Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PHystorique- Les Portes du Temps
3 octobre 2020

Le 5 septembre 1793 à La Rochelle condamné à mort, puis envoyé à l'échafaud, Joseph Herbert Martyr de la Révolution

Joseph Herbert , Martyr de la Révolution - C'était le 5 septembre 1793 à La Rochelle que le curé de Maillé, était interrogé, condamné à mort, puis envoyé à l'échafaud

Joseph Herbert , Martyr de la Révolution - C'était le 5 septembre 1793 à La Rochelle que le curé de Maillé, était interrogé, condamné à mort, puis envoyé à l'échafaud.

 

JOSEPH HERBERT CURÉ DE MAILLÉ 1725-1793

« J’ai fait pour ma paroisse l’office de bon pasteur; « Je donne ma vie pour mes brebis. » Lettre de M. Herbert à sa nièce.

Dans les premiers jours du mois de septembre 1793, un voyageur venant de La Rochelle et passant par Andilly rencontrait une jeune bergère qu’il reconnaît, à son costume, pour une habitante des environs de Maillezais :

« D’où es-tu, ma petite poitevine, dit-il à l’enfant.

— Je suis de Maillé, répond-elle.

— Ah! tu es de Maillé! Eh bien! Je viens de voir guillotiner ton prêtre, M. Herbert.

— C’est lui qui m’a fait faire ma première communion, dit la jeune fille avec émotion.

 — Tu avais un saint prêtre », reprend le voyageur, en continuant sa route.

La présente Notice contient tout ce que nous avons pu recueillir d’intéressant sur ce saint prêtre, M. Joseph Herbert, curé de la paroisse de Maillé, dans l’île de Maillezais. M. Herbert nous fournit lui-même quelques précieux détails autobiographiques qu’il a consignés dans le registre de catholicité de sa paroisse.

« Moi, Joseph Herbert, prêtre, natif de la paroisse de Saint-Mélaine-des-Aubiers, à deux lieues de Châtillon-sur-Sayvre (Châtillon-sur-Sèvre - Mauléon), en Bas- Poitou, ai pris possession de la cure de Notre-Dame de Maillé, le 25 septembre de cette année 1768, un jour de dimanche, avant Vêpres, après dix-neuf ans et trois mois de vicariat : ayant été ordonné prêtre le 31 mars 1749.

 « J’avais par conséquent quarante-trois ans, quand je suis entré dans ma cure ; car je suis né le 30 mars 1725. « Je suis le premier curé de la nomination de Mgr François-Joseph Emmanuel de Grussol d’Uzès, évêque de La Rochelle (1).

 « J’ai succédé à M Jacques-François Mallécot, décédé le 13 septembre dernier. »

M. Herbert ajoute : « J’écrirai tous les ans, à la fin du registre, les principaux événements qui seront arrivés dans ce pays-ci. »

Ces notes, rédigées dans une écriture fine, nette et ferme, nous aideront à mettre en relief cette physionomie douce et grave d’un humble curé de campagne au XVIIIe siècle.

L’esprit de foi, de piété et de religion profonde de M. Herbert éclate à son insu dans les moindres détails que nous livre sa plume simple et naïve. 11 trouve une de ses plus grandes joies dans l’ornementation de son église, dans les parures de son autel et dans tout ce qui contribue à la beauté de la maison de Dieu. Il veut que la postérité connaisse les magnifiques chandeliers dont il a pu doter ce cher sanctuaire de Notre-Dame de Maillé.

 « C’est en cette même année 1778, nous dit-il, que nous avons fait venir de Paris un beau soleil ou ostensoir, du poids de cinq marcs et cinq onces, qui nous a coûté en tout quatre cent vingt trois livres La fabrique n’y a contribué que de dix-neuf pistoles. Le surplus a été le fruit d’une quête et de nos petites épargnes. Cet ostensoir mérite bien d’être ménagé. »

Le curé de Maillé s’occupait avec un soin diligent des vieilles dévotions locales et des monuments qui les rappellent.

« Il y avait autrefois, écrit-il, dans cette paroisse de Maillé, une chapelle dédiée à Saint Pient, en latin Pientius, évêque de Poitiers.

Elle était située au bord du marais, du côté du midi, entre les deux Pichonnières, à une distance à peu près égale. On prétend que cette chapelle avait été bâtie par les Colliberts, issus des Théifaliens, nation scite et barbare, qui, étant venue, au commencement du XIe siècle pour conquérir les Gaules, avait été vaincue et obligée de se sauver dans les halliers impénétrables de l’île de Maillezais et dans les marais circonvoisins.

 

Quelques anciens assurent que leurs pères y ont entendu la messe et qu’elle subsistait encore il y a cent dix ans. Les domaines de cette chapelle qui sont où elle a été située et aux environs ont été réunis à cette cure, mais je n’en ai point trouvé les titres.

Un monceau de terre et de pierres en désignait encore remplacement quand je suis venu ici, mais cette année (1772), j’ai tout déblayé jusqu’aux fondements. J’y ai occupé un homme pendant trois mois, qui en a tiré une centaine de charretées de pierres.

On a trouvé quatre tombeaux avec des ossements; trois étaient en dedans et le quatrième en dehors de la chapelle. Ces tombeaux, que j'ai laissés dans le lieu, sont de deux morceaux chacun, creusés de manière à y mettre commodément un corps. Il y a une place en rond pour la tête et des accoudoirs pour les bras et ils sont couverts de deux grandes pierres longues et plates.

« S. Pient était autrefois chommé ici le 13 mars. Cette fête a été retranchée par Mgr de Crussol, notre évêque, dans le cours de cette année. La dévotion à S. Pient est contre la surdité et les maux de tête. Il n’y a pas de semaine que je ne reçoive quelque messe votive à cette intention. »

La foi vive du saint prêtre découvrait, sous le voile des événements contingents de la vie, la main de l’éternelle Providence qui gouverne tout.

En nous parlant des calamités de l'année 1770, il nous les signale comme une manifestation terrible de la justice de Dieu. Cette disette, c’est la famine, c’est l’inondation formidable qui déborde et qui monte comme un déluge, qui entraîne tout dans ses Ilots, « ponts, maisons, moulins, chaussées. »

L’eau s’élevait jusqu’à la porte du cimetière et de l’église. « Enfin, dit-il, notre principale digue ne pouvant plus porter un volume si prodigieux, et horriblement battue d’une tempête affreuse qui dura vingt-quatre heures, depuis la nuit du dimanche au lundi, elle creva le mercredi suivant, 28 novembre, sur les sept heures du soir, un peu au-dessous du Fort-de-Doignon. L’éboulement a été environ de trente toises de longueur. »

Le pieux chroniqueur termine son récit en nous montrant, dans ce désastre, « un effet visible de la colère du ciel. » « Et cependant, ajoutait-il, Dieu a tempéré ses coups, du moins à notre égard, en protégeant la vie des per - sonnes contre cette fureur de tous les éléments déchaînés. »

La rédaction des actes de sépulture nous indique les soins attentifs du pasteur envers les moribonds qu’il assiste. Tandis que ses prédécesseurs se bornaient à constater strictement le décès, M. Herbert emploie presque toujours la formule « munie des sacrements de l'Eglise ».

Et dans le dernier acte rédigé de sa main, à la date du 5 juin 1791, il accentue sa religieuse formule et en fait une profession de foi catholique : « J’ai enterré dans le cimetière de ce lieu le corps de Marie- Thérèse Chartier, décédée hier en ce bourg, dans la communion de l’Eglise catholique, apostolique et romaine. » On croit entendre sortir du cœur du prêtre fidèle une énergique protestation contre le serment schismatique dont le refus conduira, quelques jours après, M. Herbert dans les prisons de Fontenay, et plus tard à l’échafaud.

 On l’a dit avec raison, le catholicisme est l’école du respect et de la subordination. Tous les actes de M. Herbert lui rendent témoignage qu’il fut un disciple éminent de cette grande école. Rien n’est touchant comme la respectueuse et naïve déférence qu’il professe pour les autorités constituées par Dieu. Son évêque, Mgr Crussol, lui avait fait demander par le syndic du clergé une déclaration des revenus de sa cure.

Voici la réponse qu’il a faite à cette demande dans le cours de l’année 1769 : « Monsieur le syndic du clergé, j’ai différé jusqu’ici à donner à Monseigneur une déclaration des revenus du bénéfice-cure dont il m’a gratifié. Ce n’a été ni par oubli ni par négligence, moins encore par indocilité pour ses ordres. Ils sont trop respectables et trop visiblement dictés par les mouvements de sa tendresse pastorale et paternelle pour son clergé, pour que j’hésite un moment à m’y soumettre. Refuser d’obéir à Sa Grandeur dans la circonstance actuelle serait un manque de confiance plus injurieux à son cœur que la désobéissance même.

« Que le succès du projet qu’a formé notre très illustre prélat de faire diminuer nos impôts réponde ou ne réponde pas à ses désirs, je n’en serai pas, en mon particulier, moins reconnaissant de ses bonnes volontés pour nous. Je suis, Monsieur, nouvellement placé à Maillé. Je n’avais pu donner une déclaration exacte des revenus de ma cure, dans le temps que votre lettre-circulaire m’est parvenue. J’ai attendu que la récolte fût finie pour la faire avec plus de connaissance de cause. Voilà le sujet de mon retardement. »

Il termine ainsi sa lettre : « Voilà, Monsieur, dans la sincérité et dans la conscience, toutes les terres, prés et rentes que je connais appartenir à la cure de Maillé et qui me font un revenu annuel de mille livres, Monseigneur a le terrage. Il est vrai que ces années-ci (en 1768 et 1769), nos revenus doublent parce que le blé est à un prix excessif; mais on ne peut ni compter ni désirer que la cherté des grains dure davantage; que deviendrait le pauvre peuple, déjà épuisé par la famine de plusieurs années ?

Il vous est facile, Monsieur, de voir que je ne déguise rien dans l’état que je présente des revenus de ma cure, puisque j’y fais entrer jusqu’aux menus suffrages qui ne se comptent jamais. Dans le Fouillé, elle est portée à six cents livres et je le monte à sept, sans que je voie en quoi elle a pu s’améliorer de cent francs. Sur les sept cents livres qui constituent tout mon revenu, je paie soixante-deux livres en décimes et vingt francs de prestations à M. l’archidiacre d’Ardin. Je dois onze messes de fondation et un boisseau de méture estimé vingt sols. C’est un total de quatre-vingt-neuf livres de charges que porte mon bénéfice, sans y comprendre les réparations auxquelles vous dites, Monsieur, que la Chambre n’aurait point d’égard. Quelle base, en comparaison des dix francs qu’a payés M. Rozet, un de mes prédécesseurs ! Je ne parle point des pauvres que j’ai sur les bras et de ce que me coûte un maître d’école que j’ai établi, sous le bon plaisir de Monseigneur; c’est un fardeau volontaire que je me suis imposé.

Je le répète. Monsieur, voilà dans la plus grande sincérité tout ce qui constitue mon bénéfice, du moins je n’en connais pas davantage Permettez que je fasse une autre déclaration : c’est d’être avec un très profond respect, Monsieur le Syndic du clergé, votre très humble et très obéissant serviteur. Herbert, prêtre-curé de Maillé. »

A la lin de l’année 1770, il ajoutait cette simple note : «  La déclaration que je rendis l’année dernière des revenus de ma cure a été sans aucun succès : on ne saurait en imputer la faute à Sa Grandeur. » Cette lettre est un portrait ; dans sa loyale et respectueuse franchise, elle nous manifeste toute la candeur de cette âme vraiment sacerdotale.

Le pouvoir civil avait sa part dans son culte de l’autorité, fût-elle représentée par un Louis XV.

En 1771, M. Herbert applaudissait à la chute de cet audacieux Parlement de Paris, qui ne visait à rien moins qu’à l’anéantissement de l’autorité royale.

Il écrivait à la fin de l’année 1774 : « C'est dans l’année que nous finissons que nous avons perdu le meilleur des rois, Louis XV, le bien-aimé de son peuple. »

Maillé est si loin de Versailles !

La naïveté de cette note prouve que ce vieux curé du Bas-Poitou ne connaissait point la chronique scandaleuse de la Cour. Mais ne prouve-t-elle pas aussi qu’il restait fidèle à la grande école catholique du respect ?

Par un décret du 10 mai 1776, Louis XVI portait la défense d’enterrer désormais le commun des fidèles dans les églises; il ne faisait exception que pour les archevêques, évêques et curés, en y mettant certaines conditions :

« Je ne me propose point, écrit M Herbert, d’avoir ma sépulture dans mon église à ces conditions, qui sont presque impraticables, et mes successeurs, à ce que je pense, en feront autant. Au reste, ajoutait- il, ce règlement est très sage et plein de religion. Il prévient la profanation de nos temples et les malheurs trop souvent arrivés à l’ouverture des tombeaux placés dans nos églises.

« Le cimetière doit être le dortoir général de tous les fidèles, en attendant la résurrection des corps, qui arrivera à la fin du monde, comme la foi nous l’enseigne. »

Je ne me propose point d’avoir ma sépulture dans mon église ! Hélas ! si le futur martyr eût été prophète !

A côté de cette note de 1776, nous plaçons ici ces simples mots d’un procès-verbal extrait du registre mortuaire de La Rochelle, à la date du 6 septembre 1793 :

« J’ai donné lecture du dit jugement au dit Herbert, et ensuite Héraud, l'exécuteur des sentences criminelles, lui a fait monter l'échafaud et l’a mis à mort. La tête séparée de son corps, il a mis le tout dans un cercueil qui a été enlevé par les infirmiers de l’hôpital. »

Nous avons vu l’usage que le curé de Maillé faisait de ses modiques revenus pour soulager les pauvres et soutenir une école dont il payait le titulaire de ses propres deniers. Sa conscience lui imposait l’obligation de défendre tous les droits de son bénéfice. C’est ce qu’il fit dans un procès qui tendait à lui enlever une partie des revenus de la cure de Maillé. Energique à maintenir les droits de son bénéfice, M. Herbert mettait les soins d’un bon père de famille à l’améliorer.

En 1776, il faisait à son presbytère, en grande partie à ses propres frais, d’importantes réparations et, en 1787, il entourait de fossés sa baillette de Bourneau (2). Il faisait planter les terriers de quatre mille plants d'aubier, de saule et de péton (3).

« Je ne jouirai pas peut-être du fruit de mes travaux, ajoutait-il, mes successeurs en feront part aux pauvres, et j’espère qu’ils prieront Dieu pour moi. »

Nous terminons ici ces extraits d'autobiographie qui, en nous faisant pénétrer dans l’âme du martyr de 1793, nous donnent jour sur un coin de la situation du clergé français pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle.

La dernière note nous livre les motifs de foi qui dirigeaient le pieux curé dans les soins donnés aux affaires matérielles de sa cure : c’est la garde vigilante d’un bien d’Eglise, le souci de la justice à l’égard de ses successeurs et le tendre intérêt qu’il portait aux pauvres de sa paroisse.

Nous l’avons dit, le dernier acte rédigé par M. Herbert sur le registre de catholicité de sa paroisse est l'acte de sépulture de Thérèse Chartier, décédée dans la communion de l'Eglise catholique, apostolique et romaine. Il est daté du 5 juin 1791.

On sait qu’à partir du 30 janvier de cette même année, une loi frappait de suspension tous les prêtres qui avaient refusé le serment schismatique à la Constitution civile.

C’était l’époque où les intrus s’installaient à la place des pasteurs légitimes.

M. Herbert fut saisi dans sa cure vers le milieu du mois de juin 1791, traîné devant les tribunaux révolutionnaires et jeté dans les prisons de Fontenay-le- Peuple, avec le jeune vicaire de Luçon, M. Louis-Marie Baudouin.

Nous lisons dans la vie du pieux fondateur de la Congrégation des Enfants de Marie-Immaculée et de la Société des Ursulines de Jésus : « Pendant sa captivité, Louis-Marie Baudouin fut consolé et fortifié par la présence des autres prêtres, et surtout par les discours et les exemples d’un vénérable vieillard dont il s’était concilié l’affection : c’était M. Herbert, curé de Maillé, qui, depuis, scella de son sang son attachement à la foi. Cette particulière affection du curé de Maillé pour le Père Baudouin, le mérite de lui avoir donné des exemples et suggéré des pensées qui l’ont consolé et soutenu dans le bon combat, c’est tout un panégyrique, et ce seul éloge peut suffire à nous révéler l’âme et la haute vertu de M. Herbert.

Il est probable que cette première détention ne fut pas longue et que notre prisonnier fut mis en liberté, comme M. Baudouin, vers le mois de septembre 1791. Nous regardons comme certain qu’il dut retourner au milieu de son troupeau, où sa présence était d’autant plus nécessaire que l’intrus Sagot y exerçait alors, depuis le 12 juillet, son sacrilège ministère.

Mais comme tous les prêtres fidèles de la Vendée, il ne pouvait plus séjourner dans sa paroisse qu'à titre de proscrit.

Son zèle était réduit à s’exercer désormais dans l’ombre, en dérobant au grand jour tous les actes et toutes les cérémonies du culte catholique. Malgré tout, sa seule présence était une force et comme une menace qui troublait le triomphe insolent du culte usurpateur.

A Maillé, comme dans les autres paroisses, les prêtres catholiques étaient « dénoncés comme des perturbateurs de l'ordre public, des ennemis dangereux de la Constitution civile du clergé. »

Le 9 mars 1792, le Directoire du département de la Vendée portait un arrêté qui obligeait trente-trois prêtres non assermentés à se rendre au chef-lieu du département, avec l’obligation de se présenter et de s’inscrire tous les jours, à onze heures, sur un registre à cet effet.

En tête de la liste des prêtres dénoncés figurait le nom de « M. Herbert, ex-curé de Maillé », avec les noms de « Vilain, ex-vicaire de Maillerais, Baudouin, ex-curé de Luçon, Louis-Marie Baudouin, ex-vicaire, Brumauld, ex-théologal, Defresne, exdoyen. »

On le voit, les persécuteurs s’v connaissaient en hommes; ils dirigeaient leurs coups contre les prêtres les plus éminents de la Vendée, et ils faisaient à l’humble curé de Maillé l’honneur de la placer au premier rang.

Nous ne saurions préciser la durée de cette seconde captivité.

On peut croire que la loi du 26 août 1792, condamnant tous les prêtres réfractaires à la déportation, délivra les captifs de Fontenay; et pendant que le P. Baudouin s’embarquait aux Sables, le 9 septembre, pour s’exiler en Espagne, M. Herbert retournait prodiguer à ses paroissiens fidèles les secours légalement prohibés de son ministère. Par cette sainte obstination de son dévouement sacerdotal, l’héroïque pasteur jouait chaque jour sa vie, et chaque jour il la donnait ainsi pour les âmes qui lui étaient confiées.

 Il y eut dans la paroisse des Judas, odieuses figures de traîtres et d’apostats, qui vendirent leur pasteur. « Il fut victime de son zèle, dit Guillon.

 

 Les agents de la persécution le saisirent vers l’automne de 1793 et le livrèrent aussitôt au tribunal criminel de la Charente- Inférieure. »

Cette affirmation de fauteur des Martyrs de la Foi concorde avec la tradition du pays.

 On battait le blé dans les aires, quand quelques patriotes de Courçon se présentèrent dans le bourg pour s’emparer de ce prêtre rebelle aux nouvelles doctrines de la Révolution.

Le bruit de leur arrivée se répandit bien vite. Une femme pieuse, dont la tradition donne le nom, avait avec elle une de ses nièces encore enfant. Elle envoie en toute hâte la jeune fille près de M. Herbert pour l’avertir que les républicains venaient se saisir de sa personne et pour lui indiquer un moyen de se dérober à leurs poursuites.

Le saint prêtre refuse de s’évader, déclarant qu'il ne doit pas, qu'il ne veut pas abandonner sa paroisse et qu'il est prêt à mourir pour ses paroissiens.

 Les patriotes s’emparent ainsi de lui sans peine et l’attachent, disent quelques anciens, à la queue de leurs chevaux. On dit aussi qu’arrivé devant la porte de l’église, M. Herbert se jette à genoux et supplie les agents de la Révolution de ne pas le conduire plus loin, mais de le fusiller sur place, en face de son église, afin que son sang soit versé sur le sol même de cette paroisse dont il est seul le légitime pasteur.

Cette prière touchante ne fut point écoutée : le captif fut traîné jusqu'à La Rochelle et incarcéré dans une prison de cette ville, en attendant la sentence de mort.

Sa détention ne fut pas longue. Dès le 5 septembre suivant, il comparaissait devant le tribunal révolutionnaire qui le condamne, comme brigand de la Vendée, au supplice de la guillotine.

 

Quelles furent dans sa prison et devant l’échafaud les dernières pensées de M. Herbert?

Il nous les a révélées lui-même dans une admirable lettre adressée à sa nièce, Jeanne-Modeste Ribert, qui résidait alors à Maillé. C’est comme le testament de cette belle âme de prêtre et de martyr. Nous en citerons les plus beaux passages :

« Je vous dis adieu pour la dernière fois, ma chère nièce, lorsque les volontaires de Courçon vinrent me prendre chez moi. Nous ne nous reverrons plus sur la terre, mais dans le ciel, s’il plaît à Dieu. Je subirai la mort demain, après midi.

« Je meurs innocent pour la foi, pour et par mes paroissiens, à qui je pardonne de tout cœur. Je meurs pour notre sainte religion catholique, apostolique et romaine, à laquelle j’ai toujours été attaché, et hors de laquelle il n’y a point de salut à attendre.

« Je meurs plein d’espérance en Dieu et en ses divines miséricordes. Je regarde le jour de demain, qui sera un vendredi, comme le plus beau jour de ma vie, car j’espère qu’il m’ouvrira les portes du ciel...

« Je me mets et vous mets sous la protection de la très sainte Vierge, notre patronne.

«  Adieu, je vous embrasse : vous n’avez personne qui vous soit plus sincèrement attaché que moi. Que Dieu vous préserve de tout péché, de tout malheur, de tout fâcheux accident.

« Adieu, encore une fois; je ne dis pas tout ce qu’il faudrait dire : devinez.

«  Tout à vous, ma chère nièce.

« Herbert, curé de Mailé,

 « prisonnier de Jésus-Christ. »

« Je salue tous mes paroissiens; j’ai fait pour eux l’office de bon pasteur : je donne ma vie pour mes brebis, heureux si elle peut leur être fructueuse.

« Je salue principalement ceux et celles qui ont été fidèles â l’Eglise, notre sainte Mère, et tremble pour ceux qui sont sortis de son sein. Qu’ils y retournent au plus tôt.

 « C’est jeudi que je dois mourir, c’est-à-dire tout à l’heure. »

 

Cette lettre, d’une simplicité si touchante, nous fait respirer le parfum qui s’exhale de tous les Actes des Martyrs, et nous pouvons la ranger parmi les monuments les plus précieux de notre martyrologe vendéen.

 La main du prisonnier de Jésus-Christ en avait à peine tracé les derniers mots que le citoyen Héraud, exécuteur des sentences criminelles, se transportait, sur les cinq heures du soir, à la maison d'arrêt, s'emparait du condamné, et, sous la garde et surveillance d'un détachement de cavalerie, le conduisait sur la place publique, où la guillotine était dressée.

Là, l'huissier du tribunal, Pierre Picturit, donne lecture à Joseph Herbert du jugement qui le condamne à mort, le bourreau fait monter sur l'échafaud la victime et l'exécute aussitôt.

Quand la tête est séparée du corps, il met le tout dans un cercueil, qui est enlevé par les infirmiers de l'hôpital (4).

A Maillé, c’est une tradition constante parmi les vieillards qu’une dame de La Rochelle recueillit quelques gouttes du sang de M. Herbert. On dit aussi (mais il faudrait des preuves décisives pour affirmer ce miracle) que le sang s’est conservé liquide dans la fiole de cristal qui le contenait.

Ce qui est absolument certain, c’est que la paroisse de Notre-Dame de Maillé a toujours vénéré M. Joseph Herbert comme un vrai martyr de la foi et qu’elle a constamment attribué à une particulière protection de son glorieux pasteur l’esprit chrétien qui la distingue, depuis 1793, parmi les populations de cette partie du Bas-Poitou (5).

 

Le Clergé vendéen victime de la Révolution française, notices biographiques, 1790-1801 , par l'abbé A. Baraud,

 

 

 

 

 

 

Maillé, l’Histoire du Marais Poitevin au fil de l’eau<==

MAILLEZAIS PENDANT LA RÉVOLUTION  <==

Devant ses collègues de la Convention, Lequinio livre le rapport de sa mission et des colonnes infernales en Vendée  <==

 


 

(1) Mgr de Crussol d’Uzès gouverna le diocèse de La Rochelle pendant vingt ans, de 1708 à 1789. Son amour pour la discipline était exemplaire.

(2) La Baillette était un morceau de marais d’environ deux hectares.

 (3) Sorte d’osier.

(4) Ce récit de la mort de M. Herbert est extrait textuellement du procès-verbal qui constate l’exécution du condamné.

(5) Cette notice est prise presque complètement dans le Martyre de la Vendée, de M. le chanoine Prunier.

 

Publicité
Commentaires
PHystorique- Les Portes du Temps
Publicité
Publicité