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PHystorique- Les Portes du Temps
20 octobre 2022

Souvenirs de Louis XIV et des nièces du cardinal Mazarin, Marie, Hortense et Marianne de Mancini à Brouage

Souvenirs de Louis XIV et des nièces du cardinal Mazarin, Marie, Hortense et Marianne de Mancini à Brouage

Le 14 septembre 1659, au bruit des salves d'artillerie, un carrosse pénétrait dans Brouage par la porte de Rochefort et s'arrêtait devant le Gouvernement.

Il amenait de La Rochelle les nièces du cardinal Mazarin, Marie, Hortense et Marianne, qui voyageaient sous la conduite de Mme de Venel.

La garnison les reçut du mieux qu'elle put, et M. l'Intendant les traita magnifiquement.

De ces trois filles, la dernière, Marianne, était encore une enfant de douze ans, mais terriblement précoce, espiègle et bel esprit qui, de loin, accablait son oncle d'épîtres rimées.

La seconde, Hortense, montrait, à quinze ans, une régulière et parfaite beauté.

Quant à Marie, la mate blancheur de son visage avivait l'éclat de ses yeux noirs et de sa chevelure de jais ses traits et sa démarche trahissaient un coeur passionné elle retenait tous les regards, car on la savait aimée du roi, et nul n'ignorait que Mazarin l'avait exilée pour l'arracher à cet amour.

 

On sait les péripéties de la tragédie sentimentale qui allait se dénouer à Brouage.

Deux années durant, Louis XIV a tendrement aimé Marie de Mancini; mais, un jour, le ministre et Anne d'Autriche ont redouté l'ascendant que la jeune fille prenait sur l'esprit de son ami le roi leur échappait.

En même temps Mazarin jugeait le moment venu de faire la paix avec l'Espagne et de sceller le traité en mariant le roi à l'infante c'était le couronnement de la politique qu'il suivait depuis quatorze ans avec tant d'art et de patience.

Sa nièce se trouvait en travers de son dessein il lui avait intimé l'ordre de quitter la cour et de se rendre à La Rochelle.

Le roi avait d'abord juré à Marie qu'elle serait reine de France, et que jamais il n'épouserait l'Espagnole mais, n'osant braver ouvertement ni le cardinal ni la reine, il avait fini par subir la séparation, à la condition qu'il pût écrire à l'exilée et qu'il lui fût permis de la revoir, quand la Cour se rendrait à Bayonne pour la conclusion de la paix.

Lui-même en pleurant avait donné la main à Marie pour la conduire à son carrosse. Et Bérénice était partie pour La Rochelle.

Cependant Bérénice ne désespérait pas de reprendre le coeur de Titus.

Elle recevait sans cesse des lettres interminables et pleines de promesses elle y répondait avec la même abondance et la même passion.

Cette correspondance jetait Mazarin dans de telles alarmes qu'il en eut une attaque de goutte et de gravelle.

En expédiant à La Rochelle Marie et ses deux soeurs, il avait eu soin de leur donner pour gouvernante ou, pour mieux dire, comme espionne, Mme de Venel, une adroite intrigante, dont la fidélité lui était acquise mais bien que la duègne fut rusée, il était inquiet sa nièce ne s'était-elle pas avisée, de demander son horoscope à un médecin arabe, grand astrologue, et qu'on disait même un peu sorcier : si l'Arabe de La Rochelle allait annoncer de royales destinées à cette Italienne superstitieuse Mme de Venel avait cru conjurer le péril en soudoyant le sorcier.

Mazarin avait estimé plus prudent d'inviter cet Arabe à déguerpir.

Puis il avait bien fallu tenir la promesse faite au roi : pendant deux jours, les amants s'étaient revus à Saint-Jean-d'Angély, et ils s'étaient repris à espérer que les négociations avec l'Espagne seraient rompues.

Marie était revenue à La Rochelle un peu consolée.

Quelques jours plus tard, elle apprenait que Louis XIV avait laissé le maréchal de Grammont partir pour Madrid afin d'y demander en son nom la main de l'Infante.

A cette nouvelle, comprenant que la partie était perdue, elle avait promis à Mazarin de ne plus répondre aux lettres du roi et demandé qu'on la mariât au plus vite.

Le sacrifice accompli, elle s'était sentie si malheureuse, qu'elle avait voulu quitter La Rochelle, pour échapper aux fêtes et aux visites, elle s'en était allée à Brouage.

« Comme la solitude, écrit-elle dans le récit de sa vie, était plus propre à entretenir mes rêveries, je choisis le château de Brouage, comme un lieu où mes sœurs ni mes gens ne pouvaient se divertir, ni aller tous les jours à la comédie, comme ils faisaient à La Rochelle.

Car enfin, il me semblait que tout le monde devait être compris dans mon affliction et que j'eusse été coupable des divertissements que les autres eussent pris.

J'étais donc dans cette forteresse, d'où les plaisirs semblaient être bannis et où je n'en avais point d'autres que ceux que je recevais des lettres que le courrier m'apportait quelquefois, et des bontés de ma sœur Hortense, qui refusait souvent de suivre ma soeur Marianne pour me tenir compagnie……(1) »

Malgré les attentions de M. l'Intendant, malgré la présence des demoiselles de Marennes « quatre grandes filles bien faites », qu'on a mandées à Brouage pour tenir compagnie aux nièces du cardinal, c'est un austère séjour que cette étroite forteresse, perdue entre la mer et le marais, battue par la bise, empoisonnée par la fièvre.

Hortense et Marianne s'y ennuient cruellement.

Marie, tout en lisant Senèque et en annotant Philostrate, attend avec impatience que Mazarin ait décidé de son avenir mais le cardinal, maintenant qu'il se sent obéi, ne se presse pas de trouver un parti pour sa nièce; il l'engage à se distraire, à visiter l'ile d'Oléron à se donner le divertissement de la chasse et de la pêche.

Cependant elle souffre dans son amour trompé, dans son ambition déçue et surtout, peut-être, dans sa vanité blessée.

Du roi, elle n'espère plus rien, et, fidèle à sa promesse, elle refuse de répondre aux lettres qu'elle ne cesse de recevoir.

 Elle veut qu'on sache bien qu'elle a elle-même rompu avant d'avoir été délaissée. De son côté, l'infidèle peut-être compte-il encore sur quelque hasard pour le dispenser du mariage espagnol ne veut pas qu'on l'oublie.

Un jour qu'elle rêve mélancoliquement sur la plage, au pied des remparts, quelqu'un lui annonce qu'un petit chien lui vient d'être adressé dans une corbeille, et que sur son collier est gravé: A Marie de Mancini.

 Elle rentre dans la ville et reconnait un des petits de Friponne, la chienne favorite du roi.

En même temps, l'émissaire qui apporte le chien, lui remet deux lettres et lui répète mot à mot ce que lui a dit son maître : « que le mariage est remis au printemps, que d'ici-là cent choses peuvent le rompre et qu'il lui jure de chercher lui-même à faire naître des obstacles ».

 Marie lit les lettres, écoute le rapport qu'on lui fait des propos du roi….. et ne répond rien.

Après cette marque d'obéissance, Mazarin et la reine pourraient être rassurés. Cependant, pour exciter la jalousie de leur victime, ils imaginent un stratagème cruel et dangereux.

Avant d'aimer Marie, le roi a paru montrer quelque penchant pour Olympe de Mancini, depuis mariée au comte de Soissons ; or, la nouvelle se répand à la Cour que le roi s'est « rembarqué » avec la comtesse de Soissons, et la comtesse elle-même se charge de l'annoncer dans une lettre qu'elle écrit à sa soeur, sur le conseil d'Anne d'Autriche.

Marie furieuse écrit à son oncle pour se plaindre des méchants procédés d'Olympe, et sa colère donne à craindre qu'elle n'en vienne aux extrêmes.

Alors le cardinal lui dépêche son âme damnée, Ondedei, évêque de Fréjus.

Ce prélat scandaleux, « habillé, dit Retz, en vrai capitaine de comédie et chargé de plumes comme un mulet » est homme de ressources et d'intrigue.

Il tâche d'apaiser le ressentiment de la jeune fille comment, dit-il, peut-elle douter de l'amitié du cardinal ? celui-ci s'occupe de la marier au prince de Lorraine, et, si ce projet rencontrait de trop grandes difficultés, il a trouvé pour elle un autre parti Don Pedro Colonna, vice-roi d'Aragon, un des plus grands seigneurs d'Espagne et d'Italie, jeune, bien fait, et qui possède deux palais à Rome qu'elle reste donc quelque temps encore à Brouage, pendant que ses soeurs retourneront à la Cour, cela contentera la reine Anne d'Autriche.

Ces beaux discours n'obtiennent aucun succès.

Au cœur de l'histoire: Les nièces du cardinal, maîtresses de Louis XIV (Franck Ferrand)

 

A l'idée de demeurer dans une solitude qui, aux yeux du monde, rendra son abandon plus manifeste, Marie éclate en sanglots Hortense et Marianne se mettent à pleurer en disant qu'elles ne quitteront pas leur sœur ; et devant ce déluge de larn1es, M. de Fréjus est bien forcé de battre en retraite.

Quant au mariage Colonna, le piège est visible; on entend éloigner Marie de la France à tout jamais elle refuse.

Dans le même temps, Mmes de Noailles, de Saint-Martin et de Motteville arrivent à Brouage, en voyageuses.

 Mlle de Mancini n'a pas de peine à deviner que la reine les envoie pour lui confirmer que Louis XIV est amoureux de la comtesse de Soissons. Elle consent néanmoins à les voir, puis prétexte un accès de fièvre et s'enferme la pensée qu'Olympe a pris sa place lui cause une peine intolérable.

Ondedei, qui possède quelque expérience des passions humaines, comprend que le jeu devient périlleux il console Marie : on a exagéré, dit-il, quelques attentions du roi, et d'ailleurs, ne connaît-elle pas la méchanceté de Mme de Soissons ? qu'elle garde donc ses soeurs auprès d'elle, si tel est son désir le cardinal veut son bonheur, et, puisqu'elle répugne à épouser le connétable Colonna, on mettra tout en oeuvre pour faire réussir son mariage avec le prince de Lorraine.

 Mazarin confirme par une lettre les engagements de son émissaire. Il peut promettre à sa nièce une cordiale amitié de la personne pour laquelle elle a la dernière estime.

« Elle m'a donné, ajoute-t-il, la charge expresse de vous en assurer de sa part, et de vous dire que rien n'est capable de la faire changer, quelque chose qu'on puisse dire ou écrire au contraire, sur des apparences qui n'ont aucun fondement. »

Cette assurance est la seule chose que peut maintenant souhaiter l'exilée. Sa douleur en est adoucie.

En même temps Mazarin l'autorise à revenir à Paris où sa présence est sans péril, car le roi et la Cour passent l'hiver en Provence.

Après un séjour de trois mois et demi, toujours sous la surveillance de Mme de Venel, les trois demoiselles de Mancini quittent Brouage.

Les deux plus jeunes montrent une grande allégresse, car Hortense n'a eu d'autre occupation que de sécher les larmes de sa sœur aînée, et Marianne, tout en alignant des rimes et en jouant à la poupée, a trouvé les « jours fort longs et l'argent fort court ».

Dans cette triste forteresse, Marie a passé par les pires épreuves et connu des chagrins dont la lecture de Senèque n'a jamais consolé une amoureuse de vingt ans ; elle y a combattu les révoltes de son amour et de sa fierté, subi le tourment de la jalousie ; elle sait que désormais son destin est fixé, mais, à Paris, du moins, elle sera libre de travailler elle-même au mariage qui doit venger son orgueil.

 Marie, pour se distraire un peu, avait, avec l'assentiment du Cardinal, demandé à Mme Scarron de venir lui tenir compagnie à Brouage. Mme Scarron ne put accepter à cause des frais que son déplacement eût entraîné (2).

Il est piquant de voir Marie Mancini entrer ainsi en relations avec la future Mme de Maintenon.

Enfin, le Cardinal autorise ses trois nièces à quitter Brouage et à rentrer à Paris, en leur permettant, le 30 décembre 1659, de dire adieu aux marais de la Saintonge et aux fortifications de M. d'Argencourt.

Six mois plus tard, Louis XIV avait épousé l'Infante.

La Cour, ayant quitté Saint-Jean-de-Luz, regagnait Paris à petites journées, lorsqu'à Bordeaux, le roi déclara soudain que les reines continueraient leur voyage jusqu'à Saint-Jean-d'Angély, et qu'il irait seul passer trois jours à Brouage.

Le souvenir de Marie n'était donc pas encore effacé.

 Le cardinal voulut suivre le roi pour diminuer le scandale de cette équipée, mais, à La Rochelle, le roi lui faussa compagnie, et n'ayant avec lui que trois jeunes gentilshommes dont Philippe de Mancini, frère de Marie, il prit le chemin de Brouage.

 Souvenirs de Louis XIV et des nièces du cardinal Mazarin, Marie, Hortense et Marianne de Mancini à Brouage 2

 

"C’est par cet escalier de pierre que Marie montait pour entrevoir la mer dans le lointain et pleurer tristement sur son cruel destin qui ne veut pas qu’un roi par amour se marie."

1660 après son mariage avec l’Infante d'Espagne, Marie-Thérèse d'Autriche, le roi Louis XIV passe trois jours à Brouage

Avec le duc de Saint-Simon, gouverneur de Blaye, et trois courtisans, parmi lesquels Philippe Mancini, frère de Marie, le roi arrive, le 28 juin, à Saint-Fort.

 Le 29, il fait son entrée à Brouage où le maréchal de Clairambault l'accueille.

 Il y passe tout le reste de la journée, loge dans la maison où a logé Marie, dans la même chambre sans doute, où, pour l'amour de lui, Marie avait tant pleuré

 Le lendemain, il va voir le Château d'Oléron, mais il rentre passer encore une nuit à Brouage.

Très avant dans la nuit, on le vit se promener seul sur le bord de la mer, « faisant de longs soupirs », et le jeune roi ne peut s'empêcher de pleurer.

 Le 1er juillet seulement, il se décide à rejoindre la reine et la reine-mère à Saint-Jean-d'Angély.

 

Et ce fut l'épilogue du roman, car, à Paris, on s'empressa de conter au roi que Marie de Mancini encourageait les galanteries de Charles de Lorraine.

En un instant, le dépit accomplit ce que n'avaient pu faire ni les supplications maternelles, ni la raison d'État, ni même la foi jurée à Marie-Thérèse : Marie fut oubliée.

 

Mazarin qui tenait au mariage Colonna eut le dernier mot, et Mme la Connétable partit pour l'Italie.

N'est-il pas vrai que Brouage, le triste Brouage, est un décor à souhait pour les dernières scènes de cette mélancolique aventure ?

 

A la fin de l'hiver suivant, Mazarin meurt.

 

 

 

 

 

En flânant.... De Bretagne en Saintonge par André Hallays

La Géographie : bulletin de la Société de géographie / publié par le baron Hulot,... et Charles Rabot,

 

 

 ==> Visite guidée de Brouage <==

 ==> Louis XIV arrête la fondation d’un nouveau port pour la Marine Royale, est-ce Soubise ?


 

 

(1). Pour conter ce séjour de Marie de Mancini à Brouage, j'ai recours aux documents rares ou inédits que Lucien Perey a publiés dans son Roman du Grand Roi.

(2) Lucien PEREY, Le Roman d'un grand Roi.

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