Histoire et donations, Concile de Charroux (juin 989)- Urbain II (janvier 1096)

Situé au centre d'un triangle formé par Poitiers, Angoulême et Limoges, Charroux fut fondé par Charlemagne. Un des comtes nouvellement créés et établis dans le pays d'Aquitaine pour le défendre contre les incursions des Sarrasins et des Gascons, Roger comte de Limoges et son épouse Euphrasie, n'ayant point d'enfants, eurent la pensée de consacrer un domaine et une somme d’argent à l'établissement d'un monastère.

Le grand roi non seulement approuva leur pieux dessein, mais il en fit son oeuvre et chargea le comte de construire sur le terrain offert une abbaye avec son église.

C'était sur la rive gauche d'un petit ruisseau qui, avant de se jeter dans la Charente, séparait le Poitou de la Basse-Marche ; le versant opposé appartenait aux comtes de la Basse-Marche, Marche signifie frontière, la Basse-Marche bornant le Limousin, le Poitou; le Berry et l'Angoumois. Il est difficile de savoir jusqu’à quel point cette contrée était habitée.

 Les voies romaines qui s'y croisaient, les camps retranchés disposés dans les environs montrent que ces lieux furent; à l'époque romaine; le théâtre de luttes sérieuses et que la bourgade gauloise avait existé autrefois ; mais elle était probablement bien réduite quand la ville féodale commença à s’élever. Il est à croire que l'endroit où s'éleva l'abbaye était alors une forêt, une vieille légende disant que les arbres s'étaient abattus d'eux-mêmes pour désigner et laisser libre le terrain où il fallait bâtir l'église.

« Lorsque l'abbaye se fonda, disait Jaubert, abbé de Charroux, dans ses démêlés avec le comte de la Marche, il n'y avait alors audit lieu aucune ville, bourg ou village ; mais le temps ayant fait que peu à peu on a bâti quelques maisons aux environs de ladite abbaye, il s'y est établi une paroisse, et peu après une ville fermée de murailles. »

Ces constructions se trouvant sur deux domaines différents, Charroux se composa d'abord de deux bourgs, le premier appelé Bourg-l'Abbé groupé sur le versant gauche auprès du monastère, sous le pouvoir duquel il se trouvait ; le second appelé bourg du Comte.

 Son extension fut si rapide que, cent ans à peine après sa fondation, les comtes de la Basse-: Marche vinrent s'y établir, firent de Charroux leur capitale et y battirent monnaie pendant plusieurs siècles.

Leurs ateliers monétaires étaient situés dans une sorte de souterrain dont on voit encore les restes dans la rue qui a conservé le nom de rue de la Batterie.

 

Le Comte Roger ayant mené à bonne fin l'entreprise dont il était devenu le mandataire, vint vers le roi à Aix (la Chapelle) pour se décharger du commandement qu'il avait reçu de construire l'abbaye et de la doter.

«Alors, dit Besly, le roi se demandant de quel nom il appellerait sa nouvelle création, après avoir pris avis de son entourage, il décréta qu'on la nommerait Carrofum. » Cette étymologie n’est pas tellement certaine qu’on la doive accepter ; l'histoire de Gharrouxet les reliques dont elle fut enrichie en ont fait naître plusieurs autres qui ne s'imposent pas davantage ; la plus probable serait d'origine celtique; Quoi qu'il en soit, dès le IXe siècle on disait Saint-Charroux, Sanctus Carrofus, à cause des nombreuses et insignes reliques qui y étaient vénérées.

La charte de fondation de l'abbaye est datée du quatorzième jour des calendes de juillet de la cinquième année du règne de Louis, roi d'Aquitaine sous son père Charles, 18 juin 785. « Charlemagne, dit Mézéray, fonda une infinité d'églises, entre autres Saint-Jacques-de-1'Hôpital à Paris, etc., et Charroux en Poitou. »

Charroux, l'une des capitales de la Marche (les autres furent Guèret et Bellac), avait au moyen âge une certaine importance. Elle était bâtie dans une situation pittoresque, près de la Charente, sur un sol boisé, couvert de monuments celtiques, d'ouvrages militaires anciens et traversé de voies romaines.

Une abbaye fondée par Charlemagne, y avait attiré un grand nombre d'habitants; elle comptait huit églises et occupait une étendue aussi grande que celle de Limoges. Charroux resta capitale jusqu'en 1477.

 

 

Concile de Charroux

Le concile de Charroux se tint le 1er juin 989 dans ce village de la Vienne, au sud-est de Poitiers, où étaient conservées des reliques de la vraie Croix.

 Réuni sous le patronage du duc d’Aquitaine et comte de Poitiers Guillaume VI dit le Vénérable, sous l'autorité de l'archevêque de Bordeaux Gombaud et en présence des évêques Gislebert de Poitiers, Frotaire (Frotier) de Périgueux, Abbon de Saintes, Hugues Ier de Jarnac d'Angoulême et Hildegaire de Limoges, il instaura pour la première fois la paix de Dieu : ses canons jetaient l'anathème sur « les violateurs d'églises », « contre les voleurs des biens des pauvres » et « ceux qui brutalisent les clercs ». (Wiki)

Le texte du Concile

Forts des décrets synodaux de nos prédécesseurs, au nom de Notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, aux calendes de juin, moi Gombaud, archevêque de l’Aquitaine seconde avec tous les évêques de la province nous nous sommes réunis au palais que l’on appelait autrefois Charroux. Nous y avons tous imploré l’aide de la divine piété, tant les évêques que les clercs consacrés et que l’ensemble des laïcs des deux sexes pour que, nous qui avons vu se développer dans nos demeures des habitudes funestes, à cause du caractère tardif de ce concile, nous puissions, en considération de la grâce céleste, arracher ce qui est nuisible et planter ce qui est utile. Tout spécialement réunis au nom de Dieu, nous avons décidé ce qu’exposent de façon manifeste les canons ci-dessous.

Anathème contre ceux qui violent les églises.

Si quelqu’un viole une église sainte et emporte quelque chose par la force, à moins qu’il ne donne satisfaction, qu’il soit anathème.

Anathème contre ceux qui pillent les biens des pauvres.

Si quelqu’un s’empare de la brebis, du bœuf, de l’âne, de la vache, de la chèvre, du bouc ou des porcs des paysans ou des autres pauvres, sauf si c’est de leur faute, qu’il soit anathème s’il a négligé de faire réparation en tout.

Anathème contre ceux qui frappent les clercs.

Si quelqu’un attaque, capture ou frappe un prêtre, un diacre ou un autre membre du clergé ne portant pas d’armes, c’est-à-dire un bouclier, une épée, une cuirasse ou un casque, mais faisant simplement route ou demeurant dans sa maison, sauf si ce clerc a été jugé par son propre évêque pour avoir commis un délit, le coupable de ce sacrilège, à moins qu’il ne donne satisfaction, sera tenu hors des demeures de la sainte Église de Dieu.

Moi, Gombaud, archevêque de Bordeaux, j’ai souscrit.
Moi, Gislebert, évêque de Poitiers, j’ai souscrit.
Moi, Audigier, évêque de Limoges, j’ai souscrit.
Moi, Frotaire, évêque de Périgueux, j’ai souscrit.
Moi, Abbon, évêque de Saintes, j’ai souscrit.
Moi, Hugues, évêque d’Angoulême, j’ai souscrit.

Documentation historique 1873
- Gallia christiana in provincias ecclesiasticas distributa, in qua series et historia archiepiscoporum, episcoporum et abbatum..., tome 2, 1873, Parisiis, pp. 1277-1285

 


On voit,  Guillaume Fier à Bras et Emma de Blois faire en plein accord une donation à l’abbaye de Bourgueil en septembre 989, donc trois mois après le concile de Charroux et la dédicace de Maillezais.


La donation de septembre 989.montre que Bourgueil n'est pas né à la date ni dans les circonstances indiquées par Pierre de Maillezais ; de nouveau les deux époux agiront ensemble en faveur de Bourgueil, une deuxième fois entre 990 et 996, puis en juin 994 (1).

==> LA NAISSANCE DE BOURGUEIL ET DE MAILLEZAIS (987-990). Abbayes de l'abbé Gausbert

 

 

Le Voyage clunisien du pape Urbain II, l'appel à la première croisade.

 ==> Le Voyage clunisien du pape Urbain II, l'appel à la première croisade.

Dans la dixième session du concile de Clermont, en 1095, saint Urbain II mit à exécution son dessein de se faire lui-même l'avocat de la croisade.

Parmi les cardinaux, les évêques, les abbés, les ambassadeurs, les princes et autres puissants seigneurs qui primaient dans cette assemblée en plein air de plus de cent mille personnes, se trouvaient saint Hugues, abbé de Cluny, et Pierre II, abbé de Charroux.

« Le pape de la Croisade, qui avait été la gloire de l'abbaye de Cluny, dit l'auteur de l’Histoire de l’Eglise universelle, vint à Charroux, bâti à la fin du VIIIe siècle, enrichi par Charlemagne d'une bibliothèque dont le savant Alcuin avait dirigé la composition et donné le catalogue.

L'église de Charroux était alors une des plus belles églises de France.

 

Après la fête de l'Épiphanie, Urbain quitte Saint-Martial de Limoges et traverse le monastère de Charroux, depuis longtemps célèbre par la bibliothèque que Charlemagne y avait fondée.

Dans ce lieu, le Pape se fait présenter par les moines les rescrits que leur avaient accordés Léon IX et Alexandre II; il les augmente de nouvelles immunités, en réservant aux seuls pontifes romains le droit d'excommunier les religieux ou de jeter l'interdit sur leur abbaye.

Le pape y consacra solennellement, le 10 janvier 1096, un nouveau maître-autel érigé par l'abbé Pierre. Il se fit présenter les originaux authentiques des privilèges conférés au monastère par les papes saint Léon IX et Alexandre II, les renouvela, et y ajouta une immunité spéciale, en réservant aux seuls pontifes romains d'excommunier les religieux de Charroux ou de jeter l'interdit sur leur abbaye.

 Le 13 janvier, Urbain II célébrait la fête de saint Hilaire à Poitiers, et le 22 du même mois il consacrait dans cette ville l'autel de l'abbaye du Monastère-Neuf (Montierneuf). ==> Abbaye Saint-Jean de Montierneuf de Poitiers fondée au 11e siècle par Guy-Geoffroy-Guillaume comte de Poitou et duc d’Aquitaine

Il souscrivit à une sentence rendue par Pierre, évêque de cette ville, contre les moines de Tournus et les chanoines de Sainte-Croix de Loudun.

Partout le vaillant et saint pontife faisait préparer des milliers de croix en étoffe que les hommes venaient recevoir de ses mains, pour la coudre sur leurs habits et s'engager à partir, en l'entendant prêcher la grande expédition qui devait délivrer Jérusalem et sauver la chrétienté menacée par les Turcs et les infidèles. Spécialement à Charroux, entouré du cardinal Jean, des archevêques de Bordeaux, de Lyon, de Pise et de Réggio, de 1’évêque de Poitiers et de nombreux prélats, dans ces lieux où la relique insigne de la vraie Croix, d'autres reliques de la Passion et du saint Sépulcre étaient si solennellement vénérées, le vicaire de Jésus-Christ, déjà si éloquent, dut trouver, à parler de la croisade, de ces accents qui enflamment les coeurs ; l'église, les cours du monastère et la place publique durent retentir bien des fois du fameux cri: Dieu le veut !

Dans la bulle qu'Urbain II adressa, cette même année, à l'abbaye pour confirmer tous ses privilèges, se trouve la liste exacte dés principales possessions de l'abbaye à cette époque : cent églises, dont quarante dans lé diocèse de Poitiers et quelques-unes en Angleterre, deux abbayes, six monastères, deux châtteaux forts, etc. Ces immenses richesses s'accrurent encore de nombreuses donations faites par les rois, les évêques et les seigneurs.

 Outre la basilique et l'église paroissiale dédiée à saint Sulpice, il y avait alors à Charroux sept autres églises desservies parles religieux : Saint-Michel qui fut église paroissiale conjointement avec Saint-Sulpice jusqu'au passage des huguenots ; Saint-Pierre, Saint-Laurent, Saint-Antoine, Saint-Ambroise, Saint-Ursin, et Sainte-Christine ; celle de l'hôpital, dédiée à saint Jean et à saint Biaise ; situé près d’une des portes de la ville, l'hôpital, après avoir appartenu aux comtes de la Marche, devint propriété de l’abbaye, à part quelques biens qui furent donnés à Notre-Dame-la-Grande de Poitiers. Il y avait aussi dans la campagne une léproserie avec sa chapelle. Rochemaux avait alors un bourg auprès de son château et formait une paroisse.

 

 

Abbaye de Charroux (Crosse d'abbé

Liste d’ABBÉS DE L'ABBAYE DE CHARROUX

1. Dominique, nommé par Charlemagne.

2. David, 799.

3. Just, sous Louis le Débonnaire, travailla à ranimer l'étude des lettres.

4. Gombaud Ier, 830.

5. Walfroi.

6. Guillaume 1er, 862.

7. Frotaire, sous Charles le Chauve, qui porta la relique Bellator à Angoulême.

8. Grinfie, 879.

— Ici il existe une lacune ; elle doit être attribuée à l'incendie qui réduisit l'abbaye en cendres à cette époque,

9. Alboin, évêque de Poitiers, 937.

10. Adalbaud.

11. Pierre 1er, qui, ayant osé acquérir cette dignité à prix d'argent, fut déposé et remplacé par

12. Gombaud II (1014), abbé de Saint-Savin. -

13. Geoffroy 1er, 1017, commence à rebâtir l'église.

14. Hugues Ier, 1019.

15. Raynaud.

16. Foucher, 1028, sous lequel l'église fut dédiée par onze évêques.

17. Hugues II, 1050. :

18. Fulrade ou Foucaud, 1077.

19. Pierre II, qui fit dédier l'église par Urbain II, 1096.

20. Foucaud ou Foucard, 1147.

21. Jourdain 1er, 1188.

22. Guillaume II, 1187.

23, Geoffroy II, 1195.

24, Guillaume III,1203.

25. Hugues III, 1208.

26. Jourdain II, 1217.

27. Aimeric, 1220;

28. Jourdain III, 1234.

29. Pierre III, 16 octobre 1276 (n° CXXIX), 19 septembre U82 (n° CX XXIX). L'analyse faite par D. Fonteneau d'un actee de 1277 (n° CXXXll) donne à l'abbé de Charroux le nom d'Aimeri. L'original étant perdu, il est impossible de contrôler la valeur de celle identification. ·Aimeri est inconnu par ailleurs et Pierre était surement en 1277 abbé de Charroux. Le texte analysé par D. Fon­teneau renfermait peut-être quelque allusion à l'ancien abbé Ai­meri, peut-être aussi la date de 1277 était celle d'un vidimus ou d'une confirmation et non de l'acte primitif. En tout cas et jusqu'à plus ample informé, il n'y a point lieu de placer dans la liste des abbés de Charroux un autre personnage que Pierre III entre 1276 et 1282.

Gui de Bauçay, déjà considéré comme douteux par les auteurs du Gallia christiana (t. II, col. 1282), n’est cité dans aucun document comme abbé de Charroux.

31. Raymond de Châteauneuf, 1295.

32. Pierre IV Bertaud, 1340.

33. Matthieu, élu évoque d'Acqs, 1358.

34. Pierre V la Flotte, 1373.

Abbaye de Charroux Epitaphe de l'évêque Geraud

35. Géraud de Jovion ou de Chonac.

36. Bertrand, 1398.

37. Adémar, 1410.

38. Guillaume IV Robert, 1440.

39. Jean Ier Chapron, 1477.

40. Louis 1er Fresneau, abbé commendataire, 1481.

41. Geoffroy III de Cluys de Briantes, 1504.

42. Pierre VI Chasteigner de la Rochepozay, 1543.

43. Lazare de Baïf, ambassadeur de François 1er à Venise, 1545.

44. René de Daillon, d'abord évêque de Luçon, puis abbé de Charroux en 1559; ensuite évêque de Bayeux en 1567,

48. Pantaléon de la Roche-Jaubert, 1600.

46. François 1er de la Roche-Jaubert de Cumont, 1600.

47. Jean de la Roche-Jaubert, 1623.

48. Armand-Jean Dupléssis de Richelieu, cardinal.

49. Richard Smith, 1642.

50. Jules cardinal de Mazarin. (1648-1650)

51. Louis II Maurice de la Trémoille de Laval, 1650.

Se­cond flls de Henri de la Trémoille, duc de Thouars, pair de France, prince de Tarente et de Talmond, comte de Laval, et de Marie de la Tour d'Auvergne (le P. Anselme, Histoire généalogique des grands officiers de la couronne, IV, t 71), élevé dans la religion pro­testante, commandait un régiment eu 1642 (de la Trémoille, Les la Trémoille pendant cinq siècles, III, 259) et 1643 (de la Trémoille, Chartrier de Thouars, p. 280), et prit part au soulèvement de la noblesse poitevine coutre Mazarin en 1649-1650 (de la Fontenelle de Vaudoré, la Fronde en Poitou. Mem. de la Soc. des Ant. de l’Ouest, t. I, 1835, p. 176-193). Ayant abjuré le protestantisme, il entra dans l'état ecclésiastique et obtint, grâce au crédit de son père (Lettre du duc de la Trémoille du 23 décembre 1662, ap. Imbert, Biographie et correspondance du duc Henry de la Trémoille. Mém. de la Soc. des Anti. de l'Ouest, l. XXXI, 1866, pp. 52- 54), l'abbaye de Charroux, dont il fut pourvu avant le 7 février 1651 (Chéruel, lettres de Mazarin, t. IV, p. 35-36), el plus tard celle de Talmond, dont il fit sa résidence habituelle (Loquet, L'abbaye Sainte-Croix de Talmond ; pp. 140-155). Il mourut en 1681 (Chartrier de Thouars, p. 280). Dans les documents du XVIIe siècle on lui donne toujours le titre de comte de Laval (Cf. sur cet abbé: Grandet, Les Saints Prêtres français du XVIIe siècle, t. I, p. t. 173-182 ; Imbert et Loquet, ouvr. cités; Loquet, Essais histo­riques sur le Talmondais, Ann. de la Soc. d'Emulation de la Vendée, 1901 p. 187-l91).

52. Frédéric-Guillaume de la Trémoille de Talmont, 1681.

Prince de Talmond, neveu du précédent abbé, deuxième fils de Henri-Charles de la Trémoille, prince de Tarente, et d'Amélie de Hesse-Cassel, né en 1668 (Chartrier de Thouars, p. 363). Sa nomination aux abbayes de Charroux et de Talmond fut annoncée par la Gazette de France du 5 avril 1681 (de Granges de Surgères, Répertoire historique et biographique de la Gazette de France, t. III, p. 259). Il se démit de ses bénéfices le 2 avril 1689 pour embrasser l'état militaire (Gallia christiana, II, 1284).

53; Charles Frottier de la Messelière, doyen de Saint-Hilaire de Poitiers, 1689. 

54. François de Crussol d'Amboise, 1727; depuis évêque de Blois et archevêque de Toulouse.

55. N. de Montmorillon, 1759, chanoine; comte de Lyon.

 

 

Voir pour plus d’informations Chartes et documents pour servir à l'histoire de l'abbaye de Charroux / publiés par D. P. de Monsabert

 

 

Tau abbés Abbaye de Charroux (4)

Archéologie

La basilique témoin de ces conciles et de ces fêtes, deux fois brûlée, dut être reconstruite à plusieurs reprises. Mais tout porte à croire que la forme générale demeura telle qu'elle fut conçue par le premier architecte, et que plusieurs parties du monument primitif, non entièrement détruit, furent conservées, d'abord dans la première réédification qui suivit l’incendie relaté par Adémar, en 1014, puis dans la seconde à la suite d'un nouveau désastre arrivé en 1136.

 Evidemment l'ensemble date presque en entier du milieu du XIIe siècle, à part le portail qui serait du XIIIe. Cette conservation de différentes parties de l'ancien édifice et du plan primitif expliquerait comment plusieurs ont pu croire que l'église datait de Charlemagne, et pourquoi la basilique de Charroux est demeurée, dans sa forme, un monument à part, aussi original que remarquable. « Il est permis de croire, dit M. de Chergé, que cette forme fut donnée dès le principe, alors que Charlemagne venait de recevoir d'Aroun les clefs des Saints Lieux et le titre de gardien du saint Sépulcre, alors qu'une médaille représentant ce vénérable monument venait d'être frappée en l'honneur du titre conféré au monarque français, alors surtout que le roi plaçait le morceau de la vraie Croix qu'il avait reçu du patriarche de Jérusalem dans sa nouvelle abbaye, et qu'il mettait celte abbaye sous l'invocation du saint Sauveur. »

Il est certain que l'église fut bâtie sur pilotis, que des canaux adroitement pratiqués sous terre éloignaient l’eau des fondements et la dirigeaient, pour les usages auxquels elle était destinée, dans l'intérieur du monastère.

Dom Fonteneau, qui la mesura en 1758, dit que la longueur totale de l'édifice était à l'extérieur de trois cent soixante-quatorze pieds, ancienne mesure, soit 126 mètres en comptant la sacristie; la largeur des nefs de quatre-vingt-un pieds, soit 27 mètres; et celle du choeur, de forme circulaire, de 45 moires ou cent trente-cinq pieds.

 

Voici le plan et, autant que possible, les détails de cette admirable construction.

D'abord le parvis avec cinq portes, dont trois de face et deux latérales, fortifié militairement dans sa partie supérieure.

Sous ce parvis se trouvaient les orgues et les statues colossales de Charlemagne et de Roger, avec deux inscriptions indiquant que l'un était le fondateur et l'autre le constructeur de l'église.

Le porche, avec ses arcades majestueuses, aux archivoltes semées de feuillages variés serpentant mollement et avec grâce. Chaque cercle de la voûte était orné de crochets terminés par des fleurons de formes diverses, découpés avec une exquise élégance.

L'arcade du milieu était plus grandiose et plus élevée. Sous une archivolte où courait une guirlande légère de roses, venait une première bande ornée de statues assises, représentant quatorze comtes drapés de leurs manteaux et tenant à la main une sorte de sceptre.

La deuxième bande représentait quatorze abbés en habits pontificaux. Chaque statue était en relief, d'une seule pierre d'environ un pied et demi; leur exécution était telle qu'elles mériteraient toutes être dessinées.

Après la seconde bande le porche allait on diminuant et les cercles de la voûte étaient chargés d'anges ayant des encensoirs et des calices, d'hommes et de femmes tendant les bras vers Je Sauveur, de saints occupés à faire des lectures ; enfin les douze apôtres décoraient la dernière bande.

Dans le tympan, le souverain Juge, foulant aux pieds le dragon, était entouré de six anges dont l'un tenait en main la Croix du Fils de l'homme. Sur le linteau de la porte se voyait en bas-relief la résurrection des morts, en sorte que l'ensemble de ce portail figurait le jugement dernier.

Au-dessus du porche régnait un vaste mur percé de quatre ouvertures en demi-cercle, sorte de vomitoires qui donnaient entrée sur la plate-forme du parvis pour favoriser la défense..

En arrière de ce mur s'élevait la tour carrée, servant de clocher, haute de 54 mètres, nouvelle mesure, large de 9 mètres sur chaque face; et surmontée d'une flèche ; à droite et à gauche de la tour s'élevaient deux clochetons en tout semblables à ceux qui décorent la façade de Notre-Dame de Poitiers.

En descendant douze marches, on entrait dans les trois nefs voûtées en plein cintre, séparées entre elles par dix-huit colonnes formant neuf travées.

De la nef on montait par cinq ou six marches dans l’immense choeur de forme circulaire avec ses trois déambulatoires : le premier entre les chapelles et un rang de vingt-deux colonnes ; le second entre ces colonnes et une seconde ligne de quatorze colonnes; le troisième entre ce dernier rang et huit magnifiques faisceaux de colonnes formant le sanctuaire et supportant la tour octogone, haute de 50 mètres, construite pour servir de dôme au maître-autel consacré à saint Maurice.

Sûr cinq côtés on montait à ce sanctuaire par dix ou douze marches circulaires. Le maître autel fait d'une seule table de pierre portant sur quatre blocs, avait par derrière une ouverture et formait une sorte de coffre où l'on mettait les reliquaires.

Il fut brisé au commencement du siècle dernier.

Le choeur, dont l'aspect majestueux imprimait le recueillement, était surmonté de trois voûtes de différents étages au-dessus des trois déambulatoires. Autour du choeur se trouvaient cinq chapelles, avec chacune son abside; dans celle du milieu, plus grande que les autres consacrée à la sainte Vierge, étaient disposées les stalles des chanoines de l’abbaye.

Sous l'autel Saint-Maurice et dans toute la largeur du sanctuaire était la crypte, où l'on pénétrait par deux entrées placées sur les côtés. C'est dans cette crypte que s'élevait l'autel des Miracles. Autour de cet autel, six piliers d'une délicatesse remarquable soutenaient la voûte de la crypte et l'autel de Saint-Maurice.

Près de l'entrée de droite coulait la fontaine dite de Saint-Sauveur, célèbre par les nombreux miracles qui s'y opéraient et par la vénération des fidèles qui venaient chercher dans ses eaux salutaires la guérison de leurs maux. Cette fontaine était alimentée par un puits très profond renfermé dans l'intérieur de l'église ; ce puits recevait lui-même l'eau d'une fontaine située hors de la ville.

Chaque partie de la basilique avait son entrée particulière ; du côté des cloîtres les ouvertures étaient plus nombreuses; l'une d'elles qui conduisait au choeur existe encore parfaitement conservée.

L'abbaye était fortifiée par son église elle-même flanquée de tours. D'autres tours défendaient le monastère ; l'une d'elles, dite tour de l’Aumônerie, se voit encore près d'une des belles portes, formant porche et sous laquelle passe la rue.

Quelle que soit la date exacte de sa dernière reconstruction, la basilique fut de nouveau honorée par la visite d'un autre pape qui en fil la dernière dédicace.

 

 

TROUVAILLE DES RELIQUAIRES.

 M. Ch. de Chergé, inspecteur des monuments historiques de la Vienne, a publié sur l'abbaye de Charroux une notice pleine d'intérêt, qui a été imprimée, en 1836, dans le tome 1er des Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest.

C'est à lui que nous devons le classement officiel de notre tour parmi les monuments historiques.

Ces notes sur le passé de l'abbaye sont en partie extraites de sa notice.

Une découverte vient encore nous rappeler ce que fut l'abbaye et nous donner un échantillon de ces objets précieux qui firent sa prospérité.

Le 9 août 1856, les dames religieuses de Charroux (Ursulines de Jésus dites de Chavagnes) faisaient défoncer l'une des arcades de l'ancien cloître, afin d'y faire pratiquer une porte nécessaire à leur établissement, quand les maçons trouvèrent dans un trou de six pouces carrés, couchés l'un au bout de l'autre, deux magnifiques reliquaires en argent doré, véritables chefs-d'ouvre d'orfévrerie, et contenant encore en partie les dépôts sacrés que des mains pieuses leur avaient confiés.

Depuis quelle époque ces objets étaient-ils cachés dans ce mur? C'est ce qu'il est assez difficile d'établir d'une manière certaine.

 Cependant, jusqu'aux guerres de religion, les moines de Charroux avaient toujours sauvé des pillages dont ils eurent tant à souffrir une partie de leurs plus chères reliques. Il est donc supposable que, les religieux étant surpris par l'attaque de Carbonnière, l'un d'eux cacha précipitamment dans une des arcades du cloître très-proche de l'église deux des reliquaires les plus précieux, et qu'il périt dans le massacre que firent les huguenots, emportant avec lui dans la tombe son secret.

Peut-être même d'autres richesses furent-elles enfouies dans d'autres parties des bâtiments claustraux, où elles peuvent se trouver encore.

Ce qu'il y a de certain, c'est que, bien longtemps avant la révolution de 93, ces trésors sacrés avaient disparu, ainsi que le prouve le passage suivant, extrait d'une petite brochure en ma possession et imprimée en 1719 (1):

 

« Il est vrai que cette ancienne piété est fort déclinée. Les re» liques, ou transportées ou cachées çà et là par diverses révo» lutions, se sont enfin perdues; l'ostension qui s'en faisoit tous » les sept ans avec une procession solennelle ne se connoist plus ; » les indulgences ne s'y cominuniquent plus, etc., etc. »

Aujourd'hui la Providence nous restitue quelques-uns de ces précieux objets, comme pour nous faire souvenir encore une fois que la gloire de Dieu est impérissable et qu'elle surnage au-dessus de toutes les tempêtes de ce monde.

 

PL1

DESCRIPTION DES RELIQUAIRES.

Le reliquaire no 1, planche Ir, a 26 centim. de hauteur; il se divise en deux parties : la première est de forme carrée, en argent doré, a 12 centim. sur chaque face et 4 centim. de profondeur. Les deux surfaces externes sont couvertes de petits rinceaux en argent doré, d'un travail merveilleux, appliqués sur un fond uni doré; quatorze petits losanges en saillie offrent alternativement, sur un fond d'émail noir, une fleur de lis et une espèce de tour ou de porte crénelée en argent. Les deux côtés sont exactement semblables d'ornementation et divisés triangulairement de façon que, le reliquaire étant ouvert, cette forme carrée se trouve inscrite dans un triangle parfait, symbole de la Trinité (v. pl. II). Ces trois divisions de la surface extérieure se ferment par des goupilles qui se tirent à volonté.

 

Abbaye de Charroux Reliquaire aux Anges (2)

Sur la surface interne des trois divisions triangulaires de la façade sont gravées au trait trois figures. Dans celle du haut, encadré dans des filets, on remarque un personnage avec le nimbe crucifère, bénissant de la main droite, et tenant de la gauche un livre appuyé sur son genou; il est vêtu d'une tunique et d'un manteau et est assis sur une espèce de trône. Le fond représente une muraille avec ses pierres échantillonnées. Cette figure est évidemment celle de Dieu le Fils.

Sur les divisions de droite et de gauche est représenté, un moine agenouillé, les mains levées, semblant être en adoration devant la sainte relique. Le fond représente également une muraille. Ces figures sont d'un dessin correct et habile.

Les trois divisions de l'autre côté s'ouvrent comme celles du précédent, et représentent intérieurement trois forteresses crénelées, symbole de la sécurité.

On aperçoit dans l'intérieur de cette espèce de boite carrée deux anges, les ailes ouvertes, parfaitement drapés, la figure rayonnante, élevant dans leurs bras un médaillon ovale. Ils reposent sur deux petits piedestaux de forme ronde, ornés d'une dentelure et fixés à la partie inférieure par deux pointes rivées.

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La figure n°1, planche V, représente cette première enveloppe du médaillon dessinée de grandeur naturelle. Elle est percée d'un quatre-feuille sur les deux côtés et s'ouvre à volonté par deux charnières placées à ses extrémités. Cette enveloppe contient un second médaillon représentant, au trait, sur le côté du couvercle, la figure du Christ avec le nimbe crucifère, tenant une croix d'une main et une fleur de l'autre, ayant à droite l'alpha et à gauche l'oméga, qui signifient que Dieu est le principe et la fin de toute chose. (V. fig. 2, pl. V.)

Abbaye de Charroux Reliquaire sainte Radegonde (2)

Le dessous de ce second médaillon est également orné d'une autre figure du Christ avec le nimbe crucifère, la main droite bénissant, et tenant un livre dans la main gauche. (V. fig. 5, pl. V.)

Ce médaillon s'ouvre par une charnière A en tirant une goupille B. (V. fig. 4, pl. V.) Sur son épaisseur est gravée une inscription latine. (V. fig. 4 et 5, pl. V.)

Dans ce second médaillon s'en trouve un troisième digne du plus haut intérêt par la richesse de son ornementation, les inscriptions qui le couvrent, et la précieuse relique qu'il contient.

D'abord la fig. n° 6, pl. V, représente le couvercle de ce troisième médaillon dessiné de grandeur naturelle. On y voit un personnage autrefois émaillé, avec le nimbe, et entouré de lettres grecques placées les unes au-dessous des autres. Indépendamment de la charnière qui se trouve à la partie supérieure, ce couvercle se fermait par le moyen d'une vis dont on voit encore la trace dans les deux parties de ce troisième médaillon. Sur l'épaisseur de ce couvercle se lit une inscription en caractères grecs émaillés en noir. (V. fig. 7, pl. V.)

L'autre côté de ce troisième médaillon représente deux personnages en émail, nimbés, entourés et séparés par des lettres grecques placées les unes au-dessous des autres. Sur l'épaisseur de ce second côté se lit aussi une inscription en caractères grecs, placée au-dessous de l'inscription, fig. 7, du couvercle. (V. fig. 9, pl. V.)

Dans l'intérieur de cette seconde moitié du troisième médaillon se trouve, sous verre, la sainte relique dont je donne un dessin. (V. fig. 10, pl. V.)

La première partie carrée du reliquaire que je viens de décrire repose sur un pied semblable à celui d'un calice ou d'un saint ciboire : c'est une tige fort élégante se terminant par un pied circulaire sur lequel se dessinent des feuilles trilobées. Un noud orné de losanges et de feuillage divise cette tige en deux parties.

Je crois, d'après le style de l'ornementation, que ce reliquaire appartient au xie siècle; le pied seul pourrait être postérieur à cette époque.

Quelle est la relique contenue dans ce médaillon, et quel en fut le donateur ?

Pour répondre à la première question, je dirai que Mgr Pie, évêque de Poitiers, devant une réunion nombreuse et savante, a fait l'ouverture de ce médaillon, et y a trouvé la relique intacte avec les inscriptions dont j'ai parlé plus haut; l'une d'elles, en latin, est ainsi conçue :« Hic caro et sanguis Christi continetur ; » là sont contenus la chair et le sang du Christ. Les autres inscriptions sont fort difficiles à lire.

Ne serait-ce pas la plus précieuse d'entre toutes les reliques de Charroux, connue sous le nom de caro rubra, St Veu ou Ste Vertu, celle enfin qui attira, pendant tant de siècles , la vénération des fidèles et les largesses des grands et des rois ?

Quant à la seconde question, il est plus difficile d'y répondre; aussi je m'en abstiens. Je crois cependant qu'en fouillant dans le recueil de D. Fonteneau, on pourrait trouver de précieux renseignements à ce sujet. Je ferai observer seulement que les losanges qui ornent la partie externe du reliquaire représentent alternativement une fleur de lis et une tour. Ne sont-ce pas là les armes de France et de Castille ? et pourquoi St Louis n'aurait-il pas donné ou tout au moins fait restaurer ce reliquaire, alors que l'abbaye était au faîte de sa splendeur?

Reliquaire de saint Marc Abbaye de Charroux

Le reliquaire no 2, pl. III, a 38 centim. de hauteur, de sa base à l'extrémité de la croix.

Il se divise en trois parties principales : la première est le couvercle qui était fixé à la seconde par trois goupilles qui devaient se tirer à volonté. Elle a sept côtés; chacun d'eux représente une ogive trilobée surmontée d'un fronton triangulaire orné de crossettes rondes, qui repose sur deux colonnes accouplées nouées ensemble par le milieu. Aux angles de ce fronton sont deux petits clochetons pointus; entre chaque fronton triangulaire et à l'angle de chacun des sept côtés, s'élèvent sept petites tourelles rondes, divisées en deux par une moulure; leur partie supérieure est ornée d'une fenêtre romane et de pierres échantillonnées, et se termine par un toit demi-sphérique surmonté d'un élégant bouton.

Au milieu de ces sept tourelles s'en élève une huitième plus grosse que les autres; elle a deux étages; le second fait retrait sur le premier, et se termine également par un toit demi-sphérique surmonté d'une croix fort gracieuse, dont l'extrémité des branches finie en forme de fleurs. L'étage inférieur de cette tour est percé de fenêtres romanes, et l'étage supérieur, de petits trous semblables à des quatre-feuilles.

Chacun de ces sept côtés est séparé par une petite ogive trilobée reposant également sur des colonnes accouplées nouées ensemble par le milieu.

Dans chaque ogive étaient de délicieuses peintures que je crois sur émail, représentant des personnages sur fond d'or; on voit encore des parcelles de leurs vêtements, mais il serait difficile d'en reconnaitre le caractère. Des perles fines, incrustées dans l'émail, entouraient ces saints personnages, que protégeaient du reste des morceaux de verre ou de cristal de roche.

La seconde partie du vase, sur laquelle repose ce couvercle, est ronde et a 12 cent. de diamètre. Quatre petits médaillons carrés représentant des personnages en métal, d'un dessin parfait, sur un fond d'émail bleu, sont fixés par des charnières aux deux extrémités et divisent cette seconde partie en quatre compartiments égaux.

Je crois que ces médaillons sont autant de petits reliquaires différents. Les personnages qu'ils représentent sont debout : le premier est l'ange de l'Annonciation; le second, la Vierge Marie avec l'Enfant Jésus dans les bras; le troisième, St Jean-Baptiste, et le quatrième, St Joseph.

Le fond de cette seconde partie, qui forme la coupe, est en verre et ne repose que sur quatre statuettes qui me semblent représenter les quatre évangélistes. Ces personnages, d'une exécution remarquable, sont nimbés et tiennent dans leurs mains les saints évangiles. Ils sont fixés à la partie supérieure par des charnières qui permettent de démonter le vase en trois pièces.

Ces figurines reposent chacune sur une branche de vigne ornée de trois feuilles au-dessous desquelles se trouve la troisième partie du vase, qui est d'un beau travail. Elle a quatre côtés séparés par de petits contre-forts d'où sortent des gargouilles et qui se terminent en clochetons.

Chaque côté représente une ogive en forme de fronton à plusieurs lobes reposant sur une petite colonne ronde.

Des personnages peints sur émail décoraient chaque ogive et étaient protégés par du verre, comme à la partie supérieure.

Enfin, une tige élégante supporte tout ce charmant édifice et se termine par un pied circulaire à sept lobes, richement orné de moulures et de pierres fines habilement enchâssées dans des rinceaux où sont enlacés des animaux symboliques.

Ce reliquaire est sans contredit un chef-d'euvre d'orfévrerie, auquel je crois qu'il appartient par les détails de son ornementation.

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Quand le maçon qui trouva ces objets fit l'ouverture de ce reliquaire, il y avait dans l'intérieur trois autres petits reliquaires dont l'un est fort remarquable. (V. pl. IV, fig. 1.)

Il est en argent doré, de forme ronde, et a 45 millimètres de diamètre; il ressemble à une montre ancienne. Un de ses côtés est plat, orné d'une rose et de perles, et porte une inscription fort lisible du reste, mais incompréhensible pour moi jusqu'à cette heure. (V. fig. 2.)

L'autre côté est demi-sphérique et s'ouvre à volonté par le moyen d'une vis. Deux espèces d'anses ornées de perles retiennent une chaine et lui donnent la forme d'un flacon. (V. fig. 3.) Le tour de la boîte, où est fixée la vis, est orné d'une tresse entre deux rangs de perles.

Je suppose que c'était quelque bijou qui se portait au cou et pendait sur la poitrine.

Ce reliquaire contient un fragment d'étoffe assez bien conservé pour qu'on ne puisse pas douter de sa nature. Quant à sa valeur, je m'abstiens encore de me prononcer et n'émets qu'une supposition. Ne serait-ce peut-être pas le fragment du saint suaire donné par Charlemagne, d'autant plus que je crois ce médaillon d'une époque antérieure à celle du grand reliquaire carré?

Les deux autres reliquaires sont deux petits flacons en cristal, mal arrondis, ayant en tout 7 centim. de haut; leurs extrémités sont montées en argent. Le plus gros des deux a été mutilé et ne contient plus rien. Quant à l'autre, il a conservé un corps noirâtre fort visible et un morceau de cordonnet en fil d'argent. Le couvercle, de forme pointue, était attaché à une petite chaînette dont il reste un fragment, et devait se fixer par le moyen de deux petites goupilles.

Maintenant, quelles sont réellement ces reliques? quelle est leur valeur religieuse? Ce sont là, je le répète, des questions qu'il ne m'appartient pas d'aborder; seulement il m'est permis de croire qu'elles ont eu une haute importance, à en juger par la préférence que l'on a mise à les cacher, et par la richesse des reliquaires qui les contiennent.

C'est pour nous, habitants de Charroux, une trouvaille doublement précieuse : d'abord au point de vue de la religion, car nous possédons là des trésors à nuls autres pareils; ensuite, ne sont-ce pas ces reliques qui ont · fait surgir notre ville? n'est-ce pas là son principe de vie? N'est-ce pas encore un nouveau titre de sa gloire passée? hélas ! que trop passée!.....

Nul doute que le clergé, qui veille sans cesse et avec tant de sollicitude au bien de la religion, n'attache à cette découverte, si précieuse pour le cour des fidèles , toute l'importance qu'elle mérite. On ne saurait moins faire pour ces reliques vénérables, que pour les restes de Girard, évêque de Limoges, trouvés il y a quelques années.

Espérons encore que la présence de ce dépôt sacré nous amènera quelques pieux pèlerinages, et ravivera ces dévotions à Saint-Sauveur, dont le souvenir est toujours resté gravé dans le cœur de nos populations.

AMÉDÉE BROUILLET,
Membre titulaire de la Société des Antiquaires de l'Ouest.

 

 

Abbaye de Charroux anneau évêque Geraud

 Cette brochure a pour titre : Exhortation instructive sur la dévotion envers le Sauveur, célèbre à Charroux et lieux circonvoisins, par M. Dalhoüe, curé de ce lieu. Elle est adressée à M. Charles Frottier de la Messelière, doyen du chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand et abbé de Charroux en 1719.

 

 

Charroux Lieux cités dans le testament du comte de Limoges Roger

 

 

Le document capital pour la fondation de l'abbaye de Charroux est sans contredit la seizième pièce du cartutaire de la Société Eduenne, le testament du comte Roger, le fondateur même da monastère.

Malheureusement on peut se poser, avec M. de Lasteyrie, la question de son authenticité, au moins dans sa rédaction actuelle (2).

 Ce que nous avons n'est certes pas l'original, ni même une copie de première main, mais un ensemble de plusieurs pièces, raccordées entre elles par des annotations de copistes (ce qui serait le moindre mal), où se mêlent des réflexions et surtout des affirmations plus ou moins fausses, qui semblent répondre à des préoccupations, de la part des moines, concernant leurs relations avec l’autorité civile et surtout l'autorité religieuse, à l'époque de la rédaction.

Il est cependant relativement facile de discerner dans cette pièce tous les éléments du texte primitif. Avec sa maîtrise habituelle, dom de Monsabert l'a fait dans son édition du Cartulaire de Charroux (3).

A la page 56, la phrase commençant par ces mots : Hec dedit Rotgerius comes peut trés bien se mettre en marge du texte dont elle indique le contenu. Ainsi l’Hec est donatio terrarum de la page 57. Là se terminent les dispositions testamentaires de Roger.

A la suite de ce testament, sans qu'on puisse dire s'il faisait ou non primitivement corps avec lui, on a ajouté le testament particulier d'Eufrasie, femme de Roger, en faveur de l'abbaye. Il commence à Presentis (4) ;  il est précédé d'une petite annonce commençant à Rursus scribendum et se termine également par une note de copiste Hec sunt data (5).

Le passage qui va des mots Deorevimus iterum jnsqu'à Nostamem ad ipsum abbatem, qui oppose très nettement le monastère à l'évêque de Poitiers, l'évêque du diocèse, où se trouve la fondation, parait bien avoir été mis là peur tes besoins de la cause, dans un temps où Charroux était en délicatesse avec son évêque. Cette prétention, qui va jusqu'à décréter d'office la destitution de l'évêque et de ses archidiacres est tout à fait puérile et n'est pas du tout dans le ton d'un testament, où l'on fait des dons gracieux pour le salut de son âme. Et dans le cas où, par impossible, ce passage serait authentique, étonnez-vous après cela que l'évêque de Poitiers ne l'ait pas signé, puisque cette disposition aurait été dirigée contre lui.

Par contre, le passage suivant Nos ad ispum abbatem (6), à part celui où l'on fait appel à l'autorité de Charlemagne parait authentique. Il concerne l'administration intérieure du monastère et l'élection de l'abbé. Rien de plus naturel pour un fondateur d'abbaye que de donner une direction générale à la maison qu'il a fondée. Mais ce qui l'est moins, c'est qu'a l'occasion d'un seul mot, mais quel mot ! le nom de l'empereur Charlemagne, le scribe s'empresse de rappeler, sa façon, les libératités impériales envers son couvent. Il voile à peine cette large parenthèse par ces mots : ut ipsi andivimus et etiam vidimus suscribendam esses in hujus testamenti tenore procuravimus.

Il ne craint même pas de met.tre son texte en opposition avec le début du testament, en affirmant que la fondation est aussi l’oeuvre de Charlemagne (7). On peut, sans crainte de se tromper, affirmer que tout le passage, page 59, qui va de Qui videlicet domnus Carolus jusque, page 60, ces mots : Ergo rursu, est entièrement controuvé. C'est ce que fait dom de Monsabert (8). Tout ce fragment est sans valeur. La fin du texte et en particulier le don d'une chasse contenant un grand nombre de reliques, d'un calice et d'une patène n'a rien que de très normal. C'est ce texte ainsi épuré qui va nous servir de direction pour l'étude de la fondation de l'abbaye de Charroux.

 

Mais, auparavant, un peu d'histoire.

768. Pépin le Bref est mort à Saint-Denis en l’an 768, laissant son royaume à ses deux fils, Charles, ou Kart, et Karloman. Karl, l’ainé, âgé de 26 ans, déjà rompu aux travaux de la guerre, eut la part du royaume la plus difficile à défendre : l'Austrasie, la Germanie, la partie occidentale de la Neustrie et de l'Aquitaine.

769-771. Charles doit refaire la conquête de ce pays révolté à l'appel d'Hunald, son dernier duc.

771. Quelque temps après la campagne contre les Aquitains, Carloman mourait laissant la part de son royaume à son frère Kart, qui régna ainsi en maître incontesté sur l'ancien royaume de Pépin.

778-  C'est en 778 que se place la première campagne de Charlemagne contre le calife de Cordoue. Abdel Rhaman. Appelé par les scheiks arabes du Nord de l'Espagne, Charlemagne traverse toute l'Aquitaine à la tête d'une forte armée.

Dans la mémoire des populations, et plus spécialement des Aquitains vaincus tout récemment, ce passage de troupes restera fortement gravé, et désormais Charlemagne sera inséparable de son armée, considérée toujours comme immense.

Cette même année, la reine Hildegarde mit au monde, à Chasseneuil, Louis, appelé par la suite le Débonnaire, et qui fut aussitôt proclamé roi d'Aquitaine.

 C'est en 778 que Charlemagne organisa définitivement l'Aquitaine. Il la divisa en comtés à la tête desquels il mit des comtes francs, sous l'autorité nominale de son fils, Louis, encore au berceau.

 Ces nouveaux comtés comprenaient le Berry, le Poitou, la Saintonge, le Limousin, l'Auvergne, le Velay, le Périgord, l'Albigeois et le Toulousain.

En tout il y eut neuf comtés, administrés par neuf comtes.

Ceux-ci reçurent en partage l’autorité civile, judiciaire et militaire, et devinrent en fait, comme autant de petits rois, sous l'autorité de Charlemagne.

L'Astronome, le seul auteur contemporain de cet événement, nous donne les noms de quatre d’entre eux : Itier, comte de Bourges ; Humbert, puis Sturbius, comte d'Auvergne; Roger, comte de Limoges.

Les comtes trouvaient devant eux un pays depuis longtemps organisé, ayant ses lois, ses moeurs, ses institutions, et qu'il s'agissait d'assimiler.

Ce ne fut sans doute pas chose facile, car longtemps après, au temps où écrivait Adhémar de Chabannes, c'est-a dire au début du XIe siècle, on distinguait toujours entre l'Aquitaine et la Francie, située au nord de la Loire.

 « Pour le moment, Charles ne toucha pas aux évêques, que leur caractère sacré défendait contre ses entreprises, mais il se réservait bien de leur choisir, quand l'occasion s'en présenterait, des successeurs à son gré ; il se montra moins scrupuleux à l'égard des administrateurs des abbayes, encore peu nombreuses il est vrai, mais toutes relativement puissantes, par l'étendue de leur domaine. Il mit à leur tête de nouveaux abbés, pris aussi parmi ses fidèles francs, et qui, dans la société religieuse, devaient contrebalancer l'influence contraire que pouvaient exercer les évêques (9). »

Voilà donc envisagé au point de vue religieux le rôle des comtes aquitains, et plus spécialement, en ce qui nous intéresse, celui de Roger, comte de Limoges.

Le testament qu'il nous faut maintenant étudier de très prés est daté « du 14e jour des Kalendes de juin, la cinquième année du règne de notre glorieux roi Charles et du règne de son fils Louis, notre seigneur, roi des Aquitains ».

 C'est du moins ainsi qu'on lit ce passage. Mais comment compter la cinquième année du règne de Charlemagne ? Si c'est à partir de la mort de Pépin, 768, nous sommes en 773, et alors l'erreur est manifeste, Louis n'étant né qu'en 778. Si nous comptons à partir de 771, année de la mort de Carloman, nous somme sen 776, et l’erreur est tout aussi flagrante. M. Levillain propose la restitution, peut-être vraisemblable, du mot decimo, oublié par le copiste du XVe siècle, ce qui nous mettrait en l'année 783, 17 mai. On peut aussi penser que la première date, qui suivait le mot Junias, pour une raison ou pour une autre fut omise, et rattacher les mots anno quinto à regnante filio suo Klodoico rege Auitanorum, ce qui, d'une façon comme de l'autre, nous met en t'année 783, le 17 mai. Ainsi tout s'accorderait parfaitement. Comme le fait remarquer très justement dom de Monsabert, « on ne peut rejeter l'authenticité de ce testament, parce qu'une copie de seconde ou de troisième main contient une seule note chronologique défectueuse, tandis que la mention très exacte du double gouvernement de Charlemagne et de Louis atteste un rédacteur connaissant bien la situation de l'Aquitaine à la fin du VIIIe siècle (10).

C'est donc ce document hors pair, conservé jalousement dans les archives de l'abbaye, qui va nous donner la clef de la fondation de notre monastère poitevin.

Voici ce qu'il nous dit : D'abord l'exposé des motifs. C'est par dévotion, de leur propre volonté et par ordre, c'est ainsi du moins que l'on peut traduire cette phrase mal troussée : Ideo devotione  animi, voluntatis ou voluntate) imperii pour voluntatis imperio. Ce dernier mot pourrait bien avoir été ajouté à dessein.

La fondation est aussi te résultat d'une promesse mutuelle entre les deux époux, le comte Roger et sa femme Eutrasie. Despondimus. On a choisi de concert un endroit nommé Charroux, in loco nuncupato Karrofo. Remarquons tout de suite que ce n'est point le fondateur, ni le monastère, qui ont donné à cet emplacement le nom de Charroux, Karrofus, mais qu'au moment de la fondation, cet endroit portait déjà ce nom, ou romain, Carrovicus, ou bien plus probablement celtique, nom qui l'apparente avec le petit fleuve, qui coule en cet endroit la Charente : prope flumen Carantone.

 Dans le langage Welsh, qui est une branche du celtique, couramment parlé dans le pays de Galles et par plus d'un million et demi de Bretons de la presqu'ile armoricaine, on trouve deux formes, qui se rapprochent sensiblement, surtout la deuxième, de la forme Carrof, ou Charroux, c'est Carrickfergaus et Carrowburgh. Ces deux noms de lieux sont formés du radical Craig (en irlandais Carraig) qui signifie une roche, un rocher, et d'une terminaison, qui peut être ford, un gué, burgh, une forteresse, dur, une rivière, wick, une baie, un endroit où l'on peut accoster, rath, un fort, ou enfin rhos, une prairie (11) ».

Le lieu choisi se trouve dans la cité de Poitiers, in urbe Pictavia, sur la frontière du pagus de Brioux, infra terminum Briosinse, ce qui n'offre aucune difficulté.

C'est en cet endroit dénommé Carrof- Carrow, que les deux époux se sont promis d'édifier un monastère in Dei nomine, nous pourrions peut-être traduire «  à la gloire de Dieu » et une eeclesiam in honore sancti Salvatoris sanctissimeque ipsius genetricis, sanctorumque martirum collacandum rogavimus ; il y aura donc Charrous trois vocables, celui du saint Sauveur, celui de la sainte Mère de Dieu, celui des saints martyrs le premier primant les deux autres.

Douze moines devront assurer l'office divin et les fonctions sacerdotales avec une scrupuleuse attention : et monachos duodecim presentialiter ibidem instituimus qui officium sanctum et sacerdolale inibi jugiter exerceant.

On peut se demander pourquoi douze moines. Sans doute par analogie avec le collège apostolique, mais aussi parce qu'à cette époque c'était un usage à peu près répande partout.

A la tête de ce nouveau monastère, Roger, en qualité de patron, a placé un abbé, du nom de Dominique. Il doit rester sub nostra directione. Les moines sont tenus à la résidence et les abbés, qui seront préposés au monastère, devront promouvoir le culte de la religion et vivre selon la règle ; secundum religionis cultum et regulam illie qui preponendi sunt abbates vivere debeant.

Quelle règle suit-on à Charroux? Le document ne le dit pas. Viennent ensuite les dispositions testamentaires de Roger et d'Eufrasie envers le monastère qu'ils ont fondé, et sur lesquelles nous aurons à revenir.

Le passage dans lequel le copiste parle de l'exemption du monastère à l’égard de l'autorité civile et surtout de l'autorité religieuse et qui commence par ces mots, Decrevimus iterum (12), est entièrement faux et controuvé. «  Charlemagne, qui régnait alors, n’aurait jamais supporté cette exemption. Pour lui, le clergé régulier, comme le clergé séculier, doit obéissance à l'évêque (13), d'accord en cela avec les ordonnances des conciles……

 

…………….. En retour de la munificence impériale, les moines sont tenus à une obligation inédite à l'époque : celle de porter au roi quand il vient à Poitiers une paire de gants, deux cierges et deux vases remplis de parfums ; encore faut-il dire que Louis le Débonnaire les en a exemptés, comme d'une obligation inconvenante pour de si grands serviteurs de Dieu.

Avec le passage Ergo rursus Rotgerius et uxor mea Euphrasia, nous rentrons dans la vraisemblable. C'est d'abord le don d'une châsse contenant quam maxima reliquias et d’un calice, muni de sa patène, le tout d'un grand prix.

Mais entre ce paragraphe et celui qui contient les formules de style ordinaires aux testaments et donations, le rédacteur a encore trouvé moyen de reparler de l’organisation actuelle du monastère, de la règle qu'on y suit, et qui, cette fois, est celle de saint- Benoît, et enfin de la protection royale. Tout cela est décousu et fait corps, vaille que vaille, avec le testament primitif.

Enfin les formules ordinaires : demande de prières pour les deux époux, quand ils seront morts, adjuration aux héritiers de laisser sortir leur plein effet à ces dispositions testamentaires, menace de la colère de Dieu contre ceux qui s'y opposeraient, avec condamnation d'avoir à payer 10 livres d'or, 20 livres d'argent aux moines. Tout cela est régulier.

Suivent les signatures de Roger et de sa femme, ainsi que des témoins, parmi lesquels Ericius, évêque de Toulouse (il signa un faux concile de Narbonne, (778), Adebertus, évêque de l'Auvergne, reconnu par Duchesne comme vivant en 785-786.

 

DISPOSITIONS TESTAMENTAIRES DE ROGER EN FAVEUR DE L'ABBAYE DE CHARROUX.

Ces donations s'étendaient sur le diocèse de Poitiers, 15 articles, celui de Limoges, 5 articles, celui de Clermont, 4 articles, celui de Périgueux, 3 articles.

Sur les 27 articles, qui forment la donation de Roger, cinq sont entrés dans son domaine par achat; un, l'article 3, fut probablement acheté, 2 furent donnés au comte Roger, l'un en

Auvergne, l'autre dans le pays de Périgueux. On ne connait pas l'origine des 19 autres.

La donation d'Euphrasie comprend 7 articles, tous situés dans l'Auvergne, d'ou elle était originaire. L'ensemble de ces 34 articles formait pour les douze moines de Charroux une très belle dotation.

Celle-ci date vraisemblablement de 783, c'est a-dire du moment où s'achevaient les constructions du monastère ; en sorte qu'on peut être à peu près sûr qu'il n'y eut point de donation antérieure à celle-là.

Voulant à toute force avoir Charlemagne comme fondateur de leur abbaye, les moines de Charroux ont introduit dans le testament du comte Roger et de sa femme un rappel d'une prétendue donation faite par Charlemagne à leur couvent (p.59). En droit et apriori, il n'y aurait aucun inconvénient à ce que cette donation ait été réellement faite, Charles s'étant montré, à maintes reprises, généreux envers les monastères. Malheureusement, cette prétendue donation est contraire aux documents authentiques, que possédait l'abbaye de Charroux.

 Aussi n'avons-nous pas hésité à considérer tout ce passage comme faux.

Le rédacteur du testament du comte Roger, affirme, page 59, que Charlemagne donna à l'abbaye :

I. Dans le diocèse de Saintes :

1° La Curta Girniacensis ; 2° l'église de Fornes ; 3° la cure de Cressé ; 4° l'église de Saint-Florent avec ses dépendances, qui sont:

5° Le Castrum de Niort ; 6° le Castrum de Columps.

II. Dans le diocèse de Beauvais : 7° l'église de Fresnoy.

III. Dans le diocêse de Reims : 8° la Villa Dominica. Villedomanges.

IV. Dans le diocèse de Meaux : 9° Montigny.

Un peu plus loin, il se reprend, et met au compte à la fois de Charlemagne et de Louis son fils la donation :

1° Au diocèse d'Angers, du monastère de Saint-Saturnin ;

 2° Au diocèse de Saintes, du monastère de Saint-Florent, p. 60. On voit donc par là que le rédacteur, au moins en ce qui concerne le monastère de Saint-Florent, ne sait pas trop à quoi s'en tenir et hésite entre Charlemagne et Louis, son fils.

Dom de Monsabert fait grand cas (et il a parfaitement raison) de la 4° pièce du cartutaire, dont il dit qu'on «la trouve exacte toutes les fois qu'on peut la contrôler ». (Je serais même d'avis qu'elle est de la même main que le premier récit de fondation.) Or, voici ce que dit cette pièce concernant cette donation prétendue de Charlemagne :

« Sur ses biens propres, il (Louis le Débonnaire) donna en toute propriété a l'abbaye de Charroux, dans le pagus de Beauvais, l'église de Fresnoy, dans le pagus de Reims, la villa Dominica, dans le pagus de Meaux, Montigny avec toutes leurs dépendances. »

Dans ce passage, on est donc très affirmatif. Louis seul est l'auteur de ces donations. Mais nous avons mieux que cela. C'est la 6e pièce du cartutaire, intitulée assez à tort Privilegium Ludovici et Lotarii, datée du 13 août 830.

 C'est en fait un acte de donationen faveur de l'abbaye et comprenant justement les articles, mentionnés plus haut, comme étant de la donation de Charlemagne.

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

 

 


Moi, Roger, comte de Limoges, et mon épouse Euphrasie, nous avons souhaité édi¬fier au nom de Dieu un monastère dans le lieu appelé Charroux, en Poitou, dans la circonscription de Brioux, près du fleuve Charente. Nous avons demandé d'édifier ici une église en l'honneur du saint Sauveur et de sa très sainte mère et des saints martyrs. Nous y avons établi douze moines qui y exercent à la fois le saint office et (la charge) sacerdotale et nous avons institué sur cette abbaye (l'autorité de) Dominique, sous notre contrôle …..



TESTAMENTUM ROGERII COMITIS ET EUFRASIE UXORIS EJUS, PRO FUNDATIONE MONASTERII CARROFENSIS

 


In nomine Sancti Salvatoris (2), sub die XIIII. Kal. Junii, regni domini nostri Caroli gloriosi regis sub anno quinto, regnante filio suo domino nostro Lodoico rege Aquitanorum (3), domino et venerabili pontitice in Christo patre Bertrando episcopo , qui Pictavis civitatis ecclesiai Sancti Petri rector prœesse videtur (4), Rotgerius comes et conjux sua Eufrasia. Compellit nos amor cœlestis atque divina dispensatio ut aliquid , pro peccatorum nostrorum cumulo vel animar nostrae refrigerio ac superna retributione, assignare procuremus, qualiter apud pietatem Domini vel quantamcumque veniam mereamur promereri. Pariter pertimescentes casum humanum, et quia nulli finem suum scire Deus permisit, proinde communiter testamentum nostrum condere propria deliberatione disposuimus, vel ipsum scribendum rogavimus. Quod testamentum ipsum si jure civili non valuerit, prae¬torio jure subsistat; quod si jure praetorio stare nequiverit, jam ipsum ad vicem codicis illaesum manere praecipimus (5) ; quod septem testibus ad subscribendum ex more firmatum, vela pluribus signatum,  plenam suscipiat firmitatem.
Quod testamentum amico nostro Bertrando Pictavensi episcopo credidimus com¬mendandum , ita ut, si amborum nostrorum obitus noster advenerit, ipsum testamentum palam prolatum ad ipsos monachos et abbatem, quem per hoc testamentum ibidem instituimus, eis traditum, omnique tempore vigore firmitatis subsistat. Ideo devotione animi, voluntatis, imperii, despondimus in loco nuncupato Karrofo, in urbe Pictava (6), infra terminum Briosensem, prope fluvium Karantonae, monasterium aedificare in Dei nomine, ecclesiam in honore Sancti Salvatoris, sanctissimaeque ejus Genitricis , sanctorumque lnnocentium collocandum rogavimus, et monachos duodecim praesentialiter ibidem instituimus, qui officium sanctum et sacerdotale inibi jugiter exerceant; atque illie Dominicum, sub nostra pariter directione, super ipsam abbatem (7) instituimus :  quem et succeuentes per ordinem ibidem debeant conversare, et secundum religionis cultum et regulam, illic qui praeponendi sunt abbates vivere debent. Huic autem praedictae basilicae memorati cœnohii, viuelicet Karrofl, tam monachis praesentibus quam futuris, cedimus agrum cum omnibus suis appenditiis , et quaecumque de Amelio dato pretio comparavimus, vel quantumcumque nos postea ibidem attraximus, cum terris, aedifleiis, vineis, silvis, pratis, pascuis, aquarumve decursibus, una cum omni facto accolonorum et servorum, quidquid in jamdicto agro nos videmur possidere, et ad nos ex qualicumque attracto pervenerit, totum cum omni integritate ad jam dictam ecclesiam Sancti Salvatoris, et monachis praesentibus et futuris per succedentium vices ..... (8) volo et banc donationem praedicto cœnobio ex proprio jure concedo in pago Pictavensi villam , quae dicitur Genuliacus, cum suis appenditiis, quem nos pariter de Lamberto comparavimus. Similiter cedimus quidquid illic attraximus in villa Flaviacensi, quantum Agilmarius ibidem visus fuit babere et quantumcumque Waldramus ibidem de alodo habuit. Et cedimus praedictee ecclesiae quamdam piscatoriam in fluvio Karantonae factam, quam nos de Viviano proprio pretio comparavimus; et aliam piscatoriam in Vigenna ad Scubontum quam quidam servus noster comparavit; et illum mansum quem de Avellino comparavimus cum omnibus adjacentiis suis. Et in praedieto pago damus praedicto cœnobio curiam de Loa cum ecclesia, et curiam Sancti Martini cum ecclesia, et curiam Castanensis ecclesiae cum ipsa ecclesia, et terram de Riparia, et curiam Saviniacensis ecclesiae , et curiam de Peirol cum ecclesia , et curiam de Suirim cum ecclesia sua, et curiam de Mont cum ecclesia, et terram de Ba , et castrum Bellimontis cum omnibus adjacentiis suis.
Haec dedit Rotgerius comes cœnobio Karrofensi cum suis et omnibus ad illas pertinentibus, cum servis et ancillis hujus terres, natis in pago Pictavensi (9).
Rursus dono (10) in pago Lemovicensi castrum Sancti Angeli cum monasterio et omnibus ecclesiis ad ipsurn pertinentibus; et in praedicto pago curiam Coloniensern cum ecclesiis suis ; et eu¬riarn de Plevix cum ecclesiis suis in Arvernensi pago ; et servos et ancillas , et quidquid ad supradictas curias pertinet. Dono etiam in Lemovicensi pago castrum Netronense cum praefati castri castellania (11), et Cucilagium et Vadrerias. Dono rursus in pago Exedonense Gagiacum et Malamvallem, et mansum Parentiniacum, quem Agoberta et filius ejus Agobertus nobis dederunt; et in Pinicimago quantum de Ebulone proprio pretio com-paravimus. Dono rursus in pago Petragoricensi Castanedum cum suis appenditiis, et quantumcumque ab Alexandria femina, tam in Petragorico, quam in Lemovicensi pago (12); et item in Domicinago mansum illum , quem Galdinus nobis dedit. Do iterum in pago Briocinse, quod nobis traditum fuit in loco nuncupato Vernolio et Hagiaco.
Haec est donatio terrarum , quam fecit Rotgerius consul (13) cœnobio Carrofensi. Rursus subscribendum esse decrevimus, quod domna Eufrasia praedicti comitis conjux pro utrorumque remedio praefato contulit loco (14).
Praesentis generis posteritatem, per generum successionem procreandam, ego Eufrasia, Rotgerii nobilissimi principis atque catholici comitis (15) conjux, admonere volo quatenus non obliviscantur sed potius, si quid boni in bac mundana procellosaque fluctuatione agimus , recordentur. Unde sciant, non ad nostrae humilitatis fragilitatisque extollendam personam, sed ad exemplum et ad catholicae religionis provectum, quod dona quaedam, quae conjux meus in partibus Pictavensium Rotgerius comes constituit, mea irreligiositas pro mei conjugis et meo adipiscendo remedio contulerit Karrofensi. Igitur praedicto cœnobio cedo de mei juris hereditatisque proprio castrum Sancti Yvonis cum omnibus adjacentiis, scilicet cum supposita riberia, et molendinis ex altera parte ; ex altera autem parte cum curia Balanasensi, et cum omnibus sibi pertinentibus. Hoc castrum praedictum in Arvernensi pago constitutum est (16), In ipso autem pago cedo supradicto loco curiam Caldolonii cum ejus adjacentiis, cum servis Liber de constitutione, institutione, consecratione, reliquiis, ornamentis et privilegiis Karroffensis cenobii.


(1) Cet acte a étè publié par Mabillon (Ann. Bened., t. Il, p. 711) d'après un cartulaire aujourd'hui perdu. Nous le réimprimons tel que la donne l'illustre bénédictin; nos notes prouveront en détail ce que nous avons avancé au premier chapitre de notre travail, à savoir que ce testament est une compilation fabriquée, en partie sur des actes authentiques, au plus tôt à la fin du XIe siècle.
(2) Forme d'invocation complètement insolite à l'époque supposée de la confection du diplôme.
(3) Voir ce que nous avons dit plus haut de cette date, p. 13. La Table des diplômes la rapporte à l'an 785, attribuant au règne de Louis le Pieux les mots « sub anno quinto. » Cette interprètation rendrait la date plus admissible, mais clic s'accorde mal avec la construction de la phrase.
(4) Dans les testaments de cette époque qui nous ont été conservés, la date est plus souvent à la fin qu'au commencement de l'acte. On y men¬tionne souvent le roi régnant, mais pas l'évêque. Enfin on trouve gêné¬ralement l'indiction qui manque ici. On en peut voir la preuve dans les principaux testaments contemporains. (Martene, Thes. Anecd., t. 1, p. 20. -Mabillon, De re dipl., p. 516.- D'Achery, Spicil., t. XII, p. 490. -Hist. du Lang., t. 1, pr., col. 38, etc.)
(5) Cette formule prouve que l'auteur du testament avait devant les yeux un acte authentique; mais elle devrait plutôt se trouver à la fin.  
(6) Forte in orbe Pictavo. (Note de Mabillon.)
(7) Corr. abbatiam.
(8) Il y a ici une brusque lacune. Le scribe a pris une phrase d'une autre donation qu'il avait sous les yeux, et il l'a soudée à la suite de l'acte précédent, sans qu'on puisse reconnaitre exactement le point de jonction.
(9) Mabillon a mis cette phrase en italique, cc qui nous parait prouver qu'il la considérait comme une interpolation.
(10) Voici un second acte complètement distinct du premier.
(11) L'emploi du mot castellania en ce sens n'était pas connu sous Charlemagne. On le trouve sous la forme coslania dans plusieurs actes limousins du XI siècle. Il ne devient d'un usage fréquent qu'au XIe siècle. (Ducange, Gloss., V° castellum.)
(12) Suppl, comparavi.
(13) Consul est un titre que l'on rencontre bien rarement dans les chartes, et jamais avant la fin du Xe siècle.
(14) Hoc ... loco. Toute cette phrase a étè mise en italique par Mabillon.
C'est encore une interpolation manifeste. Le fragment d'acte qui suit n'a aucun rapport avec les deux précédents.
(15) Jamais comte, du temps de Charlemagne, n'eût osé prendre un titre si pompeux.
(16) Hoc ..est. Cette incidente parait être une phrase explicative introduite par le scribe pour remplacer quelque autre phrase omise.







Testamentum primum quod Rotgerius comes a Karroffieri iussit vel adfirmare rogavit.

 


Un livre sur la constitution, l'institution, la consécration, les reliques, les ornements et les privilèges du monastère de Charroux.

Le premier testament que le comte Roger a ordonné ou demandé à être confirmé par Charroux.

Ce document aurait été rédigé entre 780 à 790. Voir la préface de l’ouvrage, pages XI à XV, les commentaires sur l’authenticité, le style et quelques remarques sur ce document qui est l’acte de fondation de l’abbaye par le comte de Limoges, Roger et sa femme Euphrasie.

 
In nomine sancti Salvatoris, sub die decimo quarto kalendas lunias, regni domni nostri Caroli gloriosi regis sub anno quineto (1), regnante filio suo domino nostro Clodoico rege Aquitanorum, domno (2) et venerabili pontifici (3) in Christo patri (4) Bertrando (5) episcopo, qui Pictavis civitatis ecclesie sancti Petri rector preesse videbatur, Rotgerius comes et coniux sua Eufrasia.
Au nom du saint Sauveur, le quatorzième jour du calendrier lunaire, la cinquième année du règne de notre seigneur Charles, le roi glorieux,(1) sous le règne de son fils, notre seigneur Clodoius (Louis Ier le Pieux), roi des Aquitains, seigneur(2) et vénérable pontife(3) en Christ le père(4) Mgr Bertrand(5), qui semblait présider l'église Saint-Pierre de la ville de Poitiers, le comte Roger et son épouse Euphrasie.

 Compellit nos amor celestis atque divina dispensatio ut aliquid pro peccatorum nostrorum cumulo vel anime nostre refrigerio ac superna retributione assignare procuremus, qualiter apud pietatem Domini vel quantumcumque veniam mereamur promereri.
L'amour du ciel et la dispensation divine nous obligent à essayer d'assigner quelque chose pour l'accumulation de nos péchés, ou pour le rafraîchissement de nos âmes et pour la rétribution céleste, de quelque manière que nous puissions mériter le pardon du Seigneur, ou combien nous mériter.

 Pariter pertimescentes casum humanum, et quia nulli finem suum scire Deus permisit, proinde communiter testamentum nostrum condere propria deliberatione disposuimus, vel ipsum scribendum rogavimus. Quod testamentum ipsum si iure civili non valuerit, proprio (6) iure subsistat; quod si iure pretorio stare nequiverit, iam ipsum ad vicem codicis illesum manere precipimus; quod septem testibus ad suscribendum ex more firmatum, vel a pluribus signatum, plenam suscipiat firmitatem (7).
Ayant également peur de la chute humaine, et parce que Dieu n'a permis à personne de connaître sa fin, nous avons donc décidé en commun de faire notre testament par notre propre délibération, ou lui avons demandé de l'écrire. Si le testament lui-même n'est pas valide par le droit civil, il existe par le droit propre (6) ; que s'il est incapable de se tenir devant le préteur par la loi, nous lui ordonnons maintenant de rester indemne dans le tour du code; qu'un document dûment confirmé par sept témoins pour souscrire, ou signé à la majorité, assume pleine validité (7).

Quod testamentum amico nostro Bertrando Pictavensi episcopo eredidimus commendendum, ita ut si amborum nostrorum obitus noster advenerit, ipsum testamentum palam prolatum ad ipsos monachos et abbatem quem per hoc testamentum ibidem instituemus eis traditum, omnique tempore vigore firmatis subsistat.
Le testament que nous avons légué à notre ami Bertrand, évêque de Poitiers, est digne d'éloges, afin que si la mort de nous deux devait venir, le même testament publiquement présenté aux moines eux-mêmes et à l'abbé que nous y instituerons par ce testament qui leur est léguée, restera solidement ancrée à tout moment.

Ideo devotione animi, voluntatis (8), imperii, despondimus in loco nuncupato Karroffo, in urbe Pictava (9), infra terminum Briosinse, propre fluvium Karantone,

monasterium edificare in Dei nomine, ecclesiam in honore sancti Salvatoris, sanctissimeque ipsius genitricis, sanctorumque martirum collocandum rogavimus, et monachos duodecim presentialiter ibidem instituimus, qui officium sanctum et sacerdotale inibi iugiter exerceant; atque illie Dominicum sub nostra pariter directione super ipsam abbaciam instituimus; quam et succedentes per ordinem ibidem debeant conversare, et secundum religionis cultum et regulam, illie qui preponendi sunt abbates vivere debeant.
Par conséquent, avec dévouement d'esprit, de volonté (])et de gouvernement, nous nous engageons dans un endroit appelé Charroux, dans la ville du Poitou, construire un monastère au nom de Dieu, une église en l'honneur de Saint Sauveur, en contrebas de la frontière de Brioux proche du fleuve Charente

Huic autem predicte basilice memorati cenobii, videlicet Karroffi, tam monachis presentibus quam futuris, cedimus agrum cum omnibus suis appendiciis, et quecumque de Amelio nostro precio comparavimus, vel quantumcumque nos postea ibidem attraximus cum terris, edificiis, vineis, silvis, pratis, pascuis, aquarumve, decursibus, una cum omni facto accolonorum et servorum, quicquid in iam dicto agro nos videmur possidere, et ad nos qualicumque attracto pervenerit, totum cum omni integritate ad iam dictam ecclesiam sancti Salvatoris et monachis presentibus et futuris per succedencium vices (10) volo esse concessum.
Et à ce susdit couvent, c'est-à-dire Charroux, aux moines présents et futurs, nous cédons la terre avec toutes ses dépendances, et tout ce que nous avons acquis d'Amelio pour notre prix, ou tout ce que nous y avons attiré par la suite avec des terres, des bâtiments, vignes, bois, prés, pâturages, des eaux, ruisseaux, ainsi que tous les biens des colons et des esclaves, tout ce que nous sommes vus posséder dans le champ susmentionné, et tout ce qui nous est venu par quelque attrait, je le ferai de tout mon cœur. intégrité à ladite église de Saint Salvator et aux moines présents et futurs par tours de succession(10) à accorder

Hanc donationem predicto cenobio ex proprio iure concedo: in pago Pictavensi, villam que dicitur Genuliacus, cum suis appendiciis, quem nos pariter de Lamberto comparavimus. Similiter cedimus quicquid illie attraxilus in villa Flaviacensi, quantum Aguimarus ibidem visus fuit habere et quantumcumque Baldrannus ibidem de allodo habuit.
J'accorde de plein droit cette donation au susdit curé : au village de Pictavensi, la ville dite Genuliacus, avec ses annexes, que nous avons aussi acquise de Lambert.
De même, nous cédons tout ce qu'il avait acquis dans la ville de Flavia, autant qu'Aguimarus s'y était vu avoir, et autant que Baldrannus y avait d'allodes.

Et cedimus predicte ecclesie quendam piscatoriam in fluvio Karantone factam, quam nos de Viviano proprio precio comparavimus, et aliam piscatoriam in Vigenna ad Scubortum quam quidam servus noster comparavit, et illum mansum quem de Aboleno comparavimus, cum omnibus adiacenciis suis.
Et in predicto pago damus predicto cenobio curiam de Loa cum ecclesia, et curiam sancti Martini cum ecclesia, et curiam de Castanensis ecclesie cum ipsa ecclesia, et terram de Riparia, et curiam Saviniacensis ecclesie, et curiam de Peirol cum ecclesia, et curiam de Suirim cum ecclesia sua, et curiam de Mont cum ecclesia, et terram de Baec, et castrum Bellimontis cum omnibus adiacenciis suis. Hec dedit Rotgerius comes cenobio Karroffensi cum suis et omnibus ad illas pertinentibus, cum servis et ancillis huius terre nativis in pago Pictavensi.
Et nous cédons à ladite église une certaine pêcherie faite dans la rivière Charente, que nous avons achetée à Viviano à notre propre prix, et une autre pêcherie à Vigenna près de Scubortus qu'un de nos serviteurs a achetée, et ce manoir que nous avons acheté à Aboleno, avec toutes ses dépendances.
Et dans ledit pays, nous donnons audit monastère la curie de Loa avec l'église, et la curie de Saint-Martin avec l'église, et la curie de l'église de Châtain (Vienne)avec l'église elle-même, et la terre de Riparia, et la curie de l'église de Savigny, et la curie de Peirol avec l'église, et la curie de Suirim avec son église, et la cour de Mont avec son église, et la terre de Baec, et le château de Beaumont avec toutes ses dépendances .
Il l'a donné à Rogers, comte de Charroux, avec son peuple et tout ce qui lui appartient, ainsi que les serviteurs et les concubines originaires de cette terre dans le village de Pictaven.

Rursus dono in pago Lemovicensi castrum sancti Angeli cum monasterio et omnibus ecclesiis ad ipsum pertinentibus, et in predicto pago curiam Coloniensem cum ecclesiis suis, et curiam de Plevix cum ecclesiis suis in Arvernensi pago, et servos et ancillas et quicquid ad supradictas curias pertinet. Dono etiam in Lemovicensi pago castrum Nuntronense cum prefati castri castellania, et Cucilagum, et Vadrerias. Dono rursus in pago Exandonense Gagiacum et Malamvallem et mansum Parentiniacum quem Aigoberta et filius eius Aigobertus nobis dederunt, et in Pinicimago quantum de Ebulo proprio precio coparavimus.
Encore une fois, je donne dans le pays de Limoges le château de Saint-Ange avec le monastère et toutes les églises qui lui appartiennent, et dans ledit village la cour de Cologne avec ses églises, et la cour de Pleaux  (Cantal) avec ses églises dans le pays d’Auvergne, et les serviteurs et servantes et tout ce qui appartient auxdits tribunaux. Je donne aussi dans le pays de Limoges le château de Nontron avec le château châtelain précité, et Cucilagum, et Vadrerias.

Donne, encore, dans le village d'Yssandon (Corrèze), Gignac et Malvaux, et le manoir de Peyrignac (au nord-ouest de Terrasson), qu'Aigoberta et son fils Aigobertus nous ont donné, et à Pinicimago nous nous sommes procuré autant d'Eble que notre propre prix.

Dono rursus in pago Petragoricensi Castanedum cum suis appendiciis et quantumcumque ab Alexandria femina tam in Petragorico quam in Lemovicensi pago; et item in Domicinago mansum illum quem Galdinus nobis dedit. Do iterum in pago Briosinse quod nobis traditum fuit in loco nuncupato Vernolio et Hagiaco.

Donne, encore, dans le pays de Perigueux Castanedus avec ses appendices et autant qu'une femme d'Alexandrie, à la fois dans le village de Petragoricense et dans le pays de Limoges ; et aussi ce manoir de la Dominique que Galdinus nous a donné. Je rends au pays de Brioux ce qui nous a été transmis au lieu-dit Vernolio et Hagiacus.

Hec est donatio terrarum quam fecit Rotgerius consul cenobio Karrofensi. Rursus subscribendum esse decrevimus quod domna Eufrasia predicti comitis coniux pro utrorumque remedio prefato contulit loco.

Presentis generis posteritatem per generum successionem procreandam, ego Eufrasia Rotgerii nobilissimi principis atque catholici comitis coniux ammonere volo, quatenus non obliviscantur, sed pocius, si quid boni in hac mundana procellosaque fluctuatione agimus, recordentur. Unde sciant, non ad nostre humilitatis fragilitatisque extollendam personam, sed ad exemplum et ad catholice religionis provectum que dona cuidam quod coniux meus in partibus Pictavensium Rotgerius comes constituit, mea irreligiositas pro mei coniugis et meo adipiscendo remedio, loco, contulerit Karroffensi. Igitur predicto cenobio cedo de mei iuris hereditatisque proprio, castrum sancti Yvonii cum omnibus sibi adiacenciis, scilicet cum subposita riberia et molendinis ex altera parte, ex altera autem parte cum curia Solanacensi (11) et cum omnibus sibi (12) pertinentibus.

Hoc castrum predictum in Arvernensi pago constitutum est. In ipso autem pago cedo supradicto loco curiam Caldolonii cum eius adiacenciis, cum servis et ancillis. Cedo rursus in ipso pago curiam Molongie cum ecclesia sua, et curiam Perusie cum ecclesia, et curiam Nobiliaci cum ecclesia sua, et curiam Firminaci cum ecclesia sua, et curiam Gadinacensem cum ecclesiis suis, et omnibus sibi pertinentibus.

Hec sunt data Karroffensi cenobio ab (13) venerabili coniuge Rotgerii (14) comitis Eufrasia in pago Arvernensi.

Decrevimus iterum ego Rotgerius (15) et uxor mea Eufrasia pro refrenanda malorum insania, seu laïcorum, seu diversorum prelatorum, ut nullus episcopus, non etiam qui ad presens Pictavensi urbi prefertur, nec aliquis succedencium potestatem super ipsum cenobium aut super monachos ipsius cenobii exercere audeat. Non etiam illue veniat, nisi tantum pro facienda oratione; sed si invitatus fuerit et petitus a monachis, illuc venire habeat licenciam pro aliquo beneficio illis collaturo.

Igitur, si necesse fuerit, episcopus ipsius sedis scaerdotes ipsius cenobii et ordinet et benedicat, absque ullo tamen premio; et hoc, infra claustrum ipsius monasterii, si tamen abbas iusserit. Et si, quod absit, predicte sedis pontifex aut archidiaconus graves super ipsos esse voluerint, aut contrarii fuerint, vel supertitiones iniustas eis imponere tentaverint (16), aut de rebus quas nos pro anime nostre remedio ad prefatam casam Dei delegavimus aliquid auffere voluerint, nullatenus liceat.
Quod si contra ius et sanctum agere voluerint, pontificie dignitatis apicem episcopi, archidiaconi vero archidiaconatus officium pariter amittant. Nos tamen ad ipsum abbatem quem illie preesse voluimus, videlicet Dominicum, vel ad monachos presentes vel futuros, tale dedimus privilegium; quod si presenciam domni principis expetere eis necesse fuerit, licenciam habeant.
 Quia sic de Domini misericordia confidimus, quod gloriosus domnus noster Carolus, et ceteri post eum venturi, si ipsi monachi recte vixerint, eos iubeant deffensare (17) et tueri, quatenus ad corum mercedis augmentum possit pertiner. Et illud nobis complacuit, ut quando abbas ex ipso monasterio, ut se habet humana condicio, de hac luce Domino vocante migraverit, ipsi monachi per consensum domni regis inter se regulariter eligant abbatem, talem videlicet qui secundum Deum vel ordinem sanctum ipsam congregationem ad Dei voluntatem perficiendam regat et taliter disponat, qualiter ipse et grex sibi commissus Dei voluntatem in omnibus adimplere studeant.
Et dum Christo propricio ipsa congregatio secundum Deum inter se regulariter abbatem invenire vel eligere potuerint, qui eos, ut diximus, iuste et modeste regere possit, minime extraneus abbas super eos imponatur, qui ipsam congregationem contrarietatibus opprimere possit, vel conturbationibus contubet (18).
 Et nulli umquam ex (19) parentele nostre obtentu, vel cuilibet extranee persone licenciam permittimus, ut ullam repetitionem adversum abbatem ipsum vel monachos inquirere possit, nec de rebus illis, quas ibidem in mercedis nostre augmentum delegavimus, abstrahere vel minuere omnimodis prevaleat: sed liceat eis quieto ordine vitam illorum emendare, et pro stabilitate domni nostri regis Caroli et prolis ipsius ac tocius populi christiani et pro nobis misericordiam attencius indesinenter exorare.

Qui videlicet domnus Carolus sepedictum locum quamplurimis ditavit donationibus, tam interris quam in preciosis ecclesie ornamentis; quod ut ipsi audivimus, et etiam vidimus, subscribendum esse in huius testamenti (20) procuravimus.

Igitur  predictus domnus Karolus (21) qui prefatum locum per manus nostras edificandum precepit, cessit huic loco in episcopatu Xanctonensi curtam (22) Girniacensem cum omnibus sibi pertinentibus, et ecclesiam de Fornis, et curiam Cressiacensem, et ecclesiam S. Florencii, cum terris sibi adiacenciis, videlicet cum castro Niortensi, id est vicariam ipsius castri et censum et vendituras omnium rerum ipsius castri cum ecclesiis et sepultura; et castrum quod dicitur Columps (23) in pago Alniensi; in pago Belvacensi Fraxinetum (24) ecclesiam; et in pago Remensi Villam Dominicam; in Meldensi quoque territorio Montiniacum cum cinctis attinentibus (25) sibi rebus.

Par conséquent, le susdit seigneur Charles (21) qui a ordonné que le lieu susdit soit construit de nos mains, a cédé à ce lieu dans l'épiscopat de la cour de Saintes (22) de Jarnac avec tout ce qui lui appartient, et l'église de Forni, et le curia de Cressé, et l'église de S. Florence, avec ses terres adjacentes, c'est-à-dire avec le château de Niort, c'est-à-dire le presbytère du château lui-même et le recensement et les ventes de toutes les choses du château lui-même avec les églises et l'enterrement; et le château appelé Coulon (23) dans le pays de l’Aunis; l'église de Fraxinetum (24) dans le village de Belvacense ; et dans le village de Remensi, Villa Dominica; sur le territoire des Montiniacs à Melden, aussi, avec les choses leur appartenant encerclées (25).


 Hec perpetualiter possidenda tam ipse quam gloriosus filius eius Ludovicus eidem Karroffensi cenobio delegavit, cum monasterio sancti Saturnini, quod est constructum in Andegavensi pago, cum monasterio sancti Florencii martiris constructum in pago Xanctonico (26).

Nec illud silencio tegimus quod predictus domnus Carolus in prefato retinuit loco: istud scilicet quod quando in Pictavensem urbem veniet, ipsi monachi prefati cenobii afferant illi gantos unos et duos cereos cum duabus botis nectare plenis, nec amplius ab eo vel ab alio aliquo ab illis exigendum est. Istud tamen beate memorie Ludovicus domni Caroli filius totum remisit, indignum iudicans quod domus seu familia Deo proprie dicata humanis applicaretur obsequiis.

Ego rursus Rogerius et uxor mea Eufrasia cessimus predicte ac Deo dicate ecclesie capsam nostram, ubi quam maximas reliquias recondere fecimus et calicem cum patena obtimum (27), plurimaque dona illi actribuimus et constituimus, atque prefecimus cenobio illi abbatem, virum relogiosum nomine Dominicum, cum duodecim monachis, ipsum autem tercium decimum; ut inspirante divina gracia, sub regula sancti patris Benedicti vivere studeant. Unde plaenit nobis, quamdia viventes fuerimus, prefatum locum sub nostra tuitione esse locandum; quia quanto magis per eum laboravimus, tanto magis eum deffensare (28) atque tueri oportet.

 Itaque post obitum amborum, tam mee coniugis quam meum, tutela atque deffensione potestateque regia precipimus deffensandum; qualiter ipse abbas vel predicti monachi ab ipso tutamentum vel deffensionem per Dei adiutorium expectentes (29), et cum omni quiete seu transquillitate vivere debeant, et pro stabilitate ipsius regis vel fidelium eius, ac facinorum nostrorum remedio, et pro eis qui eleemosynarum (30) suarum largitione ad memoratam casam Dei vel ad ipsam congregationem impedant, vel impensuri sunt, die noctuque melius ac propensius eis delectet in auribus Domini sabaoth (31) precum simulque orationum vota omni nixu fundere.

Petimus igitur sanctitatem omniam presencium seu futurorum, ut quod nos ipsi congregationi in nostra proprietate concessimus, vestro adiutorio habere mereantur. Placuit etiam, quod si ulla opposita persona, aut qualiscumque Deo contrarius, conatus fuerit contra voluntatem nostram abire (32) tentaverit, aut irrumpere meditatus fuerit, aut ipsis monachis parvam aut modicam rem subtrahere voluerit, primitus iram Dei omnipotentis, in cuius honore nos hec predicta dona ipsi loco delegavimus, se potiri sciat, at alienus a divina cognitione videatur et etiam habeatur; et insuper reddat predictorum monachorum exactoribus auri libras decem, argenti pondera viginti.
 Ut hec voluntas nostra omni tempore tam presenti quam futuro firma perduret, ab omnibus quoque firmitate subnixa. Denique predictum monachorum sanctitas atque sollicitudo, cum necesse fuerit post abbatis obitum alterius (33), eligat personam, qui non improvide suos corrigat sujectos, sed provide quibus dignum fuerit, compatiatur. In illis etiam quorum merita exigunt, utatur ferro abscissionis, ut ita, que corrigenda sunt corrigat, et que mulcenda sunt, mulceat : quatinus (34) per prelati sollicitudinem subiectorum humilitas celestem subeat celsitudinem ibi mansura per infinita seculorum spacia. Amen.

Signum Rotgerii comitis qui hoc testamentum fieri iussit. Signum Eufrasie. Signum Aricii episcopi Tholosane sedis (35). Signum Beniamin Xanctonice episcopi (36)? Signum Adaberti Arvenensis episcopi (37).
 Signum Ebroini comitis. Signum Amalfredi comitis. Signum Sansonis comitis. Signum Abraham digni abbatis. Signum Martini. Signum Iohannis. Signum Galterii. Signum Benedicti. Signum Ingenalri (38). Signum Adalgarii. Signum Trimelaici. Signum Effraym presbyteri. Signum Icterii monachi. Signum Bertrici monachi. Signum Baseni monachi. Signum Bosonisi (sic) presbyteri. Andraldi (39). Signum Arnaldi. Signum Ananie.

 

Karroffum: Charroux.
Urbe Pictava: Poitiers.
Briosinse: Brioux, Deux-Sèvres.
Fluvium Karantone: la rivière Charente.
Pagus Pictavensis : Poitou.
Genuliacus : Genouillé, Vienne.
Flaviacensis villa : lieu non identifié.
Vigenna : la rivière Vienne.
Scubortum : lieu non identifé sur les bords de la Vienne.
Loa : Alloue, Charente.
Sanctus Martinus : Saint-Martin l’Ars, Vienne.
Castanensis : Châtain, Vienne.
Riparia : La Rivière, commune du Châtain, Vienne.
Saviniacensis : Savigné, Vienne.
Peirol : Payroux, Vienne.
Suirim : Surin, Vienne.
Mont : lieu non identifié.
Baec :
Bellimontis : Beaumont, commune de Saint-Pierre d’Excideuil, Vienne.
Pagus Lemovicensis : Limousin.
Sanctus Angelus : Saint-Angel, Corrèze.
Coloniensis : Collonges, Corrèze.
Plevix : Pleaux, Cantal.
Pagus Arvernensis : Auvergne.
Nuntronense : Nontron, Dordogne.
Cucilagum : lieu non identifié en Limousin.
Vadrerias : lieu non identidié en Limousin.
Exandonense : Yssandon, Corrèze.
Gagiacum : Gigniac au nord de Brive.
Mala vallis : Malvaux
Parentiniacum : lieu non identifié en Limousin.
Pinicimagum : lieu non idenifié en Limousin.
Pagus Petragoricensis : Périgord
Castanedum : lieu non identifié en Périgord.
Domicinagum : lieu non identifié en Périgord ou Limousin.
Vernolium :  lieu non identidié près de Brioux, Deux-Sévres.
Hagiacum : lieu non identidié près de Brioux, Deux-Sévres.
Sanctus Yvonius : Thiers, Puy-de-Dôme.
Solanacensum : peut-être Solagnat, Puy-de-Dôme.
Caldolonii curia : lieu non identifié en Auvergne.
Molongia : lieu non identifié en Auvergne.
Perusia : Lapeyrouse, Puy-de-Dôme.
Nobiliacum : Noalhat, Puy-de-Dôme.
Firminaci curia : lieu non identifé en Auvergne.
Gadiniacum : Gannat, Allier.
Girniacensis curia : Jarnac-Champagne, Charente-Maritime.
Fornis : Fournes, Charente-Maritime.
Cressiacus : Cressé, Charente-Maritime.
S. Florentius : Saint-Florent, Deux-Sèvres.
Niortensis : Niort, Deux-Sèvres.
Columps : Coulon, Deux-Sèvres.
Pagus Alniensis : Aunis.
Pagus Belvacensis : Beauvaisis.
Fraxinetum : Fresnoy, Oise.
Pagus Remensis : région de Reims.
Villa Dominica : Villedomange, Marne.
Meldensis : Meaux, Seine-et-Marne.
Montiniacum : Montignac, Charente.
Sanctus Saturninius : Saint-Saturnin-sur-Loire, Maine-et-Loire.
Pagus Andegavensis : Anjou.
Sancti Florencii : Saint-Florent, Deux-Sèvres.
Pagus Xanctonicensis : Saintonge

(1) B. quinto. (2) B. domino. (3) B. pontifice. (4) B. patre.
(5) Bertrand, évêque de Poitiers, n’est connu que par ce document et par la lettre apocryphe ou remaniée de Léon III, également insérée dans le Liber de Constitutione.
(6) corr. pretorio.
(7) Formule usitée dans les testaments dès l’époque romaine et qui n’était pas encore tombée en sésuétude à la fin du VIIIe siècle. (Cf. Zeumer, Formulae Merowingici et Karolini aevi, p 585, 586.) M. de Lasteyrie (l.c., p90) dit qu’elle devrait se trouver à la fin de l’acte; cependant on la trouve aussi au commencement, ainsi qu’il paraît par la première formule de testament dans le recueil des formules wisigothiques éditées par Zeumer (l.c.). Il est à noter qu’au lieu de ad vicem codicis illesum on trouve ordinairement ad vicem codicillorum. Peut-être y a-t-il une faute de copiste dans le texte que nous publions.
(8) B. voluntate.  (9) B. Pictavense.
(10) Après vices s’arrête le texte publié par Mabillon et M. de Lasteyrie. Ces deux mots esse concessum sont omis et une nouvelle phrase commence avec volo. Dérouté par l’incohérence du texte ainsi écrit et se fiant trop à l’édition de Mabillon, M. de Lasteyrie a suposé une lacune importante et émis cette hypothèse que “le scribe avait pris une phrase d’une autre donation qu’il avait sous les yeux et l’avait soudée à la suite de l’acte précédent, sans qu’on puisse reconnaître exactement le point de jonction” (l.c., p 91, n.1); en réalité, il y avait seulement deux mots omis dans la copie défectueuse dont  se servait Mabillon.
(11) B. Solomacensi. (12) B. suis. (13) B. a. (14) B. Rogerii. (15) B. Rogerius. (16) B. temptaverint. (17) B. defensare. (18) B. perturbet. (19) B. omet ex. (20) B. ajoute tenore. (21) B. Carolus (22) C. curtem. (23) B. Colum. (24) B. Fraxinetam. (25) B. actinentibus. (26) B. Santonico. (27) B. optimum.  (28) B. defensare, et plus loin defensandum  et defensionem. (29) B. expectantes. (30) B. elemosynarum. (31) B. Sabbaoth. (32) B. adire. (33) B. alterius obitum. (34) B. quatenus.
(35) Ericius, évêque de Toulouse, paraît parmi les signataires du concile de Narbonne de 788 (Monumenta Germaniae Historica, Concilia, t. II, p 830); mais il est douteux qu’il soit le destinataire d’une lettre de Charlemagne. (Duemler, Epistolae Karolini aevi, II...
(36) B. Santonice. Inconnu par ailleurs.
(37) Vivant en 785-786 (Duschesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, II, 38-39).
(38) B. Ingelatri. (39) B. ajoute Signum devant Andraldi.



Urbain II confirme les possessions et les droits de son monastère à l'abbé Pierre de Charoux (D. Poitiers), qu'il prend sous protection apostolique.



  Urbanus episcopus servus servorum dei dilectissimo filio Petro, monasterii Karroffensis abbati, eiusque successoribus regulariter substituendis in perpetuum. Ad hoc nos, disponente domino, in apostolice sedis servicium promotos agnoscimus, ut eius filiis auxilium implorantibus efficaciter subvenire et ei obedientes tueri ac protegere, prout dominus dederit, debeamus. Unde oportet nos, venerabilibus locis manum protectionis extendere et servorum dei quieti attencius providere.
Tuis igitur votis et peticionibus, fili in Christo dilecte abbas Petre, nostre benignitatis aurem accommodantes sancti salvatoris venerabile monasterium, in Pictavensi parrochia constitutum, quod Karroffense dicitur, in tutelam et protectionem apostolice sedis excipimus, sicut a pie memorie predecessoribus nostris Leone nono et Alexandro secundo constat fuisse susceptum (2).
Per presentis itaque privilegii paginam apostolica auctoritate statuimus, ut quecumque hodie idem cenobium iuste possidet, sive in futurum concessione pontificum, liberalitate principum vel oblatione fidelium iuste atque canonice poterit adipisci, firma tibi tuisque successoribus et illibata permaneant. In quibus hec nominatim duximus exprimenda : burgum videlicet ipsi monasterio adiacentem cum ecclesiis et parrochiis suis, ecclesiam de Aneis, de Plevilia, de Genulliaco, de Sivraco, de Lubiliaco, de Enarciaco cum terra de Podio calvo, ecclesiam de Messeum (!), de Maslerant, de Marciliaco, de Bellomonte, de Argentum (!), de Clareia, de Monts, de Pairizac, de Goia, de Chel, de Excietis, de Malo presbitero, de castello Garnerii, de Solmeria cum Brenaco, de Suirim, de Benaicis, de Loa, de Claromonte, de Bello loco, de Camboiria, de Adaco, ecclesiam sancti Fremerii, sancti Maxencii, sancte Marie et sancte Sophie de Niorto cum parrochia sua, sancti Leodegarii, sancti Cirici, sancte Marie de Corrum cum ecclesiis et parrochia sua, sancti Nicholai de Montmorlun, sancti Martini Arsi, item sancti Martini de Heremo, de Tursaco, de Baciano.
Par les privilèges actuels, nous établissons donc le page par autorité apostolique, afin que tout ce que le même cénobium possède de droit aujourd'hui, soit qu'à l'avenir il puisse être obtenu justement et canoniquement par la concession des pontifes, par la libéralité des princes, ou par l'offrande des fidèles, qu'elle demeure ferme et inviolable pour vous et vos successeurs.
 Dans lequel nous avons décidé d'exprimer cela par son nom: à savoir, la ville adjacente au monastère lui-même avec ses églises et ses paroisses, l'église d'Aneis, de Plevilia, de Genulliaco, de Civray, de Lubiliaco, d'Enarciaco avec la terre de Podium calvo, l'église de Messeum (!), de Maslerant, de Marciliaco, de Beaumont, de Argenton (!), de Clareia, de Monts, de Pairizac, de Goia, de Chel, de Excietis, de Malos presbytère, de château Garnerii , de Solmeria cum Brenaco, de Suirim, de Benest, de Loa, de Claromonte, de Bello loco, de Camboiria, de Adaco, l'église de St. Fremerius, Saint Maixent, Sainte Marie et Sainte Sophie de Niort avec leurs paroisse, Saint Léger ou Liguaire, St. Ciricus, St. Marie de Corrum avec leurs églises et paroisse, St. Nicolas de Montmorlun, St. Martin d'Arsi, ainsi que St. Martin de Heremo, de Tursaco, de Baciano.

 In Lemovicensi (Limoges) episcopatu monasterium castri Rochecoardi cum cimiterio, monasterium sancti Angeli cum castro et ecclesiis sibi pertinentibus, ecclesiam de Colongia, de Magnaco, de Monsterio, de Cella, de Tellicio, de Oratorio, de Asnerias, ecclesiam sancte Eulalie, sancti Germani, sancti Vincencii, castrum de Nontrum (!) et monasterium cum ecclesiis suis.
Dans le épiscopat de Limoges le monastère du château de Rochechouard avec le cimetière, le monastère de Saint Ange avec le château et les églises qui lui appartiennent, l'église de Colongia, de Magnac, de Monsterio, de Cella, de Tellicio, de l'Oratoire, d'Asnerias, l'église de Sainte Eulalie, Saint Germain, Saint Vincent, le château de Nontron (!) et le monastère avec ses églises.
In Xanctonensi (Saintes) pago ecclesiam de Gerniaco (Jarnac), de Marnaco (Mornac), de Cadenaco, ecclesiam de Ribaniaco, de Claum, de Fornes, de Solumnagnas, de Cressiaco (Cressé), de Colums, de Avia, ecclesiam sancte Columbe, sancte Leverine, sancti Florencii, sancti Bibiani (Saint Bibien).
In Petragoricensi (Périgueux) monasterium sancti Petri de Sorziaco (Sourzac) cum appendiciis suis, ecclesiam sancte Columbe, sancti Egidii (saint Gilles), sancti Petri Belli, ecclesiam novam de Fractoioco, de Landas.
In Caturcensi (Cahors) monasterium de Montepesato cum appendiciis suis, de Bono loco, de Misericordia dei.
In Ageunensi (Agen) ecclesiam de Vitraco, de Artaudo, de Marganona.
 In Engolismensi (Angoulême) ecclesiam de Voloerta, ecclesiam sancti Petri de Cellafrin cum appendiciis suis, de Fontanilias, de Canurrech, de Farguncoco, de Donzenaco, de Sivrace monasterio, de Caleias.
In Burdegalensi (Bordeaux) ecclesiam de Stella, de Ribaniaco.
In Andegavensi (Angers) ecclesiam sancti Saturnini de Cella (Saint Saturnin de la Celle) cum appendiciis suis.
In Belvacensi (Beauvais) ecclesiam de Fraxineto cum altari suo, de Odonis curte.
In Remensi (Reims) ecclesiam de Villa dominica cum altari suo.
In Tarvanensi (Térouane) abbatiam que dicitur Ham (14), et ecclesiam de Burreria, de Aloamnia, de Andria.
In Nicholensi episcopatu Anglie, monasterium de Bardonaco, ecclesiam de Stantunaco, de Curfo, de Scatusbeio.
In Bituricensi (Bourges) ecclesiam de Monterolo.
In Arvernensi (Auvergne) castellum sancti Yvonii, abbatiam Ucioderensem, ecclesiam de Cadilogio, de Molangia, de Nobiliaco, de Crosogilo, de Perusia (Lapeyrouse), de Gadiniaco, de Plevix (Pleaux) cum possessionibus et pertinentiis earum. Supradictorum quoque pontificum vestigiis insistentes interdicimus, ne diocesis ipsius episcopus, nisi ab abbate invitatus, in eodem monasterio missas publicas an consecrationem vel ordinationem quamlibet agat, neque sanctiones indicat, neque paratas vel mansionaticos exinde requirat, salva hospitalitatis susceptionis gratia competenti.
Ad haec etiam, quia ipsius ecclesiae altare, domino largiente, nostris est manibus consecratum, adicientes statuimus, ut preter apostolice sedis pontificem nullus deinceps audeat in idem altare excommunicationis aut interdictionis proferre sentenciam. Propterea  decernimus, ut nulli omnino hominum liceat, eandem ecclesiam temere perturbare aut eius possessiones invadere vel auferre vel ablatas retinere, minuere vel temerariis vexationibus fatigare, neque fratribus, neque his, que eorum sunt, pravos usus dominationis vel cuiuslibet exactionis imponere, sed omnia integra conserventur eorum, pro quorum sustentatione ac gubernatione concessa sunt, usibus omnimodis  profutura.
Obeunte te, nunc eiusdem loci abbate, vel tuorum quolibet successorum, nullus ibi qualibet surreptionis astucia vel violencia preponatur, nisi quem fratres communi consensu vel fratrum pars consilii sanioris secundum dei timorem et beati Benedicti regulam elegerint. Sane si quis in crastinum archiepiscopus aut episcopus, imperator aut rex, princeps aut dux, comes, vicecomes iudex aut ecclesiastica quelibet secularisve persona huius privilegii paginam sciens contra eam temere venire temptaverit, secundo terciove commonitus, si non satisfactione congrua emendaverit, potestatis honorisque sui dignitate careat, reumque se divino Judicio existere de perpetrata iniquitate cognoscat, atque a sacratissimo corpore ac sanguine dei et domini nostri Jesu Christi alienus fiat, et in extremo examine districte ulcioni subiaceat.
Cunctis autem eidem loco iusta servantibus sit pax domini nostri Jesu Christi, quatinus et hic fructum bone actionis percipiant et apud districtum iudicem premia eterne pacis inveniant.



Remarques


 
Cette bulle a été extraite d’un petit cartulaire en parchemin conservé dans les archives de l’abbaye de Charroux. La date a été omise par l’auteur du cartulaire, l’original n’est plus au trésor. — Il est parlé dans cette bulle de la consécration de l’autel de l’abbaye de Charroux faite par Urbain lui- même en 1096 le 10 Janvier (vergl. Jaffé, Reg. p. 466). Ainsi la date ne peut être pour le plutôt que de cette année.


 

 

 Étude sur les comtes et vicomtes de Limoges: Antérieurs à l'an 1000 De Robert de Lasteyrie

Charroux : Abbaye Saint-Sauveur : son abbaye, ses reliquaires

     Les anciens sires de Lusignan, Geoffroy la Grand'Dent et les comtes de La Marche : recherches historiques sur le moyen âge en Poitou / Farcinet, Charles (1824-1903)

Bulletins de la Société des antiquaires de l'Ouest

 

 

 

 

 

==> Fiche Révision - le Moyen-Age (de 476 à 1492)

==> Prosper Mérimée pour la sauvegarde de l’Abbaye St Sauveur de Charroux et sa Tour Charlemagne

==> Niort l’ancien castellum incendié en 1104 et reconstruction du Donjon Poitevin Plantagenêt.

 

 

 


 

(1) Septembre 989, don fait à l'abbaye de Bourgueil par Guillaume-fier-à-bras du village et de l'église de Saint-Christophe de Longèves (arr. et cant. de Fontenay-le-Comte, Vendée), de Saint-Michel Le Cloucq (cant; Saint-Hilaire-aux-Loges, arr. Fontenay-le-Comte), et de quelques maisons aux Loges de Fontenay (ib.), cf. M. DUPONT, p. 19 et p. 174.

(2). Etudes sur les Comtes et Vicomtes anterieurs à l’an 1000.

(3). Archives historiques du Poitou, t. XXXIX, Introduction, page 11.

(4). P. 57.

(5). P. 58.

(6). P. 58.

(7). P. 59

(8). Introduction, page XIII.

(9). Richard, Comtes de Poitou, t.I, p.2, in 4°. Paris, Picard

(10). Introduction, page XII.

(11). Isaac Taylor, Words and Places, London, 1864 p.237, 272 et 508.

(12) Cartulaire de Charroux, p.58.

(13) Dict.arch. Art. Charlemagne, fasc. XXVI. P.720.