Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PHystorique- Les Portes du Temps
3 novembre 2023

03 Novembre 1933 SPLENDEURS ET MISÈRES D'UN PATRIMOINE FRANÇAIS- Des cloîtres de Vendée utilisés comme remises

Continuant par la Vendée son utile et opportune enquête sur ce qu'il a si bien intitulé les « Splendeurs et misères d'un patrimoine français », M. Paul-Emile Cadilhac s'est attardé à visiter les cloîtres, les abbayes, les prieurés, qui « ont fleuri sur cette terre d'élection », et dont beaucoup, blessés et meurtris par les outrages du vandalisme plus encore que par les ravages du temps, tombent en ruines.

M. P.-E. Cadilhac nous rappelle que, « de 1007 à 1210, quatorze grandes abbayes, presque toutes de l'obédience de saint Benoît, s'édifièrent en cette partie du Bas-Poitou.

 Les guerres - religieuses et la Révolution ont détruit la plupart de ces fondations. Sont en ruine Saint-Jean d'Orbestier, à Château-d'Olonne, Notre-Dame de Moreilles, Trizay, etc. D'autres ont moins souffert ».

Parmi celles-ci, notre confrère a élu la Grainetière et Nieul-sur-l'Autize, deux cloîtres dont il nous décrit l'état dans le dernier numéro de l'Illustration (1) :

A l'ancienne abbaye de la Grainetière, près d'Ardelay, transformée aujourd'hui en ferme

A l'ancienne abbaye de la Grainetière, près d'Ardelay, transformée aujourd'hui en ferme, (Photo Illustration.)

 

La Grainetière, proche Ardelay, est une ferme ; et, dès le seuil, c'est la surprise, le ravissement à découvrir là, encombré de charrues, d'échelles, de harnais, un adorable cloitre aux arceaux romans, aux colonnes fines, aux lourds chapiteaux sculptés. Le soleil, passant à travers-les arches, orchestre la valse des atomes.

 La ferme s'agite, hennit bêle, caquette, coquerique.

En face, la salle capitulaire aux voûtes en ogive, encombrée aussi de ferrailles, d'outils, de provisions, nous enchante  et nous désespère.

 Derrière la ferme, les ruines puissantes de la chapelle- abbatiale.

Revenus sur nos pas, nous découvrons, au bout du cloître, l'ancienne cuisine, dont le dix-huitième siècle a malheureusement gâché les fenêtres, mais qui garde l'immense cheminée percée au centre par l'ouverture du four où jadis les moines cuisaient leur pain.

 

L'histoire, ou la légende, veut que l'abbé Prévost ait accompli ici un noviciat. Peut-être Manon a-t-elle traversé le cloître... ..

Jadis la Grainetière était riche. On y récoltait 3.400 hectolitres de grain. De là son nom. Aujourd'hui, si le cloître n'avait été construit en granit, il n'en demeurerait pas une pierre,

 

Salle capitulaire de l'ancienne abbaye de la Grainetière, utilisée comme resserre a outils et débarras

Salle capitulaire de l'ancienne abbaye de la Grainetière, utilisée comme resserre a outils et débarras. (Photo Illustration.)

 

Et voici comment M. Paul-Emile Cadilhac nous montre Nieul-sur-l'Autize, visité à l'heure du crépuscule :

Ce fut aussi une abbaye puissante. Un seigneur, de haut lignage, Airauld Cassedener, la fonda vers 1063 et les ducs d'Aquitaine la protégèrent.

Louis VII, l'époux de la telle Eléonore s'y intéressa. Aujourd'hui, l'herbe envahit la cour du cloître, les colonises des galeries s'effritent et les dalles du bord se déchaussent.

Nous y sommes entrés dans le mystère du crépuscule. Le soir venait bleu et vert, noyant le carré noir inscrit par les galeries sur le ciel paie les voûtes d'arête, les lourds faisceaux des piliers.

Dans l'ombre de la salle capitulaire, le mystère se faisait plus dense, plus écrasant,

Tout d'un coup, les oiseaux — des centaines d'oiseaux - que nous avions dérangés s'enlevèrent et, dans un grand- bruit soyeux d'ailes froissées, se postèrent sur les toits de tuiles routes.

La nuit tombait, les oiseaux chantaient, pépiant, avec ces notes aiguës, ces appels, ces sifflotis que le lever du soleil ou l'approche du soir semblent exaspérer. Prière des oiseaux ? Le poète l'a dit...

Au temps où l'on entendait leur langage, sans doute vous l'aurais-je traduit. Peut- être imploraient-ils le ciel en faveur des vieux cloîtres aux cours herbues peuplées de vermisseaux friands, aux arcades ombreuses et solidaires ou l’on s’ébat en liberté, loin des fâcheux «

Ces édifices, qui restent grandioses en dépit de leur déchéance, ces ruines, émouvantes par tout le passé qu'elles évoquent, ont droit au respect, à la pitié.

Il faut les préserver d'une dévastation plus douloureuse, et même d'une destruction totale si l'on ne prend à leur égard des mesures de protection et de salut. - ...

La voix qu'élève l'Illustration en leur faveur doit être entendue. Les vieux cloîtres qui subsistent sur la terre vendéenne doivent être sauvés ! -

P. M.

 

 

 

1718, il n’existe plus de vie monastique dans les lieux et l’abbaye de Nieul-sur-l’Autize est désertée (archives) <==

 

 

 

Paul Emile Cadilhac voit le jour à La Cavalerie (Aveyron), le 9 août 1891. C’est un homme de lettres, rédacteur à « L’Illustration » (1925-1944), puis à « France-Illustration » (1946-1955). Il décède le 6 février 1968

https://www.lillustration.com/C_a108.html

La revue " L'IILUSTRATION "

 

 

Publicité
Commentaires
PHystorique- Les Portes du Temps
Publicité
Publicité