1941 L'Ecole d'Escalade du Rocher de Pierre Blanche, Forêt domaniale de Mervent – Vouvant (Vendée) par Pierre MERCIER
Lorsqu’au détour de la route apparaît le village de Mervent, l'oeil est agréablement surpris de découvrir un site aimable et pittoresque, parsemé de demeures aux tuiles rondes, chaud en couleurs et accueillant au possible.
Juché sur la colline dominant les rivières Mére et Vendée, il occupe une situation comparable à celle de Vouvant, ancienne place forte au Nord de la forêt.
Deux belvédères permettent d'embrasser les vallées de la Mére et de la Vendée. Du point culminant la vue s'étend jusqu'aux hauteurs de la Châtaigneraie à travers toute une région de bois et de cultures, les plus riches de la France.
Par son caractère accidenté, la forêt de Mervent qui cerne le bourg est bien capable de retenir l'alpiniste momentanément privé des Alpes.
C'est ainsi qu'au cours d'un séjour à Fontenay-le-Comte, mon ami TRUFFAUT et moi parcourions il y a quelques années le massif rocheux de Mervent.
Nous fîmes quelques visites à l'arête de Saint-Luc et la première ascension de la grande face de Pierre Brune, recouverte alors d'une végétation exubérante.
Nous pûmes également apprécier les possibilités gastronomiques du pays et je me promis, la guerre achevée, d'ouvrir une école d'escalade à Mervent.
Renseignements pris, seuls quelques rappels avaient été effectués à Pierre Brune et à Pierre Blanche par le Ski-Club Niortais ; aucune escalade directe n'avait été réussie en dehors de Roc Saint-Luc.
En septembre 1941, au cours d'une première collective de fin de semaine au départ de Paris, nous ouvrons plusieurs voies, notamment la fissure du dièdre de Pierre Brune, que nous équipons pour la progression sur pitons à la corde double. Notre démonstration enthousiasme un groupe de jeunes Niortais du Club Alpin Français accourus à Mervent à l'annonce d'une collective d'escalade dans ces rochers qu'ils connaissaient peu. Ils reviendront dans la suite s'exercer souvent.
Avec l'aide de deux d'entre eux, MM. Dupouy et BIGOSENSKI, que je tiens à remercier bien sincèrement, je puis organiser un grand déplacement à l'occasion de Pâques 1942.
Une vingtaine de camarades parisiens, auxquels se joignent une vingtaine de grimpeurs vendéens, se trouvent réunis pour la visite des massifs de Chambril et de la Chaize (Deux-Sèvres), dont nous gardons un excellent souvenir. Toutefois, signalons que ces massifs ne sont pas assez importants pour justifier un séjour.
L'Ecole se termine à Mervent, où nous trouvons bon accueil et copieuse chère. Au cours de ce stage, nous ouvrons de nombreuses voies, notamment aux rocs de Mervent ou de l 'Erable, et à Pierre Blanche, où les deux premiers grands itinéraires sont hâtivement parcourus le matin du départ.
Cette muraille calcaire fit sur les quelques-uns d'entre nous qui la virent une impression enthousiaste, mais un grand nettoyage y sera nécessaire.
Une dizaine de voies de 25 à 35 mètres de haut apparaissent déjà dans les broussailles et lichens. Toutes semblent difficiles, certaines impossibles, Dans la suite, notre cotation variera pour Pierre Blanche entre 4 et 6 selon l'échelle de Welzenbach.
Au cours d'un autre voyage à Mervent, je repère un grand nombre de voies nouvelles, les numérote et dresse une note technique provisoire sur l'ensemble du massif, puis je pose les jalons d'un grand camp d'été destiné à assurer la vaste diffusion de cette nouvelle Ecole d'escalade auprès des grimpeurs de la Section de Paris ne pouvant se rendre en montagne.
Au début de juillet, secondé par quelques amis, je précède la collective et achève le nettoyage des groupes.
A Pierre Brune, j'équipe la « Diagonale » pour le passage par cordées. Je laisse dans les voies une quarantaine de pitons peints en vert et de ce fait aisément trouvables pour les grimpeurs à venir.
Enfin, je reçois quarante-cinq stagiaires pour une quinzaine de jours, de tous âges, sexes et forces. Aidé de mon trésorier Robert NEUT, qui s'acquitte de cette tâche ingrate avec brio, et de sept moniteurs dont notre collègue Henriette CASTETS qui dirige de camp des dames, j'ouvre l'Ecole d'escalade.
Nous avons établi un emploi du temps que je m'attacherai à faire respecter strictement.
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La majeure partie du programme fut réservée à l'escalade, mais plusieurs excursions furent aussi suivies avec intérêt.
Au cours de la visite de Vouvant, M. BAUDRY, notaire en ces lieux, nous fit avec une bonne volonté dont il faut le Jouer, le plaisant historique de la ville.
Les exploits de la fée Mélusine et de Geoffroy-la-Grande-Dent resteront pour longtemps je crois dans toutes les mémoires.
Puis chacun admira les détails du portail de l'église, la poterne et les vestiges des remparts, les vieux ponts de bois si souvent retrouvés au cours des marches d'approche des lieux d'escalade.
D'autres fois ce fut le Marais Vendéen visité par petits groupes, après de plantureux repas à Coulonges-sur-l'Autize.
Cependant, certains préférant parfaire leur entraînement de rochassiers, parcoururent le massif entier plusieurs fois, secondant les moniteurs de Pierre Brune pour le passage des hauts itinéraires.
Au bout de peu de temps, « la Chicane » est passée en tête de cordée. Tous les grands itinéraires tombent les uns après les autres. Chaque moniteur met son point d'honneur à ouvrir une voie. Des progrès considérables sont enregistrés chez les débutants. La hauteur et la difficulté des roches contribuent à intéresser nos élèves, tout au moins dans une proportion égale à celle de la dégustation des omelettes de Pierre Brune. Chaque fois que le temps le permet, un bain couronne la journée. Inévitablement, l'omelette suit... puis le copieux repas habituel.
Enfin, pour clore le stage, j'organise un rallye-concours. Fort des expériences précédentes, je bannis toute idée de record et supprime le facteur temps, générateur d'accidents. Seule la qualité est appréciée (1).
Trois épreuves sont disputées par sept cordées de trois élèves.
Une épreuve d'escalade comprenant l'escalade artificielle du dièdre de Pierre Brune, avec sortie par la Plaque du Grand Ecart, pliage de corde et marche en cordée nous offrent quelques charmants instantanés de progression la tête en bas, nouvelle méthode qui semble peu rapide mais qui remporte un vif succès...
La seconde épreuve consiste dans la traversée de la rivière Mère par cordées de trois, le leader étant muni d'un plat de gamelle et d'une boîte d'allumettes ne devant pas être mouillée. Pour agrémenter l'épreuve, j'incorpore dans les cordées des éléments ne sachant pas nager et les encorde sur une longueur ne leur permettant pas de passer la rivière sans se jeter à l'eau tous en même temps. Nous avons ainsi quelques instants fort divertissants. Certains se font tirer ou préfèrent la tyrolienne, d'autres aiment mieux absorber un bon bol d'eau... La journée s'achève sur la confection d'un ceuf sur le plat dans laquelle chaque cordée déploya une virtuosité qui désempara les contrôleurs. Quelques prix sont distribués et transformés dans la soirée en omelettes au rhum en bonne et due forme.
Sous le signe de la bonne humeur et de la franche camaraderie, le stage se termine fin juillet.
De nombreux camarades viendront encore à Mervent à titre individuel. Nous leur devons de beaux itinéraires, tels « la traversée des géants » à Pierre Blanche.
Nos élèves ont pu ainsi faire de grands progrès en s'habituant à travailler sur un rocher difficile, très différent de celui de Fontainebleau, et s'affranchir pour quelque temps de la technique routinière donnée par la fréquentation excessive de nos massifs gréseux. L'habitude du travail par cordées a développé l'esprit d'équipe chez certains, le sens de la responsabilité chez les moniteurs et la confiance en soi chez beaucoup. Ce fut surtout, et tel était notre but, une préparation et un entrainement aux escalades difficiles en montagne.
Toutes les voies ont été passées et repassées.
Certaines comme « la Chicane », qui est une des plus longues et des plus difficiles de Pierre Blanche, ont été escaladées par plus de quarante grimpeurs lors du premier stage.
Ils ont pu s'y familiariser avec l'usage de la corde et des pitons dans un itinéraire très exposé. C'est là, croyons-nous, un témoignage du succès remporté par cette Ecole d'escalade.
Le site, fermé depuis janvier 2023, le restera jusqu’à « la saison 2024 ».
Le Département de la Vendée va réaliser une étude géotechnique pour s’assurer que la pratique de l’escalade sur la falaise de Pierre Blanche, en forêt de Mervent-Vouvant, ne comporte aucun risque.
https://www.pierre-blanche-escalade.fr/
==> Légendes du Poitou et le royaume de la fée Mélusine.
==> Nouveau Belvédère Mélusine - Barrage de Mervent - Panorama 360
==> Barrage de saint Luc dans la forêt de Mervent et Mélusine
(1) N.d.l.R. — Pourquoi ne pas donner pour l'escalade une note de style, comme pour les sauts à skis ?