; Jehan Morand ; Marin Badeau ; Lucas Poyssonet ; Jehan Gilebert ; Massé de la Porte; Jehan Jaquet; Jehan de l'Escole ; Pierre Poyssonet; Guillaume Poillieu; Guillaume Gaillard; Estienne Alenit ; Jehan Carré.

« Toutes ces personnes et tout le reste de la population de la ville assemblée levèrent les mains sur les Saints Evangiles en faisant le serment de soumission au roi d'Angleterre.

« Jehan Sené, maire de la ville, et le prévôt Jehan de Sancerre eurent mission de recevoir les serments de ceux de la ville et de la châtelleuie qui ne l'avaient pas fait et de faire connaître leurs noms au sénéchal.

« Le même jour, Jehan Chandos reçut le serment de foyauté de :

« Messire Jehan de Luserche, chevalier ; « Jehan de Curssay ; « Et Guillaume Biau (probablement Viau), procureur de damoiselle Marthe de Surgères, pour la châtellenie de Dampierre.

« La veille, Jehan Chandos avait reçu les serments d'obéissance de l'abbé de Saint-Liguaire, de messire Hugues de Surgères, chevalier, de Hugues de Vivône, écuyer, et de Jehan Prevost, écuyer. »

Le châtelain de la ville et du châtel de Niort fut messire Guilleaume de Montandre.

Telle fut la formalité de cette prise de possession qui faisait passer notre contrée sous la domination du roi d'Angleterre.

Comme le raconte Froissart, Niort devint la résidence de Jehan Chandos.

La mortalité avait été grande à Niort, depuis le commencement des calamités qui pesaient sur le pays. Malgré les vides qui s'étaient opérés dans la population et au mépris des privilèges dont elle jouissait, les habitants furent astreints par la garnison anglaise à faire le guet et à contribuer aux réparations des fortifications. Les Niortais adressèrent au prince d'Aquitaine et de Galles leurs doléances auxquelles il fut fait droit.

La commune de Niort fut dispensée de faire le guet et de contribuer aux réparations du château de la ville.

« Vous mandons, écrivait le prince de Galles au sénéchal de Poitou, que selon la nécessité de notre ville de Nyort, eu regard aux habitans d'icelle, fassiez pourvoir de guait, sans préjudice du guait appartenant et nécessaire à nôtre châtel de nôtre dite ville et autres châteaux des environs. »

Deux ans après, le Prince de Galles, à qui Edouard III, son père, avait donné le Duché d’Aquitaine, en reçut l’investiture du comte de Warwick.

Ce Prince, sans ménagement pours ses nouveaux sujets, les accabla d’impôts en tout genre.

 

Ce fut à Niort que le Pince Noir fit tenir une Assemblée Générale dans laquelle son chancelier exigea de la part de ce Prince un droit nouveau appelé Fouage.

C’était une imposition très onéreuse sur les feux de chaque maison. Les seigneurs de cette Province se retirèrent de l’Assemblée, en réclamant contre l’infraction de leurs privilèges, et en appelèrent à Charles V, Roi de France, leur Seigneur suzerain, qui écouta les plaintes des Barons du Poitou, et cita le Prince de Galles au Tribunal de Paris.

Mais le Prince ayant regardé cette citation comme offense, ne voulut point comparaitre. La Cour de Paris confisqua tout ce qu’il possédait en France. Et Du Guesclin ne tarda pas à mettre cet arrêt à exécution.

En 1372, la Guerre de Cent ans  bat son plein et Niort est anglaise.

Le 21 mars 1373, à l'issue d'une bataille acharnée pour reprendre le château de Chizé, Bertrand Du Guesclin arrive aux portes de Niort.

Guerre de Cent ans les troupes de Bertrand Du Guesclin arrive aux portes de Niort

Disposant de nombreux uniformes et armes anglaises récupérés à Chizé, il adopte la stratégie du Cheval de Troie : quelques centaines d'hommes se déguisent et trompent la vigilance des sentinelles qui baissent le pont levis de la ville.

Les Français entrèrent précipitamment dans Niort et, une fois dans la ville, se mirent à crier : Guesclin ! Tous ceux qui se trouvaient dans Niort furent pris et les Français y conquirent un riche butin.

Niort est reprise aux Anglais par la ruse et beaucoup de sang est épargné.

« Messire Bertrand mit garnison dans la ville et le château et s'en fut de là devant le château de Civray, le conquit aussitôt et y mit garnison.

Au partir de Civray, messire Bertrand chevaucha devant Gençays ; il le prit aussitôt d'assaut et y laissa des troupes.

Après la prise de Gençays, il chevaucha devant Lusignan, ville bien située et possédant le plus fort château du Poitou ; mais il ne fut pas longtemps à conquérir la ville et le château. Messire Bertrand désigna pour la garde du comté et de la sénéchaussée du Poitou messire Olivier de Beaumont, illustre chevalier.

Il partit ensuite avec sa chevalerie pour aller à Pontorson. »

 

Les Niortais, afin de perpétuer le souvenir de la reprise de leur ville sur les Anglais, célébrèrent l'anniversaire de cette recouvrance.

Le 27 mars, outre la messe chantée, il y avait chaque année une procession à laquelle assistait tout l'échevinage, et qui, partant de Notre-Dame, sortait de la ville par la porte du Pont, et suivant le faubourg du Port, allait s'arrêter à un endroit qu'on appelle encore aujourd'hui la Recouvrance, et où, en l'honneur de la recouvrance de la ville par Duguesclin sur les Anglais, une petite chapelle avait été bâtie.

Les frais de la messe et de la procession étaient à la charge du corps de ville, et étaient portés par les receveurs dans leurs comptes mensuels.

En 1487, Geoffroy Fayfeu, receveur des deniers de la commune, commande à messire Jehan Bonnet, vicaire de l'église paroissiale de Notre-Dame, la messe annuelle pour l'anniversaire de la reprise de la ville.

Cette procession a duré jusqu'au moment de la Révolution.

 

 

Histoire de la ville de Niort depuis son origine jusqu'en 1789 . par L. Favre

 

 

 

21 mars 1373 - Comment messire Bertrand de claicquin (Du Guesclin) assiégea la ville et chastel de Chizé <==.... ....==> 23 août 1373 Guerre de cent ans Mortagne sur sèvre en Poitou ; Quand du Guesclin bouta les Anglais hors de la région du Puy du Fou