Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PHystorique- Les Portes du Temps
17 février 2022

1821 Voyage dans les pas des Guerres de Vendée.

1828 Voyage dans les pas des Guerres de Vendée Victoire de Donnissan , veuve LESCURE , marquise de la Rochejacquelein

Tous les jours de nouveaux voyageurs vont chercher dans la Grèce, en Egypte, en Italie, en Palestine, les souvenirs de la religion, de la liberté, et tes vestiges des peuples qui brillèrent dans l'histoire; et on dédaigne près de soi, dans son propre pays, les restes d'au peuple admirable.

Pour nous, nous n'avons pas voulu aller au loin recueillir les souvenir d'un héroïsme qui n'est plus, nous l'avons contemplé respirant encore dans notre France. Un voyage dans la Vendée est un motif de plus d'admirer et d'aimer notre patrie?

Nous croyons donc que des lecteurs français nous suivront avec plaisir dans les villes, sur les champs de bataille, dans les chaumières de ce glorieux pays.

Tout ce que nous décrirons, nous l'avons vu.

 

Tous les traits de courage ou d'humanité que nous citerons, nous les avons appris sur les lieux mêmes, toutes les paroles des paysans ou plutôt des héros vendéens, nous ne ferons que les répéter fidèlement.

Depuis long-temps nous désirions visiter le Bocage la plus belle partie de la Vendée; et au mois d'octobre de l'année dernière nous partîmes avec deux compagnons de voyage. Nous suivîmes la levée de la Loire, commencée par Louis-le-Débonnaire, continuée par les comtes d'Anjou, depuis Orléans jusqu'à Saumur (1).

 On rencontre à chaque instant des bourgs, des hameaux, des fermes des maisons de campagne répandues sur les deux rives de la Loire, et ce n'est qu'à Saumur qu'on quitte la levée pour pénétrer dans la Vendée.

Saumur est la première ville où l'on trouve des traces du passage des Vendéens.

 Ils sont venus jusque-là conduits par MM. de Cathelineau, de la Roche-Jacquelin et Lescure, noms qui tons rappellent la gloire.

Saumur est de l'autre côté de la chaussée, an pied des collines qui bordent la rive gauche de la Loire. On traverse un grand pont pour y arriver; une partie de ce pont a été coupée par les Vendéens, et n'a pas encore été rétablie.

 Je m'arrêtai, j'interrogeai tous ceux que je rencontrois. Je voulois entendre parler des Vendéens dans le lieu même de leurs exploits. Il me sembloit que leur nom devoit se prononcer là d'une manière différente que dans le reste de la France. Je ne me trompai pas, et je distinguai bien vite, à la manière dont on me disoit, les brigands (2) sont venus jusqu'ici, l'amour ou la haine, l'admiration ou la crainte qu'ils avoient inspirés.

Un château domine la ville. C'est de là qu'on tiroit sur Henri de la Roche Jacquelin quand cet intrépide jeune homme, comme Henri IV à Fontaine-Françoise, attaqua presque seul une armée, et la vit s ébranler devant lui.

Sous Bonaparte ce château était devenu une prison d'état. Le concierge en parcouroit un jour les appartemens avec un étranger ces chambres-ci, disoit-il, sont pour des prisonniers seuls, celles-là ( elles étoient plus grandes) pour des familles. Enfin ils arrivèrent à de grandes salles ceci est pour des rois, ajouta le concierge. Il paroit que Buonaparte, inquiet du séjour du roi d'Espagne à Valençay, vouloit l'envoyer à Saumur.

Saumur a été visité par plusieurs de nos rois. On peut lire dans Joinville le récit des fêtes qui y furent données à saint Louis quand il mit Charles son frère en possession du comté d'Anjou. Charles VII y vint aussi, ainsi que le bon roi René avant qu'il eût été dépouillé du comté d'Anjou par Louis XI son neveu, et qu'il se fût retiré à Aix, où on le vit quelquefois la houlette à la main, gardant les troupeaux avec la reine Jeanne de Laval son épouse.  

Près de Saumur est le seul ouvrage romain qui soit parvenu presque entier jusqu'à nous c'est un camp sur le sommet d'un coteau qui s'élève sur la rive gauche de la Loire. Il pouvoit contenir environ 3000 hommes.

On voit encore des ruines de monumens druidiques, et des monticules de terre élevés pour servir de sépulture à des rois, à des généraux, ou pour perpétuer le souvenir de quelque victoire. C'est peut-être au pied de ces monumens qu'ont eu lieu les horribles sacrifices des druides. On renfermoit les malheureux destinés à la mort dans de grandes statues d'osier, on les environnoit de bois, on y mettoit le feu, et ils expiroient dans les flammes (3).

L'un des dieux des Gaulois étoit Hercule, représenté sons la figure de Caron, plutôt que de l'Hercule grec. Les barbares de la Convention sacrifièrent aussi à la force, leur seul dieu, de nouvelles victimes humaines et l'on vit se renouveler les fêtes du paganisme aux pieds de ces monumens.

Saumur est une sous-préfecture. La ville a dix à onze mille habitans. Il y a une école de cavalerie.

Les anciennes chroniques nommoient Saumur la gentille, bien assise et bien assiste et bien aérée ville de Saumur.

En quittant Saumur, nous passâmes le long des prairies de Varins, ou étoit ce camp des républicains, emporté par les Vendéens. Fontenay étoit pris, et M. de Lescure avoit délivré 5000 paysans déjà condamnés à mort. Les paysans, conduits par M. de Lescure, récitèrent les litanies de la Sainte-Vierge, et ne commençèrent à se battre qu'après avoir reçu la bénédiction des prêtres. Vihiers, Doué, Montreuil avoient été témoins de trois victoires.

Quarante mille hommes étoient venus en poste de Paris en cinq jours. L'attaque du camp et de Saumur fut très-brillante.  "M. de Lescure (4) fut blessé et continua de se battre. M. de la Roche-Jacquelin jeta son chapeau par-dessus les retranchemens, en, criant: qui va me le chercher, et il s’étoit élancé le premier.

Ainsi fut conquis le passage de la Loire; quatre-vingts pièces de canon, des fusils, de la poudre. On fit onze mille prisonniers qu'on renvoya, après les avoir tondus pour les reconnoitre si malgré leur parole ils reprenoient les armes.

Henri de la Roche-Jacquelin resta très-long-temps après la bataille appuyé sur la fenêtre basse d'une église, d'où il voyoit les casques, les fusils, les canons que les Vendéens y avoient rassemblés. Tiré de sa rêverie par un des siens qui lai demanda ce qu'il faisoit : Je réfléchis à nos succès, répondit-il, ils me confondent. ».

 C'est à Saumur que fut nommé généralissime ce modeste et intrépide Cathelineau, qui avoit commencé la guerre, et qui lui donna le premier ce caractère saint et héroïque qui l'a rendue si étonnante.

 

De Saumur l'armée se porta sur Angers, puis sur Nantes, ou Cathelineau trouva la mort.

Pendant le siège de Nantes, les Vendéen arrivoient jusque dans les embrasures des murs ou étoient placés les canons, et tuaient les canonniers à coups de pistolet. Il en périt un grand nombre; mais il y avoit toujours un nouveau Vendéen pour tuer an nouveau canonnier.

Nous traversâmes le pont Fouchard, où M. de Lescure avoit tourné les redoutes placées à l'embranchement des routes de Montreuil et de Doué.

De la route au-dessus de l'Abbaye de Saint Florent, nous voyions les hauteurs au-dessus du Thoué, par où arrivoient MM. de Marigny, Stoflet, Fleuriot et Dessessarts, à la tête de la division de M. de Bonchamp, déjà blessé.

Les enfans s'étoient divisés à Saumur en deux partis. Les uns étoient les bleus, les autres les brigands.  Ils se battoient, et se tiroient des coups de petits canons. Un jour, cela suffit pour donner l'alarme.

Nous arrivâmes en suivant le Thoué à Montreuil Bellay.

Le château de Montreuil est sur un coteau au-dessus du Thoué (5), et des fenêtres du château la vue est ravissante. Des prairies coupées par des saules, un double rang de collines couvertes de pampres et qui entourent la rivière, des maisons sur l'une et l'antre rive, le cours du Thoué que la une embrasse depuis Saumur jusqu'à l'extrémité des prairies de Varias, une vieille église en ruines, un couvent au-dessus, et près de là, dans un cimetière, des croix qui s'élèvent sur des tombeaux pour confirmer la leçon des ruines, une multitude de petites iles qui coupent la rivière de mille manières rien n'est à la fois plus grave et plus riant.

Une chaussée et un pont moderne conduisent an vieux château en ruines de Montreuil. Dans ce château on retrouve d'anciens et de nouveaux souvenirs.

Au pied de ses murailles, les fleurs de lis ont été portées dans les combats par Louis VIII et par M. de Lescure.

Le château, construit au temps des guerres contre les Anglois, et qui a peut-être été bâti sur les ruines d'un camp romain, n'est pas encore tout-â-fait tombé.

(LE CHATEAU DE MONTREUIL-BELLAY - Marie Augustine Niveleau Grandmaison)

On y arrive par un pont en pierre placé au-dessus des fossés. Quelques poutres et des planches remplacent le pont-levis. Sous la voûte on aperçoit encore les coulisses destinées à faire jouer les herses.

Deux tours sont aux deux côtés de la porte, et à ces deux tours viennent se réunir les murailles qui environnent le château, toutes garnies de bastions très-élevés, et à peine dégradés. La première cour ressemble à une terrasse élevée sur une belle campagne.

A droite est la capitainerie, petit bâtiment où logeoient les capitaines d'armes, et l'église du château, aujourd'hui celle de la paroisse, parfaitement conservée. A gauche est le château neuf l'escalier est d'une forme élégante.

La cour intérieure, avec une multitude d'escaliers et de petites tours, présente un aspect singulier. Les salles sont très-gothiques avec des ornemens curieux. Des terrasses conduisent de la cour du château jusqu'au bas de la colline. Le château appartient aux La Trémouille.

Un des seigneurs de Montreuil, favori de Louis-le-Gros avoit eu levé d'une terre d'un des vassaux de Geoffroy-Plantagenet, comte d'Anjou, une jeune fille d'une rare beauté.

 Le comte d'Anjou, après plusieurs assauts inutiles, attaqua la place et la prit au bout d'un an. Le seigneur de Montreuil fut envoyé prisonnier au château de Saumur, et la tour fut démolie.

Elle est encore dans l'état où la laissa Geoffroy. Les restes de la tour ont environ vingt pieds de hauteur. On y entroit par un pont-levis dont on voit la porte. Au fond de cette tour qui dominoit tout le pays, on voit un puits, un four et un moulin à bras, et la porte d'un souterrain, l'entrée secrète de la forteresse.

 

De Montreuil on aperçoit la forêt de Fontevrault.

 Au milieu de cette forêt sont les ruines d'une des plus belles abbayes de France. On y trouve encore plusieurs grands corps-de-logis isolés, d'autres réunis par des galeries trois beaux cloitres décorés d'architecture, l'un avec des colonnes et les autres des pilastres, cinq belles églises dont l’une ressemble à une grande cathédrale des terrasses, des cours, de vastes jardins (6).

De petites cabanes avec des branches d'arbres avoient été les commencemens de cette riche abbaye aujourd'hui en ruines. C'est le seul ordre où !es hommes fussent soumis aux femmes. Fontevrault est aujourd'hui une prison.

Après la prise de Fontenay, les Vendéens vinrent à Montreuil-Bellay pour couper la communication des bleus de Thouars à Saumur.

Dans les jardins, près de la ville, étoit postée la division Bonchamp qui attaqua les républicains par le flanc et nous avons vu à la porte de Montreuil le lieu où M. de Donissan fit placer une batterie qui, démasquée tout à coup, jeta la terreur parmi les bleus qui venoient de Thouars à Saumur, ignorant que les Vendéens étoient maîtres de Montreuil.

 M. de Donissan a partagé tous les succès et tous les revers de l’armée. Après la déroute de Savenay il se sépara de sa femme et de sa fille en disant : Mon devoir est de rester à l'armée tant qu'elle existera, et sa mort fut digue d'une si belle résolution.

(Louis Charles de La TRÉMOILLE duc de Thouars (1838-1911))

Nous arrivâmes le soir à Thouars.

 Le lendemain, conduits par M. Jagault, frère de M. Pierre Jagault, secrétaire général du conseil supérieur de l'armée vendéenne, nous visitâmes cette ville remplie de souvenirs, et où nous retrouvions encore ceux de la dernière guerre.

M. Auguste de la Roche-Jacquelin y entra en 1815 avec le général Cannel. Avant le lever du soleil nous étions près du château, examinant toutes les anciennes positions de l'armée vendéenne quand elle s'empara de Thouars.

 C'étoit la première fois que M. de Lescure paroissoit au combat.

Thouars est bâti sur une éminence et entouré presque en entier par le Thoué (7), rivière profonde et qui coule au bas d'un coteau couvert d'arbres, de prairies, de maisons et de vignes.

D'une des galeries du château qui domine le pays, la ville basse et la ville haute présentent à gauche un amphithéâtre; à droite sont des collines chargées de pampres, et de jolies habitations s'élevant au-dessus de la rivière c'est le côté du pont Saint-Jean. Près du bac du château, l'aspect est très-riant.

Le Thoué coule entre deux collines.

Des prairies descendent jusqu'à la rivière des rochers sont jetés çà et là. Le village de Lignon est dans le lointain. C'est un vrai paysage, de la Suisse, animé par de glorieux souvenirs.

Là est encore le mur ou Henri de Laroche-Jacquelin monta sur les épaules de Texier de Courlay: la brèche est réparée.

Le château de Thouars est l'ornement du pays. Il est sur une seule ligne sa façade est à l'occident. Au centre est un donjon à balustrades, de la forme de celui des Tuileries : il pourroit servir d'établissement à un collège où l'on élèverait les fils des Vendéens morts dans les combats.

Il y a deux églises bâties l'une sur l'antre, et la seconde est appuyée sur un caveau ou étoient déposés les corps des seigneurs de La Trémouille.

Elles sont abandonnées. Des oiseaux de nuit voloient sous les arceaux. Le portail est orné de figures en relief et de ciselures. Les piliers qui soutiennent les trois voûtes sont des chefs-d'œuvre.

L'orangerie les esplanades les écuries, sont en petit celles de Versailles. Le grand escalier du château est orné de balustrades de très-beau marbre jaspé.

Les murailles qui entourent Thouars sont fort épaisses.

 Au nord, elles sont très-hautes, entourées d'un double fossé, flanquées de nombreuses tours rondes ou carrées, très-rapprochées les unes des autres. Quelques-unes sont en pierre de taille. Les autres parties des murailles ne sont garnies de tours qu'à de grandes distances, parce quête rocher qui les portées! très-escarpé.

(Thouars ; La Tour du Prince de Galles , Edouard de Woodstock dit aussi Prince Noir d'Aquitaine)

A l'extrémité de la ville opposée au château on aperçoit une grosse tour que le peuple appelle encore la tour du prince de Galles. On dit que le prince Noir y a logé.

Quelques- unes des portes de Thouars sont d'une construction singulière. Le temps où Thouars fut bâti est inconnu. Les Anglois ont enlevé tous les titres de la ville. On sait seulement qu'elle fut détruite dans le huitième siècle.

Les murs furent construits sous le roi Jean, restaurés pendant la ligue, par Claude de La Trémouille, deuxième duc de Thouars.

Les rues sont étroites et tortueuses.

Les fenêtres des maisons qui donnent sur les rues sont petites, placées très-haut et garnies de fortes barres de fer, ce qui prouve que cette ville doit son existence aux guerres civiles dont ce pays a été le théâtre (8)

On retrouve avec plaisir les souvenirs de Saint-Louis, des La Trémouille, des Clisson et de Duguesclin sur cette terre ou devoient paroitre, avec un descendant des la Trémouille, les Lescure, les la Roche-Jacquelin, les Bonchamp, les Cathelineau.

Saint Louis est venu à Thouars. Clisson et Dnguesclin l’assiégèrent le même jour, comme M. de Lescure et M. de la Roche-Jacquelin.

Quand on lit l'histoire du saint roi, du bon capitaine, du chevalier sans reproche Louis de la Trémouille, on croit lire une ancienne histoire des héros vendéens.

C'est à Thouars, après qu'il eut perdu son fils le prince de Talmont, que Louis de la Trémouille revint pour consoler son épouse.

 

Nous allons rapporter cette touchante histoire.

Après la bataille de Marignan, où la Trémouille, combattant auprès de François I, perdit son fils, le roi vint lui annoncer la mort du prince de Talmont.

« Je vous ai toujours connu, lui dit François I, magnanime et maitre de vous-même, ce qui me fait espérer que vous soutiendrez avec fermeté le récit de l'accident qui vient d'arriver à votre fils, et auquel nous sommes tous sensibles. II est mort sur le champ de l'honneur, et tout couvert de gloire. »

«  Sire, répondit la Trémouille, qui avoit pâli, et dont les yeux s'étoient mouillés de larmes, mon fils étoit mortel; j'aurois désiré qu'il eût vécu plus long-temps pour ma consolation et pour votre service. Pour moi je n'attends plus que la mort suivant l'ordre de la nature, elle devoit précéder la sienne; il ne me reste plus qu'à désirer qu'elle vous soit utile ».

La Trémouille ne donna aucune marque publique de sa douleur. Il écrivit lui-même à sa femme :

« Si j'avois pu donner ma vie au lien de celle de notre cher fils, ce seroit lui aujourd'hui qui vous consoleroit de ma mort. Nous avons perdu le fruit de notre mariage, l'espoir de notre maison, et l'appui de notre vieillesse, mais nous ne devons point perdre le courage ni la résignation aux volontés du ciel, à qui nous devons au moins le bonheur d'avoir possédé plusieurs années un si grand bien. Il est mort en héros, les armes à la main pour le service de la patrie et sous les yeux de son roi; c'est une fin trop noble pour y donner de trop grands regrets; cédez aux mouvemens de la nature, ils sont invincibles, mais résistez à ses foiblesses. Que votre douleur touche le ciel et mérite par votre soumission qu'il daigne nous conserver l'enfant de notre cher fils, en qui consiste aujourd'hui toute notre espérance. J'ose à peine vous écrire que je vous envoie le corps, vous coujurant, Madame, de lui faire rendre les derniers devoirs sans succomber à la douleur. Souvenez-vous de moi qui n'ai que vous à présent pour consolation; que je ne perde point la mère avec le fils, si vous ne voulez pas que je me perde moi-même. »

 La dame de la Trémouille manda toute sa famille et ne voulut pas se consoler parce que son fils n'etoit plus. « Je voudrois, répondit-elle à son mari, pouvoir suivre votre volonté en m'attristant moins; mais sans doute en vous obéissant je vous imiterois mal. Si vous existez encore, car à mon premier malheur se joint celui d'avoir à craindre le plus grand de tous faites-le-moi savoir. Vous m'envoyez le corps de mon fils; je souhaite de le voir parce que je souhaite de mourir, tant ma situation est affreuse. Comment pourrai-je soutenir cette vue? Je trouve en moi bien des désirs et peu de force; mon corps languit et mon âme n'est plus que demi-vive. Comment me soumettre aux ordres de Dieu et aux vôtres. »

Le seigneur de la Trémouille regarda celui qui lui apporta cette lettre, et lui demanda s'il étoit survenu quelque accident à madame de la Trémoille. Il prit la lettre et resta trois jours sans l'ouvrir, craignant sa douleur.

Le roi lui permit alors d'aller à Thouars. Il arriva et trouva madame de la Trémouille fort malade. « Vous venez, lui dit cette princesse, pour recevoir mes derniers adieux: je sens que je vais mourir ».

La Trémouille passoit les jours et les nuits auprès d'elle. On le voyoit répandre des larmes et redouter tes plaintes de sa femme, dit un historien (9) lui qui n'avoit jamais craint le bruit du canon ni le fer des ennemis. Enfin la dame de la Trémouille, se sentant mourir, l'appela. « Il y a, tai dit-elle, trente-trois ans que nous sommes unis, et je ne me souviens pas d'avoir commis aucune faute contre vous que celle qui me fait mourir. La mort de mon fils et la crainte de la vôtre cause la mienne, la foiblesse de ma nature l'a emporté sur la résolution de ma volonté; j'ai fait ce que j'ai pu, et la douleur a triomphé de moi. N'imitez pas ma foiblesse, et pardonnez-moi le chagrin que je vais vous causer. Aussitôt, tournant les yeux sur un crucifix placé près de son lit, elle récita un psaume à haute voix, demanda l'extrême onction et expira ».

Voilà la seconde fois, dit le seigneur de la Trémouillle, que, dans un âge peu avancé, je regrette d'avoir vécu trop long-temps; et rien ne pouvait apaiser sa douleur. 

Louis de la Trémouille étoit parti à l'âge de douze ans de la maison paternelle pour servir sous les ordres du sire de Craon son oncle.

A la bataille de Saint-Aubin voici la harangue du seigneur de la Trémouille ; «  Messieurs et frères d'armes, trop mieux nous vaut mourir en juste bataille guerre permise et au service de notre roi, qui est le lit d'honneur, que de vivre en reproches, persécutés de toutes parts de ceux qui cherchent notre dommage et destruction : déployons donc nos mains, ouvrons nos cœurs élevons notre esprit, échauffons notre sang, reculons la crainte; que l'amour de notre jeune roi tant bénin mansuet, gracieux et tant libéral, nous conduise, et qu'aucun ne tourne en fuite sons peine de la bart. Mieux vaut mourir en se défendant que vivre en fuyant; car vie conservée par faite est vie environnée de mort.

Charles VIII, dont la Trémouille avoit conduit l'armée à travers les Apennins, lui dit:  « Mon cousin, vous avez fait plus que ne surent onc faire Annibal et Jules César, au danger de votre personne que ne voulûtes onc épargner pour mon service et pour les miens. Je promets à Dieu que si je puis vous revoir en France les récompenses que j'espère vous faire seront si grandes que les autres y acquerront nouvelle étude de bien faire. »

Louis XII, que la Trémouille avoit vaincu à Saint-Aubin, l'invita à revenir à la cour, et le pria de lui être aussi loyal qu'à son prédécesseur. Paul Jove rappelle l'honneur de son siècle et l'ornement de la monarchie francoise.

Un autre la Trémouille, sons Charles VII, avoit été garde de l'oriflamme de France, et le roi l'avoit surnommé le vaillant.

 

Dans la guerre de la Vendée, l'héritier des la Trémouille, le prince de Talmont, se montra digne de leur gloire.

A Dol, à la tête de quatre cents hommes, il résista seul à l'armée républicaine, et contribua ainsi à la victoire. Comme les anciens chevaliers, il est fameux par ses grands coups d'épée.

Au Mans, défié par un hussard, il lui cria « Je t'attends, et il lui partagea la tête. Quand M. de Talmont fut pris, rien ne put ébranler sa constance. On le promena de ville en ville avant de le faire exécuter. On connoit sa réponse à ses juges: « Faites votre métier, j’ai fait mon devoir. »

Au commencement de la guerre, les gardes nationales de Parthenay (10) et d'Airvault (11) dèfendoient Thouars contre les Vendéens.

Parthenay, Airvault, Saint-Maixent (12), Niort (13), Melle (14), Chef-Boutonne (15), qui entourent la partie du département des Deux-Sèvres où le drapeau blanc fut arboré dès les premiers jours, avoient adopté comme Thouars les opinions républicaines.  

La guerre civile s'est renouvelée sous les murs de Thouars.

Il y dans Thouars une disposition hostile contre les Vendéens; et les paysans des environs ont pris les armes contre eux dans la première et dans la dernière guerre.

Ce qu'on appâte la Vendée militaire ne commence qu'un peu plus loin. Coulonge, qui est à quelques lieues de distance, est le village pour ainsi dire à la frontière des deux opinions. Aussi toutes ses maisons ont été brûlées.

Après Coulonge nous ne vimes presque que des landes jusqu'à Bressuire, que Duguesclin prit et saccagea dans les guerres contre les Anglois.

 C'est à Bressuire que nous allions vraiment découvrir le Bocage. Bressuire n'a de maisons habitables que les maisons neuves. A côté des maisons neuves il en est un grand nombre sur lesquelles on suit encore les traces du feu.

L'église de la ville et les ruines du château échappèrent seules à l'incendie.

En 1790 la population de Bressuire étoit de trois mille âmes; elle n'étoit pas de six cent trente en l'an 9.

 

Nous avons monté dans le clocher de l'église qui est très-belle et toute bâtie en granit; et de là nous avons découvert un vaste pays légèrement montueux, rempli de champs coupés par des haies et entourés d'arbres. C'est l'aspect de la basse Normandie et de quelques parties de la Bretagne.

L'enfant qui nous guidoit nom dit en nous montrant tout le pays qui étoit devant nous :  C'est là que, quand il s’agit de faire la guerre, il sort un brigand de chaque buisson.

Nous voulûmes ensuite visiter les ruines du château.

De nombreux pans de murailles, des arbrisseaux et des plantes jetés sur les murs, quelques arbres croissant dans les tours, des voûtes qui ne soutiennent plus rien, le lierre s'entrelaçant partout, des cours devenues des jardins, des oiseaux sinistres, une petite maison neuve bâtie au milieu de ces ruines avec les ruines mêmes, et le ciel qu’on aperçoit à travers des fenêtres restées entières, voilà tout le château de Bressuire; plus loin une église à moitié tombée, et quand nous arrivâmes, un nuage noir étendant sur toutes les ruines.

On pourroit trouver une image de la société actuelle, et de cette révolution qui semble menacer encore les débris qui lui ont échappé.

 

De Bressuire nous partîmes pour Clisson.

 Près de Bressuire notre guide nous montra le lieu où Bandry d'Asson, en 1792, conduisit au combat les premiers Vendéens. Il fut obligé de se cacher dans un souterrain avec son fils, et il reparut à la bataille de Torfou, où il périt.

Un domestique qui l'aimoit tendrement, le voyant tombé, se précipita sur son corps et le tint embrassé jusqu'à ce qu'il reçut lui-même le coup mortel.

Après l'affaire de Bressuire, en 1792, cinq cents paysans aimèrent mieux être fusillés que de crier vive la nation.

 On n'oubliera jamais ce mot sublime d'un paysan : Rends-moi les armes, lui disoit un républicain ;  rends-moi mon Dieu, lui répondit le Vendéen.

Le pays entre Bressuire et Clisson est très-montueux. On ne voit que des champs environnés de baies, des bois, quelques métairies, des moulins brûlés, de grandes landes couvertes de genêt, et des ravins, car on ne peut pas donner le nom de vallons à tontes les courbures profondes d'un terrain resserré entre deux coteaux peu élevés.

 Tout le pays est inégal. Il faut être près des villages pour les découvrir. Ils sont au fond du vallon on sur le penchant de la colline même.

A la Bouchetière, métairie qui est sur la route deux fils du métayer avoient été au champ des Mathes, et ni l'un ni l'autre ne sont revenus consoler la vieillesse de leur père. Ils ont péri en 1815, auprès de Louis de la Roche-Jacquelin.

Enfin nous entrâmes dans Clisson à travers de magnifiques avenues et quelques bois de beaux chênes qu'on avoit commencé à brûler. On s'est battu dans les allées de charmille, au-dessus dans le bois de l'Etoile.

Là nous devions trouver tous les souvenirs des Lescure et des la Roche-Jacquelin.

Là nous devions voir cette personne si fidèle, Agathe (16), des mémoires de madame de la Roche-Jacquelin aujourd'hui madame Cottet.

 

 

Victoire de Donnissan , veuve LESCURE , marquise de la Rochejacquelein

(1772 – 1857) Photo de garde.

 

DONNISSAN, veuve LESCURE. Marie-Louise-Victoire de Donnissan naquit le 25 octobre 1772.

Son père, Guy-Joseph, marquis de Donnissan et de Citran (en Médoc), grand sénéchal de Guyenne, né à Bordeaux en 1737, avait épousé Marie-Françoise de Durfort-Civrac, fille de Marie-Anne de Lafaurie-Monbadon.

Mlle de Donnissan, fille unique du marquis de Citran, épousa à Citran, le 27 octobre 1791, Louis-Marie de Salgues, marquis de Lescure, devenu l'année suivante général en chef des armées vendéennes, mort de ses blessures le 4 novembre 1793.

Avant d'aller plus avant et de mettre le pied sur ce grand théâtre où la Vendée va accepter comme un duel en champ clos contre la Révolution, il faut tâcher d'apprécier le caractère de Madame de Lescure à cette époque de sa vie.

 Était-ce une de ces natures intrépides qu'un penchant inné porte vers le péril, qui aiment les hasards de la guerre, les émotions de la lutte, et qui ne savent pas résister aux enivrements de la gloire? Était-ce une de ces femmes au coeur viril, comme on en rencontre quelques-unes dans certaines époques de nos annales, comme on en rencontre dans cette époque même? Il est plus commode de le penser, nous le savons, cela dispense de les imiter. On se dit que ce sont des organisations exceptionnelles, des héros auxquels la nature a donné par un hasard étrange, un corps de femme, mais qui n'appartiennent à leur sexe que par la forme.

Telle n'était point la vérité pour Madame de Lescure.

Nous l'avons entendue, dans les dernières années de sa vie, dire avec cette grâce charmante, qu'elle avait conservée jusque dans une extrême vieillesse, qu'elle était née... pourquoi ne le rappellerions-nous pas après elle? — qu'elle était née poltrone.

Et elle ajoutait même que comme elle avait dépensé dans sa jeunesse le peu de courage que la nature lui avait départi, il ne lui en restait plus et qu'elle avait peur de tout. Ce n'était pas là une simple plaisanterie.

On a vu de quelle terreur Madame de Lescure avait été saisie dans la journée du 10 août, comment cette peur dont elle n'était pas maîtresse, avait failli compromettre sa vie et celle de son mari.

Arrivée au château de Clisson, on la retrouve sous le coup de la même peur.

Son cousin Henry de La Rochejacquelein, qui avait enfin réussi à sortir de Paris, était venu à Clisson.

M. de Lescure et lui entreprirent d'apprendre à Madame de Lescure à monter à cheval. « J'avais une grande frayeur, dit-elle, et même quand un domestique tenait mon cheval par la bride, et que ces deux messieurs marchaient à mes côtés, je pleurais de peur, mais mon mari disait que dans un temps pareil, il était bon de s'aguerrir. »

"Voila la femme, la grande dame élevée dans les mignardises de la famille et dans les délicatesses des cours. Le bruit d'un fusil l'effraye, le mouvement d'un cheval marchant au pas lui fait peur.

Telle était encore Madame de Lescure quand elle arriva à Clisson. Quel sentiment pourra donc l'élever au-dessus d'elle-même? ce fut le sentiment chrétien du devoir. Elle a encore quelques jours tranquilles à passer, mais combien ces jours vont s'écouler vite !

Elle s'était établie à Clisson. Elle avait là nombreuse compagnie; de tous côtés, on s'éloignait des villes dont le séjour n'était pas sûr.

Outre le marquis et la marquise de Donnissan qui, venus de Paris avec leur fille, continuaient à habiter chez elle, Madame de Lescure comptait parmi ses hôtes M. de Marigny que l'on a vu à Paris avec M. de Lescure, un gentilhomme du pays fort lié avec la famille de Lescure, M. Desessarts qui habitait le château depuis longtemps avec un de ses fils et sa fille, la tante de Madame de Donnissan, soeur du duc de Civrac, naguère encore abbesse de Saint-Auxonne et qu'on avait envoyée chercher par M. Thomassin depuis qu'elle avait été chassée révolutionnairement de son couvent, enfin M. d'Auzon vieillard infirme et proche parent de M. de Lescure.

Bientôt, on l'a dit, Henri de La Rochejacquelein vint rejoindre son cousin à Clisson.

Il avait passé les premiers temps de son séjour en Vendée au château de la Durbellière dans la paroisse de Saint-Aubin de Baubigné.

Il l'habitait seul, car toute sa famille avait émigré ; cet isolement, sa qualité d'ex-officier de la garde constitutionnelle du roi, pouvaient faire craindre que l'on ne prit quelque mesure contre lui ; ce fut ainsi que M. de Lescure l'engagea à se rendre à Clisson où l'on vivait assez tranquillement.

Il faut ajouter à ces habitants du château, de nombreux domestiques dévoués à leurs maîtres, et partageant presque tous leurs opinions, sauf le maître d'hôtel et le valet de chambre-chirurgien de feu la marquise de Lescure, qui avaient donné dans les opinions révolutionnaires.

M. de Lescure les gardait par respect pour la mémoire et la volonté de sa grand'mère à laquelle ils avaient prodigué leurs soins, et qui les lui avait recommandés en mourant. On menait à Clisson une vie retirée et tranquille, en évitant d'attirer l'attention.

C'est ici le moment de présenter une observation qui aurait dû s'offrir à l'esprit de ceux qui ont vu, dans le soulèvement de ces contrées, le résultat des machinations du clergé et de la noblesse, et de leur action commune sur le fanatisme des paysans.

L'insurrection de la Vendée ne fut point une insurrection gratuite, tentée sans provocation et sans motif : nobles, prêtres, paysans attendirent que la persécution vînt les chercher. Le premier courage dont firent preuve les Vendéens, fut le courage de la patience. Les gentilshommes, retirés dans leurs châteaux, ne songeaient, comme on vient de le voir, qu'à se faire oublier, et les paysans ne demandaient que du repos. Mais lorsqu'on insulta la Vendée dans ses croyances, et qu'on voulut la violenter dans ses moeurs; lorsqu'elle eut compris que c'était un parti pris dans la Convention de l'écraser sous un niveau sanglant, les habitants des provinces de l'ouest se soulevèrent pour défendre les intérêts les plus sacrés qui puissent mettre les armes aux mains d'un peuple, la religion, le sentiment du devoir, le respect du droit et l'amour d'une liberté légitime.

Ce ne fut point des châteaux, ce fut des chaumières que partit le signal de celte guerre juste et honorable aux yeux des hommes, sainte aux yeux de Dieu ; et le bâton du voiturier Cathelineau précéda sur le champ de bataille l'épée de Lescure, Charrette, Bonchamps et La Rochejacquelein.

Dans ce temps où l'on parlait tant de liberté, il n'y eut qu'un lieu où l'on mourût pour la défendre : ce fut la Vendée.

Ce sera toujours dans les mémoires de la femme illustre dont nous essayons de retracer la vie qu'on ira chercher la description du pays qui fut le foyer principal où la guerre s'alluma, et le tableau des moeurs simples et patriarcales de ses habitants.

Le château de Clisson s'élevait dans le pays du Bocage, ainsi nommé à cause de son aspect boisé.

Le Bocage s'étendait dans une partie du Poitou, de l'Anjou et du Comté nantais, c'est-à-dire, pour ramener ces divisions de l'ancienne France aux divisions de la France actuelle, dans la Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, les Deux-Sèvres et la Vendée qui devait avoir l'honneur de donner son nom à toute la contrée insurgée pour la religion et la monarchie.

Rentrée en Bordelais après la pacification de la Vendée, la marquise de Lescure s'occupa de ses intérêts, gravement compromis pendant la Terreur.

C'est de Bordeaux qu'elle écrivait, le 7 vendémiaire an VII, la lettre dont nous reproduisons la signature. Elle consacrait son temps libre à la rédaction de ses Mémoires, devenus célèbres, où elle a retracé, outre les épisodes de son existence, la guerre de la Vendée, avec un tel talent, que cette véritable histoire de nos luttes intestines dans cette province, à une époque des plus troublées, compte dix-huit éditions.

En 1802, la jeune veuve se remariait à Citran avec Louis du Vergier, marquis de La Rochejaquelein, frère de Henri, autre grande figure de l’insurrection vendéenne, qui trouva lui aussi la mort en combattant les troupes impériales 5 juin 1815 à la bataille des Mathes à Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée).

Victoire de Donnissan, marquise de La Rochejaquelein, survécut de longues années à ces épreuves.

Elle s'est éteinte à Orléans le 15 février 1857, loin de son cher Bordelais, où elle avait marié sa fille Thérèse au comte de Pontac.

Victoire de Donnissan Lescure, Marquise de La Rochejaquelein - Fouilles du Château de Mallièvre <==

 

 

 Le château de Clisson a disparu. Il n'en reste plus quelques débris, la chapelle et une tour : image de la plupart des familles de France, qui n'ont plus que la foi et un nom glorieux

La une de la terrasse est belle. De vastes prairies entourées d'arbres s'abaissent par un mouvement presque insensible bientôt ce sont les plis d'un vallon, mais d'un vallon très-étendu; elles s'élèvent ensuite, et l'œil se repose sur de petites collines qui se prolongent des deux côtés de l'horizon.

Le pays est agreste plutôt que sauvage. Peu de clochers dominent la campagne. Le plus élevé est celui de Bressuire. Les coteaux prennent toutes les formes, et quelques-uns ont la pente la plus douce. Tous les champs, toutes les landes sont entourées de chênes et de houx, ce qui donne à la campagne une teinte singulière. Le vert est ici beaucoup plus foncé qu'aux environs de Paris et de Tours (17).

Près de Clisson est Boémé, paroisse admirable, ou il n'y a que deux hommes qu'on appelle patauds (18). Sur une des collines qui entourent Clisson on voit le joli hameau de Corbin. Il y avoit un petit château sur la colline, appartenant M. Desessarts. Toutes les ruines ici sont récentes et rappellent des maitres qui ne sont plus.

Le pays autour de Clisson a été dévasté. Mais ce qui est resté entier, c'est l'âme des Vendéens.

A Clisson, où les souvenirs de M. de la Roche-Jacquelin et de Mme de Lescure vivent encore, nous avons trouvé les premiers paysans vendéens qui nous aient parlé cœur ouvert.

Nous étions chez Mme de la Roche- Jacquelin. Leur confiance étoit entière. 

 « M. le maire, disoient plusieurs d'entre eux à M. Cottet au sortir de la messe, où nous avions été, nous voyons bien que ces messieurs sont des royalistes, puisqu'ils prient le bon Dieu. Voient-ils le Roi? Oui, ils le voient. Mais lui parlent-ils ? Peut-être. Qu'ils lui disent donc qu'on le trompe sur nous, que nous n'avons des armes et des cœurs que pour lui qu'ils lui disent donc aussi de nous envoyer nos sabres d'honneur et le portrait d'Henri IV ( c'est ainsi qu'ils appellent la légion d'honneur ). Ce n'est pas que nous n'ayons des sabres; mais nous tiendrons les autres de lui. « Je demandai à l'un d'eux s'ils se battoient pour le Roi au commencement de la guerre. « Et pourquoi donc aurions nous pris les armes? me répondu-il simplement, c'auroit été bien inutile. »

 Ils aiment à raconter ce qu'ils ont fait. Mais ils ne distinguent pas ce qui est héroïque dans leur conduite. Leur voix ne s'anime même pas dans les momens ou ils parlent de ce qu'ils ont fait de plus grand. C'est leur nature qui est généreuse.

« Des pensions ! nous disoit Mme Cottet, et que sont des pensions? croit-on que ce soit là ce que demandent nos Vendéens? Une pension meurt avec un homme. La Vendée a mérité des monumens publics. Que le roi crée un collège pour les enfans des Vendéens, qu'il place un arsenal au milieu de nous, qu'il y ait un monument à la gloire de la Vendée, voilà ce que disent les derniers de nos paysans. »

 On connoît ce mot d'un paysan à qui M. d'Andigné vouloit donner une gratification au nom du Roi: « Donnez-la à d'autres qui en auront besoin pour l'aimer.

Nous avons vu à Clisson un chef de division de Charette, aide de camp de M. Henri, M. Allard. ( M. Allard a assisté à cinquante-deux affaires. )

Je ne puis dire le plaisir que j'éprouvais à causer avec lui. « On n'a rien fait pour moi, il est vrai (parce que je me plaignois de l'ingratitude qu'on avoit envers lui), mais il me reste le souvenir de ce que j'ai fait. »

Il y a eu un moment vraiment singulier pour la Vendée. Madame de la Roche-Jacquelin même avoit été mise en surveillance, et ses parens ne venoient pas la voir de peur de la compromettre. On avoit empêché les Vendéens de crier vive le Roi, et on avoit fait ôter le drapeau blanc de quelques clochers.

« Comment peut-on nous empêcher de crier vive le Roi? Disoient les paysans. Les ministres du Roi le trompent, car s'il savoit combien nous l'aimons il est impossible qu'il ne nous aimât pas. Mais ils ont beau faire, ils ne feront pas que nous ne l'aimions toujours! »

Un officier de Waterloo disait à un officier vendéen qui avoit eu le bras cassé on me paie pour t'avoir cassé le bras. Si je n'avois pas été à Waterloo je n'aurois rien.

La trahison en effet sous le dernier ministère étoit récompensée, et la fidélité punie. On ne peut s'expliquer ce temps déplorable. Si le Roi n'avoit pas été sur le trône, les Vendéens auroient pu préférer les jours de leur dévouement et de leur péril, aux jours où les soupçons les plus odieux étoient accueillis par l'autorité,  et où des Vendéens étoient considérés comme des traîtres!

L'administration, dans ce pays, n'a pas été moins funeste à l'église ; il eût été si facile de ramener les dissidens ( ceux qui n’ont pas voulu reconnaître le concordat de 1801) ! Mais il sembloit que le ministère alors ne voulut pas guérir les plaies de l'église. Que dis-je! ne les a-t-il pas envenimées? on a vendu en 1814 des terres qui avoient appartenu au clergé, et dont Buonaparte avoit laissé la jouissance aux curés.

Le curé de Boémé (19) est un respectable ecclésiastique, les dissidens venoient en foule entendre la messe. On s'afflige d'une division entre des Vendéens, et le concordat de 1817 auroit tout fini, on ne l'a pas voulu.

Les autorités ont fait plus un tribunal a condamné un prêtre, le curé de Clazé, vieux et infirme, pour n'avoir pas donné la sépulture à un homme à qui il jugeoit devoir la refuser. Ce malheureux prêtre est contraint peut-être encore aujourd'hui de fuir de maison en maison, et dans les grâces faites à la Saint-Louis, son nom ne s'est pas trouvé. Les ministres du Roi très-chrétien n'ont pas su compatir au sort d'un malheureux prêtre qui pendant trente ans s'est dévoué pour Dieu et le Roi. On croit assez généralement que les prêtres qui ont passé la Loire sont tous dissidens.

Mais plusieurs curés qui ont suivi l'armée et qui depuis n'ont jamais quitté le pays ne le son pas. L'honneur est partout dans la Vendée, mais on voudroit que l'erreur n'y fut nulle part.

Nous admirions à l'église le recueillement de ces bons Vendéens, et rien ne nous a plus touché que la manière dont ils chantent le Domine salvum fac regem.  C'est un spectacle attendrissant en effet que de voir des Vendéens priant Dieu pour le Roi. Nous distinguâmes entre les autres Fonteny, qui, après avoir fait les premières guerres, s'est encore trouvé aux Mathes auprès de M. Louis de la Roche-Jacquelin, et Chardonnet, qui a tiré des coups de fusil au premier rassemblement qui eut lien dans la Vendée.

Fonteny est un des vingt-six hommes entourés dans le château de Vermet par quatre cents républicains, et qui parvinrent à se sauver. Fonteny fut blessé. J'ai vu son sourcil brûlé (20).

Dans ce noble pays le sang n'a pas cessé de couler pour le Roi, et le drapeau blanc, grâce à la Vendée, n'a jamais manqué de gloire.

 « Cette notre couleur blanche est signe de liberté, dit un vieil historien. »

 Je demandois à Chardonnet s'il étoit marié « Oui, monsieur, à ma carabine. Mais on veut vous ôter vos armes, lui disois-je. On n'y parviendra pas, monsieur: point de divorce, il n'y en a jamais eu dans la Vendée.

En 1814 on nous demanda nos armes, nous les déposâmes, et Buonaparte revint.

On veut donc taire quelque chose puisqu'on nous les demande encore «  La convention, me disoit un autre, contre laquelle nous avons combattu, n'a pas pu nous désarmer. Buonaparte, que nous inquiétions, ne l'a pas osé, et sous le Roi, pour qui nous les gardons, on voudroit le faire! Cette mesure a révolté toute la Vendée.

Ces braves gens sont si royalistes que tout leur langage porte l'empreinte de ce sentiment. Un paysan à qui un autre avoit sauvé la vie, nous disoit en nous le montrant:

«  Sans lui j'allois voir Henri IV. » Celui qui me parloit ainsi poyoit le prix de sa ferme â son maître caché et poursuivi. On peut dire que sur cinquante Vendéens qui ont porté tes armes, quarante- cinq ont été blessés, et trente l'ont été plusieurs fois.

Les soldats en retraite leur disent « Vous êtes des brigands, vous avez été au Marais. » «  Ils ne nous feront jamais fléchir, me disoit un paysan qui me répétoit leurs insultes, mais il faut avoir la foi bonne pour résister à ces gens-là, »

Leur foi est en effet le principe de leur royalisme, et une femme du peuple pleine de sens me disoit à Thouars, en parlant des Vendéens du Bocage : «  Là ils sont plus royalistes parce qu'ils sont plus retenus par les prêtres. » « Ah! Si Madame venoit, » répètent tous ces bons paysans.

Les Vendéens ont une justesse d'esprit admirable. On disoit à un de leurs chefs qui n'étoit pas gentilhomme « Vous servez la cause des nobles; ils vous abandonneront quand ils n'auront plus besoin de vous.- Je ne sers pas leur cause, leur répondit ce brave homme, mais ils servent la cause que je défends. »

Nous passâmes quelques jours à Clisson que nous quittâmes avec un grand regret. Nous nous éloignâmes de ces ruines que nous voudrions voir relever par un don royal. Ce serait là un don vraiment patriotique.

Le château de M. de Lescure doit être relevé par des mains royales.

 

Nous partimes pour Courlay.

C'étoit toujours cette multitude de champs plus ou moins grands, entourés de haies soutenues par des arbres; mais les chemins étoient plus profonds les champs moins étendus, les arbres plus touffus, les ruisseaux plus forts, et les terres exigeant un long repos, servent presque toujours de pâturages.

 On sent bien ici qu'on est dans le Bocage. Nous arrivâmes à Courlay ou nous voulions voir Joseph Texier. Puis-je me fier à eux, » demanda-t-il d'abord à Fonteny qui nous guidoit et sur sa réponse affirmative tout son cœur nous fut ouvert.

C'est lui qui en 1814 vint aux Tuileries, et qui disoit, à la vue des aigles et des N : « Rien n'est changé ici, nous n'y resterons pas long-temps. » Il refusa la croix de Saint-Louis, ne voulant pas, disoit-il, de récompense pour lui, mais pour ses compagnons.

 L'élévation de son âme et de son esprit nous étonna, « J'étois à leur tête pour les pousser, nous disoit-il en parlant des paysans qui servoient sous lui ; quand je dis pour les pousser, je n'en avois pas besoin, et pour cela il auroit fallu être par derrière. » « Vous aurez votre épée d'honneur, lui disions-nous.–Je ne m'inquiète pas de cela, pourvu que ma religion et mon Roi soient bien; c'est tout ce que j'ai voulu. Je lui demandai si les sentimens de tous les Vendéens étoient toujours les mêmes.

Il y en a beaucoup qui ont dérogé, me répondit-il.  Ah! Monsieur, les honnêtes gens deviendrons rares. Il faudroit que nous pussions confier nos enfans à de bonnes mains; mais aujourd'hui on ne leur apprend plus que la belle parole la religion, on n'y pense pas.

L'héroïsme, à Courlay, s'étend à toute la population. « Peu t'importe que je meure sur la paille, disoit une mère (21) à son fils désigné pour la conscription pourvu que tu ne serves pas le tyran. »

Il y a quelques paroisses dans la Vendée qui se sont distinguées entre les autres. Les paroisses de Trémentines et de May ont fourni treize cents hommes portant les armes.

Les femmes restoient pour faire partir les tâches. Elles ne donnoient pas de pain à ceux qui revenoient avec une pique, parce qu'ils ne rapportoient pas de fusils.

En allant à Saint-Aubin nous ne passâmes pas loin de Cérisay (22), du bois du Moulin-aux-Chèvres, de Châtillon (23), lieux illustrés par des traits du plus noble courage. Au Pin, village qui est sur la route de Saint-Aubin, sont les frères Vion.

Tous quatre ont pris les armes, tous quatre sont d'une piété admirable.  « Le cœur est toujours le même, me disoit l'un d'enx. » On trouve dans la Vendée très-peu d'hommes à opinions mitoyennes (24).

Nons arrrivâmes fort tard à Saint-Aubin-de-Baubigné, où nous devions voir mademoiselle Lucie de la Roche-Jacquelin, si digne de ses frères, et il n'est pas possible de rien ajouter à cet éloge.

Une scène admirable de l'histoire de la Vendée, c'est le moment où mademoiselle Lucie arriva aux Herbiers, à la tête de deux mille hommes.

Elle étoit partie, apprenant que ses frères étoient enveloppés an champ des Mathes, après avoir fait sonner le tocsin dans tous les villages et après avoir publié cette proclamation qui finit par ces mots :

« Vous verrez que je suis de la famille de ceux qui vous ont dit :

Si j'avance suivez-moi, si je recule tuez-moi, si je meurt vengez- moi. »

 Là elle rencontra quelques paysans qui conduisoient le cheval de son frère tué.

L'héroïsme de mademoiselle Lucie, ces soldats ramenant le cheval de leur général, la douleur de tous, quel tableau déchirant Mademoiselle Lucie revint à Saint-Aubin.

Jamais le Dontine salvumfac imperatorem n'a été chanté à Saint-Aubin.

Dans les cent jours, une fleur de lys est restée constamment an bout d'un mât. Dans toute la Vendée il y a eu très-peu de drapeaux blancs enlevés.

On ne trouve ici que le souvenir de M. Henri (25). Tous les paysans étoient de son armée. Aussi disent-ils :  Sous le règne de M.,Henri. « M. Henri, me disoit l'un d'eux, nous l'aimons entre tous. Jamais les soldats n'ont dit non à M. Henri. »

 Cet étonnant jeune homme est enterré dans le cimetière de Saint-Aubin avec son frère Louis.

C'est là que madame de la Roche-Jacquelin veut être ensevelie.

Nous nous sommes agenouillés sur un caveau qui renferme ces précieux restes, au pied d'une grande croix ou est attachée une couronne d'épines.

Hélas! la couronne des héros vendéens n'a été qu'une couronne d'épines. Le hasard s'est chargé d'écrire sur leur tombe leur épitaphe. Il y a fait croître en abondance la fleur qu'on appelle la fleur d'Achille.

 Rien n'indique d'ailleurs que là reposent deux héros vendéens.

On a cru dans ce temps-ci que leurs cendres ne pouvoient être mieux protégées que par l'oubli. Il y a peu de malheurs comparables à ceux de cette noble famille.

 Deux la Roche-Jacquelin ne sont plus. M. de Beauregard leur beau-frère a été tué dans les cent jours. Leur tante, qui était une femme d'un mérite rare, a passé des mois entiers entre des fagots. Elle disoit que le bruit du canon lui a fait quelquefois plaisir, par l’idée qu'elle n'étoit pas seule dans le monde.

 Dans ce village, les hommes se battoient, les femmes et les vieillards se cachoient, les enfans qu'on envoyoit sur la route avoient un cri connu de leurs parens quand ils apercevoient des bleus.

Nons voulûmes visiter les ruines du château de la Durbellière, où sont nés les trois la Roche-Jacquetin.

Les chardons remplissent la cour, de tous côtés on ne voit que des ruines. Quelques ceps de vignes couvrent de leurs pampres, mêlés à des ronces, le mur en ruine de l'orangerie.

Deux Vendéens qui travailloient dans la cour du château me parlèrent de son ancienne splendeur. Ils avoient vu M. de Lescure porté par quatre hommes après le combat où il fut blessé à mort, et M. de la Roche-Jacquelin, quand il fut tué à Nuaillé.

Toutes les ruines, tous les morts dans la Vendée ont encore leurs témoins.

La façade du côté du parterre est restée entière. Deux tours carrées avancent en saillie sur le corps du bâtiment. Il n'y manque que le toit mais en entrant du côté de la cour un n'aperçoit que de grands pans de muraille.

 Les ronces s'étendent partout, l'eau des fossés est couverte de plantes, les étangs sont tristes et abandonnés aux roseaux, des arbres sauvages croissent çà et là dans le parterre, les bois magnifiques qui entouroient le château ont disparu.

Il ne reste au lieu où est né un héros qu'une tour demeurée intacte comme son coeur. Elle est sacrée pour Nous, nous disoit mademoiselle Lucie ; c'est le seul endroit de la Vendée où jamais aucun républicain ne soit entré.

A côté de la Durbelliere est la lande des Ouleries, où Stoffet battit les bleus.

Je n'aurais jamais pu imaginer la simplicité des Vendéens avant de les avoir vus.

Je demandai à un paysan très-brave :  « Pourquoi ne passâtes-vous pas la Loire? » Il me répondit pas parce que les bleus étoient en force à Saint-Florent, mais parce que je n'osât pas.

Et leur noblesse d'âme, rien ne lui est comparable! La pauvre Vendée est fière, nous disoit mademoiselle Lucie.

Je demandois à un Vendéen pourquoi il ne réclamoit pas une pension, « non, me répondit-il, pas dans ce moment, les mains qui me donneroient ne sont pas assez pures pour des Vendéens. » Leurs expressions ont une grande naïveté.

Je priois un paysan de me faire entendre quelques unes de leurs chansons : «  J'ai eu tant de misère, me dit-il, que j'ai perdu mes chansons. Voici un compliment que l'un d'eux me raconta avoir fait un soir à M. Henri. Il est remarquable par la tournure.

Après une bataille ou Henri s'étoit surpassé lui-même; « M. Henri n'est pas plus gros que le pouce aujourd'hui, lui dit un de ses soldats. -Comment cela. - Si vous étiez plus gros, que le pouce, vous auriez été tué vingt fois aujourd'hui. » «  Dieu est la force des armées (26), me disoit un paysan en me parlant d'un combat où M. Henri ; étoit et quand il me raconta sa mort: «  Là nous perdîmes ce que nous avions de plus cher au monde. »

Tout ce qu'ils ont fait est encore vivant pour eux. Leurs expressions sont très-pittoresques. «  Quand M. Henri nous apparut dans Malière, nous disoit le grand Guignard, porte-étendard de l'armée de M. de Marigny, en commençant le récit de ce qui arriva après le second passage de la Loire.

C'est le même qui nous parloit ainsi: « J'ai le cœur bon et la justice en main, j'avois des guenilles à l'armée, je ne voulois rien prendre, et je gardois ce que j'avois. J'ai bien servi le roi, et il y a bien des gens qui vont mendier leur pain qui sont moins malheureux que moi.

Je n'ai que la vie et la santé; et je ne remercie que Dieu. Je vois bien que les choses rêvent à présent; mais pour tout sauver, s'il me fallait périr seul, me voici. »  Son mouvement en me disant cela étoit de s’élancer comme au-devant du canon. « Oh! Monsieur, j'aime toujours le roi, je combattrai toujours pour lui, mais les bleus reviennent trop. Sans doute il faut leur pardonner, mais il faut les régler. »

«  On parle d'union et d'oubli, ajoutoit-il, oui sans sans doute, mais il ne faut pas enfermer les méchans dans l'union, et il ne faut pas oublier ce qu'on doit punir » 

 « Aimez-vous les Bourbons, lui demandai-je? » «  Ah si je les aime, j'ai été tant maltraité pour ce nom. »

« Engage-toi pour la république disoit-on à Bibard de la Tessouale, pris à Fontenay, où quatre-vingt-deux hommes tinrent un moment l'armée républicaine en échec. -Non, jamais. -Mais tu périras. -J'aimerois mieux être écorché dix fois que de servir la république une heure. -Comment, tu aimes mieux être déshonoré, et déshonorer ta famille en montant sur l'échafaud. -Non, je ne serai pas déshonoré. Louis XVI mon roi, votre roi, car il est aussi bien le vôtre que le mien, a passé du trône sur l'échafaud sans déshonorer sa famille, et moi je ne suis rien et je mourrai pour lui. »

 Je n'ajoute pas un mot à ce que nous dit Bibard. Ce sont ses propres paroles, et on n'a pas besoin d'avoir entendu les paysans Vendéens pour croire à de tels discours; leur actions sont plus étonnantes encore.

« L'inexplicable Vendée, » disoit Barrère. Cet homme-là avoit raison. Un athée ne pouvoit expliquer l'héroïsme d'un chrétien.

D'ailleurs nous avons ouï les réponses d'un monstre, réponses tout aussi étonnantes dans le mal, que celles de nos Vendéens le sont dans te bien. Et celui qui a dit: le Tout-Puissant, le voilà, en parlant du bourreau, n'est pas moins surprenant que ce brave Lefort, qui avoit été à vingt-cinq combats, et qui me rapportoit sa prière avant d'y aller : «  Je demandois à Dieu de me prendre pour lui, et si j'échappais de rester toujours le même! Cela me remplissoit le cœur, et j'allois. » 

Bibard a reçu vingt et une blessures dans une seule affaire. Il aurait péri sans la victoire de Fontenay. «  Je ne désemparerai jamais, me disoit cet admirable homme, à qui on a d'abord donné 100 fr. pour tout secours.

Dans les récits des Vendéens on étudie leurs moeurs. « Quand ils nous attaquèrent à Fontenay, me disoit Bibard, ils étoient en foule comme au sortir de la grand'messe. » Le courage que les paysans Vendéens avoient déployé dans les premières affaires étonna tellement les soldats républicains qu'ils les croyoient tous prêtres ou nobles. Ils ne s'expliquoient leur dévouement que comme un acte de désespoir.

 

De Saint-Aubin nous allâmes à NueiI et aux Aubiers.

Notre nouveau guide avoit perdu ses quatre frères et sou père dans la guerre. Le pays est assez découvert. Près des Aubiers est un grand champ où Henri battit les bleus. C'est à peu près la vue de Clisson, mais d'un lieu plus élevé.

Les Vendéens étoient armés de bâtons et de faux; ils environnèrent la colline, et forcèrent les républicains à s'enfuir sur Bressuire. Nous avons été conduits sur ce champ de bataille par M. La Chesnay, chirurgien-major de l'armée royale, qui a guéri souvent, après le combat, les blessures qu'il avoit faites pendant l’action.

 C'est une de ces âmes ardentes et calmes, si rares ailleurs, mais qu'on rencontre souvent dans la Vendée. Le bois du Moulin-aux-Chèvres, où le sang a si souvent coulé, est sur la hauteur qui termine l'horizon.

Au-dessus de Nueil ces deux champs qui se détachent par leur couleur jaune, ce sont deux champs de bataille.

A gauche est Bressuire, où M. de Lescure étoit encore enfermé, quand Henri battoit les bleus aux Aubiers.

A droite est Saint-Aubin, demeure des la Roche-Jacquetin, dont le clocher s'élève sur cette contrée comme le phare de l'honneur.

Le pays est riant: on découvre peu de landes ; les haies sont plus éloignées les unes des antres, et un grand nombre de champs sont bien cultivés.

Derrière nous est Izernay, l'admirable paroisse des Ëchaubroignes, la Tessouale.

Quel pays que celui-ci! tous les noms rappellent la fidélité et la gloire.

En 1815, à l'affaire des Echauhroignes, on vit encore plusieurs Vendéens se mettre à genoux avant de courir au feu, et les femmes prioient le long des chemins.

Le village des Aubiers est beau, les maisons sont neuves, parce que le village a été brûlé.

II y a encore des halles sur lesquels Henri monta pour découvrir le champ dont nous venons de parler, et où étoient les bleus. C'étoit son premier combat.

Dans les rues nous avons vu passer, à côté de ces maisons réparées, des Vendéens blessés, plusieurs avec une jambe de bois. Ces blessures, on ne les adoucit qu'avec de la reconnoissance Une chose très-remarquable et particulière aux campagnes de la Vendée, c'est qu'on n'entend jamais parler, après la guerre, d'une insulte faite par un Vendéen à un homme qui a suivi un autre parti.

 

De Saint-Aubin nous partîmes pour Maulevrier.

La dévastation s'est étendue dans tout le pays. M. de Colbert a déjà fait rebâtir quarante-cinq fermes.

C'est dans son château, qu'on rebâtit aussi, que Stoflet étoit garde-chasse.

On a calomnié Stoflet. Stoflet avoit beaucoup de rudesse, et l’action qui a terni sa gloire doit lui être moins imputée qu'au curé de Saint-Laud.

Lorsque Stoflet arriva à Fontenay, madame***  lui montrait les portraits du roi et de la reine, Stoflet les baisait en fondant en larmes. Personne n'a suspecté son courage. Il étoit toujours aux premiers rangs.

Après le passage de la Loire, il dit ; «  C'est moi qui devrois être généralissime, mais je cède ce titre à M. de la Roche-Jacquetin. Le mot qu'on lui attribue, après la mort de Henri, n'est pas vrai.

 J'ai su par un paysan qui étoit témoin qu'il, dit seulement, quand il arriva à l'endroit où M. de la Roche-Jacquelin est tombé: «  M. de la Roche-Jacquelin est mort, mais les choses n'en iront pas moins. »

Voici les détails qui m'ont été donnés par M. Soyer, à Beaupréau, sur la mort de M. de Marigny et de Stoflet lui-même.

M. de Marigny fut pris dans une métairie près de Cérisay; Stoflet avoit promis à M. Soyer l'ainé qu'il ne lui seroit fait aucun mal, il lui en donna sa parole d'honneur. Le curé de Saint-Land arriva, eut avec Stoflet une conversation qui dura vingt minutes, et Stoflet envoya un capitaine pour fusiller M. de Marigny. Le premier envoyé n'avoir ordre que de l'arrêter. C'est là sans doute une grande tache à la gloire de Stoflet; mais il faut se rappeler que les trois généraux Charrette, Stoflet et Marigny s'étoient promis de ne pas s'abandonner, sous peine de la vie. Stoflet na témoigné beaucoup de regret depuis, et sa mort a expié cette action.

 Stoflet étoit à la Saugrière, paroisse de la Poitevinière, couché sur un matelas, dans un grenier, et il allait commencer un nouveau rassemblement.

M. Soyer venoit de le quitter avec M. de la Bérandière quand il entendit frapper à la porte, et prononcer le nom de Chatou, brave officier vendéen.  On ouvrit, et les républicains entrèrent. Stoflet voulut s'échapper et renversa deux ou trois hommes. Il reçut plusieurs coups de sabre, fut amené à Chemillé, et de là conduit à Angers, où il mourut avec beaucoup de courage.

M. Soyer entendit crier Vive la république! nous avons le général Stoflet. On envoya chercher un rassemblement commandé par M. Cady, qui étoit à une lieue et demie du côté de Beaupréau mais il arriva trop tard. On suivit les traces des républicains, et on ne put les rejoindre.

 Le secrétaire de Stoflet, M.Conlon, se cacha derrière un coffre, déchirant les papiers et les dépêches qu'on expédiait aux princes. Il a quatre blessures et le menton emporté.

 

De Maulevrier nous allâmes à Chollet.

Chollet est bâti en amphithéâtre sur une colline assez élevée. Des prairies descendent jusqu'à la Moyne, qui se jette dans la Sèvre à Clisson. De la promenade qui formoit autrefois les terrasses de l'ancien château du duc d'Havré, la vue s'étend au loin; une chaîne de collines termine l'horizon. Presque toutes les maisons de Chollet sont neuves vingt à peine ont échappé aux flammes. Les prairies étoient couvertes des toiles des manufactures de Chollet. Chollet compte sept à huit mille âmes; près de deux mille habitans de Chollet ont passé la Loire. il en resta tout au plus trente.

Des étrangers ont repeuplé la ville neuve. La grande route de Bourbon-Vendée passe auprès des murs. C'est à Chollet que les Vendéens trouvèrent Marie-Jeanne, pièce de huit en bronze, si célèbre dans la guerre.

 

De Chollet nous allâmes à Beaupréau

Nous nous arrêtâmes dans la lande de la Papiniere, où a commencé la bataille de Chollet. C'est cette bataille qui décida du sort de la Vendée. Les Vendéens étoient vainqueurs quand M.de Bonchamp et d Elbée furent blessés en même temps. Quoique frappé du coup mortel, M. de Bonchamp voulut remonter à cheval, mais il ne put se soutenir. Ses soldats formèrent un brancard et le portèrent à Beaupréau, où M. d'Elbée fut transporté de la même manière.

Dix mille Vendéens restèrent sur le champ de bataille. Henri se trouvoit alors chef de l'armée. Cathelineau n'etoit plus; Charrette combattoit ailleurs, et M. d'Elbée, M. de Bonchamp  et M. de Lescure, tous trois blessés, n'avoient plus que peu de temps à vivre.

Nous fûmes conduits dans cette lande par un capitaine vendéen, nommé Viau, homme plein d'âme et de sens.  

C'est là qu'étoit l'avant-garde républicaine; c'est là que M. de Bonchamp fut blessé à mort.

La lande est remplie de bruyères et de genêts épineux. La campagne an loin est couverte d'arbres. L'horizon est terminé par le Puy de la Garde, couvent de religieuses trappistes, d'où l'on aperçoit Angers.

A gauche est la forêt de Chollet et le May. Devant nous Trémentine, à droite Nuaillé. Toutes les métairies qu'on aperçoit sont nouvellement bâties.

 Nous nous détournâmes un peu de notre route pour aller visiter les trappistes de Belle-Fontaine. Nous en vimes plusieurs dans un pré, travaillant comme des hommes de journée, nous disoit une femme du pays. 

Un frère convers nous reçut. Il avoit une robe brune avec un capuchon. Il demanda à l'abbé la permission de nous conduire.  « Mon temps, nous disoit-il, n'est destiné qu'à l'obéissance. » Un frère vint le remplacer auprès de nous. Il avoit une robe blanche ceinte d'une courroie; un chapelet pendoit à son côté. On travailloit à rétablir une partie de l'ancien couvent. Nous vîmes le cimetière où une fosse reste toujours ouverte, une chambre où étoit un frère chargé de la direction des enfans, portant écrits sur sa poitrine, dans un morceau d'étoffe rouge, ces mots : Voluntas sancta Dei ;  puis la chapelle et le réfectoire ou nous lûmes ces inscriptions:

A la porte du réfectoire des frères convers:

« Servir Dieu c'est régner, »

A la porte de la chapelle

« Celui qui n'aime pas son frère demeure dans la mort. »

«  Heureux Seigneur, vos serviteurs qui sont toujours en votre présence, et qui entrent dans votre sagesse. »

Des prés entourent le couvent. Les ruines de l'ancienne abbaye sont de l'effet le plus pittoresque. Un calvaire est auprès, sur les bords d'un étang entouré d'arbres. Le terrain est fort inégal. Un grand nombre de croix sont répandues autour de la chapelle.

Les hahitans du pays viennent ici en foule. Nous vîmes rentrer les pères, nous entendîmes leurs chants dans la chapelle, nous assistâmes à leur dîner. Nous avions le cœur plein d'une tristesse qui n'est pas celle que le monde donne, quand nous quittâmes ce lieu. Il nous sembloit que nous étions sortis au moment de la vie.

De Belle-Fontaine à Andrezey la route passe dans un vallon délicieux. En se rapprochant de Beaupréau, la vallée s'élargit, les mouvemens des coteaux sont plus adoucis que ceux du Poitou.

 Au fond des vallons sont des prairies arrosées par un ruisseau qui forme mille contours. Ce n'est plus l'âpre Poitou : tout ici est plus riant.

 Le parc du château de Civrac domine le vallon par où nous sommes arrivés. Le clocher de la paroisse de Saint-Martin, célèbre par son amour pour le roi s'élève entre les arbres, à l’extrémité du coteau couvert de bois d'une verdure admirable.

 Au seizième siècle, le château de Beaupréau étoit une des demeures du prince et de la princesse de la Roche-sur-Yon. C'est là que dans la chapelle ils avoient préparé leur tombe, à côté de celle de leur fils, jeune prince d'une grande espérance, tué dans un tournoi.

 Cette tombe avoit été épargnée au milieu des horreurs de la guerre il étoit réservé à l'usurpation de la faire disparoître. On ne vouloit pas que les Vendéens pussent venir prier sur le tombeau d'un Bourbon.

Les restes des princes ont été religieusement recueillis, les débris du monument existent encore, mais la chapelle est devenue une salle d'audience, et sur le même emplacement s'est élevée une prison.

Le château a été brûlé, ainsi que vingt métairies autour. Dans ce château étoit la belle (27) Jeanne de Scépeaux, qu'un huguenot, la Rochefoucault voulut enlever.

Arrivé à une fenêtre de la tour, un des satellites y appuyoit déjà la main. La belle Jeanne prit une hache et la coupa. Les cloches du château, dit-on, se mirent à sonner toutes seules, et les vassaux arrivérent.

 Le cardinal de Retz a habité ce château lorsqu'il se sauva de Nantes. C'est là que, pendant les cent jours, un général de Buonaparte disoit qu'il falloit pour en finir, retourner de trois pieds le sol vendéen.

 Près de Beaupréau est la maison ou habitoit M. d'Elbée.

M. d'Elbée avoit un courage extraordinaire et calme.

Quand Noirmoutier fut pris, les bleus entrèrent dans la chambre ou étoit M. d'Elbée blessé.

 « Voilà donc d'EIbée, disoient-ils ? -Oui, répondit-il, voilà votre plus grand ennemi. Si j'avois eu assez de force pour me battre, vous n'auriez pas pris Noirmoutier, on vous l'auriez du moins chèrement acheté. »

Il fut cinq jours mourant et livré à leurs outrages. « Messieurs, il est temps que cela finisse, leur dit-il, faites-moi mourir, » Il fut placé dans un fauteuil, et on le fusilla. Sa femme voulut mourir avec lui.

Le pays des Mauges (28) qui, si l'on en croit la tradition doit son nom à la résistance qu'il opposa à César, et où a commencé la guerre de la Vendée, est à peu de distance de Beaupréau.

 C'est au Pin en Mange qu'habitoit Cathelineau avant la guerre.

Le jour où Cathelineau se mit à la tête des jeunes gens qui avoient refusé de marcher à Saint-Florent, il dit à sa femme : Je te confie à la divine Providence, je prends les armes pour la religion et pour le roi, adieu je pars.

« Jamais, dit Mme de la Roche-Jacquelin, on n'a vu un homme plus doux, plus modeste et plus vaillant. Il avoit une intelligence extraordinaire, une éloquence entrainante, des talens naturels pour faire la guerre et diriger les soldats; il étoit âgé de 34 ans; les paysans l'appeloient le saint d'Anjou, et se plaçoient, quand ils le pouvoient, auprès de lui dans les combats, pensant qu'on ne pouvoit être blessé à côté d'un si saint homme.

Aujourd'hui son fils est porte-étendard dans la garde. C'est un intrépide jeune homme qui s'est admirablement montré dans les cent jours, ainsi que son beau-frère Lunel, dont le courage étonna le général Detaage qui le fit mettre en liberté après l'avoir fait prisonnier.

Trente-six parens du jeune Cathelineau on de sa femme ont péri sur les champs de bataille. Deux qui restent encore sont couverts de blessures: l'un a une pension et l'autre n'a rien, et l'on paie l'arriéré des soldats d'Espagne.

Une des choses les plus déchirantes que j'aie entendues dans la Vendée, et que j'ose à peine rapporter, c'est le trait suivant: M. de Cathelineau alla dernièrement voir sa sœur et envoya chercher du pain blanc pour ses enfans; ils le prirent avidement et le mangèrent avec un morceau de pain noir, leur unique nourriture.

Un des cousins-germains de M. de Cathelineau a été tué dans la dernière guerre et a laissé un enfant de trois ans dans la plus grande misère. Voilà dans quelle situation sont les petits enfans et les parens du premier généralissime de la Vendée ! on éprouve sans cesse deux sentimens dans la Vendée, l'admiration et l'indignation.

On retrouva cependant encore des Vendéens en 1815.  L’amour est fort comme la mort.

Quand on apprit à Beaupréau, le lundi de la Quasimodo, le départ de M. le duc de Bourbon, les paysans faisoient tourner leurs bâtons en signe de fureur. Nous avons vu à Beaupréau un Vendéen qui avoit vendu le titre d'une pension qui ne portoit pas son prénom en disant qu'il paroissoit qu'elle n'étoit pas pour lui.

 Près de là est le village de Gété où trois colonnes de bleus furent battus après le passage de la Loire par la petite armée de Stoflet.

Nous trouvâmes à Beaupréau M. François Soyer. C'est le frère de M. Soyer, major-général de l'armée de Stoflet, et couvert de cicatrices.

(La Virée de Galerne – Octobre 1793, La Bataille de Fougères.)

Si Stoflet avoit écouté MM. Soyer, il ne se seroit pas séparé de Charrette et il n'auroit pas fait périr M. de Marigny. M. Soyer étoit à Fougères quand les Mayencais, en fuyant, entassèrent du bois des deux côtés de la route, et y mirent le feu.

Il n'y avoit qu'une ouverture pour les canons et les caissons, et une étincelle pouvoit faire tout éclater. Les Vendéens firent passer les canons an milieu des flammes pour ne pas perdre de temps. M. Soyer étoit aussi ce terrible combat de Laval, où l'on se battit la nuit.

 Les Vendéens s'avancèrent ; les Mayencais, qui s'étoient couchés pour éviter la décharge, se relevèrent quand les Vendéens furent plus près: Couchez-vous, dit Henri aux siens; les Vendéens se couchèrent à leur tour et le général ne le fit pas.

Henri fut seul un moment debout devant une armée. On se battit avec tant d'ardeur et de si près, que les Vendéens et les bleus prenoient des cartouches aux mêmes caissons.

«  Nos guerriers commencoient à s'étonner de la longueur et de l'opiniâtreté inaccoutumée de cette lutte à mort, disoit Barrère à la convention, en rendant compte d'uu engagement contre l'armée de Condé, quand le soleil levant fit apercevoir le drapeau blanc à nos bataillons, et leur apprit qu'ils avoient eu affaire à des Français. » Il pouvoit en dire autant à Laval.

Un des premiers rassemblemens de la Vendée eut lieu dans la cour du château de Beaupréau.

 C'est là que furent amenés les canons pris les premiers jours de la guerre. Plusieurs combats se livrèrent dans Beaupréau et dans les prairies voisines. Tous les chefs vendéens y ont fait quelque séjour.

C'est là qu'en 1814 on fit hommage à monseigneur le duc d'Angoulême du drapeau de Stoflet, percé de balles,  il l'accepta et le remit à l'ancien porte-drapeau, en lui disant qu'il le lui confioit, et qu'il ne pouvoit être en de meilleures mains : ce drapeau a encore guidé les Vendéens dans les combats en 1815.

 

 De Beaupréau nous revinmes à Chollet, nous prîmes une autre route ; nous passâmes par la Jubandière et Trémentine, paroisses admirables par leur dévouement au Roi.

 Le pays qu'ou traverse de la Jubandière au May et à Trémentine, est plein de vallons et de coteaux. Des hauteurs du May on a une vue très étendue. On aperçoit, d'un côté, le Puy de la Garde, abbaye de femmes trappistes d'où l’on découvre Angers, et de l'autre la forêt de Vezins, Nuaillé et Chollet.

 Dans la forêt de Vezins, l'armée de Stoflet avoit construit un hôpital. On y portoit de toutes parts tout ce qui étoit nécessaire pour les malades et les blessés; et, le dira-t-on à la honte des républicains l'armée vendéenne étoit obligée de veiller sans cesse sur ce lieu sacré, pour préserver de malheureux blessés de la mort que les bleus leur réservoient.

 Non loin de Vezins est Coron, ou M. de Biron, avec dix mille hommes, battit quarante mille bleus. C'est après cette bataille que M. de Biron, connu sous le nom de Lauzun, fut dénoncé à la convention et conduite l’échafaud. Il dit en mourant : Infidèle à mon Dieu, à mon ordre, à mon roi, je meurs plein de foi et de repentir. Il sut bientôt « quelle (29) servitude c'est que de commander à des rebelles parmi lesquels, outre que les meilleures actions ont besoin d'abolition, que les victoires sont des parricides, et qu'il n'y a pas seulement apparence de recevoir une mort honnête, il ne se peut encore ni apporter ni trouver de confiance, à cause qu'il y a du mérite à tromper, et qu'en quittant son parti on fait son devoir. »

Nuaillé nous rappelait les plus tristes souvenirs. C'est en quittant Nuaillé que Henri fut tué le 6 février. Nous vîmes la prairie où il est tombé, près de la grande route de Saumur à Chollet, à une lieue de Chollet

 Elle est aux trois quarts labourée. Quelques arbres sont jetés çà et là, et au bas est un chemin creux qui conduisoit à une ferme.

On n'avoit pas enterré Henri dans cet endroit même. Stoflet l'avoit fait porter de l'antre côté de la route. Il fut déposé au pied d'un arbre, et le paysan qui avoit creusé la fosse, avoit confié en mourant ce secret à sa femme.

Quand on fit la recherche des ossemens, cette femme indiqua ou on les trouveroit. On creusa, et il fut bien facile de les reconnoître à la grandeur et surtout au trou que la balle avoit fait dans le crâne. On vint les chercher de Chollet en grande pompe, et un service fut célébré dans cette ville.

(Vieux château de MORTAGNE pendant la Guerre de Vendée - Louis Sapinaud de La Verrie)

De Chollet nous vînmes à Mortagne.

 Mortagne est sur on des côteaux qui bordent la Sèvre. La Sèvre forme mille détours dans des prairies. Tous les bords de la Sèvre sont très-pittoresques. La route monte sur la colline opposée. Des ruines sont répandues sur les côteaux, et il y a un grand nombre de maisons détruites à Mortagne. C'étoit là et non à Bourbon qu’il falloit créer une grande ville. Les bois de Mortagne viennent s'unir à Saint-Légé. Les forêts sont devenues rares dans se pays, parce qu'on en a beaucoup brulé pendant la guerre, et que depuis on a employé beaucoup de bois de charpente pour la reconstruction des maisons et des moulins.

 Non loin de Chollet est le bourg Saint-Laurent, dans une situation très-riante, entre Mortagne, Chollet, Chatillon et la Verrie, entouré par quatre collines et par la Sèvre, que bordent beaucoup d'arbres d'un sombre feuillage; les flots y sont sans cesse brisés par les rochers et les petites îles qu'elle renferme.

(Sur les Pas du Père de Montfort (Saint Laurent sur Sèvre))

« Le père Montfort dit M. de Sapinaud (30), établit autrefois à Saint-Laurent deux maisons de religieuses; l'une de sœurs grises, nommées sœurs de la Sagesse, l'autre de Missionnaires. Les religieuses, qui avoient plusieurs hôpitaux dans la Vendée et même dans le royaume, secouroient les indigens et instruisoient les enfans.

Les missionnaires faisoient tous les ans des missions dans les bourgs et les petites-villes ou le zèle et les bonnes mœurs avoient éprouvé quelque altération. A peine y avoient-ils passé quelques jours, que les lieux devenoient les modèles de la contrée. Adoucir les rigueurs de la guerre, exercer leur bienfaisance (31) envers les deux partis, étoit l'objet continuel de leurs soins dans nos jours malheureux.

Leur maison, qui est vaste et jointe à un magnifique enclos, étoit le refuge de quiconque étoit dans le malheur.

A la bataille de Chollet, une colonne républicaine, arrêtée dans sa marche par celle du brave Piron, qui alloit se joindre à Bonchamp et d'Elbée, fut forcée de se replier vers Saint-Laurent, ou, sans les missionnaires, elle eût été exterminée par les paysans.

 Ils leur rappelèrent la clémence de Dieu et leur persuadèrent que conserver la vie à son ennemi est l'acte le plus agréable au Seigneur. La Providence les a récompensés; leur établissement est resté debout sur tant de ruines, et Buonaparte même t'a protégé et soutenu. »

Non loin de Mortagne, près du château de la Tremblaye placé sur une hauteur qui domine deux vallons, s'élève un grand cyprès qu'on aperçoit seul dans la campagne de la montagne de Limonier.

C'est là près de ce cyprès que M. de Lescure a été frappé du coup mortel. Monté sur un tertre comme Louis de la Rochejaquelein au champ des Mathes, il crioit : En avant, quand une balle l'atteignit près du sourcil gauche et sortit par derrière. On le nommoit le saint du Poitou et Cathelineau le saint d’Anjou.

 On a gravé ces mots des Psaumes au bas de son portrait, « Quand une armée en bataille s'avanceroit contre moi, je ne craindrois rien ». Le peintre a très-bien choisi le moment où il représente M. de Lescure.

 M. de Lescure s'étoit avancé seul à cinquante pas devant les paysans pour les animer, une batterie ayant fait sur lui un feu de mitraille sans qu'il fût blessé: «  Vous voyez, mes amis, les bleus ne savent pas tirer. »

 Les paysans se mirent à courir ; mais à la portée du canon ils aperçurent une grande croix et se jetèrent à genoux. Un de ses chefs de division vouloit les faire relever. « Laissez-les prier lui dit tranquillement le général, et lui-même unit sa prière à la leur. » M. de Lescure mourut après la bataille de Laval, entre Ernée et Fougère.

 Voici ses dernières paroles : «  J'ai servi mon Dieu et mon roi, mon âme est tranquille. »

 M. de Lescure avoit les vertus de saint Louis et son intrépidité. Il est mort comme lui. Qu'on lise dans Mme de la Rochejaquelein le récit de la mort de M. de Lescure, et dans Joinville les récits des derniers moments de notre saint Roi. «  En la nuit devant le jour qu'il trépassoit, dit Joinville, il soupira et dit à voix basse: « O Jérusalem ! ô Jérusalem! »  et le jour de lundi il tendit ses mains jointes au ciel et dit :  « Biau sire Dieu, aye merci de ce peuple qui ici demeure, et le condui en son pays, afin qu'il ne tombe en  la main de ses ennemis et qu'il ne soit contraint à renier ton saint nom. Et après il dit en latin a Père, je commant mon esprit en ta garde, et après qu'il eut ce dit, il ne parla plus, mais un peu de temps après trépassa de ce siècle entour l'heure de none, en laquelle le fils Dieu Jésus-Christ mourut en la croix pour la vie du monde. »

De la montagne des Alouettes (33) la vue est très-étendue. C'est l'infini, nous disoit notre conducteur. On apercoit, ajoutoit-il, le clocher de Saint-Martin de l’ile de Rhé, le château de Pierre-Levée des Sables, la flèche de la cathédrale de Luçon, la flèche de Fontenay, les hauteurs de Pouzauge, les côteaux de la Rochelle, et Saint-Pierre de Nantes.

Le pont Charron paroît à l'extrémité de cette vaste plaine, coupée de bois, de vignes et de prairies; c'est un horizon immense.

 Au pont Charron périt M. Sapinaud de la Veyrie. « Je suis naturellement poltron, disoit-il, mais l'honneur me dit, tu dois être là, et je sais y mourir ».

(Après leur échec devant Nantes, les chefs vendéens se réunissent aux Herbiers le 6 septembre 1793 (élection de Charette))

 Nous descendîmes aux Herbiers. Nous trouvions partout des châteaux ruinés. A peu de distance des Herbiers une prairie vient finir à la grande route, et ferme, par son aspect riant, un triste contraste avec les débris d'un beau château.

Nous avons vu à la Gaubretière M.deSapinaud, neveu de celui dont nous venons de parler. M. de Sapinaud, commandant de l'armée du centre, étoit entré dans Nantes avec Charette.

 Quand les événemens de Quiberon mirent de nouveau les armes à la main aux royalistes, M. de Sapinaud fit avertir le général républicain, campé près de Mortagne, qu'il l'attaqueroit, et le lendemain il l'attaqua-et le battit. Il fut toujours ami de Charette.

En 1814, il avoit préparé la Vendée à une nouvelle insurrection. Les Vendéens devoient se trouver le lundi de Pâques au rendez-vous désigné, et le mardi reprendre le drapeau blanc.

En 1815, il fut nommé généralissime après à mort de Louis de la Rochejaquelein.

 

 

Des Herbiers nous allâmes à la Rochelle;

 nous passâmes aux Quatre-Chemins (1), au camp de la Patte d'Oie, à Chantonnay, au pont Charron, et il étoit nuit quand nous étions à Marans.

Aux environs de Chantonnay demenroient MM. Jallais de la Boucherie, sept frères qui servoient dans la légion de Damas.

C'est là que fut détruit le bataillon nommé le vengeur, qui se vantoit de n'avoir jamais épargné aucun Vendéen. C'est près de Chantonnay que fut gagnée la bataille de la Guérinière, un des premiers triomphes des Vendéens.

A Chantonnay, nous avions quitte le Bocage et nous étions entrés dans le marais de Luçon pour nous rendre à la Rochelle.

La Rochelle (34) est une place très-importante pour la Vendée, et propre à lier ses opérations avec celles du Midi.

 La Rochelle pounrroit être en effet la tête de pont de Bordeaux, l'arsenal de la Vendée et son appui. Aux environs de la ville il y a de fort jolies maisons.de campagne.

(Le port d’Aliénor d’Aquitaine : Voyage dans le temps des Templiers et Hospitaliers de la Rochelle.)

Le port est petit, le bassin très-beau; les tours qui forment l'entrée du port d'un bel effet. On y remarque quelques hôtels et l'église de Saint-Barthélemi. J'eus une conversation fort curieuse avec un Rochellois sur la Vendée qu'il n'aimoit pas, mais dont il faisoit un grand éloge sans le vouloir. «C'étoit un gouffre que la Vendée. Les plus belles armées sont venues s'y anéantir. Ces gens- là se croyoient invulnérables, ils prenoient les canons avec des bâtons et des sabots. -Comment, Monsieur! loi disois-je, avec des bâtons.- Oui, l'on en trouvait beaucoup sur les champs de bataille. Jamais armée n'a fait de pareils prodiges. Voilà pourtant ce que peut le fanatisme ! » Depuis la perte de Saint-Domingue les grandes fortunes de la Rochelle ont disparu ; aussi le commerce y languit, et au lien de trente mille habitans qu'on comptoit à la Rochelle avant la révolution, il n'y en a plus que treize a quatorze mille.

Près de la Rochelle, à la marée basse, on voit encore les restes de la digue que le cardinal de Richelieu avoit fait construit Elle avoit sept cent quarante toises.

On fait remonter l'origine de la Rochelle jusqu'à Charlemagne.

Le port actuel n'étoit, il y a cinq ou six siècles, qu'un très-petit enfoncement que la mer commencoit à creuser.

La Rochelle n'étoit d'abord, dit un ancien historien, qu'un simple bourg et village, habité de pauvres pêcheurs, gens de labeur et commun peuple. L'Arioste, décrivant dans l'Orlando les aventures de la reine de Galice, la fait pousser par les vents sur des écueils qui hérissent les côtes de la Rochelle, lieu désert, où l'on ne voyoit, dit-il, qu'une montagne dont le sommet étoit exposé aux tempêtes. Il n'y a qu'une chaine de falaise haute de vingt pieds. On voit souvent les goélands s'approcher de la côte; c'est un signe de tempête. La Rochelle est au fond d'un petit golfe qui lui sert d'avant-port. Le hâvre, à l’embouchure duquel sont deux tours, est à couvert du vent du midi par la pointe des Courcilles, jetée naturelle qui rompt la violence des vagues. La première enceinte des murs de la Rochelle est due à Guillaume, duc d'Aquitaine, dixième du nom; telle quelle est aujourd'hui, elle a été construite en 1689, sous Louis XIV. Auparavant il n'y avoit que le front da côté de la mer. Tous les antres côtés ne présentoient que des débris depuis la prise de la Rochelle.

Près de la Rochelle sont les iles de Rhé et d'Oléron. Il est probable qu'elles ont été détachées du rivage par la mer.

 On nomme le Pertuis d'Antioche l'espace qui se trouve entre elles il est d'environ six mille toises. Dans l'espace de deux cent soixante-huit ans, la mer a mis un intervalle d'une grande demi-lieue entre l’ile d’Oléron et le rocher d'Antioche.

 Le contour de l’ile de Rhé est de quatorze lieues et demie. Elle a près de six lieues de longueur, et sa largeur est irrégulière.

Là est la petite plaine d'Ars, où le prince de Soubise fut battu en 1624.  

En 1627, la citadelle de Saint Martin fut détendue contre les Anglois avec une étonnante intrépidité par Thoiras, qui sauva l’ile de Rhé et le pays d'Aulnis. Il y avoit vingt mille habitans avant la révolution.

L'ile d’Oléron six lieues de longueur, et dans sa plus grande largeur, près de deux lieues. La Rochelle (35) est le chef-lieu du département de la Charente (36).

De la Rochelle nous revinmes à Marans.

De Marans jusqu'à Lacon (37) il n'y a qu'une vaste plaine très-fertile, conquise sur les étangs.

Près de Luçon nous vîmes le champ de bataille où les Vendéens furent battu M.de Charrette combattoit ce jour-là avec la grande armée.

Ce pays est tout-a fait séparé par les opinions de la Vendée. « Ils ne connoissent pas de bon Dieu dans les marais près de Luçon, me disoit un paysan ».

En allant à Bourbon- Vendée nous retrouvâmes le Bocage à quelques lieues de Luçon. Le Bocage recommence en effet à Marenil, avec ses coteaux, ses rivières, ses châteaux pittoresques.

Marenil est un joli bourg sur le Lay. Un château et une église remarquables sont à l'entrée.

 

A Lucon, nous avions vu un champ de bataille; à Mareuil nous retrouvions des mines. C'est bien là la Vendée (38).

La route de Bourbon-Vendée, autrefois la Roche-sur-Yon, passe sur un coteau garni d'arbres et de pampres. II y a de jolies prairies à Marenil et de jolies maisons. Les environs de Bourbon sont rians.

La rivière de l'Yon serpente dans les prairies. Il pleuvoit. Je retrouvais l'aspect des sommets des montagnes. Il y a, à l'entrée de la ville, un château ruiné, d'un fort bel effet. Nous entrâmes dans Bourbon-Vendée, qui nous surprit singulièrement.

On reconnoit d'abord une ville bâtie par Bonaparte. Une place immense, quelques beaux édifices, de belles maisons çà et là, des pierres amoncelées, des lignes tracées, des plafonds  d'or et d'azur; les tribunaux avec une architecture grecque; l'Eglise à demi bâtie, et tout le pays qui entoure la ville rempli de chaumières ruinées, de châteaux démolis, les propriétaires logés dans leurs anciennes écuries ou dans les dépendances de leurs châteaux.

 

Nous étions dans le pays de Charette, et sur le théâtre de la dernière guerre.

Dans la Vendée, chaque pays est distingué par le nom de son chef; on dit le pays de Bonchamp, le pays de la Rochejaquelein, le pays de Charrette.

On retrouve donc à Napoléonville ( nom que Buonaparte avoit donné à Bourbon-Vendée ) les souvenirs de Baonaparte et de Charrette. Eh bien qu'on compare Buonaparte, ce fils de la révolution avec le général Charette. On verra le vrai grand homme dans le général royaliste. Voyez l’un à Waterloo, à Leipsick, à Moscou, et l'autre dans les bois de la Citaboterie. Buonaparte se livrant aux Anglois, et Charrette répondant  à madame de la Roche-Lépinais qui lui offroit un asile sûr en Angleterre. « Je n'irai jamais chercher un abri en Angleterre. Si j'acceptois vos offres, que deviendroient ces gens qui m'entourent; ils périroient seuls, je veux périr sur cette terre et au milieu d'eux. »

Poursuivis depuis quinze jours, ses compagnons furent bientôt obligés d'abandonner leurs chevaux, ils voulaient que Charette gardât le sien : mon sort est lié au vôtre, leur dit Charette, nous ne sommes plus que des compagnons d'infortune. Un de ses soldats le voyant dans un grand danger, lui donna son chapeau, et prit le sien où était son panache blanc: «  Sauvez-vous, lui dit-il, ils me prendront pour vous et me tueront. » Quand Charette fut pris, il avoit le bras en écharpe, une barbe longue, la figure couverte de terre.

Après son jugement, on lui fit parcourir toutes les rues de Nantes ou il avoit passé triomphant après l'amnistie. Un curé constitutionnel étoit venu dans sa prison. Il s'étoit confessé. Mais l'ingénieuse piété de sa soeur lui avoit préparé une consolation, on lui avoit fait savoir la rue, la maison et la fenêtre où un prêtre catholique devoit se trouver un mouchoir blanc à la main. Charette passoit fièrement dans les rues de Nantes, quand il arriva au lien indiqué, on put s'apercevoir à sa tête inclinée, à l'expression d'humilité de tous ses traits que Charette s'abaissoit devant la seule puissance qu'il reconnut alors en France, celle de Dieu. Il reçut la bénédiction du prêtre, et arriva sur la place d'armes.

On s'approcha de lui pour lui bander les yeux « Non, je ne crains pas la mort (39), je veux voir mon ennemi jusqu'à la fin, et portant la main sur son cœur: Allons, feu, quan l’on a su vivre, on sait mourir. Vive le Roi. »  La chapelle de la Merci étoit près de l'endroit où est tombé Charette.

 Rien n'est comparable à la constance de Charette. Il disoit souvent « Je me défendrai en soldat et mourrai en chrétien. » Charette habitoit une de ses terres située non loin de la Garnache. Il étoit à table quand les Vendéens de Machecoul vinrent le presser de se mettre à leur tête. « Le sort en est jeté, dit-il, on veut que j'arbore le drapeau blanc, je le suivrai jusqu’à la mort; mais je vous déclare que je saurai punir les lâches qui l'abandonneront. » II a tenu parole. « Mes enfans, disoit à ses soldats Charette toujours en avant je veux perdre le nom de Charette si le roi ne vous récompense pas. Charette faisoit ses attaques de nuit, pour que la déroute fût moins funeste. Les paysans connaissoient les chemins.

Voici une de ses harangues, telle que me l'a rapportée un paysan de son armée : « Vous êtes chrétiens, vous vous battez pour votre Dieu, pour votre roi. Notre roi nous porte tous dans son cœur, et notre Dieu veille sur nous. » Il aimoit ses soldats comme ses deux bras, me disoit le même paysan, et tous auroient passé le feu pour le joindre. « Au bourg du Brouzils, une balle lui traversa le bras près de l'épaule sans qu'il donnât aucun signe de souffrance, et il pleura la mort de Guérin. Il disoit en parlant des troupes de Stoflet : « Si j'avois des soldats comme les siens, j'irois prendre à dos les troupes de la république sur le Rhin. »

« On n'oubliera jamais, dit madame de la Rochejaquelein, que ce général blessé, poursuivi d'asile en asile, n'ayant pas douze compagnons avec lui, a inspiré encore assez de crainte aux républicains pour qu'on lui ait fait offrir un million et le libre passage en Angleterre, et qu'il a préféré combattre jusqu'au jour où il a été saisi pour être traîné au supplice. »

Après la mort de Charette, tant fut fini dans la Vendée (40).

Nous allâmes au Petit-Bourg, chez M. Voyneau. Une des soeurs de M. Voyneau, madame de Montsorbier, a suivi constamment l'ambulance de Charette, toujours soignant les blessés. C'est là que des gentilshommes vendéens me disoient en parlant des paysans : « Nous ne pouvons pas parler de ce que nous avons fait quand nous voyons l'héroïsme de ces gens là. » Il est établi parmi les paysans que quand on a une cartouche on peut aller au combat.

Du Petit-Bourg nous vînmes aux Gats, chez madame Guerry-de-Beauregard, soeur de MM. de la Roche-Jaquelein, et dont le mari a péri dans la dernière guerre. Une de ses filles a épousé l'un des trois MM. de Chabot, qui se battoient tous trois dans les cent jours. Nous trouvâmes aux Gats M. de Marans chef de division en 1815. A tout l'héroïsme des paysans nous retrouvions unis en lui l'urbanité et l'honneur de la noblesse françoise, et M. de Clabat, officier vendéen, loyal et brave comme ils le sont tons, qui nous accompagna au marais ou il combattoit dans les cent jours.

Il y avoit dans h dernière guerre un assez grand nombre de vieillards de soixante-dix ans, et un vieillard de quatre-vingt-seize ans qu'on refusa de recevoir dans l'armée, qui voulut rester dans un clocher pour sonner le tocsin, et quand tous les paysans furent partis, il gardoit les munitions. Des pères conduisoient leurs fils et ne vouloient se retirer qu'après leur avoir appris la guerre (41).QnandM. de Marans alla annoncer aux paysans qu'on vouloit commencer la guerre : pour demain, nous seront prêts, fut leur seule réponse. Un grand nombre suivit l'armée sans fusils. On leur disoit: «  Mais vous n'avez pas de canons. Nous en prendrons encore avec nos bâtons. » Une jeune paysanne mariée depuis 15 jours, après avoir fortement engagé son mari à partir, disoit qu'elle ne l'auroit jamais revu, s'il n'avoit pas fait la guerre.

« Ici tout est cour pour la royauté, me disoit un jeune Vendéen, » « Les Bourbons ne connoissent pas encore tout ce que ce pays est pour eux, me disoit un autre. Les ministres invoquent la charte, pourquoi n'invoquent-ils pas le bon Dieu et la Sainte-Vierge. »

C'est aux Gats que je vis Jean-Lefort, dont j'ai déjà parlé, et qui a été à vingt-cinq combats. Il avoit conduit ses deux enfans dans la dernière guerre. Sa politique étoit toute dans ce principe que les divisions entre les chefs avoient encore plus gravé dans son esprit Il faut un homme qui fasse tout obéir, c'est comme dans une famille. »  « Tout se gâte, ajoutoit-il, aujourd'hui les jeunes gens qui sont allés avec Buonaparte parlent sur le père et sur la mère. L'ingratitude endurcit le cœur. Les royalistes sont rejetés, les républicains accueillis, l'autorité soutient les jacobins, (Qu'on se rappelle que ceci étoit dit à l'époque où la loi des élections étoit défendue par les ministres du roi, et où le mot religion était retranché des lois.) « Les jacobins veulent ôter M Monsieur, ils s'introduisent de place en place, de bureau en bureau. Comme l’eau, ils pénètrent partout peu à peu. Si on les laisse faire, ils seront vainqueurs; mais ce qui est injuste ne peut durer.

Il me disoit, en parlant de la première guerre : «  Tout le pays fut soulevé en huit jours. C'étoit un orage. Alors on brûloit tout, on outrageoit tout du côté des bleus, de notre côté, tous les jours on présentait sa vie pour le Roi. » Il peignoit ainsi le temps actuel : « La révolution a déposé sa lie, c'est ce temps-ci. »  Je lui parlais de la dernière guerre. «  Ah! monsieur, il avoit des gens qui se trainoient, mais moi je sais né dans la religion, je veux y périr. »  « Qu'avez-vous gagné, me disoient des patauds l'autre jour. -Et vous, avez-vous gagné l'honneur, leur ai-je répondu.»  «On nous parle d'oubli, monsieur, mais il faut au contraire garder un souvenir ferme contre ces gens-là jusqu'à la mort, pour se préserver de ce qu'ils ont fait. Il composoit le discours qu'un prince devroit leur adresser : « Vous voilà, mes chers amis, vous avez combattu pour la religion et le roi, vous serez tous reconnus».

Ce bon paysan avoit rencontré le discours que leur auroit fait Henri IV. C'est lui qui nous apprit qu'en 1791 les paysans avoient déjà dit aux gentilshommes: « Mettez-vous à notre tête. » Il parloit avec attendrissement de Charette et de ses maîtres. « L'humanité, la religion, le bon cœur, me disoit-il, voilà la famille Chabot

MM. de Chabot vivent à côté de leur château ruiné ou trois fois on a mis le feu. Ils ont perdu une grande fortune et ils crient vive le Roi au milieu de leurs ruines. » Le rétablissement de la conscription a affligé les Vendéens. Cependant quelques-uns sont entrés dans la légion de la Vendée. Un entre autres se présentoit au lieutenant- colonel. Il étoit fort petit, on vouloit le mesurer. C'est de la tête au cœur, dit-il aussitôt, qu'il faut mesurer un Vendéen »

Le chenil des Gats a servi de quartier-général à Charette. Tout le château avoit été brûlé. Il est réparé aujourd'hui. Nous revînmes ensuite aux Quatre-Chemins, où, dans dix combats les Vendéens furent dix fois vainqueurs; c'est là que Joli, qu'on appeloit le vieux Joli, traversa toute l'armée républicaine avec un manteau bleu ; il disoit aux républicains qu'il alloit examiner les dispositions des brigands ; il vint se concerter avec Charrette, et traversa une seconde fois toute l'armée.

C'est ce Joli qui, apprenant, à la prise de Léger, que son fils étoit frappé d'un coup mortel, court à son secours; dans ce moment, ses soldats viennent lui dire qu'ils ont fait un de ses enfans prisonnier parmi les bleus, et lui demandent ce qu'il ordonne: « De le fusiller, répondit.il (42) »

 II fit cette réponse sans détourner les yeux de son autre fils qu'il arrosoit de ses pleurs et tenoit mourant dans ses bras. Joly n'étoit pas vendéen : il n'étoit que royaliste. On ne dit pas qu'il eut de la piété. Ceux qui, dans la Vendée, n'étoient pas chrétiens, n'avoient que les vertus des héros de l'antiquité.

Nous passâmes ensuite près du chêne Girard, lieu du rassemblement de l'armée du centre, commandée par M. de Sapinaud. Nous voulions voir MM. de Chabot.

Enfin, nous arrivâmes chez M. de Chabot, père des trois MM. de Chabot dont nous avons déjà parlé. C'est une famille échappée à un autre âge, et on n'a pas su employer ces trois nobles jeunes gens, qui ne demandoient qu'à continuer à servir Dieu et le Roi. Mademoiselle de Chabot, fort jeune encore, se rappeloit Charette.

(Relation du passage de Bonaparte à Montaigu en 1808)

 Elle l'avoit vu; et elle se souvenoit fort bien de son panache blanc. Prise par les bleus à Montaigu, elle disoit tout bas vive le Roi à sa nourrice qui répétait son chapelet.

Le château de M. de Chabot seroit facilement réparé. Ce château a appartenu à Catherine de Rohan. Henri IV disoit, dans une harangue au parlement ; «  J'ai remis les uns en les maisons dont ils étoient bannis, les autres ont la foi qu'ils n'avoient plus. »

(Abbaye de La Grainetière, l’abbé Antoine François Prévost - l’âme de Manon et le chevalier des Grieux)

Des fenêtres du château on voit l'abbaye de la Genetière, où se rassembla la première armée composée de quarante mille hommes qui partit pour Chantonnay en disant son chapelet.

Près de là est la commune de Vandraine, où dans un seul jour soixante-trois femmes, enfans ou vieillards, furent égorgés par l'armée républicaine.

Nous retournâmes aux Gats pour aller dans le Marais, et M. de Marans et M. de Clabat nous accompagnèrent. Des Gats au Poiré, nous traversâmes la forêt, puis la route de Bourbon à Nantes.

Le Poiré est sur une hauteur, une chapelle détruite est à l'entrée, de là à Aizenay le pays est toujours coupé, c'est le Bocage. Aizenay est une petite ville sur la route des Sables à Nantes.

En remontant sur la route du côté de Nantes, on aperçoit Saint-Christophe de Ligneron, où les chefs en 1815 se réunirent, et où l'on délibéra pour savoir si l'on iroit au Marais. La vue est très-belle, et le pays ressemble à une forêt immense. Sur la route des Sables s'élève le Calvaire, au pied duquel périrent M.de Beauregard et Luvic de Charette.

 Tous les Calvaires dans la Vendée sont rétablis. Les Vendéens se sont hâtés de les rebâtir à neuf avec les ruines de leurs maisons. Ludovic avoit refusé du duc d'Havre des gardes et de l'argent en partant de Paris, et il lui avoit dit :  « Dans la Vendée, mon nom, mon cœur et mon bras me suffisent »

Quand les Vendéens furent surpris par Travot (43) à Aizenay, Ludovic fut atteint du coup mortel. On vouloit le faire retirer. « Non, non, dit-il, tant qu'une goutte de sang coulera dans mes veines et que mes paysans auront de la poudre à tirer, je commanderai le feu. Il étoit couché tenant un mouchoir sur sa plaie. Il encourageoit ses soldats et leur crioit sans cesse : « Vengez-moi, et jurez d'obéir à M. de la Rochejaquelein. »

Enfin il perdit connoisssance et on l’enleva du champ de bataille. Il expira quelques jours après, à l'âge de vingt-sept ans. Après lui son frère continua de se battre à la tête des Chouans.

Le Calvaire, vis-à-vis de la Maronnière, château ruiné, au milieu de prairies délicieuses, sépare l'endroit où Charette tomba du lieu on mourut le beau-frère de M. de la Rochejaquelein, M.de Beauregard, à l'âge de soixante ans. Une balle lui avoit traversé le corps, et un coup de sabre avoit tendu sa tête.

 D'Aizenay, nons allàmes à Coex, de Coex à Saint-Gilles.

Nons passâmes à côté de l'Aiguillon, dans l'endroit ou Travot vouloit forcer le passage pour s'emparer des objets dm premier débarquement.

 A l'Aiguillon le drapeau blanc étoit dans l'endroit le plus exposé au feu. Vingt paysans furent tués en le portant. Celui qui étoit frappé étoit remplacé à l'instant par un antre. Ces héros étoient commandés par un homme digne d'eux, M. de Puytesson.

Nous n'apercevions plus que de grandes landes terminées par la mer. Avant Saint -Gilles nous vimes des vaisseaux à l'horizon. La mer étoit d'un bleu superbe; la lune palissoit et le soleil se levoit.

Saint-Gilles est une jolie petite ville, en face est Croix-de-Vic, et la rivière de Vie est dominée par des dunes recouvertes d'ajoncs.

Les bancs de sable mouvant qu'on rencontre de Croix-de-Vie jusqu'à Saint-Jean-de-Mont, sont transportés du sein de la mer par les vents d'ouest et de sud-ouest qui soufflent avec beaucoup de violence ; dans quelques endroits ces amas de sable forment des dunes on monticules de quinze ou vingt mètres de hauteur perpendiculaire. Les progrès de ces dunes sont effrayans près d'Olonne et de Saint-Gilles. Le pin maritime ou l'ajonc suffisent pour arrêter ce fléau. Sur toute la côte, la mer ne forme pas d'anse assez profonde pour offrir des abris aux navires. Les ports des Sables et de Saint-Gilles sont leur seul refuge dans les temps d'orage.

(Hutte – Bourrine, la Maison du MARAIS Poitevin Vendéen )

Nous avons voulu voir le lien où Louis de la Rochejaquelein débarqua. Nous visitâmes ensuite le lien ou il périt. De grands espaces sablonneux, d'anciens sillons remplis d'herbes, quelques arbres, quelques maisons Hanches, très-basses à cause des vents de mer, des bourines, espèces de cahutes couvertes de jonc, des dunes dans le lointain, et au bas d'un fossé une pierre entourée d'immortelles qui croissent au hasard ; voilà les Mathes. Sur cette pierre on lit ces mots: Ici fut tué et couvert de terre Louis de la Rochejacquelein.

 Quand Louis tomba, le général Canuel, qui étoit auprès du moulin où périt le jeune Guigues (44), vit en même temps M. Auguste de la Rochejacquelein, qu'une balle venoit d'atteindre à la jambe, chanceler sur son cheval. Là fut tué aussi un homme de soixante-dix-hnit ans qui avoit accompagné son fils pour lui apprendre la guerre.

 

Des Mathes nons allamnes près de Saint-Jean-de-Mont, chez M. Robert.

Nous suivions les fossés du Marais. Le Marais a huit lieus de longueur. La largeur est comprise entre Saint-Jean-de-Mont et Soulans. On peut comparer le Marais avec ses innombrables canaux aux plaines de la Lombardie. Le marais est sans cesse menacé par la mer. Mais des dignes protègent chaque dessèchement; des canaux garantis du flux de la mer par les écluses construites vers leur embouchure, portent à la mer les eaux de la pluie. Ces grands canaux communiquent avec de plus petits, et ceux-ci avec les fossés de clôture qui séparent les différentes propriétés.

Les propriétaires se réunissent tous les ans pour s'assurer des moyens les plus propres à garantir le Marais. Les habitans du Marais sont très-forts. C'est une race d'hommes particulière. Le Marais peut fournir dix mille hommes à la cause royale. Quarante mille hommes le cernèrent sous Charette; mais ce qui rend ce pays inexpugnable, c'est la facilité de lâcher les écluses et d'inonder le pays. Le Marais est couvert débarques dans l'hiver, et on traverse les fossés à l'aide d'une grande perche dans l'été.

Sur la côte du Marais sont les iles de Bouin, de Noirmoutier et d'Yeu. A l’ouest de l’ile de Bouin et du continent, on aperçoit file de Noir-Moutier (45).

Nous allâmes à Saint-Jean-de-Mont, où Baonaparte vouloit établir au collège pour les fils des Vendéens, puis chez M. Robert où nous fûmes reçus comme des frères. M. Robert est un preux chevalier. Sa franchise n'a rien d'égal que son intrépidité. Dieu et le roi: cette noble devise de la Vendée mérite aussi d'être la sienne. Sous le dernier ministère sa maison étoit surveillée par des gendarmes. C'est sons ce ministère qu'on lui a oté sa place d'inspecteur des côtes, de receveur; on l'a ruiné pour récompenser son dévouement. Jamais, sous Buonaparte, on n'avoit fait de visites domiciliaires chez les Vendéens ; un ministre du roi les a commandées. Le nom de ce ministre est plus odieux aux Vendéens  que les noms les plus funestes de la révolution et de l'empire. Il a soupçonné leur dévouement et accusé leur loyauté. M. Robert voit d'un côté la mer et ses dunes recouvertes de quelques lichens et de quelques plantes qui croissent dans le sable, de l'autre le Marais avec ses maisons basses et ses toits aux tuiles scellées avec de la chaux. Dans l'hiver les vaisseaux abordent d'un côté et les barques de l'autre.

De Saint-Jean-de-Mont nous allâmes au Périer, lieu où M. de la Rochejaquelein fut enterré après le combat des Mathes et où M. de Clabat vint chercher son corps. La mer mugissoit, le clergé, le peuple étoient sur les barques, et les canons laissés dans le Marais tiroient par intervalles. Nous passâmes à coté de Challans et de Saint- Christophe-du-Ligneron, de là à Soulans. Eu avant d'un petit bois, non loin de Soulans est un champ couvert d'ajoncs ou une pierre énorme à plusieurs peintes semble encore dressée pour le sacrifice des Druides. La république étoit un dieu plus terrible que le dieu des Druides. Elle avoit demandé le sacrifice de la Vendée, et ses adorateurs se sont empressés d'entasser les victimes dans ce malheureux pays.

De Soulans nous vînmes Comequier, puis chez M. Gotet, chef de la cavalerie de Charrette, â qui nous demandâmes cette hospitalité sue les Vendéens savent si bien accorder. M. Gotet est plein d’enthousiasme pour Charette. Il nous a donné beaucoup de défaits curieux sur ce général. Son fils est sous-lieutenant depuis deux ans, et il n'est pas employé. Craint-on aussi le dévouement héréditaire!

 De chez M. Gotet nous vînmes à Lanoue, puis à Apremont, où nous remarquâmes les restes d'un vieux château fort. La situation est très-pittoresque.

De là à Aizenay, dont les environs sont très-rians. D'Aizenay à Bourbon par Venesault. Les ajoncs et les genêts couvrent tous les champs de ce pays.

De Bourbon, nous passâmes au bois de la Chaboterie où Charrette fut pris, non loin de la Roche-Servière où en 1815 périt M. de Suzannet, un des preux de la Vendée, et deux nobles frères d'armes, MM. Durean et de Cambourg. Modèles de toutes les vertus chrétiennes, ils rappeloient les anciens croisés par leur dévouement religieux.

Dès 1814 ils étoient  prêts à verser leur sang pour la cause sainte. Après avoir suivi le roi à la frontière avec sa fidèle maison militaire, ils accoururent dans la Vendée. A peine eurent-ils le temps de dire un dernier adieu à leurs jeunes épouses et à leurs enfans au berceau. Il trouvèrent une mort glorieuse sur le pont de Roche Servière, et ces deux frères d'armes, si unis dans cette vie par une sainte amitié, furent réunis dans la mort.

(Le château de Belleville sur Vie et ses premiers Seigneurs)

 Nous traversâmes Belleville, où Charette rangea ses soldats en bataille devant M. de Rivière et leur demanda ce qu'ils vouloient que M. de Rivière rapportât au roi de leur part l'armée entière cria vive le Roi et Charette dit à M. de Rivière : « Ce que vous venez d'entendre est leur réponse et la mienne »; et Montaigu, où furent écrasés tes restes de t'armée de Mayence échappés au combat de Torfou.

 

C'est à Torfou et à Montaigu que la grande armée vint secourir Charette. «  Où est l'enneni, demanda M. d'Elbée à Charette lorsque la grande armée le rencontra à quelques lieues de Chollet. – Il suis mes traces, répondit Charette voyez ces tourbillons de fumée. » Torfou étoit livré aux flammes.

Nous arrivâmes à Nantes à l'entrée de la nuit. Le lendemain nous allâmes à la Dennerie. Rien n'est plus riant que les bords de l’Erdre.

La Houssinière, Belle-lle, les ruines du château du duc de Rais, frère du duc de Bretagne, et surnommé Barbe-Bleue, la Dennerie, la Gacherie, qui appartenoit à l'écuyer de Barbe-Bleue et qui est aujourd'hui à la famille de Charette, toutes ces maisons répandues sur les coteaux qui s'élèvent sur les deux rives de l'Erdre, rendent son aspect le plus délicieux qu'on puisse imaginer. Ce sont en petit les bords de la Saône. Une eau tranquille, des bois, des rochers, des prairies, des maisons charmantes.

 

Nous voulûmes voir aussi de l'autre côté de Nantes le rivage de la Loire, témoin des noyades.

On nous dit que les Trapistes venus d'Angleterre descendirent dans cet endroit même, et quand ils surent où ils étoient, tousse mirent à genoux et prièrent pour ceux qui n'etoient plus. Ils remontèrent ensuite an milieu de la nuit la rivière de l'Erdre pour se rendre à la Meilleraie, où ils sont aujourd'hui. Une croix étoit sur leur bateau, et ils chantoient des hymnes à la gloire de l'Eternel. L'abbé est un homme d'un rare mérite. « Je puis tout dire, répète-t-il quelquefois, on ne rendra ni mon pain plus noir ni ma couche plus dure ». On lui parloit d'un changement de ministres. « Ou a changé de médecins, mais non pas de remède. »

Dans un premier voyage que j'avois fait à Nantes, j’avois vu Clisson qui en est éloigné de 6 lieues. Après avoir passé les ponts, on trouve le faubourg dont Charette s'était emparé. La route jusqu'à Clisson est peu variée, le pays est assez ouvert. J'étois heureux de fouler cette terre de liberté et d'honneur. Je demandois aux enfans que je rencontrois qui ils étoient, pour leur faire répondre: Vendéens. Je vis au Pallet les ruines de la maison d'Abeilard où Héloise mit au monde un fils d'une ai rare beauté qu'elle le nomma Astralabe, astre brillant. J'arrivai enfin Clisson-la-ville.

Clisson est situé an confluent de la Moyne et de la Sèvre nantoise. Ces deux rivières, dit l'auteur de la notice historiques sur Clisson, roulent l'une et l'autre travers un rocher de granit, qui oppose des obstacles continuels à la rapidité de leur cours. Dans la Moyne, ces accidens forment à chaque pas de superbes cascades; mais dans la Sèvre, qui est beaucoup plus large et plus profonde, la grande différence des niveaux y produit des chutes-d'eau d'un effet imposant. On ne peut se lasser, en suivant ces rivages sinueux et quelquefois escarpés, d'admirer l'heureuse variété de ces sites et le jeu brillant de ces eaux dont les nappes transparentes vont avec impétuosité et avec fracas se briser contre des rocs énormes. Tantôt cette rivière traverse en serpentant des prairies émaillées de fleurs, elle semble alors s'y reposer de ses chutes violentes, et quitter à regret les ombrages délicieux qui couvrent ses rives. Des chênes sont répandus sur ses bords. A chaque pas des rochers écroulés, couronnés d'arbres verts, couverts de mousse et de lierre, sont comme suspendus à une hanteur prodigieuse. »

Du plateau le plus élevé du bois de la Garenne, au milieu des rochers, au pied des vieux chênes, on voit la Sèvre au bas du vallon, et la ville sur plusieurs collines avec ses maisons bâties à l'Italienne et ses ruines anciennes et ses nouvelles ruines, les maisons brûlées par les bleus, et ce vieux château de Clisson (46) avec son donjon, ses tours, ses créneaux et son architecture moresque. Ces tours abandonnées, ces vestibules furent habités autrefois par un connétable de France et le dernier duc de Bretagne, François II, père de la duchesse Anne, qui fut deux fois reine de France.

 Ces portes en ogive, ces doubles herses, ces triples ponts-levis, ces galeries, sont livrés au silence, aux oiseaux de proie et aux ronces, et le lierre et les plantes sauvages croissent sur ses murailles et recouvrent des inscriptions et des vers.

Nous citerons encore la notice historique sur le château et la ville de Clisson : « Qu'est devenue cette cour galante de Francois II? que reste-t il des fêtes brillantes que ce duc de Bretagne donnoit dans cette enceinte à la belle Antoinette de Villequier? où sont les armées royales et les nobles cortèges qui accompagnèrent dans ce château Philippe-Auguste, le preux Louis IX, la prudente Blanche de Castille sa mère, le farouche Louis XI, le conquérant Charles VIII, le père du peuple Louis XII, le magnanime François Ier, la reine Eléonore, le sombre Charles IX, et cette altière Catherine de Médicis?

Que sont devenus les souverains de France et de Bretagne qui visitèrent ou habitèrent cet antique manoir? Ce donjon ou tout respiroit l'effroi est à moitié écroulé, et le soleil éclaire maintenant l'intérieur de ces prisons dans lesquelles Jean Ier, duc de Bretagne, victime de la plus noire trahison, expia par une détention horrible la perfidie de son père envers le connétable de Clisson.

"On voit encore les ruines de cette chapelle où labelle Marguerite de Foix, dite sein-de-lis, mère de la duchesse Anne, reçut la foi de François II. Mais ces chevaliers renommés, ces héros fameux, ces souverains illustres, ces femmes célèbres, ces armées formidables, tout a disparu! et ces fiers remparts qui résistèrent jadis au fougueux duc de Bretagne Jean Ier à la valeur de Henri IV, à l'ambition et aux armes du duc de Mercœur, ont été livrés eux-mêmes à la destruction par le temps, l'insouciance et les ravages de la guerre de la Vendée. »

 D'une des tours da château de Clisson (47) où les bleus plaçoient une sentinelle pour éviter les surprises des Vendéens, la vue est immense.

(Clisson - Le Château pendant révolution française, lors des guerres de Vendée.)

Au milieu de la cour est un if. Il croît sur un puits taillé dans le roc. Ce puits, extrêmement profond, a été comblé avec de malheureux Vendéens.

Nous regrettâmes de ne pas aller à Tiffauges par Torfou.

C'est, dit-on, un des lieux les plus beaux de la Vendée.  

 

Sur les ruines du vieux château de Tiffauges)

A Tiffauges nous aurions vu M. de la Bretèche, qui fait le plus noble usage de sa grande fortune, et qui s'est fait admirer dans la dernière guerre. C'est à Torfou qu'un soldat de la paroisse de Thouarcé traversa toute une colonne de bleus pour aller tuer le premier cheval attelé au premier canon qui passoit sur le pont de Torfou et arrêter ainsi l'artillerie en encombrant le pont. Il revint après avoir tué le postillon avec un pistolet qu'il lui arracha. C'est là que demenre Subileau.

 On connoitra suffisamment Subileau après ce que je vais raconter. Au combat de Roche-Servière, il se trouva avec un de ses cousins, entouré dans un champ par une troupe de bleus qui les attaquèrent. Le cousin de Subileau, se voyant dans un si grand danger, fut tellement frappé de terreur, qu'il se laissa tuer sans se détendre. Pour Subileau il se battoit toujours, alors les bleus lui dirent :  « Tu es un brave, rends-toi, on ne te fera pas de mal. »  Subiteau, épuisé de fatigue, se rendit. Quand les bleus le virent désarmé, ils se jetèrent sur lui, le percèrent de coups de baïonnette et de coups de sabre; un officier passa, et il fut indigné de voir cinquante hommes s'acharner sur un seul qui n'avoit pas d'armes.

 Il le prit sous sa protection et le fit conduire dans une maison du bourg. On le coucha sur une paillasse près d'un bleu blessé. Deux autres bleus gisoient dans un antre lit. Cette chambre avoit déjà renfermé plusieurs blessés, et le sang ruisseloit sur le plancher. Les deux bleus qui, étoient dans le même lit se plaignoient bien haut, et moururent bien tôt l'un après l'autre. « Celui qui étoit à coté de mot, dit Subileau, se plaignoit plus doucement; il disoit: « Ah ! je souffre bien, mais pas encore assez! Las! que je souffre….. Ah ! si une âme charitable pouvoit me donmer à boire! » moi j'entendais; je me dis: Je pourrais prendre la cruche où l'on m'a fait boire; mais je ne pas me lever. Je me roulai et je me laissai tomber du lit sur le côté gauche, parce que mon bras droit n'étoit pas blessé. Je pris la cruche quand je fus à terre, je tournai le bras, et je la lui donnai. Il but! il but! puis il me la rendit en disant :  «  Ah! Dieu ne peut pas avoir pitié de moi; mais si pourtant j'allois en paradis, tenez mon ami, je prierais Dieu pour vous; je vous remercie. » Et il mourut en disant cela. Je me dis Bon voilà un homme qui se reconnoit, il parle de Dieu. Et je priai Dieu pour lui. Je restai toute la nuit par terre dans le sang de ces trois morts et de ceux d'avant. Le lendemain une femme vit couler du sang par-dessous la porte, elle rouvrit, me trouva dans la chambre, et je fut soigné.

Subileau conservé le chapeau tout troué qu'il avoit ce jour-là. Ne pouvant plus s'en servir il l'a accroché au mur de sa chambre, ce qu'il appelle lui avoir donné les Invalides.

De Nantes, nous allâmes à Prinquiaux par Savenay; nous voulions voir le lien ou s'étoient refugiées madame de la Rochejaquelein et madame de Donissan, sous des habits de paysannes.

 Nous suivimes la Loire jusque vis-à-vis de Paimbeuf. La Loire est très-large au moment de se jeter dans la mer. Nous n'étions plus qu'à six lieues de la Basse-Bretagne.

 Non loin de là M. de Coisbu commandoit les Bretons dans les cent jours. Le nom de Cadoudal étoit encore une fois exposé aux dangers et à la gloire. Les Bretons se montroient dignes des Vendéens, et ces deux nobles provinces vengeoient l'honneur de la France.

Les rives de la Loire sont très belles près de cette paroisse de Prinqniaux, étonnante par son dévouement. Ces Bretons-là ne sont qu'un cœur et qu'une âme avec les Vendéens.

A Prinqniaux quand on montât envoyer un intrus, tous les paysans armés de pierres et de faux se placèrent devant l'église, et déclarèrent que jamais un prêtre constitutionnel n'y entreroit.

C'est dans la chapelle de Prinquiaux qu'on tira sur les paysans rassemblés dans l'église. Près de là on remarque à peu de distance de la route deux monticules; dans l’un sont enterrés les Vendéens, dans l'antre les bleus.

C'est à Savenay que furent anéantis les Vendéens de l'armée qui avoit passé la Loire.

Nous revînmes à Nantes, où nous vîmes le château, la fenêtre par où le cardinal de Retz s'échappa et l'église de Saint-Pierre.

Un Prussien conduit dans les tours de cette église, et à qui on montroit la Vendée de l’autre côté de la Loire, leva son chapeau en disant :  « Salut, terre de l'honneur et de la félicité. »

C'est dans cette église qu'est le tombeau de François II et de Marguerite de Foix sa seconde femme; ils sont représentés couchés. Trois anges soutiennent les coussins sur lesquels reposent leurs têtes; à leurs pieds sont un lion et une levrette.

Autour du tombeau sont les douze apôtres, saint François, sainte Marguerite, Charlemagne et saint Louis. Aux quatre angles du tombeau, quatre statues de grandeur naturelle : la Prudence, la Force, la Tempérance et la Justice. Cet ouvrage est d'en sculpteur d'Italie ( Paul Ponce Trébati ), au commencement du seizième siècle.

Nous allâmes sur la place de Viarme, à l'endroit ou Charette a été fusillé. Ses ossement furent tranportés dans champ, sar la route de Rennes, et ce champ est encore labouré (48). Ingrata patria !

Nous avons visité l'entrepôt, le lieu où l'on entassoit les Vendéens pour les mariages républicains et pour la guillotine. C'est aujourd'hui un magasin de fer.

Un jour, quatre-vingts Vendéens conduits à la mort y allèrent en chantant des hymnes. Ceux qui étoient placés dans les maisons voisines ne distinguoient le nombre des morts que par les chants qui avoient toujours en s'affoiblissant.

Le dernier continuoit encore ce chant sublime avant d'être frappé. Les enfans exhortoient leurs pères quand ils marchoient au supplice. Mme de la Roche-Saint-André, très-avancée en âge, voyant ses enfans conduits à la mort, s'attachoit aux barreaux de sa prison pour leur crier de mourir avec courage.

Nous quittâmes Nantes pour nous rendre à Angers. Nous remarquâmes a cinq lieues de Nantes le château de la Seilleraye, plus loin la tour d'Oudon vis-a-vis, de l'autre côté de la Loire, le vieux château de Champtoceaux, la demeure des anciens ducs de Bretagne. Ancenis nous rappela les désastres de l'armée vendéenne, et à Varades nous nous arrêtâmes pour aller à Saint-Florent et à la Baronière, lieu où a été élevé M. de Bonchamp.

Après avoir visité à Varades le monument qu'on élève à M. de Bonchamp, nous descendîmes à la Meilleraie pour traverser la Loire et nous rendre à Saint-Florent.

C'est à la Meilleraie que M. de Bonchamp rendit le dernier soupir. Nous entrâmes dans la maison où fut déposé ce grand homme an sortir du bateau, et où il mourut comme autrefois le bon Connétable.

Nous remontâmes l'Evre, dont les rives sont charmantes. Des prairies descendent jusqu’aux bords. La nature a fait là ce que l'art a produit à Morfontaine et à Ermenonville. On rencontre à chaque pas des coteaux, des rochers, des ruisseaux, de jolies maisons. C'est le Bocage, c'est l'aspect des vallons que nous avions trouvés avant Beaupréau.

Nous écoutions notre guide qui avoit traversé la Loire avec l'armée Vendéenne. Il ne nous entretenait que de M. de Bonchamp et de M. Henri. « Ils s'entr'aimoient tous deux, nous disoit-il. » Tous deux, en effet, avoient trois excellentes choses et qui bien conviendroient à parfait chevalier : assaut de levrier, défense de sanglier et fuite de loup.

 Il nous rappeloit les reproches sévères qu'adressoit M. de Bonchamp à M. de la Rochejaquelein, parce qu'avec trente hommes il s'étoit glissé dans les genêts pour compter à ses bivouacs l'armée républicaine. « A Laval nous disoit-il, c'est là qu'il y avoit un joli coup de feu tant d'eux que de nous ».

 C'est à Laval que Henri de la Rochejaquelein donna la vie à un soldat qu'il avoit désarmé, et lui dit ces paroles remarquables : « Va, retourne vers les républicains, dis-leur que le général des royalistes, sans armes et privé de l'usage d'un bras, t'a terrassé et t'a laissé la vie. »

Nous arrivâmes à la Chapelle de Saint-Florent ou le curé nous reçut à merveille.

De la Chapelle Saint-Florent on domine Saint-Florent et un pays immense.

« De là, nous disoit le curé, quand le feu fut mis à Saint-Florent, on voyoit les flammes s'élever en gerbes de six pieds au-dessus du  clocher. »

Le curé, qui avoit beaucoup connu M. de Bonchamp, et qui avoit passé la Loire avec lui, nous conduisit à la Baronière, où les paysans sont venus chercher M. de Bonchamp.

 Il n'y a plus aujourd'hui qu'un pavillon en pierres de taille qui servoit d'escalier au château, et dont la forme est assez pittoresque, des restes de terrasses, de charmilles et de jardins. Une suite de coteaux couverts de genêts, de houx et de chênes, et dont le mouvement est fort doux, s'élèvent au- dessus de l'Evre, vis-à-vis de ces ruines.

Du lieu où M. de Bonchamp a été élevé on voit le clocher de Saint-Florent, près duquel il est mort.

Nous avons trouvé là l’un ancien métayer qu’il avoit vu grandir, et le curé qui l'a confessé à son lit de mort, et qui a commencé auprès de lui les prières des agonisans que sa douleur ne lui permit pas d'achever.

 Un paysan passoit près de nous : Voilà un porte-étendard, nous dit notre guide. Ce n'est pas moi qui l'ai perdu, s'écria aussitôt cet homme dont les oreilles avoient été frappées du mot d'étendard.

En effet il avoit rapporté son drapeau de Granville. Nous parlâmes à ce bon paysan de M. de Bonchamp, qu'il avoit aidé à transporter de Chollet à Saint-Florent.

«  Brave Bonchamp, où es-tu, s'écria le Vendéen les larmes aux yeux. » Il s'appeloit René Pérault, et on voit sur son front la cicatrice d'une balle dont il a été frappé à la Roche-d'Erigné.

 Au-dessous de la Baroniére sont des moulins dans la situation la plus pittoresque qu'on puisse imaginer. Des rochers presque à pic descendent jusqu'à l’Evre, qui serpente et semble former plusieurs rivières dans des prairies délicieuses. Les coteaux se réunissent de toutes parts et forment une enceinte.

 Au fond du vallon, près des moulins de Coulen, la rivière se brise en plusieurs cascades. Sur l’un des côteaux sont des prairies séparées comme celles de la vallée de Campan; sur l'autre des bois de chêne et des rochers. On entend le bruit d'un torrent et le murmure d'un ruisseau, qui vient se jeter dans l'Evre à travers un autre vallon.

Là aussi on s'est battu dès les premiers jours; là quelques paysans arrêtèrent huit cents républicains.

 

(Le tombeau de Bonchamps, érigé en 1825 dans l'église abbatiale Saint-Florent du Mont Glonne )

Nous redescendîmes à la chapelle de Saint-Florent et nous allâmes visiter le cimetière où sont les tombeaux de la famille Bonchamp. Près de là est la chapelle de Notre-Dame-de-l’Ouie; et dans un cercueil en bois sont déposés les restes de M.de Bonchamp.

Tous les souvenirs de la mort de M. de Bonchamp se représentèrent au bon curé. Il nous rappela ses derniers momens. Au moment d'expirer il me fit appeler.  «  Je n'en puis plus, me dit-il, » et après avoir reçu le saint viatique : « Que j’ai de joie de mourir ainsi ». Le curé ajouta : « Je commençai les prières des agonisans, mais je fus bientôt obligé de cesser ; le cœur me faisoit mal. Je priai le vicaire de Luçon de continuer ».

M. de Bonchamp est véritablement celui de tous les généraux de la Vendée qui étoit le plus fait pour concevoir de grands plans et commander de grandes armées. Il n'y a que deux chances de succès, disoit-il dès le commencement, la guerre étrangère vigoureusement poursuivie, et te n'y crois pas, ou l’insurrection d’une autre province. Il ne vouloit faire la guerre qu’avec des corps de deux milles hommes, une guerre de partisans. Il avoit deviné la guerre d’Espagne. Quand l’armée de Mayence vint attaquer la Vendée., M. de Bonchamp proposa de passer la Loire avec dix mille hommes, de soulever la Bretagne ; et quand on auroit attiré les Mayençois à Angers et à Nantes, de repasser la Loire avec les Bretons. Lorsqu’on s’occupa de remplacer Cathelineau, M. de Bonchamp ne voulut pas aller au conseil, et il exigea que ses officiers donnassent leurs voix à M. d’Elbée. Il préféroit obéir à commander. Il inspiroit la plus grande confiance à ses soldats. « Allons, viens, grande désarmée, » disoient les républicains à la grande armée qui avoit perdu la Marie-Jeanne ; « Tu vas nous voir, répondirent les Vendéen, et ce n’est plus à d’Elbée, mais à Bonchamp que tu as affaire. »

On peut dire de lui ce que le loyal serviteur disoit de Bayard : « Ila  été en plusieurs batailles gagnées et perdues. Mais ou elles ont été gagnées. Bayard en étoit toujours en partie cause, et on elles se sont perdues, s'est toujours trouvé si bien faisant, que gros honneur lui est demeuré. »

Son humanité le faisoit aimer même de ses ennemis. Les soldats de M. de Bonchamp vouloient tuer les bleus qui avoient incendié son château : « Arrêtez, leur dit-il; le sang qui appartient au roi ne doit pas être versé dans l'intérêt d'un seul.

M. de Bonehamp, voyant des colonnes vendéennes presque ébranlées à l'aspect d'une armée très-supérieure en nombre, cria aux siens pour toute harangue : « Blancs, les bleus vous regardent. » La France ancienne et la France nouvelle combattoient alors. La convention et ses envoyés représentoient l'une, l'armée vendéenne et ses généraux représentoient l'autre.

 Quand M. de Bonchamp mourut, les républicains se réjouirent comme s'il n’y avoit plus eu de Vendée.

Nous redescendîmes à Saint-Florent, et nous passâmes près du champ des Martyrs, lieu ainsi nommé parce qu'une foule de Vendéens y ont été ensevelis.

 

 Saint-Florent domine les deux rives de la Loire et un pays magnifique qui forme un cercle immense autour du coteau, où sont les restes de la belle abbaye de ce nom.

La Loire passe auprès de la colline, et deux iles coupent la rivière en cet endroit. Ce sont les iles fameuses par le passage de l’armée vendéenne. L’un portoit depuis long-temps le nom de Batailleuse. Vis-à-vis est la Meilleraie.

Varades est sur une hauteur opposée. Ancenis est à gauche, le beau château de Serran à droite, derrière nous la Baronière, et sous nos yeux des bois, des vignes, des prairies, un horizon immense. Saint-Florent est certainement un des aspects les plus beaux de la Loire.

L'armée vendéenne quittoit son pays qu'elle n'avoit pu sauver. Elle avoit vu ses villes embrasées, ses campagnes ravagées, et elle trainoit dans sa défaite cinq mille prisonniers qu'elle étoit obligée d’abandonner et qui alloient se tourner contre elle : «  Usons de représailles, dirent quelques officiers, » et ce cri fut répété par quelques soldats.

M. de Bonchamp mourant demande la grâce des prisonniers. Dès que ses vœux sont connus, de tous côtés on entend répéter :  «  Grâce, grâce, sauvons les prisonniers, Bonchamp le veut, Bonchamp l’ordonne. »  Les bleus que M. de Bonchamp et l'armée vendéenne venoient de sauver tournèrent contreteurs bienfaiteurs les canons que ceux-ci laissèrent à Saint-Florent.

C'est à Saint-Florent qu'eut lieu le premier mouvement pour la levée des trois cent mille hommes. Les jeunes gens se révoltèrent, on tira sur eux. Quatre hommes restèrent fermes. Les autres revinrent, s'emparèrent de Saint-Florent et de Beaupreau. Cathetineau se mit à leur tête. M. d'Elbée se joignit à Cathelineau et marcha sur Chollet.

Le jour de la prise de Chollet, on envoya à la Baronière chercher M. de Bonchamp. Quatre-vingts républicains se portant sur Chalonne se trompèrent de chemin et arrivèrent à Beaupréau, où ils furent faits prisonniers par quinze hommes qu'on y avoit laissés. Leurs chevaux servirent à monter quelques paysans, et voilà les commencementq de la guerre de la Vendée.

 

C'est à Saint-Florent que la grande armée avait pris naissance, c'est à Saint-Florent qu’elle passa la Loire abandonnant la Vendée.

(Le port de la Meilleraie à Varades, l'Insurrection du 12 mars 1793 à Saint- Florent-le-Vieil )

 

Madame de Bonchamp ne possède plus rien dans le lieu où son mari avoit son patrimoine.

Elle loge chez le curé quand elle va voir cette terre qui doit lui être si chère. Ses biens ont été vendus par la justice pour acquitter les dettes que M. de Bonchamp a contractées pour le roi. On sait tout ce que madame de Bonchamp a souffert. Elle a passé sept jours dans le creux d'un arbre; les paysans lui portoient à manger. Elle gardé deux jours son fils mort dans ses bras.

Les Bretons élèvent à Varade un monument à la gloire de M. de Bonchamp, et les Vendéens à Saint Florent, dans l'endroit même où il fit épargner 5,000 prisonniers.

Les Vendéens désiroient que ce monument fût placé sur l'esplanade, à la pointe du rocher. On ne l'a pas voulu et on l'a relégué dans le choeur de l'église, pour ne pas exposer sans doute à l'admiration publique la statue d'un général mort pour son Dieu et pour son roi.

Les ruines se relèveront peu à peu dans la Vendée les souvenirs s'affoibliront aussi. « Avec le temps toutes choses se passent, dit un vieil historien, fors Dieu aimer. »

 La Vendée pourra bien aussi tout-oublier, fors Dieu aimer.

Nous passâmes rapidement à Ingrande, célèbre par ses mines de charbon, à Champtocé, on sont les ruines d'un château des anciens ducs d'Anjou, à Serran château superbe, et nous arrivâmes à Angers, d'où nous allâmes le soir même aux ponts de Cé.

Les ponts de Cé ont été, dit-on construits par Jules César. Ils sont an nombre de quatre (49).

Nous vimes la Roche d'Erigné d'où les Vendéens précipitoient les bleus dans la Loire. La vue est magnifique. C'est dans un chemin entre les deux montagnes qu'on appelle buttes d’Erigné que M. de Bonchamp se trouva comme autrefois le roi Louis VII dans la Palestine, entouré de cinq ennemis qui le sommèrent de se rendre. Il en tua un, en blessa un autre, et quelques-uns des siens arrivèrent et le sauvèrent: mais il fut encore blessé; jamais général ne l'a été plus souvent.

Nous revînmes à Angers. Les anciennes chroniques de l'Anjou font descendre les Angevins d'Ajax, qui après le siège de Troie, vint bâtir Angers. Au-dessous d'Angers on voit encore le fameux camp de César, qui formoit un triangle presque équilatéral dont l'un des côtés étoit formé par la Loire, l'autre par la Maine, et la base par une levée de terre qui s'étendoit de l'une à l'autre rivière.

Cent mille hommes pouvoient se renfermer dans l’espace que comprenoient ces trois lignes

On trouve tous les jours dans ce camp des médailles de Constantin.

 Angers a été témoin d'une foule de morts héroïques. Stoflet y mourut en criant vive le roi. Bonaparte appeloit les Vendéens le peuple de géans. Il avoit raison. Leur grandeur étoit d'un antre âge. La religion avoit fait ce peuple tout entier.

Nous partîmes ensuite pour le Mans, ville remplie des souvenirs de la guerre de la Vendée et de ses terribles suites. Quarante jeunes gens condamnés par le tribunal du Mans furent conduits au supplice en chantant le Salve regina.

M. de la Bigotière, l'un d'eux, dit à un républicain qu'il voyoit attendri: «  Cest vous et non pas moi qu'il faut plaindre, » Noms avions traversé la Flèche, ou est déposé le cœur de Henri IV.

Tous ces lieux rappeloient le triste passage de la Loire et des combats plus tristes encore. Victoires, défaites, tout amenoit également la fin terrible de cette armée magnifique qui sortit de la Vendée quand elle ne put plus la détendre.

Nous avons suivi sa marche. Dans un voyage que mous avions fait quelque temps auparavant, nous avions passé à Dol, à Pontorson et à Dinan (50), et de l’ile de Césambre près de Saint-Malo (51), nous avions vu Granville, que les Vendéens attaquèrent vainement quelques jours avant d’aller s’ensevelir dans les forêts de Bretagne.

 

 

Voyage dans la Vendée et dans le midi de la France ; suivi d'un Voyage pittoresque en Suisse / par M. Eug. Genoude,...

Société des archives historiques de la Gironde

Vie de Mme la marquise de La Rochejacquelein, par M. Alfred Nettement

 

 

 

 La Terreur dans le Saumurois – Les prisonniers de la Guerre de Vendée de la Tour Grénetière de Saumur  <==

En 1471, François II, dernier duc de Bretagne, épouse Marguerite de Foix dans la chapelle Saint-Antoine, château de Clisson <==

==> Fougères : QUE SONT DEVENUS LES RESTES DU CORPS EMBAUMÉ DU SAINT DU POITOU

 

 

 


 

(1) C'est Louis-le-Débonnaire qui en 819 fit commencer la levée. On suivit alors les sinuosités de la Loire, et on éleva de petites digues très-étroites.

(2) Il est remarquable que ce nom de brigands ait été donné également, par nos révolutionnaires aux Vendéens et aux Espagnols combattant pour leur roi et pour leur Dieu.

-

(3) Les Celtes adoroient leur dieu sous la figure d'un chène. Quand ils le prioient pour lui demander la victoire, ils se plaçoient devant une épee, debout, la face tournée vers l'orient, le bouclier au bras gauche et la lance à la main droite.

(4) Mémoires de madame de la Roche-Jacquelin.

(5) Le Thoué à Montreuil est navigable. II est grossi par deux petites rivières, et il porte bateau jusqu'à la Loire où il se perd au- dessous de Saint-Florent, près de Saumur.

(6). La statue de Henri II, roi d'Angleterre, comte d'Anjou, qui rendit la levée un véritable monument par son édit de la prairie de Saint-Florent, est à Fontevrault.

Ce prince, le premier des Plantagenets qui monta sur le trône d'Angleterre, vit se révolter contre lui ses fils Richard-Cœur-de-Lion et Jean-Sans-Terre, il mourut de douleur à Chinon.

Là il fut délaissé: son corps resta nu; un jeune page le couvrit en partie de son Manteau. Sa passion pour la belle Rosemonde, qu'il tenoit renfermée dans un labyrinthe à Woodstock, pour la dérober à tous les regards, est célèbre dans les vieux romanciers anglois.

On lisoit sur le tombeau de Henri II

Sufficit huic tumulus cui non sufferat orbis.

On voyoit encore la statue de Richard dont le corps fut apporté à Fontevrault; les entrailles déposées dans l'église de Poitiers, et le cœur à Rouen

(7) La source de la rivière du Thoué est en Gâtine, aux environs de Secondigné, et après avoir passé à Parthenay et à Airvault, elle vient entourer Thouars, d'où elle va en serpentant à Montreuil.

(8) Pépin-le-Bref prit Thouars l'an 763. Thouars passa sous la domination des Anglois, quand Eléonore de Guyenne, répudiée par Louis Vil, eut épousé Henri, duc de Normandie, depuis roi d'Angleterre. Sous saint Louis, cette ville fut rendue à la France, cédée aux Anglois, en 1360, par le traité de Bretigny elle fut reprise par Duguesclin en 1372, et n'a pas cessé depuis d'appartenir aux François.

La vicomté de Thouars passa dans la maison d'Amboise, puis dans celle de la Trémouille en 1442 par les femmes.

Louis XI s'en empara. Il y venoit souvent, et alloit de là à Argenton (*) voir Philippe de Commines, qui l'avoit servi dans cette usurpation.

Grégoire de la Trémouille, qui étoit chambellan du roi, n'osa se plaindre de cette injustice; mais son fils, qui fut depuis un des plus grands capitaines de l'Europe, pendant que le roi étoit malade dans son château du Plessis-les-Tours, s'y rendit à la tête de quatre cents geutilshommes, se fit ouvrir les portes du château et demanda lui-même sa terre au roi. Le roi la rendit alors.

C'est ce Louis de la Trémouille, vainqueur à la journée de Saint-Aubin, où il fit prisonnier le prince d'Orange et le duc d'Orléans, depuis Louis XII. (Cette bataille décida la réunion de la Bretagne à la France. ) Il servit sous quatre rois, contribua puissamment à la conquête de Naples; prit Milan, et conduisit l'avant-garde à la bataille d'Aignadelle, en 1509. Cette victoire faillit renverser entièrement la république de Venise sous François ler. Il vainquit les Suisses, et perdit son fils, le prince de Talmont, tué à ses côtes à la bataille de Marignan. Il força les Anglois à sortir de France; et, après avoir été blessé au visage, et eu un cheval tué sous lui, mourut l'épée à la main à l'âge de 74 ans, à la bataille de Pavie.

Thouars fut alors troublé par les guerres de religion. Les protestants s'en rendirent les maîtres et s'y livrèrent à des excès inouïs. Ils donnèrent les premiers l'exempte de la violation des tombeaux. Pendant quinze mois le culte protestant fut le seul qui s'exerça dans Thouars.

Après la Saint-Barthélemy le duc de Thouars ( la vicomté de Thouars avoit été érigée en duché en l503) prit le parti de la ligue.

 Son fils, qui lui succéda et qui avoit épousé la fille du prince d'Orange luthérienne zélée, s'unit au prince de Condé contre les Guises. Bientôt le roi de Navarre, connoissant le mérite du jeune la Trémouille, lui accorda son amitié et lui donna le commandement de la cavalerie légère à la bataille de Contras. Devenu roi de France, il en reçut des services signalés à Ivry.

(Henri de La Trémoille, duc de Thouars - Marie de la Tour-d’Auvergne)

Henri de la Trémouille, qui succéda à Claude de la Trémouille, épousa Marie de la Tour-d'Auvergne, fille de Henri, duc de Bouillon. Tous deux étoient de la religion réformée.

C'est Marie de la Tour qui posa la première pierre du château, et voici pourquoi elle le fit bâtir.

Louis XIII étoit venu à Thouars et le cardinal de Richelieu, qui avoit envie d'avoir une terre titrée, avoit jeté les yeux sur Thouars et avoit envoyé secrètement des émissaires pour l'examiner et lui en apporter le plan. Ils furent pris et conduits devant la duchesse, Marie de la Tour.

Elle fut blessée de ce procédé, et pour s'en venger elle fit jeter les fondemens d'un château dans l'endroit même qui avoit été marqué par les émissaires du cardinal. Cet ouvrage coûta plus de 1,200,000 francs.

Pendant que Marie de la Tour bâtissoit le château de Thouars, le duc, son mari, qui étoit au siège de la Rochelle, abjuroit le protestantisme entre les mains du cardinal de Richelieu. Il répara autant qu'il étoit en lui le mal fait contre les catholiques.

Marie de la Tour est enterrée dans un caveau qui est à l'un des angles du château.

La muraille qui est au-dessus de ce caveau est tombée quatre fois, et les habitans du pays disent que c'est Marie de la Tour qui ne veut pas laisser réparer cette brèche.

A deux lieu est à l'ouest de Thouars, on voit un château bâti par Louis XIV pour madame de Montespan. Dans une vaste galerie peinte à fresque, étoient représentés les principaux traits de l'Iliade des plafonds or et azur subsistent encore ainsi que la terrasse d'où l'on domine cette plaine de Moncontour, fameuse par la bataille que livra le duc d'Anjou à l'amiral Coligny en 1569.

                            

(')Argenton-le-Château est sur une colline d'un accès difficile. Deux petites rivières l'entourent presque entièrement. Le château avoit été bati par Philippe de Commines. Il a été entièrement détruit dans la dernière guerre.

(9) D'Avrigny, à qui nous empruntons une partie de ce récit.

(10). Parthenay est la capitale du petit pays, appelé Gâtine. C'est une ville ancienne, forte autrefois. Charles VIII, après l’avoir prise en 1486, en fit démolir les fortifications.

On y voit encore tes restes d'un ancien château entoure de fossés, et la porte Saint-Jacques est construite en ogive avec des créneaux. C’est un ouvrage du douzième siècle. L'église Saint Jean a été bâtie dans le neuvième siècle. L'église Saint-Paul a appartenu aux templiers.

A Saint-Loup on voit un château bâti par le cardinal de Sourdis qui lui donna la forme d'un H, eu l'honneur d’une Henriette sa cousine. Le père de Voltaire y est né. Il y a encore quelques Arouets dans les environs.

Sur la route de Parthenay à Saint-Maixent, on rencontre le château de la Meilleraie, qui fut bâti par Hortense Mancini, nièce du cardinal Mazarin.

(11) A Airvault on voit les restes d'un vieux château qui domine la ville, et une église gothiqne du huitième siècle. La tour, élevée sur quatre piliers, a quarante-sept mètres de hauteur.

(12) Saint-Maixent doit sa naissance à un monastère. La population est de 5000 hommes. Le poète Villon demeura à Saint-Maixent, et y fit jouer la Passion en langage poitevin.

 (13) Niort, située au bord de la Sèvre sur le penchant de deux collines, a été dix-huit ans an pouvoir des Anglois. On admire la légèreté de la flèche, qui a quatre-vingt-huit mètres d'élévation. Son ancien hôtel-de-ville étoit le palais d'Eléonore d'Aquitaine.

C'est un beau projet que celui d'ouvrir au-dessus de Niort et jusqu'à la Rochelle un canal qui dessecheroit le marais et de faire communiquer la Sèvre à la Loire par le Clain.

(14)Melles est bâtie sur une colline. On lit dans lesd anciennes chroniques de la fée Mélusine prit son nom de Melle et de Hungrain qui lui appartenoient. Près de cette ville est une tour remarquable appelée Mellezéard. Tout le pays de Melle embrassa la réforme.

 

(15)César parle de Chef-Boutonne, bâti à la source de Boutonne, d’où lui vient son nom.

 

 

(16) Agathe Gingreau, de Boismé, près Bressuire, femme de chambre de La Marquise de La Rochejaquelein. Le 10 octobre au passage de la Loire à Saint Florent, on la trouva près de Lescure, elle soigna le blessé dont elle reçut le dernier soupir, survivante des prisons de Nantes, et témoin à charge contre Lamberty second de Carrier en décembre 1793

Elle épousa Pierre Joseph Cottet , régisseur du château de Clisson, et mourut à Orléans chez Madame de la Rochejacquelein, en 1831, âgée de soixante-quatre ans.

(17) Le houx est un arbuste superbe quand il est paré de ses beaux fruits rouges. Il s’élève quelquefois jusqu’à quarante pieds.

(18) On appelle ainsi les hommes de la Vendée qui avoient des opinions républicaines.

(19) M le curé de Boémé est un des prêtres dissidens qui se sont réunis aujourd'hui à monseigneur l’évêque de Poitiers.

(20). Fonteny nous  montra les avenues où M. de Marigny battit les bleus le vendredis saint 1791.

(21) Sous Buonaparte on mettoit en prison les mères des conscrits qui refusaient de partir.

(22) A Cérizay, dans tes premiers jours de la guerre, six cents hommes prirent les armes: quand M Henri repassa la Loire il n'y en avoit plus que quarante.

(23) Châtillon (Mauléon) existoit du temps des Romaim sous le nom de Montléon (Mons-Leonis).  C'est le duc de Châtillon qui, dans le dix-huitième siècle, lui donna son nom. La ville avoit été entièrement détruite au temps de la ligue. Le conseil supérieur des royalistes y a été établi pendant la révolution. Plusieurs fois pris et repris, trois maisons seulement échappèrent aux flammes. Il y avoit une belle et riche abbaye de génovéfins.

(24) Quel cattivo coro

Degli angeli che non furon ribelli

Né fur fedeli a Dio, ma per se soro.

A Dio spiacenti edà nemici suoi.

Cacciarli i ciel per non esser men belli,

No 1' profonde inferno gli riceve

Ch' alcuna gloria i rei avrebbe d elli.

On voit que le Dante avoit placé des anges de ces opinions dans la rébellion contre Dieu. Mais il dit qu'ils n'appartenoient ni au ciel ni à l'enfer. Ils ne sont pas assez pure pour le ciel, ni assez impurs pour l'enfer.

Cacciarli i ciel par non esser men belli,

Nè l' profonde infemo gli riceve

Ch' alcuna gloria i rei avrebbe d'elli.

Rien n'est plus remarquable que le mépris du Dante pour eux.

Fama di loro il mundo esser non lassa

Misericordia e giustizia gli sdegna.

Non ragiona de ler, ma guarda e passa.

 

(25) On sait que Henri pleura quand on le nomma général et qu'il disoit souvent : « Si le Roi revient en France, j'espère qu’il me donnera an régiment qui ira toujours le petit galop.

(26) Barrère disoit au contraire. La victoire se range toujours du côté des gros bataillons

(27) La belle Jeanne de Scépeaux duchesse de Beaupréaux, étoit de la même famille que la veuve de M. de Bonchamp.

(28) Mata gens.

(29) Balzac.

(30) Elégies vendéennes.

(31) Tous les blessés royalistes et républicains étoient transportés à Saint-Laurent, et les sœur et les missionnaires du Saint-Esprit leur prodiguoient tous leurs soins..

(32) La montagne des Alouettes, celle de Saint-Michel Mont Mercure, et celle de Pouzauge, sont les points les plus élevés du département. On croit qu'elles ont 5oo mètres au-dessus du niveau de la mer.

(33) Une jeune personne très-belle prise aux Quatre Chemins disoit à des soldats « Vous pouvez déchirer mon corps, mais mon cœur restera fidèle à Dieu. »

(34) Comme l'histoire de la Rochelle se rattache aux époques les plus remarquables de l'histoire de France, nous avons cru: devoir présenter ici les principaux événements qui se sont passés dans ses murs.

Le pays d'Aunis passa des rois d'Aquitaine aux comtes de Poitou ducs d'Aquitaine.

Eléonor, en épousant Henri, comte d'Anjou, lui porta en dot la Rochelle et le pays d'Aunis. Ce mariage rendit plus redoutable le duc de Normandie devenu roi d'Angleterre et les rois de France devinrent plus attentifs à l'accroissement de la puissance d'un roi étranger.

 Philippe-Auguste reprit la Normandie et presque toutes les places du Poitou, excepté Niort, Thouars et la Rochelle. Jean, roi d'Angleterre, passa la mer et vint débarquer dans cette dernière ville. Henri III, qui succéda à Jean eut à la défendre contre Louis VIII qui prit Niort, Saint-Jean-d'Angely, et vint mettre le siège devant la Rochelle. La ville ouvrit ses portes au roi de France après vingt-un jours de siège. Louis promit de ne l'aliéner jamais, et de n'en pas faire démolir les murs. Mathieu de Montmorency, connétable de France, suivant l'usage du temps, jura l'observation de ses promesses sur l'âme du Roi.

C'étoit le temps de la chevalerie et des troubadours.

Savari de Mauléon commandoit dans la Rochelle. Il unissoit le talent de la guerre à l'art de chanter les exploits des guerriers, il étoit grand poëte provincial et tenoit cour d'amour dans sa maison où il attiroit les plus excellens de cette profession, par les prix que sa main libérale leur départoit.  Dans l'armée des assiégeans, ou distinguoit Thibault, comte de Champagne et de Brie, depuis roi de Navarre. Louis IX donna à son frère Alphonse, en 1241 l'investiture des comtés de Poitou et d'Auvergne. Philippe-le-Hardi, après la mort d'Alphonse son oncle, vint à la Rochelle pour voir l'état des domaines que sa mort laissoit la couronne. Il y avoit alors des templiers dans cette ville : ils furent abolis en 1314, et les hospitaliers prirent leur place en 1517. Les hospitaliers qui venoient de rendre d'éminens services à la cause Européenne dans l'ile de Rhodes, prirent possession de la commanderie de la Rochelle qui se nomme encore la commanderie du Temple.

La perte de la bataille de Crécy (en 1346) mit en péril la Rochelle. Le poste de Marans fut emporté par les Anglois qui tenoient encore le château de Rochefort. «  Le peuple de la Rochelle, autant belliqueux que trafiqueur, dit Lanoue, se montra plein de zèle pour la cause de la France. » Mais la défaite du roi Jean à Poitiers et le traité de Bretigny mirent la Rochelle au pouvoir des Auglois. Le prince de Galles, à qui Edouard son père céda dans la suite le duché d'Aquitaine et la seigneurie de la Rochelle fit son entrée publique dans cette ville le 27 d'août 1563.

Le prince de Galles voulant imposer à l'Aquitaine un subside contraire aux privilèges de la province, les principaux seigneurs en appelèrent au roi de France comme seigneur suzerain.

Les Rochellois avoient tant d'aversion pour le gouvernement étranger qu'on dit que le roi d'Angleterre vouloit les chasser de leurs demeures, et faire de leur ville une colonie angloise.

Charles V cita le prince de Galles à la cour de Paris et le prince de Galles ayant refusé de comparoitre, tout ce qu'il possédoit fut confisqué et réuni à la couronne.

Un combat naval se livra devant la Rochelle les Anglois furent vaincus, et Duguesclin entra dans l'Aunis. Poitiers, Saintes Angoulême. Saint-Jean-d'Angely venoient de tomber au pouvoir du héros françois.

On se rappelle la réponse de Duguesclin à celui qui lui disoit qu'il étoit difficile de pénétrer dans la Rochelle. « Si les rayons du soleil percent dans l'enceinte de la ville, Duguesclin saura y pénétrer, »

Le maire et les officiers municipaux de la Rochelle se délivrèrent par ruse de la garnison, et ouvrirent leurs portes aux François. Les bannières de France rentrèrent dans une ville françoise : «  Bien vieigne la fleur de lys s'ecrioit-on, qui dignement fut envoyée des saints au roi Clovis ; bien devons-nous amer l'heure et le jour qu'elle nous vient visiter. » Des enfans s'écrioient: « Monjoie au roi de France notre sire. » Après la bataille d'Azincourt, quand une mère dénaturée voulut exclure du trône son fils, Charles, dauphin de France, se réfugia à la Rochelle. La levée du siège d'Orléans fut célébrée à la Rochelle par une fête solennelle.

Louis XI, étant à Amboise, transporta à Charles de France le duché de Guyenne la ville et le gouvernement de la Rochelle. La ville se soumit et reçut son nouveau maitre. Les deux frères, le duc de Guyenne et le roi de France se haïssoient, et ne cherchoient qu'à se tromper. Louis XI dans la crainte que son frère ne se joignit aux mécontens, fit marcher des troupes en Guyenne. Au moment où il se disposoit à se rendre maitre de la Rochelle, son frère mourut empoisonné à Bordeaux. Il fit son entrée à la Rochelle le 24 mai 1472.Il voulut tout voir dans la ville il monta à la tour de la chaine, et delà il observa long-temps le pays. Il sentit l'importance de la ville, et avec la pointe du diamant qu'il avoit au doigt, il écrivit sur une vitre de la fenêtre où il étoit ces mots Ah!  La grande folie !

 François I vint dans cette ville après quelques troubles et une sédition. Il entra avec un détachement de gens de guerre, et fit défendre aux habitans de se présenter devant lui la ville étoit dans la consternation. Le roi tint son lit de justice, et au bas des degrés du trône étoient debout les représentans de la Rochelle, poussant des cris lamentables. François I, touché de leur repentir, leur dit qu'il pourroit appesantir son bras sur eux, mais qu'il aimoit mieux suivre la pente de son cœur en leur pardonnant et qu'il ne vouloit être leur roi que pour être leur père.

« Amis, dit-il, en s'adressant aux Rochellois, car amis vous puis-je appeler maintenant que vous retournez à la reconnoissance de votre offense; je sais que vous êtes enfans de si bons pères, desquels la fidélité a été expérimentée par tant de nos prédécesseurs et nous-mêmes jusqu'ici vous m'avez été si bons et si loyaux sujets, que j'aime mieux oublier ce méfait récent et nouveau que vos vieils et anciens bienfaits; et aussi peu convient à vos coutumes ptécédentes de désobéir, comme à ma nature de ne vous pas pardonner cette offense. »

 Puis, s'adressant an gouverneur Jarnac, ajouta-t-il, rendez-leur les clefs, et faites vider tous les gens d'armes, car en eux entièrement me fie. » On vit alors le roi répandre des larmes, et toute la ville répondre par des transports d'ivresse à la clémence de son roi. « Il y avoit tant de feux allumés, dit un ancien historien de la Rochelle, qu'il sembloit un autre jour. »  Au souper, où les plats furent portés par vingt-six bourgeois, en habits uniformes, de velours violet et noir, Jean Clairbaut ancien maire apportant au roi an bassin rempli de confitures, un officier l'arrêta, mais le prince qui le vit lui ordonna de s'approcher, et sans permettre qu'on fit l'essai, en prit et en mangea. Il gagna ainsi tous les cœurs. Nous touchons à l'époque des grands malheurs de la Rochelle.

En 1554, le calvinisme s'introduisit dans cette ville il y devint bientôt menaçant, et Charles IX, qui étoit à Bordeaux, y vint, croyant sa présence nécessaire pour calmer l'agitation des esprits.

 Il y eut quelque trouble, même pendant le séjour du roi; et peu de temps après la ville se déclara pour le parti du prince de Condé.

Le prince de Condé, l'amiral Coligny, Jeanne d'Albret, reine de Navarre et son fils Henri, se réfugièrent dans ses murs.

Henri se promenoit sur les bords de la mer; il tomba dans l'eau, disparut, et auroit péri si un capitaine de marine, nommé Jacques Lardeau, ne l'eut sauvé.

Les Rochellois persistant toujours dans leur rébellion le duc d'Anjou, après les batailles de Jarnac et de Moncontour, vint mettre le siège devant leur ville. Lanoue commandoit dans la Rochelle. On livra plusieurs combats sanglans. Le duc d'Aumale fut tué. Ce prince avoit eu des pressentimens de sa mort, et Brantôme lui avoit entendu dire : Voici le lieu où je mourrai.

Lanoue, qui gémissoit de combattre contre son roi, voulut décider les Rochellois à la paix : un ministre osa lui donner un soufflet. Lanoue arrêta les gentilshommes de sa suite, qui alloient tuer le ministre, et le fit conduire à sa femme, en lui recommandant de pourvoir sa garde à cause du dérangement de sa raison. Lanoue, voyant que les esprits s'envenimoient de plus en plus, sortit de la ville. Il avoit promis au roi de quitter la Rochelle s'il n'y rétablissoit pas la tranquillité, et il fut fidèle à sa promesse.

 Le duc de Rohan parle ainsi de la conduite de Lanoue : « La Rochelle étoit aux abois, ce qui obligea M. Lanoue, illustre en piété, prudence et valeur, de tàcher à la faire rendre afin de la tirer de la plus grande désolation. » Le siège dura long-temps.

Le duc d'Anjou ne fut sauvé que par le dévouement d'un de ses écuyers. Il visitoit un bastion, un soldat du haut du rempart le coucha en joue. Devins, qui aperçut ce mouvement, se jeta devant Henri III et fut tué de la balle qui devoit tuer le roi.

C'est aux pieds des remparts de la Rochelle que les ambassadeurs de Pologne vinrent annoncer au duc d'Anjou son avénement au trône de Pologne. La Rochelle enfin capitula.

Avant la mort de Charles IX, la Rochelle prit de nouveau les armes. Henri III ordonna au duc de Montpensier de pousser la guerre avec activité. Celui-ci fit marcher M. de Châteaubriant contre Marans, dont on s'empara.

Delà on se dirigea sur Fontenay et sur Lusignan qu'on prit. Pendant la guerre on représenta à la Rochelle une tragédie intitulée Holoferne. Judith étoit Catherine de Parthenay si connue sons le nom de duchesse de Rohan, femme d’un courage héroïque et d'un esprit rare.

L'édit de pacification de 1576 suspendit les troubles. Ce fut alors que se forma la ligue. Le roi de Navarre venoit de déclarer à Niort qu'il étoit toujours protestant, et il protesta contre la rétractation qu'on avoit exigée de lui après la Saint-Barthélemi. Il arriva à la Rochelle, où il fut reçu en triomphe. Henri III ayant rendu un édit pour ne permettre que l'exercice de la religion catholique, les protestans prirent les armes. Le prince de Condé entra à la Rochelle pour y prendre de la poudre et des munitions. René de Rohan mourut dans cette ville. C'est le père de Henri de Rohan le grand capitaine.

 Le roi partit de la Rochelle pour aller gagner la bataille de Coutras. Henri, avant le combat, disoit au prince de Condé et au comte de Soissons « Je ne vous dis autre chose, sinon que vous êtes du sang » des Bourbons; et vive Dieu, je vous ferai voir que je suis votre ainé. »

 Le roi de Navarre, après la mort du prince de Condé à Saint-Jean-d'Augely, marcha sur Marans et sur le fort Charron. Il présenta la bataille aux catholiques à l'ile de Marans.

Les réformés, avant la bataille, ce mirent à genoux pour prier. Ils prient Dieu, dirent les catholiques, ils nous battront comme à Coutras. M Les catholiques furent battus. Henri IV prit le château de Marans, Niort, Saint-Maixens et Maillezais. Henri tomba malade, et la Rochelle fut dans la consternation. Le vieux cardinal de Bourbon, qui avoit été nommé roi de France par les ligueurs, fat fait prisonnier et envoyé à la Rochelle. Il mourut à Fontenay-le-Comte. La publication de l'édit de Nantes pacifia la Rochelle.

Cependant, sous Henri IV même, l'esprit du protestantisme suscita de nouvelles agitations, et Rosny vint à la Rochelle pour arrêter tons les complots. Rosny monta à la tour, et c'est de là qu'on lui donna le spectacle de combats simulés.

A la mort de Henri IV on se défia à la Rochelle dn nouveau gouvernement. On se préparoit déjà à l'insurrection, car les magistrats de la Rochelle écrivoient « Dieu sera pour nous s'il lui plait, mais pour les hommes, ils ne nous trouveront pas endormis. M Le duc de Rohan arriva pour commencer la révolte.

Le prince de Condé ayant été arrêté au sortir du conseil du roi, comme il étoit lié à la cause des Rochellois, ceux-ci s'emparèrent de Rochefort, pour être maitres de la Charente. Il se forma bientôt une ligne pretestante, que le roi fit tout ce qu'il put pour abattre.

(Philippe DUPLESSIS-MORNAY (1549-1623), Gouverneur de la place de Saumur)

Duplessis-Mornay s’employa réellement pour la conciliation. Enfin il fallut prendre le parti des armes.

Louis XIII, après s'être assuré de Saumur, vint à Niort. Trente mille hommes, quelque temps après furent employés au siège. Les Rochellois s'unirent au roi d'Angleterre. Le roi de France étant tombé malade, le duc de Richelieu continua la guerre avec une grande activité.

C'est alors que fut construite cette digue, ouvrage immense, qui arrêta tous les secours de l'Angleterre, et força la Rochelle à se rendre à son roi.

 

(La Rochelle 1911: Inauguration de la statue de Jean Guiton – Noël de la Renaissance de l’hôtel de Ville )

 Le fameux Guiton, ce maire fanatique, qui avoit déposé son poignard sur la table du conseil pour en percer le sein de celui qui parteroit de se rendre, céda à l’orage et se soumit.

Quand le roi entra dans la Rochelle, les principaux citoyens alloient sur son passage, criant vive le roi ! miséricorde ! De vingt-sept mille habitans il n'en restoit plus que cinq mille. Le roi fut touché et pardonna à la Rochelle.

Le siège avoit duré un an, deux mois et seize jours. Ou devoit élever une pyramide sur la digue et y placer cette inscription :

Sta, viator, ubi stetit Oceanus. Hanc specta molem quam mundus stupuit, Britaniae compedem, Ruppelae laqueum, Neptuni balteum, Galliae triumphalem currum; Stent hoc in marmore sculptre aeternitati undae quae justo Ludovico suo steterint in aequore. . O principis religionem praepotetem ! Mare vidit et stetit. Vidit Britannus et fugit. Paruit haud invitus Oceanus cui Rupulla ad vitam non paruit. Fames ipsa perut invicta, victa paruit et revixit.

 

Ici le Dieu des flots vit borner son empire.

Toi qui parcours cent lieux divers,
Voi l'onde s'arrêter, passant, arrête, admire

Ce qu'admira tout l'univers.

Aux pieds de cette masse altiere,
On vit mourir l'orgueil d'une cité trop fiere,
Les fureurs d'Albion & le courroux des mers.

Que le marbre immortel ouvrage

Consacrant des faits inouïs,
Aux yeux de nos neveux retrace encor l'image
De ces flots enchaînés par la main de Louis.
Les obstacles pour toi ne font plus des obstacles,
Ta vertu, grand monarque, enfante des miracles:
L'onde amere te voit , s'arrête, & l'Anglois fuit:
L'Océan t'a rendu l'hommage volontaire
Qu'osa te refuser un peuple téméraire,

Et par un faux zele conduit;
Dans l'ombre du tombeau la faim le fit descendre;

Il n'étoit plus ; & ta bonté
Désarmant ton bras. irrité,

Le fait renaître de sa cendre.

 

 

La paix de la Rochelle fut encore troublée par la Fronde. Le prince de Condé qui avoit le gouvernement de la Guyenne, avoit des vues sur cette ville. Le commandant de la Rochelle s'étoit déclare pour le prince de Condé; mais les habitans n'entrèrent pas dans la révolte, et les tours ayant été prises, les projets du prince furent arrêtes. La révocation de l'édit de Nantes fit cesser l'exercice du calvinisme dans toute la France.

L'édit de Nantes n'ëtoit point une loi irrévocable.

Ecoutons Grotius à ce sujet.

« Ceux qui prennent le nom de réformés ne doivent pas regarder comme des traités d'alliance tous ces édits des rois de France en faveur de la réforme; ce sont de simples déclarations que ces souverains ont données par amour du bien public, et que ces mêmes considérations peuvent leur faire révoquer. » ( Rivetiani apologet. Discussio, p.684, 3. Inf. Amstel, apud Hier. Joan. Blaeu ; 1679.)

 

(Le vieux port de la Rochelle, Tour St-Nicolas, Tour de la Chaine, Tour de la Lanterne)

(35) La façade de l’hôtel de ville est soutenue sur des colonnes toscanes, qui forment un porche. Le second ordre est une espèce d’ionique composé.

Un poète parle, sous Louis VIII, des tours de la Rochelle. Ces quatre tours protègent l'entrée du port. La tour Saint-Nicolas, réparée en 150, à neuf toises et demie de diamètre y compris les murs, et dix-neuf toises jusqu'au sommet du donjon ; les voûtes de ces deux étages sont à ogive.

La petite tour de la chaine fut aussi rebâtie entièrement en 1476. C’est en 1445 que fut élevée la tour de la Lanterne, qui devoit servir de phare pour les vaisseaux.

On ignore la date de la construction de la grosse horloge. C'est aujourd'hui une arcade magnifique, large et fort haute.

En 1746 on a abattu la lanteme de la grosse horloge et l'on a élevé le massif de la tour, un carré en pierres de taille, décoré d'un ordre d'architecture et terminé par un dôme.

(36) La Charente, qui prend sa source sur les confins du Poitou, près d'un vieux château qui étoit autrefois un affreux désert, retraite d'un saint anachorète, passe au bas du coteau sur lequel Angoulême est bâti. Elle passe à Cognac, où naquit François I; à Saintes, au pied du coteau de Taillebourg, lieu que saint Louis a rendu célèbre.

De là elle descend à Rochefort et se jette dans l'Océan, à deux lieues au-dessous de cette ville.

Les bords de la Charente sont très-rians et ornés de villes et de châteaux. Autrefois on pêchoit des perles dans la Charente ; mais il falloit ouvrir un grand nombre de coquillages avant d'en rencontrer une.

(37). 0n assure que la grande mer venoit flotter jusqu’à Luçon. Une chapelle dédiée à Saint-Jean, éloignée des bords de la mer de plus de six toises en 1680, étoit ruinée par les eaux en 1728.

 Avant que le canal de Luçon fût creusa, les eaux du Lay et de la Sèvre se répandoient sur tout le marais. Les levées du canal de Luçon arrêtèrent les deux rivières. Dans le bassin de la Sèvre, vingt mille hectares, autrefois sons les eaux, sont aujourd'hui rendus à la culture. Au nord des desséchemens il reste une plage de marais non desséchés, de deux mille mètres à peu près de largeur dont la superficie est de quatre mille six cent cinquante-six hectares. Elle reçoit toutes les eaux des débordemens de la Vendée, qui se répandoient sur toute la surface des marais.

(38) Le département de la Vendée se divise en quatre parties bien distinctes: la plaine, le Bocage, le marais et les iles.

L'aspect de la plaine est triste et monotone, quand elle est dépouillée de ses moissons. Quelques bois, quelques vignes interrompent seuls cette monotonie. Aucune source d'eau vive n'arrose ce sol.

 On trouve encore dans la plaine des traces du séjour de la mer. On rencontre une assez grande quantité, sur les hauteurs des environs de Fontenay, de petits galets de quartz, roulés par la mer.

Tout le Bocage a l'air d'une grande forêt. « Le sol du Bocage du département de la Vendée est léger et aride sur le sommet des côteaux les plus élevés; il prend plus de consistance, sans changer de nature, en descendant dans les vallées, où un heureux mélange de sable et d'argile, facilement arrose par un grand nombre de sources et de ruisseaux, présente l'image de la fertilité.»

Le plus grand nombre de ces vallées contiennent d'excellentes prairies. Les collines sont employées à la culture, à l'exception des parties les pins élevées de la chaîne granitique, où, à l'exposition du nord, l'ou ne voit croitre que l'ajonc et la bruyère. On évalue à un dixième la portion de la superficie du Bocage occupée par les landes stériles. Ce sont de petites plaines où les troupeaux de tout un village trouvent un maigre pâturage. Quelques parties sont enfermées par des haies, et défrichées quelquefois par des métayers qui les abandonnent ensuite pour de longues années. Il n'y a pas beaucoup de forêts dans le Bocage. On n'y compte pas plus de douze mille hectares de bois mais tout le pays est composé de carrés de terre, de quatre à six arpens, entourés de haies très-fortes, soutenues par r des chênes, des ormes, de érables, des frênes, des châtaigniers et des cerisiers. Comme dans la Bretagne, le chêne y est en plus grande quantité. Peu s'élèvent à la hauteur naturelle. A huit à neuf pieds on abat leur tête, et l'on en coupe les branches tous les sept ans.

(39) Les républicains eux-mêmes admirèrent la mort de Charette, et l'on trouva ces vers écrits près du lieu où il fut fusillé:

De Charette, passant, respecte le repos.

Il vécut en brigand, et mourut eu héros.

(40) On peut diviser la guerre en trois époques. Neuf mois jusqu'à la destruction de l'armée d'Anjou. Second envoi d'un émissaire de Londres jusqu'au traité de la Jannais, décembre 93 jusqu'en décembre 94.–Enfin, depuis le traité jusqu'à la mort de Charette.

(41) Il y en eut un entre autres qui conduisit ses sept fils dans la dernière guerre.

(42) Nous avons recueilli cette anecdote dans les notes des Elégies Vendéennes de M. de Sapinaud.

(43) Travot, qui vouloit arriver à Bourbon, attaqua sur trois colonnes.

(44) Ce jeune homme s'étoit échappé du collège de Fontenay, en bas de soie et en culotte noire, pour venir rejoindre l’armée vendéenne.

(45) La plaine de Noir-Montier, exposée à l'invasion des sables, contient trois mille hectares dont mille huit cents sont employés à la culture du blé; le reste est occupé par les marais salans, les prairies, les canaux, les chemins et quelques landes stériles. L’ile de NoirMoutier offre un aspect très-monotone ; on n’y trouve pas une source d'eau vive, pas un ruisseau pas un arbre. Il y avoit autrefois un bois de chênes verts sur la côte nord, qui courbés par les vents d'ouest et de sud-ouest, peuchoient sur la mer. La révolution a dépouillé cette côte aride et on ne voit plus à la place du bois de la Chaise, qu'un roc hideux, dont les arbres garnissoient les fentes et des sables stériles. On y compte cinq mille habitans. L'ile se nommoit autrefois Héro une abbaye de moines noirs ou de bénédictins s'y étoit établie ( nigrum monasterium.) elle prit le nom de Noir-Moutier.

L'Ile d'Yeu est terminée par une côte inaccessible, formée de rochers énormes qui s'élèvent de vingt-cinq mètres. Ces masses gigantesques présentent des formes singulières, des contours, des enfoncemens, des saillies.

 Au centre de cette côte est un château ruiné, de forme quadrangulaire, avec ses quatre tours sur le penchant d'un énorme rocher, sépare de la terre voisine par un fossé profond que la mer remplit et laisse à sec deux fois par jour. Sur ce fossé étoit jadis un pont de bois qui formoit la communication du château avec une foule d'ouvrages aujourd'hui en ruines, et qui le couvroient du côté de la terre. La côte orientale offre un abordage sûr aux chaloupes et aux petits bâtimens. Le port est un port de marée, qui peut recevoir jusqu'à deux cents batimens de cent cinquante à deux cents tonneaux. Trois cent soixante maisons forment le principal établissement de l'ile nommée Port-Breton. La moitié de l'ile à peu près, est consacrée à la culture; l'autre moitié est couverte de bruyères. Des sources vives se trouvent partout. On y a établi des batteries et construit un fort. ( Stat. du département de la Vendée. )

(46) Le sire de Clisson, Olivier I, qui avoit fait rebâtir le château de Clisson au commencement du règne de Louis VlII, avoit fait construire cette forteresse dans le genre de celles qu’il avoit vues en Syrie et sur les bords du Jourdain.  Ce n'est pas du style gothique, mais de l'architecture moresque, es profils et la forme des créneaux et des mâchicoulis sont semblables à ceux du château de Césarée appelé la Tour des Pélerins, en Palestine. Voyez la Notice historique sur la ville et le château de Clisson.)

(47). Le héros de la maison de Clisson, Olivier, quatrième et dernier du nom naquit au château de Clisson en 1336. Il n'avoit que sept ans quand son père fut décapité par ordre du roi de France qui le soupçonnoit de trahison. Il fit ses premières armes avec sa mère qui se battit contre Charles de Blois sur mer et sur terre avec un rare courage. Elle vendit tous ses bijoux et quand il lui fut impossible de continuer la guerre, elle se retira à Hennebon auprès de la comtesse de Montfort qui conduisoit la guerre pendant que son époux étoit prisonnier dans la tour du Louvre.

Ces deux femmes singulières réunirent leurs fils.

Après la mort de son père le jeune comte de Montfort prit le titre de duc de Bretagne. Olivier Clisson eut la plus grande part à la gloire de la journée d'Auray, où  le brave comte de Blois perdit la vie, et ou Duguesclin qui commandoit dans l'armée de Charles fut fait prisonnier.

Irrité d'avoir été trompé par le duc de Bretagne, qui l'avoit envoyé en ambassade auprès de Chartes V, et qui traitoit avec le roi d'Angleterre en faisant assurer Charles de son union avec la France, il passa au service de Charles et s'unit d'une étroite amitié avec Bertrand Duguesclin. Il contribua puissamment à chasser les Anglois du royaume. Après la mort de Duguesclin, il fut le quatre-vingt-deuxième connétable de France et gagna, en présence du roi, la fameuse bataille de Rozebecq contre les Flamands.

 Clisson l'occupa d'une descente en Angleterre. Richard effrayé détermina Jean IV à le délivrer de Clisson. Le duc de Bretagne invita Clisson, le sire de Laval, le sire de Beaumanoir à venir visiter le château de l'Ermine qu'il faisoit bâtir, et sous prétexte de faire examiner les fortifications de la principale tour par Olivier, il l'y fit entrer et enfermer.

 Le sire de Laval, beau-frère d'Olivier, pretesta contre cette trahison. Le sire de Beaumanoir s'informant avec inquiétude de ce qu'étoit devenu le connétable, le duc voulut frapper de sa dague Beaumanoir au visage; Beaumanoir mit un genou en terre et le pria de ne pas faire une action qui le déshonoreroit. Le duc le fit enchaîner dans la tour avec Olivier. On connoit et l'ordre du duc de faire mourir Clisson, et la désobéissance de Bavatan, et les remords du duc, et sa joie quand il sut que Bavalan ne lui avoit pas obéi.

Peu de temps après Pierre de Craon, qui attribuoit au connétable sa disgrâce, l'attaqua dans la nuit, et il fut couvert de blessures par les ducs de Bourgogne et de Berri. Clisson fut persécuté quand Charles VI fut devenu fou. Il eut à soutenir ensuite une guerre contre le duc de Bretagne, avec qui il se réconcilia si complètement que celui-ci lui laissa par testament le gouvernement de son duché et la tutelle de ses enfans en bas âge. Clisson, à qui le duc avoit fait parler de paix, lui avoit demandé son fils en otage. Voyant arriver à Josselin ce jeune prince qui n'avoit pas six ans, il ne voulut pas le laisser descendre de cheval, et le ramena lui-même à son père qui étoit à Vannes. Ce trait de générosité triompha du ressentiment du duc de Bretagne. Clisson mourut en 1407 dans son château de Josselin à soixante-onze ans.

Le coup de lance de Duguesclin et le coup de hache d'armes d'Olivier étoient célèbres en ce temps.

Le fils de Jean IV fut enferme par la trahison du gendre de Clisson dans le château de Clisson dont il sortit enfin et il fit confisquer les biens de Ponthiérie.

François II, duc de Bretagne, faisoit sa résidence habituelle à Clisson, et donnoit des tournois dans les prairies situées sur la rive droite de la Loire. Ce terrain s'appelle encore aujourd'hui la prairie des guerriers.

François II, très-faible, et qui se laissoit gouverner par ses favoris, vit se liguer contre lui les seigneurs de Laval de Rohan, de Rieux, qui favorisoient les prétentions de Charles VIII sur le duché de Bretagne. Laudois son favori fut pendu à Nantes à l’insu du duc qui vouloit lui faire grâce.

La France étoit alors agitée par l'ambition de madame de Beaujeu. Le duc d'Orléans se mit à la tête d'un parti, et négocia avec le duc François II dont il espéroit épouser la fille. Découvert il se réfugia an château de Clisson. On sait que le duc d'Orléans fut fait prisonnier par Louis de la Trémouille à la bataille de Saint-Aubin, et que François II étant mort à Coiron d'une chute de cheval, la duchesse Anne épousa Charles VIII, et unit ainsi la Bretagne à la France.

Après son mariage Charles VIII donna des fêtes à Clisson à la noblesse de Bretagne.

Le château de Clisson tint constamment pendant la ligue pour Henri III et Henri IV. Henri IV poursuivit un lieutenant du duc de Mercoeur de Clisson jusqu'au faubourg de Pilmil, à Nantes.

Henri III mit le siège devant Clisson que le duc de Mercoeur avoit pris. Enfin l’acte de pacification conclu avec le duc de Mercœur à Angers termina la guerre et Henri fit son entrée à Nantes en 1598 où il rendit l'édit de tolérance qu'on appelle l'édit de Nantes.

 Il n’est plus question de Clisson dans l'histoire jusqu'en 1795, où ces murs qui avoient vu Henri IV virent Charette et des François fidèles jusqu'à la mort du Béarnais.

(48). Du soc de la charrue on dit qu'un laboureur

Entr'ouvrit une tombe, et, saisi d’épouvante,

Vit Marins lever sa tête menaçante,

Et, les cheveux épars, le front cicatrisé,

S’asseoir, pâle et sanglant, sur son tombeau brisé.

 La Pharsale

 (49) Le premier est compote d'une chaussée et de sept arches en pierre. Il se termine au faubourg Saint-Aubin séparé de la ville par un autre pont qui a dix-sept arches en pierre et trois travées en bois. Le troisième est composé de dix-neuf travées en bois et deux arches en pierre. Le quatrième a cinquante-deux arches en pierre et neuf travées en bois. Ces quatre ponts comptent cent neuf arches en pierre et en bois.

(50). Dinan est sur une hauteur et ressemble un peu à Lausanne ; les environs sont très-riants. On y voit encore une vieille tour ou habitoit la duchesse Anne de Bretagne, et qui est aujourd’hui une prison ; une place ou Du Guesclin combattit en champ clos contre un Anglois félon et déloyal ; une rue où l’on montre encore la maison du connétable.

(51). Duguay-Trouin, M.de Châteaubriand et M. de la Mennais sont tués à Saint-Malo.

 

 

Publicité
Commentaires
PHystorique- Les Portes du Temps
Publicité
Publicité