Feuille d'Enrolement Le savant archéologue Benjamin Fillon, mort au mois de mai 1881, avait réuni dans son château de Saint-Cyr-en-Valmondais les autographes les plus précieux.

Depuis trois ans, Etienne Charavay, l'expert le plus autorisé en pareille matière, accumule ventes sur ventes pour liquider cette remarquable collection où tous ceux qui avaient un nom dans le passé figuraient par une lettre ou par une signature.

Cinq ventes successives ont déjà produit plus de deux cent mille francs. Hier avait lieu la sixième et dernière vacation et ce n'était pas la moins intéressante.

Il s'agissait cette fois de la série des Hommes de guerre, et des documents concernant la Vendée contre-révolutionnaire.

Nous nous occuperons, faute de place, seulement de cette dernière partie, mais avant nous dirons quelques mots de l'origine de cette collection célèbre, et sur le collectionneur érudit qui l'avait patiemment formée.

Benjamin Fillon était un républicain sincère, généreux et travailleur, dédaignant les honneurs, dépourvu d'ambition politique, un sage en un mot, resté toute sa vie constamment d'accord avec les-deux devises qu'il avait choisies Travail est honneur et Carilas generis humani.

Sans parti pris en fait d'art, comme doit le faire un savant et un curieux, il aimait tout ce qui était beau et rare. C'est avec ardeur qu'il recherchait les documents de toutes natures destinés à faire avancer les questions artistiques ou à jeter quelque lumière sur certains points obscurs de notre histoire. Ses découvertes en céramique étonnèrent les spécialistes, et ses études archéologiques révélèrent plus d'une fois bien des choses nouvelles par leur lecture à la Sorbonne..

Né près de Fontenay-le-Comte, au milieu de cette Vendée qui fut le théâtre d'une guerre civile acharnée, il avait été mieux que personne, en raison de ses goûts et de ses relations, à même de recueillir les traces très rares pouvant rester encore de ces temps troublés et déjà loin de nous.

Consacrant tout son temps aux études historiques, fouillant partout, bouleversant les archives des communes et les éludes des notaires, interrogeant les greniers où se trouvaient relégués les vieux papiers de famille, compulsant tous les papiers livrés au poids pour faire des cornets aux épiciers et aux marchands de tabac, il finissait toujours, grâce à son infatigable persévérance, par rencontrer sur sa route une pièce intéressante qui le payait largement en un jour des peines d'un mois.

Fillon était du reste estimé de tous novateurs ou conservateurs. Ami intime de plusieurs royalistes, comme Octave de Rochebrune, l'aquafortiste, très lié avec l'antiquaire. Dugast Matiffeux, le républicain austère de Montaigu un véritable cousin Pons de Balzac, il commença avec ces deux amis l'histoire de son cher pays. Des événements indépendants de sa volonté la laissèrent inachevée.

Mais revenons aux papiers contre-révolutionnaires.

Il nous sera facile d'en reconstituer l'histoire par des points de repère déjà anciens que nous possédons. Nous allons le faire brièvement.

 Le terrible Bachelier, président du comité révolutionnaire institué par le proconsul Carrier, mourut sans héritiers à Nantes vers 1843. Dugast Matiffeux, très épris de la période révolutionnaire, put se procurer ses papiers vendus à vil prix.

 Il eut la bonne fortune pour un historien, d'y découvrir plusieurs milliers de pièces manuscrites et imprimées sur la Révolution française, et notamment sur l'insurrection vendéenne que Goupilleau, montagnard Dantoniste, mort dans son lit en 1823, avait remises et léguées à son ami et coréligionnaire Bachelier.

Dugast devint plus tard le meilleur ami de Benjamin Fillon- arcades ambo- et lui céda cette mine précieuse de documents authentiques contenant des révélations nouvelles sur les guerres vendéennes, afin qu'il pût, comme il en avait le projet, écrire les fastes mémorables de cette insurrection de géants.

Cet ouvrage devait avoir pour titre Histoire des causes de la guerre de Vendée et former trois volumes.

David d'Angers avait dessiné pour ce livre un superbe frontispice qui n'a jamais été reproduit, car le manuscrit à l'état d'ébauche et de notes resta toujours dans les cartons.

 

Coup d'oeil sur la guerre de Vendée

Avant d'aborder l'examen détaillé de plusieurs de ces pièces, nous rappellerons en quelques mots cette époque tourmentée; nous tâcherons de le faire en historien impartial, sans parti pris politique, comme Fillon l'eut fait lui-même s'il avait tenu notre plume, nous en avons la sincère conviction.

Quel a été le véritable motif qui arma les paysans vendéens?

La guerre fut un soulèvement spontané sans plan ni complot. Elle éclata à la fois, avec violence, comme un incendie, sur deux points assez éloignés à Challans dans le Bas-Poitou et à Saint-Florent en Anjou.

C'était l'époque du recrutement. Il fallait à la Convention trois cent mille hommes pour défendre les frontières envahies, et on les demandait par une loi inexorable à tout le pays.

Quoique braves et énergiques, les, paysans du Bocage et ceux du Marais, qu'on appelait les grenouilles, avaient toujours refusé de quitter leurs métairies. Animés d'un esprit local personnel, aimant leur sol, enracinés dans leurs enclos, le service militaire loin de leurs foyers répugnait à leur nature et à leur goût.

Soyons justes. Le refus de payer l'impôt du sang seul engendra la guerre.

Ce fut d'abord une lutte de ruraux contre citadins et les premiers chefs sortirent des rangs du peuple. Comme ailleurs le premier mouvement fut démocratique. D'un côté, si dans l'armée républicaine on voyait aux armées du Nord, des Ardennes et de Sambre-et-Meuse, Augereau maître d'armes, Rossignol, orfèvre, Moreau, prévost, Jourdan, mercier, Brune, imprimeur; de l'autre, dans l'armée vendéenne le commandement était entre les mains de Cathelineau, le colporteur, Stofflet, un garde-chasse, Gaston, un perruquier, Eisigny, ancien gendarme, Forêt, un paysan, et Pajot, un marchand de volailles.

A la suite des succès du début, la guerre s'étendit bientôt.

Portrait des héros de la Guerre de Vendée - Lucs sur Boulogne, l'Historial de la Vendée

(Portrait des héros de la Guerre de Vendée - Lucs sur Boulogne, l'Historial de la Vendée)

Les premiers insurgés triomphants s'adressèrent aux nobles comme d'Elbée, Bonchamps, de la Rochejaquelein, Charette et de Lescure.

Les nobles voyant leurs prérogatives disparaître, oubliant leurs préjugés de naissance, d'opinions et de rang, se coalisèrent alors avec-les paysans contre les idées nouvelles, et sortirent de leurs châteaux où ils s'étaient provisoirement retirés.

La guerre dura sept ans.

Elle eut des épisodes célèbres, des sièges mémorables, des escarmouches et des batailles rangées, mais les bleus et les blancs qui se traitaient réciproquement de bandits et de brigands, ne purent s'empêcher, cela est tristement vrai, de se livrer des deux côtés à de terribles représailles comme les atrocités de Machecoul et les épouvantables massacres de Savenay.

Cependant à quelque opinion qu'on appartienne, on ne peut refuser de reconnaître que ces paysans en sabots et sans argent étaient des braves. Avec un grand courage, se croyant invincibles, ces troupes inexpérimentées luttaient sans cesse contre des bataillons réguliers, valeureux et bien armés.  

Les Vendéens n'avaient jamais vu le feu, et ils osaient se mettre en campagne avec des broches, des couteaux, des faux emmanchées à l'envers, des faucilles plantées au bout d'un bâton, de grosses massues de bois noueux comme aux temps mythologiques.

La cavalerie se recrutait chez les meuniers et les voituriers et se composait de chevaux qui portaient des bats au lieu de selles, et dont les brides et les étriers étaient en cordes. Avec des bâtons les combattants s'étaient emparés de quelques canons. Marie-Jeanne, un fétiche, une pièce de douze, toujours ornée de fleurs avait été prise aux républicains de Richelieu.

Mme de la Rochejaquelein dans ses Mémoires a peint d'une façon charmante et comique l'étonnement d'un jeune officier qui arrive dans les rangs des paysans vendéens après une bataille gagnée par eux où ils ont vaillamment combattu. Il se figure d'abord n'avoir autour de lui que des éclaireurs et des enfants perdus, et leur fait mille questions

-          Quel est votre général en chef?

-          Il n'y en a pas.

-          Quel est le major-général?

-          -Il n'y en a pas.

-          Combien de régiments?

-          Il n'y en a pas.

-          Mais vous avez des colonels?

-          Il n'y en a pas.

-          Qui donne le mot d'ordre?

-          On n'en donne pas

-          Qui fait les patrouilles?

-          On n'en fait pas.

-          Qui monte la garde? ,̃

-          Personne.

-          Quel est l'uniforme ?

-          Il n'y en a pas.

-          Où sont les ambulances.

-          Il n'y en a pas.

-          - Où sont les magasins de vivres?

-            Il n'y en a pas.

-           Où fait-on la poudre?

-          On n'en fait pas.

-          D'où la tire-t-on ?

-          On la prend aux Bleus.

-          Quelle est la paye?

-          Il n'y en a pas.

-          Qui vous fournit des armes ?.

-          Nous les prenons à nos ennemis.

 

 

Avec ces moyens dérisoires, les républicains venaient d'être rossés, et l'officier confondu en avait été le témoin émerveillé.

Après avoir pris Saumur et Angers, les Vendéens entrèrent jusqu'au milieu de Nantes. Ce fut l'apogée. Les autres provinces n'avaient pas suivi le mouvement.

A partir de ce moment la division se mit parmi les chefs, Battue au Mans, l'armée vendéenne reçut un coup mortel.

La Convention, à l'aide de forces considérables, enserra l'insurrection dans un cercle de fer. Il fallut mettre bas les armes et accepter l'amnistie que les représentants délégués dans un langage fleuri-offrirent à leurs frères et à leurs sœurs égarées.

 Plus tard, Charette recommença la lutte, mais sans conviction. Hoche acheva enfin de pacifier le pays et bientôt les succès de Bonaparte donnèrent aux idées une nouvelle direction.

 

Les Autographes

Arrivons maintenant aux documents de la collection Fillon. La moisson parmi les plus intéressants ne peut manquer d'être abondante. Nous n'avons que l'embarras du choix

 

Elle est assez piètrement imprimée avec de mauvais caractères et couverte de fautes typographiques; mais on n'avait guère le temps de soigner les détails avec la rapidité des événements en 93.

 

 

Comme on le voit la pièce est ornée d'une vignette fleurdelysée avec cette devise : Nous soutiendrons le trône et la religion de nos péres.

Au-dessus se trouve le libellé de l'engagement :

En vertu de ce titre nous jurons défilité et obéissance à nos chefs en tout ce qu'ils nous commanderont et jugeront nécessaire pour parvenir à l’ordre et à la paix; et dans ces sentiments nous signons de notre plein gré, même sans aucune instigation, l'acte d'enrôlement.

Ne vous semble-t-il pas, comme à moi, que dans sa teneur ce serment a quelque chose de simple et de résolu. Ceux qui ont signé cette pièce devaient sentir qu'ils faisaient pour leur cause le sacrifice de leur vie. L'instant est grave et solennel. Il semble qu'on assiste à la scène splendide du cinquième acte des Huguenots.

L'engagement porte au bas la mention suivante : Le général en chef de l'armée catholique et royale Georges, signature abrégée de Georges Cadoudal.

Le général a en outre écrit de sa main sur la pièce : modelle. Ce qui la rend précieuse comme une épreuve avant la lettre.

Longtemps l'un des lieutenants de Stofflet, il finit bien malheureusement ce Cadoudal.

Epargné pendant la guerre il conspira contre Bonaparte. Auteur du complot de la machine infernale, arrêté dans les rues de Paris au moment où il allait s'enfuir, il fut décapité le 25 juin 1804.

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Charette

Le lieutenant de vaisseau Charette de la Contrie était représenté, dans la collection que nous examinons, par des pièces très nombreuses.

Sans nous occuper du dossier introuvable concernant sa capture par le général Travot et son exécution sur la place Viarmes à Nantes, le 29 mars 1796, que possédait Benjamin Fillon, citons de lui la lettre suivante adressée à M. de Beuclé (Bulkeley) le commandant de la Roche-sur-Yon.

Peut-être est-il utile de reproduire imprimée cette missive en supprimant quelques incorrections pour en permettre la lecture facile.

 La voici

Monsieur,  

Je suis bien fâché de ne pouvoir tenir tout à fait ma promesse. Mais à l'impossible rien n'est tenu, j'ai perdu deux tambours dans le combat de Palluau. Je suis bien fâché de ne pouvoir vous envoyer de la poudre, mais je n'en ai point pour le moment. Vous savez sans doute que le camp de la Loué et de la Croix-Monceau ont du avoir été attaqué par les brigands de Nantes. Je, suis bien impatient d'en avoir des nouvelles. Je suis avec fraternité, monsieur, votre très humble obéissant serviteur.

Le CHEVALLIER CHARETTE.

A Liège, le 20 mai 93.

A monsieur,

Monsieur de Beuclè, commandant à la Roche-sur-Yon..

A remarquer dans cette lettre que Charette se sert du terme employé ordinairement par les bleus et les qualifie à son tour de Brigands de Nantes, et aussi qu'il sacrifie, sans s'en douter, à la mode du jour, en saluant avec fraternité son correspondant.

La signature de Charette, comme celle de Bayard et de Jeanne d'Arc, n'est accompagnée d'aucun paraphe.

 Elle porte seulement un petit croc sur l'extrémité de la barre des deux T. L'écriture est ornée au contraire de petites courbes rentrantes pour les r et se relevant en forme de volute dans les s.

 S'il faut en croire les adeptes de la science nouvelle que M. Michon a créée sous le nom de Graphologie, ce serait-là le signe caractéristique des tenaces qui se cramponnent à leur plume comme à leurs idées.

Si l'indice n'est pas toujours vrai, la persévérance de Charette luttant jusqu'à la dernière heure ne saurait toutefois être mise en doute.

 

Stofflet

Stofflet

Au service du comte Colbert-Maulevrier, Stofflet était Alsacien et avait été soldat. Sa taille était grande et robuste. Les soldats ne l'aimaient pas à cause de sa brutalité. Sa vanité et son orgueil lui firent compromettre sa première réussite. Il fut cependant major général après La Rochejaquelein et finit fusillé à Angers en 1796.

La signature de l'ancien garde-chasse ressemble à un manche de fouet.

 Elle est à la fin d'une lettre écrite par l'abbé Bernier à Angers au général Hoche, le 15 septembre 1795. Il s'agit de la pacification, aussi il lui mande qu'il acceptera avec plaisir l'entrevue proposée. Le lieu sera celui qu'il désignera. La Pommeraye serait peut-être le plus convenable.

« La même loyauté m'y' conduira, les mêmes sentimens m'y accompagneront. Je les partagerai avec mes amis et vous retrouverez en eux comme en moi le plus ardent désir de procurer la paix et le bonheur du pays qui nous a donné sa confiance. »

Il termine par ces mots « Salut, loyauté, paix et fraternité ».

La Jaunaye, près de Nantes, fut l'endroit choisi.

 

Talmond

Talmont

Philippe de la Tremouille, prince de Talmond, accompagnait sa signature d'un simple, trait horizontal.

Dans la collection Fillon, elle est mise au bas d’un« bon de 400 livres pour le paiement d'un cheval destiné à l'armée catholique et royale ».

Le prince de Talmond, d'une taille élevée, d’une belle figure, avait vingt-cinq-ans; il était atteint presque continuellement par la goutte. Sa famille, par les terres nombreuses qu'elle possédait, régnait presque en souveraine dans le Poitou.

Il se fit remarquer par son courage à la bataille de Luçon et à celle de Dol, mais il compromit le succès de l'armée, à l'attaque de Nantes, en coupant la retraite aux républicains qui se précipitaient sur la route de Vannes et en les forçant à rentrer dans la ville, à se défendre et à reprendre bientôt l'offensive.

Le prince de Talmond fut fusillé en 1794 dans la cour de son château de Laval.

 

Lescure

 

Voyons rapidement encore une signature.

 

Lescur

Celle-ci est du marquis de Lescure, au bas d'une pièce signée par les membres de la municipalité de Boismé, district de Châtillon, le 6 janvier 1792.

C'est l'époque où M. de Lescure, accompagné de sa femme Victoire de Donnissan, devenue plus tard la marquise de la Rochejaquelin et l'auteur des Mémoires, était venue, en quittant Paris, au commencement de la Révolution, se réfugier dans son château de Clisson.

 

Voici le texte de cette pièce :

La municipalité déclare que Louis-Marie de Lescure réside à Clisson depuis plus d'un an et qu'il a payé conjointement avec sa grand'mère les deux premiers termes de ses contributions patriotiques.

Comme on le voit plus haut, M. de Lescure signait, ainsi que Talleyrand et la duchesse de Berri, en soulignant son nom d'un trait revenant sur lui-même comme la lanière d'un lasso.

C'est là, disent les graphologues expérimentés, la preuve certaine d'une très grande persévérence pour atteindre le but poursuivi.

Ancien capitaine de cavalerie, M. de Lescure était certainement l'officier le plus instruit de l'armée vendéenne. C'était un homme de courage et de conseil, énergique et modéré, très humain, évitant comme Bonchamp de répandre le sang inutilement.

Dans les Mémoires que nous avons déjà cités, Mme de la Rochejaquelein raconte qu'un jour un homme voulut tirer sur son mari à bout portant. Il recula le fusil et dit sans s'émouvoir :

-          Emmenez ce prisonnier.

 II fut malgré ses ordres, massacré derrière lui, et M. de Lescure entra dans une si violente colère qu'ii en jura pour la première fois de sa vie.

Blessé le 15 octobre 1793 au combat de Chollet d'une balle près du sourcil gauche qui sortit par l'oreille, et mourut près de Fougères le 3 novembre suivant

 

Bonchamps

Bonchamps était devenu le chef de l'armée d'Anjou à trente-deux ans. Il avait fait la guerre dans l'Inde avec distinction comme capitaine de grenadiers sous M. de Suffren. C'était une nature honnête, héroïque et généreuse qui, s'abusant sur la force des idées nouvelles, croyait à l'insurrection, comme le plus saint des devoirs et à son triomphe pour le rétablissement de l'ancien ordre de choses.

On en jugera par la lettre suivante écrite de Saint-Florent-le-Vieil, où il demeurait, le 6 avril 1793 à Massonneau, commandant à Liré.

C'est avec une urbanité de gentilhomme qu'il s'exprime :

Pour en permettre une lecture aisée nous en donnons la note imprimée.

 

 6 avril 1793.

Monsieur,

Il m'est impossible de prendre aucune détermination sur les objets contenus dans votre lettre; mais je puis vous faire part de mes idées à cet égard.

La destruction des contrats d'aquets des biens nationaux est une chose illusoire dans son effet, car mon opinion est que presque toutes les ventes ou pour mieux dire toutes entièrement seront annullées.

Quand aux sections pour les contributions il me semble que l’on Doit être soigneux de les garder. Mais pour décider sur le tout je pense qu'il est à propos de former un Comité dans votre paroisse, qui prendra connaissance de ces divers objets ce parti est sans doute le meilleur et il ne faut que la volonté pour terminer tout cela il est bien vrai monsieur que j'avais destiné Les hommes de la Meillevaitt pour Drain et Chantoceau je vous les avais adressés pour L'exposition progettée pour le Désarmement des patriotes de votre paroisse qui n'a pas eu lieu d'après la lettre que vous m'avez écrite je suis tort aise que nos hommes se soient bien conduits.

J'ai l'honneur d'être Monsieur, votre humble et obéissant serviteur.

DE BONCHAMPS.

Saint-Florent-le-Vieil, 6 avril 1793.

 

 

L'ortographe pourra être plus correcte, le style plus clair, mais les formules ne sauraient être plus, courtoises. On reconnaît bien là l'homme qui au milieu des atrocités de la guerre intestine s'est fait une réputation méritée de courageuse humanité.

Mais aussi qu'elle dénote bien les illusions de l'époque, cette phrase caractéristique où l'écrivain considère, ainsi qu'une chose illusoire, la destruction de biens d'acquêts. C'était en somme l'opinion générale. Déjà le chevalier Desessarts avait rédigé une proclamation dans ce sens pour rassurer contre la confiscation les nobles enrôlés.

Bonchamp a terminé sa vie en sauvant celle de cinq mille prisonniers républicains amenés et internés à Saint- Florent.  

Il avait été blessé au combat de Cholet, l'armée vendéenne était en pleine déroute, on le transportait expirant, lorsqu'il apprit que le conseil de guerre délibérait sur le sort des, prisonniers.

Les républicains approchaient, on ne pouvait les garder plus longtemps, ni les entraîner plus loin. Il fallait leur faire repasser la Loire. Ils allaient être très probablement tous fusillés, quand Bonchamp effrayé de l'horrible boucherie qui se préparait demanda comme dernière faveur qu'ils fussent épargnés. Ou leur rendit leur liberté.

David d'Angers a retracé cet épisode dans un marbre splendide qui se trouve aujourd'hui à l'église paroissiale de Saint-Florent. Le moribond couché sur son lit de mort, s'enlève d'un bras sur sa couche pour s'écrier « Grâce aux prisonniers !»

 

Jean Chouans

Jean Chouans

Certains historiens ont pris à tâche de démontrer que le nom de Chouan dérivait du chat-huan d'après l'habitude des paysans armés de ne se montrer que la nuit. Nous sommes convaincus qu'il commettent ainsi une véritable erreur. Jean Cottereau dit Jean Chouan donna son nom à ses partisans. Il fut le chef des Chouans.

La collection Fillon possédait de ce personnage légendaire une curieuse lettre écrite sur du papier à musique au juge paix de Moisdon en 1794 :

Cette lettre, d'une nature grossière mais énergique, est assez difficile à déchiffrer.

Nous la traduisons textuellement sans rien changer à son orthographe rudimentaire :

« Citoyent, je te pris de me faire passer ta poudra que tu m'a promis et toute les balle. Tu m'avais dit que tu me les orais donné quand nous fume à Moisdon, mais tu as manqué de parolle. Je te pris de me les faire pasés où tu m'avais promis dans l'androit même où tu sès bien. Si tu ne tien pas ta parolle, je te tus la prochain foizque je te trouve. Tu sé bien qui n'a tain qu'à moy de te tué, mais je né pas vouleux, pasque tu m'avois promis de me donner ce que je té demandé. Citoyent, je te félicite des bonne chose que tu fais, mais se tu ce que cès que de faire le bien. Non, tu as été céléra dés le commancement, tu le sera toujours.

« J. Chouans.

«  autorisé par le prince légitime de la couronne. »

la Rochejaquelein

-La fin est typique. Elle s'éloigne quelque peu du beau langage mais elle est d'une superbe franchise :

« Excusse-moy si je te parle de la façon, mais je dis ta vérité en me foutant de toy. »

Jean Bart devait parler ainsi aux courtisans du bel air, lorsqu'il fumait sa pipe à Versailles dans l'antichambre du Grand Roi.

Lavater croyait que l'écriture pouvait, aussi bien que la physionomie, reveler les facultés intellectuelle et morales de l'individu, et qu'elle n'était en résumé que le geste de l'intelligence en travail, un relief visible de la pensée. Aussi, à voir cette grosse écriture vigoureuse, irrégulière, rapide comme des coups de sabre, vulgaire comme le personnage, il me semble qu'elle doit être la traduction immédiate d'un caractère rude et dur, se souciant peu de la forme.

 

Ce n'est pas l'une des pièces les moins curieuses, ce passe-port signé du commandant en chef de Verteuil, l'un des lutteurs des premiers jours et délivré au nom de Sa Majesté Louis XVII

Le nommé Armand Clavet était sans doute un obscur douanier de la République auquel on donne encore ici, suivant le vieux style, la qualification d'employé des Fermes du Roi.

Les Chouans portaient la chevelure longue, tombant en flocons sur les épaules comme quelques bretons de Douarnenez l'ont aujourd'hui.

 A cette époque, on ne connaissait pas encore l'usage de porter les cheveux à la Titus et c'était une marque d'infamie que d'avoir comme Armand Clavet les cheveux coupés ras.

Le marquis de Donnissan, après la prise de Fontenay-Le Comte, le 25 mai, avait proposé cette mesure contre les prisonniers que, faute de gendarmes et de place-fortes, on ne pouvait garder. De cette façon on pouvait aisément les reconnaître si manquant à leurs serments, ils étaient pris une seconde fois les armes à la main. M. de la Rochejaquelein comptait tirer de grands avantages de ce renvoi dans leurs familles des prisonniers tondus.

«  Cela affirmera, disait-il, un succès et prouvera que nous ne sommes pas sanguinaires ».-

 

Passeport de Verteuil

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Voici un passeport des armées catholiques et royales délivré à M. le vicomte de Serant et son domestique allant à Jersey. “

 Elle est curieuse par sa date du 27 mars 1796 Van deuxième du règne de Louis XVIII cette pièce portant les signatures de Joseph de Puisaye, De la Contrie, Neveux et Guillon.

Quoiqu'il advienne pour les Vendéens, le roi règne toujours à Paris. Louis XVIII a succédé à Louis XVII, mort au Temple. Le roi est mort, vive le roi ! Tel est le principe invariable. Le trône de France n'est ainsi jamais sans titulaire. De nos jours, du reste, n'en est-il pas encore ainsi?

On le sait, le comte de Puisaye qui a signé ce laissez-passer, est celui qui organisa cette malheureuse expédition de Quiberon où les émigrés, arrivant d'Angleterre, furent décimés par les canons républicains le 16 juillet 1796; toutefois l'on ignore généralement que M. de Puisaye réussit à se rembarquer sur le vaisseau qui l'avait amené vers les côtes de France, et qu'il mourut complètement oublié à Blythehouse, sous le règne qu'il avait souhaité, le 13 septembre 1827.

Parmi les autres signatures, celle de Delacontrie nous a frappé. Nous avons cru d'abord qu'il s'agissait de Charette de la Conterie, mais en rapprochant les dates, il nous a fallu constater que ce ne pouvait être lui Charette fut pris le 23 ou le 24 mars 1796.

 La pièce est de trois jours après. Quel est ce Delacontrie? Sans doute un neveu du général qui n'avait pris de lui que la fin de son nom,

 

Cathelineau

Jaques Cathelineau, du village de Pin-en-Mauges, voiturier, colporteur de laines, père de cinq enfants, a été l'âme de la guerre de la Vendée.

Le premier, avec sa parole entrainante, il souleva ses compatriotes pour éviter les rigueurs que son pays allait subir par suite du refus des jeunes gens de participer au tirage. Il se mit à leur tête et commença les hostilités en désarmant quelques postes républicains. C'était de tous les chefs celui qui exerçait le plus d'influence sur les paysans. Aussi fut-il vite désigné comme le général en chef des forces combinées. Quoique roturier, il traita toujours d'égal à égal avec les gentilshommes de l'armée qui s'empressaient de reconnaître son courage et sa vive intelligence.

Longtemps on a cru qu'il était complètement illettré.

Voici une réquisition de vente de foin signée par Berrard, la Rochejaquelein et lui qui prouve le contraire :

Par ordre du commandant de l'armée catholique royalle que le nommé Martis vande cenquante patis de foin en paillies au pris qu'il le Vand.

Cet autographe, de la plus grande rareté, fut mis par Benjamin Fillon sous les yeux de Louis Blanc et de Michelet qui rectifièrent cette erreur historique très accréditée. Jusque-là on avait prétendu, faute d'avoir retrouvé des documents apostillés par Cathelineau, qu'il ne savait pas signer.

Cathelineau fut blessé à l'attaque de Nantes au moment où il arrivait sur la place Viarmes, d'une balle qui lui traversa le bras et se perdit dans la poitrine. Les Vendéens l'emportèrent et battirent en retraite. Quelques jours après il mourait à Saint-Florent le 14 juillet 1793.

 

 

Conclusion

Résumons-nous.  

Dans tous les autographes des hommes de cette époque, se retrouvent la même concision énergique et mâle, la même allure vigoureuse, et puissante.

Ces soldats agissaient assez. Ils parlaient peu et écrivaient encore moins. Aussi la collection Fillon qui nous les a fait connaître un peu mieux, était-elle d'autant plus précieuse, que la plupart des pièces la composant étaient rarissimes. Ces documents eussent pu, entre les mains d'un grand historien, donner matière à un livre magnifique. Cela ne sera pas malheureusement.

Nous ne pouvons, en terminant, que rendre un dernier hommage au patient chercheur, a l'érudit éminent qui fut notre ami et avait su rassembler toutes ces richesses aujourd'hui dispersées !

 Un amateur d'autographes.

 

 

 

Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche

 

 

 

Octave-Guillaume de Rochebrune, l'architecture de la Renaissance dans le Bas-Poitou.

ROCHEBRUNE (Octave-GuiLLAUME DE), dessinateur et graveur français, né au château de Terre Neuve (Fontenay-le Comte Vendée), le 2 avril 1824. Fils d'Amédée de Rochebrune, originaire du Limousin, officier dans l'armée et de Marie Nélia de Vassé-Tendron, dont le père était Claude Tendron de Vassé, le propriétaire du Chateau de Terre-Neuve, que le poète Nicolas Rapin avait au XVIe siècle déjà rendu célèbre et auquel le maître graveur devait ajouter un lustre nouveau.

 

Saint-Florent-le-Vieil Guerre de Vendée - Tombeau du saint d'Anjou, Jacques Cathelineau

Jacques Cathelineau, né le 5 janvier 1759 au Pin-en-Mauges (Maine-et-Loire) et mort le 14 juillet 1793 à Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire), fut, au cours de la guerre de Vendée, pendant la Révolution française, le premier généralissime de l'Armée catholique et royale.