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PHystorique- Les Portes du Temps
10 novembre 2020

Belleville sur Vie - Précis Historique sur l’ancienne église romane et du Bréviaire de Jeanne de Belleville

Belleville sur Vie - Précis Historique sur l’ancienne église romane et du Bréviaire de Jeanne de Belleville

L’ancienne église de Belleville, dont on n'a pu sauver que les parties les plus intéressantes, consistant dans le portail extérieur et la première travée de sa nef, de l'imminente destruction dont elle était totalement menacée, présente, pour ce qui en reste debout tous les caractères de l'architecture de la fin du XIIe siècle ou du commencement du XIIIe. On y voit encore l'un des plus curieux et rares monuments de l'époque transitoire du roman au gothique, qu'on ait en Vendée.

 C'était primitivement la chapelle d'un prieuré de chanoines réguliers de l'ordre de Saint- Augustin, dépendant de l'abbaye de Saint-Vincent-de-Nieul, sur l'Autise, à deux petites lieues de Fontenay, appartenant au même ordre.

Elle desservait le château, dans l'enceinte duquel elle est située, et pour l'usage duquel elle avait été principalement construite.

Plus tard, elle devint l'église d'un prieuré-cure de paroisse.

L'église fut bâtie par les soins et libéralités, soit de Maurice II de Belleville, seigneur de Montaigu, la Garnache, Commequiers, soit par ceux de Brient, son successeur, époux d'Agnès, descendants de Maurice Girard et de Girard de Montaigu, son père, qui figurent parmi les premiers bien- sasseurs de cette abbaye au XIe siècle, concourant aux présentes dispositions et allongeant à l'envi le parchemin pour suspendre leurs sceaux -à ses lanières, dit-on dans la charte confirmative de la fondation, rapportée par Besly, aux preuves de son Histoire des comtes de Poitou et ducs de Guyenne, p. 373.

 C'était alors le bon temps des constructions et donations monastiques : la religion était tout dans l'Etat.

 

Cette première famille de Belleville tomba en quenouille, après plusieurs générations, et finit en la personne d'une héroïne, Jeanne de Belleville, dont l'ancien conservateur de la Bibliothèque publique de Nantes, Emile Péhant, a chanté les malheurs domestiques et les exploits guerriers dans un poème, dit Chanson de gestes, qui est une des meilleures œuvres poétiques qu'ait produites la Bretagne de notre temps (Nantes, Forest et Grimaud, 1868, 2 vol. in-12).

Cette héroïne, déjà veuve d'un Geoffroi de Châteaubriant, avait épousé, en deuxièmes-noces, Olivier, sire de Clisson, dont elle eut plusieurs enfants entr'autres le connétable.

Son mari s'étant, avec quelques gentilshommes bretons, secrètement allié au roi d'Angleterre, Edouard III, contre le roi de France, Philippe VI, dit le Valois, — ce qui avait été découvert par ce dernier, — fut cauteleusement, sous couleur d'un tournoi, attiré à Paris, comme dans un guet-apens, puis saisi, conduit en prison, condamné à mort, par sentence du roi, juge et partie dans cette affaire, et décapité sur une estrade.

Nous consignons en note le procès-verbal de son exécution, pour la détailler d'avantage et donner à la fois une idée du langage français à l'époque (1).

« Sa femme, qui estoit appelée dame de Belleville, ajoutent les Chroniques de Saint-Denis, tant comme coupable des devant dites trahisons, fut semoncée en Parlement, laquelle n'osa comparoir. Pour ce fut-elle condamnée et bannie. »

 De plus, tous ses biens, meubles et immeubles furent confisqués (2); ce qui la porta dans sa fureur (Notum sit ne sur eus quid fœmina possit !) à se remarier en troisièmes noces, vers 1349, avec l'anglais Gaultier Bentley, afin de courir la mer avec lui et d'exercer la piraterie sur les côtes pour se venger. Il paraît, du reste, qu'elle était une des belles femmes de son temps, instruite et forte attrayante par ses charmes et son esprit, qu'avaient orné les conférences de la cour d'amour que tenait sa mère.

C'était encore une riche héritière, qui, par la succession du dernier Maurice de Belleville, son frère unique, mais d'un autre lit, avait réuni sur sa tête tous les biens propres de son antique et opulente famille.

Jean_Pucelle

Aussi voyait-on à la section spéciale des curiosités de la Bibliothèque Nationale, lors de l'Exposition universelle de Paris, en 1878, une couple de manuscrits d'heures sur vélin, dits Bréviaire de Belleville, provenant de cette confiscation.

Ils avaient ensuite fait partie de l'ancienne Bibliothèque du Louvre, et se trouvaient même portés sur l'inventaire ou catalogue, qui en fut dressé par le garde Gilles Mallet, et qui a été publié de notre temps, par Van Praet, conservateur en chef de la Bibliothèque nationale.

Voici comment ils y sont mentionnés :

« N° 1199. Premièrement, un très beau bréviaire, très parfait, bien escript, très noblement enluminé et très richement historié, lequel est en deux volumes, et est à l'usage des Frères Prescheurs, et est appelé le Bréviaire de Belleville ; et se commence le second feuillet du premier volume et seitote, et du second volume justice, et en sont les fouillez par dehors historiez à images, et sont les fermouers d'argent doré, esmaillez des armes de Belleville, et sont en deux estuiz de cuir bouilly ferrez.

« N° 1205. Item, Un très bel messel (3), bien escript et richement enluminé, aux armes de Belleville, et est à l'usage de Sainct-Dominique et est nommé le Messel de Belleville, et se commence le second fueillet per » (Inventaire ou catalogue des livres de l'ancienne Bibliothèque du Louvre sous Charles V, fait en 1374, par Gilles Mallet, annoté et publié par Van Praet; p. 2b3-204; Paris, Debure, 1836, gr. in-8.

Le fils aîné du supplicié, Olivier de Clisson, qui s'était rallié au roi Jean, fils de Philippe de Valois, malgré ses griefs personnels contre celui-ci, devint connétable de France en 1380, après la mort et sur la recommandation de Bertrand Du Guesclin, son ami et compagnon d'armes.

 Il avait déjà obtenu la restitution des biens confisqués de ses parents, et par suite, les terres de Belleville, Montaigu, etc., échurent dans le partage de leur succession, à sa sœur Jeanne de Clisson qui, suivant l'exemple maternel, épousa un gentilhomme anglais, nommé Jean Harpedenne, et servit ainsi de trait-d ‘union entre les deux familles.

Leurs descendants, ayant peu à peu abandonné leur nom patronymique étranger pour l'ancien nom français de Belleville, continuèrent à en posséder la seigneurie durant plusieurs siècles. Il y a même peu d'exemples d'une aussi longue hérédité de part et d'autre. Elle fut enfin aliénée, dans le cours du XVIIe siècle, à la famille Aymon de la Petitière, sur la paroisse d'Aizenay, qui s'en qualifia quelque temps baronne à son tour.

D'elle, Belleville passa enfin, par alliance, aux Jaillard de la Marronnière, sise en la même paroisse, qui l'a possédée jusqu'à la Révolution.

C’est ce que constate la légende ainsi conçue, de la vieille cloche de l'église de Belleville, placées l'une et l'autre sous l'invocation de Sainte-Anne :

«  B. sta (Beata sancla) Anna, ora pro nobis. — Pierre-Jacques Jaillard, escuyer, chevalier, seigneur de Belleville, parrain; Mil Jaillard me (marraine) ; Mre Mathurin Giboteau, prêtre (docteur en) théologie, prieur; André Gouin, noter (notaire), fabriqueur, l'an 1728. Salabrée m'a faite. »

Le prieuré-cure de Belleville, était desservi, à la Révolution, par un prêtre nommé Servant, frère du supérieur de la maison de l'Oratoire de Saumur, qui, après avoir accepté le siège épiscopal de la Vendée, auquel il avait été le premier nommé, par les électeurs du département, en 1791 se démit, sans déduire ses motifs, comme un être faible qu'il était. On ignore ce que devinrent ensuite les deux frères.

 

RAPPORT

de l'Architecte départemental à la Commission artistique du Conseil général de la Vendée

« Ayant été chargé de visiter la vieille église de Belleville, dont la destruction est projetée par la fabrique pour la construction du presbytère, je me suis transporté, samedi 7 juin 1880, au chef-lieu de cette commune pour examiner ce petit édifice et rechercher par quels moyens on pourrait en conserver les parties intéressantes.

Ce petit bâtiment était autrefois la chapelle du château de Belleville: il dut être bâti vers la fin du XIIe siècle, à l'époque de transition, au moment où les premières ogives viennent se mélanger aux arcades romanes; les arcs ogivaux de la porte d'entrée et les deux arcs doubleaux encore debout de la voûte intérieure, annoncent les premières tendances des constructeurs à la recherche d'une forme plus durable, et surtout plus légère que celles des voûtes plein-cintre.

Ruines Eglise de Belleville sur Vie XIIe siècle

 Cette chapelle se compose actuellement d'une seule petite nef de dix-neuf mètres de longueur sur six mètres quatre-vingt centimètres de largeur à l'intérieur.

Le portail donnant accès à cette nef est d'un beau style : composé de quatre arcades ogivales concentriques, moulurées et reposant sur colonnettes à chapiteaux ornés, il se trouve flanqué sur les côtés par deux colonnes au tiers engagées et terminées par de très jolis chapiteaux de la belle époque romane.

 Ces colonnes sont elles-mêmes surmontées d'un petit contrefort carré qui va mourir sur le cordon supérieur.

Au-dessus de la porte, est percée une fenêtre plein-cintre avec colonnettes et arc orné de dents de scie ; elle est séparée de celle-ci par un cordon horizontal et six corbelets sculptés avec têtes plus ou moins grotesques.

Porche de l’Ancienne Église du Château de Belleville sur Vie

Deux énormes contreforts viennent terminer la façade à droite et à gauche, et un clocher beaucoup plus moderne en charpente et recouvert d'ardoises, couronne le fronton qui, primitivement, devait probablement supporter un petit abri pour les cloches, comme on en rencontre encore souvent dans nos églises de campagne du Poitou.

La nef se compose de trois travées, dont les deux premières ont pu conserver leurs piliers avec leurs chapiteaux et leurs bases presque intacts, tandis que la dernière est agrémentée de ce style rococo que l'on regrette de voir s'étaler si souvent dans nos églises modernisées, auprès des plus belles sculptures du moyen-âge.

Cinq fenêtres plein- cintre, très étroites, mais très hautes, éclairent dans l'intérieur. La voûte de ces trois travées est complètement détruite et remplacée par un tillis en bois formant à peu près le cintre. Le départ seul des arcs formerets et doubleaux a pu résister: ces parties sont d'ailleurs ce qu'il reste de plus intéressant avec le portail extérieur.

Aux angles, en effet, des travées, au départ de chaque arc arêtier, les fondateurs de cette chapelle ont fait placer des images de saints et de saintes qui produisent un très bel effet. Ces statues, debout ou assises, accompagnées de leurs attributs, viennent compléter l'ornementation déjà caractéristique des chapiteaux des piliers.

Ceux-ci, adossés au mur, renferment, dans leurs angles rentrants, quatre colonnettes dégagées, recevant les nervures de la voûte et une colonne beaucoup plus forte, au tiers engagée, qui vient supporter la retombée de l'arc doubleau.

Des murs de1 m. 60 d'épaisseur, quoique soutenus par des contreforts au droit des pilliers, n'ont pu résister à la poussée des voûtes; il est facile de remarquer leur manque d'aplomb, cause certaine de la ruine des anciennes voûtes. Malgré cette inclinaison vers l'extérieur, ces murs sont encore très bons et sans aucune lézarde ; ils peuvent durer encore bien des siècles si on les charge médiocrement.

Le dallage en pierres de taille contient une douzaine de pierres tombales avec armoiries et inscriptions.

Pierre tombale de l’Ancienne Église du Château de Belleville sur Vie

Le sol, du reste, a été exhaussé; peut -être en existe-il une autre au-dessous, car les bases des colonnes et des piliers sont presque aujourd'hui entièrement enfouies, et il est probable que si des fouilles intelligentes sont pratiquées, on pourra découvrir des choses intéressantes, car je ne pense pas, d'après ce que j'ai pu constater, que le vieux sol ait été bouleversé pendant les guerres civiles ou les guerres de religion qui ont ravagé le pays.

Je crois qu'il serait intéressant de préserver de la destruction ce petit édifice roman, dont les spécimens deviennent de plus en plus rares dans nos contrées.

 Je serais donc d'avis de conserver la façade d'entrée et la première travée, y compris les piliers, et de fermer la chapelle par une abside.

On aurait ainsi un petit oratoire pour la commune.

La fabrique, du reste, consent à faire l'abandon de ce que l'on voudra conserver, mais sa situation financière ne lui permet pas de faire des sacrifices en faveur de cette chapelle; elle est fortement endettée pour la construction de la nouvelle église et du presbytère, dont elle a, presque seule, supporté toutes les charges.

 

En tout cas, quand on détruira les travées que je propose d'abandonner, il sera bon d'en conserver les chapiteaux, les corbelets de la corniche, les pierres tombales, enfin tout ce qui offre quelque intérêt, et de réunir ces objets dans la travée conservée, pour en faire l'usage que vous jugerez le plus convenable.

Cela nécessitera, Messieurs, la présence fréquente sur les lieux d'un de vos membres, que je vous propose de déléguer à cet effet. »

(Conseil général de la Vendée; session d'août 1880, p. 3339-41, en note. La Roche sur-Yon, Gasté, in-8°.)

Considérant l’état de vétusté avancé de l’édifice, les autorités décidèrent de faire détruire l’église en 1880-1881 pour être remplacée par la nouvelle église Sainte-Anne Construite en 1875 200 mètres plus au sud.

Il ne reste plus actuellement que le portail composé de quatre ogivales concentriques et reposant sur colonnettes à chapiteaux ornés.

Au-dessus de la porte est percée une fenêtre plein cintre avec colonnettes. Derrière subsiste le départ des arcs formant la première travée de la nef.

Le porche est classé monument historique par un arrêté de 1947.

Échos du bocage vendéen : fragments d'histoire, de science, d'art et de littérature

 

 

 

 

Jeanne de Clisson, Dame de Belleville et du château de l'Ile d'Yeu. (légende de Pirate) <==

 Marguerite de Valois Dame de Montaigu et Belleville en Poitou amie d’Agnès Sorel.<==.... ....==>

 


 

(1)   «  L'an de grâce 1343, le samedi second jour d'aoust, messire Olivier, sire de Clisson, chevalier, prisonnier ès Chastelet de Paris, pour plusieurs trahisons et autres crimes perpétrés par lui contre le roi et la couronne de France, et alliances qu'il avait faites au roi d'Angleterre, ennemi du roi et du royaume de France, si comme ledit messire Olivier le reconnut et confessa, fut, par jugement du roi donné à Orléans, trainé du Chastelet de Paris aux balles en Chantpeaux, et là eut, sur un échafaud, la tête coupée.

 Et puis de là fut le corps trainé au gibet de Paris et pendu au plus haut eslage. Et la teste fust envoyée à Nantes, en Bretaigne, pour estre mise en une hante (manche, bâton, perche) sur la porte de Sauvetout, comme de traistre et cuidant de trahir la cité de Nantes, à perpétuelle mémoire. »

On trouve, en outre, dans les manucrits de la Bibliothèque nationale, à Paris, une miniature qui représente cette exécution avec toute sa couleur locale; voir le n 2643, fol. 126.

(2) Lettres de Philippe de Valois, du 26 novembre 1343, par lesquelles il nomme Pierre Dulac sénéchal de Belleville et de Clisson. (Archives du château de Nantes, armoire 0, cassette E, n° 16.)

(3). Messe et messel sont consonnants et logiques, tandis que messe et missel présentent une anomalie. Pour être conséquent, il faudrait dire soit messe et messel, comme dans l'ancien langage français soit misse et missel.

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