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PHystorique- Les Portes du Temps
8 novembre 2020

Marguerite de Valois Dame de Montaigu et Belleville en Poitou amie d’Agnès Sorel.

Agnès Sorel Le Diptyque de Melun, la Vierge et l'Enfant entourés d'anges

Marguerite de Valois dite « Mademoiselle de Belleville» également connue sous le nom de Marguerite, bâtarde de France, est la fille illégitime du roi de France Charles VI et de sa maîtresse Odinette de Champdivers.

Marguerite de Valois, alors âgée de dix-neuf ans, si, comme tout porte à le croire, elle était née vers 1407, s'était retirée en Dauphiné, apanage du petit roi de Bourges, comme on l'appelait.

 Ce prince, qui avait conservé un excellent souvenir de la Petite Reine et de sa fille, sa sœur naturelle, qui avait, pour ainsi dire, grandi sous ses yeux, pensant bien qu'elle ne devait plus être dans les bonnes grâces du duc de Bourgogne, dont, avec sa mère, elle avait lésé les intérêts en sa faveur, résolut de s'occuper de son avenir.

 Cette même année 1425, en effet, à la date du 15 août, Charles mande à son trésorier général en cette province, de « payer à ladite Marguerite 400 livres tournois, pour elle aidier à avoir de la robbe et à quérir ses nécessitez, » par les lettres suivantes données à Poitiers.

« Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, Daulphin de Viennois, à nostre amé trésorier général de nos finances Macé Héron, salut.

» Nous vous mandons que par nostre amé Enguerrand Le May, recepveur général, de l'aide de 2,000 florins à nous octroyé par les Estats de nostre pays de Daulphiné, vous, des deniers dudit aide, faictes païer à nostre amée Marguerite de Valois 400 livres tournois, que nous luy donnons pour elle aidier à avoir de la robbe et à quérir ses nécessitez.

» Donné à Poitiers, le XVe jour d'aoust mil cccc vingt-cinq.

» Par le Roy Daulphin :

» FRESNOY (1). »

 

Puis la même année, jugeant, d'après ce premier secours, qu'elle devait être convenablement vêtue et noblement accoutrée, il la fit venir près de lui à Mehun-sur-Yèvre (2), où se tenait alors sa cour, et accompagner par un gentilhomme nommé Pierre de Virieux, comme l'apprend une lettre adressée à ce même trésorier, dans laquelle il lui mande de payer à Pierre de Virieux 150 livres tournois pour l'aider dans les dépenses qu'il a faites pour accompagner Marguerite, « laquelle, dit le roi, nous avons mandée venir vers nous du Daulphiné, dans nostre ville de Mehun-sur- Yèvre (3). »

Deux ans se passèrent ainsi, pendant lesquels l'habitude de se retrouver ensemble raviva chez le roi les liens du sang, et il se reprit d'affection pour sa sœur naturelle. Puis, sans doute, pour la faire profiter des biens que sa mère pouvait lui avoir laissés, et dont une partie autrement fut passée aux mains du roi par droit de bâtardise ou d'aubaine (4), il résolut de la légitimer.

Nous n'avons point les lettres-patentes de cette légitimation, données à Montrichard en janvier 1427 ; elles doivent exister dans les registres de la Chambre des Comptes de Bourges ; peut-être pourrons-nous en avoir une copie; mais nous donnerons ici, en attendant, l'indication latine publiée par MM. Isambert et Jourdan (5), qu'on retrouve également aux manuscrits de la Bibliothèque nationale :

« Dominus rex, per suas littera patentes in cira viridi et filis cerisis sigillatas, datas apud montem Richardi, mense januarii 1427, legitimavit Margaritam de Valesio, filiam naturalem domini nostri regis ultimi defuncti, cui pereat deus concedens et dispensans cum eadem Margarita, ut ipsa possit bona temporalia, mobilia et immobilia que cumque acquirere et jam acquisita, et pereum sibi data possidere et tenere, et de eisdem inter vivos vel in testamento disponere ad sure libitum voluntatis ad successionem matris suas Odette de Champdivers, ceterorum que parentium et amicorum carnalium suorum de latere suae matris ex testamento vel intestato, dummodo de ipsorum procescerit voluntate et nisi alteri foret jam jus quaesitum et ad quos cumque honores et alios actus legitimos admittatur. Littera cujus legitimationis fuit hoc modo expedita in camera compotorum domini regis et registrata libro cartarum hujus temporis, fo 116. »

Les légitimations des enfants de race royale étaient très fréquentes, soit de fait, soit par lettres du prince, qui s'arrogeait ainsi le droit de légitimer l'adultère, en attaquant la sainteté du mariage.

 

 Voici ce que nous trouvons à cet égard, et au sujet de Marguerite de Belleville, dans le Recueil des Rois de France, de Du Tillet (6).

 « La troisième lignée regnante des rois de France a du tout rejetté les batards, non seulement de la couronne, mais aussi de l'adveu et surnom de France, qui est permis aux batards des rois.

Et ici convient entendre que les unes ont été advouées de fait, ayant été nourries, reçues et nommées telles en la maison du roi, les autres ont été advouées par écrit.

  Le roi Charles VII, en novembre mil quatre cent cinquante huit, advoua par ses lettres patentes données à Vendôme, sa fille naturelle, damoiselle Marie, alimentée dès son enfance au château de Taillebourg en Saintonge, lui donna le surnom de Valois, lui permit et à ses successeurs porter les armoiries de France, à la différence de la bande telle que les enfants naturels doivent et ont accoutumé porter...

 Le semblable il fit à Marguerite de Valois, accordée à Jean de Belleville, son autre fille naturelle. »

Du Tillet commet ici une erreur en donnant Marguerite de Valois, damoiselle de Belleville, comme fille naturelle à Charles VII; c'était sa sœur, sœur naturelle, il est vrai, fille de Charles VI et d'Odette de Champdivers.

Il la confond ici avec Marie citée plus haut, femme d'Olivier de Coëtivy, que le Père Anselme nomme à tort Marguerite, et qui ne fut légitimée que trente et un ans plus tard, lorsque déjà Marguerite de Belleville n'existait plus.

Quoi qu'il en soit, Marguerite de France, nommée maintenant de Valois, ayant désormais une position avouée dans sa famille et à la cour, épousa, avant le mois de mai 1433, suivant son traité de mariage (7), un seigneur du Poitou, d'origine anglaise, mais dévoué au roi de France, dont, de père en fils, il tenait le parti, Jean III de Harpedanne ou Harpedenne (8), dit de Belleville, seigneur de Mirambeau.

Elle reçut en dot, dit le P. Anselme (9), vingt mille moutons d'or (10), qui servirent probablement à désintéresser les frères et sœurs de son mari des terres et seigneuries de Belleville, Montaigu, Vandrennes et la Lande, que leur donna Jean II de Belleville en avance d'hoierie.

C'est donc par erreur que le religieux de Saint-Denis prétend qu'elle reçut en don du roi la terre de Belleville, cui dedit dominium DE BELLEVILLE in Pictavia (11).

 Elle ne reçut point cette seigneurie par don du roi, puisqu'elle appartenait, de même que les autres citées plus haut, au père de son mari ; mais elle apporta l'argent nécessaire pour, au moyen d'une soulte, dédommager ses frères et sœurs de la partie de ces terres qui devait leur revenir par héritage.

Ainsi donc, Jean III de Belleville, nonobstant ses cohéritiers, ne dut pas être moins grand seigneur que son père.

Marguerite de Valois, devenue épouse et mère, eut plusieurs enfants dont nous parlerons dans la suite avec les seigneurs de Belleville.

 Elle n'abandonna pas complétement la cour et la suivit même dans quelques- unes de ses résidences royales, à Amboise, à Loches, à Chinon, à Mehun- sur-Yèvre, etc.

 

(Découverte d’un souterrain entre le Château de Chinon et le petit manoir de Roberdeau, Agnès Sorel -Charles VII )

 Ce dut être évidemment dans ces châteaux ou résidences royales, embellis par la jeunesse et la beauté, qu'elle se lia avec Agnès Sorel, la belle et toute puissante maîtresse du faible Charles VII, dont elle remontait le courage, le conduisant, comme une nouvelle Egérie, dans les sentiers d'une politique difficile et tortueuse.

Gentille Agnès, plus de los tu mérite.,

La cause étant de France recouvrer,

Que tout ce que en cloistre peut ouvrer.

Close nonnain ni en desert hermite,

a dit un prince poète, François d'Angoulême, plus tard roi de France sous le nom de François Ier, et c'est le plus bel éloge que l'on puisse faire de ses sentiments chevaleresques et patriotiques.

 Cette amitié nous est prouvée par deux lettres autographes qu'Agnès lui adresse, qui plusieurs fois ont été publiées, mais que leur rareté nous invite à transcrire de nouveau (12). « On ne possède que cinq lettres de ce qu'elle a pu écrire, dit M. Steenackers (13); mais ces cinq lettres, il faut se hâter de le dire, ont pour ceux qui savent les lire une valeur considérable : elles correspondent à tout ce que laisse entrevoir sa physionomie, telle que nous la montre son image; elles la confirment en lui donnant comme le sceau de l'évidence; elles l'éclairent, en un mot, d'un jour éclatant, etc. »

De ces cinq lettres, nous n'en donnerons que deux, parce que seules elles s'appliquent au sujet que nous traitons et sont adressées à notre personnage.

 

 La première est de la main d'un secrétaire, la formule et la signature sont seules d'Agnès; mais la seconde est entièrement de sa main. La première appartient en original à la riche et curieuse collection de M. Chambry, ancien maire du troisième arrondissement de Paris ; la seconde était conservée dans celle du baron de Trémont et figure dans le catalogue de sa vente, qui eut lieu en 1853, sous le n° 1039.

 

N° I. — A Madamoiselle de Belleville, ma bonne amye,

Par Christofle.

« Madamoyselle ma bonne amye, je me recommande de bon cuer à vous. Ge vous pri volloyr bailler à se porteur Christofle ma robe de gris doblée de blanchet et toutes paires de gant que troverez en demourer; ayant ledit Christofle perdu mon coffre (14) où en avoir prins nombre. Vous plera oultre recepvoir de luy mon levryer Carpet, que vouldrez norrir de costé vous; et ne lairré aller à la chasse avecques nuz; cuar n'obeyt-il à siflet ne apel, quy me faict cause de le renvéer, et seroit, aultant dyre, perdeu; que me seroit à grant poine (15). Et l'ayez bien recommandé, ma bonne amye, et me feré plaisir; priant Dieu vous donner sa grasse.

» De Razillé ce viijme jour de septembre.

» La toute vostre bonne amye,

» AGNÈS. »

 

N° 2. — A Madamoiselle de Belleville ma bonne amye.

« Madamoyselle ma bonne amye, de bien bon cuer me recommande à vous. Plèse vous savoir que je m'esmerveille du rapport que m'avez .fait par le jeune Dampere (16), et le vous retourne pour vous aidyer à nous mettre hors de cecy, quy vous a deu estre de grant ennuy. Plèse vous savoir que nous esjoissons tant du mielx que povons en ces cartyers et y debbrez si tost venir que serez hors dudit ennuy; qui sera tant tost comme bien espère. Actendant (17) avons faict chace hyer à ung porc sangler (18), dont vostre petit Robin (19) avoit trové la traxe; et s'est tornée mal la dicte chasse au préjudice du dict petit Robin, aiant été frappé d'un taillon que ung des veneurs cuidoit tirer audit sangler en ung buisson; et luy en est assez gresve navreure (20). Mais bien espère qu'en garira par prompte voie et le ferai bien governer. Au demourant, s'il est aultre (21) que, pour vous, faire puisse, attendant vostre venue, faictes le moy savoir et le ferai de très bon cûer. Et a Dieu madamoiselle ma bonne amye, qui vous doint (22) ce que vous désirez.

» De Cande (23), ce vendredi après la saint Michel (24),

 

» La toute vostre bonne amye,

» AGNÈS. »

 

 

Ces deux lettres ou plutôt ces billets en disent assez pour nous prouver et nous montrer le goût d'Agnès pour la toilette et pour la chasse, ainsi que la bonté de son cœur et sa bienveillante commisération.

Malheureusement aucune lettre de Marguerite ne nous a été conservée, pour nous renseigner sur son caractère. La toilette et la chasse étant, du reste, des délassements du temps, il nous est permis de croire qu'elle en prenait également sa part.

Pour Agnès Sorel, personne n'ignore son amour du luxe et des belles et riches toilettes, et s'il existait un temple de la Mode, elle mériterait d'y avoir sa statue. Les robes décolletées, à longues queues, les hautes coiffes ou les chaperons, tels étaient les principaux éléments du costume de l'époque de Charles VII, costume dont, par un singulier privilège, on peut encore de nos jours se rendre compte, conservé qu'il est, presque intact dans le pays de Caux. Agnès, plus que les autres dames de la cour, peut-être, adoptait à l'extrême les singularités de la mode d'alors.

 

Ecoutons ce que nous dit de cette toilette, Vallet de Viriville (25) :

 « Elle avait, dit-il, une série de coiffures très-variées. Les unes se composaient d'un calot galonné ou d'une simple résille. Les autres, au contraire, très-élevées et d'un grand volume, portaient le nom d'atours...

Ses robes faites des plus riches étoffes de France, des Pays-Bas et d'Italie, étaient selon la mode d'alors, à taille courte et souvent décolletée. Une large ceinture serrait étoitement la jupe presque collante sur les hanches. De là, cette jupe flottait en plis très-amples, garnie au bord d'une profusion de fourrures (26). Elle continuait par une queue traînante, que portaient, à la marche, une ou plusieurs suivantes. Les manches de la robe collaient également jusqu'au poignet et modelaient le bras tout entier, etc. »

 

Un chroniqueur du temps, nous décrit également le faste de sa toilette, mais en la stygmatisant :

« Portait queues un tiers plus longues que nulle princesse du royaume; plus hauts atours, plus nombreuses robes et plus coûteuses. Et de tout ce qui a ribaudise et dissolution pouvoit conduire en fait d'habillement, de cela fut-elle toujours produiseuse et montreuse ; car se découvrait les épaules et le sein par devant jusques au milieu de la poitrine (27), »

 Peut-être ici, ce chroniqueur est-il, même encore au-dessous de la vérité, car on sait un tableau où Agnès fut peinte en robe de velours noir, le sein totalement découvert, avec l'auréole, la couronne et une escorte d'anges et l'enfant, qui sont les attributs de la Vierge, et qui fut exposé dans l'église de Sainte-Aspais, de Melun.

 Ce tableau s'est égaré depuis la Révolution, mais il existe une copie peinte de la figure principale, que l'on peut voir au Musée historique de Versailles (28).

Quant à ce que Vallet de Viriville appelle les atours, il faut entendre ici la coiffure, c'est-à-dire le hennin ou le chaperon :

Je vis atours de diverses manières

Porter aux dames, pour les mieulx atourner :

L'atour devant, et celuy en derrière,

Les haulx bonnets, couvre-chiefs à bannière,

Les haultes cornes pour dames triompher (25).

 

Pendant tout le XVe siècle, ce bel ornement fut sacrifié à la fantaisie de montrer un front dégagé et poli.

A cet effet, les cheveux furent retroussés, mais avec une tension si forte que plusieurs écrivains du temps s'apitoient sur la souffrance que devaient éprouver les femmes à être ainsi coiffées.

Ce fut encore Agnès Sorel qui fournit ce singulier échantillon d'une chevelure arrangée dans ce goût, découvert à la fin du XVIIIe siècle.

Lorsqu'elle mourut, son corps fut transporté dans la collégiale de Loches et inhumé au beau milieu du chœur de cette église, sous un tombeau de marbre que fit faire le roi. Ce tombeau gênant les chanoines du lieu, ils obtinrent de Louis XVI, en 1777, la permission de le déplacer.

On ouvrit le cercueil, et la seule chose intacte qu'on y trouva, fut la boîte du crâne avec les cheveux, et leur couleur d'un brun clair et cendré; ils formaient sur le devant un crêpé d'environ 12 centimètres de haut sur 25 de large, tandis que ceux de derrière, ramassés en une tresse de 50 centimètres de longueur, étaient relevés et attachés sous le crêpé; deux boucles flottantes avaient été réservées sur les côtés.

Malgré les précautions avec lesquelles on referma la bière sur ces curieux restes, le seul contact de l'air suffit pour les détériorer plus en un jour que n'avaient fait trois siècles.

Il est également question dans la seconde lettre d'un ennui qui empêchait Marguerite de Belleville de se rendre auprès d'Agnès Sorel, mais on en ignore la cause : peut-être s'agissait-il de quelque accident de grossesse ou d'une délivrance prochaine. On pourrait le croire, en effet, Marguerite de Valois ayant eu beaucoup d'enfants, six au moins pendant les quinze ou seize années qui s'écoulèrent entre son mariage et sa mort.

Ces deux femmes, du reste, ne fournirent pas une longue carrière, et si, comme on le dit, Agnès Sorel mourut en janvier 1449 des suites d'une couche, Marguerite, si elle ne la précéda pas au tombeau, ne dut pas lui survivre longtemps et finit sans doute de la même manière.

On ignore le lieu et la date du décès de Mademoiselle de Belleville; tout porte à croire, cependant, selon M. Dugast-Matifeux, qu'il eut lieu à Montaigu, vers le milieu du XVe siècle.

Montaigu était, en effet, le domaine le plus important de leur mouvance féodale; c'était, de plus, une place forte, tandis que Belleville, située seulement à quelques lieues, dont ces seigneurs prenaient le nom, n'étant pas un point fortifié, n'offrait aucune résistance, ni aucune sûreté.

 

Son mari, Jean III, de Harpedanne, y avait, comme nous le verrons dans la suite, fondé sous l'invocation de saint Maurice, patron des anciens seigneurs de Belleville, un chapitre, dont la chapelle était située dans l'enceinte même du château et au-dessous de laquelle on avait pratiqué, pour recevoir les dépouilles mortelles des seigneurs, un enfeu que l'auteur que nous suivons a vu à l'époque de sa destruction et où il a pu admirer les sculptures et quelques restes de peinture murale.

Il n'en restait presque plus rien lors de la destruction totale de la sépulture en 1823.

Pour la chasse, c'était aussi alors un délassement de la noblesse, et, quoique image de la guerre, les dames ne dédaignaient pas d'y prendre part et de se mêler à ces nobles plaisirs. Elles passaient une grande partie de leur vie à cheval et avec les chiens. La gravure nous les représente aussi avec un faucon perché sur le poing. Elles ne frappaient point elles-mêmes le gibier, mais elles lançaient et suivaient du regard dans les airs, le fier oiseau, emblème de la noblesse féodale.

 

Agnès et Marguerite, ces deux amies, étaient de véritables Dianes chasseresses, et dans ces deux lettres, nous voyons que ces plaisirs meurtriers n'empêchaient nullement chez elles l'affection tendre, la bienveillance et la commisération.

Ainsi, dans la première adressée par Agnès Sorel à Mademoiselle de Belleville, « la fille de cette autre créature si charmante et si dévouée, Odette la petite reine (30), »

celle-ci lui envoie par un porteur son lévrier Carpet qui n'est pas, paraît-il, d'une docilité parfaite. « Cuar n'obeyt-il à sifflet ne appel; » mais elle le lui recommande et ne veut pas qu'il soit perdu « que me seroit, dit-elle à grant poine. »

Dans la seconde, c'est d'un autre chien qu'il s'agit; il a nom Robin, et lui a été prêté par Mademoiselle de Belleville; il a de plus été blessé « ayant été frappé d'un taillon » qu'un des veneurs croyait lancer au sanglier. Elle s'apitoie sur cet accident, mais elle espère « qu'en guarira par prompte voix et le ferai bien governer. »

En somme, il n'y a dans cette liaison rien que de bien naturel de leur part; ces deux femmes, l'une comme maîtresse du roi régnant, l'autre comme bâtarde du roi défunt, belles-sœurs en quelque sorte, étaient amenées à nouer des relations entre elles et à devenir intimes; et on explique bien dès-lors leur correspondance.

Il faut donc considérer Montaigu comme le principal établissement et la résidence habituelle des seigneurs de Belleville ; et quelles qu'eussent été les habitudes premières de Marguerite, l'éducation de ses enfants et le soin de son ménage devaient l'y retenir forcément dans les occupations de son sexe.

Par suite donc, toutes les présomptions sont qu'elle y fit ses couches répétées et qu'elle y termina son existence à l'âge de quarante- deux ans au plus, et que son corps fut déposé dans les caveaux de Saint- Maurice, qui était le Saint-Denis du lieu.

Nous avons dit, dans la biographie précédente, que M. Dugast-Matifeux pensait qu'Odette de Champdivers, mère de Mademoiselle de Belleville, avait dû mourir à Montaigu et y être inhumée ; et dans un article qu'il publia dans un journal de Nantes (31), il prétend qu'on trouva un fragment de dalle tumulaire, « sur lequel on déchiffrait encore le nom d'Odette et où l'on voyait quelques traits gravés en creux qui semblaient représenter un vêtement de femme. C'était, d'ailleurs, dit-il encore, une tradition locale recueillie de son père, ancien Procureur fiscal de la seigneurie, par le conventionnel Goupilleau (32). »

Nous avons répondu à une partie de cette hypothèse, en n'admettant pas la mort d'Odette en Poitou, mais bien en Dauphiné. Quant à l'inhumation de sa fille à Montaigu, nous y croyons fermement, et peut-être, cette dalle tumulaire où se voyait écrit le nom d'Odette, était-elle la pierre qui recouvrait la dépouille mortelle de Marguerite de Valois, sur laquelle son image aurait été reproduite en creux suivant la mode de l'époque et avec une légende indiquant qu'elle était fille d'Odette de Champdivers, légende qui aurait été effacée, brisée et perdue, moins le fragment portant encore le nom d'Odette.

Au dire des anciens habitants de Montaigu, cet enfeu contenait les tombeaux des Harpedannes, et d'Aubigné le dit lui-même en propres termes, à propos de son frère qui y fut enseveli (33).

Il serait maintenant, du reste, impossible de s'en rendre compte, tout ayant été détruit et vandalisé sous la Restauration, après la vente des terres et des pierres, par l'ancien seigneur de ces domaines, le marquis de Juigné, rentré dans ces biens non vendus à la Révolution.

Enfin, autant qu'on peut juger des faits qui se sont passés à cette distance et dans l'absence de documents bien précis, il semble bien établi que ces deux femmes, ces deux amies, ont rendu des services à la royauté, et que l'une même, Agnès Sorel, a exercé une heureuse influence sur le roi Charles VII.

Deux faits péremptoires, et l'on sait que de toutes les raisons qu'on peut donner les faits sont les meilleurs, viennent à l'appui de cette présomption.belle

Qu'était et que faisait Charles VII avant de connaître Agnès Sorel, et que devint-il et que fit-il après l'avoir perdue? S'il ne faisait rien de bon antérieurement, il se plongea après elle dans tous les désordres d'une vieillesse débauchée ; c'est qu'Agnès le poussait au bien et le contenait dans le mal tant qu'elle vécut.

Quant à Marguerite de Belleville, nous avons vu qu'elle avait, comme sa mère Odette, du cœur et de vrais sentiments patriotiques, toute bâtarde qu'elle était. Nous devons donc en conclure que ces deux femmes, Agnès et Marguerite, avaient cela de commun.

Louis PRÉVEL.

 

 

 

 

Le château de Belleville sur Vie et ses premiers Seigneurs<==.... ....==> ==> Tours le 7 octobre 1433  Ratification par Charles VII de l’acte par lequel Jean Harpedenne, sr de Belleville, règle sa succession au profit de Jean de Belleville, sr de Mirambeau, son fils aîné, marié avec Marguerite de Valois, fille naturelle du feu roi Charles VI.

Jeanne de Clisson, Dame de Belleville et du château de l'Ile d'Yeu. (légende de Pirate) <==

 

==> Août 1446 de Candes, lettres d’abolition de Charles VII octroyées à Jean de Longpré, archer de Jean Harpedanne de Montaigu

 

 


 

(1) Bibl. nat. Maison des rois de France, vol. III. (Cabinet Clairambault.)

(2) Petite ville, chef-lieu de canton du département du Cher, arrondissement de Bourges.

(3) Catalogue Joussanvault, t. II, p. 352, no 35o8. '

(4) Le droit de bâtardise, qui était un droit régulier, consistait dans l'héritage des bâtards, qui, au XVe siècle, ne pouvaient tester au-delà de cinq sols. A cette époque, les bâtards étaient regardés comme véritablement serfs du roi et assujettis aux mêmes règles que les étrangers. Ils étaient tenus de payer une taxe annuelle de douze sols parisis, et ils ne pouvaient contracter mariage avec des personnes d'une condition différente de la leur, sans en demander au roi une permission appelée surmariage, par laquelle ils étaient tenus de donner la moitié de leurs biens. La législation concernant les bâtards ne se relâcha de cette rigueur que vers le milieu du XVIe siècle, sous le règne de François 1er. (Mémoires sur les matières domaniales, ou Traité du domaine, par Lefebvre de la Planche, t. II, p. 273. — Analyse de M. P. Clément.)

(5) Isambert et Jourdan. Recueil général des anciennes lois françaises, t.VIII, p. 741. — Paris, Beliri-Leprince, 1825, in-80. — Bibl. nat., mss. chartrier de Bourges, f° 116, cart. 115.

(6) Du Tillet. Recueil des rois de France et de messeigneurs fils de France, p. 206-2°7. — Paris, 1 586, in-fo.

(7) Conventions stipulées par Jean de Belleville pour le mariage de Jean III, son fils, sgr de Mirambeau, avec Marguerite de Valois. (Bibl. nat., dépt des mss., armoire Boluze, vol. XXIII, fo 282 et suiv.)

(8) Le véritable nom est HARPEDANNE. HARPEDENNE n'est que la reproduction de la prononciation anglaise.

Harpedanne (Jean III), Chevalier, seigneur de Belleville, Montaigu, etc., renonça à son nom patronymique (ainsi que son frère, ses soeurs et leur postérité), et ne fut plus connu que sous le nom de Belleville.

 Aussitôt la mort de son père, Jean de Belleville eut à soutenir un procès au Parlement, siégeant à Poitiers, contre Jovine de Mussidan, sa mère, au sujet de l’assiette du douaire de celle-ci, et en exécution du testament de son mari. Celui-ci lui avait légué une rente viagère de 2.000 livres à assigner sur les immeubles de la succession. De plus, elle réclamait la moitié des acquêts de la communauté, c’est-à-dire des terres de Maillé, en Saintonge, et du Breuil-Bertin, de Longèves, de Loiré, etc.

On voit par les plaidoiries qui furent prononcées les 20 juin et 18 juil. 1435 que le mariage de Jean II Harpedanne avait été célébré à Blaye et le contrat passé à Bordeaux, pendant les trêves entre la France et l’Angleterre, qu’il en était de même pour le seigneur de Barbezieux, père de Jean de la Roche, sénéchal du Poitou, et que ces circonstances ne pouvaient empêcher ces actes d’être valables comme le prétendait l’avocat de Jean de Belleville. (Arch. Nat. X ia 9200, f° 359, 370 v°).

Le 24 sept. 1435, on trouve un jugement de provision condamnant Jean de Belleville à payer à sa mère, jusqu’à l'arrêt et règlement définitif, une rente annuelle de 600 livres à asseoir sur les revenus de Belleville et des autres terres ayant appartenu en propre à feu Jean Harpedanne, et à lui abandonner pour résidence le château de Belleville avec cette condition que le capitaine qu’il y nommera devra préalablement être agréé par la dite Jovine de Mussidan. (Id. Id. 9193, f° 106).

Ce procès se termina par un accord amiable entre le sire de Belleville et sa mère, le 24 nov. ou le 2 déc. 1435 ; le texte n’a pas été conservé, mais mention s’en trouve dans un inventaire officiel des accords enregistrés au Parlement de Poitiers. (Id. Id. 8604, f° 21).

Ce procès ne fut pas le seul que Jean de Belleville eut à soutenir au sujet de la succession de son père.

L’établissement de sa sœur Jeanne et le partage avec son frère Olivier donnèrent lieu à des contestations. il eut aussi un différend avec Mery de Montalembert, seigneur de Granzay et l’abbaye des Châtelliers au sujet d’une maison de Nuaillé, fief appartenant à Jean de Belleville.

Ce procès était pendant depuis longtemps, car dès le 4 mai 1430, ledit Montalembert et sa mère poursuivaient Jean II Harpedanne et son fils ainé pour excès et attentats non spécifiés ; l’affaire n’avait pas été plaidée au fond, parce que les défendeurs firent défaut.

Après 27 ans d’interruption, en janv. 1457 (n.s.), Pierre de Montalembert, fils de Mery, reprit le procès et obtint des lettres de relèvement. Jean de Belleville demanda des délais mais on ne sait quelle fut la conclusion de cette affaire.

 Le 28 fév. 1447 fut plaidée une affaire criminelle entre Jean de Belleville et Nicolas Queyré, son sénéchal à Montaigu, qui s’accusaient l’un l’autre de divers méfaits.

Il eut encore des démélés avec le duc d’Anjou qui était demandeur contre lui en cas d’excès le 29 oct. 1451 et un procès criminel fut intenté par lui contre Jean, Nicolas et Denis Payraudeau, le 3 déc. 1455. Charles VII avait accordé à Jean de Belleville une pension annuelle de 1.000 Livres pendant 10 ans à partir d’oct- 1444. (Bibl. Nat. P.O. 279, p. 7 et 8).

Jean avait fondé, en 1438, l’église collégiale et chapitre de St-Maurice de Montaigu et lui légua, par son testament du 30 juin 1466, la terre et la seigneurie de Vendrennes, ce qui fut confirmé par Louis XI, par lettres de 1475.

Il mourut peu après 1466. Comme son père et son ayeul, il se maria deux fois.

 D’abord, vers 1428, à Marguerite de, France, dite de Valois, fille naturelle de Charles VI et d'Odette de Champdivers, légitimée par lettres de Charles VII, données à Montrichard en janv. 1428 (n.s.).

Ce dernier, en la mariant à son chambellan, lui fit cadeau de 20.000 moutons d'or, dont la moitié, remise à Jean II Harpedanne devait être employée en achat de terres et héritages au nom de sa bru.

Ce don et cette destination sont rappelés dans une plaidoirie faite au Parlement de Poitiers, le 26 avril 1435, pour Jean de Belleville contre Olivier, son frère. (Arch. Nat. X la 9200, f° 380 v°).

Marguerite de Valois fut attachée à la personne de la reine ; elle était connue à la cour sous le nom de Mademoiselle de Belleville.

Elle mourut avant le 25 janv. 1458, suivant un compte de Mathieu Beauvarlet, commis à la recette générale des princes. Jean de Belleville épousa, en secondes noces, en 1458, Jeanne de Blois, dite de Bretagne, la plus jeune des filles de Jean, Comte de Penthièvre et de Marguerite de Clisson, qui lui apporta les terres et seigneuries de Bournezeau, Puymaufrais et des Pineaux et dont il n’eut pas d’enfant.

 

 

(9) Histoire généalogique de la maison de France et des grands officiers de la couronne, t. I.

(10) Les moutons d'or fabriqués sous le règne du roi Jean pesaient environ onze francs de la monnaie du XVIIIe siècle. Ils portaient d'un côté l'écu de France et le nom du roi Jean : Johannes Francorum rex; de l'autre, un Agnus Dei et la légende Ecce qui tollis peccata mundi.

(11) Collect. des documents inédits pour l'histoire de France, t. VI, p. 486.

(12) Ces lettres ont été publiées pour la première fois par M. Pierre Clément dans son ouvrage intitulé : Jacques Cœur et Charles VII; puis par Capefigues, dans Les Reines de la main gauche, mais très-imparfaitement; par Vallet de Viriville, dans son Histoire de Charles VII; enfin, par Steenackers, dans Agnès Sorel et Charles VII.

(13) Steenackers. Agnès Sorel et Charles VII, p. 56.

(14) Boîte à gants.

(15) Peine.

(16) François de Clermont, chevalier seigneur de Dampierre, maître d'hôtel de la reine en 1456. Il était né vers 1425.

(17) En attendant.

(18) Sanglier.

(19) Chien de chasse prêté par Mademoiselle de Belleville.

(20) Assez grave blessure.

(21) (Chose).

(22) Accorde, donne.

(23) Petite ville près Chinon.

(24) 29 septembre 1446.

(25) Vallet de Viriville. Agnès Sorel. Revue de Paris, 1 5 octobre 1858, p. 2 56, 257, 258.

(26) Agnès Sorel aimait surtout les belles fourrures et les pierreries.

(27) Histoire du costume en France, Magasin pittoresque, t. XV, p. 307.

(28) Galerie des portraits du 2e étage. L'auteur de cette copie, ne l'ayant prise que comme monument historique, n'a pas reproduit l'auréole de la couronne.

Le Diptyque de Melun, la Vierge et l'Enfant entourés d'anges est un tableau votif peint vers 1452-1458, par Jean Fouquet, pour le compte d'Étienne Chevalier, trésorier du roi de France Charles VII, autrefois conservé à la collégiale Notre-Dame de Melun et aujourd'hui dispersé.

(29) Mémoires d'Olivier de la Marche, Gand, Gérard de Salenson, 1567, pet. in-40.

(30) Steenackers, Agnès Sorel et Charles VII, p. 62.

(31) Phare de la Loire, 1er avril 1878 : Variétés et documents rétrospectifs.

(32) Philippe-Charles-Aime Goupilleau.

(33)Le jeune d'Aubigné, tué dans une rencontre aux environs de Montaigu, en 1580, y fut aussi enterré, « dans les sépultures des ducs de Thouars, chose qui a depuis été agréable aux seigneurs, » rapporte son frère Agrippa (i).

 

Malheureusement tous ces restes de la mort furent vandalisés, sous la Restauration, par les agents du marquis de Juigné, fils aîné du dernier seigneur de Montaigu, qui vendirent, à vil prix, les terres, les belles rangées d'arbres, qu'on appelait l'allée des soupirs (2), les charpentes et jusqu'aux pierres du château.

 

L'enfeu ou crypte, un véritable monument à conserver pour l'art et pour l'histoire, fut détruit en pure perte, et tout ce qu'il contenait. Nous l'avons vu dans notre jeunesse; nous nous rappelons parfaitement ses voûtes en ogives, ses colonnettes, ses frises, ses peintures murales, ses dalles tumulaires, et nous avons été témoin de ces faits misérables : Quœque ipse miserrima vidi.

Histoire universelle, t. II, liv. IV, chap. XVI, p. 377. — D'Aubigné, qui était un littérateur éminent, et non un érudit, s'exprime ainsi, parce que les La Trémouille étaient devenus seigneurs de Montaigu dans l'intervalle et qu'ils le possédaient au moment où il écrivait ; mais, en fait, aucun d'eux n'y avait été inhumé, sauf peut-être un cadet de famille, prénommé François, qui eut cette terre en partage et mourut en 1555, ne laissant qu'une veuve, Françoise Bouchet de Puygreffier.

 

 C'était donc, en réalité, la sépulture des Belleville, et non des ducs de Thouars, qui avaient leur mausolée à Thouars même, dans la magnifique chapelle du château.

Le dernier de tous, dont on avait dégarni le pied, un ormeau séculaire, sous lequel on jouait la pastorale et qui servait de reposoir pour les processions, fut renversé par un coup de vent.

 

 

 

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