Sur les ruines du vieux château de Tiffauges, anciennement Teyphalia
Tiffauges est géographiquement située au nord-est de la Vendée, limitrophe au département de Maine-et-Loire, elle est coupée par la route départementale D 753 qui va de Cholet à Saint-Jean-de-Monts. Tiffauges se situe à 18 km des Herbiers, 16 km de Montaigu, et 20 km de Cholet. Tiffauges est implantée au confluent de deux rivières : la Sèvre nantaise et la Crûme.
PLAN GENERAL DU CHATEAU DE TIFFAUGES
Sur un promontoire escarpé qui domine la Sèvre Nantaise, au confluent de cette rivière et du ruisseau la Crûme, s'élèvent, grandioses, les ruines du château de Tiffauges.
Les environs:
- A La Moulinette; B La Sèvre Rivière; C La Crûme Rivière; D La Petite Douve; E La Bande; F La Pierrière; G Le Portage; H Le Petit étang; I Le Bois; J Le Coteau des Epinettes; K Les Aires; L La Ville; M La Chaussée; N Le Coteau de la Tour; O Le Coteau de la Moulinette. P Le chemin des Chevaliers de Tiffauges
L'enceinte:
- 1 Entrée du château; 1' Boulevard; 2 La tour du pertuis; 3 La tour des Epinettes; 4 La tour de l'Eperon; 5 La tour aux veaux; 6 La tour de la Renardière; 7 La tour de l'Etang; 8 La Petite tour; 9 La tour du Vidame; 10 La tour de Ronde; 11 La tour de la Perrière; 12 La Porte Bailleresse; 13 La tour de la Moulinette; 14 La tour de la Grande Planche; 15 La tour de Motte; 16 La tour de Chaussée; 17 La tour du Bois; 18 La tour de Moûrier; 19 La tour de la Vallée; 20 La tour du Blouoir.
La tradition rapporte que le général romain Agrippa, d'autres disent Jules César, avait en ce lieu créé une station ou castellum; mais il est probable que les armées romaines ne s'y fixèrent que plus tard, lorsque déjà depuis longtemps la Gaule était soumise.
Ce petit coin de terre, enserré entre deux cours d'eau et une vallée aussi étroite que profonde, était par sa situation facile à défendre ; de plus, la Sèvre (1), route naturelle et toujours ouverte, permettait aux habitants de se ravitailler au besoin. On comprend donc, qu'à cette époque reculée où une palissade en bois constituait une protection suffisante, la position dont nous parlons était très judicieusement choisie.
Au Ve siècle de notre ère, vers l'an 418, une tribu de Scythes Teyphaliens vint l'occuper. D'aucuns prétendent que les Teyphales faisaient partie des peuples barbares qui envahirent la Gaule au commencement du Ve siècle en 406 —, et qu'ils s'y installèrent en vainqueurs. Nous pensons plutôt qu ils ne quittèrent la Germanie, et ne s'établirent en Poitou, qu'après avoir été vaincus par les Romains. La dure loi des vainqueurs imposait, en effet, aux peuplades fières de leur indépendance.une nouvelle patrie, dans l'espoir de leur faire perdre le souvenir de celle qu'ils n'avaient pu conserver malgré leur vaillance.
La rivière la Sèvre est désignée au XIe siècle sous le nom de Sevria dans une charte de Saint-Laurent-sur-Sèvre; et sous celui de Separis (séparation), dans une chronique de la Chaise-le-Vicomte.
Il est du moins certain que la petite ville de Tiffauges, anciennement Teyphalia, doit son nom aux Teyphales qui l'ont habitée (1).
Les Teyphales obéissaient à un chef militaire demeurant à Poitiers (Limonum), métropole des Pictons (2). ==> Quand Poitiers s’appelait Limonum capitale des peuples Pictavi et Tiffauges, Theiphalia
C'étaient des barbares adonnés aux vices les plus honteux, aux passions les plus dégradantes ; et les jeunes gens, qu'ils s'étaient attachés par d'infâmes liaisons, ne pouvaient s'y soustraire tant qu'ils n'avaient pas prouvé leur virilité en abattant, sans secours, un ours sauvage ou un sanglier (3). Ces mœurs abominables ne devaient disparaître qu'au VIe siècle, quand Saint-Félix, évêque de Nantes, eût envoyé Saint-Martin de Vertou convertir les Teyphales au Christianisme (4). De loups, dit Fortunat évêque de Poitiers, ils s'étaient changés en agneaux.
L'histoire générale de notre pays est si obscure à cette époque, qu'il devient très-difficile de reconstituer celle qui fut particulière aux Teyphales. Au reste, nous n'avons pour but, dans ce travail, que de donner la description, aussi exacte que possible, de ce qui constituait le château de Tiffauges.
Il nous suffira donc de rappeler que, vers 843, les Normands vinrent incendier Tiffauges (5) et ravager toute la contrée, et que, plus tard, pendant la guerre de Philippe-Auguste contre Jean-Sans-Terre, Tiffauges, qui appartenait depuis trois siècles aux vicomtes de Thouars, fut pillé par les Anglais.
Alors peut-être s'élevait déjà le château-fort dont les restes imposants, soutenus par le seul appui d'un lierre vigoureux, résisteront longtemps encore aux injures du temps.
C'est, en effet, vers la fin du XIIe siècle que fut bâti le château de Tiffauges.
A son entrée, un bastion démoli en 1791, par ordre du district de Montaigu, défendait le passage de la chaussée de la Sèvre et du chemin qui, de ce point, remonte vers la ville. 1
Il y avait aussi une porte flanquée de deux tourelles dont les ruines existaient il y a peu d'années, mais disparurent pour faire place, en 1833, à la route stratégique de Saint-Jean-de-Monts à Cholet.
Aujourd'hui il ne reste plus que trois portes, construites en entier de moellons de granit, et occupant toute l'épaisseur d'un mur de 2m50 ;
La première, à arc surbaissé, de 1m10 de largeur et de 1m90 de profondeur, est fermée, du côté extérieur, par un mur percé de deux meurtrières ;
la seconde, beaucoup plus élevée et large de 3m 40, est à plein cintre ; la dernière, aussi à plein cintre, a 1m 10 de largeur.
Un escalier permet de monter facilement au-dessus de ces portes et d'apercevoir les mâchicoulis qui en défendaient l'approche, mais le parapet qui couvrait le chemin de ronde a entièrement disparu.
Une poterne située à 6 mètres plus au nord, permettait aux assiégés de sortir de la forteresse.
Un chemin tracé à travers les ruines (2) conduit aux pieds du rempart extérieur, dont les hautes murailles et les mâchicoulis, en partie conservés, protégeaient la première enceinte.
Château Tiffauges Lavandières Pont de la Moulinette
Ce fut au XI e siècle que fut fortifiée la ville.
La disposition d’ensemble rappelle Coucy et beaucoup d’autres villes de la même époque, où le château est situé de façon à protéger la ville et à s’appuyer sur cette dernière tout en la dominant.
Le ravin qui joint la Sèvre à la Crûme rendait cette tâche singulièrement facile.
De l’extérieur on pouvait entrer dans la Baille ou basse-cour par la Porte Parleresse (ou Pallerèse), corruption du mot Bailleresse. Cette porte, située sur un saillant, dissimulée par la Pierrière et protégée par l’estuaire de la Sèvre, n’était abordable que par le Coteau de la Moulinette.
La Moulinette, destinée à fournir la farine de la garnison, est établie sur un des bras de la Sèvre.
==> PLAN DU DONJON DU VIEUX CHATEAU DE TIFFAUGES
(1) Ils vécurent longtemps seuls et isolés, mais finirent par se confondre avec les indigènes. On les retrouve cependant encore au XIe siècle: l'un deux alla en Afrique consulter un célèbre anachorète: Homuncionem quemdam genere Taifalum a partibus Galliarum in Africain ad anachoretam famâ notum venisse. (Glab. Radulfus 1. V), cité par André, dans le N d'Avril 1831, p. 152, de la Revue Vendéenne.
(2) Prœfectus Sarrnatarum et Taifalorum gentilium Pictavis in Galliâ. (Notit. dignitat. per Gall.)
(3) Hanc Taifalorum gentem turpem et obscœnœ vitœ flagitüs ita accepimus mersam ut apud eos nefandi concubitûs fœdere copulentur mares puberes, œtatis viriditatem in eorum pollutis usibus consumpturi; porro si quis jam adultus aprum exceperit solus vel interemerit ursum immanem, colluvione liberatur incesti. (Ammien Marcellin, libre XXXI, chap. IX).
(4) Saint-Senoch, dont l'Église célèbre la fête le 26 octobre, naquit à Tiffauges vers 539. Il fonda le monastère de Tours, et, dit Saint-Grégoire de Tours, opéra pendant sa vie de nombreux miracles.
Grégoire de Tours dit en parlant du bienheureux Sénoch, un de ses contemporains : " il était teifale de nation, et né dans le bourg du diocèse de Poitiers, qu'on appelle la teifalie. " il fallait que cette poignée de teifales ne fut pas encore confondue depuis sept ou huit générations avec les anciens habitants du pays où elle avait été transplantée ; car quand Grégoire de Tours écrivait, il y avait déjà cent soixante- dix années au moins, que nos Taifales habitaient dans le diocèse de Poitiers.
M. Dugast-Matifeux nous apprend que dans la chapelle de l'abbaye de la Grainetière, près des Herbiers, un autel était dédié à Saint-Sénoch.
(5) Tiffauges obéissait alors à Girard, neveu de Lambert comte de Nantes, et était compris dans le Comté Nantais. Mais en 982, lorsque Guerech, fils d'Alain Barbe Torte, régla avec Guillaume V, comte de Poitou, les limites du -comté Nantais, Tiffauges fit partie des marches de Bretagne et fut ainsi doté d'une constitution nouvelle. ==> Alliance contre les Vikings entre Barbetorte et Guillaume Tête d’Etoupe donna en 941-942 les pagi de Mauges, Tiffauges, Herbauge
(V. l'étude sur les marches, dans l'Histoire de Tiffauges, de Prével, p. 18 à 36.