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PHystorique- Les Portes du Temps
21 août 2023

Légendes limousines : Les Légendes de Montbrun, Richard Cœur de Lion – Hugues X de Lusignan seigneur de Crozant

Légendes limousines Les Légendes de Montbrun, Richard Cœur de Lion – Hugues X de Lusignan seigneur de Crozant

Hugues IX de Lusignan, que les contemporains ont surnommé le Brun, et à qui la tradition attribue la fondation de Chateaubrun, suivit d'abord la fortune du roi de France, dans la lutte contre Jean-sans-Terre, et par un retour étrange de ses sentiments, on le vit, peu après, embrasser la cause du meurtrier d'Arthur de Bretagne.

 Son successeur, Hugues X de Lusignan, s'unit, en 1227, aux seigneurs qui, pendant la minorité du roi Louis IX, avaient pris les armes contre la régente, Blanche de Castille.

Poussé par l'orgueil de sa femme, Isabeau, veuve de Jean-sans-Terre, mère de Henri III, roi d'Angleterre, et de Marie, femme d'Othon IV, empereur d'Allemagne, Hugues X refusa l'hommage à son suzerain immédiat, le comte Alphonse de Poitiers, frère du roi Saint-Louis.

Il appela à son aide, en 1242, le roi d'Angleterre, fils de sa femme, mais tous deux, vaincus à Taillebourg et à Saintes, implorèrent la paix du vainqueur.

Saint-Louis s'empara des châteaux de Crozant et de la Borne.

Avec quelle joie les habitants de la contrée ne se pressaient-ils pas autour du glorieux monarque, luttant pour la liberté et l'indépendance de son peuple.

Comme ils étaient heureux de saluer de leurs acclamations enthousiastes l'étendard du grand roi, symbolisant toutes les gloires de la religion et de la patrie (1).

Louis IX était aussi indulgent pour les coupables repentants qu'intrépide sur les champs de bataille à défendre les droits et l'honneur de son royaume.

A la prière du fils, il pardonna la révolte du père.

« Le coupable lui-même, dit Joinville, délibérant de ne plus prester l'oreille aux folles paroles de sa femme, la prit avec ses enfants et se vint rendre à la mercy du roy, lui requérant pardon de son meffait et félonie.

 » Saint Louis poussa la clémence plus loin encore que le simple pardon.

Pouvant conserver les conquêtes qu'il venait de faire, il préféra rendre à Hugues de Lusignan toute la Marche, une partie de la Saintonge et de l'Angoumois, mais ce fut à condition que le seigneur de Lusignan ferait hommage de toutes ses terres à Alphonse, comte de Poitou.

Le roi l'obligeait en outre à se montrer à l'avenir un vassal aussi fidèle que soumis.

Saint Louis connaissait le caractère altier d'Isabelle, qui déjà avait poussé, une première fois, son mari à la révolte.

Afin de prendre ses garanties, au mois d'août de cette même année 1242, et avant de s'éloigner du Poitou, il fit signer à Hugues et à sa femme un acte conservé par dom Martène et dont voici la traduction ;

 « Hugues de Lusignan, comte de la Marche et d'Angoulême, et Isabelle, par la grâce de Dieu, reine d'Angleterre et comtesse des lieux susdits, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.

Nous faisons savoir que comme gage du bon et loyal service que nous devons à notre illustre souverain Louis par la grâce de Dieu roi de France, et à son très-cher frère Alphonse comte de Poitou nous avons livré aux susdits seigneurs trois châteaux, savoir ceux de Merpins, de  Chastel-Achard et de Crozant.

Il est convenu que le roi gardera les deux premiers, c'est-à-dire Merpins et  Chastel-Achard pendant quatre ans à commencer à l'Assomption de la bienheureuse Vierge Marie prochainement venant, l'année de Notre-Seigneur MCCXLII. »

Quant au troisième, le susdit roi le gardera pendant huit années, lesquelles commenceront au terme susdit.

En outre, nous nous engageons à donner annuellement 400 livres tournois pour la garde des dits châteaux de Merpins et de Chastel-Achard savoir 200 livres pour la garde des deux châteaux de Merpins et Chastel-Achard et deux autres cents livres pour la garde du château de Crozant.

 Écoulées les quatre années susdites, c'est-à-dire en 1246, et au terme indiqué, ledit seigneur roi sera tenu de rendre à nous ou à nos héritiers les deux châteaux de Merpins et de Chastel-Achard, et dans le même état qu'ils se trouvent actuellement et dès lors nous demeurerons quittes et exempts des 200 livres.

Toutefois nous continuerons de payer 200 livres pour la garde du château de Crozant.

 Mais au terme de la huitième année, le seigneur roi sera tenu de remettre à nous ou à nos héritiers le susdit château dans l'état où nous le lui livrons.

Et dorénavant nous serons quittes et exempts des 200 dernières livres.

En témoignage et mémoire dudit engagement, nous avons fait sceller de notre sceau les présentes lettres.

 Fait l'an du Seigneur 1242, dans la fête de l'invention de saint Etienne (2). »

 

 

Passé le 3 du mois d'août, cette transaction devait être exécutée.

 Aussi, dès la fête de l'Assomption de Notre-Dame 1243, les troupes royales prenaient possession des trois forteresses désignées.

Il semblerait que le château de Crozant était une place beaucoup plus forte que les deux autres, puisque la moitié de la somme exigée était affectée à sa seule garde, et saint Louis, d'ailleurs, se réservait le droit de le garder huit ans, tandis que les deux autres châteaux de Merpins et de Château-Larcher devaient être remis au bout de la quatrième année.

Il est important de remarquer le choix fait par saint Louis des trois places fortes exigées pour sa sécurité.

 Il lui était loisible de faire occuper les châteaux de Lusignan d'Angoulême et de Limoges; mais, par un sentiment de condescendance qu'explique la grandeur de cette âme de roi et de saint, il se contenta de prendre le château de Merpins, près de Cognac et voisin d'Angoulême, celui de Château-Larcher, distant de Lusignan d'environ quatre lieues et enfin celui de Crozant, sur la Creuse, à quelques lieues de Limoges.

 De la sorte il n'humiliait pas trop la fierté d'un vassal redoutable, malgré son abaissement momentané, et les troupes royales, sans être importunes, pouvaient de ces trois points surveiller et au besoin réprimer les agissements de Hugues X dans les trois provinces de la Marche, de l'Angoumois et du Poitou.

Il y a 780 ans, Saint-Louis, roi de France livrait Bataille à Taillebourg et Saintes (juillet 1242) <==

C'est à cette époque (1217-1245), que la célèbre Isabelle d'Angoulême fit élever la grosse tour (turris magna) du château de Crozant (2).

« Depuis la défaite d'Hugues de Lusignan, une inimitié latente ne cessa d'exister entre les comtes de la Marche et leurs suzerains ; on peut le supposer, du moins, en parcourant l'interminable série des griefs qu'une comtesse de la Marche articulait vers 1254, environ douze ans après les événements qui viennent d'être relatés, contre le sénéchal du Poitou, un certain Thibaud de Neuvy.

Celui-ci entretenait, outre un chevalier, treize sergents, qui paraissent avoir fait assaut entre eux de vexations et de concussions dans la province soumise.

Pour me renfermer étroitement dans mon sujet, je relèverai seulement la protestation de la plaignante contre l'arrestation arbitraire de Monseigneur Pierre Lareau, chevalier, châtelain de Crozant, qui avait refusé de remettre les clefs du château à Laurent d'Etampes, bas sergent (bedea) du sénéchal.

 Nous ignorons malheureusement ce qu'il advint dans la suite de cette querelle. »

Hugues XI de Lusignan, qui hérita de la terre seigneuriale de Crozant à la mort de son père, n'est guère connu dans l'histoire que par l'acquisition qu'il fit, en 1260, de la vicomté d'Aubusson, que lui vendit Raynaud VII à son retour de la croisade.

Voici ce qu'en disait, en 1860, le docteur E. de Beaufort: Crozant (canton de Dun-1e-Palleteau, Creuse) :

« Semblable au squelette pétrifie de ces gigantesques fossiles qui étonnent par leur grandeur, le château de Crozant n'offre que des restes qui peuvent donner une idée de ce qu'il était anciennement, et d'après lesquels, avec quelque attention, on pourrait encore, à l'exemple de l'immortel Cuvier, reconstruire l'individu.

 Ces ruines sont plus remarquables par leur position que par elles-mêmes.

Figurez-vous un roc désert, prolongé en forme de promontoire entre deux vallées profondes rapides et escarpées des deux côtes, et au fond desquelles bouillonnent et se précipitent deux rivières, la Creuse et la Sedelle ; figurez-vous, à plus de cent pieds au-dessus du niveau de l'eau, chaque sommité de cette petite chaîne montueuse portant une tour, un pan de muraille décharné, et, au milieu de ces constructions délabrées, des rocs saillants et des anfractuosités plus ou moins profondes, et tout cela nu, sans terre et sans végétation, et vous aurez une idée du château de Crozant. » (Mém. de la Société des antiquaires de l’'Ouest, année 1860, p. 151.)

 

 Légendes limousines :

Un ouvrage qui était à venir et qui sera d'un passionnant intérêt pour les régionalistes et pour tous ceux qui s'intéressent au passé glorieux de notre Province, vient d'être écrit et va paraître prochainement.

 A Chabanais même, en pleine fête limousine, nous avons eu l'honneur d'être présenté par M. du Marroussem, Président de la Fédération Régionaliste de France, à l'auteur très distingué et très averti de cet ouvrage appelé au plus beau succès.

Très aimablement, Mme de Sazilly, à qui nous présentions nos compliments, nous autorisa à donner aux lecteurs de la Vie Limousine, la primeur du premier chapitre des Légendes Limousines.

De cette faveur grande nous remercions bien respectueusement Mme de Sazilly.

Nul n'était mieux qualifié que M. du Marroussem, Président de la Fédération Régionaliste de France, pour présenter un tel ouvrage. Car nul mieux que lui ne connaît et n'aime notre Province.

Les lecteurs de la Vie Limousine ont d'ailleurs gardé le meilleur souvenir des remarquables conférences données à Limoges par l'ancien Président de la Société d'Economie sociale.

La préface écrite par M. du Marroussem d'une documentàtation si riche et si précise-situe les Légendes Limousines recueillies par Mme de Sazilly dans un cadre historique et géographique.

Ainsi les érudits et ceux qui préfèrent la légende à l'histoire auront plaisir à connaître et la Préface et l'ouvrage. Le frontispice est digne de l'œuvre, et l'oeuvre elle-même est digne d'une telle présentation.

Ch. D.

Ruines du Château de Crozant Hugues X Lusignan

 

Le sire de Crozant

Or il advint que la renommée des armes et des victoires du Sultan Saladin, réveilla les rois de la Chrétienté ; ils entendirent la grande voix des Papes et, laissant là leurs querelles, s'unirent pour combattre les Infidèles.

Philippe Auguste partit pour la croisade avec ses chevaliers bannerets ; Richard d'Angleterre auquel sa vaillance devait faire donner le nom de Cœur de Lion, se joignit à son suzerain avec la fine fleur de sa chevalerie, et l'empereur Barberousse se rendit-de son côté dans la Terre Sainte.

Hugues de Lusignan, seigneur de Crozant et surnommé le Roux, fut du nombre des' chevaliers qui s'enrôlèrent sous la bannière de Richard, car le Limousin et laMarche rendaient hommage au duc d'Aquitaine, et Richard possédait ce duché.

Hugues était un homme superbe, dont la belle chevelure, la barbe fauve et l'œil d'aigle auraient fait de grands ravages dans le cœur des belles de la cour d'Aquitaine.

Sa réputation de bravoure était aussi grande que celle de Richard, aussi ce prince avait-il une grande affection pour son frère d'armes. Ils luttaient d'héroïsme et les Infidèles connaissaient le poids de leurs masses d'armes.

Un jour, Hugues, emporté par son ardeur, laissa loin derrière lui ses chevaliers, si bien que les ennemis l'entourèrent ; l'un d'eux coupa traîtreusement les jarrets du cheval qui s'abattit entraînant avec lui son cavalier et le fit prisonnier.

A cette nouvelle, Richard eut un rugissement de fauve. Il se fit armer de toutes pièces, monta sur son meilleur destrier et partit à fond de train sur l'armée infidèle. Ceux-ci le reconnaissant à son armure s'enfuirent en criant : « Voici le Lion ! Voici le Lion ! »

Saladin furieux chercha à rallier ses hommes, mais ses efforts furent vains et la fuite se changea bien vite en déroute.

La rage au cœur, le Sultan fit alors venir un prisonnier et l'interrogea. « Pourquoi le Cœur de Lion était-il si redoutable à la dernière bataille ?

— Seigneur, répondit le prisonnier, tu tiens dans tes geôles son frère d'armes et il se paya sa rançon.

— Qui est son frère d'armes ?

— Hugues de Lusignan, que tes gens ont pris il y a quelques jours.

— Puisqu’il en est ainsi, je le lui rendrai et sans rançon, répondit le Sultan, avec un éclair de haine dans les yeux. »

 

Saladin se fit amener le sire de Lusignan et après l'avoir interrogé lui rendit la liberté.

Mais auparavant il fit couper, par un esclave, la belle chevelure du chevalier, ainsi que la moitié de sa barbe et de sa moustache. Hugues rasa ses joues et ses lèvres et rentra au camp où Richard et ses féaux lui firent fête.

Mais après la joie du retour, la tristesse ne tarda pas à entrer dans l'âme de Lusignan et un beau jour il advint même qu'il ne voulut plus montrer son visage.

Sur ces entrefaites Philippe-Auguste dut rentrer en France ; Richard ayant appris les trahisons de son frère Jean, partit également pour l'Angleterre, il devait trouver la captivité sur sa route.

Quant à Hugues il revint à Crozant.

Celui qui avait fait l'ornement de la cour d'Aquitaine et qui s'était couvert de gloire en Terre Sainte, se cloîtra dans sa forteresse. Seul, son chapelain vivait auprès de lui, ses serviteurs eux-mêmes ne voyaient pas son visage.

Le soir venu, le chevalier montait aux créneaux de sa plus haute tour, et le guetteur pouvait l'y voir tristement accoudé, regardant toujours du côté de l'Orient que son poing tendu semblait menacer encore.

Les années passèrent. Jamais une femme n'entrait dans la forteresse ; même ses parents en étaient bannis.

Or il arriva qu'un matin le guetteur revit son maître debout, comme une statue, à la place qu'il occupait la veille au soir ; le lendemain il le retrouva dans la même posture.

Alors le chapelain monta, malgré son âge, près du chevalier. Il trouva le sire de Crozant sans vie, appuyé sur sa valeureuse épée et contre un des créneaux ; sa face regardait toujours l'Orient.

Ses parents et ses serviteurs purent alors connaître la cause de cette solitude.

Lorsqu'on découvrit le visage d'Hugues de Lusignan, on s'aperçut que Saladin s'était cruellement vengé en faisant couper la moitié de la barbe et de la moustache de son prisonnier ; il avait fait passer sur la peau un suc d'herbes qui tua la racine et peu à peu rongea l'épiderme. Hugues le Roux défiguré pour toujours ne s'était jamais consolé.

Mme de Sazilly.

 

 

LA SORCIÈRE

L'histoire nous apprend qu'Isabelle d'Angoulême épousa en 1200 Hugues le Brun, Comte de la Marche, de la puissante maison de Lusignan. Jean sans Terre, qui assistait au mariage, en devint si follement épris, qu'il l'enleva aussitôt les noces et l'emmena en Angleterre où il trouva un prêtre assez lâche pour les marier à l'église, comme si Isabelle n'avait pas eu déjà un autre mari.

Après la mort de Jean sans Terre elle revint en France où Hugues le Brun eut la faiblesse de la reprendre.

La comtesse-reine, comme elle se faisait appeler, a laissé dans l'Angoumois, la Marche et le Poitou une détestable réputation que la légende a exploitée en plusieurs histoires et quoique la chronique la fasse mourir dans un monastère après la défaite de son mari par saint Louis, la légende la traite autrement, comme nous allons le voir.

Lorsqu'elle habitait l'Angleterre, Isabelle fit la connaissance d'un Juif, habile magicien, qui lui enseigna son affreuse science.

Elle avait une telle ambition, son désir de puissance et de domination était tel, que pour parvenir à son but elle ne recula devant rien et se livra pieds et poings liés au démon qui, en signe d'esclavage, la changeait en bête, trois jours par mois, au moment de la nouvelle lune.

Revenue auprès de son premier mari, Isabelle se fixa avec lui à Crozant où elle fit bâtir une grosse tour, dans laquelle elle plaça son laboratoire, car elle s'occupait d'alchimie, et au-dessous de laquelle elle fit creuser un long souterrain qui lui permettait de sortir dans la campagne ou de rentrer dans la tour sans être vue.

 Nul ne pouvait entrer dans cette tour sans la permission de la Comtesse et, telle était son influence sur son mari, que pendant des années, il ne chercha pas à se rendre maître de son secret.

Cependant les bruits les plus fâcheux circulaient parmi les paysans : ils disaient avoir vu voler une sorte de monstre jetant des maléfices, ses cris effrayaient les enfants et le malheureux surpris par la bête était immanquablement déchiré.

Hugues et Isabelle, à ces discours rapportés le soir par les pages et les chambrières, haussaient les épaules, répondant que les paysans avaient trop bu et prenaient leur peur pour la réalité.

Du reste la politique, les complots contre la régente Blanche de Castille et Louis IX vinrent en aide à Isabelle pour détourner l'attention et absorber toutes les facultés du Comte de la Marche.

Après la défaite, Hugues furieux contre sa femme qui l'avait poussé à la révolte et écoutant les insinuations de ses parents résolut de pénétrer te mystère dont s'entourait Isabelle.

 Profitant d'une absence de la comtesse, il fit ouvrir la porte de la tour, en visita toutes les pièces et découvrit l'entrée du souterrain.

Il fit faire une seconde clef de la tour et attendit le retour de sa femme. Il savait l'époque où Isabelle disparaissait pendant trois jours et sous un prétexte quelconque prolongea la veillée plus tard que d'habitude.

 La malheureuse sentant le moment de sa métamorphose approcher quitta brusquement son mari et s'enfuit dans la tour.

Hugues la suivit de près, mais arriva pour voir la porte se refermer sur sa femme ; il attendit au matin pour la surprendre dans sa solitude.

 Au petit jour, prenant la double clef, il commença à explorer la tour ; personne aux différents étages.

Prenant alors une torche d'une main et son épée de l'autre, il commença à descendre l'escalier qui conduisait au souterrain et se trouva bientôt devant une porte de fer que, dans sa fuite, la misérable créature n'avait pas songé à fermer.

S'avançant prudemment, Hugues pénétra dans le souterrain et, au bout d'un certain nombre de pas, se trouva dans une sorte de salle où il aperçut une forme monstrueuse endormie dans un coin.

Le monstre avait la tête et le corps d'une femme et les pieds griffus et poilus comme des pattes de lion, une queue de serpent et d'immenses ailes de chauve-souris lui couvraient le corps.

Muet d'horreur, Hugues revint sur ses pas, ferma la porte de fer et en assujettit les verroux, puis remonta l'escalier et sortit de cette tour maudite.

 Après quoi, sans hésiter, il fit maçonner la porte de la tour, ainsi que l'extrémité du souterrain.

Depuis lors, oh entend la sorcière pleurer et gémir sans cesse et les jours d'orage le passant attardé aperçoit la forme d'une immense chauve-souris qui vole autour des ruines de Crozant et dans les gorges qui entourent le château.

JEANNE DE SAZILLY.

 

LES LÉGENDES DE MONTBRUN

Les châteaux-forts se dressaient en général sur une éminence, ou sur un éperon dominant le confluent de deux cours d'eau, car il fallait un champ de vision assez lointain pour surveiller les alentours et ne pas se laisser surprendre par l'ennemi.

Montbrun, au contraire, fut, bâti dans une vallée profonde à deux lieues environ de Châlus.

Le château primitif était une des forteresses les plus considérables du Limousin : quatre tours carrées de quarante mètres de haut, reliées par de puissantes murailles, baignées d'un côté par un fort ruisseau, de l'autre par un charmant étang.

 Détruit par Richard Cœur-de-Lion lorsqu'il alla attaquer Châlus, il, ne subsiste qu'une tour encore imposante.

 Le château, rebâti sur un plan moins important par Pierre de Montbrun, est resté tel que nous le voyons actuellement.

Abandonné au XVIIIe siècle, le château tombait en ruines et ce fut au XIX que le propriétaire se mit courageusement au travail pour le relever et conserver au Limousin ce beau spécimen de l'architecture militaire.

 

LA LÉGENDE DU TRÉSOR

Les paysans nomment la grande tour carrée « le Grand Jacques ». Pourquoi ? Il nous a été impossible de le savoir, mais il est certain que le Grand Jacques fût laissé debout par Richard Cœur-de-Lion, parce qu'il gardait un trésor enfoui dans les bois.

 Richard, allant de. Montbron à Châlus, ne voulut pas s'attarder à sa recherche pensant qu'au retour il serait encore temps de s'en emparer, mais la mort par la flèche d'un archer l'attendait sous les murs du château des Vicomtes.

Il y avait autrefois dans la vallée de Montbrun une famille noble, très bonne et très pauvre.

Elle n'avait pas de château et vivait au milieu de ses serfs, fort, peu nombreux, comme une famille de patriarche au temps d'Abraham. Elle était si aimée et si respectée que, sans y être obligés par les gardes, les serfs du voisinage s'agenouillaient sur son passage, quand dans son char attelé de quatre bœufs, cette famille allait à la paroisse.

Un soir d'été la noble dame revenait de soigner les malheureux, car elle avait des recettes infaillibles contre plaies et douleurs. Du reste son sourire était si doux et si brillant que lorsqu'elle entrait dans les chaumières, elles en étaient toutes éclairées. Le soleil se couchait et l'ombre tombait dans la vallée, la noble dame rencontra une. vieille femme courbée sous un fardeau et qui gémissait à chaque pas.

« Bonne, mère, dit-elle de sa voix douce, donnez-moi votre faix:, je vous la porterai un bout de chemin.

 — Il est trop lourd pour les épaules d'une dame ma mie, répondit ,1a vieille.

— Je suis jeune et forte, ce que vous portez je le porterai bien, vieille mère ».

Et en disant ces mots elle prit le paquet de la pauvre femme. A peine l'eut-elle sur les épaules que la noble dame s'agenouilla à terre écrasée sous le poids, mais aussitôt deux mules blanches apparurent, la vieille femme reprit le fardeau et le plaçant sur les courroies enlacées qui reliaient les bâts des mules, tendit la main à la dame en lui disant :

« Parce que tu as partagé ton pain avec le pauvre, soigné les malades, rendu justice à tous, Dieu a pris en pitié ta pauvreté. Ce fardeau, dont ta bonté a voulu décharger mes épaules, est un baril rempli d'or, ton seigneur pourra construire une grande maison, acheter de nombreuses terres, devenir un puissant seigneur. Jamais l'or ne manquera ni dans cette bourse que je te donne, ni aux possesseurs de cette terre jusqu'à la fin des temps. Regarde et souviens, toi ».

La fée frappa le sol de son bâton, la terre s'entrouvrit, les mules et leur fardeau s'y enfoncèrent et le sol se referma. Puis elle planta son bâton sur l'emplacement, il devint un grand arbre, le bois poussa tout autour et elle disparut.

La dame rentra au logis. Lorsque les serviteurs furent couchés, elle conta à son seigneur l'aventure qui lui donna la bourse de la fée.

Il fit bâtir une belle maison, acheta de nombreuses terres, ses descendants construisirent la forteresse et jamais l'or ne diminua dans la bourse.

Les vieux qui content cette légende certifient que jamais Montbrun ne sera pauvre car les mules blanches surgiront de terre au moment voulu, partout le tonneau d'or de la fée.

 

LA BALLADE DE LA DAME BLANCHE

Le château de Montbrun est en liesse, les seigneurs d'alentours sont venus pour les justes noces de la belle Alix et du gentil damoiseau Gouffier.

Voyez-les passer, qu'ils sont beaux ! Lui à fière mine avec son surcot de velours bleu à passements d'or et sa toque à plumes de héron.

Et elle, la gente Alix, dans sa robe de brocard d'or, dont la longue queue est portée par deux pages. Ses beaux cheveux noirs ruissellent sur ses épaules ornés de rubans d'or et de fil de perles ; son front est couronné d'un bandeau de pierreries, ses  yeux brillent et son sourire est radieux. Noël ! Noël ! crient les seigneurs. Pendant huit jours ce sera grande liesse : chaises, festins, jeux, réjouissances. Alix, de ses belles mains, donne l'aumône aux malheureux : « Allez, bonnes gens, mon père a fait largesse, un bœuf et trois moutons cuisent en votre honneur. Priez Dieu pour nous ».

Noël !, Noël ! crient les manants. Voici les jongleurs dont les tours sont si surprenant ; après eux les menestrels avec la viole et la chabrette jouent des airs de danse. Alix et le gentil Gauffier mènent le branle et la bourrée.

 

Trois jours durant on fait ripaille, le tir à l'arc, les chevauchées, la lutte ont rendu le damoiseau vainqueur pour sa belle épousée.

Noël ! Noël ! crient les spectateurs.

Faisons une joute sur l'étang, disent les jeunes, vite les barques sont mises à l'eau. Voyez celle d'Alix avec son drap d'argent et ses coussins de velours, elle ressemble à un cygne flottant doucement.

 La gente épousée laisse sa main traîner sur l'eau, ses beaux yeux pleins d'amour sont fixés sur son cher seigneur.

« Qu'avez-vous, ma mie, vos veux sont pleins de larmes ?

— Hélas ! mon anneau bénit, le cher anneau de nos amours a glissé de mon doigt et est tombé dans l'eau ! »

Hélas ! hélas ! gémissent les chambrières. Sa bouche est sèche d'avoir crié, son lit est mouillé de ses larmes :

« Ne pleurez plus, ma mie, mon amour vous reste ».

— Non, non, sans mon anneau bénit votre amour passera ».

Alix attend que son seigneur soit endormi doucement elle se lève, sort, va près de l'étang, le long des roseaux, elle se penche :

« Poissons de l'étang ! fées des eaux ! rendez-moi mon cher anneau bénit ».

Voici quelque chose qui brille………. c'est lui peut-être……... la pauvre désolée avance, se penche, tombe.

Au matin on la trouve pâle et froide, de grands cris résonnent dans la vallée : Hélas ! hélas ! la belle Alix n'est plus.

Passants qui voyez le long de l'étang, le soir, dans les roseaux une blanche vapeur, dites-vous que c'est la pauvre Alix qui ne peut reposer sans son anneau bénit.

COMTESSE DE SAZILLY.

 

Veillées limousines contes populaires de Jeanne de Sazilly

Dans cet ouvrage sont réunis des siècles de contes populaires et légendes qui constituent l'imaginaire collectif du Limousin.

À travers monts et vallées, à travers villes et bourgades, beaucoup de mystères, de légendes historiques et de vieilles histoires racontent le Limousin d'antan. On y trouve des leçons de bonne conduite, bien sûr, mais surtout du merveilleux, des contes d'animaux, des aventures, des fables...

Ces histoires appartiennent à un fonds très ancien, remontant à un passé immémorial pour la plupart. On leur donne ici une nouvelle vie.

 

 

 Lemouzi : organe mensuel de l'Ecole limousine félibréenne

La Vie limousine : arts, littérature, théâtre, actualités, sports, tourisme, sciences, vie économique

Histoire illustrée des châteaux de Crozant et des Places, par l'abbé L. Rouzier.

Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest

 

 

1199 Pierre Brun, seigneur de Montbrun dirigeait avec le chevalier Pierre Basile la garnison de Châlus <==

==> Sceau d’Hugues X de Lusignan, d’ Isabelle d'Angoulême et famille

Tour de Mesgon - Origines et transformations du nom de Château Larcher <==

 


 

(1) Dans les décombres d'une habitation du bourg, on a trouvé de nombreuses pièces d'or et de cuivre, frappées à l'effigie de Louis IX. Nous connaissons une famille qui en possède encore deux.

On a trouvé aussi un fer de lance de 36 centimètres de long, qui présente tous les caractères du XIIIe siècle. Il est en la possession de M. Alluaud.

 (2) Chroniques de Saint-Martial, par Duplès-Agier, page, 21, en note.

 

 

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