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PHystorique- Les Portes du Temps
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18 août 2023

La Langue Française à Nantes en 1270 entre le duc Jean Ier et l'abbesse Jeanne 1er de Dreux de Fontevraud.

La Langue Française à Nantes en 1270 entre le duc Jean Ier et l'abbesse Jeanne 1er de Dreux de Fontevraud

La Langue Française à Nantes en 1270 entre le duc Jean Ier et l'abbesse Jeanne 1er de Dreux de Fontevraud.

Un des collaborateurs de la Revue des provinces de l'Ouest : Bretagne et Poitou : histoire, littérature, sciences et arts a fait ressortir le caractère mi-parti français et breton des habitants du comté Nantais et les renseignements historiques consignés dans son article (1) empruntent un intérêt tout particulier au charme du style.

De semblables travaux n'excluent pas la publication des documents qui s'y rapportent; ils sont au contraire de nature à la provoquer et à la justifier, parce que plus les faits généraux paraissent évidents, plus on aime à les voir confirmer par la mise en relief des principaux détails.

Les deux pièces qui suivent concourent à prouver l'influence de la domination française sur le territoire formant le comté de Nantes, par l'emploi de la langue nationale proprement dite dans les actes officiels du duc de Bretagne et de ses lieutenants.

Nos chartes sont d'ailleurs curieuses par les renseignements qu'elles fournissent, à l'occasion d'un échange passé entre le duc Jean Ier et l'abbesse de Fontevraud.

Le monastère fondé par Robert d'Arbrissel possédait à Nantes même, au bord de la Loire, et dans la paroisse de Sainte-Croix, mais dans un quartier où les constructions étaient alors peu nombreuses, des maisons, magasins et terrains affectés au dépôt des denrées maritimes nécessaires aux religieuses, ou formant le principal produit des domaines qu'elles possédaient sur les côtes de l'Océan.

Ces denrées y restaient jusqu'au jour où les grands bateaux de la Loire, nommés déjà chalans, venaient les prendre pour les transporter à peu de distance de l'abbaye, c'est-à-dire au port de Rest ou de Montsoreau.

La donation en vertu de laquelle Fontevraud possédait ces terrains remontait au commencement du douzième siècle.

Leur appropriation avait été facilitée par la munificence du prince, et leur communication avec tout ce qui les entourait assurée par la concession de droits de passage.

L'un d'eux fut supprimé au mois de mai de l'an 1270, sans préjudice apparent pour l'abbaye, plutôt même à son profit.

Entre ses maisons du Bouffay et les terrains des religieuses, le duc de Bretagne possédait un verger dans lequel il venait faire de fréquentes promenades.

Soit qu'il voulût préserver les fruits de ses arbres des dévastations résultant d'un passage à peu près public, soit afin d'agrandir son verger de tout le sol qui servait de voie aux agents de l'abbaye et à leurs serviteurs, le duc obtint qu'il lui fût abandonné.

 Fontevraud reçut en échange trois terrains d'une étendue an moins égale à celle de la voie supprimée.

Leur situation ne saurait être déterminée aujourd'hui, parce que les confrontations sont indiquées par les noms des propriétaires voisins, morts depuis plus de 500 ans.

 Nous ne pouvons même préciser en quel lieu étaient placées les maisons des religieuses et leurs dépendances.

 On voit seulement qu'elles aboutissaient à la rue dont la dénomination actuelle rappelle encore le Brient Maillard de nos chartes, le plus ancien propriétaire connu, peut-être même le créateur, du port existant entre le château et le Bouffay.

Les terrains cédés par le duc à l'abbesse paraissent avoir été achetés par lui à diverses personnes, entre autres à Macé ou Mathieu Maillard, fils ou petit-fils de Brient; mais en les lui vendant, et en sus du prix qu'il leur paya, ils se réservèrent conjointement un cens annuel de 20 sous, qui vaudraient aujourd'hui plus de 100 francs.

 Ce cens fut laissé à la charge de l'abbesse de Fontevraud.

Devenues propriétaires, les religieuses purent disposer des terrains selon leur bon plaisir, même y élever des maisons, les affermer ou les arrenter à des bourgeois de Nantes; mais sans que l'habitation de ceux-ci dans le fief des religieuses pût priver le duc de son droit d'estage, consistant à les contraindre, comme tous les autres bourgeois de la ville, à venir faire au château le guet et la garde toutes les fois qu'ils en seraient légalement requis.

En regard de la lettre du susdit échange, nous imprimons celle de Rialan du Temple, sénéchal de Nantes et de la Mée (2), qui constate la délivrance réciproque des terrains.

Elle reproduit, presque mot pour mot, la charte du duc de Bretagne; mais comme le même mot est souvent écrit avec une orthographe différente, la comparaison des deux textes est intéressante pour l'étude du vieux langage français, déjà aussi clair et aussi pur, en 1270, dans le comté de Nantes que dans l'Ile de France, la Champagne, l'Orléanais et la Touraine.

Les deux chartes originales appartiennent aux archives du département de Maine-et-Loire.

Elles sont classées dans le chartrier de Fontevraud, parmi les titres des Iles de Vers, liasse 1er, n° 15.

 

 

 

CHARTE DU DUC DE BRETAGNE.

 

Jahan duc de Bretangne, a toz ceus

 qui cestes presentes lettres verront e

orront, saluz en nostre seingnor.

 

 

 Sachent toz que nous avons baillé e otroié a

religiose dame a Johane de

Brene, abbeesse de Fronte Vaus en celui

 tems, e au covent de celui leu, par

nom d'eschange, une place que Mathé

Maillait avoet, assise delez les meisons

 a la dite abbeesse e au dit convent ;

 e une place que Guillaume Godart

 avoit, asisse de lez celes meisons;

e une place que Guillaume Herlouin

avoit, asisse de lez la place au dit

 Guillaume Godart, en la parroeusse

 Seinte Croix de Kanntes par devers la

rue par ou l'en voeit au port que l'en

apele le Port Brient Maillart, a avoir, a

tenir, a porsoir e a espleteir a la dite

abbeesse e au dist covent e a lor successors

e a lor commandement, a toz

jorz mes, en pez e en repous, ou pont

e en la manere que il tenoent les

autres meisons davent dites;

 

CHARTE DU SÉNÉCHAL DE NANTES.

 

A touz ceus qui cestes presentes

letres verront ou orront, Riallen dou

Temple, seneschan de Nantes e de la

Mée en celui tens, saluz en nostre seingnor.

 

Sachent touz que nous avons baillé

e otroié, ou non mon seingnor

Jahan, duc de Bretaingne,

e de son commandement,

a relegiose dame a Johane de Brene,

abbaesse de Frontevauxen

celui tens, e au covent de celui leu,

par non d'eschange, une place que

Macé Maillart avoit, asise delez les

mesons a la dite abbaesse e au dit covent;

e une place que Guillaume Godart

avoit, asise delez celes mesons;

e une place que Guillaume Herloin

avoit, asise delez la place au dit

 Guillaume Godart, en la parroisse

Seinte Croiz de Nantes,

par devers la rue par on l'en vait

au port que l'en apele le Port Brient Maillart

a avoir a tenir a porseoir e a esploiter

a la dite abbaesse e au dit covent

e a lor successors ou a lor commandement,

a touz jors niés, en pés e en repos,

e a totes lor volentez en fere;

 

Por la voie que cele abbaesse e celui

le dit covent soleient avoir e avoir devoient,

si comme il disoent, ès davant

dites meisons, devers le verger de noz

meisons du Boffei de Nantes; la quele

voie nos remeint a nous e a nos heirs a

toz jors més, por l'eschange desus dite.

En tele manere que la dite abbeesse

c le dit convent e lors successors sunt

tenuz e seront dès bores més rendre

des davant dites places par chacun au

davant dit Macé Maillart, e Guillaume Godart,

e Guillaume Herlouin desus nomez,

e a lor heirs ou a lor comandement en Nantes,

 vint souz de cens tant solement, en

la vigile de la Nativite seint Jahan Baptiste;

 en tele manere que si il avoenoet que estagers

 

meinsissent en celes places, que il obeiroent,

por nous e por nos heirs, ausi

come noz autres borgeis de Nantes.

 

 

E sûmes tenuz les dites places guarantir

e deffendre a la davant dite

abbaesse e au dist covent e a lors successors

 contre totes genz, segon l'usage du païs,

en rendant les vint souz de cens au terme devisé,

si comme il est dit par davant.

 

E en tesmoign de ceste chose,

 nos donames a la dite abbeesse

e au dit convent cestes lettres,

soeyelées de nostre seiel.

 

Ce fut doné ou meis de may,

en l'an de grayce mil e dous cenz e sexante e diz.

 

Por la voie que la dite abbeesse e celui

covent soloient avoir e avoir devoient,

si comeil disoient, a aler as davant dites

mesons par devers le vergier audit

duc dou Boffei de Nantes;

 la quele voie remaint au dit duc e a ses heirs

 a touz jors més, por l'eschange desus dit.

 

En tele maniere que la dite abbeesse

e le dit covent e lor successors sont tenuz

e seront dès ores més rendre des davant dites places,

par chescun an, au davant dit Macé Maillart

e a Guillaume Godart e a Guillaume Herloin

desus nomez, e a lor hers ou a

lor comandement en Nantes,

 vint souz de cens tant solement, en la

vigile de la Nativité seint Johan Baptiste;

en tele maniere que si il avenoit

que estagiers mainsissent en celes places,

 que il obeiroient, por le dit duc e por ses heirs,

 ausi come ses autres borgeis de Nantes.

 

E est tenuz le dit duc les dites places garantir

 e defendre a la davant dite abbeesse e au dit covent

 e a lor successors contre totes genz, segon l'usage dou païs,

en rendant les vint souz de cens au terme devisé,

 si come il est dit par davant.

 

E en tesmoing de ceste chose,

nos donames a la dite

abbaesse e au dit covent cestes letres,

 seellées de nostre seau.

 

Ce fut fet ou mois de mai, l'an de

grace mil doucenz sessante e diz.

 

 

 

 

 

 

 

 

P. Marchegay.

 

 

 

Les vestiges des fortifications du vieux Nantes mis au jour lors des fouilles menées par le chanoine Durville <==

Liste des abbesses de l'abbaye de Fontevraud <==

 

 


 

(1)   Revue des provinces de l'Ouest, 5e année, 1857-58 p. 129.

 (2). Subdivision du comté Nantais, dont le chef-lieu était Gérande.

 

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