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PHystorique- Les Portes du Temps
16 juillet 2019

NOTICE SUR TROIS BOULETS DE CANON TROUVÉS A LUSIGNAN ; Le château de Lusignan a subi deux sièges sous l’usage de l'artillerie

NOTICE SUR TROIS BOULETS DE CANON TROUVÉS A LUSIGNAN Lusignan a subi deux sièges sous l'usage de l'artillerie, le premier en 1569, le second en 1574

Du Xème au XIVème siècle, l’histoire de Lusignan se confond avec celle de ses seigneurs dont la famille aurait pour origine légendaire la Fée Mélusine, et qui régneront sur Chypre, Jérusalem et l’Arménie.

Ils construisent le château, véritable forteresse qui connaîtra des aménagements importants au début du XIIIème siècle, avec Hugues  X et Isabelle d’Angoulême.

La puissance des Lusignan du Poitou décline et leur château passe dans le domaine royal de France en 1308.

Il recevra alors la visite d’hommes célèbres : Jean de BERRY, Louis XI, Catherine de MEDICIS…., et vivra le procès de Jacques CŒUR en 1456.

Pris et repris au cours des guerres de religion, le château de Lusignan fut démoli en 1575, après avoir soutenu un long siège contre lés troupes du duc de Montpensier. A cette époque, une fontaine consacrée à Mélusine coulait encore dans l'enceinte de l'une des tours c'est à cette modeste source que la fée poitevine a dû son illustre destinée.

Je ne pense pas que les frustes projectiles qui font l'objet de cette notice soient susceptibles d'apporter des éléments nouveaux à l'Histoire du Pays Mélusin, mais il n'y a rien de négligeable pour qui s'intéresse au passé de sa province et s'attache à la conservation des témoignages, même les plus humbles, de ce passé.

En 1964, j'ai acquis à Lusignan une petite maison et un clos, sis dans le vallon du Bourceron, à l'entrée de la Basse-Ville, en venant de Poitiers.

Alors que j'arrachais des broussailles derrière cette maison, mon attention fut retenue par un boulet de fonte tout rouillé et enterré à demi au pied d'une vigne.

Il s'agissait, à l'évidence, d'un projectile d'artillerie utilisé au cours d'un des sièges qui, dans la seconde moitié du XVIe siècle ont préludé à la destruction totale du château de Lusignan.

Une rapide enquête m'apprit que cet objet avait été découvert et déposé en ce lieu, vers 1925 par l'ancien propriétaire et constructeur de la maison, un sieur Chassac maître maçon, aujourd'hui décédé.

Il s'agit d'un boulet plein, en fonte, d'un poids de 15 kilogs et d'un diamètre de 162 millimètres, tel qu'en usage dans l'artillerie française au temps des guerres de religion.

J'ai tenté de déterminer la date à laquelle il a été tiré, sa trajectoire et les circonstances de son lancement, tout en vérifiant s'il n'en existait pas d'autres exemplaires à Lusignan.

Ces recherches m'ont naturellement conduit à l'étude des sièges soutenus par cette ville et je me permets de vous soumettre les résultats de ce modeste travail.

Pour la clarté des explications qui vont suivre, je rappellerai que le château de Lusignan, construit sur un long promontoire de plain pied à l'Ouest, mais abrupt à l'Est, dominait, au Nord, la vallée de la Vonne et au Sud le vallon du Bourceron qui le ceignaient ainsi de douves naturelles aussi larges que profondes.

C'était un imposant couronnement d'épaisses murailles confortées par de hautes tours, telles que la « Tour Poitevine », à la pointe orientale et, sur le flanc Nord, la célèbre « Tour de Mélusine », d'où la vue s'étendait, par -delà le cours de la Vonne, sur les immenses frondaisons du « Grand Parc » où chassa l'Empereur Charles-Quint.

Au Midi, se dressait le beau « Logis de la Reine » qui surplombait la Basse-Ville et le vallon du Bourceron, face à la colline de PuyBerger.

A l'Ouest du château, se trouvait une vaste esplanade, l'actuelle Place d'Armes, au- delà de laquelle étaient la Haute-Ville et son faubourg d'Enjambes.

La défense était complétée par une ceinture de remparts extérieurs dénommés « fausses brayes » et un petit ouvrage fortifié construit au pied de la « Tour Poitevine » et qu'on appelait le « Ravelin de la Vacherie ».

 

Durant le XVIe siècle, Lusignan a subi deux sièges, le premier en 1569, le second en 1574.

Ces deux opérations de guerre ayant été les seules au cours desquelles il fut fait, en ces lieux, usage de l'artillerie, le boulet dont s'agit n'a donc pu être utilisé qu'à l'occasion de l'une d'elles.

Or, cet emploi ne parait pouvoir se situer au cours des combats de 1569 pour les raisons suivantes qui me semblent décisives.

En effet, outre que cette première campagne fut très brève puisque sa durée n'excéda pas une semaine, les divers récits qui la relatent nous montrent que les tirs d'artillerie exécutés tant par les assaillants que par les défenseurs de la ville et du Château ont laissé en dehors de leurs trajectoires le secteur méridional de Lusignan et, partant le vallon du Bourceron.

Aux premiers jours de l'été 1569, l'armée protestante opérait en Poitou sous le commandement de l'Amiral de Coligny qui avait dessein de réduire les places fortes de cette province.

Afin de s'éviter toute surprise durant le temps qu'il assiégerait Poitiers, Coligny résolut de s'assurer la possession de Lusignan.

Cette forteresse commandée par le sieur de Guron, assisté de son beau-frère Bonnin du Cluzeau et du capitaine Pelletier dit Paillerie, n'était alors défendue que par une faible garnison de 200 hommes.

Le 15 Juillet 1569, Coligny, à la tête d'une force très supérieure, se présenta devant Lusignan et somma Guron de lui livrer la place sur le champ.

Devant son refus, une batterie de six canons fut établie par les Huguenots dans le Grand Parc, au Nord du Château, excluant ainsi tous objectifs situés au Sud de la forteresse, dans la Basse-Ville ou le vallon du Bourceron.

Les protestants ayant ouvert le feu, les assiégés ripostèrent, mais un de leurs canons creva et mit, du coup, 80 défenseurs du château hors de combat.

S'il est vrai qu'un canon huguenot baptisé, si l'on peut dire, « Chasse Messe » vint également à éclater, la mort du Capitaine Paillerie, qui était l'âme de la résistance, brisa tous les ressorts de la défense ; La batterie protestante du Grand Parc poursuivit durant plusieurs jours son tir contre le château.

Le sieur de Guron se hâta de négocier la reddition de la place.

La capitulation eut lieu le 21 Juillet 1569 et la forteresse fut livrée le lendemain par de Guron et, son beau frère, du Cluzeau, qui se retirèrent, avec la garnison « toutes bagues sauves », à l'exception des six canons qui défendaient le château.

L'Amiral fit alors occuper Lusignan par une troupe de 600 hommes commandée par le sieur de Mirambeau, lequel dût rendre cette forteresse au Roi, après la levée du siège de Poitiers et la bataille de Moncontour.

 

Si, comme nous venons de le voir, le boulet qui nous occupe n'est pas concerné par le siège de 1569, l'analyse des péripéties de celui de 1574 nous donnera, par contre, d'intéressants renseignements sur ce projectile.

Aussi bien, les récits contemporains fournissent à cet égard d'utiles indications.

1°) Le Journal ou « Diaire » de Michel Le Riche, Avocat du Roi à Saint-Maixent, recueilli et publié par de La Fontenelle de Vaudoré.

2°) Le « Discours des choses les plus remarquables avenues par chacun jour durant le siège de Lusignan en 1574 » imprimé à La Rochelle en 1575.

3°) Le « Journal de Denis Généroux » publié et annoté par Ledain.

Lorsqu'après le 26 Août 1572 la nouvelle du massacre de la Saint-Barthélemy se répandit dans les provinces, les protestants, dès que le premier mouvement de stupeur fut passé, réagirent vigoureusement.

Ils se réorganisèrent et s'armèrent rapidement afin d'occuper d'importants lieux stratégiques et de se placer dans une position de force.

 

Dans l'Ouest, le mouvement partit de La Rochelle pour s'étendre promptement au Poitou.

Dès le 15 Janvier 1573, entrèrent « en la Ville de Lusignan quatre cornettes et quelques compagnies de gens « de pied ayant « faulcé » le corps de garde de l'une des « portes de la ville ». (Diaire de Michel Le Riche, page 125).

« En Mars 1574, le sieur de la Baronnière était à Lusignan, soi « portant gouverneur dudit lieu, comme de par le sieur de « La Noue. » (Michel Le Riche, page 152).

« Le rendez vous de ceux qui avaient pris les armes était à Lu« signan. On vit passer, le Mardi 9 Mars 1574, les sieurs de Saint« Gelais, de la Tiphardière, de la Combe, de Fief-Franc et 14 ou 15 « autres ». (Michel Le Riche, page 154) ;

Le pouvoir royal décida de reconquérir la place et confia cette mission à Louis de Bourbon, Duc de Montpensier qui venait de reprendre Fontenay-le-Comte aux protestants. ==> 1574 De Chinon, le duc de Montpensier reçut l'ordre de faire le Siège de Fontenay-le-Comte

Le vieux Duc, qui avait, dès l'abord, établi son Quartier Général à Sanxay, crut pouvoir s'emparer facilement de Lusignan par surprise.

A cet effet, il détacha de son armée 1.500 hommes sous le commandement du capitaine Saint-Martin, mais l'entreprise échoua piteusement.

Denis Généroux narre ainsi cet échec : « Le 15 ou 16 dudit mois (Août 1574), le capitaine Saint-Martin, pensant prendre par intelligence Lusignan, fut enclos avec trente ou quarante hommes en la ville. Toutefois, il se sauva avec quelque peu des siens par dessoulz la herse qui ne « peult » tomber jusqu'à terre. Le parsus fut tué à coups de mousquets » (Denis Généroux, p. 124).

Le Duc de Montpensier, comprenant alors qu'il avait affaire à une rude garnison commandée par des chefs énergiques tels que René de Rohan, baron de Frontenay, le sieur de Chouppes et celui de Saint-Gelais, dût se résoudre à établir un siège en règle.

 

Le 27 septembre 1574, il envoya le sieur de Surin « sommer ceux de Lusignan de se rendre ou entendre à pacification ». (Michel Le Riche, page 198).

Sur leur refus, le Duc se transporta, le 29 Septembre à Saint-Maixent avec son armée et « 12 pièces de canons de batterie ».(Michel Le Riche, page 199).

Il y procéda au regroupement de ses forces et mit la dernière main aux préparatifs du siège.

Le 30 Septembre, il adressait « lettres en forme de commission « pour lui envoyer au camp, sur les paroisses du ressort, cent hommes de labeur ayant chacun une serpe et, outre cela, la moitié des pics et l'autre moitié des pelles, pour y servir huit jours seulement où ils seraient nourris et payés. (Michel Le Riche, page « 200).

La courte durée de cette réquisition semble indiquer que Montpensier croyait à une prompte reddition des assiégés.

Le 6 Octobre 1574, l'Armée du Roi fit mouvement de Saint-Maixent sur Lusignan, par Jazeneuil, avec toute son artillerie.

« Le Mercredi 6 Octobre, écrit Michel Le Riche (page 202) passèrent à Saint-Maixent, allant à Lusignan, 4 canons de batterie et plusieurs charretées de boulets et encore furent envoyés ceux qui étaient ici ».

Cette dernière précision nous renseigne très opportunément sur les forces d'artillerie dont disposait le Duc de Montpensier.

Sachant, en effet, que celui-ci s'était transporté le 29 Septembre à Saint-Maixent, avec 12 pièces de canons de batterie et qu'il y avait reçu un renfort de 4 autres, nous pouvons dès lors fixer à 16 le nombre des canons de l'armée assiégeante, sans compter les pièces de moyens et petits calibres, telles que couleuvrines, bâtardes, moyennes, faucons et fauconneaux.

La ville et le Château de Lusignan furent aussitôt investis par une armée forte de plusieurs milliers d'hommes. Trois batteries furent établies à l'Ouest, au Nord et au Sud de la place — Celle de l'Ouest, dans le Faubourg d'Enjambes, face à l'enceinte de la Haute Ville ; — Celle du Nord, dans le Grand Parc, d'où Coligny avait ouvert le feu en 1569 ; — Celle du Sud, enfin, sur les hauteurs de Puy-Berger, au-dessus du vallon du Bourceron.

Nous connaissons la consistance et la disposition de cette dernière batterie, grâce à la précieuse découverte que fît en 1872, Monsieur l'Avocat Général Babinet, dans les archives de la Bibliothèque Nationale ; Dans une Notice sur le Château de Lusignan publiée dans le Tome 13 des Bulletins des Antiquaires de l'Ouest (années 1871-73) M. Babinet rapporte comment il trouva, dans un carton de décharge, un plan manuscrit contemporain du siège de 1574 et représentant cette forteresse.

« Bientôt, écrit-il, je mis la main sur un papier jaune plié en quatre, portant sur les bords l'empreinte des poches où il avait séjourné, couvert de légendes en encre un peu terne et contenant le plan dressé par l'homme le plus compétent, à coup sûr, pour résoudre le problème que je m'étais posé. C'est l'Ingénieur, le Commandant d'artillerie ou le maître canonnier Gascon  qui dirigea contre le château de Lusignan, sinon les attaques consécutives des quatre mois du siège, du moins, celle qui amena la capitulation du 15 Janvier 1575 ».

vue cavalière du château de Lusignan prise de la colline qui surplombe le vallon du Bourceron

Ce dessin, dont un calque, est annexé à cette notice, nous montre la vue cavalière du château prise de la colline qui surplombe le vallon du Bourceron.

On voit sur ce croquis, annoté de la plume même de l'Officier qui commandait la batterie, les six canons et les deux moyennes qui la composaient, ainsi que les trajectoires suivies par leurs projectiles.

Cette batterie était installée, face au front Sud du Château, à la hauteur du Logis de La Reine, de la Tour Poitevine et du ravelin de la Vacherie.

Nous savons, d'autre part, que la batterie Nord, mise en position dans le Grand Parc, le 21 Octobre 1574, se composait de 5 canons.

Nous lisons, en effet, à la page 52 du « Discours des choses » les plus remarquables avenues durant le siège de « Lusignan en l'an 1574 », que le ravelin de la Vacherie était exposé par derrière à la batterie de « 5 canons établi le 21 Octobre dans le parc ».

Nous pouvons donc en déduire que les 5 autres canons dont disposaient les assiégeants étaient affectés à la batterie de l'Ouest postée dans le faubourg d'Enjambes.

Bien qu'encore rudimentaire, l'artillerie avait réalisé d'importants progrès depuis le début du XVIe siècle.

Les pièces d'un maniement difficile, étaient sujettes à de fréquents éclatements, leur tir manquait de précision et leurs projectiles n'étaient que des boulets pleins en fonte.

Telle quelle, cette artillerie ne pouvait trouver qu'un emploi limité dans les batailles en rase campagne.

Par contre, elle jouait un rôle chaque jour plus décisif dans les combats de sièges ; En effet, les boulets pleins faisaient office de puissants béliers qui rompaient les murs, enfonçaient les portes et crevaient les toitures ; Des pans de remparts, ébranlés et disjoints, finissaient par s'écrouler et ouvraient ainsi des brèches ou les assiégeants pouvaient s'engouffrer.

L'habileté des artilleurs consistait alors à provoquer la chute des murailles à l'extérieur pour que leurs débris éboulés vinssent s'étaler et former des plans inclinés susceptibles d'être gravis par les assaillants.

On disait, en ce cas, que la brèche était « raisonnable ».

 

Sous les règnes de François Ier et de Henri II, on s'était efforcé d'harmoniser les poids et les modèles des pièces et de leurs projectiles.

Cossé de Brissac avait ramené toutes les pièces à 6 modèles ou « Calibres de France », savoir : Le Canon de France — Calibre 33 La Couleuvrine — Calibre 20 La Bâtarde — Calibre 20

 

La Moyenne — Calibre 10 Le Faucon — Calibre 3 Le Fauconneau — Calibre 2 Cette règlementation fut entérinée par un Edit de Charles IX, en Mars 1572.

Le service des pièces était assuré par un cadre d'élite et les canonniers « ordinaires » ou « extraordinaires » jouissaient dans l'armée d'une grande considération.

Leur uniforme se composait de pourpoint serré à grand collet et d'un petit chapeau sans ailes.

En vertu d'un privilège confirmé par Henri III en 1575 et qui s'est perpétué jusqu'en 1640, les Officiers d'artillerie étaient les commensaux du Roi.

Le service proprement dit des pièces exigeait un personnel peu nombreux.

— 2 canonniers ordinaires et 3 extraordinaires pour 1 canon.

— 1 canonnier ordinaire et 2 extraordinaires pour 1 Moyenne.

Par contre, le charroi des pièces et de leur approvisionnement nécessitait l'emploi d'un grand nombre d'hommes et de chevaux.

Il fallait 23 chevaux attelés en file pour tracter un canon.

L'approvisionnement qui était de 200 boulets par canon, se faisait par charrettes réquisitionnées, sous le commandement d'un « capitaine de charroy » assisté de « capitaines de chevaux » ; Indiquons enfin que la mise à feu d'une pièce était longue et précédée de huit commandements : 1°) Chargez ; 2°) Le Sachet ; 3°) Le Fourrage ; 4°) Refoulez ; 5°) Pointez ; 6°) Haut la mèche ; 7°) Haut le bras ; 8°) Feu.

Il est temps après cette digression, de reprendre le siège de 1574 au point où nous l'avons laissé.

L'assaut, contrairement à ce qu'on pourrait penser ne fut pas donné contre le front d'Ouest, bien que celui-ci fût le seul de plain-pied et que tous les autres offrissent aux assaillants des escarpements abrupts.

C'est que, pour ce faire, il eut fallu forcer d'abord l'enceinte de la Haute-Ville et s'emparer de cette dernière dont tous les bâtiments, notamment l'église Notre-Dame et le Prieuré, étaient autant de forteresses bien défendues.

Enfin, la Ville Haute occupée, les assiégeants se seraient trouvés à découvert sur la vaste esplanade précédant le château dont l'entrée était solidement protégée par un puissant ouvrage nommé « Le Pourpris de La Porte » et derrière lequel s'accumulaient d'autres défenses plus redoutables encore.

 

La note suivante, tracée en marge du « Pourpris de la Porte » et de la main même de l'auteur du dessin trouvé par M. Babinet, est, d'ailleurs, fort explicite sur ce point.

« On laissa d'assaillir et battre la place par cet endroit (parcé qué aiant) pris le premier fort, il eut fallu assaillir encore un par après, derrière lequel ils pouvaient encore faire un retranchement ».

En fin de compte, il fut décidé d'ouvrir la brèche dans le flanc sud de la partie orientale du château, entre la « Tour Poitevine » et le « Logis de la Reine ».

Cette mission fut confiée à la batterie de 6 canons et 2 moyennes, postée au Midi, sur les coteaux du Bourceron.

Sous les canons de cette batterie, le dessinateur anonyme a mentionné : « D'icy fust battue la place et fault noter que le chasteau est assis sur un rocher très hault, toutefois que la montagne opposée du côté de deça distante de deux cents pas, est quelque peu plus à cavalier que la naturelle situation du chasteau, qui estait cause que bonnement les assiégés ne pouvaient réparer tant par faute de matière comme aussi qu'ils estaient recognus à tous coups à fleur de terre ».

Ayant escaladé le coteau qui domine mon petit clos, je n'ai pas eu de peine à situer l'emplacement de la batterie qui, de cette position surplombait le château.

 

La batterie ouvrit le feu contre la place le 15 Octobre 1574.

Elle tira durant tout ce jour 852 boulets et fit « une brèche de 30 à 40 pas ». (Discours des Choses les plus remarquables, page 41).

Le principal objectif avait été le « Logis de la Reine » ; « 6 à 700 coups de canon le rasèrent et portèrent à terre ». (Ibidem, page 44).

L'assaut, cependant, n'eut lieu ni ce jour, ni le lendemain.

En effet, le 16 Octobre, Michel Le Riche, apprend par un Sergent que « le Vendredi 15, on avait battu le château et fait brèche de cent pas et que l'on avait délibéré « d'y aller à l'assaut cette nuit avec « escalades dont on avait grande quantité, ce que l'on fit, u « moyen de ce que l'on disait de quelque proparlement ». (Michel le Riche, page 204).

A dire le vrai, il apparait que la brèche ouverte le 15 Octobre était insuffisante et qu'elle devait être élargie pour permettre l'assaut.

Aussi bien le 23 Octobre 1574, la batterie reprit son tir contre le château.

Après une violente canonnade, les gends de pied de l'armée assiégeante, entrainés par le sieur de Bussy, se lancèrent à l'assaut de la place, sous le regard du Duc de Montpensier, qui avait quitté son Quartier Général de Jazeneuil, pour suivre en personne les opérations.

 

L'attaque échoua et les assaillants ne purent même pas s'assurer du ravelin de la Vacherie, au pied de la « Tour Poitevine ».

Denis Généroux note à la page de son journal : « On donna un assault au fort de la Vacherie joignant le Château de Lusignan, où l'on ne fit rien, sinon qu'il y fut tué et blessé beaucoup d'hommes de part et d'autre. Le sieur de Bussy y fut blessé ».

Signalons que peu avant, ce même de Bussy avait reçu une arquebusade à l'assaut de Fontenay-le-Comte.

 

Michel Le Riche nous fournit une précision utile sur cette attaque manquée.

« Le Vendredi 23 Octobre, tout le jour fut battu furieusement le « Château de Lusignan où fut fait bresche, mais parce qu'elle  n'était raisonnable, n'y fut entré, quelque effort qui y fut fait d'entrer, où M. de Bussy, son lieutenant et enseigne, plusieurs gentilhommes et soldats furent blessés et aucuns tués ; et en fut  tué de dedans plusieurs des coups de canon et y demeura mondit sieur de Montpensier jusqu'à 7 heures du soir qu'il retourna à  Jazeneuil ». (Page 206).

Il se trouve ainsi confirmé que la brèche ouverte le 15 Octobre était insuffisante, puisque le violent bombardement du 23 Octobre n'avait pas permis de la rendre « raisonnable ».

Cet échec incita le Duc de Monpensier à la plus grande circonspection et releva le courage des Huguenots.

Le 28 Octobre, ceux-ci firent une sortie à l'Ouest contre le Faubourg d'Enjambes.

Les assiégés, conduits par Terrefort, Du Bien, Chouppes, Saint-Gelais et Seré, firent une sortie et donnèrent avec tant de furie dans les tranchées de l'ennemi, que tout s'enfuit devant eux. Au cours de ce hardi coup de main, ils tuèrent 80 assiégeants et enclouèrent deux canons et mirent le feu aux poudres, en sorte que Montpensier dut ralentir les travaux du siège, qui ne furent repris avec vivacité qu'à la fin de décembre, après qu'il eut reçu des renforts et des munitions.. (Michel Le Riche, page 207)

Montpensier prit alors la décision de resserrer le blocus de la place et de réduire la garnison par la famine.

Les assiégés, étroitement bloqués, étaient déjà réduits aux dernières extrémités.

 Tout leur manquait, jusqu'aux chaussures et aux vêtements au cœur d'un rude hiver. A l'exception du blé — encore ne pouvaient-ils en moudre en quantité suffisante, faute de moulins, leurs vivres étaient épuisés.

« Les chats et les rats étoient venaison et la pâtisserie de chevaux étoit pour délices. »

Frontenay néanmoins rejeta fièrement toutes les propositions de la Cour, résista aux instances de sa soeur, la duchesse de Loudun, Françoise de Rohan, dame de La Garnache refusa constamment d'accepter un traité particulier.

Cependant craignant que les souffrances ne jetassent le découragement parmi ses soldats, Frontenay annonça une revue, à laquelle ne se présentèrent plus que 80 cuirasses et environ 450 arquebusiers; puis, quand il vit réunis autour de lui ses vaillants compagnons d'armes, il leur déclara que s'il y en avait parmi eux qui ne voulussent plus supporter les fatigues, les privations et les dangers d'un si long siège, ils étaient libres de s'en aller; tous, gentilshommes et soldats, protestèrent qu'ils vivraient ou mourraient avec lui pour la défense de la religion.

Et comme pour sceller leur serment de leur sang, ils coururent sur la brèche repousser les assauts furieux de l'ennemi.

 

Le Duc jugea que le moment était enfin venu de porter le dernier coup.

Le 24 Décembre, au matin, le canon recommença de tonner furieusement sur les coteaux de Bourceron.

La batterie tira jusqu'au soir avec une extrême violence, écrasant le ravelin de la Vacherie, éventrant la « Tour Poitevine » et achevant la destruction du « Logis » de la Reine ».

Il importait que, cette fois, la brèche fût enfin « raisonnable ».

Les assiégeants se ruèrent sur les ruines du ravelin de la Vacherie qu'ils occupèrent après une résistance opiniâtre.

On accédait de ce fortin à la tête du château par un escalier muni de deux portes. lls pénétrèrent jusqu'à la première porte du château, où, pendant cinq heures, on se battit avec acharnement.

La lutte s'y poursuivit âpre et sanglante jusqu'à ce que les assaillants, supérieurs en nombre et débordant par la gauche, eussent atteint la brèche qui s'étendait du « Logis de la Reine » à « la Tour Poitevine » ; Après avoir pris pied dans le château et formé deux chemins couverts de madriers, les assiégeants portèrent leur effort sur la « Tour Poitevine » dont ils s'emparèrent.

Le plan manuscrit nous montre cette tour éventrée par le canon et porte l'annotation suivante : « Ceste tour fut batue et ouverte jusques au milieu, laquelle les assiégés parbatirent aucunes fois pour desloger les assiégeants qui l'avaient gaignée ».

 

Mais, ce jour- là, les assaillants ne purent aller plus avant et l'on se retrancha de part et d'autre.

Si les protestants ne s'étaient pas trouvés dépourvus de vivres et de munitions, les soldats de Montpensier auraient eu de la peine à se maintenir dans cette position inconfortable.

Mais les assiégés étaient réduits à un extrême état de dénuement.

Exténuée de fatigue, éprouvée par des pertes sanglantes, dont celle d'un de ses Chefs, le jeune de Saint-Gelais, la garnison huguenote n'était plus en état de lancer une contre- attaque.

 

Dans la nuit du 2 au 3 Janvier 1575, une poignée de désespérés tenta de passer au travers des lignes ennemies et de percer à l'Ouest.

La sortie échoua et la plupart des participants périrent les armes à la main.

Ce fut le dernier sursaut avant la capitulation.

« Les assiégés pressés de pauvreté et de disette de munitions, ayant perdu la moitié de leurs hommes et les plus belliqueux, obtinrent une capitulation honorable ». (Joseph Guérinière. Histoire Générale du Poitou. Tome 2, page 311).

 

Le siège se prolongea ainsi jusqu'au samedi 15 janvier 1575,  René II de Rohan consentit enfin à accepter une capitulation des plus honorables, « bagues sauves et aussi les soldats avec leurs arquebuses, la mèche éteinte » qui fut fidèlement observée, grâce, dit-on, à la loyauté de Puy-Gaillard, chargé d'escorter jusqu'en lieu de sûreté la garnison protestante et ceux des habitants qui ne voulurent point rester dans la ville.

Ils sortirent de Lusignan « forts défaits et dénués, prenant le chemin de La Rochelle n'étant au nombre que 2 ou 300 ». (Ibidem, page 216).

Cette dernière indication permet de penser qu'au début du siège, la garnison de Lusignan ne devait pas dépasser un millier d'hommes.

La Noue amène ses hostages jusques à Nuaillé (1) où, après force embrassades, tout se sépare, et les bandes de Luzignan passèrent en Ré (2), pour se rafraîchir huict jours.

Ainsi finit le siège (3) de Luzignan, qui dura trois mois et vingt-un jours, et cousta près de huict mille canonnades, huict cents hommes de pied, deux maistres de camp, quelques cent que gentilshommes que capitaines.

Dedans moururent près de trente gentilshommes choisis ou capitaines, deux cents soldats; et le chasteau, à la requeste de ceux de Poictiers, de fonds en comble rasé .

Lussé fut tué devant Lusignan, à l'assaut de la Vacherie, où il fit très-bien; car luy et M. de Bussy, s'estans tous deux à l'envy précipitez dans le retranchement, luy fut tué, dont ce fut grand dommage, et Bussy blessé à la mort, dont despuis il alla plus de six mois à potance

(Jean Coesme, seigneur de Lucé. Il fut tué le 23 novembre 1574; mais, suivant de Thou, Bussy avait été blessé à un autre assaut donné le 23 octobre précèdent.)

 

Après cet essai de restitution chronologique et topographique des diverses phases d'un siège qui dura quatre mois et fut suivi de peu par la destruction totale du Château de Lusignan, nous allons tenter de nous procurer quelques lumières sur l'histoire particulière du boulet signalé au début de cette notice.

Nous rechercherons, en premier lieu, quel a pu être son point de chute.

Une telle recherche doit tenir compte des modifications apportées aux lieux.

Lors du siège de 1574, le terrain où a été découvert ce projectile était un marécage qui n'a été asséché qu'à une période bien ultérieure.

On s'explique dès lors que ce boulet se soit, dans sa chute, enfoui dans ce bourbier et qu'il n'ait été mis au jour qu'à l'occasion du creusement d'un puisard, vers 1925.

Son point de chute originaire peut donc être situé dans mon clos, à l'emplacement de ce puisard, c'est à dire au fond de la vallée du Bourceron et au Sud-Est de l'ancien ravelin de La Vacherie.

Tout porte à croire qu'il a été tiré par la batterie Sud établie sur les côteaux et plus spécialement par celui des six canons qui était posté à l'extrémité orientale de cette batterie.

Il ne peut en effet, provenir des batteries du siège du Nord et de l'Ouest en raison de l'éloignement de leurs positions.

D'ailleurs, le « Discours des choses remarquables » met l'accent sur l'effet désastreux des batteries placées « sur la petite montagne, à Senestre, en venant de Pranzay » (page 7) et souligne le travail destructeur des « trois canons en tête qui battaient furieusement le ravelin de La Vacherie » (page 52), de « ces trois canons au dessus du ravelin ». (page 61).

L'hypothèse d'un tir de ce projectile par l'artillerie protestante ne parait pas davantage admissible, tant en raison de sa faiblesse que de sa disposition.

Aussi bien, le plan manuscrit nous éclaire suffisamment à cet égard ; Nous y voyons en tout et pour tout, deux canons postés dans le « Logis de La Reine » et pointés, non pas vers le Sud, en direction des côteaux du Bourceron, mais à l'Est, face au ravelin de La Vacherie, comme pour parer à l'assaut des assiégeants contre ce poste fortifié », Il ne parait pas non plus impossible de fixer la date du tir de ce boulet.

Cette date se place nécessairement entre le 15 Octobre 1574, jour de la première ouverture de la brèche et le 24 décembre 1574, jour du dernier bombardement de Lusignan.

Nous avons vu que les tirs d'artillerie des 15 et 23 Octobre avaient été dirigés contre le « Logis de la Reine » et la position des remparts comprise entre ce bâtiment et la « Tour Poitevine ».

 

Or, le point de chute du projectile dont s'agit se situe à une centaine de mètres à l'Est de cette trajectoire ; Par contre, le bombardement du 24 décembre 1574, qui visait entre autres objectifs le ravelin de la Vacherie, s'est trouvé de ce fait sensiblement déporté au delà de l'éperon oriental du château.

Pour cette raison nous retiendrons plus volontiers cette dernière date.

On observera peut être que ce boulet n'a pas atteint son but, puisqu'il est tombé au milieu de la vallée du Bourceron.

Cela est bien vrai, mais l'artillerie du XVIe siècle n'avait pas la précision des « engins à tête chercheuse » et tous ses coups ne parvenaient pas à leur but.

Du moins aurons- nous la consolation de savoir que notre boulet n'a pas été homicide.

J'ai de plus, recherché, s'il existait à Lusignan d'autres projectiles de ce genre.

J'appris par cette enquête qu'un artisan mélusin, Monsieur Ecale, demeurant à l'entrée de la Basse-Ville, possédait un boulet qui ressemblait au mien comme à un frère.

Il m'a fort aimablement permis d'examiner ce projectile qui est effectivement du même poids et du même calibre, à cette particularité près qu'il présente un enfoncement de plusieurs centimètres dans lequel on peut mettre le pouce.

M. Ecale m'a indiqué qu'il occupe sa maison depuis une vingtaine d'années et que ce projectile s'y trouvait déjà, lorsqu'il s'est installé ; Quand on saura que le jardin et les servitudes de M. Ecale sont situés au pied du « Logis de La Reine » et « des fausses brayes » qui, au flanc du rocher, formaient un rempart extérieur, il sera aisé d'en déduire que ce second boulet est l'un des « 6 à 700 », qui le 15 Octobre 1574, rasèrent le « Logis de la Reine » et le « portèrent à terre », suivant le témoignage de Michel Le Riche ».

L'auteur du « Discours des choses les plus remarquables » nous précise, au surplus, que les « fausses brayes » sises sous le grand corps de logis étaient « dangereusement exposées » et que « les boulets et la ruine du logis y tombaient sans obstacle » (page 45).

On rapporte, mais je n'ai pu vérifier ce point, que des charretiers auraient, en tirant du sable de la Vonne, trouvé autrefois plusieurs boulets dans lit de cette rivière.

Une lecture attentive des Bulletins de notre Société m'a révélé l'existence d'un troisième projectile.

On lit, en effet, à la page 13 du Tome 16 de la Société des Antiquaires de l'Ouest (années 1880-83), dans le compte rendu de la séance du 16 Janvier 1880, le passage suivant : « M. Alfred Richard, Archiviste Départemental, Membre de la « Société, offre au nom de M. Boumard, propriétaire à Lusignan « et de M. Germain Tribert, notre confrère, un boulet en fonte, pesant 15 kilogrammes, trouvé dans les ruines du Château de Lusignan ».

Cet objet figure depuis lors dans les collections des Antiquaires.

On peut le voir dans la salle du rez-de-chaussée du Musée de l'Echevinage où il voisine avec un gros boulet de pierre.

Semblable aux deux autres spécimens précédemment décrits, il doit également avoir été tiré au cours du siège de 1574.

L'absence de toute indication sur le lieu précis de sa découverte ne permet pas de situer les points de départ et de chute.

Nous savons qu'il a été tiré au total, durant ce siège, « 7.700 à 7.800 coups de canon, sans compter les mousquetades ». (Discours des Choses les plus remarquables).

La plupart de ces boulets ont, par la suite, été récupérés à des fins militaires ou commerciales.

Les trois exemplaires dont je viens de vous entretenir sont, à ma connaissance, les seuls qui subsistent actuellement pour témoigner d'une lutte fratricide qui a eu pour résultat d'anéantir l'une des plus belles illustrations de l'architecture médiévale en Poitou.

Addendum. — Dans les premiers jours d'Avril 1966, un quatrième boulet m'a été signalé à Lusignan, au logis de La Vacherie, propriété de Monsieur Proust, domicilié à Nantes.

Ce dernier a bien voulu me présenter ce projectile qui est du même calibre et offre les mêmes caractéristiques que les trois autres ; Sa découverte parait remonter à une centaine d'années et coïncider avec la construction de l'immeuble.

Sa présence à la Vacherie, à proximité immédiate du ravelin du même nom, laisse présumer qu'il a été tiré, le 24 Décembre 1574, au cours du bombardement qui a écrasé ledit ravelin.

 

 

Le château, qu'on prétendait avoir été bâti par la fée Meluzine, était un des plus célèbres du royaume.

Aimeri ou Méry Barbezières, seigneur de La Roche- Chémerault, chevalier des ordres du Roi, grand maréchal des logis de sa majesté mort le 5 mai 1609 fut chargé de le faire raser (De Thou, liv. LIX).

Février 1575 Ledit jour, nous reçûmes lettres de M. de Chemerault, du 8 de ce mois, pour aider de manœuvres, afin de raser le château et abattre les murailles de la ville de Lusignan, suivant la commission, sur ce, envoyée audit sieur, par M. du Lude, le 7 de ce mois, dont nous envoya copie.

 Le 14, M. de Chemerault nous envoya une autre commission, du 13 de ce mois, outre celle qu'il nous avoit envoyée jeudi dernier, par laquelle il nous mandoit lever sur notre ressort, et lui envoyer, dimanche prochain, 40 maçons, 20 charpentiers, 20 recouvreurs et 200 pionniers, pour aider à raser le château de Lusignan, avec leurs outils, à ce nécessaires.

Dans sa curieuse description du château de Lusignan, un auteur anonyme de la relation du siège de 1574 nous apprend que la porte principale de la forteresse avait retenu le nom de Geoffroy la grand'dent.

Une statue gigantesque ornait, nous dit Brantôme, le tympan de cette porte. C'était sans doute un bas-relief analogue à celui du donjon de Coucy dont le plan général rappelle sur plus d'un point Lusignan.

Le guerrier de Coucy est représenté armé de toutes pièces, luttant contre un lion. Cette sculpture date du  XIIIe siècle, à cette époque devrait sans doute être attribuée l'image de Geoffroy disparue lors de la démolition du château par le sieur de Marigny-Chémerault.

 « C'est, dit dom Taillandier, en parlant de ce siège mémorable (5), le plus fameux de tous ceux qui ont été soutenus pendant les guerres civiles après les deux sièges de Sancerre et de La Rochelle, Jamais on ne vit plus de valeur, d'expérience et de ressources dans un chef qu'on en apperçut alors dans le baron de Frontenai.

Il retarda autant qu'il put l'approche de l'ennemi, disputa le terrein pié à pié, mit en oeuvre toutes les ruses de la guerre, soutint quatre assauts meurtriers pendant lesquels il fut toujours exposé au plus grand feu; mais ce qu'il y a encore de plus admirable, c'est qu'il eut le talent d'inspirer à ses troupes tous les sentimens dont il était animé; la disette de vivres, la nudité, les rigueurs d'un hiver très-rude, les fatigues continuelles, la mort de leurs camarades, leurs propres blessures, rien ne fut capable d'abbattre le courage de ces braves gens qui se firent un devoir d'imiter ce qu'ils admiroient dans leur chef. »

 

La tour Mélusine est un des derniers vestiges encore présent de la forteresse médiévale. Son élévation pourrait être attribuée vers les années 1200 à Isabelle d’Angoulême, femme en secondes noces d’Hugues X de Lusignan.

Vers 1360, Jean de Berry entreprit d’importants travaux d’embellissement dans le château de Lusignan quand il reçut le Poitou en apanage. Dès lors il restaura cette tour (visible dans l’enluminure correspondant au mois de mars du livre d’heures «  Les Très Riches Heures du duc de Berry »)

Saillant sur le front nord, la tour Mélusine était la plus imposante et commandait les autres tours de la forteresse.

Remarquable tant par ses dimensions que par les éléments de sa structure, elle devait s’élever à une trentaine de mètres.

Les vestiges dévoilent une belle construction en pierre de taille à embasement taluté. Sur le parement intérieur de son rez-de-chaussée, on devine le départ d’une voûte en berceau.

C’était la tour la plus richement décorée de tout le château et la seule à être couronnée de mâchicoulis.

Inscrite au titre des Monuments Historiques le 2 juillet 1997.

 

 

 Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest et des musées de Poitiers par Robert MINEAU

La France Protestante, ou Vies des Protestants Français qui ...Eugène HAAG

 

 

 

 

17 février 1569 GABRIEL de Rechignevoisin, seigneur de Guron et Commandant au château de Lusignan <==....==> Ruine du Château de Mélusine à Lusignan : Côme Ruggieri astrologue et conseiller florentin de Catherine de Médicis

Notice sur un Canon extraordinaire trouvé à Vouvant (Time Travel - Guerre de cent Ans) <==

 

 

 

 


 

 

 

5 juillet 1574. Lettre de René de Rohan à M. de Boisseguin

Monsieur de Boisseguin,

 Il me semble que puisque le seigneur de Gadaigne (1) vous a faict entendre la suspension d'armes (2) qu'il m'a bailhé en passant, soubs le seing de monsieur le comte du Lude, qu'elle devoit aussitost estre publiée en vostre ville comme elle a été en ceste cy, démontrant ainsy que nous faisons l'affection que chacun doibt porter à la tranquillité de ceste province.

S'il y a entre vous quelque secrette intelligence eslongnée du reppoz que tous gens d'honneur serviteur de la couronne doibvent désirer, ceulx de la religion ne lairont pour cella de tendre tant qu'il nous sera possyble nos effectz conformez à toutes promesses qui sortiront de nous, et de ma part je tiendray tellement la main à l'entretènement de ladite suspension d'armes que chacun ira et viendra de ce côté aussy seurement et librement qu'il a faict auparavant la prinse d'icelle, vous asseurant bien que les vingtz beufz et bledz dont m'escripvés nous estre amenez en ceste ville (3).

Il y a eu telle vigilance depuis que je y suis et mesmement pour le bestail qu'il a été toujours rendu et le soldat pugny par bannissement et perte de ses armes.

Mais jusques à ce qu'on ayt satisfait aux deniers promys par le sr de Gadaigne pour la paye d'aulcuns soldatz qui ne sont appoinctez- il sera malaisé de leur pouvoir empescher la recherche de leur vye.

Voyia, Monsieur de Boisseguin, ce que je puis vous respondre pour ceste heure, me recommandant bien fort à vostre bonne grâce je vois supplier Dieu vous donner, Monsieur de Boisseguin, sa saincte et digne grâce.

De Luzignen ce cinquiesme jour de juillet 1574.

 Vostre entièrement plus atraictionné et serviable amy. RENÉ DE ROHAN.

 

1. L'abbé Jean-Baptiste de Gadagne, chargé par Catherine de Médicis de négocier la paix avec les chefs protestants à la Rochelle.

2. Suspension d'armes de 12 jours, publiée le 2 juillet en plusieurs lieux. (Arch. hist. du Poitou, XII, 383.)

3. Lusignan, qui avait été surpris par les protestants le 24 février précédent.

 

 

7 juillet 1574. Lettre de René de Rohan à M. de Boisseguin.

Monsieur de Boisseguin,

Depuis vous avoir ce matin escript comme j'avoys fait publier en ceste ville la surséance d'armes qui m'a esté envoyée sous le seing de monsieur le comte du Lude, j'ay entendu que samedy dernier aulcuns soldatz de vostre garnison tant de Poictiers que de Chasteau l'Achier ont dévàtizé le sr de Puyras se retirant d'icy, suivant ladite surséance, pour alleren sa maison et luy ont bosté ung de ses chevaulx, deux cuirasses, ses pistollez et huict escuz, de quoy je vous ay bien voullu advertir et vous donner les noms et demeures desditz arquebuziers, affin que, si vous entendez que nous demeu.ions régletz soubz ladite surséance, vous faciez, comme je vous en prie bien affectueusement, rendre et faire renvoyer icy toute la perte dudit sieur de Puyrasou, sans mettre ses amys en peyne de rechercher des représailles sur tel qui n'aura peut estre commis le mal, vous asseurant bien, Monsieur de Boisseguin, que, si de vostre costé vous commancez à fère ceste restitution et chastier les troubleurs de reppoz, que, où il s'en trouvera du myen, je y pourvoieray de telle façon qu'il ne restera moyen à ceulx là de retourner au mal, car je les rendray sans puissance d'en pouvoir jamaiz fere.

Cependant je desirerois bien sçavoir ceux qui ont prins le bestail, vin et blé que m'avez mandé, en quelle part le tout a été mené, comme il est bien aizé d'aprendre par les païzans qui ont conduict les charrettes, pour fere restituer ledit bestail, et partie du vin et blé, voire, le tout, s'yl m'est possible.

Sur ce, je mereeommanderay bien affectueusement à vostre bonne grâce, suppliant Dieu vous donner, Monsieur de Boisseguin, en saincte grâce bonne et longue vie.

De Luzignen, ce VIIe juillet 1574.

Vostre plus affectionné et obéissant amy. RENÉ DE ROHAN.

 

 

24 octobre 1574. Lettre du duc de Montpensier aux prévôt et échevins de Paris. (Reg. du bureau de la ville de Paris.

MESSIEURS,

Ayant assemblé jusques à environ soixante milliers de pouldres, tant de celles dont il vous avoit pieu me secourir que de tous les autres endroictz où j'avois peu en recouvrer, je pensois que cella seroit suffisant pour avoir la raison du chasteau de Luzignan que je tiens assiegé.

Toutesfois, encores queje y aye faict tirer jusques à quatre ou cinq mil coups de canon, je ne congnois poinct qu'il y ait moyen de le pouvoir prendre d'assault, pour la grande forteresse dont ilest composé et l'oppiniastreté de ceulx de dedans, si non qu'ily en soict encores tiré presque aultant.

Et pour ce que laditte place 'est de telle importance que de la reduction d'icelle deppend la liberté de toute ceste province, ~dont il ne fault pas aussy s'attendre de recevoir les deniers des tailles et autres subcides du Roy Monseigneur, qu'elle ne soit premièrement mise en son obéissance, et que je suis résolu de ne lever ce siège que je ne l'y veoye réduitte ce qui m'est impossible fere, sans ung nouveau secours desdittes pouidres, je n'ai sceu à qui m'adresser mieulx que à vous pour le recevoir.

A ceste cause, je vous prie, Messieurs, m'en voulloir encores faire ayder de trente ou quarente milliers, soye de celles de l'arcenac du Roy ou bien des magazins de vostre ville, ou de celles que Sa Majesté m'a mandé qu'elle me feroit venir de Picardye mais d'aultant qu'il n'y a rien sy requis en cecy que la dillijence ne aussy de plus préjudiciable que la longueur, tant par ce que ce pendant noz ennemis se pourront fortiffyer, que pour la foulle et ôppression du pauvre peuple, je vous prie encores une foys, Messieurs, de toute la plus grande affection qu'il m'est possible, me voulloir fere et moyenner ce secours en toute la plus extrème dilligence que faire se pourra, envoyant ce pendant en mon gouvernement de Bretaigne pour en recouvrer pareille quantité, sy elle s'y peult trouver.

 Je n'eusse tant demouré à vous remercier de celles que vous m'avez envoyées, sinon que j'espérois par mesme moyen vous mander quelzques bonnes nouvelles de l'exploict qu'elles auroient faict; néantmoings je n'ay failly de le fere savoir à Sa Majesté, affin qu'elle vous en saiche gré et face le remercyement que vous en méritez.

 Et me voullant bien promettre que, pour la très singulliere affection que vous portez à son service et tout bien et repos de son Royaulme, vous ne me reffuserez de ma requeste, je voys pour fin d'icelle, après m'estre recommandé à voz bonnes graces, supplier Nostre Seigneur vous donner, Messieurs, sa très saintte et digne grâce.

Du camp devant Luzignan, ce XXIIIIe jour d'octobre 1574.

Messieurs,

Je vous prie ne fere difficulté de me secourir du nombre de pouldres que je vous demande, et de les tirer de voz magazins par ce que vous mesme en ferez le remplacement de celles que le Roy m'envoyé de Picardye et Champaigne, lesquelles ne peuvent passer ailleurs que par vostre ville.

Ainsi signé Vostre plus affectionné meilleur amy. Loys DE BOURBON.

Et au doz est escript :

A Messieurs les prévost des marchans et eschevins de la ville de Paris.

 

 

 

(1). Les otages arrivèrent à Nuaillé, à trois lieues de la Rochelle, le 14 février 1575 (La Popelinière, t. III, f. 261 v°) - L'auteur a, par erreur, imprimé 14 janvier, ce qui est impossible, puisque la capitulation est du 25 janvier. De Thou n'en parle pas.

(2). Loyré, à une lieue de Nuaillé (La Popelinière, t. III, f. 261 v°).

(3). La Popelinière et de Thou ont donné de beaux récits du siège de Lusignan. L'acte de capitulation est analysé dans l'Histoire des troubles de Le Frère de Laval, t. II, f. 778.

 

 

 

(6) Selon de Serres, il coûta aux Catholiques plus de 1,200 hommes. Les assiégės, qui endurèrent 10,000 coups de canon et plusieurs assauts, perdirent 25 gentilshommes et environ 250 soldats, Parmi les morts, du côté des assiégés, on cite le jeune Saint-Gelais, Chirai, Saint-James Chaillou, Bois-Aubin, Boissec , Châteauneuf, Terrefort, et parmi les blessés, La Cour-de-Chiré, Villemuscau, Du Bois-de-Bonnevaur,

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