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PHystorique- Les Portes du Temps
5 février 2024

Eléonore Desmier d'Olbreuse l'aïeule Poitevine de la famille royale Windsor d'Angleterre

Eléonore Desmier d'Olbreuse l'aïeule Poitevine de la famille royale Windsor d'AngleterreVoici l'histoire étonnante de Mlle Eléonore Desmier d'Olbreuse, l'aïeule poitevine de la famille royale d'Angleterre.

Elle est la belle-mère de George 1er, le fondateur de la dynastie actuelle des Windsor d'Angleterre, et la grand-mère de George II.

Elle est née en 1639 au château d'Olbreuse, situé à 25 kilomètres au sud de Niort, entre Mauzé-sur-le-Mignon et Usseau, à proximité de la forêt de Chizé et du Marais Poitevin.

Le château d'Olbreuse, ce n'est pas une demeure prétentieuse mais, tout simplement, une demeure de seigneur terrien, qui avait, autrefois, pour vocation d'accueillir la population de la contrée en cas de danger.

La guerre de Cent Ans et les grandes Compagnies le virent s'équiper de quelques meurtrières.

Les guerres de religion, vécues ici de près, à ce carrefour du Poitou et de la Saintonge, lui donnèrent lustre et renommée.

Le château d'Olbreuse, tel qu'il se présente aujourd'hui à nos yeux, ne semble guère différer des antiques gentilhommières qu'habitaient les hobereaux de l'ancien régime, au cœur de la campagne, au milieu de leurs paysans.

Pour retrouver le plan primitif du château, il faudrait passer par-dessus les guerres de religion, les incendies, les vicissitudes du temps. On verrait alors les quatre tours flanquant les trois ailes d'une simple et robuste résidence seigneuriale.

Malgré les services rendus par cette famille, humblement et fidèlement, dans les armées des rois de France, entre autres Charles VIII, Louis XII, François ler, Henri III, Henri IV ; malgré aussi les quatre fleurs de lys accordées par le roi Jean le Bon au chevalier Jean Desmier, ornant ainsi le primitif blason écartelé d'azur et d'argent, des fieurs de France ; malgré enfin leur ancienneté, les noms des aïeux immédiats des Desmier demeurent lettre morte pour les étrangers au Poitou : les Poussard, les Baudouin, les Gaillard, les Mathefelon, les Tarquez, les de la Jaille et les Mas de l'Isle n'ont pas laissé de traces dans les annales de l'humanité.

Toutefois, il suffit de pousser plus loin en arrière pour retrouver quelques célèbres races de la grande noblesse féodale : les La Rochefoucauld, les Clermont, les Maillé, les Montfort l'Amaury, les Lautrec, les Thoire-Villard, les Garlande et les Albret.

Et aussi plusieurs chanceliers de France : Pierre La Brosse, Pierre d'Orgemont, et enfin des soldats illustres : Bertrand du Guesclin, les sénéchaux Anseau de Garlande, et Thibaut de Blois, les connétables : Mathieu de Montmorency, Dreux de Mello, Amaury de Montfort, sans oublier les gens de robe, comme les Boucher, les Bureau et Gentien.

Les Desmier étaient de sang purement français, sauf une petite goutte portugaise, probablement juive, provenant d'un Rodrigo Fonseca, égaré au Poitou sous Louis XI.

Malgré cette ancienneté, les Desmier et le château d'Olbreuse, n'attireraient plus l'attention, s'il n'y avait eu l'étrange destin d'Eléonore Desmier d'Olbreuse : l'arrière-grand-mère de l'Europe.

Son histoire et celle de sa fille Sophie-Dorothée sont un véritable roman, qui a inspiré Pierre Benoît pour son « Kœnigsmark », roman qui commence à 01breuse et prend fin dans une chambre royale au fond de l'Allemagne.

La position importante qu'Eléonore Desmier d'Olbreuse occupa au XVIIe siècle et l'illustre descendance qu'elle a laissée, ont souvent attiré l'attention des historiens de France, d'Angleterre et d'Allemagne.

 Mais ce sont surtout les ascendances françaises de la reine Elisabeth II d'Angleterre que le public français peut être curieux de connaître, surtout au moment du mariage du prince Charles, héritier de la couronne d'Angleterre, avec lady Diana Spencer.

 Les caprices du hasard généalogique sont grands. On s'attendrait de prime abord, à saluer un cortège de rois.

Cependant, le premier représentant de la France que l'on découvre en remontant la filière des générations ascendantes dans la maison de Windsor, c'est cette simple demoiselle de petite noblesse, Eleonore Desmier d'Olbreuse, née en 1639, morte en 1722, qui a séduit, très honnêtement, par ses charmes, son intelligence et sa beauté le duc de Brunswick-Lunebourg : George-Guillaume.

Elle est aussi l'aïeule des familles royales de Prusse, d'Allemagne et des Romanov de Russie, rayées de la scène politique à la fin de la guerre de 1914 à 1918.

A partir ces Valois, les Desmier, comme bien d'autres en Aunis, étaient liés avec la cour de France.

On rencontre dès lors leurs noms à la tête des Compagnies d'hommes d'armes qui, longtemps, constituèrent le fond de l'armée française.

Les Desmier d'Olbreuse embrassèrent le parti de la Réforme, et s'y maintinrent obstinément, même après la conversion d'Henri IV.

l'arrière-grand-mère d'Eléonore eut ses terres pillées et la moitié de son château brûlé, ce qui explique en grande partie l'état actuel de celui-ci dont ne demeure qu'à peine la moitié. Son grand-père était lieutenant général dans l'armée protestante de Soubise et il périt avec un ce ses fils dans une embuscade.

Le père d'Eléonore, Alexandre Desmier d'Olbreuse, épousa le 16 septembre 1631 Jacqueline Poussard de Vandre, dont il eut quatre enfants : ceux fils et deux filles : Alexandre, Charles, Angélique qui épousa le prince Henri V, comte de Reuss-Burck, et Eléonore, qui nous intéresse ici :

Elle est née dans ce château d'Olbreuse le 9 janvier 1639. On sait peu de choses sur son enfance et sa jeunesse.

Elle vivait à Olbreuse entourée de l'affection de ses parents. Ils lui donnèrent toute l'éducation qu'ils étaient capables de lui offrir. Les parents, qui admiraient les brillantes qualités de leur fille, cherchaient les occasions de la produire dans la noblesse du pays.

C'est ainsi qu'Eléonore, ayant fait à Thouars la connaissance des princesses de La Trémoille, fut demoiselle d'honneur de la duchesse douairière qui la céda ensuite à la princesse de Tarente, née Emilie de Hesse, mariée à Henri-Charles de La Trémoille, prince de Tarente.

Cette Dame ne l'eut pas plutôt vue, qu'elle en fut fort satisfaite, disant tout haut, que cette jeune demoiselle méritait bien la belle réputation qu'elle s'était acquise en sa province. Comme elle la trouva à son goût, elle la demanda avec beaucoup d'empressement à ses parents, leur promettant de lui former l'esprit et les mœurs, et qu'elle prendrait un soin très particulier de lui faire sa fortune.

Ses parents qui ne demandaient que l'élévation de leur fille, reçurent cette proposition avec beaucoup de joie et de reconnaissance envers la princesse, qui avait la bonté de donner sa protection à cette jeune demoiselle.

Comme il est d'ordinaire aux grandes dames d'aimer les belles personnes et que cette princesse avait la réputation de n'avoir que des filles bien faites de corps et d'esprit auprès d'elle, cela ne l'empêcha pas de distinguer bientôt la jeune Eléonore de ses filles d'honneur et de prendre un soin particulier de la façonner à son goût et de faire cultiver les belles qualités naturelles qu'elle possédait.

C'était une grande fille, dont la taille était majestueuse, le corps très délié, le maintien agréable, l'air noble, et toute ses manières d'agir très engageantes. Elle avait de grands yeux bien fendus, pleins d'une vivacité languissante ; le tour du visage assez rond, les cheveux noirs, le nez bien proportionné, et la bouche ornée de dents fort blanches.

Elle avait la gorge bien taillée et assez pleine, le teint fort vif et assez blanc ; les mains fines ainsi que les bras.

Toutes ses manières d'agir sentaient l'enjouement du printemps de son âge et la portaient à badiner quelques fois agréablement, ce qui ne l'empêchait pas pourtant de rentrer, quand elle le voulait, dans le sérieux, et de prendre une humeur autant douce que complaisante.

La beauté de son génie, qui était vif et pénétrant, autant qu'agréable, surpassant encore la beauté de son corps, n'a pas moins servi à la produire dans le monde, avec cette grâce qu'elle avait reçue de la nature pour plaire aux yeux de tous ceux qui la regardaient.

Elle aimait extrêmement la conversation, et elle y recevait l'applaudissement des personnes spirituelles qui l'écoutaient, tant pour les jolies choses qu'elle y disait, que pour la belle manière de les dire, Elle aimait la raillerie, mais elle le faisait si délicatement, qu'elle n'offensait jamais ses compagnes.

En un mot, elle avait l'esprit si gai et si enjoué, que les personnes les plus sérieuses et mélancoliques ne pouvaient s'empêcher de se réjouir et de badiner avec elle.

Elle avait une forte passion pour la danse et elle y réunissait admirablement bien, de sorte qu'aucune fille de qualité ne pouvait pas mieux danser qu'elle le faisait. Surtout, elle divertissait souvent la princesse de Tarente et sa compagnie par ses danses poitevines et cham pêtres qu'elle avait apprises dans sa tendre jeunesse.

Quand cette princesse accompagna son mari à la cour du roi de France, Louis XIV, elle y emmena Eléonore dont on admira le charme, l'esprit et la vertu. Elle avait, en effet, une vertu huguenote qui déplut fort à quelques « Blondins » en quête d'aventures.

Il est à présumer, que si elle eût demeuré plus longtemps à cette cour de France, plusieurs seigneurs se seraient déclarés en sa faveur et l'auraient, par un avantageux mariage, élevée à une dignité au-dessus de son rang et de son bien. Mais sa destinée la conduisait ailleurs.

En effet, pour le prince et la princesse de Tarente, la Religion Réformée, était, à la cour de France, un obstacle pour entrer dans les grandes charges et pour participer aux plus grands honneurs de l'Etat.

Aussi, ils passèrent donc en Hollande, avec Eléonore qui ne voulait pas quitter sa protectrice. Son charme fit des ravages dans la noblesse hollandaise. Mais elle montra rapidement que son cœur était difficile à conquérir.

Cependant en 1663 à la cour de Landgrave de Hesse, elle rencontra le duc de Brunswick-Zell. Cette rencontre devait changer sa destinée. George-Guillaume de Brunswick-Zell était le second fils du duc de Brunswiçk-Lunçbourg.

Caractère noble, mais léger, il passa sa jeunesse en plaisirs et voyages. Prince régnant, et libre de ses actes à 17 ans, le plus clair de son temps s'écoula en Italie où il mena une vie relâchée et fastueuse, marquant une prédilection pour le carnaval de Venise et ses courtisanes. Inutile de dire qu'il délaissait les affaires publiques et résidait fort peu à Hanovre.

Pour le « fixer », son entourage décida de le marier à Sophie Stuart, arrière-petite-fille de Marie Stuart, et de ce fait prétendante au trône d'Angleterre.

Les fiançailles une fois conclues, George-Guillaume, partit aussitôt dans sa chère Venise, où il fit de tels excès qu'il se sentit obligé de rompre ses engagements, et proposa à son frère Ernest-Auguste d'épouser Sophie à sa place. Il lui assurait une pension considérable et garantirait sa succession à ses neveux, car il ne se marierait jamais !. Ernest-Auguste accepta, et le mariage conclu, les jeunes mariés résidèrent à Hanovre avec George-Guillaume. Ce ménage à trois dura trois années pendant lesquelles l'amitié des deux frères ne se démentit jamais.

Quand Ernest-Auguste et sa femme l'eurent quitté pour prendre possession de l'évêché d'Osnabruck, George-Guillaume se sentit seul, et commença à regretter de ne pas avoir épousé Sophie.

Il se remit à voyager, et ainsi rencontra Eléonore d'Olbreuse. L'esprit et la beauté de celle-ci firent une forte impression sur George-Guillaume et sur Jean-Frédérick son frère cadet. De longs mois, les deux frères lui firent la cour, mais finalement Jean-Frédérick, craignant les emportements de son aîné, lui laissa le champ libre. George-Guillaume, de plus en plus épris, suivit Eléonore en Hollande, et chaque jour se faisait plus pressant.

 Il lui offrit même un mariage morganatique, ne pouvant faire mieux avec les engagements pris avec Ernest-Auguste.

Sur les conseils de la princesse de Tarente, Eléonore finit par accepter ces propositions.

George-Guillaume passa tout l'hiver à La Haye en compagnie de sa fiancée; mais-une nouvelle inquiétante lui parvint d'Allemagne : Jean-Frédérick, à la mort de son frère aîné, Christian-Louis, s'était emparé de la succession au détriment de George-Guillaume : ambition politique et vengeance d'amoureux !.

George-Guillaume dut revenir en Allemagne, et l'été se passa en négociations entre, les trois frères. Finalement on signa un traité : George-Guillaume obtenait le duché de Lunebourg et Zell, Ernest-Auguste le duché de Hanovre, et Jean-Frédérick le comté de Depholbz.

Après bien des intrigues entre Ernest-Auguste, sa femme Sophie et George-Guillaume, le mariage de ce dernier fut conclu.

Eléonore épousa George-Guillaume sous le titre de comtesse de Harbourg, pour satisfaire les scrupules et remplir l'engagement écrit.

L'union fut des plus heureuses : quatre filles naquirent, seule l'aînée Sophie-Dorothée, née le 15 septembre 1666, vécut.

Les qualités d'Eléonore avaient transformé George-Guillaume qui, de débauché, devint un prince sage et bon. Plus de décisions, sans en parler à son épouse. Mais la duchesse Sophie commença à jalouser sa belle-soeur Eléonore, qu'elle avait prise pour une femme sans influence.

Une haine mortelle s'empara de son esprit. C'est elle qui fut, en grande partie, la cause des malheurs d'Eléonore et de sa fille Sophie-Dorothée.

Les Brunswick, grâce à leur cour brillante et à leur politique, prenaient une importance croissante, si bien que l'on commença à rechercher la main de la fille d'Eléonore, cette riche héritière âgée de 10 ans.

Des pressions furent exercées pour que le mariage de. George-Guillaume soit rendu public. Le 2 avril 1676, Eléonore Desmier d'Olbreuse devint réellement duchesse de Brunswick-Lunebourg et de Zell, et reconnue comme princesse du Saint-Empire romain et germanique, fondé au Xe siècle, et comme épouse légitime d'un rejeton d'Henri Le Lion, le fondateur au XIIe siècle de la maison Ducale de Brunswick.

Henri Le Lion, duc de Saxe et de Bavière, épousa Mathilde d'Angleterre (1156-1189),  une fille d'Henri II Plantagenêt et d'Aliénor d'Aquitaine.

 

C'est pourquoi ceux-ci sont aussi les aïeux français d'Elisabeth II, la reine d'Angleterre, grâce au mariage d'Eléonore d'Olbreuse avec ce prince de la maison de Brunswick :

La main de la fille d'Eléonore, Sophie-Dorothée, fut demandée par le fils du prince Antoine-Ulrich de Wolfen-Buttel, cousin du duc de Zell.

Ernest-Auguste et l'évêque d'Osnabruck l'apprirent par leurs espions. La réunion de ces deux familles et de leurs domaines pouvaient devenir redoutable pour Ernest-Auguste. Aussi manœuvra-t-il pour changer ces dispositions, et absorber la fortune et les domaines de Sophie-Dorothée au profit de George-Louis, son fils.

En 1680, le mariage fut signé en dépit des larmes de Sophie-Dorothée qui n'éprouvait qu'aversion pour son brutal cousin germain George-Louis, et contre la volonté d'Eléonore qui, pour la première fois, se heurtait à l'autorité inflexible de son mari.

Sophie-Dorothée n'avait rien d'une femme d'intrigues. Ses parents l'avaient élevée avec amour, développant sa bonté, sa sensibilité, la noblesse de son âme.

George-Louis, au contraire, menait la vie des camps et des cours depuis l'âge de 15 ans. Son caractère était bizarre, renfermé, d'un abord glacial. Il était très orgueilleux et jaloux de son indépendance, mais en politique, tenace dans ses desseins.

Le mariage fut célébré le 2 décembre 1682. Et immédiatement une antipathie mutuelle se fit jour. George-Louis méprisait cette épouse de 16 ans que sa mère lui avait appris à dédaigner. Sophie-Dorothée ne pouvait aimer cet époux insensible et brutal.

Cependant, un fils naquit dix mois après le mariage ; George, le futur George Il d'Angleterre, puis une fille, Sophie, la future reine de Prusse. Ces événements ne changèrent en rien la conduite de George-Louis qui guerroyait au loin ou entretenait, à la cour même, quelques-unes de ses maîtresses.

Sophie-Dorothée comprit vite la triste vérité et convaincue de son impuissance à se faire aimer de son époux, elle préféra demeurer solitaire dans ses appartements, au milieu des fêtes de la cour qui ne servaient qu'à étaler les triomphes de ses rivales.

Dans l'isolement moral, loin de ses parents, de ses amies, cette jeune duchesse allait devenir le jeu de Philippe de Kœnigsmarck.

Elle l'avait connu étant enfant, et il est impossible que Kœnigsmarck ait déjà éprouvé de l'attachement pour elle. Lorsqu'il arriva à Hanovre, il avait la réputation d'un franc libertin au physique avantageux de « beau ténébreux »..

Ernest-Auguste le nomma colonel en 1691, et Sophie-Dorothée renoua avec lui les relations de son enfance. Cette amitié suscita des haines mortelles au sein de la cour. L'intrigante comtesse de Platen, maîtresse d'Ernest-Auguste et ancienne maîtresse de Kœnigsmarck, jalouse de Sophie-Dorothée, commença à épier les moindres actions de son ex-amant. George-Louis était en plus brutal avec sa femme et il jalousait Kœnigsmatck qui se posait en chevalier servant, sans pour autant mettre fin aux aventures amoureuses qu'il avait toujours menées.

Des scènes violentes avaient lieu dans le palais. George-Louis voulut même un jour étrangler sa femme contre la muraille.

Elle prit la fuite et demanda asile à sa famille qui la renvoya chez son mari. Sa situation devenait affreuse. Repoussée par son père, vainement défendue par sa mère, brutalisée par son mari, poursuivie par la haine d'Elisabeth de Platen, indifférente aux allemands qui voyaient en elle une étrangère, son seul ami était cet étourdi de Kœnigsmarck qui devait la perdre.

De cet amour impossible à réaliser, tout un échange de correspondances enflammées s'échangea entre ces deux cœurs malheureux, en voici quelques-unes :

 De Kœnigsmarck :

« Je vous aime à l'adoration. Ma conduite sera telle comme vous le désirez. Mon ange, c'est pour toi seule que je vis et que je respire.

Soyons de même sentiment, et aimons-nous à la folie. »

De Sophie-Dorothée :

 « Je ne parle à personne, et à peine suis-je partie, que vous oubliez tout ce que vous m'avez promis, et que vous vous consolez avec des dames, qui me haïssent mortellement. Non, rien ne peut vous excuser et rien au monde est si désobligeant. Vous avez mille prétextes pour vous défendre ; cependant vous y avez été. Les réflexions m'accablent, et si vous saviez tout ce qui me passe par la tête, je vous ferais pitié. J'étais charmée de votre tendresse, je me trouvais plus heureuse que la reine de l'univers, d'avoir un amant comme vous. Je me flattais de n'avoir rien à craindre, et voilà tout mon repos troublé. Je tremble pour l'avenir. »

De Kœnigsmarck :

« Pourtant je ne veux croire, que vous ayez l'âme assez basse, car qu'est-ce que j'ai fait pour me haïr ! Est-ce que je vous aime trop, que cela vous incommode, ou est-ce que ma jalousie vous importune. Si cela vous fait d'être quitte de moi, il faut vous abandonner, car je vous dirai franchement que tandis que je vous aimerai, j'aurai de la jalousie, et plutôt que de souffrir votre coquetterie et le moindre pas qui ne soit pour moi, je vous abandonnerai plutôt. »

De Sophie-Dorothée :

« Je me moque de toute la terre pourvu que nous nous aimions tous deux. Je vous le ferai connaître, et que je ne balancerai jamais à tout abandonner pour vous. Vous me tenez lieu de tout, et toutes les grandeurs du monde me déplairaient, si je ne pouvais les partager avec vous. »

De Kœnigsmarck :

« Hier au soir, vous étiez jolie comme un ange, et je m'enivrais du plaisir de vous voir; mais il me semblait que vous n'étiez point assez occupée de moi : quelle folie que de m'abandonner comme je fais à tous les sentiments que vous m'inspirez, sans savoir seulement si vous savez bien aimer. Vous faites-vous une idée aussi charmante du plaisir d'aimer et d'être aimée que celle que je m'en fais ? Si vous saviez combien j'ai relu de fois l'endroit de votre lettre où vous me dites que je ne trouverai jamais personne qui m'aime de si bonne foi que vous !

Mes yeux seront les premiers qui vous feront voir l'amour qui est dans mon cœur. Adieu, charmante princesse, je ne voudrais plus faire autre chose que vous voir, vous parler et vous, je laisse le soin à votre imagination d'achever. »

De Sophie-Dorothée :

« Je ne peux m'empêcher de vous aimer d'une manière si tendre et si véritable que je sens bien qu'il me sera impossible de cesser jamais de vous aimer. Quel malheur, Mon Dieu ! et quelle honte de vous aimer sans être aimée, cependant c'est mon destin. Je suis née pour vous aimer et je vous aimerai tant que je serai au monde. »

De Kœnigsmarck :

« Il n'y a qu'une seule personne, si fort au-dessus des autres qu'il n'est pas permis aux hommes de lever les yeux jusqu'à elle; et c'est cette personne que mon cœur choisit pour aimer ; j'en serai bientôt puni, Madame, car il est impossible que je résiste à l'extrême agitation que je sens. Tous mes sentiments se combattent ; je veux et je crains en même temps que vous voyiez la passion qui m'entraîne malgré moi.

Je ne saurais vivre un moment sans vous, et cependant je n'oserais que si aller dans les lieux où vous êtes : quand j'y suis, je n'oserais vous parler. Je tremble en vous regardant, je détourne sans cesse mes yeux de dessus vous, et je les y le trouve toujours; je crains toute la cour et je vous crains plus que toutes les autres ensemble ; je voudrais parler sans cesse de vous et je n'oserais seulement nommer votre nom.

» Ah ! Madame, si j'osais que de choses j'aurais à vous dire. Si je suis assez malheureux pour que la plus ardente, la plus respectueuse passion qu'on ait jamais sentie vous offense, contez-le au prince, montrez-lui cette lettre, et par pitié perdez-moi tout d'un coup, car, vous ayant déplu, je ne veux plus de la vie. »

De Sophie-Dorothée :

« Dites-moi seulement : je vous aime, et cet aveu qui ne vous coûte que trois mots va me rendre la plus heureuse des femmes. Je porte votre anneau et ne cesse- de le couvrir de baisers. » :

 

Au printemps 1694, Koenigsmarck décida de se rendre à la cour de l'électeur de Saxe, et pour se faire pardonner son proche départ, rendit de fréquentes visites à Sophie-Dorothée.

En juin, George-Louis, avant de partir en voyage, déclara à sa femme qu'il allait demander la séparation, car « c'était trop se contraindre » !. A peine avait-il quitté Hanovre que Sophie-Dorothée se rendit à Zell supplier ses parents de donner leur consentement à cette séparation. George-Guillaume refusa, et sa fille dut retourner à Hanovre.

La vindicative comtesse de Platen apprit la dernière qu'elle était la risée de tout le château. Mais ce jour-là la perte du comte de Kœnigsmarck et de la duchesse Sophie-Dorothée fut décidée.

Le samedi soir 1° juillet 1694, Kœnigsmarck, de retour de Saxe, trouva un billet écrit au crayon d'une main tremblante : « Ce soir après 8 heures, la princesse Sophie-Dorothée attendra le conte de Kcenigsmarck ».

Sans méfiance, il se rendit au rendez-vous et ce fut une princesse, très étonnée de sa visite, qui le reçut.

Pendant ce temps, Elisabeth de Platen, auteur du billet, se rendait chez l'électeur de Hanovre et obtenait de son amant de faire fermer à l'instant le palais, afin de s'emparer de Kœnigsmarck.

Puis choisissant quatre forbans, la comtesse les plaça en embuscade dans une gigantesque cheminée pour leur triste besogne. Elle se cacha derrière une tapisserie, en attendant Kœnigsmarck qui revenait de chez Sophie-Dorothée. Traversant la salle, tout en fredonnant, Kœnigsmarck se heurta à la porte fermée, revint sur ses pas. Et c'est alors qu'il tomba sous les coups des quatre assasins. Il est mortellement blessé, la tête fracturée, la poitrine traversée. Il crie, avant de s'évanouir : « Epargnez la princesse, elle est innocente !.» On le traîna tout sanglant jusqu'à la comtesse Platen. Elle se pencha, le regarda à la lueur d'une bougie. Il revient à lui, la reconnut, voulut lui jeter à la face ses crimes, la comtesse lui piétina la bouche, il mourut en murmurant le nom de Sophie-Dorothée. La comtesse fouilla ses poches, puis le fit traîner et recouvrir de chaux vive dans le fond d'une ancienne et vaste cheminée que l'on mura.

La famille de Kœnigsmarck, étant puissante en Europe, il fallut d'abord étouffer l'affaire, puis enlever Sophie-Dorothée à ses derniers protecteurs. On montrera des lettres volées au cadavre de Kœnigsmarck, où la pauvre princesse laissait éclater son indignation contre la faiblesse et l'indifférence de son père, les brutalités de son mari, la méchanceté de son entourage.

Terriblement éprouvée par la mort tragique de son ami d'enfance et confident, elle gardait cependant une fierté et une hardiesse qui la firent craindre. On décida de l'écraser. Une cour consistoriale s'assembla pour la juger. Elle protesta vainement de son innocence, et si bien qu'il n'y eût pas d'adultère, George-Louis réussit à tourner la loi et à obtenir l'incarcération de sa femme. Aussitôt, on la conduisit à la triste forteresse d'Ahlden. Tout était fini pour elle : une prison sévère devait être son unique horizon pour le reste de sa vie !.

Deux pièces, un petit jardin enserré entre des marais ; et si elle voulait sortir en carrosse, une troupe de soldats l'accompagnait. Son unique adoucissement était la visite de sa mère Eléonore. Malgré l'interdiction de son époux, et son grand âge, Eléonore se traînait régulièrement jusqu'à la forteresse d'Ahlden auprès de sa fille.

Dans le carrosse cahottant sur les routes d'Allemagne, sous la voûte basse du ciel gris germanique, son cœur devait évoquer son gai Poitou au ciel haut et si bleu en la doulce France de son enfance !. Où l'on conduit l'honneur et la gloire !. et pour finir la tristesse !.

Et maintenant, après ce drame, voyons comment Eléonore est devenue la tête de file d'une descendance illustre :

En 1714, à la mort de la reine Anne de la dynastie Orange d'Angleterre, qui avait eu 10 enfants, tous moissonnés prématurément par la mort, en droit l'héritier du trône était le fils de Jacques II, descendant de la branche aînée des Stuart. Mais, celui-ci étant catholique, l'« Act Settlement », interdisant aux princes catholiques d'accéder au trône, désigna l'électeur de Hanovre, George, descendant protestant de Jacques 1er par sa mère, Sophie Stuart, décédée subitement.

Débarquant en Angleterre, flanqué de ses grasses maîtresses, ce quinquagénaire pansu, aimait avant tout la bière, le punch et les grosses femmes. George Ier, le premier roi hanovrien de cette nouvelle lignée d'Angleterre, méprisé de ses nouveaux sujets, préférait son duché allemand à son trône anglais. Mais il était protestant : c'est ce que voulaient les Anglais. Ce roi médiocre, dont les successeurs hanovriens furent aussi médiocres que lui-même, ne parlait pas la langue anglaise, renoncera vite à toute initiative, et favorisera ainsi l'établissement du gouvernement parlementaire.

Eléonore ne put même pas obtenir l'élargissement de sa fille. Et pourtant l'Angleterre s'intéressait au sort de la princesse Sophie-Dorothée qui, au lieu de partager la couronne des Stuart, restait emprisonnée dans une tour au fond de l'Allemagne.

 Les enfants de Sophie-Dorothée : le prince de Galles George, et sa fille Sophie, qui était devenue reine de Prusse en épousant le roi Frédéric-Guillaume Ier, firent tout ce qui leur était possible pour faire sortir leur mère de la prison où elle se mourait lentement dans la solitude. George Ier ne voulait rien entendre !.

Quant à Eléonore, elle perdit son mari en 1705. Mais, la vieillesse s'annonçant, elle « congédia » sa cour de Lunebourg, et alla s'installer au château de Zell, plus proche de la forteresse d'Ahlden. Devenue presque aveugle, elle dut cesser de visiter sa fille. Elle mourut le 5 février 1722, âgée de 83 ans.

Cette mort privait Sophie-Dorothée de sa seule amie. Sa santé s'altéra rapidement. Le 18 octobre 1726, elle dut s'aliter, et le 13 novembre à 11 heures du soir, les geôliers d'Ahlden n'eurent plus besoin de veiller : Sophie-Dorothée était morte à 59 ans, après 32 ans d'emprisonnement.

Les états de Hanovre ordonnèrent un deuil public, mais George Ier, roi d'Angleterre, refusa des funérailles à sa femme. Il fallut l'enterrer dans les jardins de la forteresse d'Ahlden. Mais la rivière déborda, et le cercueil de la duchesse dut réintégrer les caves du château, jusqu'à ce que George Ier, qui craignait la mort, décida de la faire enterrer décemment.

Un jour de mai 1727, le corps quitta clandestinement la forteresse et fut descendu auprès de celui d'Eléonore dans la crypte de la cathédrale de Zell. Mais la mère du futur George II d'Angleterre, la grand-mère du grand Frédérick de Prusse, se vit refuser une inscription sur sa tombe.

Cependant son époux, George Ier, roi d'Angleterre, n'avait pas trouvé le repos pour autant. Malade de tant de débauche, tourmenté, il espérait que son Hanovre natal lui rendrait la santé.

Au début de juin 1727, il arriva à la frontière. Comme il faisait beau temps, il avait gardé les fenêtres de son carrosse ouvertes.

Soudain un homme lui lança une lettre sur les genoux. A la lueur d'un flambeau, il lut la missive : « Moins d'un an et un jour, je vous assigne devant le Tribunal de Dieu !. ». C'était l'écriture de sa femme Sophie-Dorothée, dont la vengeance le poursuivait au-delà du tombeau. George 1er tomba, murmurant des phrases incohérentes, mais se ressaisissant, il ordonna de galoper jusqu'à Osnabruck. Il répétait machinalement : « A Osnabruck, à Osnabruck !. ». Une fois arrivé, il expira dans la nuit, sans avoir repris connaissance. George ler' devançait l'heure du rendez-vous !.

Sophie, la fille de Sophie-Dorothée, avait épousé le prince royal de Prusse, Frédéric-Guillaume Ier, le futur roi-sergent : mari fort rude tyrannique et intempérant.

Son premier acte, une fois monté sur le trône, fut de défendre formellement à sa femme toute espèce de rapport avec la prisonnière de la forteresse d'Ahlden. Ce ne fut que lorsque cette dernière eût hérité de sa mère Eléonore d'un revenu de 28.000 écus, somme assez ronde pour l'époque, que l'avare souverain lui témoigna quelque amitié, du reste très intéressée, car elle se fondait sur les droits que pouvait faire valoir sa femme à l'héritage.

L'humble femme qu'était la reine de Prusse, poussée secrètement par son confesseur, s'était toujours fait un reproche de n'oser pas prendre ouvertement le parti de sa mère, dont elle pressentait l'innocence. Elle profita des dispositions meilleures de son redoutable mari, et commença à réunir les pièces nécessaires à un procès de réhabilitation. Hélas, en 1726, Sophie-Dorothée mourait dans sa prison.

Sa royale fille n'en poursuivit pas moins sa pieuse entreprise. Par ses soins, un énorme dossier comprenant 1.200 documents environ, fut constitué. Il établissait nettement l'innocence de Sophie-Dorothée et l'ignominie de la comtesse de Platen.

Ce monument de piété filiale ne devait servir à rien. Une notice anonyme, placée en tête de ce dossier, indique que, sur les représentations de George II, roi d'Angleterre, transmise à son beau-frère, Frédéric-Guillaume 1er, roi de Prusse, par le ministre de Grande-Bretagne, le procès de Sophie-Dorothée ne fut pas entamé. Le roi d'Angleterre faisait remarquer à sa sœur Sophie, non sans justesse, que tout ce qui serait établi à la décharge de la princesse, leur mère, le serait à la charge du roi d'Angleterre, George Ier, leur père.

Devant la raison d'Etat, la faible reine de Prusse s'inclina. Le dossier désormais inutile, par des avatars divers, finit par échouer en 1783, entre les mains de la grande-duchesse Charlotte-Augusta de Laurenbourg, nièce de la souveraine !

 Dans son roman, Pierre Benoît nous raconte que. « ……parmi ces pièces, l'une relatait la confession d'un certain Bauer, mort garde-chasse au service du grand-duc de Rudolstadt, et qui avait été 20 ans plus tôt employé au château de l'électeur de Hanovre, George-Louis, le mari de Sophie-Dorothée. A ses derniers instants, cet homme catholique fit demander à un prêtre de l'entendre en confession. L'ecclésiastique, qui avait entendu parler de l'enquête menée par la reine de Prusse, subordonna son absolution à l'établissement d'un procès-verbal mentionnant les événements où avait été mêlé Bauer ».

C'est cette confession, revêtue des signatures du moribond, du confesseur et de deux témoins qui établit que Bauer avait été des quatre hommes qui prêtèrent la main à la comtesse de Platen dans la tragique nuit du 1er juillet 1694 pour l'assassinat du comte de Kœnigsmarck.

Il se défend d'avoir été parmi ceux qui l'assaillirent à coups de poignards et d'épée, mais il reconnait l'avoir maintenu à terre, tandis que la comtesse, un pied sur le front de Kœnigsmarck, essayait de lui faire avouer qu'il avait été l'amant de Sophie-Dorothée.

 Quant M. de Kœnigsmarck fut bien mort, dit Bauer, Mme de Platen, nous donna l'ordre de le porter devant la cheminée de la salle, qui a, au fond une plaque de bronze de six pieds. Mme de Platen fit jouer un ressort. La plaque s'écarta, laissant apparaître une petite cellule.

Je remarquait vaguement, car j'étais bien troublé, un tas blanchâtre qui me parut être de la chaux. C'est là que nous déposâmes le cadavre. Mme de Platen nous congédia alors, après nous avoir recommandé de laver le sang dont quelques-uns de nous avaient des taches sur leurs habits.

Le document Bauer avait le mérite de fixer de façon indiscutable cet endroit, et en outre une preuve de la complicité du mari de Sophie-Dorothée. Car, les princes allemands des XVIIe et XVIIIe siècles se montraient fort jaloux du secret de leurs serrures. Si ce secret fut confié à la comtesse Platen, ce ne pouvait être que pour une besogne d'importance.

C'est ce dossier que Pierre Benoît eut le bonheur de consulter parmi les manuscrits non encore inventoriés de la bibliothèque ducale.

Que d'amour et de chevalerie, que de crimes et de galanterie, quel luxe, quelle frénésie de vie et de mort dans ces feuillets jaunis, dans ces minutes grossoyées en langues diverses ! La cour de Hanovre fantasmagorique et cruelle ; Ernest-Auguste, le rapace politique ; George-Louis, débauché et borné ; la comtesse de Platen, la redoutable Messaline qui, malgré tout, avait dû être belle et désirable ; le comte Philippe-Christophe de Kœnigsmarck, appartenant à l'une des plus nobles familles suédoises, ce bellâtre brun, au pourpoint saumon et or, taché de sang, tel celui de Bussy d'Amboise, le héros du roman d'Alexandre Dumas « La Dame de Montsoreau », lui aussi, lâchement assassiné dans les mêmes circonstances, en notre Anjou, à Brain-sur-Allonnes, au château de La Coutancière, et enfin Sophie-Dorothée, blonde, élancée et pure, dans les brocarts d'argent qu'elle portait le jour de ses noces.

Auparavant, la source la plus précieuse que l'on connaissait alors, était la correspondance de Kœnigsmarck et de Sophie-Dorothée, qui se trouve actuellement dans les archives de la bibliothèque de la Gardie, à Loeberod en Suède, après avoir erré assez longtemps en Allemagne.

C'est donc sur ces notes tragiques que s'achève l'histoire de ce rameau français transplanté dans les froides brumes de Hanovre.

En épousant George-Guillaume, duc de Brunswick, Eléonore Desmier d'Olbreuse n'imaginait pas la fabuleuse descendance qu'elle laisserait au monde. Fabuleuse certes, car elle se trouve à l'origine de l'actuelle dynastie anglaise dont les membres, depuis plus de 250 années, se mêlent à toutes les familles princières d'Europe.

Elle est l'aïeule du grand Frédérick Ii de Prusse, de la reine Victoria, du Tsar Alexandre Il de Russie, pour ne citer que les principaux.

Mais à quoi bon ces honneurs, cette gloire, s'il n'y a sur l'autre plateau de la balance : le crime, la souffrance, l'angoisse ?

Que restait-il de la fillette qui jouait à l'ombre fraîche et bonne du château d'Olbreuse, de la vieille princesse au visage douloureux qui venait visiter sa fille Sophie-Dorothée, la reine sans couronne, emprisonnée à vie dans la forteresse d'Ahlden ?

Le fils de Sophie-Dorothée, George II d'Angleterre règnera de 1727 à 1760. Parlant assez mal l'anglais, il est aussi allemand que son père, et laissera, lui aussi, ses ministres délibérer hors de sa présence.

L'habitude deviendra donc une coutume, et ce fut ainsi que, pour toujours, et encore maintenant, c'est le premier ministre anglais qui gouverne seul, en choisissant ses collaborateurs parmi les membres de son parti.

George Il eut pour successeur son petit-fils George III qui règnera de 1760 à 1820. Mais celui-ci devenu fou en 1810, le pouvoir royal fut confié à son fils, le futur George IV. Pendant cette régence, le danger fut grand en Angleterre d'une révolution sanglante : le régent avait deux femmes, ayant épousé secrètement la catholique Marie Fitsherbert, avant de se marier officiellement avec Caroline de Brunswick. Ce prince incapable fut déconsidéré par ses mœurs et le procès qu'il engagea contre sa femme Caroline qu'il accusait d'adultère.

Un scandale immense éclaboussait la couronne d'Angleterre. A la mort de son père, le régent règnera sous le nom de George IV, de 1820 à 1830.

Puis la couronne passera au frère de ce dernier sous le nom de Guillaume IV, de 1830 à 1857. Mort sans héritier légitime, il laissera le trône à sa nièce, âgée de 18 ans, Victoria, qui régnera de 1857 à 1901.

On l'appellera la grand-mère de l'Europe, après avoir donné à son époux bien-aimé Albert-Edouard, duc de Saxe-Cobourg, 9 enfants.

Parmi eux Victoria-Adelaïde épousera le futur empereur d'Allemagne Frédéric III, le père de Guillaume II, de sinistre mémoire.

Et puis aussi Alfred-Ernest qui épousera la grande duchesse Marie, fille du Tsar de Russie, Nicolas Ier.

Edouard VII, celui que l'on appelait pendant la belle époque : « le plus parisien des rois d'Angleterre » succédera à sa mère Victoria en 1901.

George V, son fils règnera de 1910 à 1936.

En 1916, en raison des hostilités avec l'Allemagne, cette lignée des Saxe-Cobourg, qui a continué celle des Hanovriens, changera de nom pour celui des Windsor, actuellement toujours en place. C'était tout de même plus respectable, et surtout plus anglais !.

George V avait épousé la très digne princesse allemande Mary de Teck, descendante en ligne directe de Sophie, reine de Prusse.

Eléonore Desmier d'Olbreuse, duchesse de Brunswick-Lunebourg et de Zell étant la grand-mère de George II, roi d'Angleterre et de Sophie, reine de Prusse, la descendante de chacun de ces deux personnages royaux aboutit directement à Elisabeth II, la reine du Royaume Uni de Grande-Bretagne.

Les Windsor n'ont pas à rougir, bien au contraire, de leur aïeule française poitevine, issue de petite noblesse certes, mais douée d'une intelligence supérieure et raffinée, et de plus jolie femme, ce qui ne gâte rien.

Ses descendants français peuvent aussi être fiers d'avoir parmi eux une ancêtre qui a accédé, le plus honnêtement du monde, à un si haut rang.

C'est tout cela que j'ai aimé à souligner très particulièrement.

En 1936, Edouard VIII ne sera pas couronné, puisque, pour son amour envers Miss Wallis Simpson, une américaine divorcée deux fois, l'archevêque de Canterbery mit son veto à un tel mariage, le roi étant le Chef de l'église anglicane.

Edouard VIII abdiqua en faveur de son frère, George VI.

Et l'année suivante, devenu duc de Windsor, il épousera sa bien-aimée au château de Candé en Touraine, sur les bords de l'Indre, près de Montbazon.

En 1952, à la mort de son père, la reine actuelle, Elisabeth Il, est la dernière en date de cette longue liste des rois et reines anglais descendants de Mlle Eléonore Desmier d'Olbreuse.

Et rappelons encore une fois que Guillaume 1er le Conquérant, duc de Normandie, et Qu'Henri II Plantagenêt; duc d'Anjou et son épouse, Aliénor d'Aquitaine, qui ont régné en Angleterre au Moyen Age, sont aussi les aïeux français de la reine Elisabeth II.

Et maintenant, la vie de cette dynastie sera assurée par Charles, le prince héritier de la couronne, et ensuite par son fils William que sa mère la princesse Diana a mis au monde en juin 1982.

Dans toutes ces veines royales anglaises coule plus de sang étranger que de sang anglais, écossais ou gallois.

Voici un dernier exemple : Philippe, le mari de la reine Elisabeth II, est un prince grec d'ascendance danoise, allemande et russe. Seuls George VI épousa une écossaise; et en juillet 1981 le prince Charles une anglaise, Lady Diana Spencer.

La famille royale anglaise est un symbole au même titre que le drapeau et l'hymne national.

Et pourtant, la musique du « God Save the Queen » a été empruntée à celle que Lulli avait composée pour Mme de Maintenon, l'épouse morganatique du Roi-Soleil.

Cet air était chanté par les 250 jeunes filles nobles et pauvres, quand Mme de Maintenon leur rendait visite à l'école de Saint-Cyr qu'elle avait fondée pour elles. Napoléon Ier a transformé cet établissement en l'Ecole Militaire actuelle.

A noter, entre parenthèse, cette curieuse coïncidence entre Françoise d'Aubigné, cette petite « Bignette », devenue Mme de Maintenon, en épousant en seconde noce le Roi-Soleil, et Eléonore d'Olbreuse, cette aïeule de toute une lignée de rois et de reines.

Ces deux femmes, toutes les deux de très petite noblesse, nées en Poitou, à 25 kilomètres l'une de l'autre, sous le règne de Louis XIV, ont eu chacune une destinée hors du commun.

Voici encore une autre bizarrerie : en 1348, à la cour royale d'Angleterre, la comtesse de Salisbury ayant laissé tomber de sa jambe une jarretière bleue, Edouard III la ramassa et la lui rendit, en ajoutant ce propos à l'adresse de ses courtisans présents : « Honni soit qui mai y pense ! ».

Celui-ci devint la devise en français, et encore actuellement, des armoiries royales anglaises, et aussi celle de ce fameux Ordre de la Jarretière, toujours en vigueur. Voilà jusqu'où va se nicher la sacro-sainte tradition anglaise !.

Les Windsor constituent la plus célèbre des dix dernières familles royales en Europe. Et si ces membres ont provoqué parfois quelques scandales retentissants, ils représentent quand même le calme et la stabilité dans un monde turbulent, puisque depuis George Ier, ils ne conduisent plus la politique de leur pays. Les Britanniques ont toujours préféré la décence et l'honneur à la perspicacité et à l'élégance.

Malgré les robes et surtout les inénarrables chapeaux de leurs dames, les Windsor conviennent très bien aux Anglais.

En 1726, à la mort d'Eléonore Desmier d'Olbreuse, duchesse de Zell, le château d'Olbreuse devint la propriété des couronnes d'Angleterre et de Prusse. Elles le cédèrent pour 40.000 livres au cousin d'Eléonore, Alexandre Prévost de Gagemont, suivant lettre patente du roi de France du 6 octobre 1729.

En 1870, le château revint aux Desmier du Roc de la Carlière et d'Olbreuse.

Héritiers du château d'Olbreuse, M. et Mme Maingueneau, celle-ci née Christiane Desmier d'Olbreuse, ont restauré avec une stricte exactitude, ainsi qu'avec tout leur amour des vieilles pierres et l'ardeur qui les animent, ce château, peut-être hanté par les fantômes d'une telle descendance.

Pour terminer, chers Sociétaires des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois, toujours épris de notre histoire régionale, nous avons pensé que vous seriez intéressés d'abord par le drame de Kœnigsmarck, puis par cette généalogie royale anglaise des Windsor dont la naissance a pris jour en Poitou, à Olbreuse, et aussi en passant par Thouars, tous les deux si proches de notre Saumurois.

BIBLIOGRAPHIE

- Une poitevine grand-mère de l'Europe (Christiane Desmier d'Olbreuse)

— Les origines françaises de George VI d'Angleterre (L'Illustration, 22 mai 1937 - O. Forst de Battaglia).

-T- Kœnigsmarck, 1919 (Pierre Benoît).

- Les Kœnigsmarck, 1855 (H. Blaze de Bury).

- Une mésalliance dans la maison de Brunswick (Horric de Baucaire).

- Quand les mariages royaux faisaient la grandeur de l'Angleterre (Alain Decaux).

- La famille Windsor (R. W. Apple Jr).

 

 

 

 

Georges GRIFFON  Société des lettres sciences et arts du Saumurois

 

 

 

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