Celle-Lévescault - Sur les pas d’Austrapius, duc de Tours et de Poitiers, tué au VIe siècle par les Teifales
Theiphales, Theiphali, Taifali. Arcère croit que des Théiphales ou Taifales seraient entrés en Gaule sous la conduite de Goar, roi des Alains (l. c., t. I, p. 50), celui qui, à Mayence, avec Guntiaire, roi des Burgondions, fit prendre la pourpre à Jovinus (Olympiodore, Hist. apud Photium cod lxxx, éd. Rhotomago, in-fol., 1653, daus dom Bouquet, Rec. des Hist. des Gaules, 1. 1, p. 000).
La plupart des monographes ayant écrit sur le Poitou, entre autres M.du Fougeroux, ont signalé une tribu une ces Teifales, qui transportés d'Orient en Italie, auraient eu ensuite leurs cantonnements militaires à Poitiers, à Melle et surtout à Tiffauges dans le bas Poitou (Du Fougeroux, Le Poitou sous la dominat. romaine, sous le gouvernement des Wisigoths et sous la première et la deuxième race. Nantes, 1856).
Il est difficile de préciser exactement l'histoire, la provenance de cette colonie de Taifales. Toutefois Ammien Marcellin, en même temps qu'il parle de Goths, de Sarmates, mentionne des Taifales alors en Thrace et en Germanie. Il insiste sur la corruption de ce peuple, adonné d'une manière générale à la pédérastie (1. XXXI, cap. ix, p. 560, coll. Nisard, 1. XVII, cap. xm, p. 89).
La Notice des dignités de l'empire d'Occident montre qu'il y avait en Gaule dans diverses régions des Sarmates, et qu'en particulier chez les Pictavi, dans le Poitou, se trouvaient cantonnés des Sarmates et des Taifales (« Praefectus Sarmatarum et Taifalorum gentilium Pictavis in Gallia. Notitia dignitatum imperii romani; éd. Philippe Labbe, p. 124, 1651, Parisiis, petit in-12', et éd. de Bôcking, t. II, p. 122, cap. XL, 1855).
Au sixième siècle, Grégoire de Tours, à trois reprises, à propos du prêtre Senoch, Theifale d'origine, né en Theiphalie, et du duc-évêque Austrapius, tué par ces Theifales révoltés, mentionne la présence de cette peuplade dans le Pictavus pagus (« Igitur beatus Senoch, gente Theiphalus, Pictavi pagi, quem Theiphaliam vocant, oriundus fuit. Sancti Gregorii episc. Turonensis Vitae Patrum, cap. xv, p. 1223, éd. de Th. Ruinart, 1699. Voir aussi Hist. ecclesiast. Franc., 1. Y, cap. VII, t. II, p. 194, texte et trad. de Taranne).
« lpse (Austrapius) quoque regressus ad castrum suum, mota super se Theifalorum seditione, quos saepe gravaverat, lancea sauciatus crudeliter vitam finivit. » (Grégoire de Tours, Hist. eccles. Francorum, t. II, 1. IV, chap. xvm, P. 54.)
Il semble ressortir de ces minimes documents que les Théifales se sont établis dans le bas Poitou soit à l'état de peuplade immigrée, soit à l'état de colons militaires devenus citoyens en épousant des femmes du pays et en s'y fixant d'une manière stable, comme le disait Dadino Alteserra et Armand Maichin. « Ut Theifali e praesidiariis militibus, connubiis cives effecti, status ibi sedes fixerint et universo pago nomen reliquerunt.» (Ant. Dadino Altaserra, Rerum Aquitanicarum, 1. I, cap. xiv, p. 66, 2 vol. in-4°. Tolosae, 1648.– Armand Maichin, Hist. de Saintonge, Poictou, Aunix et Angoumois, p. 177-178, 1671, in-fol.)
Ces Theifales se sont perpétués dans cette région durant plusieurs siècles et peut-être s'y perpétuent encore, principalement sur les bords de la Sèvre Nantaise dans le Pagus Teofalgicus, dans la Theîphalia, dans le pays de Tifaugia, auprès de la petite ville encore appelée Tiffauges, dans le département de la Vendée, sinon auprès du château d'Austrapius, situé près de Celles à environ deux lieues de Melle, au sud du département des Deux-Sèvres.
Quelques historiens et ethnographes ont pensé retrouver les descendants des Alains, des Théifales dans les Colliberts de Maillezais et des marais mouillés de la Sèvre Niortaise et du Lay, dans ces pêcheurs que Dufour, Abel Hugo, M. Francisque Michel, paraissent plus disposés à regarder comme les descendants, vraisemblablement de race celtique, des anciens Agesinates Cambolectri, indiqués par Pline (1. IV, cap. xxxiu, 1) (J.-M. Dufour, De l'ancien Poitou. Poitiers, 1826, in-8, p. Abel Hugo, France pittor., t. I, p. 15, en note. Francisque Michel, Hist. des Races maudites de France, t. II, ch. vi, p. 4, etc. Paris, 1847).
(Les colliberts, collibertus, culvert, huttiers et nioleurs des marais de la Sèvre du Bas Poitou)
En partie massacrés, suivant Pierre de Maillezais, lors des fréquentes incursions des Normands sur cette portion de notre littoral, ces Colliberts qui, ancienne ment passaient pour être irascibles, cruels, implacables, dépourvus de toute humanité, ces huttiers, cabaniers ou nioleurs, récemment étudiés par MM. Lagardelle et Hamy, au point de vue anthropologique, par leur conformation crânienne, soit brachycéphale, soit dolichocéphale, par leurs yeux bruns, rarement bleus, parleurs cheveux châtains, quelquefois blonds, semblent témoigner qu'ils sont issus d'éléments ethniques multiples (Lagardelle, Notes anthropolog. sur les Colliberts, huttiers et nioleurs des marais mouillés de la Sèvre Niortaise, 1869 Rev. de l’Aunis. Lagardelle et Hamy, Bull. Soc. d'anthrop., 2e sér., t. VI, p. 202, etc., 1871).
« Collibertis fertur quod sint et ira leves, et pene implacabiles, immitesf érudeles, increduli et indociles, et omnis propemodum humanitatis expertes. » (Petri Malleacensis De anquitate et commutatione in melius Malleacensis insulaj Novœ bibliolhecœ manuscriptorum librorum, t. H, p. 225, do Philippe Labbe, in-fol. Paris, 1657.)
Lorsque les recherches de Boudin sur la répartition en France des recrues de haute taille, c'est-à-dire des jeunes hommes ayant plus de 1m,752, taille des cuirassiers, firent reconnaître que les départements de la Charente-Inférieure et des Deux-Sèvres présentaient d'assez grandes proportions de ces jeunes gens, tandis que les départements voisins en offraient des proportions beaucoup moindres, (Mém. de la Soc. d'anthrop., t. II, p. 229, etc.), je crus devoir rappeler que dans les régions correspondant approximativement à ces deux départements, paraissaient s'être fixés des Alains et des Théiphales, et que ces Alains étaient de grande taille, suivant Ammien Marcellin (1. XXXI, cap. ir, p. 349. Lagneau, Bull. Soc. d'anthrop., t. IV, p. 292, etc., 1863).
Récemment, M. Smirnow, était amené à attribuer aux anciens Alains. aux Ossètes, les crânes artificiellement déformés recueillis dans la région du Caucase et en Autriche (Sur les Avares du Daghestan Rev. d'anthrop., t. V, p. 90, 1876).
Peut-être devrait-on faire remonter aux Théiphales, et aux Alains, qui du sud-est de l'Europe vinrent se fixer dans la partie occidentale des Gaules, l'importation du singulier usage signalé par M. Lunier.
Dans le département des Deux-Sèvres, et en moindre proportion dans les départements voisins, cet aliéniste a observé, sur un certain nombre d'habitants, une déformation crânienne artificielle, paraissant déterminer parfois l'idiotie et l'épilepsie. Cette déformation se montrerait principalement chez les Pelleboises, femmes de la partie méridionale fort boisée des arrondissements de Melle et de Niort, et aussi chez quelques paysannes de la partie occidentale ̃de celui de Bressuire, comprise entre la Sèvre Nantaise et l'Argentan.
Elle consisterait dans une dépression en arc, plus ou moins semi-circulaire, se montrant surtout au niveau de la fontanelle fronto-pariétale, mais s'étendant latéralement au-dessus des pavillons des oreilles. Elle serait déterminée par la pression exercée par un fil de fer nommé arcelet, entrant dans la confection d'un bandeau mis aux jeunes enfants, d'une calotte de carton portée par les filles et les femmes.
Cette coiffure, sorte de bonnet rond, parfois appelé colbach, par son nom, sinon par sa forme, semble rappeler le kolbak, bonnet de fourrure, encore en usage en Orient, dans l'empire turc, d'après M. Littré (Dict. de la langue française, Colback. Paris, 1868. -Lunier, Rech. sur quelques déformations du crâne observées dans le département des Deux-Sèvres extrait des Annal, méd.-psychol. Paris, 1852. Bull. Soc. d'anthrop., 2° sér., t. I, p. 139-142, 1866).
AUSTRAPIUS ET LE SELLENSE CASTRUM DE GREGOIRE DE TOURS Par M. l'abbé JARLIT.
Dans mon étude sur les Origines de la Légende de Mélusine, j'ai rencontré sur mon chemin, à deux reprises différentes, une sorte de Juif-Errant d'outre-tombe, parcourant les diverses régions du Poitou, de l'est à l'ouest, du sud au nord, à la recherche de son véritable tombeau.
A la différence du Juif-Errant des contes de nourrice qui ont tant captivé notre attention pendant les années de l'enfance, et au nom duquel certains, parmi les romanciers les plus illustres de notre époque, ont emprunté, au moins pour une part, la célébrité de leurs œuvres (1), le nôtre n'est point une création purement légendaire, mais un personnage véritablement historique.
Ce n'est point pour crime de déicide qu'il accomplit cette marche sans fin ce sont nos historiens qui lui ont fait subir ce supplice douze fois séculaire.
Le Juif-Errant du Poitou n'est autre que le leude fidèle du roi Clotaire 1er, le duc Austrapius. Gouverneur de Poitiers pendant de longues années il aida puissamment la reine sainte Radegonde dans la fondation de son monastère et dans l'établissement de sa communauté.
Dans la révolte de Chramne fils aîné de Clotaire il prit parti pour le père, mais poursuivi par le fils, il alla demander asile au tombeau de saint Martin. Condamné à y mourir de faim, il dut son salut à une intervention manifeste du grand thaumaturge.
En reconnaissance de ce bienfait, il entra dans l'état ecclésiastique, et, pour le récompenser de ses loyaux services, le roi le désigna pour la future succession du siège de Poitiers, alors occupé par saint Pien.
En attendant la vacance, il lui assigna pour séjour l'un de ses domaines royaux, situé sur le territoire de ce diocèse, et que Grégoire de Tours appelle SELLENSE CASTRUM (2). Clotaire mourut avant la vacance, et Charibert, qui lui succéda, n'était nullement favorable à Austrapius.
Par ses conseils, et, probablement sous certaines influences, peut-être celle de sainte Radegonde elle-même, le clergé et le peuple donnèrent pour successeur à saint Pien Pascentius, qui se trouvait alors auprès du roi.
Après avoir vainement réclamé l'exécution des promesses qui lui avaient été faites par Clotaire, et peut-être par saint Pien lui-même, Austrapius se retira dans son castrum où quelque temps après, il fut tué d'un coup de lance par les Scythes Teifales au milieu desquels il vivait.
Mais quelle est la localité de l'ancien Poitou que Grégoire de Tours désigne par les mots : Sellense castrum ?
Trois opinions se sont produites à ce sujet je vais les passer en revue.
I. -La première, la plus commune, parce qu'elle est celle du grand nombre, retrouve le Sellense castrum dans la petite bourgade de Celle-l’Evesquault, du canton de Lusignan, à six lieues de Poitiers.
Cette opinion a pour elle les historiens du Poitou, Jean Bouchet (3), Thibaudeau (4), Dufour (5).
Faut-il en excepter Besly (6) qui, citant une vieille chronique de Maillezais, appelle Castrum celsum le lieu où Clotaire aurait établi Austrapius ?
La Gallia Christiana, à son tour, reproduit la chronique citée par Besly (7). Est-ce que le vieux chroniqueur aurait réellement désigné par ce nom un lieu autre que notre Celle-l'Évesquault, Chanteauceaux, sur les bords de la Loire, comme le veulent les partisans de la troisième opinion?
N'est-il pas plus probable qu'il a pris le Castrum celsum comme synonyme de Sellense castrum, ou plutôt qu'il y a là une erreur de transcription, comme on peut le montrer en rapprochant le texte de la chronique de celui de saint Grégoire?
Par le fait, la chronique reproduit simplement le texte de l'historien des Francs, qu'elle abrège en le copiant. Pourquoi, seul, le mot celsum est-il substitué à celui de sellense ?
En outre, cette opinion s'appuie sur le témoignage de tous les écrivains du Poitou, qui, depuis un demi-siècle, ont eu l'occasion de dire leur sentiment à ce sujet. Je citerai Mgr Cousseau (8) dont la compétence en ces matières était incontestable ; M. J. Babinet qui, en s'aidant des noms et de la conformation des lieux, a été assez heureux pour déterminer l'endroit précis qui a été le théâtre de la mort d'Austrapius (9).
A ces noms, qu'on me permette d'ajouter celui d'un auteur plus récent, qui a consacré sa vie à l'étude des antiquités du Poitou.
Voici ce qu'on lit dans son bel ouvrage intitulé Les Camps romains dits Châtelliers : « Celle-l’Evesquault n’est autre que le Castrum sellence de Grégoire de Tous, ou le duc Austrapius…..fut tué au VIe siècle par les Teifales….C’est en vain que M. longnon l’a cherché bien loin de là, à Champtoceaux, sur la Loire (10) »
II est incontestable que cette longue série de témoignages forme ce que l'on peut appeler une véritable tradition écrite, avantage que n'ont point les autres sentiments.
A cette tradition écrite, il est juste d'attribuer une autorité d'autant plus grande, que les auteurs ont tous, ou à peu près, vécu dans le pays et qu'ils ont été à même de contrôler leurs appréciations par la connaissance des lieux et des traditions locales. Dans les questions difficiles de l'histoire, comme celle qui nous occupe il n'est pas permis à un auteur sérieux de faire fi, par système, des traditions locales, sous peine de s'exposer aux plus graves erreurs, comme cela arrive fréquemment.
Je sais bien que les traditions locales mêlent souvent le faux au vrai dans de larges proportions. Mais c'est à une critique éclairée et sûre d'elle-même à faire la séparation des scories et de l'or pur qu'elles renferment.
Combien, par exemple, de cités illustres et populeuses de l'ancien monde, dont Ptolémée, Pausanias et Strabon nous ont conservé les noms, mais dont la position topographique est restée inconnue pendant de longs siècles après leur disparition ! Plus tard, n'a-t-il pas suffi, pour quelques-unes, d'indices vagues recueillis parmi les peuplades errantes sur les ruines des antiques civilisations, pour que la science aux aguets fît sortir de dessous terre ce qu'il restait de leurs richesses architecturales?
II.
La deuxième opinion voit le Sellense castrum dans la petite ville de Celles-en-Melle. Elle a pour auteur D. Ruinart, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, qui, au XVIIIe siècle, édita et annota les œuvres de saint Grégoire de Tours.
Cet auteur vivait en dehors du Poitou; l'humble bourgade de Celle-l'Évesquault n'avait point alors comme aujourd'hui, assez de notoriété pour être connue de lui, tandis qu'il ne pouvait ignorer l'existence de Celles-en-Melle, où florissait encore une célèbre abbaye royale de l'ordre des Augustins (11).
Il y vit naturellement le Castrum sellence du VIe siècle, comme il ne vit de Teifales qu'à Tiffauges, dans la Vendée actuelle.
Il suffit de rapprocher ce sentiment du texte de l'historien des Francs pour se convaincre qu'il ne supporte pas l'examen.
Parmi les conditions exigées par le texte relativement à la position du Sellense castrumm, il y en a trois principales auxquelles ne satisfait nullement la petite ville du pays mellois. .
D'abord, il doit y avoir eu là un castrum ou une forteresse gallo-romaine c'est la condition fonda mentale pour élever quelque prétention au vocable donné par Grégoire de Tours.
Or, l'histoire et l'archéologie sont restées, jusqu'ici, muettes sur ce point.
En second lieu, le Sellense castrum doit se trouver en pays occupé par les Teifales, ou dans un voisinage très rapproché ; comment expliquer autrement ces vexations incessantes (12) qui amenèrent le soulèvement dans lequel Austrapius perdit la vie ?
Mais Celles-en-Melle se trouvait à une distance considérable de tous les campements des Teifales là, n'a donc point été le séjour d'Austrapius.
Nous verrons plus loin que notre Celle-l'Évesquault répond parfaitement à ces deux premières exigences du texte. Il en est de même de la troisième.
Il résulte en effet du texte qu'après la mort d'Austrapius, le domaine qu'il avait reçu du roi Clotaire devint la propriété de l'Église de Poitiers (13).
Or, Celles-en-Melle, comme prieuré jusqu'en 1140, et ensuite comme abbaye, n'a jamais dépendu de l'évêque de Poitiers pour le temporel ; c'était un bénéfice royal à la collation du roi de France.
C'est le roi Louis XI qui fit rebâtir son église abbatiale, l'une des plus belles du Poitou (14).
Au contraire, CeIIe-l'Évesquault, jusqu'à la grande Révolution, n'a pas cessé de faire partie de ce qu'on appelait la Camera episcopalis. Il y avait là un chapitre dont l'évêque nommait tous les membres et tous les dignitaires (15).
Bien que dans la circonscription de l'archiprêtré de Lusignan le clergé et le peuple étaient exempts de la juridiction de l'archiprêtre, et relevaient immédiatement de l'évêque. Il en était de même de quelques paroisses environnantes qui, dans l'origine, avaient sans doute fait partie des domaines donnés par le roi à Austrapius, puis attribués, après la mort de celui-ci, à l'évêque de Poitiers (16).
Mais il est inutile de nous arrêter davantage à l'examen d'une opinion que ses partisans eux-mêmes ont abandonnée pour se rallier à la troisième, à laquelle j'arrive maintenant.
III. Cette dernière opinion est de date récente. Il y a quelques années, un écrivain spécialiste, jouissant d'une renommée très légitimement acquise, mais ayant sur l'histoire et sur la topographie de notre région des données trop incomplètes, a pris le duc Austrapius à Celles-en-Melle, où d'autres l'avaient conduit avant lui, pour lui faire traverser le Poitou dans sa plus grande étendue du sud au nord, jusque sur les bords de la Loire.
Là, il a cru reconnaître le Sellense castrum de Grégoire de Tours dans une ancienne forteresse de l'époque gallo-romaine, qui porte aujourd'hui le nom le Chantoceaux.
Les formules scientifiques sous lesquelles il a exposé son sentiment ont pu faire impression sur ceux qui n'étaient pas en mesure de pouvoir en contrôler l'exactitude.
Mais avant d'examiner le plus ou moins de solidité des preuves sur lesquelles on étaie ce système, je dois faire remarquer qu'il ne satisfait pas lui-même à deux des principales conditions requises par le texte de Grégoire de Tours pour le Sellense castrum, et qui nous ont servi à écarter Celles-en-Melle.
D'abord, Chantoceaux n'était pas situé, comme nous le verrons plus loin, dans un voisinage assez rapproché des Teifales, pour expliquer ces vexations fréquentes que ceux-ci avaient à souffrir d'Austrapius, ainsi que l'historien nous l'apprend (quos saepe gravaverat).
En second lieu Chantoceaux n'a jamais été la propriété de l'Église de Poitiers. Propriété du fisc à l'époque gallo-romaine, il n'a pas cessé de l'être sous les rois francs, et au VIIIe siècle nous voyons Pépin et la reine Bertrade y faire séjour à différentes reprises.
Voudrait-on dire qu'il ne s'agit ici que d'une question de juridiction épiscopale, et non de la possession temporelle du lieu? En ce cas, les choses restaient en l'état où elles étaient avant la mort d'Austrapius, et les paroles de l'historien n'ont plus de sens.
Au reste, je montrerai plus tard que ce diocèse provisoire, créé par Clotaire à son favori, est purement imaginaire, et que le mot dioeceses, employé par l'historien, n'est qu'un terme de dérision vis-à-vis du malheureux prétendant au siège de Poitiers.
Je dois ajouter que non seulement Chantoceaux n'a été un domaine de l'Église de Poitiers, ni avant ni après Austrapius, mais que très probablement il n'était pas situé sur le territoire du diocèse (17).
Il n'y a pas de doute qu'au VIe° siècle les limites des provinces de la France mérovingienne étaient les mêmes que celles de la Gaule romaine et par conséquent fort indécises en certains endroits.
La gens Pictava avait son centre d'action et la masse de sa population sur les bords du Clain et de la Vienne. La vaste région de l'ouest traversée par deux ou trois voies romaines, semée çà et là de quelques pagus ou mansions, était presque déserte et s'étendait vers le nord jusqu'à la frontière des Armorici Namnetes, avec lesquels les Teifales contractèrent des alliances.
Cette frontière ne pouvait être que la chaîne de collines qui borde la vallée de la Loire sur la rive gauche. Vu leur éloignement, il était impossible que les Pictons occupassent la vallée elle-même.
Au contraire, les Armoricains, établis sur le fleuve, en peuplaient nécessairement les deux rives. C'était l'usage des tribus qui habitaient dans le voisinage des grands cours d'eau, comme on le voit par l'exemple des Cavares, des Segalaunes, des Allobroges sur le Rhône, des Langons, des Sénons, des Parisii et de bien d'autres sur la Seine.
Cette position faisait leur sécurité, en leur permettant, en cas d'attaque, de mettre le fleuve entre eux et leurs agresseurs. Je sais bien que la plupart de nos géographes contemporains, à la suite de l'auteur du Dictionnaire universel d' histoire et de géographie (18), donnent la Loire elle-même comme ligne de démarcation entre l'Armorique et le Poitou. Mais ils sont en contradiction avec nos anciens géographes.
Ainsi, sur une très belle carte de la Gaule romaine, publiée en 1836 par M. Delamarche, géographe du roi (19), carte adoptée par le Conseil royal de l'instruction publique, je vois la limite du territorium Pictonicum suivre, de la Vienne à la mer, les hauteurs qui bordent l'immense vallée de la Loire, sans y descendre jamais.
De même, la carte de l'ancien diocèse de Maillezais, qui traversait le Poitou du sud au nord, marque la même limite sur les mêmes hauteurs, à Vihiers, encore fort éloigné de Chantoceaux et de la Loire.
Chantoceaux ne pouvait donc être qu'une forteresse bâtie par les Romains sur le territoire des Armoricains, pour arrêter leurs incursions. Les incursions des Pictons n'étaient nullement à redouter de ce côté.
Pour faire entrer Chantoceaux sur le territoire poitevin, on rappelle que le pays de Retz, celui des Mauges et de Tiffauges faisaient partie de la Bretagne au Xe siècle; on en conclut qu'avant la conquête de ces régions, le Poitou s'étendait jusqu'au fleuve lui-même.
Mais, alors, il faudrait expliquer pourquoi, lorsque, postérieurement au Xe siècle, Tiffauges et le pays des Mauges sont revenus au Poitou, on n'a pas reporté sa frontière jusqu'à la Loire, ce qui aurait certainement eu lieu, si le fleuve eût été la limite primitive.
IV.
-Ces fortes présomptions une fois acquises, je passe à l'examen des preuves elles-mêmes. La preuve principale, celle qui sert de base à tout le système, est de l'ordre philologique. Je cite textuellement
« Il convient de chercher ailleurs (qu'à Celles-en-Melle) le Sellense castrum ; mais avant de reprendre les investigations, il est indispensable de fixer le vocable même de ce castrum, que Grégoire de Tours emploie seulement sous la forme adjective et qui doit être traduit différemment, suivant qu'on le considère comme masculin ou neutre (sellus, sellum), ou comme féminin (sella)..
En effet, sella aurait produit en français selle ou celle, tandis que sellus ou sellum aurait donné seau ou seaux, ceau ou ceaux.
Or, on ne trouve dans l'ancien Poitou aucun lieu du nom de selle, et tous les celle qu'on y rencontre semblent devoir leur dénomination aux monastères d'ordre inférieur, qui leur ont donné naissance (20). »
La première conclusion qu'on est en droit de tirer de cet exposé philologique, c'est que l'auteur semble ignorer le nom primitif de Chantoceaux, nom d'où est formé le vocable actuel, naturellement, sans effort, comme le ruisseau naît de sa source.
Chantoceaux était un camp fortifié de l'époque gallo-romaine les restes de constructions qu'on y voit encore sont la signature authentique de cette époque. Il doit son nom de CASTRUM CELSUM à sa position élevée sur un vaste monticule de vingt-trois hectares, situé dans la vallée de la Loire.
L'authenticité de ce nom nous est attestée par deux documents très anciens, par une charte de 1034 où la forteresse est appelée Castrum celsum, et par une autre charte de 1241, où ce nom se lit écrit de la même manière Castri celsi (21).
A l'époque de la naissance des langues modernes, ce nom devint, comme on l'avoue et comme Éginhard nous l'apprend, Château sels, seule transformation grammaticale possible de Castrum celsum, de même que sels se transforma naturellement en seau ou ceau au temps de la constitution définitive de la langue française, après le XIV° siècle.
Il est vrai qu'on rencontre jusqu'à quatre fois, dans le dernier continuateur de Frédégaire, le mot sellus comme nom du castrum.
Que conclure de là, sinon que ce continuateur, prenant le mot vulgaire sels pour un nom propre, a voulu en faire un substantif, sellis, sellus ou sellum noms qui appartiennent à la basse latinité, et dont il ne faut pas chercher l'acte de naissance au- delà du VIIIe siècle, deux siècles après celui où saint Grégoire de Tours écrivait son Histoire des Francs ?
Ses œuvres montrent suffisamment qu'il était l'homme de son temps qui connaissait le mieux l'histoire et la géographie des Gaules; il ne pouvait ignorer le vrai nom du castrum des bords de la Loire.
Si donc il en avait fait le séjour d'Austrapius, il eût écrit : Apud celsum, et non sellense castrum. Il est inouï qu'un adjectif, dans aucune langue, se forme d'un autre adjectif. Si sellus a pu naître, sous la plume d'un continuateur de Frédégaire, de sels ou celsum, on le conçoit encore dans un siècle où le latin a subi tant d'autres violences mais il serait plus que téméraire d'en accuser saint Grégoire de Tours.
Au reste, les partisans de Chantoceaux jouent de malheur avec leur sellus ou sellum.
Voici qu'à l'appui de leur thèse, ils nous apportent en preuve les noms de deux bourgades de la Vienne, qui, selon eux, seraient dérivées de ce mot et auraient pu, à ce titre, être le Sellense castrum, si elles n'avaient pas été si éloignées des Teifales (22).
Ce sont Ceaux-en-Loudun et Ceaux-en-Couhé.
Or, il se trouve que, d'après les anciens documents, ces deux localités tirent leur nom de l'adjectif celsum.
Ceaux-en-Loudun est appelé Sancta Maria de Celsis dans une charte de 1093, et Celsus vicus dans une autre de 1108 (23).
Ceaux-en-Couhé est nommé Villa quae vocatur selsis dans une charte de 1013 ; Ecclesia sancti Clementis de ceus dans un autre document (24). Je pourrais citer d'autres noms également terminés en ceau; nous trouverions constamment dans leur origine l'adjectif celsus ou celsum. Ils perdent par cela même au même titre que le Castrum celsum, tout droit à être le Sellense castrum de saint Grégoire.
V.
II résulte de ce qui précède, que le substantif cella est la source unique et vraie d'où a été formé le sellense de notre texte. Mais alors, pourquoi l'adjectif n'a-t-il pas conservé, quant à sa première lettre, l'orthographe du nom d'où il est dérivé ? De même, pourquoi la substitution de l's au c dans les mots barbares sels, sellus, sellum, seau, tous formés, comme nous venons de le voir, du latin celsum? Quelques considérations philologiques nous en feront connaître la raison et montreront, en même temps combien est ruineuse la base sur laquelle repose le système que je combats.
Les philologues savent que le son adouci du c, devant certaines voyelles, est exclusivement propre à la langue latine et aux idiomes qui en sont dérivés. Il est inconnu à toutes les langues d'origine slave ou germanique.
D'un autre côté, l'élément barbare qui, du IV° au X° siècle, se mêla à la race gallo-romaine pour former la population de la France moderne, est certainement plus considérable qu'on ne le suppose communément.
Les peuples divers qui, dans ce laps de temps, se sont rués tour à tour sur les Gaules, y ont tous laissé leur contingent les Germains, les Goths et les Scythes d'abord, plus tard les Normands et les Sarrasins.
Il est vrai que quelques-uns de ces peuples, tels que les Alains, les Suèves et les Vandales, n'ont fait que traverser notre patrie à la manière d'un torrent dévastateur mais lorsque les eaux débordées des fleuves rentrent dans leur lit, il en reste toujours une partie considérable sur les terres qu'elles ont inondées.
Qu'arriva-t-il? Ces races étrangères, victorieuses des Gallo-Romains, furent à leur tour vaincues par la civilisation gallo-romaine. Elles se précipitèrent en foule vers les monastères, seule source d'instruction, et les peuplèrent en partie du VIIIe au Xe siècle. Là, elles se mirent à étudier cette langue latine qui était, à leurs yeux, la dépositaire et la gardienne de toutes les sciences et de tous les arts. Il va sans dire que la prononciation de leurs idiomes barbares, à laquelle leurs lèvres étaient habituées, déteignit nécessairement sur l'orthographe et sur la prononciation du latin.
Ainsi, la lettre H devint une forte aspiration; on écrivit et l'on prononça michi pour mihi, nichil pour nihil. De même, lorsqu'un Germain latinisant avait à écrire un nom propre commençant par le c adouci, il substituait s à c, et écrivait sella, sellense, selsum, ainsi qu'on prononçait autour de lui, au lieu de cella, cellense, celsum.
D'après sa propre prononciation, il aurait écrit kella, kellense, kelsum. Cette orthographe a persévéré, pour un grand nombre de localités, jusqu'au XIVe siècle, comme on peut s'en convaincre par les documents qui s'y rapportent (25) on la retrouve encore dans certaines éditions des premiers temps qui ont suivi l'invention de l'imprimerie.
Cellense est donc la véritable orthographe du nom du lieu où Austrapius attendait la vacance du siège de Poitiers.
Mais pour écarter du bénéfice de ce nom toutes les localités, autres que Celle-l'Évesquault, qui portent ce vocable de nos jours, il me faut maintenant déterminer l'origine et le sens du substantif cella qui l'a formé.
Il ne s'agit point ici, comme le supposent les partisans de Celles-en-Melle et de Chantoceaux, du cella du moyen âge, signifiant communément petit Monastère, demeure de quelques moines, mais bien du cella de la haute latinité. Parmi les nombreuses acceptions de ce mot dans les âges païens, nous voyons par Vitruve qu'au siècle d'Auguste, il signifiait l'emplacement de la statue du Dieu dans le temple. Dans un sens plus étendu, il signifiait le temple lui-même; c'est ainsi qu'Aulu-Gelle appelle le Capitole cella Jovis. Mais il était communément employé dans ce dernier sens, au témoignage du même Vitruve, lorsqu'il s'agissait d'un petit temple, cella minor, une chapelle, cella Veneris, la chapelle de Vénus. Or, il est indubitable, aujourd'hui, qu'à l'époque païenne, après la conquête des Gaules, un temple à la déesse Vénus (26) fut bâti à Celle-l'Évesquault, sur l'emplacement d'un lieu sacré des Gaulois, tout près de la rivière.
Les fragments de colonnes romaines trouvés en cet endroit par les propriétaires du château de la Grange ne permettent pas le doute à cet égard.
II est à croire que des fouilles ultérieures multiplieraient ces restes curieux. Ces fragments de colonnes sont du même style et de la même époque que ceux qui ont été recueillis par le R. P. de la Croix dans les fouilles de Sanxay, sur les bords de la même rivière. Le temple de Celle, à en juger par les fragments, n'avait point les dimensions colossales du temple de Sanxay. Il devait être semblable aux temples nombreux que les Romains édifièrent à la même déesse. Comme le temple de Vésone, dont on admire encore les ruines et dont un plan complet existe au musée de Périgueux, il devait se composer d'une simple rotonde avec colonnades, renfermant la statue de la divinité et l'autel des sacrifices, et d'un pronaos en forme de parallélogramme, servant d'entrée au temple et de demeure pour les prêtres sacrificateurs.
Quoi qu'il en soit, il était inévitable que la construction de lacera devait amener celle d'un castrum dans le voisinage, sur les hauteurs qui dominent la Vonne.
Celui-ci reçut tout naturellement le nom de Castrum, cellense ; mais cella demeura le nom du temple et de la bourgade construite autour sur le bord de la rivière.
Plus tard, la forteresse disparut et son nom avec elle. Mais la bourgade garda le sien, auquel vint s'ajouter le qualificatif episcopalis, après le séjour d'Austrapius.
Cella episcopalis, c'est notre Celle-l'Évesquault, et c'est évidemment le Cellense castrum de Grégoire de Tours.
VI.
La raison de tous les efforts tentés par les partisans de Chantoceaux, pour y placer le séjour d'Austrapius! est facile à comprendre; c'était la nécessité pour eux de le rapprocher des Teifales, peuplade guerrière au milieu de laquelle il trouva la mort, et ils n'ont voulu voir de Teifales qu'à Tiffauges (27).
Pourtant, Chantoceaux est encore séparé de Tiffauges par une distance de plus de dix lieues et par une large chaîne de collines, alors probablement couvertes d'épaisses forêts.
Comment donc Austrapius aurait-il pu atteindre ces barbares autrement que par une expédition lointaine, en traînant à sa suite une nombreuse armée, à la façon des rois francs?
Comment, surtout, expliquer ces vexations journalières qui finirent par exciter une émeute dans laquelle il perdit la vie?
Que tout cela renferme d'invraisemblances et d'impossibilités, qui disparaissent si l'on veut bien chercher les Teifales là où ils tuèrent réellement l'évêque guerrier
Je n'ai point à recommencer ici la démonstration que j'ai faite dans mon étude sur la Légende de Mélusine.
J'ai prouvé, par les lieux qui portent aujourd'hui leur nom, au même titre que la petite ville de Tiffauges, que les Teifales ont occupé, au VIe siècle, Lusignan et toute la contrée environnante jusqu'à l'extrémité du Bas-Poitou que Lusignan était leur principale forteresse et le centre de leur gouvernement.
Toujours au moyen des noms de lieux, j'ai pu tracer les deux lignes parallèles, par lesquelles les Teifales de Lusignan communiquaient avec ceux de la Vendée l'une, au sud, se dirigeant sur Maillezais par la vallée de la Sèvre; l'autre, au nord, allant sur Tiffauges par Parthenay, Thouars et Bressuire.
Par les témoignages et par les faits de l'histoire, j'ai montré que les princes de cette nation étaient les ancêtres des Lusignans qui, au IXe siècle, étaient maîtres de tous les territoires jadis occupés par les Teifales.
Plaçons Austrapius au castrum gallo-romain de Celle : là, il ne lui faut point aller au loin chercher les Teifales ils sont à sa porte; ils ont établi, tout autour de lui, des campements fortifiés à l'est, le camp de Tiffauges, près Vivonne; au sud, le Terrier de Puisay; à l'ouest, la forteresse de la Tiffanelière, et plus loin, la Plaine des Scythes; au nord, Lusignan, le camp de Touffou et ceux de la Haute et de la Basse Tiffaille.
Ils ne lui sont point inconnus lorsqu'il était gouverneur de Poitiers, il a eu sans doute affaire à eux au milieu des incursions incessantes qu'ils entreprenaient dans le but de satisfaire leur passion pour le pillage.
Désigné comme le futur évêque de Poitiers, et placé au milieu d'eux par le roi Clotaire, il se trouva dans la nécessité de revenir à son ancien métier des armes, pour assurer sa propre sécurité, et, peut-être aussi, pour les contraindre à reconnaître son autorité et à renoncer à leurs habitudes païennes.
De là, ces vexations de chaque jour qu'il leur fit subir de là, ce soulèvement des barbares et cette embuscade où il fut percé du fer d'une lance dans la vallée de Malvault (mala vallis). entre Lusignan et Celle-l'Évesquault, gorge profonde qui sépare les deux collines des bois de Mongaudon (Mons gaudiorum), ainsi nommés des cris de joie que les Teifales firent entendre sur leurs sommets, après le meurtre de l'évêque.
VII.-
On le voit, le castrum de Celle-l'Évesquault satisfait pleinement, à l'exclusion de toute autre localité, aux conditions requises par la philologie et par la géographie, au double point de vue de l'étymologie et de la position topographique du Sellense castrum.
Je pourrais, maintenant, corroborer les arguments puisés à cette double source par diverses considérations tirées de l'histoire politique et religieuse de l'époque mérovingienne.
Elles nous montreraient, en même temps, combien de violences les partisans de Chantoceaux ont dû faire subir au texte de saint Grégoire, pour l'approprier à leur système. Pour raison de brièveté, je ne toucherai qu'à un ou deux points. Remarquons, tout d'abord, la tendance politique qui se manifesta dès les dernières années du règne de Clovis. Au milieu de la confusion produite par les grandes invasions du IVe et du V. siècle, les évêques étaient devenus les véritables maîtres des villes, et, par les villes, du pays.
A l'époque de l'arrivée des Francs, les évêques étaient tous de race gallo-romaine, et plusieurs appartenaient aux anciennes et puissantes familles sénatoriales de la Gaule.
Pour affermir leur domination, après la conquête, les rois mérovingiens crurent qu'il était de leur intérêt de faire passer les évêchés aux mains des Francs, et, de bonne heure, ils présentèrent quelques-uns de leurs leudes à l'élection du clergé, lors de la vacance des sièges.
Les évêques de race gallo-romaine ne virent point sans tristesse et sans crainte monter sur les sièges des hommes qui n'avaient connu, jusque-là, d'autre métier que celui des armes.
Ce sentiment déteint visiblement sur le langage de Grégoire de Tours à l'égard d'Austrapius. Certaines expressions sont empreintes d'ironie et de quelque chose qui approche du mépris.
De ces deux remarques, la première nous donne la raison pour laquelle Clotaire, fidèle à la politique mérovingienne, se hâta de nommer son leude dévoué, dès son entrée dans les ordres, au vaste diocèse de Poitiers et la seconde nous explique pourquoi le clergé de la ville épiscopale refusa de ratifier ce choix après la mort du roi.
En réalité, la nomination royale n'était pas autre chose que la simple présentation d'un candidat au choix du clergé et du peuple.
L'élection, jusqu'au XIIe siècle, n'a pas cessé d'être la seule voie légitime et canonique pour arriver à l'épiscopat. Parfois, de saints évêques, par une sorte d'inspiration divine, nommaient eux-mêmes leurs successeurs c'est ainsi que saint Martin désignait saint Brice à Tours, et saint Amateur, saint Germain à Auxerre.
Mais ces nominations avaient toujours besoin d'être ratifiées, après la mort du titulaire, par le choix du peuple et du clergé. La grande affaire pour Clotaire, c'était d'assurer l'élection de son candidat, à la mort de saint Pien.
C'est pour ce motif qu'il lui assigna une résidence provisoire dans le diocèse de Poitiers.
Là, il vivrait au milieu de ceux qu'il serait appelé à gouverner plus tard en qualité d'évêque ses relations et ses amitiés, non moins que les bienfaits du roi, pourraient lui assurer bien des suffrages dans une cité encore toute gallo-romaine. Il était de toute nécessité que cette résidence, si ce n'était pas la ville épiscopale elle-même, en fût rapprochée le plus possible, afin qu'il pût de là surveiller la fin de l'épiscopat de saint Pien, et arriver, aussitôt après sa mort, dans la cité poitevine, où il se réclamerait de la promesse du roi et peut-être de saint Pien lui-même, et ferait ainsi pencher en sa faveur les suffrages du clergé et du peuple.
Or, situé à six lieues de Poitiers, dans la région du sud-ouest, occupé par les Teifales, le castrum de Celle, devenu propriété du fisc depuis la conquête de l'Aquitaine sur les Wisigoths, remplissait parfaitement toutes les conditions requises pour le but que le roi se proposait.
Chantoceaux, au contraire, n'eût rempli aucune de ces conditions. Est-il croyable que Clotaire ait été assez aveugle pour sacrifier tous les intérêts de son protégé, en lui assignant pour demeure provisoire le Castrum celsum des bords de la Loire, à cinquante lieues de la ville épiscopale et très probablement situé, comme nous l'avons vu, en dehors de la limite du Poitou?
La mort de saint Pien, arrivée dans la petite ville de Melle ! (Saint Pient, vingt et unième évêque de Poitiers, qui serait mort à Maillé en 564, au cours d'une tournée pastorale..), au sud du diocèse, lui serait-elle parvenue à temps pour qu'il pût se trouver à Poitiers avant l'élection du nouvel évêque?
On voit, en effet, Austrapius se présenter à Poitiers aussitôt après cette mort, et y faire entendre d'énergiques réclamations.
Ce fut en vain Charibert, qui avait succédé à Clotaire, avait porté son choix sur un autre (28), et, cédant à de puissantes influences, il avait désigné, pour succéder à saint Pien, Pascentius qui se trouvait auprès de lui, et qui fut acclamé par le peuple et par le clergé.
Il ne resta plus à Austrapius qu'à rentrer dans son castrum, pour y mourir tragiquement peu de temps après.
VIII.
De même il suffit de se référer au Droit canonique et aux lois disciplinaires de l'Eglise à cette époque, pour mettre à vau-l'eau ce prétendu diocèse provisoire dont les partisans de Chantoceaux ont voulu doter Austrapius.
Selon eux, Clotaire lui aurait formé un petit diocèse d'un certain nombre de paroisses détachées du vaste diocèse de Poitiers (29).
Mais on n'est en droit de conclure rien de pareil du texte de Grégoire de Tours. Les rois mérovingiens se sont rendus coupables de bien des violences envers l'Église je n'ai pas souvenance qu'on les ait jamais accusés de se passer la fantaisie de démembrer des diocèses pour en former d'autres de leur autorité privée.
Dans le cas présent, est-ce que le saint évêque Pien n'eût pas énergiquement revendiqué l'intégrité de ses droits, et eût jamais consenti à devenir, par son silence, le complice d'un fait pareil?
Est-ce que Grégoire de Tours, qui est un juge si sévère et si compétent, quand il s'agit de la stricte observation des lois de l'Église, eût négligé de faire mention de cette circonstance? C'eût été, ou jamais, l'occasion de justifier le peu d'estime qu'il témoigne pour la personne d'Austrapius.
Si celui-ci avait réellement reçu la consécration épiscopale, ce que l'on pourrait peut-être contester (30), tout ce que l'on peut admettre, c'est que sa consécration et son installation dans le Cellense castrum se sont accomplies canoniquement et d'accord avec l'évêque saint Pien, qui était lié d'amitié avec lui.
En ce cas, Clotaire n'avait nullement besoin de lui former un petit diocèse provisoire. Austrapius devenait une sorte de chorévêque, titre et fonction à peu près inconnus dans les Gaules ; ou plutôt il devenait ce que nous appelons de nos jours un évêque coadjuteur cum successione futura.
C'est ce que laissent clairement entendre les paroles de l'historien : Futurum ut, decedente Pientio antistite, ipse succederet.
Cela n'empêchait pas Clotaire de lui assigner pour résidence l'une de ses propriétés particulières, dont le revenu fût suffisant pour subvenir à son entretien et à celui des hommes qui formaient son entourage, de la même manière que, quelques années auparavant, il avait assigné pour résidence à la reine sainte Radegonde un autre domaine royal, la forteresse de Saix.
Ce qui a induit en erreur, relativement à ce diocèse provisoire, d'abord l'auteur de la vieille chronique de Maillezais, cité par Besly et par la Gallia Christiana, puis, de nos jours, tous les partisans de Chantoceaux, c'est le dernier membre de phrase de l'historien.
Il dit : Dioeceses vero suas Pictava Ecclesia recevit ; mot à mot : l’Eglise de Poitiers hérita de ses diocèses.
S'il se fût agi d'un diocèse formé d'une portion de celui de Poitiers, l’auteur n'eût pas dit que l'Eglise de Poitiers le reçut en don (recepit), mais qu'elle le recouvra (recuperavit. Si vous voulez pénétrer le sens du texte, remarquez ce substantif pluriel : dioceses. N'est-il pas évident que l'emploi de ce pluriel en fait d'abord un terme de dérision vis-à-vis d'Austrapius, et que le mot, pris dans son sens littéral, ne peut signifier autre chose que les domaines dont Clotaire l'avait gratifié, domaines qu'après sa mort la munificence du roi Charibert attribua à l'Eglise de Poitiers? Je ne pense pas qu'il soit possible de donner une autre interprétation rationnelle des paroles de Grégoire de Tours.
Je conclus les faits de l'histoire, les lois canoniques et disciplinaires de l'Église, les données de la philologie et de la géographie, et je puis ajouter le texte lui-même de l'historien des Francs, sont d'accord avec les écrivains du Poitou qui ont traité ce sujet pour revendiquer, en faveur de notre Celle-l'Évesquault, le vocable tant contesté du Sellense castrum de Grégoire de Tours.
Mes efforts seront-ils couronnés de succès, et le Juif-Errant mérovingien dont j'ai parlé en commençant mettra-t-il un terme à ses pérégrinations ? Je n'ose trop l'espérer.
La pauvre bourgade de Celle-l'Évesquault est aujourd'hui devenue bien obscure et n'a plus rien qui fixe l'attention.
Elle a eu, dans le passé, deux époques de célébrité : dans l'époque gallo-romaine, une cella Veneris attirait les foules païennes dans ses frais vallons; au Ve siècle, son castrum a été le séjour d'un évêque nommé de Poitiers, d'où lui est venu probablement son vocable actuel.
Voilà que quelques auteurs contemporains, justement renommés pour leur science et pour leurs œuvres, lui contestent cette dernière gloire. Cette tentative leur est pardonnable; s'ils eussent, comme nous, habité le Poitou, ils auraient sans doute pensé et parlé comme nous car, au témoignage du poète, on ne parle point de ce que l'on ne connaît pas :
…… Ignoti nulla cupido.
Pour moi, qui vis dans le voisinage de cette petite localité, depuis de longues années, j'ai eu tout le loisir de recueillir les titres de sa grandeur passée, parmi ses ruines et parmi ses souvenirs ; et, quelque déchue, quelque inconnue des géographes et des savants spécialistes que soit l'humble bourgade, j'ai cru qu'il était de mon devoir de lui restituer ses titres, ne serait-ce que pour me conformer au vieil adage du droit: SUUM CUIQUE.
Véritable interprétation du texte de saint Grégoire de Tours.
De Austrapio duce.
Tunc et Austrapius dux Chramnum metuens, in basilica sancti Martini confugit. Cui tali in tribulatione posito non defuit divinum auxilium.
Nam cum Chramnus ita eum constringi iussit, ut nullus illi alimenta praebere praesumerit, et ita arcius custodiretur, ut nec aquam quidem ei aurire liceret, quo facilius conpulsus inaedia ipse sponte sua de basilicam sancta periturus exiret, accedens quidam vasculum illi cum aqua simevivo detulit ad putandum.
Quo accepto, velociter iudex loci advolavit ereptumque de manu eius terrae diffudit. Quod velox Dei ultio et beati antestetis virtus est subsecuta. Eam namque die iudex qua ista gesserat correptus a febre, nocte media expiravit, nec pervenit in crastino ad illam horam, qua in basilica sancti poculum de manu excusserat fugitivi.
Post istud miraculum omnes ei opolentissime quae erant necessaria detulerunt.
Redeunte autem in regnum suum rege Chlothario, magnus cum eo est habitus. Tempore vero eius ad clericatum accedens, apud Sellensim castrum, quod in Pectava habitur diocisi, episcopus ordenatur; futurum, ut, decedente Pientio antestite, qui tunc Pectavam regebat eclesiam, ipse succederet. Sed rex Chariberthus in aliut vertit sententiam. Denique cum Pientius episcopus ab hac luce migrasset, apud Parisius civitatem Pascentius, qui tunc abba erat basilicae sancti Helari, ei succedit ex iussu regis Chariberthi, clamante Austrapio, sibi hunc redebere locum. Sed parum ei iactati profuere sermones. Ipse quoque regressus ad castrum suum, mota super se Theifalorum seditione, quos saepe gravaverat, lancea sauciatus crudiliter vitam finivit. Dioceses vero suas eclesia Pectava recipit (31) vero suas Ecclesia Pictava recepit. (Hist. Franc, lib. IV, n° 18, in fine.)
Lorsque le roi Clotaire rentra dans ses Etats, (Austrapius) fut en grand honneur auprès de lui.
C'est sous le règne de ce prince, qu'(Austrapius), entrant dans la cléricature au Castrum de Celle, qui est situé dans le diocèse de Poitiers, y reçoit les ordres, avec la promesse qu'à la mort du pontife Pien, qui gouvernait alors l'Église de Poitiers, il lui succéderait.
Mais le roi Charibert fut d'un autre avis. Enfin, lorsque l'évoque Pien sortit de cette vie, Pascentius qui se trouvait à Paris, et qui était alors abbé de la basilique de Saint-Hilaire, lui succéda par l'ordre du roi Charibert, malgré les réclamations d'Austrapius, qui prétendait que ce siège lui revenait mais ses discours et ses clameurs lui servirent de peu.
Rentré dans son Castrum, les Teifales, qu'il avait souvent grevés (vexés), se soulevèrent contre lui; blessé par le fer d'une lance, il finit cruellement sa vie. L'Église de Poitiers hérita de ses possessions territoriales.
La petite bourgade de Celle-L'Evescault si tranquille doit se rappeler ses deux époques de célébrité à l'origine de son nom :
- Une cella véneris (temple dédié à Vénus) qui dans l'époque gallo-romaine attirait les foules païennes dans ses frais vallons et qui est à l'origine du mot Celle.
- Au XII et XIIIème siècle, l'imposante église de Celle, son prieuré et un pont médiéval vont être bâtis ;
La tour de guet à flanc de côteau située face à vous est le seul vestige de cet ancien château ou résidence épiscopale édifié au moyen âge sur un domaine appartenant aux Evêques de Poitiers.
A l’intérieur, une chambre basse de forme circulaire présente une voûte en coupole. Elle renferme un petit bassin aménagé pour recevoir l’eau d’une source, dite « de Saint-Macou ».
Les détails fournis permettant de se représenter ce qu'était alors l'hôtel épiscopal de Celle-l'Evescault : au rez-de-chaussée la grande « salle basse » habituelle, et une autre grande salle du côté de l'église, à l'étage la grande « salle haute » correspondant à la salle basse, une chambre et des retraits, enfin des greniers ou galetas, sous les combles.
Saint Macou a laissé son nom à plusieurs fontaine dans le Poitou, comme celle du bourg de Jazeneuil. Il y était invoqué pour la guérison des enfants malades, surtout les enfants rachitiques et fragiles appelés « macoins ».
Cette source fut alors objet d’une dévotion populaire en raison de ses supposées vertus curatives. La pratique consistait à immerger les enfants malades quelques secondes dans la source. Aujourd’hui, cette coutume est tombée en désuétude.
La source Saint-Macoux a fait l'objet, jusqu'à la fin du XIXe siècle, d'une dévotion populaire en raison de ses vertus curatives. Saint Macou (ou Maclou ou Malo) a laissé son nom à de nombreuses fontaines dans le Poitou ; le saint était invoqué pour la guérison des enfants malades, plus particulièrement les enfants rachitiques et fragiles, appelés les macouins. La pratique consistait à immerger le petit malade quelques secondes dans la fontaine. Le culte de saint Macou était très répandu dans la région Poitou-Charentes.
Autres vestiges du temps passé :
- la route gallo-romaine qui reliait Poitiers à Saintes et que l'on peut encore suivre dans sa continuité ; elle fait la limite Est de la commune sur 4 à 5 kms.
Les lavandières de Celle levescault - rue de la Renaudette et lavoir
Adossée au coteau par son mur pignon et construite sur deux niveaux, cette maison date sans doute de la fin du Moyen-âge. Elle présente des ouvertures pourvues de linteaux de pierre, agrémentés de sculptures en accolade caractéristiques des 15ème et 16 me siècles. Ainsi, au-dessus de la porte d’entrée, vous pouvez admirer une de ces sculptures en accolade, ornée d’un blason effacé.
Cette habitation est construite sur une source canalisée à l’intérieur de la maison.
La source, qui sort en façade, est nommée « fontaine de la Renaudette ». Elle alimente un lavoir public aménagé à ses pieds. Cette implantation à proximité des habitations, permettait de limiter les trajets des lavandières qui avaient de lourds fardeaux à transporter.
Ce lavoir est composé d’un bassin rectangulaire construit au niveau de l’eau, près du sol, obligeant les femmes à travailler agenouillées. Autrefois, il était surmonté d’un petit abri de fer et de tôle couvrant la bordure ou les lavandières s’installaient. Il s’agissait d’apporter aux femmes de meilleures conditions de travail, en les protégeant des contraintes de la pluie et du soleil.
De la fontaine de la Renaudette, l’une des quatre du bourg, part un réseau de canalisations souterraines allant vers l’ancienne école Sainte-Florence et la bibliothèque. L’eau se jette dans la Vonne, après avoir alimenté trois autres lavoirs privés, dont celui d’une ancienne maison coloniale.
- La chapelle Ste Florence à Comblé : au Ivème siècle, Florence fille spirituelle de St Hilaire de Poitiers fut installée par ses soins dans une « petite cellule » située sur une de ses nombreuses « villas » que possédait en Poitou l'Evêque de Poitiers : C'est bien à Comble, que Ste Florence vécut recluse et mourut, c'est là que St Hilaire l'inhuma dans un lourd sarcophage de pierre ; l'ancien oratoire de Florence et son tombeau devinrent un lieu de pèlerinage très fréquenté.
Le site de Malvaux - Sur la commune de Cloué, en bord de Vonne, le site de Malvaux, est bien connu des contemporains pour son pèlerinage annuel. Visite qui a permis de remonter le temps avec Clara, qui ramena aux origines des lieux, quand à Malvaux (Mauvaise Vallée) le duc d'Austrapius, au 6 èmesiècle, fut assassiné par les barbares Téïfales.
D’après l’histoire locale, à la fin du 19éme siècle, la fille d’un châtelain de la paroisse de Coué était très malade. Pour la sauver, son père la conduit à Lourdes et eut la grande joie de la ramener guérie.
En souvenir de cette guérison, le maire, Monsieur Cirot, céda le site de Malvaux, ses rochers, sa prairie et sa source pour qu’il y soit aménagé un lieu de pèlerinage rappelant modestement celui de Lourdes.
On remarque trois grottes :
La première est une résurgence naturelle d’où sort une source qui alimente en cascade trois bassins. Celui en contrebas était aménagé en lavoir ;
La deuxième grotte, appelée « la grotte aux chèvres », est situé en hauteur dans la falaise et présente un accès difficile. D’après la légende, un souterrain partant de cette grotte se dirigeait vers le château de Lusignan ;
La troisième grotte fut aménagée par l’homme pour y abriter un sanctuaire avec un autel dédié à la vierge.
Tiffannelière, commune de Celle-l'Évescault n’est autre que le castrum Sellense de Grégoire de Tours, ou le duc Austrapius, devenu évêque avec la promesse de succéder au titulaire de Poitiers, fut tué au Vie siècle par les Teifales.
C'est la Tiffannelière (32) sur les bords de la Vonne, à environ deux kilomètres de Cette-L'Evêscault.
Aujourd'hui, la Tiffanelière n'est ni une petite ville, ni même une bourgade. Dans les temps qui ont précédé la Révolution, c'était une petite seigneurie qui est devenue de nos jours une simple maison bourgeoise habitée par le propriétaire des terres environnantes. Elle est bâtie sur l'un des points les plus inaccessibles des bords de la Vonne, et domine la vallée à une grande hauteur.
Du pied de ses murailles, le regard embrasse l'un des plus vastes et des plus magnifiques panoramas formés par les innombrables méandres de la petite rivière.
Il est probable que les Tiffaliens avaient construit l'une de leurs forteresses en ce lieu qui a conservé leur nom.
Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest
Société des antiquaires de l'Ouest
Gustave Lagkeao Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales
Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU ) <==........==> La mémoire des temps passés - Histoire des châteaux de la cité médiévale de Chauvigny.(Château des Evêques de Poitiers)
==> Généalogie - Maison des Hugues de Lusignan et Geoffroy la Grand' Dent.
Aujourd'hui que l'on s'occupe d'écrire l'histoire sur les documents originaux, et que les travaux historiques faits sur des livres n'ont plus guère de valeur dans le monde savant, il est utile d'exhumer de la poussière des bibliothèques ou des dépôts d'archives les chroniques de chaque province, d'en examiner la Valeur et d'en rechercher les auteurs, s'ils sont demeurés inconnus; et c'est ce que je me propose de faire pour le Poitou, Je commencerai par des Recherches sur les chroniques du monastère de St-Maixent.
Saint Pient, Evêque de Poitiers et Confesseur. D'une famille très modeste, c'est par son mérite et ses qualités qu'il fut appelé à devenir évêque de Poitiers Des autres faits et gestes de sa vie, la tradition n'a rien retenu d'autre, sinon qu'il fut un bon évêque.
Tiffauges est géographiquement située au nord-est de la Vendée, limitrophe au département de Maine-et-Loire, elle est coupée par la route départementale D 753 qui va de Cholet à Saint-Jean-de-Monts. Tiffauges se situe à 18 km des Herbiers, 16 km de Montaigu, et 20 km de Cholet.
On a souvent attribué aux Colliberts du Bas Poitou des origines sarrazines, voire même qu'ils seraient des descendants des Alains ou encore des Pictes. D'autres, comme Francisque Michel, ont plutôt pensé à des Cagots. Ce même auteur a d'ailleurs rapproché le nom Colliberts du terme latin Cumlibertus, collibertus, en ancien français culvert, qui aurait à l'origine désigné des esclaves affranchis.
Voici le fait tel qu'il est raconté dans les œuvres du vénérable Hildebert, archevêque de Tours en 1134 et auteur d'une vie de sainte Radégonde : " La bienheureuse Radégonde ayant quitté la cour de son époux, fut consacrée au Seigneur par saint Médard, évêque de Noyon, et se réfugia à la villa de Saix, en Poitou, qu'elle avait reçue du roi.
Les mentions les plus anciennes de l'existence du " Château de Chauvigny " se trouvent dans des chartes remontant aux environs de l'an Mil, 992 (1) et 1025 (2). A la lecture du deuxième de ces documents il apparait que le château appartenait déjà à l'évêque de Poitiers, dont il pourrait bien être l'œuvre.
Le territoire de Saint-Sornin et des iles de la côte saintongeaise furent incontestablement habités avant la conquête romaine ; le tumulus de la Mauvinière indique suffisamment que le promontoire de Broue l'était depuis longtemps. Mais c'est surtout lorsque les maîtres du monde eurent conquis la Gaule que les avantages de leur civilisation se tirent sentir.
(1) Engène Sue et Victor Hugo.
(2) Historia Francorum, hb. IV, n* 18. Patrologie ht-, t. LXXI, édit. Migne.
(3) Annales d'Aquitaine, par J. Bouchet.
(4) Hist. Du Poitou. par Thibaudeau.
(5) Hist. du vieux Poitiers et de ses environs, par Dufour
(6) Besly, Les évêques de Poitiers.
(7) « Auctor Chronici Malleacensis hoc de Pientio scribit : Hujus Pientii tempore perdidit Ecclesia Pictaviensis episcopatum castri celsi tali modo : Austrapius dux inibi ordinatus episcopus jussu et voluntate Clotharii, futurum ut, decedente Pientio, ipse succederet, sed rex Charibertus, Clotharii filius, in aliud vertit sententiam. Denique, Pientius iste, cum ab bac luce migrasset, Pascentius inssu Chariberti ei successif. (Gallia Christ., t IIl, 1144.)
L'auteur de la Chronique de Mallezais écrit ceci à propos de Pientius : Au temps de Pientii, l'église de Poitiers détruisit ainsi l'épiscopat d'un haut château : Austrapius, le duc qui y était ordonné évêque par ordre et volonté de Clotharius, prendrait son opinion qu'à la mort de Pientius, il lui succéderait, mais le roi Charibert, fils de Clotharius, changea d'avis. Enfin, ce Pientius, quand il fut parti de cette lumière, Pascentius et Charibert lui succédèrent. Lib. 1. Antiquité de l’ile de Maillezais
Si l’on veut bien remarquer que presque tous les mots de ce récit sont empruntés au texte de Grégoire de Tours, dont ils ne sont qu'une abréviation, on se convaincra aisément que le vieux chroniqueur, ou un copiste après lui, n'a écrit Castrum celsum, que parce qu'il a mal lu ou mal transcrit le Sellence castrum.
(8) Mémoire sur l’église Notre Dame de Lusignan, 1834, par M. l’abbé Cousseau, note au bas de la page 64
(9) Mélusine et Geoffroy à la Grand’dent, p.34, par M. J. Babinet, ancine magistrat, Paris, 1837. Voir, pour témoignages de Mgr Cousseau et de M. J. Babinet, Les Origines de la légende de Mélusine, 2e partie.
(10) De l’origine et de la destination des camps romains, dits châtelliers, en Gaule, par M. B. Ledain. (Mémoire de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 2e série, t. VII, p.489.)
(11) Etiam nunc sub prisco nomine notum, vulgo selle aut celle, ubi abbatial canonicorum regularium (Hist. Franc., lib. IV, n°18, edit Migne,t. LXXXI, coll 283-284; nota G, in fine)
D. Ruinart écrit le nom de Celle au singulier, Celles-en-Melle (Cellae) exigeant le pluriel ; cela prouve qu’il ignorait complétement l’existence de Celle-l’Evesqault, dont le nom veut le singulier (cella). Cette confusion infirme tout à fait l’autorité de son témoignage.
(12) « Mota super se Theifalorum seditione, quos saepe gravaverat. » (Ibid)
(13) « Dioeceses vero suas pictava Ecclesia recepité (Ibid)
(14) “Abbatia S. Mariae de Cella, O. S. A. diocesis Pictaviensis, beneficium regium. » Ce n’est qu’un simple prieuré qui fut érigé en abbaye, 1140. En 1789, l’abbé de Talleyrand-Périgord en était abbé. (Pouillé du diocèse de Poitiers, par M. Beauchet-Filleau, p. 171)
(15) CELLE-L'ÉVESCAULT.
Le Grand-Gauthier mentionne à plusieurs reprises le chapitre de Celle-l'Évescault, nous transcrivons ces passages dans l'ordre où ils se trouvent dans le manuscrit : « In eadem Cella sunt quinque canonice quarum una est annexata ecclesie parochiali ejusdem loci, per fratrem Galterium episcopum Pictavensem. Aliè verò IV canonice sunt sine cura, sed habentes duas illarum debent esse sacerdotes.
« Item ibi est sacrista qui debet esse sacerdos.
« Item sunt due aliè capellanie sine cura, sed habentes debent esse sacerdotes.
« De Camera episcopali est Cella-Episcopalis, tam in clero quam in populo; non juridictionem ibi habet archipresbyter de Lezigniaco, licet si Prior canonicorum de Cella.
« Apud Cellam-Episcopalem sunt sex canonie, quarum unus est Prior habens duas prebendas, similiter et Archipresbyterum, et in eadem ecclesia est unus sacerdos parochialis et unus cappellanus etiam, qui habet curam, custodiam elemosinarie et hec omnia beneficia spectant ad collationem episcopi Pictavensis.
« In Cella Episcopali episcopus dat prioratum annexatum archipresbyteratui et V prebendas.
« Item dat parochiam, eleemosinariam et cappellanias ejusdem loci (Grand Gauthier, cité par Beauchet-Filleau (Pouillé, p.153). »
Chapitre de Celles-l'Évescault en l'Archiprêtré de Lusignan, duquel le doyen est prieur et archiprestre, et dépend de l'évêque, ensemble les six chanoines qui sont en la pleine collation dudit seigneur Évêque (P. 1648).
Le Chapitre de Celle-l'Évescault est composé de cinq canonicats dont un est uni à la cure dudit lieu et un autre à la cure de Voulon. Il y a division de revenus par rapport aux deux qui sont unis ; les trois autres sont d'un revenu inégal; le plus ancien a environ 50 écus; le second n'a que 65 l., et le dernier, 15 l. Ledit Chapitre a abandonné au vicaire une portion de revenu valant 100 l., à la charge d'acquitter un service qui est d'une messe les dimanches et fêtes chômées. L'Evêque nomme aux canonicats (Vis. 1769).
Le Pouillé de 1782 ne mentionne pas Celle-l'Évescaut au nombre des Chapitres du diocèse ; il indique seulement trois chapelles qui, dit-il, portent le nom de canonicats.
(16) « Celle-l’Evesqualt était le siège d’une châtellenie mentionnée vers 1300 » (L. Gauthier, f° 15), et qualifiée baronnie des 1400 (seign. D’Iteuil, laquelle appartenait aux évêques de Poitiers, et comprenait la plus grande partie de la paroisse, avec quelques portions de celles de Paire, Vivonne, Voulon et Anche. Le château épiscopal est appelé forteresse de Celle-Levesquau, en 1496 » (Dict. topographique du département de la Vienne, par M. L. Rédet, p.79)
(17) « Apud Sellense Castrum, quod in Pictava habetur dioesesi » (Hist. Franc., loc.cit)
(18) Bouillet.
(19) Atlas de la géographie ancienne, du moyen âge et moderne, adopté par le Conseil royal de l’Instruction publique, à l’usage des collèges royaux et des maisons d’éducation, pour suivre les cours de géographe et d’histoire, par Felix Delamarche, successeur de Robert de Vaugondy, géographe du roi. Paris, 1836, chez Delamarche, ingénieur mécanicien, pour les globes et sphères, rue du Jardinet, 12.
Ici, on nous objecte le témoignage de Strabon et de Ptolémée, qui désignent la Loire comme limitant au nord-ouest le territoire des Pictons, et le séparant de celui des Armoricains. Ceci ne prouve absolument rien. Il est probable que ces deux auteurs n'ont jamais vocable par eux-mêmes le point précis où s'arrêtait le territoire des Pictons. Du moment que ce territoire s'étendait jusque la vallée de la Loire, ils étaient autorisés, par cela même, à dire que la Loire formait cette limite.
Car, en gêneral, un fleuve ne se distingue pas de la vallée qu'il arrose. Que les terres occupées par les Pictons fussent bornées par le cours même du neuve, ou par la vallée dans laquelle il serpente, ces deux géographes n'étaient pas moins dans le vrai. Que d'exemples identiques nous rencontrons dans les récits des voyageurs et des missionnaires, qui ont remonté jusque dans l'intérieur des terres, depuis un quart de siècle, les grands fleuves africains, le Sénégal, le Congo et le Zembèze !
(20) La géographie de la Gaule au Vie siècle, par M. Lonnon, pp. 572-576- ouvrage couronné par l’institut, qui lui attribua un prix de 10,000fr
(21) « Totum illud infra muros sarracenos Castri Celsi usque ad portas castelli quod dicitur castrum burgensium. »
(22) Géographe de la Gaule au Vie siècle, loc. cit.
(23) Dict. topographique de la Vienne, pp. 78-79.
(24) Dict. topographique de la Vienne, ibid.
(25) Citons quelques localités de la Vienne, dans le nom desquelles S est substitué à C dans quelques documents du moyen âge:
– Ceaux en Loudun est écrit Seaulx dans un document de 1490.
- Ceaux, commune de Sillars, - Sceaux, 1580.
- Moulin de la Celle (Voulon),- Moulin de la Selle, 1601.
- -Celles (Thure), - Selles, 1400.
- Cellevezay (Celle-l’Evecault), - Sellevezay, 1495.
- Celliers (Lencloitre), - Eccelsia de Seliaco (Pouillé de Gauthier).
- Cenan (La Puye), - Senentum, v 1103.
- Cenon (Vouneuil sur Vienne), - Ecclesia de Senum, 1097-1100 (cart. S Cyp)
- Cernay (Lencloitre), Ecclesia de Sernayo (Pouillé de Gauthier,f° 171) etc.
(27) La tradition d'un temple dédié à Vénus a toujours existe à Celle-l’Evscault. Le docteur Duval, ancien propriétaire du château de la Grange, m'en a parlé avant d'avoir lui-même découvert le premier tronçon de colonne. Les débris découverts jusqu’ici confirment pleinement cette tradition par leur style et par leur calibre
(28) A l'époque ou D. Ruinart annota l’Histoire des Francs, la seul ville de Tiffauges, sur la Sèvre, lui rappelait le nom des Scythes Tiffaliens. Il n’y a donc rien d’étonnant qu’il n’en ait point vu ailleurs ; les données nécessaires lui manquaient pour cela. Mais alors, comment pouvait- il placer le séjour d’Austrapius à Celles-en-Melle, à 50 lieues de Tiffauges, pendant qu’il avait sous les yeux le texte de S. Gregoire ? Cette simple remarque nous donne une très mince idée de la valeur de sa critique. Voici la note qu’il a placée au bas de la vol. 284. J.
« Teifali seu Taifali, una ex bis gentibus barbaris, quae saeculo quito ineunte Gallias inaudarunt. Horum aliquot sedes fixere apud Pictones, ac nomen dedere vico Teifalia dicto, qui etiam nunc superset sub nomline Tifaugiae, vulgo Tifauge, ater Clicchionem et Moritaniam, positus ad fluvium Separim.
(28) « Rex chariberius in ahud yertit sententiam.. (Hist.. Franc., loc, cit..)
(29) Clotaire détacha pour lui une certaine région du vaste diocèse de Poitiers, dont la ville principale portait le nom de Castrum Sellense.
Et à la page suivante : « Clotaire, nous venons de le dire, lui avait formé un petit diocèse d’un certain nombre de paroisses détachées du diocèse de Poitiers. » (Hist. Eccel. Du Poitou, p. D.Chamard) Mem. De la Soc. Des Antiq. De l’Ouest, 2e série, t. III, p.347.
(30) Est-il bien certain qu'Austrapius ait été effectivement revêtu de la dignité épiscopale? Le sens exact et rigoureux du texte est qu'il fut ordonné dans le lieu qui lui était assigne comme séjour provisoire : Ad clericatum accedens, apud Sellense Castrum. ….ordinatur. D'autre part, le Sellence Castrum se trouvant situé sur le territoire du diocèse de Poitiers, il est à supposer que ce fut saint Pien qui, d'accord avec le roi, lui conféra les ordres. Or, n'est-il pas présumable que l'ordre le plus élevé qui lui fut conféré en cette occasion par l'ordinaire du lieu, ce fut le degré inférieur du sacerdoce, comme c'était déjà l'usage à cette époque, et comme nous envoyons un exemple remarquable dans l'ordination de saint Cloud, à Paris? N'était-il pas plus naturel et plus conforme aux prescriptions des Saints Canons de réserver la consécration épiscopale pour le jour où les suffrages du clergé et du peuple (condition alors indispensable) viendraient confirmer le choix fait par le roi? Le futur successeur de saint Pien, quoique simple prêtre, n'en aurait pas été moins entouré des honneurs de l'épiscopat dans sa résidence provisoire. Est-ce que, de nos jours, on ne décerne pas ces mêmes honneurs à tous les prêtres élèves à l'épiscopat, dès le moment de leur nomination par le pouvoir civil, sans attendre qu'ils soient pourvus de l'institution canonique ?
(31) diœcesis, sens étymologique : Administration, gouvernement; sens usuel chez les Grecs et chez les Romains Territoire ou circonscription d'une administration, d'un gouvernement, quelle qu'en fut l'étendue. Dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, ce mot passa, sans changer de signification, de la langue civile dans la langue de l'Eglise, pour designer toute agglomération de fidèles placés sous la juridiction d'un évêque ou même d’un simple prêtre.
Ce ne fut que postérieurement au temps de saint Grégoire de Tours que ce mot sortit des usages de la langue civile et ne fut plus employé que dans le sens de la circonscription territoriale soumise à la juridiction de chaque évêque.
Au VIe siècle, il était synonyme de parœcia, paroisse et ce dernier mot était fréquemment employé eu son lieu et place Alors, il n'y avait de paroisses proprement dites que dans les grandes cites; les paroisses rurales n'ont été établies que du IXe au Xe siècle. On voit par là que le pluriel diœceses de Gregoire de Tours, outre son sens ironique, ne pouvait exprimer que l'ensemble des petites localités qui composaient le domaine attribué à Austrapius par le roi Clotaire, et qu'il ne s'agit nullement d'un diocès dans le sens propre du mot.
(32)En patois des bords de la Vonne : Tiffougne ou teffoigne.