Richard-Cœur-de-Lion et le couronnement des ducs d'Aquitaine à Limoges

Voici quel était le cérémonial en usage, depuis l'origine même de cette souveraineté extraite suivant des chroniques manuscrites terminées vers l'an 1650, dont l'auteur anonyme avait transcrit de manuscrits plus anciens tout ce qui concernait les cérémonies religieuses du couronnement des ducs d'Aquitaine à Limoges; il avait traduit, du latin en français de l'époque, les diverses oraisons prononcées par l'évêque.

Nous croyons devoir les conserver, tant parce qu'elles éclaircissent le sens mystérieux de certains détails de cette inauguration, que pour ne rien changer au texte manuscrit, dont nous avons seulement rajeuni l'orthographe (1).

Hélias, ou Elie, chantre de l'église de St-Etienne, cathédrale de Limoges, frère de lait de saint Guillaume, Archevêque de Bourges, écrivit, en 1213, l'Ordre de la bénédiction des ducs d'Aquitaine.

 Il avait pu être témoin du sacre ou couronnement de Richard-Cœur-de-Lion, puisqu'il donna, quatorze ans seulement après la mort de ce prince, le cérémonial complet de la bénédiction de ces souverains de notre province.

Cette bénédiction se faisait originairement dans l'église de Saint-Martial, où les rois d'Aquitaine avaient été sacrés, et où les vêtements royaux et ducaux étaient déposés ; mais, les évêques de Limoges et leur chapitre ne pouvant entrer eu habits pontificaux dans cette basilique sans la permission de l'abbé de Saint-Martial, vers l'an 948, Ebles, évêque de Limoges, frère de Guillaume-Tête-d'Etoupe, duc d'Aquitaine, obtint de lui que sa consécration se ferait dans l'église cathédrale de Saint-Etienne, ce qui fut continué pendant plusieurs siècles. (Chronique de Maillezais)

Nos annales manuscrites portent en termes exprès que, Aliénor ayant cédé le duché d'Aquitaine à son fils Richard-Cœur-de-Lion, il se fit couronner duc à Limoges comme ses prédécesseurs.

 

On lit aussi dans la chronique de Geoffroy du Vigeois :

Procedenti tempore, Richardus, Lemovicas veniens, in urbe cum processione suscipitur, annulo sanctœ Valeriœ decoratur, novus que dux ab omnibus proclamatur.

Après une entrée processionnelle devant la foule en liesse, où il est accompagné par sa mère, il reçoit à la cathédrale la bénédiction de l’évêque de Limoges.

 Ce fut l'évêque Gérard Hector du Cher qui lui mit au doigt l'anneau de sainte Valérie en signe de tradition et d'investiture du duché d'Aquitaine, comme disent nos vieux chroniqueurs, lui ceignit la tête du cercle d'or ou couronne ducale, lui remit la lance, l'étendard et l'épée, insignes de sa puissance. Le nom du doyen du chapitre qui lui chaussa les éperons est resté inconnu.

 

Ordre de la Bénédiction des Ducs d’Aquitaine à l’église cathédrale de Limoges

Premièrement l'évêque doit venir en habit pontifical avec une chape de soie, et tous ceux du chœur, aussi vêtus d'une chape de soie , à la grande porte de l'église, ainsi qu'on a coutume de faire aux processions solennelles, avec le texte des évangiles, encensoirs et eau bénite, et couvert le duc d'un manteau de soie, disant cette oraison :

« Dieu tout-puissant, éternel gouverneur des choses célestes » et terrestres, qui avez daigné élever ce tien serviteur Richard en la dignité ducale, octroie-nous qu'icelui nous délivre de toutes adversités, et nous donne paix ecclésiastique, et, par ta bonté, il puisse parvenir à la joie de l'éternel repos.

Le chœur répond : « Amen ».

« Seigneur Dieu, l'opération de l'effet de ta vertu assiste à notre office afin que, toi ouvrant monsieur notre duc Richard, à eslire en l'honneur ducal, étant appuyé de ta grande puissance et garde, il puisse défendre le peuple qui lui est sujet efficacement. »

Après l'évêque lui baille l'anneau de sainte Valérie, disant :

« Prenez icelui anneau, et par icelui connaissez en vous la marque de la foi catholique; car aujourd'hui vous êtes institué duc et prince d'Aquitaine, afin que, étant heureux en armes, et riche en foi, vous vous réjouissiez au Seigneur des Seigneurs, auquel soit honneur et gloire. »

Répond : « Amen ».

Après l'évêque qui met le cercle d'or sur la tête, disant : « Dieu éternel tout-puissant, qui avez daigné élever cet lui Richard tien serviteur en l'honneur ducal, nous vous supplions lui donner secours mortel de ce siècle ; qu'il puisse tellement disposer ses sujets au commun salut de tous qu'il ne se dévoye du droit sentier de la vérité par notre Seigneur J.-C. »

Répond : « Amen ».

 Après l'évêque lui présente l'enseigne , disant :

« Prends la verge de la vertu et équité, par laquelle tu dois gratifier les bons et épouvanter les méchants, remettre les dévoyés au bon chemin, bailler la main à ceux qui sont tombés, disperser les orgueilleux, et relever les humbles, aimer justice, et avoir en haine iniquité. »

Après l'évêque dit cette oraison :

 « Dieu, qui sais que le genre humain n'a pouvoir par aucune vertu et science, ne pouvoir demeurer en un même état, donne nous comme favorable que ton serviteur Richard, lequel tu as voulu être préféré à ton peuple, qui, tellement secouru de ton aide qu'il puisse profiter à ceux auxquels il est préféré par  N. S. J.-C. »

Répond : « Amen ».

Après le duc, accoutré de telle façon, entrera dans l'église, l'évêque le soutenant et le chœur le suivant ; le chantre commencera à chanter cette antienne : Honor, virtus, etc…. Le duc ira au grand-autel, et recevra l'épée de la main de l'évêque, et les éperons du doyen, l'évêque disant :

« Prenez le glaive pour la défense de la sainte église de Dieu, qui vous est divinement ordonnée, et soyez sauvement d'icelui duquel le psalmiste a prophétisé, disant : Ceinturez votre épée sur votre cuisse très-virilement, afin qu'en icelle, et par icelui qui est le Seigneur des Seigneurs, vous exercez la force d'équité, et défendiez la sainte Eglise de Dieu et les fidèles, et les ayez en votre protection, et que vous ne haïssiez moins ceux qui ont faussé la foi que les ennemis du nom chrétien, afin de détruire l'un et l'autre; que vous aidiez aux veuves et pupilles avec toute clémence et douceur ; que vous remettiez les désolés, et conserviez ceux qui sont remis, et preniez vengeance des choses mal disposées avec l'aide de N. S. J.-C., qui vit et règne avec Dieu. »

Répond : « Amen ».

Le duc doit louer et promettre, faisant son serment, que, selon son pouvoir, il défendra et conservera les droits de l'église de Limoges. Cela fait, il s'en retournera au chœur, et le chantre se mettra en la place du doyen, et le duc en la place du chantre , et ouïra la messe en grande dévotion, en laquelle l'évêque dira les oraisons : » Dieu, qui disposes toutes-choses par un ordre admirable, et les gouvernes par un moyen invisible, nous te supplions nous octroyer que ton serviteur Richard notre duc d'Aquitaine, ordonne au cours de ce siècle ce qui doit accomplir, de façon qu'à tout jamais il te soit agréable. »

 « Dieu tout-puissant, nous te prions nous octroyer que, étant appaisé à cause de ces sacrifices salutaires, que ton serviteur Richard soit toujours trouvé capable pour accomplir le devoir de sa dignité, et qu'il soit rendu agréable à la cour céleste. »

Répond : « Amen ».

Cela fait, la messe étant célébrée, devant l'Agnus Dei le duc retourne à l'autel, et, s'agenouillant devant l'évêque qui célèbre , l'évêque disant sur lui cette oraison :

» Notre Seigneur te bénit et te garde; ainsi, comme il a voulu que tu sois été duc sur son peuple, ainsi qu'il te fasse heureux en ce monde, et que tu sois participant de la félicité éternelle, et qu'il te donne, contre tous les ennemis visibles et invisibles de la foi chrétienne, la victoire triomphante, et que tu sois très heureux fondateur de la paix et repos en plusieurs et divers lieux, et tant que toi tenant le gouvernement d'Aquitaine, le peuple étant sujet à toi, gardant les droits de la religion chrétienne de toutes parts et sources, et qu'il jouisse de la tranquillité de la paix et, l'ayant mis en l'assemblée des princes bienheureux et nom méritoire, être avec toi en la félicité éternelle.

 Après l'oraison s'achève :

« Dieu, lequel fait profiter toutes choses à ceux qui t'aiment, donne au cœur de notre duc une affection afin que les désirs conçus par ton inspiration qu'ils ne puissent par aucune tentation être changés. »

Répond : « Amen ».

Après l'achèvement de la messe, le duc s'en retourne de rechef à l'autel, et offre sa robe ou manteau, son cercle d'or, l'anneau et l'enseigne, et cela fait, et l'oraison dite par l'évêque comme s'ensuit :

« Dieu duquel est toute puissance au ciel et en la terre, nous te prions d'octroyer à notre duc, lequel tu as voulu préférer au peuple par ta permission, et qu'il soit gouverné ainsi par ta prudence, afin qu'il ne domine sur son peuple en orgueil et abus, mais en toute humilité et justice provenant de Dieu le père,auquel soit honneur et gloire à tout jamais.

 Répond: « Amen ».

Cette oraison dite, la suivante se dit :

« Dieu, qui es le salut de tous hommes, sauve ton serviteur Richard, notre duc, en corrigeant l'excès des erreurs, et brisant les vices des pervertissant chrétienté, »

Autre oraison de suite.

« Dieu qui illumines tout homme venant au monde par la lumière de ta sapience salutaire, nous te supplions que tu illumines notre duc, afin que, selon ta faveur, il prenne goût aux choses droites, et qu'il ordonne les choses justes. »

Répond : « Amen ».

Ce bien dûment fait, le duc s'éjouissant en Dieu, par la grâce d'icelui retourne en sa maison, rendant, au jour de sa solennité, un jour aux chanoines de ladite église de Limoges, le prix pour un banquet qui leur est dû.

Les faits contenus en ce chapitre, lequel on a vu de la réception et sacre des ducs d'Aquitaine par l'admonition de son chapitre, Helias, humble chantre de St-Etienne, cathédrale de Limoges, ainsi qu'il a entendu dire par gens provides et honorables, a mis élégamment et clairement par plusieurs considérations ; c'est à savoir que, si après il ne puisse être assoupi par oubli avec quelle révérence, et comme on lit ci-dessus, que le duc, à sa nouvelle réception, être orné de ses prémices de sa nouveauté.

Semblablement qu'il n'advienne jamais à l'église cathédrale de Limoges d'être frustrée de l'honneur de son droit, ou bien être privée de cette dignité, de laquelle, après avoir été privilégiée du temps passé par les institutions de leurs prédécesseurs, excellent, comme l'âge présentement le représente jusques à ce temps.

Quant à la notice de ce qui s'ensuit, nous avons bien estimé le public afin qu'il ne puisse par aucune efficace mis en oubliance, mais au contraire en perpétuelle mémoire. Que l'âge présent donc sache et la future postérité connaisse que le prince auquel, par la grâce de Dieu, la dignité ducale d'Aquitaine être dévolue par droit héritage devant qu'il mérite être appelé duc.

Premièrement il doit venir à l'église matrice du Limousin, dédiée à Saint-Etienne, premier martyr, église cathédrale de toute la province d'Aquitaine par certaine prérogative de dignité et excellence super-éminente de note saint Martial, apôtre de notre sauveur J.-C., lequel a gagné à Dieu le duc Etienne, sainte Valérie sa prétendue épouse , laquelle fut héritière et unique fille de Léocadius, premier duc d'Aquitaine, et, comme dit est ci-devant de son proconsulat.

Pour cette considération approuvée et retenue, quiconque sera duc d'Aquitaine et constitué en cette dignité ducale par la grâce de Dieu, premièrement doit prendre sa principauté en la sainte église de Limoges de la manière qui s'ensuit.

C'est une œuvre de Dieu que le seigneur d'Aquitaine, lorsqu'il est élevé à la dignité ducale, soit reçu par l'évêque, premièrement à Limoges, et de tout le clergé en solennelle procession, à laquelle le prince doit venir accompagné de multitude de barons, et s'arrêter hors l'église, et doit avoir en sa tête une guirlande d'or en manière de cercle, laquelle, lui arrivant, lui sera ôtée de la tête par l'évêque, et sera vêtu d'un manteau de soie qui sera mis à travers d'une épaule à l'autre sous le bras de l'une, et après ledit seigneur évêque lui met le cercle d'or sur la tête , et lors il commence être honoré de la dignité ducale, disant l'oraison à ce propice ; et après il doit recevoir de la main de l'évêque l'enseigne, puis après l'anneau de sainte Valérie qui est en la sacristie de l'église de Limoges; il commence être vêtu de la dignité ducale.

Ce fait, assistant l'évêque, le prince en entrant en l'église avec la procession, le chantre commence l'antienne Honor, virtus, ou bien Deum lime, ou bien une prose de Saint-Etienne in cœlo martyrum primus dux victoriae, etc. ; et alors le prince, en signe de la victoire qu'il doit désirer sur les ennemis, durant la procession, couronné du cercle d'or, doit porter de sa propre main l'enseigne et une lance jusques à l'autel, et il reçoit de l'évêque une épée engaînée, promettant par seraient, selon son pouvoir, défendre les droits de l'église de Limoges.

Alors, selon les anciennes coutumes, il promet fidélité, puis après le doyen lui chausse les éperons, qui signifient qu'il doit être prompt et hâtif pour la défense du peuple qui lui est sujet. Après, l'évêque se préparant pour dire la messe, il est mené au chœur , et mis par le chantre en la place du doyen, et doit ouïr la messe dévotement , et devant lui doit être son sénéchal ou autre homme illustre qu'il lui plaira.

Cependant qu'il ouïra la messe, et durant icelle, le duc doit tenir l'épée qu'il a reçue de l'évêque élevée en haut, et l'étendard étant de l'autre côté ; alors l'office de la messe sera chanté solennellement, avec le chantre et sous-chantre et un chanoine qui les assistera durant la messe, eux gouvernant le chœur, lequel office, le Pater noster dit, le duc doit venir à la bénédiction épiscopale à l'autel, et incontinent, la messe achevée, le duc en grande révérence doit offrir, à l'honneur de Dieu et en mémoire de sa réception de sa dignité, tous les ornements desquels il avait été honoré, lesquels doivent être préparés par ses officiers, et à son retour attendu sans difficulté promptement être rendus; car, en ce jour de solennité et de joie, toutes choses achevées , il doit bailler toute et telle procuration aux chanoines de Limoges qu'il appartient à un tel seigneur notre duc, Dieu augmentant en lui les dons de ses grâces.

Quand ledit seigneur d'Aquitaine est vêtu par l'évêque en la procession d'un manteau de soie, lors le manteau ou chape duquel il est venu habillé et qu'il a dépouillé, il doit être pris par les gardes de l'église de Limoges, et être leur ; car, tout ainsi que les dépouilles des gens d'armes, lorsqu'ils exhibent hommage à un seigneur, sont de droit aux valets de chambre , par semblables raisons et conditions les vêtements du duc appartiennent aux parties selon le droit des coutumes.

Suivent diverses festivités : tournois et banquets.....

M. A.

 

NOMS Des Rois et Ducs d'Aquitaine qui ont reçu la couronne à Limoges (d'après le même manuscrit). -

 

EUDES Ier, duc d'Aquitaine (2), environ l'an. 715

LOUIS-LE-DÉBONNAIRE, fils de Charlemagne, roi d'Aquitaine, fonde l'église de St-Sauveur ou de St-Martial, vers. 801

PEPIN, roi d'Aquitaine, vers 807

 CHARLES-LE-CHAUVE, roi d'Aquitaine, l'an., 838

En octobre 855, son fils, Charles l’Enfant, est sacré et couronné roi à Limoges

EUDES II, roi, couronné par Rodulphe, archevêque de Bourges, l'an 881

CHARLES - LE - SIMPLE, roi, par Gautier, archevêque de Sens, l'an 920

GUILLAUME - TÊTE - D'ÉTOUPES, duc, par Ebles son frère, évêque de Limoges, l'an. , , ., 988

GUILLAUME-GEOFFROI, duc, l'an. , 1025

Vers 1169 RICHARD-COEUR-DE-LION, par l'évêque Gérald du Cher, ou encore Gérald de Char 1137–1177,  neveu d'Eustorge qui le précède ; il meurt le 7 octobre 1177

HENRY-LE-JEUNE au Court-Mantel Décédé en 1183, roi d'Angleterre, duc d'Aquitaine, couronné dans l'église de Saint-Pierre-du Queyroix, par Sebrand Chabot (1179–1197) l'an. , , , , , , , , , , ., 1181

 

 

 

<==.... ....==> Limoges, Fortifications sous les Plantagenêt (XIIe - XIIIe siècles)

 

 

ROSE MONDE Clifford et Aliénor d'Aquitaine, Anecdote Anglaise, historique, galante et tragique. (1140-1176) <==.... ....==> 25 décembre 1169 : Henri II Plantagenêt tient sa cour de Noël à Nantes où il célèbre les fiançailles de son fils Geoffroy II

  Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU )

<==.... ....==>Pâques le 5 avril 1170, au château de Niort, Aliénor présente aux barons Poitevins, Richard comte de Poitou âgé de douze ans.

 

 


 

(1) Quoique la seconde partie de cet extrait ne soit, à peu de chose près, qu'une répétition de la première, nous avons cru cependant ne pas devoir la supprimer, parce que, dans celle-là, le chroniqueur a voulu consigner la formule du cérémonial, et dans celle-ci, il s'est attaché à constater les droits de l'église cathédrale de Limoges.

 

(2)   Ce duc entoura Limoges de murailles, tours et fossés, et renferma dans son enceinte l'église de St-Pierre-du-Queyroix ; il fit sculpter les lions de pierre, le pape Grégoire III ayant donné des lions pour armoiries aux ducs d'Aquitaine.

Société d'agriculture, des sciences et des arts (Haute-Vienne).