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PHystorique- Les Portes du Temps
3 septembre 2021

Le Fantôme de Barbe-Bleue - chapelle des Saints-Innocents château Machecoul-en-Rais

Le Fantôme de Barbe-Bleue - chapelle des Saints-Innocents château Machecoul-en-Rais

1440, château de Machecoul en Basse-Bretagne… Depuis des mois, Gilles, est aux abois. Lui, Baron de Rais, issu de la puissante et riche famille des Laval, apparenté aux Thouars, voit fondre sa fortune.

Les différentes campagnes de guerre menées, pour le compte du Roi Charles VII, contre l'Anglais lui ont coûté très cher bien qu’un titre de Maréchal de France lui ait assuré belle renommée.

Sa chapelle des Saints-Innocents, la plus belle sélection d'enfants de chœur du royaume entraîne des dépenses conséquentes… Mais il ne peut vivre sans leurs voix d'anges.

 

MONSTRUM ou Le Terrifiant Destin de Gilles De Rais de Éric Dick

Lorsqu'il fut créé maréchal de France, et surtout lorsqu'il vécut retiré des camps, sa première fantaisie fut de s'environner de l'attirail d'une maison militaire.

 

Il entretint à ses frais une garde de plus de deux cents hommes montés à cheval, pages, écuyers, chevaliers, magnifiquement équipés et vêtus : cour brillante, dont les princes eux-mêmes ne pouvaient s'entourer.

Chacun de ces hommes avait son emploi marqué ; il avait un héraut d'armes qui portait son nom, « Rais-le-héraut1 ; » Jean Chartier lui-même, le chroniqueur de Charles VII, et celui de tous les historiens du temps qui nous fournit le plus de détails sur Gilles de Rais, paraît avoir fait partie de cette troupe 2.

Tous ces gens, qui avaient eux-mêmes leurs serviteurs particuliers, n'avaient à se préoccuper ni du soin de leur personne, ni du soin de leur maison; tous étaient aux gages du maréchal, et tous très grassement payés.

C'est de lui qu'ils recevaient le vivre et le couvert ; et il n'y avait point de table mieux servie que n'était la table que Gilles de Rais tenait ouverte à tout venant. Du maître, ils tenaient leur équipement, leurs chevaux, leurs harnais ; de lui enfin, tous leurs vêtements riches et variés. Deux ou trois fois l'an, ils étaient magnifiquement habillés de neuf, sans qu'il leur en coûtât le moindre écu : il est vrai qu'à ce prix, Gilles de Rais avait l'orgueil de voir à son service une maison militaire bien montée, bien tenue, digne de son rang en un mot, ou plutôt, pour parler le langage de ses héritiers, « bien au-dessus de sa position » ; car, « ce n'était pas état de baron, mais de prince. »

Parmi les fantaisies les plus extraordinaires de cet homme, il faut citer sa chapelle et sa collégiale.

 

En mars 1435, il était dans la ville d'Orléans.

(Procession du Cortège du Roy, 1429, Sacre de Charles VII (Gilles de Laval - Les Otages de la Sainte Ampoule)

 Sans cesse poursuivi par l'image de ses crimes, en proie aux remords, l'oreille toujours remplie, pour ainsi parler, par les cris des petits enfants immolés à ses féroces passions, il confirmait solennellement, à la date du 26 mars, une fondation antérieure qu'il avait faite « en mémoire des saints Innocents », à Machecoul-en-Rais.

 

Voici le début de cette pièce, la plus curieuse certainement de toutes celles qu'on a retrouvées à Orléans :

« Le samedi xxvic jour de mars mil ccccxxxim (1435 n. s.).

« Comme noble et puissant seigneur, Monseigneur Gilles, seigneur de Rais, comte de Brienne, seigneur de Champtocé et de Pousauges, mareschal de France, ait naguieres, pour le bien, salut et sauvement de son ame, et ad ce que, envers nostre seigneur Jhesu Crist, soit mémoire de lui et de ses feux pere, mere, parens, amis et bienfaicteurs tres passez, faicte fondacion en memoire des Sains lnnocens, au lieu de Machecoul en Rais, estant au duchié de Bretaigne ;  et, en icelle fondacion ait faiz et ordonnez vicaire, doian, archediacre, trésorier, chanoines, chappitre et collette, et aussi leur ait ordonnées et baillées rentes, revenues et possessions pour leurs vivres et neccessitez, ad ce que le divin service soit augmenté et puisse d'ores en avant estre fait et celebré audit lieu de Machecoul, et pour ce que ledit seigneur avoit et a encores bonne entencion et ferme propos d'entretenir ladicte fondacion, comme bien l'a demonstré et demonstre chascnn jour par effect, désirant de tout son cueur lesdits vicaire, doian et chappitre estre après son deces paisiblement tenuz et gardez en bonne possession et saisine des rentes, revenues et possessions par lui a eulx ainsi baillez et assignez, comme dit est, et en icelles préservez et delfenduz de toute oppression, eust icellui seigneur donné au Roy de Sicille et duc d'Anjou le chastel et chastellenie de Champtocé, hors l'acquit ou peage d'icellui lieu, ou est ladite fondacion; duquel roy de Sicille, a cause dudit duchié d'Anjou, lesdits chastel et chastellenie sont tenuz en fief; et au duc de Bretaigne la moitié de toute la seigneurie, baronnie et terre dudit Rais ; ou cas que madame Katherine de Thoars, femme dudit Monseigneur de Raiz, ou madamoiselle Marie de Rais, sa fille ou  autres parents, amis, héritiers et aiens cause, qui ou nom de ladicte damoiselle Marie ou autrement, a quelque tiltre, maniere et pour quelconque cause que ce soit ou puisse estre, contrediroient ou empescheroient ladite fondacion; et par ainsy que lesdits seigneurs roy de Sicille et duc d'Aujou et duc de Bretaigne les porteroient, soustiendroient et deffendroient..... »

Le maréchal, devant Jean Caseau et Jean de Réconin, notaires, confirme cette fondation et transporte aux deux princes tout ce qui lui est advenu par succession ou lui pourra advenir jusqu'à la quatrième lignée.

Si ces princes refusent de soutenir sa fondation, il en charge le roi aux mêmes conditions ; au refus du roi, il choisit l'empereur ; au refus de l'empereur, le pape ; au refus du pape, enfin, les personnes croisées de la sainte Terre d'Oultre Mer; c'est-à-dire, les chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean et de l'Ordre de Saint-Lazare, chacun par moitié. Il veut que ses héritiers puissent être contraints par la Chambre apostolique à respecter ses volontés les plus formelles (3).

On rencontrait donc à Machecoul et à Tiffauges, tout le clergé d'une église cathédrale et d'une église collégiale : un doyen, messire de la Ferrière ; des chantres ; un archidiacre, messire Jourdain ; un vicaire, Olivier Martin; un trésorier, Jean Rossignol; un écolâtre ou maître d'école; des chanoines, des chapelains, des coadjuteurs, des clercs et de nombreux enfants de chœur. Le premier dignitaire de ce « collège » avait reçu du maréchal le titre d'évêque (4); « lui-même, nous dit Vallet de Viriville, était chanoine de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers. »

Il aimait sa chapelle d'un amour de prédilection, et son constant désir, jusqu'à la fin de sa vie, fut de mettre ce clergé sur le même rang que celui des plus fameuses cathédrales.

Dans ses voyages, il avait vu à Lyon, un chapitre de chanoines mitrés, vêtus, comme ils le sont aujourd'hui encore, de la cappa magna, « plus semblable à un synode d'évêques qu'à une assemblée de chanoines », selon l'expression de ses héritiers ; or, son affection pour sa chapelle était si peu réglée, qu'il envoya plusieurs députations au pape, pour en obtenir que ses chantres fussent mitrés comme des prélats ou comme les chanoines de l'église de Lyon (5)

Mais le pape, « dûment averti » par la famille de Gilles, n'y voulut jamais consentir; non plus autoriser la fondation canonique de la collégiale que Gilles avait dotée, et dont il avait lui-même, s'il faut en croire un de ses complices, rédigé de sa propre main les règles et les statuts (6).

Ce « collège », composé de vingt-cinq à trente personnes, formait, avec leurs serviteurs, une suite de plus de cinquante hommes, qui, avec sa maison militaire, accompagnaient le maréchal dans tous ses voyages.

Ils marchaient tous à cheval ; chacun vivait partout sur les deniers du maître, Sa générosité envers eux n'avait ni mesure, ni discrétion : il leur donnait des chevaux et des « haquenées » du plus grand prix (7); ils étaient payés chacun selon son office et sa dignité ; mais tous avec une prodigalité ridicule.

Il y en avait plusieurs qui touchaient, chaque année, trois cents et même quatre cents écus de traitement. D'ailleurs, comme ils n'avaient rien à prélever sur leurs gages pour leur entretien personnel, il se trouvait que leur service coûtait à Gilles des sommes énormes. Lorsqu'ils étaient « à séjour et à l'église, » il les vêtait de longues robes traînantes jusques à terre, d'écarlate et d'autres draps fins, « fourrés de martes, de gris, de menu-vair ; et d'autres fines plumes et fourrures... ; ils usaient d'ailleurs de grandes pompes et bombances » ; tels étaient leurs costumes en dehors des cérémonies religieuses.

Au chœur, c'étaient « des surplis du tissu le plus fin, des aumusses et des chapeaux de chœur de fin-gris doublé de menu-vair, comme s'ils eussent été de grand état et de grande science, constitués en dignité ; et ainsi que les chanoines d'églises cathédrales ont accoutumé d'en avoir. »

Enfin, pour les voyages, « il leur faisait faire chaperons et robes des draps les plus fins, mais courtes, pour chevaucher plus commodément » ; il leur fournissait de plus, comme nous avons dit, des serviteurs, des haquenées et des chevaux du plus haut prix ; des malles et des « bahuts » pour transporter leurs effets. On n'avait « point mémoire et l'on ne croyait pas qu'on pût jamais voir dans la chapelle d'un prince ou d'un roi de France, telle superfluité, tels excès, dépense si déraisonnable (8). »

Sa prodigalité, envers ceux de sa chapelle qu'il affectionnait plus particulièrement, était plus insensée encore que son luxe n'était ambitieux. Quand la fantaisie lui venait de prendre à son service un clerc étranger à sa maison, il n'y avait point de présents si précieux qu'il ne lui offrît pour l'engager à le suivre.

Apprenait-il que dans une église éloignée était applaudie une belle voix d'homme ou d'enfant? il mettait « tout son pouvoir et toute sa puissance à l'avoir », et n'avait point d'aise qu'il ne l'entendît retentir sous les voûtes de sa chapelle. A quelles folles dépenses ne l'entraînèrent pas ces désirs désordonnés!

Un jour qu'il avait entendu chanter, dans l'église de Saint-Hilaire de Poitiers, un jeune enfant de La Rochelle, nommé Rossignol, il se l'attacha en lui donnant, à lui d'abord, la terre de la Rivière, située près de Machecoul, qui ne rapportait pas moins de deux cents livres de rentes; plus encore trois cents écus à son père et à sa mère ; et il l'envoya chercher à Saint-Hilaire avec un train magnifique, « comme s'il eût été un enfant illustre et de grande maison (9)? »

D'après ces excès, on se fait aisément l'idée que tout ce qui était nécessaire à l'office divin n'était pas fourni avec moins de luxe. Le nombre des chasubles, des chapes et des autres ornements d'église qu'il possédait, était considérable; la matière en était des plus rares ; et ils montaient à un prix immense. Le drap d'or, la soie, les tissus « les plus riches et les plus finz que J'on pouvait trouver », étaient, plus par vaine ostentation que par vraie piété, les seuls qu'il voulût employer dans les ornements sacrés.

Encore lui coûtaient-ils pour la plupart « trois fois plus qu'ils ne valaient. » On connaissait bien, en effet, tous ses défauts, et les marchands étaient habiles à les exploiter à leur profit ; car il eût regardé comme une chose indigne de son nom et de sa fortune, de s'abaisser jusqu'à marchander ce qu'il achetait, si bien que les fournisseurs lui vendaient toutes choses à un prix deux, trois et même quatre fois plus élevé que le prix véritable. Ainsi, l'aune de drap d'or, qu'il achetait soixante et quatre-vingts écus, n'en valait souvent que vingt-cinq ou trente au plus. Il payait trois ou quatre cents écus une paire « d'or-frazés » qui n'en valait pas cent. Il alla un jour jusqu'à payer « trois chappes de drap d'or, QUATORZE MILLE ÉCUS, alors qu'elles ne montaient pas à plus de quatre mille '. »

Si précieux qu'ils fussent, ces ornements ne surpassaient pas cependant la richesse des vases sacrés. Un orfèvre était attaché à son service. Les chandeliers de main et des autels, les encensoirs, les croix, les « paix », les plats, les calices et les ciboires, les reliquaires, parmi lesquels le chef d'argent de saint Honoré, étaient d'or et d'argent massifs, ornés de pierres précieuses, des ciselures les plus finies, des émaux les plus brillants, où la perfection du travail surpassait encore la richesse de la matière. Enfin, pour rehausser la pompe des cérémonies religieuses, il avait plusieurs paires d'orgues, « les unes grandes, les autres petites », qui lui avaient coûté des sommes considérables (11). Car cet homme extraordinaire avait le goût de tous les arts, et ses passions dénotent une intelligence naturelle et cultivée des plus remarquables. Le goût de la musique était une de ses passions favorites ; il prenait un tel plaisir à l'entendre, qu'il se fit bientôt construire des orgues portatives, destinées à le suivre partout dans ses voyages : elles étaient portées sur les épaules de six hommes vigoureux, « quant il allait par pays, à grant mise et despense (12). »

Mais que lui faisaient ces dépenses ruineuses? La pensée de la gloire qui lui en revenait le dédommageait au centuple. Il n'y avait ni prince, ni roi, qui pût lutter par le luxe avec lui; le duc d'Anjou lui-même, dont les goûts, si pareils aux siens, étaient également magnifiques, n'avait rien à montrer dans sa chapelle, ni de plus beau, ni de plus somptueux.

Quant au duc de Bretagne, lorsqu'il séjournait à Nantes ou dans quelque autre ville voisine, il était assez honoré que Gilles de Rais, son vassal, voulût bien lui prêter sa chapelle (13). Mais tous ces dehors brillants s'adressaient uniquement aux yeux; un orgueil effroyable les avait enfantés; et il n'y avait dans cet étalage d'or, d'argent, de lumières, de chants, de vêtements et de fourrures, que gloriole et vanité. Dieu était complètement oublié, et toute la gloire en revenait à l'homme qui payait de son or toutes ces merveilles. Aussi, « en leur service, n'avait dévocion ne bon ordre; et, en effect, ce n'estait que vaine gloire et dérision entre gens de sens et de discrétion (14). » Dieu veut être autrement servi.

 

Gilles de Rais, maréchal de France, dit Barbe-Bleue, 1404-1440, d'après des documents inédits / par l'abbé Eugène Bossard,...

 

 

1430, 20 juin, Machecoul. Lettres par lesquelles Gilles de Laval-Retz se reconnaît débiteur de son cousin Guy XIV de Laval  <==

==> Les Croque-Mitaines – L’Ogre, Gilles de Laval, Baron de Retz - crypte de la chapelle du château de Tiffauges

 


 

Généalogie: Gilles de Rais seigneur de Champtocé, Machecoul, du château de Tiffauges, Pouzauges - 

Gilles de Montmorency-Laval, seigneur de Champtocé (49), Machecoul (44), du château de Tiffauges (85) de Pouzauges (85)..... plus connu sous le nom de Gilles de Rais ( Gilles de Retz) en référence à son titre de baron de Retz, né au château de Champtocé-sur-Loire à une date inconnue (au plus tôt durant l'année 1405, peut-être vers le 1er septembre), mort le 26 octobre 1440 à Nantes, est un chevalier et seigneur de Bretagne, d'Anjou, du Poitou, du Maine et d'Angoumois.

 

Visite Virtuelle Historique - château de Pouzauges - Catherine de Thouars et Gilles de Rais

Résumé : Au-dessus de la petite ville de Pouzauges, les ruines du château sont dominées par un donjon roman du XIe siècle, de plus de 25 m de haut. Composant la courtine, avec 12 tours, il est un exemple remarquable de l'architecture civile romane ce qui lui vaut d'avoir été classé monument historique dès 1862.

 

 

1 Pièce communiquée par M. Doinel.

2 Ibidem.

(3) Minute trouvée à Orléans.

(4) Mémoire des Héritiers, fos 7 et 8, r° et v°.

(5) Mémoire des Héritiers. fos 7 et 8, r° et v°.

(6) Proc. Ecclés., Déposition de Blanchet, fo 96.

(7) Mémoire des Héritiers, f° 7 v°.

(8) Mémoire des Héritiers, f° 8 r°.

(9) Ibidem.

(10) Mémoire des Héritiers, fo 7, vo. - Que l'on se rappelle ce que nous avons dit plus haut de la valeur de ces chiffres.

(11) Mémoire des Héritiers, fo 7, va; fo 8, r° et vo.

(12) Mémoire des Héritiers, f° 8 r°.

(13) Ibidem.

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