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PHystorique- Les Portes du Temps
17 octobre 2022

La Terreur dans le Saumurois – Les prisonniers de la Guerre de Vendée de la Tour Grénetière de Saumur

La Terreur dans le Saumurois – Les prisonniers de la Guerre de Vendée de la Tour Grénetière de Saumur

Le 5 octobre 1794, la Société populaire d'Angers, qui s'intitulait Société des défenseurs des Droits de l'Homme, adressa la circulaire suivante aux autorités constituées du département de Maine-et-Loire :

 « Plus nos maux sont grands, plus il importe de faire connaître à la Convention nationale ceux qui en sont les auteurs Jusqu'à ce jour des traîtres ont violé la loi, les personnes et les propriétés.

Des incarcérations, des fusillades, des noyades ont eu lieu arbitrairement. Peut-être même ces scènes d'horreur se sont-elles passées non loin de vous. Nous vous invitons donc à nous faire part, dans le plus bref délai, des renseignements que vous pouvez avoir, tant sur ceux qui nous ont trahis dans la guerre de la Vendée et des Chouans que sur le nombre des personnes fusillées ou noyées, sans avoir été jugées. Vous voudrez bien aussi nous faire savoir par qui ces ordres ont été donnés, et nous désigner les lieux et les époques où ils ont été mis à exécution. Votre patriotisme et votre amour pour le bien public nous sont trop connus, pour ne pas être persuadés d'avance de votre empressement à répondre à nos vœux. »

Sitôt qu'ils eurent reçu communication de cette circulaire, le comité révolutionnaire de Saumur et la municipalité de cette ville procédèrent, chacun de leur côté, à une enquête sérieuse sur les faits et gestes des terroristes dans le pays saumurois.

Depuis le 22 octobre jusqu'au 14 décembre 1794, les deux administrations firent comparaître un certain nombre de témoins oculaires, dont nous allons reproduire les dépositions. Afin d'être plus complet, nous avons réuni les deux enquêtes en une seule (1).

 

Cambriolage de la chapelle de La Providence de Saumur.

Déposition de la sœur Marguerite-Françoise Burgevin demeurant à l'hospice de La Providence de Saumur, âgée de 36 ans :

« Le 20 novembre 1793, Lepetit, membre du comité révolutionnaire de Saumur, se présenta à la maison de La Providence, accompagné d'une garde armée de piques. En entrant, il demanda les clefs de l'église et du tabernacle, qu'il exigea de force en proférant des jurements et autres propos déplacés. S'étant fait remettre ces clefs, il enleva du tabernacle un ciboire, un soleil et une custode, le tout en argent, quatre chandeliers de cuivre, et une lampe aussi de cuivre. Je lui dis alors qu'il n'avait pas le droit d'enlever ces effets avant d'exhiber ses pouvoirs. Il me répondit que nous étions des aristocrates et que comme tout était révolutionnaire, il avait le droit de le faire. Un de son escorte enleva du linge en rideaux de croisées et autres, mais je parvins en les lui arrachant des mains à le lui faire laisser, et ils se retirèrent. Lorsque Lepetit s'empara du soleil, il prit le pain qu'il contenait, le jeta à mes pieds en proférant des jurements contre moi et me tenant mille mauvais propos (2). »

 

Témoignages de la Terreur pendant la Révolution Française dans le Saumurois

La Terreur en Maine-et-Loire ; Prisonniers de Saumur transférés à Bourges (2-17 décembre 1793)

Né à Paris le 1er mai 1750, Pierre-Philippe Le Mercier de la Rivière était chanoine de Candes (Indre-et-Loire) au moment de la Révolution. Pour échapper à la persécution, il obtint un passeport de la municipalité de Candes, le 30 juillet 1792, et alla se cacher dans une maison qu'il possédait à Dampierre.

Mais bientôt il est obligé de se réfugier à Saumur, où le 27 août il prête le serment de Liberté et d'Egalité.

Pendant les quatre derniers mois de 1792, nous le trouvons à Tours, et au début de 1793 on lui permet de rentrer à Dampierre.

Par ordre du Comité révolutionnaire de Saumur, il est arrêté le 30 novembre 1793 dans sa maison, en même temps que quatre autres personnes suspectes : M. Reneaume, curé de Dampierre, Mme de Morains, âgée de 85 ans, Mme Jacob de Tigné, sa fille, et Mme Pitatouin de la Coste, sa petite-fille. (Anjou historique, X, 274.)

Avec les détenus des diverses prisons de Saumur, M. Le Mercier de la Rivière est obligé de partir le soir du 2 décembre 1793 pour être transféré à Orléans, puis à Bourges, où il arrive le 17 décembre.

Revenu à Dampierre après la Terreur, il habita cette commune jusqu'à sa mort, arrivée le 31 octobre 1816. Depuis le 2 février 1813, il était curé de la paroisse.

A la date du 27 mars 1795, M. Lemercier de la Rivière fit aux officiers municipaux de Dampierre une intéressante déclaration, aujourd'hui conservée aux Archives départementales de Loir-et-Cher (série L supplément) et que nous allons reproduire :

Il y avait un an et demi que je résidais à Dampierre lorsque (le 30 novembre 1793) un nommé Simon, membre du comité révolutionnaire de Saumur, accompagné de deux hussards, est venu me notifier l'ordre de me rendre sur-le-champ audit comité. Il demanda à voir tous mes papiers; je les lui présentai tous sans en celer aucun ; il en fit un paquet cacheté de son cachet et le fit porter au comité révolutionnaire, m'assurant qu'il ne serait décacheté qu'en ma présence.

Cependant il a été inventorié à Saumur pendant ma résidence à Bourges, lieu où nous avons été transférés. Ils n'ont trouvé aucun papier qui pût me rendre suspect, car s'ils en eussent trouvé, ils n'auraient pas manqué de les faire valoir.

La veille de mon arrestation, j'avais fait présenter au comité révolutionnaire un certificat de civisme, visé et approuvé du département et du district. Il l'a gardé sans vouloir me le rendre.

Je ne peux donc dire quels sont les motifs de mon arrestation, puisque je n'étais pas fonctionnaire publie et que j'avais un certificat de civisme.

Cette arrestation était d'autant plus arbitraire et sans fondement que lorsque la loi du 17 thermidor (4 août 1794) força les comités révolutionnaires de donner aux détenus les motifs de leur arrestation, ce qu'ils avaient refusé jusqu'alors, Lepetit, membre de ce comité de Saumur et dont je détaillerai la conduite plus bas, courut dans les différentes communes des détenus pour quêter des charges contre eux.

Il fut notamment à Candes, où j'avais résidé, et dont j'étais absent depuis deux ans. Là il fut servi à souhait : il trouva de faux dénonciateurs qui me chargèrent de plusieurs faits inciviques, dont j'ai prouvé évidemment la calomnie au représentant Cherrier en mission dans le département du Cher.

De là, il s'est transporté devant la municipalité de Dampierre pour prendre de nouvelles informations; mais ce corps juste et humain m'a rendu le témoignage que ma conduite paisible et patriotique me donnait lieu d'attendre.

Nous sommes partis cinq de la commune de Dampierre pour aller en arrestation, la citoyenne La Coste, sa mère et grande mère âgée de 85 ans, le ci-devant curé de cette paroisse et moi.

Je ne peux; m'empêcher de dire ici un mot de mes compagnons d'infortune. Ces trois citoyennes n'avaient d'autre crime que d'être parentes d'émigrés, paisibles, charitables, n'existant que par leurs bienfaits et dans toutes occasions ayant donné des preuves de leur patriotisme.

Leur commune leur avait rendu justice et leur avait délivré un certificat de civisme, qui était également au comité révolutionnaire. A l'égard du ci- devant curé, cet homme avait toujours donné des preuves non suspectes de son civisme.

L'âme et le conseil de sa municipalité, il avait toujours prêché la soumission aux lois, expliqué les décrets, et lorsqu'il a été mis en arrestation, il n'y avait pas huit jours qu'il avait donné à un général de l'armée républicaine deux cartes de Cassini pour l'instruire de toutes les routes dans le département de la Vendée.

La récompense de son amour pour sa patrie a été d'être fusillé à Blois, à l'âge de 70 ans, après avoir été plus de quarante ans pasteur dans ladite paroisse. Il avait mérité l'estime générale par ses vertus morales et civiques.

Arrivés à Saumur, après avoir attendu trois heures dans l'antichambre du comité révolutionnaire, sans voir aucun membre de ce comité ni être interrogés, nous avons été conduits à la maison d'arrêt de cette ville, où pendant deux jours je n'ai eu pour lit qu'une chaise.

Au bout de deux jours, on est venu le soir à sept heures nous signifier que sous deux heures nous partions pour 'Orléans.

Ici commencent les horreurs de Lepetit.

A neuf heures du soir, le 12 frimaire (2 décembre), Lepetit est arrivé à la maison d'arrêt, sabre nu, à la tête de cent et quelques volontaires. Il monta l'escalier de la maison, où trouvant cette femme respectable de 85 ans dont j'ai parlé plus haut, il la poussa avec tant de violence en l'apostrophant de B... qu'il la précipitait au bas de l'escalier, si je ne l'avais retenue.

On nous fit monter en petite partie en charrette ; le plus grand nombre, tant hommes que femmes, filles, garçons et enfants depuis l'âge de treize ans, marchaient à pied devant les charrettes, liés deux à deux. Ce convoi pouvait être d'environ huit cents personnes, je ne suis pas sûr du nombre. Nous étions éclairés par une centaine de torches. Tous ceux qui par maladie, fatigue ou infirmité ne pouvaient marcher, étaient fusillés sur-le-champ ou massacrés à coups de pique. Un petit enfant de treize ans reçut plusieurs coups de pique parce qu'il n'allait pas assez vite, et est mort à Orléans de ses blessures.

Depuis Saumur jusqu'à Chinon, il y en a eu 16 ou 18 de fusillés.

Arrivés à Chinon le lendemain matin, Lepetit en fit fusiller trois cents et quelques sous prétexte, dit-il, d'une révolte que les prisonniers avaient voulu faire dans la nuit. C'est ici qu'il faut dévoiler toute la noirceur et la cruauté de ce tigre altéré de sang.

 Il est faux que la partie du convoi qui coucha dans l'église ci-devant Saint-Mexme à Chinon, ait voulu se révolter dans la nuit.

Ces malheureux, pour la plupart moitié morts de froid, de maladie et de misère, étaient hors d'état de faire la moindre révolte quand ils en auraient eu le dessein. On n'entendait dans ce lien d'horreur que les plaintes des mourants. Comme cette nuit il faisait très grand froid, ces infortunés firent du feu avec la paille qu'on leur donna. Aussitôt, Lepetit crie que les prisonniers veulent se révolter et mettre le feu, et le lendemain (4 décembre) il en fait fusiller trois cents et quelques.

Personne n'est plus dans le cas de rendre compte de cette affreuse nuit que le citoyen Saint-Martin, district et commune de Bellac : il était du nombre de ces prisonniers.

Depuis Chinon jusqu'à Beaugency, on nous suivait au sang ; tous les endroits où nous arrêtions étaient marqués par quelques assassinats. Lepetit avait soin d'aller en avant et nous annonçait comme des brigands de la Vendée, de sorte que dans toutes les villes nous étions agonisés de sottises et nous avons manqué d'être massacrés à Tours, Amboise, Blois et Orléans.

A un quart de lieue de Blois, Lepetit ordonna aux prêtres de descendre de voiture et d'aller en avant en criant : A bas les prêtres !

 Je ne descendis point néanmoins de voiture. Arrivés à l'auberge de Blois, j'étais entré dans la chambre des citoyennes avec lesquelles j'étais en voiture.

Lepetit vint m'en arracher par le collet, sabre nu, et me fit conduire dans une écurie où étaient les autres prêtres. La nuit se passa sans événement. Le lendemain matin, on annonce qu'on dispose les voitures pour le départ, je sors de l'écurie pour aller rejoindre mes compagnons de voyage. Je suis rencontré dans l'escalier par Lepetit, qui jurant et sacrant après moi me fait reconduire dans l'écurie par des volontaires, qui en me reconduisant se disputaient déjà mes dépouilles.

Au bruit que fit Lepetit dans l'escalier, la citoyenne L'a Coste sortit et représenta à Lepetit que j'étais d'une complexion trop faible pour aller à pied et qu'il me permît de monter en voiture. Il résista longtemps, et maltraita en paroles ladite citoyenne. Elle fut secondée dans ses sollicitations par la citoyenne Billon, autre compagne de voyage.

Alors Lepetit se laissa fléchir et me permit de monter en voiture. Un volontaire humain (car il y en avait plusieurs de ce nombre, je dois le dire pour l'honneur de l'humanité), vint me chercher pour me faire partir et me tirer du nombre de ses victimes, qui quatre minutes après furent fusillées au nombre de sept à huit (9 décembre).

Je ne finirais pas si je détaillais toutes les horreurs de ce voyage de huit cents et quelques individus qui composaient le convoi.

Nous ne sommes arrivés à Orléans qu'environ 170, dont 40 ont resté malade à Orléans, et nous ne sommes arrivés à Bourges que 130, après dix-neuf jours de marche.

Mme Pitatouin de la Coste, née Jacob de Tigné, qui habitait Chacé, fit à la même époque une déclaration identique :

« J'ai été arrêtée avec ma mère et ma grand'mère âgée de 85 anar, par ordre du Comité révolutionnaire de Saumur, quoique noua eussions fourni à ce comité un certificat de civisme. Nous sommes restées deux jours à Saumur.

 Ensuite nous avons été transférées à Orléans, enfin d'Orléans à Bourges, où j'ai eu le malheur de perdre mes deux mères, qui n'ont pu résister aux peines et aux fatigues du voyage.

Tout le long de la route depuis Saumur jusqu'à Beaugency, Lepetit a fait fusiller nombre de personnes, et notamment à Chinon où il y en a eu plus de 300, et à Blois où il a fait fusiller les prêtres.

 Lepetit allait en avant annoncer les détenus comme des brigands de la Vendée, ce qui nous a exposé à toutes les insultes du peuple et a mis souvent notre vie en danger. Il les a fait coucher dans des écuries et des halles et boucheries, sur la paille. Enfin il a montré dans toutes ces actions et exercé sur les détenus une barbarie et une inhumanité qu'on n'exercerait que vis-à-vis de coupables convaincus. » (Archives de Loir-et-Cher, série L supplément.)

 

 

 

Les prisonniers saumurois transférés à Bourges.

On sait que l'armée catholique et royale de la Vendée, au retour de sa malheureuse expédition d'Outre-Loire, vint mettre le siège devant Angers les 3 et 4 décembre 1793.

 Les Vendéens auraient pu attaquer Saumur au lieu d'Angers. C'est ce que craignaient les autorités saumuroises (3).

Le 3 décembre, le Comité révolutionnaire de Saumur prend un arrêté, inspiré par le représentant du peuple Levasseur (4), ordonnant que :

 « tous les brigands et les gens suspects qui se trouvent à présent à Saumur, seront à l'instant traduits à Orléans par la force publique ».

Les prisonniers, au nombre de 600 environ, étaient partis dès le 2 décembre à 9 heures du soir, sous la conduite de Lepetit, membre du Comité révolutionnaire.

 Ils passèrent successivement à Montsoreau, à Chinon, où eut lieu un grand massacre, à Azay-le-Rideau, à Tours, à Amboise, à Blois, à Beaugency, il Orléans et à Bourges, où ils arrivèrent le 17 décembre.

L'un de ces prisonniers, Pierre-Philippe Le Mercier de la Rivière, chanoine de Candes (Indre-et-Loire), a écrit une relation des souffrances qu'ils endurèrent depuis Saumur jusqu'à Bourges, l’Anjou historique (X, 281) a reproduit cet intéressant récit.

Nous allons donner d'autres témoignages également véridiques. Ils proviennent de témoins oculaires. Voici les déclarations qu'ils tirent vers la fin de l'année 1794 à la municipalité et au Comité révolutionnaire de Saumur.

Noël Lefer, vétéran, domicilié à Cunault, fit la déposition suivante :

«  Je partis avec 600 autres détenus. Nous sortîmes des maisons d'arrêt de Saumur, conduits par une escorte commandée par Simon, et sous les ordres de Lepetit, membre du Comité révolutionnaire de Saumur.

Nous partîmes de Saumur à 8 heures du soir.

 Dans la route de Saumura Chinon, il se trouva cinq ou six hommes hors d'état de marcher à diverses distances les uns des autres: ils ont été fusillés par les volontaires de l'escorte. J'ai entendu dire à Simon et à Lepetit : Il n'y a qu'à les fusiller!

Arrivés à Chinon, on nous déposa dans une église sur les 11 heures du matin.

Sur les 3 heures après midi, Lepetit et Simon entrèrent dans l'église, firent un tri des détenus et les firent passer dans le chœur; les autres, formant la moitié du convoi environ, restèrent dans la nef. Nous passâmes ainsi le reste du jour et la nuit, séparés les uns des autres.

Le lendemain matin, ils vinrent prendre ceux qui étaient dans le chœur et les firent conduire sur la place par des hommes armés de piques.

Quant aux autres, je ne ne les ai pas revus, mais j'ai bien entendu tirer des coups de fusil. Les volontaires armes de fusils qui étaient restés, ayant rejoint notre escorte, nous dirent qu'ils avaient fusillé les détenus restés, par quatorze et seize hommes. Ils rapportèrent des portefeuilles, disant qu'il n'en avait échappé que trois, qui s'étaient jetés dans les bras de Simon : l'un s'appelait Girault, du May-sur- Evre ; je ne connais pas le nom des deux autres, si ce n'est qu'un d'eux était âgé de 11 ans, dont le père fut fusillé.

Les volontaires ne nous rejoignirent que le soir du départ de Chinon.

 — En arrivant à Tours, sur le soir, un détenu s'étant écarté de cinquante pas fut fusillé.

Arrivés à Amboise, prêts à passer la Loire dans les barques, Lepetit dit à Simon :

Tu sais ce que tu as à faire. Simon lui répondit : Oui. A l'instant il commanda les volontaires et fit fusiller le curé de Chênehutte.

En passant dans la barque, un Allemand détenu se pencha sur le bord du bateau; un des volontaires lui fit faire la culbute dans l'eau; un autre détenu voulant le retirer fut jeté également à l'eau et on tira sur eux quatre coups de fusil, un officier les sabrait pour les empêcher d'entrer dans la barque.

— En passant à Blois, le jour du départ au matin, Lepetit et Simon (5) firent sortir de l'écurie où ils les avaient déposés, le curé de Saumur, quatre autres prêtres et trois autres citoyens dont je ne sais pas les noms. Ils les firent conduire sur le bord de la Loire, où ils furent fusillés, après qu'on leur eût fait ôter leurs effets et bijoux par un officier du détachement.

— Le reste de la route, je ne me suis aperçu que de mauvais traitements exercés contre différents individus du convoi. »

Déposition de Marie Biliaire, couturière à Saumur, âgée de 26 ans :

« Le jour de ma translation de la maison d'arrêt de Saumur avec un grand nombre d'autres prisonniers, je descendis d'une charrette auprès de la maison de Notre-Dame des Ardilliers. Je continuai la route à pied.

Au côteau de Moncennière, je vis un soldat tuer un des prisonniers à coups de sabre.

De Montsoreau à Chinon, j'en ai vu tuer plusieurs parce qu'ils ne pouvaient suivre la marche. Si les prisonniers demandaient par quel ordre on les fusillait, les volontaires formant l'escorte répondaient que c'était par ordre de Lepetit.

En partant de Chinon, voyant que le convoi était beaucoup diminué, nous demandâmes aux volontaires ce qu'étaient devenus tous les hommes qui faisaient partie du convoi de la veille. Les volontaires nous répondirent qu'ils avaient été fusillés.

A Tours, j'ai vu fusiller un homme devant mon auberge, sans savoir pourquoi.

A Amboise, en passant la barque, je vis jeter à l'eau un ci-devant curé, dont je ne me rappelle pas le nom ; comme il cherchait à se raccrocher à la barque, un officier du détachement lui donna plusieurs coups de pommeau de sabre sur' la tête, ce qui le fit périr.

Nous couchâmes à Blois; à l'instant du départ et étant dans les voitures, nous entendîmes une fusillade : on nous dit qu'on venait de tuer les prêtres et nous ne tardâmes pas à voir les hardes de ces prêtres au bout des piques des volontaires, qui disaient n’agir que par 1’ordre de Lepetit.

A Beaugency, un officier voyant les transes où nous étions, mes compagnes et moi, nous dit :

Soyez tranquilles, il n'y a plus à fusiller personne !

 Les volontaires se partageaient les dépouilles de ceux qu'ils fusillaient. Un officier réclama une malle sur laquelle j’étais assise, pour être celle du ci devant curé de Saint-Pierre de Saumur; à Beaugency, je ne sais ce que devint cette malle. »

 

Déposition de Françoise Pirault, de Saumur. âgée de 25 ans :

« Lorsque Lepetit et autres nous avertirent de nous préparer à partir pour être transférés, ils nous dirent de prendre ce que nous avions de plus chaud. Je dis à Lepetit qu'il faudrait envoyer chercher à nos domiciles des vêtements d'hiver. Lepetit m'imposa silence en me menaçant de me faire fusiller ; mes compagnons et mes compagnes de détention durent ne rien dire dans la crainte d'être fusillés.

De Saumur à une demi-lieue de Montsoreau, j'ai vu tuer à coups de sabre un prisonnier qui ne pouvait pas marcher.

A Chinon, on mit une partie des prisonniers dans une église et l'autre au couvent des Ursulines ; le lendemain matin, on nous réunit sur la place, où nous restâmes pendant deux heures. Inquiètes du motif qui nous empêchait de partir, on nous dit qu'on avait fait un choix parmi les prisonniers, et qu'on en avait emmené 240 dans la prairie de Chinon pour être fusillés; les volontaires qui avaient été à cette expédition, emportèrent les dépouilles des malheureux fusillés et les vendirent en route. Ces volontaires disaient les avoir fusillés par l'ordre de Lepetit.

A Amboise, on nous fit passer la Loire, et j'ai vu plusieurs personnes qu'on jeta à l'eau et sur lesquelles on tira des coups de fusil. En débarquant, la femme Loiseleur en démence et âgée de 86 ans, ne pouvant se soutenir, tomba; Lepetit donna ordre de la fusiller; la nièce de cette femme se jeta sur le corps de sa tante, en disant qu'il fallait les tuer toutes les deux ; plusieurs volontaires les relevèrent et les aidèrent à remonter le port.

Un officier dit à plusieurs prisonniers :

Soyez tranquilles, toutes les personnes qui étaient à la maison d'arrêt de la Tour seront fusillées d'ici Orléans !

 — A Blois, je demandai à Lepetit à être mise, ainsi que plusieurs autres, dans un lieu plus sain que l'écurie où nous étions déposés. Lepetit me demanda qui j'étais.

Je lui répondis que j'étais chez Vallois. Il me prit par le bras et appela deux volontaires pour me faire fusiller. Des personnes qui se trouvaient là, lui demandèrent pourquoi. Il répondit que je demeurais chez un brigand. Les autres lui dirent que ce n'était pas un motif pour me donner la mort. Il me laissa retourner avec les autres.

Le lendemain, réunis sur la place dans nos voitures, on nous dit qu'on avait extrait du nombre des prisonniers Martin, ci-devant curé de Saint-Pierre de Saumur, Bouju, ci-devant religieux prêtre de Fontevrault, le ci-devant prieur-curé de Dampierre, un prêtre de l'Oratoire, un autre prêtre que je ne connaissais point, et trois autres personnes à moi inconnues, qui tous furent conduits sur le port, où on les fusilla au nombre de huit.

 Les volontaires revenant de cette expédition portaient, au bout de leurs fusils et de leurs piques, les vêtements de ces malheureux fusillés. »

 

Déposition de Pierre Ory, de Marigné-sous-Daon, âgé de 35 ans :

« Lorsqu'on nous avertit de nous préparer à partir pour être transférés, je fus conduit par Lepetit avec 6 ou 700 autres jusqu'à Orléans.

J'ai vu fusiller deux ou trois prisonniers qui ne pouvaient marcher, par ordre de Lepetit, dans le chemin de Saumur à Montsoreau.

Le lendemain, nous fûmes conduits à Chinon ; dans cette route, ils en fusillèrent une douzaine depuis Montsoreau jusqu'à Chinon.

Dans cette ville, nous fûmes conduits partie dans une église et l'autre partie dans celle des Ursulines. Le lendemain matin, Lepetit en fit fusiller beaucoup, sans savoir le nombre.

 De Chinon, on nous conduisit à Azay-le-Rideau, d'Azay à Tours avec grande menace à chaque instant d'être fusillés et tués à coups de sabre (6).

De là nous fûmes conduits à Blois, et on nous mit dans une écurie. Le lendemain, avant notre départ de Blois.

Lepetit fit fusiller le ci-devant curé de Saint-Pierre de Saumur avec quatre autres prêtres. Je vis un volontaire qui portait au bout de son fusil l'habit d'un des cinq ; les habits des autres furent mis dans la charrette où j'étais.

De là nous fûmes conduits à Beaugency, et à notre arrivée, Lepetit en fit encore fusiller deux. Nous n'étions plus qu'au nombre d'environ 200 de reste (7), et à chaque instant nous étions menacés d'être fusillés par Lepetit qui nous traitait de sacrés gueux. »

 

Déposition de Françoise Cotelle, de Dampierre, âgée de 47 ans :

« Je partis avec 700 autres détenus de Saumur, à 9 heures du soir, avec une escorte de volontaires à la tête desquels était Lepetit, membre du Comité révolutionnaire de Saumur.

 Le long du chemin, je me suis aperçu qu'on en a fusillé plusieurs : on les dépouillait et j'en ai vu plusieurs nus.

En arrivant à Chinon, étant sur le pont, il y avait un détenu qui ne pouvait plus marcher ; j'entendis qu'on lui demandait ses assignats. La charrette dans laquelle j'étais marchant toujours, je n'ai pu le voir jeter dans l'eau, mais les personnes qui étaient à la suite l'ont vu jeter à l'eau et me l'ont rapporté.

En arrivant à Amboise, j'ai vu jeter un détenu dans la Loire, et on m'a dit qu'il en a été noyé deux.

A Blois, j'ai entendu dire, par ceux qui nous conduisaient : Les prêtres en arrière ! Je ne sais ce qu'ils sont devenus. Nous n'étions plus que 150 à Orléans, où Lepetit et son escorte nous quittèrent.

Nous sommes restés six jours à Orléans, d'où nous sommes partis pour aller à Bourges : sur la route et à Bourges, nous avons été traités avec bien plus d'humanité.

Il en est arrivé 130 seulement à Bourges. »

 

Déposision de Sophie Babin, veuve Phelippeau, de Saumur, âgée de 22 ans :

« Il y a dix ou onze mois, Jean Bouju, ex-Fontévriste, détenu dans la maison d'arrêt de Saumur, fut extrait avec une quantité d'autres détenus pour être transférés dans l'intérieur de la République.

Je crois que c'est à Bourges que Lepetit était chargé de conduire les prisonniers. Ma mère a reçu une lettre de Jean Bouju, mon oncle, datée de Tours, et depuis ce temps je n'en ai pas entendu parler, malgré les recherches que j'ai pu faire.

J'ai été instruite par le bruit public que Jean Bouju a été fusillé à Blois avec plusieurs autres prêtres. Jusqu'à ce jour je n'ai osé réclamer au Comité révolutionnaire de Saumur, dans la crainte qu'il ne me soit fait un mauvais parti.

Lors du départ de Jean Bouju de Saumur, j'affirme qu'il avait 17 louis en or, 12 livres en argent, 200 livres en assignats, 2 douzaines de chemises, 2 douzaines de mouchoirs de poche bleus, 1 douzaine de mouchoirs des Indes à carreau rouge, des boucles de soulier, jarretières, 1 agraffe, le tout en argent, 2 habits complets, 1 manteau brun, 1 matelas, 1 couverture, 2 oreillers, 6 paires de bas et 6 bonnets de coton.

M'étant informée à plusieurs personnes de Saumur comment m'y prendre pour réclamer les effets de mon oncle, pour toute réponse on me dit de rester tranquille. »

 

Déposition de Noël-Louis Peltier, défenseur officieux à Saumur :

« Il y a neuf à dix mois, étant dans le cabinet de Maupassant, président du tribunal de commerce, Lepetit entra et donna à Maupassant des nouvelles de son épouse qu'il venait de conduire avec beaucoup d'autres citoyens et citoyennes dans le pays haut, par ordre du Comité révolutionnaire.

Dans le cours de cette conversation qui ne fut pas longue, il dit qu'il avait fait fusiller en route le curé de Saumur et autres coquins de prêtres qui étaient avec lui, parce qu'il s'était aperçu qu'ils prêchaient et confessaient en route.

Après ce récit, Lepetit se retira, s'apercevant sans doute à notre silence que nous n'étions pas partisans de ces assassinats. »

Déposition d'Anne Baudrv, de Richelieu, âgée de 38 ans :

« Il y a un an, je fus arrêtée à Marnay, près Richelieu, où j'étais attachée au citoyen Monnereau.

Je fus conduite à Richelieu, de là à la maison d'arrêt de Chinon, et de suite à celle de Saumur, où je suis restée un mois.

Ainsi que plus de 700 détenus des différentes maisons d'arrêt de Saumur, de différents sexes, je fus extraite de ma prison.

La majeure partie fut conduite à pied jusqu'à Montsoreau. Les hommes étaient devant. Je m'aperçus que sept à huit hommes furent fusillés depuis Saumur jusqu'à Montsoreau par ordre de Lepetit, qui était à la tête du convoi, à ce qu'on m'a assuré.

Nous fûmes ensuite conduits à Chinon sur des voitures prises à Montsoreau, les femmes ne pouvant plus marcher à pied. Pendant cette route, il fut fusillé cinq à six hommes, qui ne pouvaient pas marcher : ils furent dépouillés et mis nus.

A Chinon, les hommes furent mis dans une église et les femmes dans des communautés.

Le lendemain matin, lors du départ, je vis 300 hommes qui étaient liés et gardés sous les halles avec plusieurs enfants de 12 à 13 ans. L'un de ces enfants se jeta aux pieds de Lepetit en lui disant de le laisser partir avec les autres, qu'il n'avait commis aucun mal : il lui dit d'aller avec les autres qui partaient. Le surplus fut fusillé, à ce qu'on m'a dit ; et j'affirme que les 300 hommes retenus à Chinon n'ont pas paru depuis dans le convoi. Un pauvre malheureux qui ne pouvait marcher, demanda à monter dans la charrette où j'étais ; je lui avais fait une place ; on ne voulut point le laisser monter, et il fut fusillé ; on ne le déshabilla pas, parce qu'il était mis très pauvrement.

— A Tours, un citoyen de la ville ayant été pris pour un homme du convoi, traversant une voiture, fut tiré d'un coup de fusil et jeté dans la Loire.

A Blois, les curés de Saumur et de Dampierre et autres furent mis à part, par ordre de Lepetit, dans une écurie, et le lendemain fusillés; j'entendis les coups de fusil, et je vis les habits de ces malheureux portés au bout des piques.

— A Beaugency, il en fut encore fusillé d'autres. J'entendis Lepetit faire des reproches aux volontaires qui les avaient mal ajustés, puisque quelques-uns reçurent trois coups de fusil.

J'entendis plusieurs volontaires dire que Lepetit prenait les portefeuilles et les montres de ceux qui paraissaient à leur aise, et ils en parurent très mécontents. Lors du passage de la Loire, un homme fut jeté à l'eau; comme cet homme voulait rentrer dans le bateau, on lui donna des coups de crosse de fusil sur la tête et sur les mains.

 — Nous continuâmes notre route par Orléans jusqu'à Bourges. Étant près d'arriver, je vis auprès d'un bois plusieurs volontaires qui chargeaient leurs fusils. Ainsi que bien d'autres, je craignais qu'il ne fût fait encore des fusillades. Mais beaucoup de citoyens de Bourges étant survenus, il n'y en eut pas.

Ils avaient été instruits qu'il devait en être fusillé dans cette forêt. Il n'est pas arrivé à Bourges la moitié du convoi, malgré qu'aucune femme n'ait été fusillée (8). »

Déposition d'Abel Aubert, de Turquant. âgé de 26 ans :

 « Je fus transféré de Saumur à Orléans avec un convoi de 600 détenus des différentes maisons d'arrêt, le 2 décembre 1793.

De Saumur à Montsoreau, il fut tué trois individus du convoi, par des volontaires escortant le convoi, et ce à coups de baïonnettes. J'ignore par quels ordres, mais le convoi était sous la surveillance de Lepetit.

De Montsoreau à Chinon, j'en vis tuer quatre autres, toujours de la même manière et à coups de fusils, sous prétexte qu'ils ne pouvaient pas marcher.

En entrant à Chinon, il en fut jeté un à l'eau pardessus le pont. A Chinon, nous fûmes mis dans différentes maisons; le lendemain au moment du départ et sur la route d'Azay-le- Rideau, je m'aperçus que le convoi était diminué de plus de moitié.

On me dit que les manquants avaient été fusillés en sortant de Chinon : je vis leurs vêtements aux soldats de l'escorte.

A Tours, je vis encore fusiller un homme. Le surlendemain, faisant route pour Amboise, un homme du convoi n'ayant pu se tenir sur la charrette faute de forces en tomba et fut fusillé.

 En arrivant à Amboise, un autre individu n'étant pas entré assez promptement dans le bateau, fut de même fusillé et jeté à l'eau.

 A mon départ de Blois, j'entendis Lepetit donner l'ordre aux prêtres de rester dans l'écurie ; à la borne, en sortant de Blois, on fit faire halte au convoi : furent fusillés derrière à ma vue le curé du ci-devant Saint-Pierre de Saumur, le prieur- curé de Dampierre. Bouju, ci-devant Fontévriste, et un Oratorien ; un instant après, les volontaires revinrent avec les vêtements.

Depuis Blois jusqu'à Orléans, je ne me suis aperçu d'aucun autre événement remarquable. »

 

Déposition de Marthe Pelteau, de Saumur, âgée de 26 ans :

«  Je fus arrètée par ordre du général Grignon dans la maison Larivière, où j'étais attachée à Bouillé- Loret (Deux-Sèvres), le 14 novembre 1793. Je fus conduite au Puy-Notre-Dame, et de là dans la maison d'arrêt de la Tour à Saumur.

J'en partis le 2 décembre 1793 avec un convoi de 600 personnes, sous l'escorte de Simon et de Lepetit.

Dans la route de Saumur à Montsoreau, j'ai vu deux cadavres sur le chemin, qui avaient été tués et étaient encore saignants.

De Montsoreau à Chinon, je vis fusiller huit hommes du convoi, par l'ordre de Lepetit, sous le prétexta qu'ils ne pouvaient pas marcher; aussitôt que ces gens s'arrêtaient pour des besoins naturels, on les faisait fusiller par ordre de Lepetit, Un des officiers du convoi, nommé Marié, en sauva de la fusillade autant qu'il put, ainsi que plusieurs volontaires qui l'accompagnaient; pour leur éviter ce sort, ils les portaient quelquefois sur leurs bras; Marié donna plusieurs fois son cheval à plusieurs individus du convoi qui ne pouvaient marcher, quoiqu'il fut blessé au pied par la fatigue.

 — A Chinon, une partie du convoi fut déposée dans une ci-devant église et l'autre dans une communauté. Le convoi partit le jour suivant.

Sur la route d'Azay-le-Rideau, le convoi étant considérablement diminué, je m'informai auprès des volontaires de ce qu'était devenue la partie manquante. Ceux-ci me dirent qu'ils avaient été fusillés à Chinon, au nombre de 360,

En arrivant à Tours. Marié, officier des volontaires du convoi, fit faire halte à l'escorte, l'engagea à protéger les détenus et leur dit : Plusieurs d'entre ces gens-là peuvent être coupables, d'autres aussi peuvent être innocents, tous doivent être jugés suivant les lois, je vous engage à les protéger contre toute insulte. Malgré cette recommandation, plusieurs individus crièrent de les jeter à l’eau ou de les conduira à la guillotine. Après avoir réitéré les raisons qu'il avait données aux soldats du convoi, Marié les sauva du sort qu'on leur préparait.

Ayant eu connaissance de ces exhortations, Lepetit le menaça de le faire fusiller lui- même, en lui disant qu'il prenait le parti de tous ces brigands et qu'il était un foutu gueux.

 En arrivant à Amboise, après avoir passé l'eau, je vis fusiller deux hommes. En repassant l'eau le lendemain, j'eus connaissance qu'une femme fort âgée (je la crois ci-devant religieuse) ne pouvant monter le quai, Lepetit donna ordre de la fusiller.

Plusieurs volontaires escortant le convoi s'y opposèrent. Marié la prit sur son dos et la porta dans une voiture.

A Blois, le convoi fut déposé dans une auberge, partie dans les chambres, partie dans les écuries. Au moment du départ pour Orléans, une partie du convoi monta en charrette et les prêtres et autres restèrent derrière, où on les fit fusiller et jeter à l'eau ; c'est ce que j'appris par les volontaires qui l'avaient fait et entre les mains de qui je vis les vêtements. Pendant la route, les détenus perdirent des effets ; il Orléans, ils s’en plaignirent à Marié, qui sur-le-champ fit assembler les volontaires de l'escorte : il fit faire la visite de leurs sacs et fit restituer une partie des effets qui avaient été volés aux détenus. Sans le secours de Marié, les trois quarts de ceux qui ont resté du convoi auraient péri. »

 

Déposition d'André Pironneau, conducteur de chaînes à Saumur :

 « La nuit que Saumur a été déclaré en état de siège, je partis de cette ville vers 10 à 11 heures du soir, pour conduire une partie des prisonniers à Orléans.

Sur la route de Chinon, à la Chaussée, commune de Saint- Germain-sur-Vienne, il fut tué 2 détenus. 200 environ de ces détenus furent fusillés à Chinon.

A Tours, on tua un détenu qui voulait se sauver.

A Amboise, en arrivant, ou tua le ci-devant curé de Chênehutte et deux militaires impériaux. En passant la barque d'Amboise, on fusilla encore 3 ou 4 détenus.

Le lendemain, en partant de Blois, on fusilla 5 prisonniers : Boujou, le prieur-curé de Dampierre, le ci-devant curé de Saumur et 2 autres individus. L'escorte qui conduisait ces prisonniers, était commandée par Lepetit et Simon, gendre de Hubert Boissier. Landeau, cellier, gendarme à Saumur, escorta le convoi jusqu'à Orléans : il pourra donner des renseignements sur cette expédition, ainsi que Mommousseau et Blondin, conducteurs de chaînes, demeurant à Tours, qui ont aussi conduit les prisonniers de Tours à Orléans. »

Déposition du général Carpantier, ci-devant employé à l'Armée de l'Ouest :

« Étant adjudant-général chef d'état-major du général divisionnaire Commaire, commandant les ville, place et forts de Saumur et postes environnants, Lepetit, membre du Comité révolutionnaire de Saumur, et Simon, capitaine de hussards, ont conduit de Saumur à Chinon les personnes détenues comme suspectes.

D'après les bruits publics, j'ai appris que tous deux avaient fait fusiller beaucoup de ces personnes qui étaient confiées à leur garde, entre Chinon et Azay-le-Rideau. »

 

Déposition d'André Marin, de Saumur, âgé de 23 ans :

 « Le 2 décembre 1793, je fus nommé par le général Commaire lieutenant pour escorter le convoi de prisonniers qu'on transférait de Saumur à Orléans, sous l'escorte d'un dépôt qui y était en subsistance.

Ce dépôt eut pour commandant Simon, gendre de Hubert, nommé le même jour que moi par le général Commaire. Tout ce convoi était sous la surveillance de Lepetit, membre du Comité révolutionnaire de Saumur.

 Lors du départ du convoi, le 2 décembre, Lepetit donna ordre de fusiller tous ceux qui ne pourraient pas marcher. Cet ordre fut donné faubourg de Fenet.

Dans la route de Saumur à Montsoreau, deux hommes furent fusillés à ma connaissance pour cette raison.

De Montsoreau à Chinon, il y en eut plusieurs de tués sur la route, et je les vis morts, mais j'ignore pour quelle raison.

En arrivant à Chinon, des militaires jetèrent un homme dans l’eau pardessus le pont, j’ignore par quel ordre ni pourquoi ; j'étais alors avec le restant du convoi, derrière à une portée de fusil. Une partie du convoi l'ut déposée en deçà des ponts, et l'autre partie dans des communautés de la ville au delà du pont.

Le lendemain matin, Lepetit dit au détachement : Vous êtes libres de faire fusiller tous ceux qu'il vous fera plaisir !

Lepetit donna ordre de séparer tous ceux qui n'avaient point de papier; ensuite il les fit fusiller au-dessus du château de Chinon sur la route.

 — De Chinon à Tours, il ne se passa rien de déplacé.

A Tours, un prisonnier étant entré dans l'auberge par une porte différente de celle désignée par Lepetit et qui communiquait de même avec la cour où le convoi fut déposé, Lepetit le prit au collet, le jeta sur le pavé et le fit fusiller devant lui et jeter à l'eau.

— Le surlendemain, à Amboise, Lepetit fit appeler le ci-devant curé Péan, qui était alors en charrette, le fit passer derrière et me donna l'ordre de le faire fusiller.

Sur l'observation que je lui fis que ce citoyen n'était pas jugé, Lepetit me répondit : J'ai l'ordre, il faut qu'il périsse! et il fut fusillé.

Le lendemain, nous conduisîmes le convoi à Blois, sans que rien ne se passât. Le surlendemain matin, je fus à l'écurie où étaient tous les détenus, pour les faire monter en charrette, suivant l'ordre que j'en avais reçu de Lepetit.

 Alors un des officiers de garde me dit : Tu peux prendre tous ceux-là, mais ceux-ci (les prêtres) ne peuvent partir, j'ai reçu l’ordre de Lepetit de les garder pour les raire fusiller !

En effet, je fis monter en charrette tous les autres et les fis partir; les prêtres furent amenés sur le quai, où on les fusilla.

Le restant de la route jusqu'à Orléans, il ne se passa aucune chose à ma connaissance, si ce n'est que je fis remettre les effets qui avaient été pris à différentes personnes du convoi par les militaires qui les leur avaient ôtés.

Les effets appartenant aux prêtres fusillés et qui étaient déposés sur les charrettes dans des malles et ballots, Lepetit les fit transporter dans sa chambre à Beaugency ; les militaires les ayant réclamés, Lepetit leur promit de les faire rendre et de leur en distribuer le montant : j'ignore s'il a tenu sa promesse.

A différentes reprises dans la route, je dis à Lepetit qu 'il avait tort de faire tuer des gens qui n'étaient pas jugés, et que cette conduite me répugnait beaucoup ; Lepetit me répondit à chaque fois : Si tu ri exécutes pas mes ordres je te fais fusiller toi-même, et si tu parles à quelqu'un du convoi je te fais conduire en prison! »

 

Fusillades des prisonniers angevins à Doué-La-Fontaine.

Pierre, officier de police militaire et de sûreté générale, écrit, d'Angers, le 3 novembre 1794, au district de. Saumur :

« Jean-Jacques Guillemette, ex-commandant de la place de Doué, est en arrestation à Angers en ce moment, par suite de dénonciations qui ont été faites contre lui. On l'accuse : 1° de s'être emparé en décembre 1793 de voitures, d'effets précieux qui venaient de la Vendée ou de maisons d'émigrés et qui étaient adressés' au commandant de la place de Doué; 2° d'avoir été, accompagné de plusieurs gendarmes, dans un château près Brissac et de s'être emparé de beaucoup d'argenterie: 3° d'avoir fait fusiller sans formalités, à peu près: dans le même temps, à Doué, beaucoup d'hommes, femmes et jeunes gens, étant presque toujours ivre et dans un état de fureur inouïe contre les malheureuses victimes qu'il immolait à sa rage impitoyable. »

 

Nous avons trois dépositions faites aux autorités saumuroises contre le féroce Guillemette.

Déposition de Dominique Peffault de la Tour, docteur médecin à Saumur, qui avait fait partie du convoi de prisonniers partis d'Angers le 30 novembre 1793 pour se rendre à Doué:

 « Lors de mon arrivée à Doué, sur les 11 heures du soir, avec 7 ou 800 hommes, sans compter les femmes qui nous avaient précédés, tous attachés deux à deux par les bras avec des cordes et par un double lien, ne formant tous qu'une chaîne, nous fûmes reçus à coups de bâtons, de plats de sabres; quelques coups de baïonnettes en blessèrent plusieurs.

 Guillemette, commandant de la place de Doué, en tua trois devant moi à coups de pistolet dans la cour de la prison, qui consistait en des caves. Il tira les mêmes deux ou trois fois, disant qu'ils remuaient encore. Il chargeait lui-même ses pistolets. On nous assure qu'il en avait été tué six hors la porte par le même, qui ordonna à la troupe de charger les armes pour nous tuer tous, ce qui ne fut pas exécuté.

 Mais journellement on faisait des chaînes de quarante jusqu'à cent (ce qui eut lieu au moins quatre fois) pour les fusiller, exécutions à la connaissance des habitants de Doué (9).

 — Lorsque nous étions dans le grenier du château des Ponts-de-Cé, il en fut fusillé au moins 150 d'une fois près la butte d'Èrigné, ordres donnés dans l'un et l'autre endroit par la Commission militaire, à l'exception des coups de pistolets tirés par le commandant Guillemette, qui avait bien l'air de ne consulter que sa rage. »

Déposition de l'huissier Dunov :

« Il arriva à Doué un nombre de prisonniers détenus par la loi qui venaient d'Angers et des Ponts-de-Cé.

Ils arrivèrent sur les 11 heures du soir à Doué. Quand ils furent arrivés à l'entrée de la prison, le commandant de la place de Doué, nommé Guillemette, s'y transporta. Il les traita de brigands, agit sur eux de voies de fait, les poussant par le dos avec les baïonnettes de la garde; il faussa plusieurs des baïonnettes, cassa son sabre sur eux ; la furie s'empara de lui; il attrapa les fusils de la garde et passa par un pré qui donne sur les caves; à mesure que les détenus entraient dans cette cave, il tirait sur eux; il en tua cinq; il en aurait tué bien d'autres si un officier, appelé Gaudichon, je crois, ne lui eût ôté les armes des mains, suivant la déclaration que la garde me fit le lendemain.

— Peu de temps après, Guillemette fit sortir 59 de ces mêmes prisonniers, les fit attacher deux à deux, les fit conduire au canton des Trois-Pilliers, sur le chemin de Doué, et les fit fusiller par les grenadiers de la Convention ; il les fit, jeter dans une fosse, d'où on avait tiré de la pierre. Avant de les fusiller, on les fit sortir et entrer dans un pré joignant la prison ; un canonnier qui était concierge, nommé par Guillemette sans doute, les fouilla tous, ôta les montres à ceux qui en avaient et leur enleva à tous leurs portefeuilles et leurs assignats.

Au château de Doué, où j'étais concierge, ce même canonnier venait tous les jours; lorsqu'il voyait des malades, il leur ôtait leurs montres et leurs habillements, en disant qu'il les portait chez le commandant de la place, même leurs assignats ceux qui en avaient.

 — Fauconnier, ci-devant juge du tribunal du district d'Angers, vint à mourir. Son domestique me remit son portefeuille, dans lequel il y avait deux assignats de dix livres pièce, et un écrit par lequel il apparaissait qu'il avait déposé 1.200 livres, une montre en or, un couvert d'argent, huit livres cinq sols chez l'ancien concierge, nommé Cherrière, gendarme à Doué. Je retins cet écrit et ne voulus pas le remettre parce qu'il appartenait aux héritiers.

Le canonnier en question vint à force armée m'arrêter chez un de mes frères à 9 heures du soir avec violences et menaces, en disant à la force armée : « Piquez-moi ce bougre-là », et en me traitant de bavard. Il me conduisit à la maison d'arrêt de Doué, où il me fit fouiller; il voulut m'ôter quatre assignats de cinquante livres; je fus obligé de faire descendre un officier municipal pour me les sauver; en le voyant, il me les laissa. Il voulait toujours avoir ce même écrit; je ne l'avais pas pour lors. Il m'a détenu dans la prison pendant deux jours, en me menaçant de me faire fusiller si je ne remettais pas cet écrit. Je fus donc obligé de le lui remettre pour avoir ma liberté. Non content de cela, il exigea de Duval, commandant de la garde nationale de Doué, un écrit qu'il répondait de ma personne, ce que Duval fit pour me mettre en liberté. »

Déposition d'Elie Trouillard, tonnelier à Doué :

« Le 6 décembre 1793, je fus requis, de la part de Jolivet, officier municipal de Doué, qui me conduisit avec plusieurs autres (Bougellière, commandant de la garde nationale de Doué, et Chauvière. capitaine des sapeurs de la Chapelle-sur-Doué) au bois de Brossay, à l'effet de faire des fosses.

Quand elles furent faites, Guillemette, commandant de la place de Doué, m'ordonna, ainsi qu'à ceux qui étaient venus avec moi, de nous retirer à l'écart. Après nous être enfoncés de 4 à 500 pas dans le bois, nous entendîmes plusieurs décharges de coups de fusils. On nous fit ensuite revenir.

Guillemette nous commanda alors de retourner les cadavres pour voit- s'ils étaient bien morts.

Dans le nombre de 68 environ, il s'en trouva plusieurs qui n'avaient pas encore rendu le dernier soupir.

Alors Guillemette ordonna aux grenadiers de la Convention de les finir, ce que ces derniers exécutèrent à coups de fusils et de sabres. Alors Jolivet, Guillemette, Bougellière et Chauvière nous ordonnèrent de mettre tous les cadavres dans les trous que nous avions faits, ce qui fut exécuté et nous les recouvrîmes de terre.

— Pareille fusillade s'est renouvelée cinq à six fois, tant aux carrières de pierre de Baugé (Chauvière présent) que sur la levée au- delà de La Chapelle-sous-Doué (Mathurin Rullier, officier municipal de La Chapelle, présent), et deux fois aux carrières des Miguères, sur Id route de Doué à Vihiers.

Chaque fusillade fut commandée par Guillemette, commandant de la place, ou Morry, son adjudant, à l'exception de la dernière qui fut commandée par le chef d'un détachement qui partit pour Argenton-Château le 1er janvier 1794.

Ces dernières fusillades ont été moins nombreuses que la première. Il restait à peu près 15 détenus dans les prisons ; ils ont été fusillés à Doué à la prison de la Porte-Bonnin. J'ignore par quels ordres cela a été fait, mais à son retour Guillemette nous a commandés de les enterrer. »

 

Fusillades des prisonniers Saumurois à Bagneux et à Parnay.

Les 19 et 26 décembre 1793, eurent lieu, sur les huttes de Bournan (Bagneux), deux fusillades, par les soins de la Commission militaire présidée par Félix.

Le 31 octobre 1794, Raymond Chevallier, adjudant de la place de Saumur, âgé de 29 ans, fit à la municipalité de Saumur la déclaration suivante :

« L'hiver dernier, le général Commaire, commandant alors la force armée à Saumur, envoya demander au bureau de l'état-major de la place, au commandant Richard, quel endroit était le plus propre pour faire fusiller les brigands de la Vendée, de manière que le mauvais air et la corruption des corps morts ne pussent infecter les habitants de Saumur.

On lui indiqua la montée de Bournan comme le lieu le plus propre à cette expédition et où le grand air pourrait évaporer plus facilement les mauvaises exhalaisons que doivent nécessairement produire de semblables expéditions.

D'après ce renseignement, le général Commaire envoya un ordre par écrit au commandant de la place à l'effet de commander la force armée pour faire fusiller 17 brigands.

 

On les prit le matin à la prison de la Tour-Grenetière, d'où ils furent Conduits à la montée de Bournan, sous prétexte d'aller à la promenade. Dès l'instant qu'ils furent rendus à l'endroit désigné, les gendarmes de la 35e division de la gendarmerie à pied, qui avaient été commandés et les escortaient, les fusillèrent, après en avoir reçu l'ordre du général Commaire qui était présent et leur donna le signal de faire feu (19 décembre 1793).

 — A peu près dans le même temps, la Commission militaire, séante à Saumur, se transporta dans la ci-devant église de Nantilly pour voir 300 brigands, qui avaient déposé les armes à Angers, après l'affaire de Savenay.

Après un interrogatoire très succinct et très court, on désigna 235 d'entre eux pour être fusillés le soir du même jour. La Commission militaire n'excepta de cet ordre barbare que les jeunes gens au-dessous de 18 ans (10). Elle envoya au commandant de la place Richard un réquisitoire pour commander 300 hommes armés, à l'effet de faire fusiller les 235 brigands qu'elle avait désignés.

Dans l'après-midi ces hommes furent pris dans l'église de Nantilly et conduits à Bournan, sous prétexte d'y prendre l'air.

Arrivés au lieu indiqué, en présence de la Commission militaire, du général Commaire et d'une partie de son état-major, le signal du feu fut donné, et les 235 malheureux furent mis à mort, à l'exception de deux qui s'évadèrent (26 décembre).

 — C'est tout ce que je sais des fusillades qui ont eu lieu à Saumur, ayant obtenu dans ces temps de calamité une permission du commandant de la place d'aller à Romorantin pour vaquer à des affaires de famille. »

 

Déposition de René Chereau, ancien maire de Cholet, au sujet de la fusillade du 26 décembre 1793 :

« Étant à Chacé, lieu où je demeure depuis mon évacuation de Cholet, j'ai entendu en décembre 1793 une fusillade considérable qui se faisait à la butte de Bournan. Ayant demandé à plusieurs citoyens quelle était cette fusillade, ils me répondirent que c'étaient environ 200 brigands qu'on fusillait; ils étaient sortis de la ci-devant église de Nantilly, où ils étaient détenus. »

Au sujet de la même fusillade du 26 décembre 1793, Gaudichon, commissaire des guerres, fit la déclaration suivante :

« Au mois de décembre 1793, étant à cheval et revenant de Saint-Florent, je fus rencontré par quelques officiers généraux marchant, avec une escorte assez nombreuse, à la tête d'une file de malheureux attachés les uns aux autres, qu'on me dit être des rebelles de la Vendée. On me sollicita d'accompagner la Commission militaire.

Chemin faisant, vers la butte de Bournan, je remarquai Félix, président de cette Commission, qui interrogeait sur leur âge différents jeunes gens faisant partie des rebelles. '* Frappé de ces questions, j'en demandai la cause. Félix me répondit qu'il pouvait soustraire à la fusillade tous les jeunes gens au-dessous de 18 ans. Arrivé sur le terrain, je remarquai un jeune malheureux, âgé de 17 ans, que Roussel, membre de la Commission, sur mon rapport et mon invitation, fit détacher et reconduire à Nantilly, d'où il avait été tiré. Alors 235 furent fusillés, près le petit bois qui se trouve à gauche sur la hauteur de Bournan. Le détachement était commandé par le divisionnaire Cornmaire. »

 

Déposition de Jean-Augustin Thibault, ci-devant concierge de la ci-devant église de Nantilly, âgé de 44 ans, domicilié à Saumur :

« Vers le 25 au 30 décembre 1793, j'étais encore concierge de la ci-devant église de Nantilly, qui servait de maison d'arrêt pour les brigands.

Un de ces jours (26 décembre), sur les 10 heures du matin, un officier de la Commission militaire établie à Saumur que je reconnus pour tel par le ruban et la médaille qui y était suspendue qu'il portait au cou (je ne puis dire son nom, mais je le reconnaîtrais si je le voyais, il demeurait rue Nationale à côté de la maison occupée par le citoyen Cailleau), se transporta à la maison d'arrêt et me dit de dresser quatre tables, ce que je fis.

 Le membre de la Commission militaire écrivit et fit écrire les nom et âge des détenus, dont le nombre montait à 335 environ. Ce recensement fait, il me donna ordre de mettre dans le chœur les jeunes gens de 18 ans et au-dessous, sous prétexte de les garantir de la maladie qu'avaient les antres détenus, ce que je fis à l'aide de la garde qui était présente. Cet officier de la Commission me défendit de donner du pain à ces derniers sans vouloir m'en dire la raison, et m'observa d’en donner seulement aux jeunes gens qui étaient renfermés dans le chœur. Lui ayant observé que si j'en donnais aux jeunes gens, les autres détenus se révolteraient infailliblement, « n'ayant point eu à manger depuis la veille à 10 heures du matin, je reçus pour toute réponse de m'arranger comme je voudrais.

 Cet officier étant sorti revint sur les 4 heures du soir accompagné des mêmes individus qui étaient avec lui le matin et de gendarmes et autres troupes. Il me demanda de la corde. N'en ayant pas, il m'ordonna d’aller en chercher, ce que je fis.

J'allai chez la veuve Pelou, qui me vendit une pelotte. Je la remis, par ordre de l'officier, aux gendarmes, qui lièrent les détenus, à l'exception des jeunes gens renfermés dans le chœur. Ces détenus furent conduits à la butte de Bournan, où ils furent fusillés et massacrés à coups de sabres et de baïonnettes, ainsi que la garde qui les conduisait et beaucoup d'autres personnes m'en ont fait le rapport.

Quant aux jeunes gens renfermés dans le chœur, ils en sortirent vers la mi-janvier 1794 avec plusieurs autres qui y avaient été transférés depuis, et ils furent fusillés du côté de Parnay.

Une partie de ceux qui ont été fusillés sur la butte de Bournan, avaient déclaré s'être rendus à Angers et y avoir déposé leurs armes pour se retirer d'avec les brigands.

 

Sur cette fusillade de Parnay, qui eut lieu à la fin de janvier 1794, nous avons encore trois témoignages.

 

Déposition d'Antoine Poitou, cordonnier à Saumur, âgé de 50 ans :

« Le 7 janvier 1794, je fus nommé gardien des détenus à la maison d'arrêt de la ci-devant église de Nantilly, qui contenait alors 150 prisonniers; je n'étais chargé que de leur distribuer des subsistances, l'officier du poste étant toujours chargé des clefs de cette maison. Un mois après, 112 des prisonniers (le surplus étant mort) furent enlevés de cette maison dans des charrettes et conduits à Parnay par une escorte de 150 hommes.

Ils furent fusillés à Parnay, suivant les rapports qui m'en ont été faits. Un de ces hommes étant trop malade pour être transporté avec les autres, le commandant du détachement le fit porter par mon cousin et moi au bord d'un trou destiné à enterrer les morts, et il le fit fusiller par quatre hommes de garde. Au nombre des 112 prisonniers, étaient 50 enfants de 12 à 18 ans et la plus grande partie de 12 à 15 ans, qui avaient été exceptés de la première fusillade de Bournan quelque temps auparavant.

 Ces enfants criaient comme des malheureux et demandaient à être employés au service de la République. Malgré leurs cris et leurs prières réitérées, ils furent de même que les autres emmenés et fusillés à Parnay.

Pendant le temps que les enfants sont restés détenus dans la maison de Nantilly, le citoyen Cailleau, maire de Saumur, m'a recommandé, à chaque fois qu'il me voyait, le plus grand soin de ces jeunes infortunés. »

 

Déposition de Jean-François Bucaille, cultivateur à Souzav :

« L'hiver dernier, j'ai eu connaissance qu'il a été fusillé environ 110 brigands de la Vendée à Parnay. On les laissa nus sur la place.

Parmi eux, il y avait beau- d'enfants au-dessous de 15 ans.

Pour éviter la peste, les officiers municipaux de Souzay et de Parnay firent faire des fossés et firent enterrer ceux qui avaient été fusillés. Je crois que le citoyen Simon, gendre de Hubert, était à la tête de la troupe. Un de ces malheureux qui avait tombé d'une charrette, fut fusillé près de ma demeure et jeté dans les carrières. »

 

Déposition de Pierre Lamiche, agent national de Souzay :

 « Vers le mois de février 1794 il fut conduit à Souzay 112 individus sortant de la Vendée. Ils étaient détenus depuis longtemps à Saumur, dans le temple dédié à l'Etre suprème.

Ces individus, qui n'étaient presque tous que des jeunes gens de 13 à 25 ans, arrivèrent à Souzay sous l'escorte d'une force armée. Lepetit, membre du comité révolutionnaire de Saumur, ou bien Simon, paraissait commander cette expédition. Ces jeunes gens furent fusillés, et je fus requis pour les enterrer. »

 

Les prisonnières Saumuroises transférées à Blois

 

Voici la déposition que fit devant la municipalité de Saumur Françoise-Perrine-Ambroise Sestier, veuve de Claude-César-Marin Budan, âgée de 52 ans, domiciliée à Saumur :

« Le 13 février 1794, je partis de Saumur, avec plusieurs autres comme moi, pour Blois, escortées par des gendarmes et autres, sous le commandement de Lepetit, membre du Comité révolutionnaire de Saumur. Pendant la route, je ne me suis aperçu d'aucun mauvais traitement, si ce n'est qu'on nous a laissées manquer de pain et de paille la première couchée jusqu'à Tours seulement (11).

 

 

L'affaire des chapelets de Saumur.

C'est le 9 mars 1794 que les représentants Hentz et Francastel approuvèrent un arrêté du Comité révolutionnaire de Saumur concernant les chapelets qui restaient en magasin chez les fabricants de cette ville.

Voici quelques déclarations relatives à ce cambriolage.

Déposition de Genet :

« Un jour, Lepetit vint chez le commandant de la place, alors Richard, dont j'étais le secrétaire, pour demander une force armée à l'effet de faire des perquisitions dans les magasins de chapelets de Saumur.

 Je la lui refusai jusqu'à ce que le Comité révolutionnaire ne l'eût requise formellement. Je lui observai que s'il s'emparait de tous les chapelets des magasins, il faudrait qu'il en fît un inventaire, afin de savoir ce que chaque négociant avait dans les endroits où il les déposerait. »

 

Dépositions de Mayaud frères et Estevon, de Saumur :

« Le 10 mars 1794, à 10 heures du matin, ayant appris que deux commissaires du Comité révolutionnaire de Saumur étaient entrés dans notre magasin et y avaient enlevé quelques douzaines de chapelets, en annonçant qu'ils allaient revenir pour s'emparer de tout ce qui nous en restait, P. Mayaud, l'un de nous, alla au Comité révolutionnaire pour s'instruire de ce que cela voulait dire.

 Il trouva Lepetit, qui répondit que c'était une mesure révolutionnaire et qu'il n'y avait pas de réclamation à faire. Sollicité de donner au moins quelqu'un pour faire l’inventaire de concert. Lepetit répondit qu'on n'en avait pas le temps, parce qu'il fallait que cela fût exécuté de suite ; et qu'au reste cette précaution serait absolument inutile.

En conséquence P. Mayaud se retira et se rendit à la maison, où avec son frère et leur famille ils se mirent en devoir de faire l'inventaire de ce qui allait être enlevé de chapelets et autres objets du même genre. Ils les descendirent du grenier ou ils en avaient une bonne partie, à l'entrée de leur magasin.

Un instant après, arrivèrent les commissaires du Comité révolutionnaire, Lepetit et Moret, armés et accompagnés d'une voiture attelée de quatre chevaux, qu'ils firent charger par les volontaires.

Pendant ce chargement, Lepetit nous fit beaucoup de rodomontades et de reproches d'avoir continué un semblable commerce, malgré l'exposé que nous lui fîmes que si nous ne l'avions pas fait depuis deux ans, plus de 100 à 150 familles auraient manqué de pain.

Il nous dit que le Comité révolutionnaire avait pris cette mesure sur la représentation qu'il lui avait faite d'après l'insulte qu'il avait reçue la veille chez un ouvrier en chapelet. Après le chargement de cette première voiture, comme il y en avait encore autant, on revint faire un second tour qui fut aussi considérable que le premier. Le total de cette perte est de plus de 32.000 livres. »

 

Déposition de Vachon aîné, officier municipal de Saumur :

« Le 10 mars 1794, me rendant pour dîner, je vis près de 200 volontaires conduits par Lepetit et Moret, membres du Comité révolutionnaire de Saumur, et deux autres personnes à moi inconnues, qui s'arrêtèrent vis-à- vis les citoyens Auger, Lemane et Cie.

Ils y entrèrent, jetèrent les chapelets dans une charrette sans précaution, de sorte que des gens de campagne, des volontaires ramassèrent des chapelets et les emportèrent, entre autres des masses de cristal qui n'étaient point des chapelets. Chez les citoyennes Angibault, ils en firent autant, et je fus étonné de voir des gardes chez elles après leur visite faite ; je vis dans le vestibule du Comité révolutionnaire une des citoyennes Angibault attendre sous la garde d'une sentinelle le moment où elle serait interrogée. Le lendemain, on vint chez moi pour la même expédition. Ayant vu la veille ce qu'on faisait chez mes confrères, j'avais de suite fait un inventaire de mes chapelets et autres marchandises. Je portai cet inventaire au Comité révolutionnaire, en offrant la copie. Je fus assez mal reçu ; on me dit que cet inventaire était inutile. En conséquence, je fus faire ma déclaration à la municipalité et j'inscrivis l'inventaire sur un livre à ce destiné. Lorsqu'ils vinrent chez moi le lendemain, je présentai à Moret et Berot, membres du Comité révolutionnaire, mon inventaire pour le vérifier. Ils le refusèrent. Pensant qu'ils avaient des ordres, j'obéis, ne connaissant rien autre chose que d'obéir aux lois. »

 

Cambriolage des bagues.

Déposition de Louise Fremery, épouse de Jean-François Minier, orfèvre à Saumur :

« En mai 1794, il se présenta chez moi un étranger, accompagné de Moret, membre du Comité révolutionnaire de Saumur. Ils me demandèrent si j'avais des bagues. Ma fille leur demanda quelle espèce de bagues ils voulaient, pour hommes ou pour femmes. Ils répondirent qu'ils voulaient les voir. Dans cet instant, entra un autre étranger, accompagné de Lepetit, membre du Comité révolutionnaire.

Tous quatre se mirent à examiner les bagues. Je croyais qu'ils voulaient en acheter, mais un d'eux en ôta une d'un boîtier portant une figure. Ils demandèrent à ma fille :

Qu'est-ce que c'est que cette figure-là ? Elle leur répondit qu'elle ne la connaissait pas ; ceux qui les achetaient, les baptisaient comme ils voulaient. Ils dirent que cette figure était celle de Marie- Antoinette, une autre, celle de Capet, une troisième, la figure de Sully.

A ces désignations, ma fille leur dit qu'elle ne connaissait aucunement ces figures, qu'elle avait ces bagues depuis vingt ans, lui étant venues de la succession de Minier, fils aîné, orfèvre à Paris.

Ils persistèrent à dire que ces bagues étaient contraires à la loi. Je leur dis ; Donnez-les moi, je vais les rompre, ce qu'ils refusèrent.

Ils prirent les trois bagues, ainsi qu'une autre qui portait un trophée d'armes. Je leur observai que cette dernière bague ne portait point de caractères prohibés, à quoi ils répondirent qu'ils savaient ce qu'ils faisaient.

Ma fille et moi leur demandâmes qui ils étaient. Les deux étrangers répondirent qu'ils étaient commissaires du pouvoir exécutif et les deux autres, membres du Comité révolutionnaire (12).

Ils demandèrent une boite pour envelopper ces bagues, qu'ils ficelèrent et cachetèrent. Ils rédigèrent un procès-verbal, dans lequel je demandai qu'il fût fait mention de mes offres et celles de ma fille de rompre ces bagues, et du refus que les commissaires et les membres du Comité en avaient fait. Je signai le procès-verbal.

 Après quoi il se retirèrent, sans vouloir en laisser copie. Le lendemain, les quatre se représentèrent chez moi et me proposèrent de signer un procès-verbal qu'ils avaient à la main. Je leur dis qu'en ayant signé un la veille, je ne voyais point de nécessité d'en signer un second.

Ils me dirent que celui de la veille était trop raturé, quoiqu'il ne le fût aucunement. J'exigeai que ce procès-verbal fût annulé, ce qu'ils refusèrent en disant : N'aie point d'inquiétude, il ne t'en arrivera rien ; il ne s'agit que d'envoyer et la boîte et le procès-verbal au Comité de Salut public.

J'obtins cependant avec peine que ma signature fût biffée, après quoi je signai le second procès-verbal (13). »

 

Divers.

Déposition de Bouffard, juge au tribunal du district de Saumur :

« Étant au mois de janvier 1794 dans un des bureaux du district de Saumur, Meignan, ex-curé de Saint-Jacques de Saumur, entra dans ce même bureau. Il raconta les avantages remportés par les troupes républicaines sur les rebelles de la Vendée dans le pays de Savenay.

Meignan termina ce récit en disant qu'il avait lui- même poursuivi les rebelles de la Vendée dans leur déroute et qu'il avait fait fusiller plusieurs femmes de la ci-devant caste nobiliaire, qu'il avait trouvées dispersées dans les campagnes.

Meignan assura qu'au nombre des femmes qu'il avait fait fusiller, étaient la dame Chabot des Coulandres, qui avait été auparavant femme du sieur de la Roche Saint-André, la demoiselle de la Roche Saint- André, sa fille, et la dame de l'Écorce. Entendu froidement de la part des autres auditeurs, ce récit fit plus d'impression sur moi, qui connaissais particulièrement les femmes que Meignan venait de nommer (14). »

 

Déposition de Persac :

 « Il y a un an que je suis parti sous les ordres du général de brigade Moulin en qualité de brigadier de la cavalerie nationale de Saumur. A Saint- Sulpice, nous avons arrêté un vieillard, qui nous a dit avoir 80 ans et être ancien curé.

Le général Moulin nous ordonna de le monter derrière un de nous, ce que fit Vernet. Le vieillard tomba deux ou trois fois de cheval. Le général exigeant que nous le suivissions, nous lui déclarâmes qu'il était impossible de le faire avec cet homme. Alors il nous ordonna de le remettre au 10e bataillon de Paris. Cinq minutes après, nous entendîmes plusieurs coups de fusil, et on dit que c'était le vieillard qui venait d'être fusillé. »

 

 

Déposition de Julien Huard, marchand à Saumur :

 « J'étais en détachement, dans la colonne de l'adjudant- général Robineau en station à Beaulieu. D'après la proclamation du représentant du peuple aux habitants de rentrer chez eux, grand nombre le faisaient et rendaient leurs armes.

Grignon fit fusiller plusieurs individus qui rendaient leurs armes, et cette proclamation fut sans effet.

L'adjudant-général Robineau fit de vifs reproches à Grignon de ce qu'il avait transgressé la proclamation des représentants du peuple, en faisant fusiller ceux qui rentraient ; il lui répondit que s'il ne suivait pas cette marche, la campagne serait manquée comme l'année dernière. »

C'est le 14 août 1794 que le Comité révolutionnaire de Saumur reçut la première dénonciation contre Lepetit. On vient de lire l'enquête dont il fut l'objet dans les derniers mois de l'année 1794.

Enfin au mois de mars 1795 le Comité de Sûreté générale ordonna à l'accusateur public près le tribunal criminel de Loir-et-Cher d'instruire contre lui.

« Les fusillades et massacres qui ont eu lieu à Chinon, Tours, Amboise, Blois et Beaugencv, sont l'objet de cette instruction », écrivait l'accusateur public au district de Saumur, le 13 mars 1795.

Aussitôt les administrateurs du district demandèrent à toutes les autorités constitués et fonctionnaires public du district des renseignements sur la conduite de Lepetit dans le pays.

La municipalité de Dampierre fit une information contre lui, qui fut envoyée à Blois (15).

Le 24 avril 1795, le district de Saumur adressait cinq autres pièces à l'accusateur public près le tribunal criminel de Loir-et-Cher: « La première se compose des dénonciations faites à la municipalité sur les fusillades et atrocités commises envers les détenus (noir ci-dessus) ; la 2e contient des notes sur ce que la municipalité de Saumur sait de relatif à Lepetit; la 3e est un arrêté (21 novembre 1793) par lequel le Comité révolutionnaire censure la conduite de Lepetit, pour s'être trouvé à la tête d'un rassemblement qui brisait dans les églises de Saumur tous les objets du culte (voir ci-dessus); la 4e est un Mémoire des juges du tribunal du district de Saumur dans l'affaire Lepetit (4 mai 1794); la 5e est un rapport des cruautés souffertes par les citoyennes Defay, domiciliées à Saint-Macaire-du- Bois, que nous a envoyé le juge de paix du Puy-Notre-Dame (16). »

Le 27 mai 1795, le district de Saumur mandait au même : « Nous t'adressons deux pièces que vient de nous remettre Tricault, juge de paix du premier-territoire du canton de Saumur; elles sont relatives à l'affaire intentée contre Lepetit. »

A Blois, on instruisait le procès de Lepetit, mais le terroriste ne put jamais être arrêté par la police, malgré toutes les recherches faites à Saumur et ailleurs.

Quelques mois après, il bénéficia du décret d'amnistie, voté le 26 octobre 1795, qui prononça l'abolition des procédures pour faits purement relatifs à la Révolution.

 

 

 

 

 

L'Anjou historique

 

 

 

Janvier 1794 - D’argenton le Peuple (Château), Louis Grignon lance sa colonne infernale sur la Vendée. <==

Les prisonnières d'Angers transférées à Montreuil-Bellay (1793-1794) <==

==> 1821 Voyage dans les pas des Guerres de Vendée.

 

 


 

(1) Archives de Maine et-Loire, L 1302 ; district de Saumur. L 179 bis.

(2) Le lendemain de ce cambriolage, 21 novembre 1793, le Comité révolutionnaire de Saumur prenait l'arrêté suivant : « Instruit qu'un rassemblement se fait dans toutes les églises de Saumur, qu'on y brise, pille tous les objets de culte quelconque; considérant qu'une telle conduite est attentatoire à la Déclaration des Droits de l'Homme, où il est dit que tout homme est libre d'adorer la divinité à sa fantaisie; considérant que la Convention n'a point encore décrété la prohibition du culte catholique, mais qu'au contraire elle a passé à l'ordre du jour sur plusieurs demandes à cet effet; considérant que cette conduite peut priver la République de plusieurs objets qui lui appartiendraient suivant le vœu des communes : le Comité blâme la conduite de tous ceux qui se trouvent dans ce rassemblement, arrête qu'il sera écrit au commandant de la place pour le requérir de prendre sur-le champ les mesures les plus promptes, pour empêcher ce désordre, arrête que Lepetit, un de ses membres, sera censuré au procès-verbal et qu'il en sera écrit aux représentants pour statuer sur le parti à prendre à son égard. Cet arrêté sera envoyé à la municipalité, afin qu'elle prenne les mesures nécessaires pour la conservation des objets de culte et autres à lui appartenant ». (L 1204.)

(3) Le 1er décembre 1793, le général Commaire écrivait, de Saumur, aux administrateurs du district de cette ville : « Un homme de confiance que j'ai envoyé à la découverte, m'apprend que l'ennemi est à Bauge et doit se porter sur Saumur. Prenez toutes les mesures qui seront en votre pouvoir pour faire avancer cette nuit les ouvrages ordonnés. Je tiens conseil ce soir, vous me ferez le plus grand plaisir d'y envoyer un membre. »

(4) Le 29 novembre 1793, le Comité de Salut public arrête que le représentant Levasseur se rendra dans tous les lieux qui bordent la Loire depuis Orléans jusqu'à Nantes pour empêcher que les brigands sortis de la Vendée ne repassent la Loire pour y rentrer; il est chargé de la défense de ce fleuve. Levasseur arriva à Saumur le 2 décembre et fit enregistrer ses pouvoirs au Comité révolutionnaire.

(5) Lepetit ne resta pas toujours l'ami de Simon. Le 28 mars 1794, il mandait, d'Angers, au Comité révolutionnaire de Saumur : « Simon est un fameux fripon, comme une grande partie de chefs employés dans cette armée. Je connais de lui certains traits qui pour moi sont de la conviction même. Il est bien coupable. N'en êtes-vous pas convaincus, quand vous le voyez afficher un luxe aussi criant, sa femme couverte d'or et de bijoux, lui-même n'ayant aucune place que celle d'adjoint dans l'armée donnant des repas tous les jours à -un tas d'autres fripons, et sa femme de son côté invitant toute la canaille femelle servant aux plaisirs de Messieurs les officiers ; des chevaux, des voitures, des parties de plaisir en campagne ; trainant à sa suite un train de ci-devant marquis, tout cela ne vous indique-t-il pas la source où cet homme éhonté puisait? Envoyez-le à la Commission militaire, et nous ne tarderons pas à mettre un terme au cours de ses friponneries » (L 1225.)

(6) Le soir du 7 décembre 1793, Lepetit écrivait, d'Amboise, au comité révolutionnaire de Saumur : «  Nous avons été obligés de passer la Loire dans des bateaux, ce qui a demandé un temps très long. Nous avons eu sept ou huit prisonniers qui ont tombé dans l'eau et qui se sont noyés, c'est un malheur dont il ne faut pas pleurer! Péan, curé de Chénehutte, est du nombre de ceux qu'on a tués. Peu le méritaient autant que lui; le gredin n'a pas cessé de dire son bréviaire le long de la route, et il s'est endormi dans le Seigneur. Nos volontaires ont fait un butin considérable; vous les avez vus ces brigands tout déguenillés; eh bien! ils étaient cousus d'or, d'argent et d'assignats. Beaucoup avaient jusqu'à deux montres : cela seul ne convaincrait-il pas de ce qu'ils étaient? Mais ce qui reste le plus étonnant, c'est la fermeté qu'ils ont affectée en mourant; ils n'ont pas cessé de prier leur Dieu, de faire des signes de croix, et leurs derniers cris ont été : Vive le roi, vive la religion!

— J'ai abattu toutes les croix que j'ai trouvées sur mon passage. On n'est guère patriote dans ce pays-ci, les femmes n'y portent pas la cocarde, et j'ai fait arrêter beaucoup d'hommes qui ne la portaient pas non plus, même des hommes de garde. Vous saurez enfin qu'on sonne encore l' Angelus à Amboise. » (Archives nationales, AFII, 276.)

(7) Le 15 décembre 1793, la municipalité d'Orléans écrivait au Comité révolutionnaire de Saumur : « Les prisonniers que vous nous aviez annoncés par votre lettre du 7 décembre, sont arrivés à Orléans le 10, au nombre de 201, y compris une femme arrivée morte à Orléans. Le lendemain de leur arrivée, nous en avons ordonné, dans le lieu de leur arrestation, l'appel et le recensement par noms, surnoms, en y ajoutant le lieu de leur habitation ordinaire. Ce tableau a été fait double, dont un a été délivré à Lepetit, votre collègue. » (Archives de Maine-et-Loire, L 1262.) — Cette liste est aux Archives départementales de Maine et-Loire (L 1301.)

(8) Aux Archives de Maine-et-Loire (District de Saumur, 209), se trouve la liste des soixante-quinze personnes détenues dans la maison de Saint-François, à Bourges, venues de Saumur.

(9) La Commission militaire fit faire de nombreuses fusillades, sur le territoire de la commune de Douces, par l'abbaye d'Asnières-Bellay, les 7, 8, 10, 12, 23 et 24 décembre 1793.

(10) Le 23 décembre 1793, la Commission militaire « requiert et invite le Comité révolutionnaire de Saumur de distraire des prisonniers faits sur les brigands ou de ceux qui se sont rendus à la République, les garçons jusqu'à dix-huit ans, les filles et les femmes jusqu'à vingt ans, pourvu que ni les uns ni les autres ne soient fils ou parents des ci-devant nobles et émigrés. » (L 1221 )

(11) Le 19 février 1794, Lepetit écrivait, de Blois.au Comité révolutionnaire de Saumur : « Le représentant du peuple Garnier, qui est à Blois, vient de prendre un arrêté par lequel il me renvoie à Chartres avec toute ma séquelle. Je ne suis pas trop content de cette nouvelle disposition, car je suis déjà d'une lassitude extrême, et je crains bien de ramasser une nouvelle maladie; car l'odeur exhalée par ces maudites femmes est telle, qu'une d'elles m'ayant écrit ce matin pour d'inutiles réclamations, sa lettre a failli me faire tomber à la renverse, quand je l'ai développée. Il en meurt tous les jours une ou deux. Une d'elles est accouchée hier la nuit, je ne connaissais pas son état et elle ne l'avait fait connaître à personne, c'est pourquoi elle n'a pu recevoir aucun secours. Moret et Juteau ont vu le mal qu'on a eu à faire partir toutes ces femmes de Saumur. Eh bien ! c'est tous les jours deux fois la même chose, quand il faut monter et descendre. » (Archives de Maine-et-Loire, L 1225.)

 

 (12) C'est le 13 avril 1794 que le Comité de Sûreté générale donna à Sollier et à Fort, membres du Comité de surveillance des Amis de la Patrie, à Paris, la mission de se rendre à Saumur, Vannes et autres villes à l'effet d'en faire disparaitre « toute espèce de signes inventés par le fanatisme ». Le 5 mai, ils se présentèrent au Comité révolutionnaire de Saumur et déposèrent leurs pouvoirs sur le bureau : en même temps ils requirent le Comité saumurois de leur adjoindre deux de ses membres pour faire la visite dans tous les magasins « qui pourraient encore recéler de ces sortes de hochets ». Dans tout Saumur ils découvrirent vingt-cinq grosses bagues ayant au chaton une figure de Christ.

(13) Marie Minier confirma la déposition de sa mère.

(14) Peffault de la Tour dit : « Meignan se vanta d'avoir employé l'autorité que lui donnait la fonction de commissaire dans la Vendée, fonction donnée par le district, pour exiger qu'on fusillât plusieurs femmes de Montaigu prises par nos troupes. C'étaient de très honnêtes femmes et très respectables par leurs bonnes mœurs et qualités bienfaisantes. »

(15) Le 29 mars 1795, le district de Saumur écrit à l'accusateur public près le tribunal criminel de Loir-et-Cher : « Nous t'envoyons l'information faite par la municipalité de Dampierre; tu y trouveras en détail les horreurs dont Lepetit s'est rendu coupable. »

(16) Ces dames avaient été conduites à Chartes par Lepetit.

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