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PHystorique- Les Portes du Temps
10 mai 2023

Légende du neuvième siècle : Sainte Solange patronne du Berry et le comte de Poitiers et de Bourges

 Ce fut vers le milieu du neuvième siècle que le Berry donna naissance à cette nouvelle Geneviève qui, dès l'âge le plus tendre , se fit remarquer par un grand amour pour la belle vertu qui rend l'homme semblable aux anges.

Le village de Villemond, paroisse de St-Martin-du-Cros, à trois-lieues de Bourges, était l'humble berceau de Solange (1).

Ses parents étaient pauvres des biens, de la terre, mais ils se trouvaient heureux dans leur condition, sachant bien que la terre n'est qu'un lieu de passage. Guidés par la crainte de Dieu, ils cherchaient, par la pratique des vertus chrétiennes, à s'assurer un héritage dans une autre patrie.

Soutenues par de semblables exemples, les heureuses dispositions de Solange ne purent que se fortifier. Déjà elle avait contracté l'habitude de faire toutes ses actions pour Dieu, et de prononcer souvent le doux nom du Sauveur. Ce nom seul était pour elle un sujet continuel de méditation, dans un âge où les enfants sont à peine capables de réflexion. Son amour pour Dieu devint plus ardent, et son coeur put se déterminer aux plus grands sacrifices. Elle n'avait que sept ans lorsqu'elle fit voeu, comme la Vierge de Nanterre, de passer toute sa vie dans la virginité, ne voulant avoir d'autre époux que celui dont, si souvent, elle prononçait le nom avec délices. -

Son père, qui était vigneron, la chargea de la garde d'un petit troupeau. Cette occupation convenait parfaitement aux goûts de Solange : tout en veillant sur son troupeau, la Vierge de Villemond pouvait nourrir son esprit de saintes pensées ; au reste, son attrait pour le recueillement et la solitude, sauvegarde de la pureté, se trouvait pleinement satisfait.

Elle conduisait habituellement ses moutons dans un lieu solitaire qui, consacré par les prières et les vertus de la Sainte, conserva son nom, et s'appelle encore maintenant le Champ de Sainte-Solange. Au milieu de ce champ, la piété a élevé une croix de bois, qu'il faut souvent renouveler, car les pèlerins en, coupent de petits morceaux qu'ils emportent par dévotion.

Seule avec son Dieu et les innocentes créatures confiées à ses soins, notre humble villageoise cherchait à se rendre de plus en plus agréable au divin Époux auquel elle avait voué son coeur.

Cependant, Dieu ne voulut pas attendre, pour récompenser ses vertus, que sa belle âme fût dégagée de sa dépouille mortelle ; il lui accorda le don des miracles, et, manifesta ainsi sa sainteté aux yeux des hommes.

A la voix de Solange, les malades étaient guéris, les orages se dissipaient les tempêtes s'apaisaient ; elle obtenait le temps favorable aux biens de la terre; la conversion des pécheurs et la paix des familles étaient le fruit de ses prières. C'est ainsi qu'elle fut, pendant sa vie comme après sa mort, le refuge des affligés.

Bientôt un glorieux triomphe devait couronner une si sainte vie; partout on proclamait la vertu de Solange et on vantait sa rare beauté-

Bernard, comte de Bourges, et d'Auvergne, et marquis de Nevers (2) fut tenté de juger par lui-même de la beauté, de la jeune bergère; il monta à cheval, et, sous prétexte d'aller à la chasse sur les terres de Villemond, il se rendit dans les lieux qu'elle fréquentait; il la rencontra dans le champ où d'ordinaire elle conduisait son troupeau. La vue de la jeune vierge fut comme un trait qui perça le coeur, passionné du jeune prince : Ut vidit , ut periit , dit la légende rapportée par La Thaumassière.

 Aussitôt il descend de cheval, ne pouvant comprimer sa passion. Il eut soin, cependant de ne laisser échapper aucune parole qui pût alarmer son innocence ; d'abord il se contenta de lui proposer de l'épouser ; par ce mariage, lui dit-il, vous, deviendrez princesse du vaste pays qui m'est soumis.

La vierge lui répondit que, dès l'âge le plus tendre, elle avait choisi Dieu pour époux, et qu'elle lui avait voué son coeur .ajoutant qu'aucun mortel ne le posséderait jamais. Ce refus si formel irrita le jeune seigneur; il résolut d'obtenir par la forcé ce qu'il n'avait pu obtenir par ses sollicitations et par ses promesses.

N'écoutant donc que son penchant déréglé, Bernard s'élance pour la saisir, mais Solange s'échappe et prend la fuite.

 Le comte la poursuit et parvient à l'arrêter; puis il la met sur son cheval toute épuisée de fatigue. De nouveau il emploie la prière et les menaces saris pouvoir ébranler sa résolution ; au reste il s'inquiète peu de son refus constant, il se flatte de posséder sa victime.

Cependant Solange, fortifiée par la grâce, et préférant la mort à la perte de sa virginité, s'arrache tout à coup des bras de son ravisseur, et se jette à terre, auprès d'un petit ruisseau qui coulait à cet endroit.

Quand l'homme se laisse dominer par ses passions, il devient cruel ; la raison s'éteint en lui, pour faire place aux instincts grossiers de la brute. L'amour impur, méprisé, se change en haine : c'est ce que nous remarquons souvent en lisant les actes des martyrs des premiers siècles de l'Église. Bernard, furieux de se voir vaincu, se précipite sur Solange, et ne pouvant plus contenir sa colère, il lui tranche la tête de sa propre épée.

C'est ainsi que cette héroïne réunit sur sa tête la double couronne des martyrs et des vierges.

 

On place communément sa mort au 10 mai 880.

On lit dans les anciennes légendes, qu'après que sa tête fut séparée du corps, sa bouché prononça encore trois fois le nom du Sauveur, et que la sainte martyre prit sa tête entre ses mains, et la transporta jusqu'à l'église de Saint-Martin-du-Cros.

La source auprès de laquelle elle remporta ce glorieux triomphe, a pris le nom de fontaine de Sainte-Solange, nom qu'elle porte encore aujourd'hui.

Souvent on voit des pèlerins puiser de l'eau à cette fontaine et y trouver, grâce à la protection de la sainte, la guérison de leurs maux.

Le corps de sainte Solange fut d'abord enseveli dans le cimetière de Saint-Martin-du-Cros , dans le lieu où, en 1821, on éleva un petit monument en forme d'autel, en l'honneur de la Sainte Patronne du Berry; mais bientôt les miracles, qui s'opérèrent sur son tombeau, engagèrent à renfermer ses restes précieux dans une châsse de bois, artistement travaillée, et à les transférer dans l'église de Saint-Martin, qui prit alors le nom de Sainte-Solange; plus tard on les renferma dans une châsse en cuivre doré.

La dernière translation eut lieu le lundi de la Pentecôte, 8 juin 1511. La cérémonie fut présidée par Monseigneur Denis de Bar, ancien évêque de Saint-Papoul, qui, avec l'autorisation des vicaires-généraux capitulaires, consacra solennellement, dans cette circonstance, l'église de Sainte-Solange.

Un grand nombre de miracles rendirent célèbre le culte de cette sainte ; dans les calamités publiques, on avait recours à elle, et ce n'était pas en vain qu'on implorait sa protection.

Les habitants de Bourges, dans ces circonstances, demandaient qu'on transportât processionnellement dans leurs murs la châsse de leur sainte patronne, et leur confiance en elle n'était pas trompée.

Le 31 mai 1637, Henri de Bourbon, prince de Condé, se rendit en pèlerinage à Sainte- Solange et voulut conduire lui-même à la métropole les saintes reliques que la population entière réclamait.

Ce fut pour Bourges un jour de fête; on jonchait de fleurs les rues par les quelles la châsse devait passer; le devant des maisons était tapissé; de toute part on n'entendait que de pieux cantiques.

Ces processions avaient-lieu, principalement; dans les temps de sécheresse;, on a le procès-verbal de la dernière qui eut lieu : c'était au mois de juin 1750.

« L'an 1730, le Berry se trouvait désolé par une extrême sécheresse ; on avait fait partout des prières publiques pour obtenir une pluie salutaire; on avait réclamé la secours de tous les illustres protecteurs dont la ville de Bourges possède les reliques le ciel paraissait insensible à nos voeux et tout dépérissait visiblement dans nos campagnes.

Dans une telle extrémité on se rappela les merveilles que Jésus-Christ avait si souvent opérées par Solange son épouse, la prompte assistance qu'on avait reçue plusieurs fois de cette patronne bienfaisante en des conjonctures aussi fâcheuses. A cette pensée, la confiance se ranima dans tous les a coeurs; on se persuada que le salut du peuple était réservé à sainte Solange, et on s'empressa de faire venir dans la ville l'arche précieuse où reposaient les sacrées reliques.

 M. de Larochefoucaud, depuis cardinal, était alors archevêque de Bourges.

Touché de la misère publique, et à la requête des magistrats de la ville, il ordonna le transport de la châsse qui, après les prières, les jeûnes et les autres cérémonies pratiquées en semblables occasions, fut conduite processionnellement par les ecclésiastiques et les habitants de Sainte-Solange, accompagnés de ceux de vingt-quatre paroisses des environs, jusqu'à la chapelle de Saint-Lazare, vulgairement Saint-Ladre, située à l'extrémité d'un des faubourgs de la ville.

 Ce fut là que le clergé de Bourges, ayant à sa tête l'illustre prélat dont nous avons parlé, et  suivi d'un peuple innombrable, vint recevoir ce sacré dépôt qu'on porta dans l'église métropolitaine. Alors la dévotion des prêtres et du peuple éclata par des hymnes et des cantiques qu'on chanta à la gloire de la-sainte, et par les touchantes prières qu'on lui adressa unanimement pour obtenir la bénédiction du ciel sur les fruits de la terre.

 La ferveur des fidèles ne tarda pas à être récompensée, et le succès le plus heureux répondit à leurs espérances. Le ciel en peu de temps, se couvrit de nuages, la pluie tomba avec tant d'abondance, que la terre en fut bientôt pénétrée et reprit une nouvelle face. »

Les souverains Pontifes accordèrent de nombreuses indulgences à la confrérie de Sainte Solange, et Benoit. XIV, en 1751, ratifia et confirma toutes ces indulgences accordées par ses prédécesseurs.

Le Berry ne fut pas la seule province qui honora sainte Solange d'un culte particulier; les pays circonvoisins et le Nivernais, entre autres, virent tous les ans un grand nombre de leurs habitants se rendre en pèlerinage au tombeau de la Sainte, le 10 mai et le lundi de la Pentecôte, tandis que des confréries, unies à celles du Berry, s'établissaient sur différents points, en faveur des personnes qui ne pouvaient entreprendre ce pieux pèlerinage.

La Celle-sur-Loire, où la: confrérie n'est établie que depuis peu d'années, voit tous les ans, le 10 mai, jour de la fête de la Sainte, un concours considérable.

Nevers et Nolay, proche Prémery, célèbrent la fête de la dernière translation de ses reliques, le lundi de la Pentecôte.

A Nevers, la châsse de sainte Solange, déposée à la Cathédrale, est portée processionnellement dans plusieurs rues de la ville, au milieu d'un peuple immense, qui implore la protection de la Vierge de Villemond.

Ayant la révolution, il y avait à l'extrémité du pont de Loire de Nevers, une chapelle sous le vocable de sainte Solange.

 La population de la ville et des environs s'y rendait en foule le lundi de la Pentecôte, anniversaire de la dernière translation des reliques de la patronne du Berry.

Les habitants de Nevers ignorent peut-être l'origine de l'apport de Sermoise, qui a lieu, tous les ans, à la même époque : c'est un souvenir du pèlerinage à la chapelle de Sainte-Solange.

En 1793, la châsse de sainte Solange fut enlevée de la paroisse du diocèse de Bourges qui porte son nom, et ses reliques furent dissipées.

Depuis, on fit faire une autre châsse dans laquelle on plaça, des reliques de sainte Eugénie, vierge et martyre, et des saints, Vincent et Clément, aussi martyrs.

Le diocèse de Nevers, plus heureux que celui de Bourges, a pu sauver ce qu'il possédait des restes précieux de la vierge de Villemond (3) ; parmi les reliques que put soustraire aux profanations de Fouché, le vicaire épiscopal Goussot, et qu'il transporta à Nolay, sont les reliques de sainte Solange, dans une grande châsse contenant un reliquaire où est renfermée une petite boîte portant cette inscription, FRAGMENTA RELIQUIARUM SABCTAE SOLANGE, V. M., 1612.

Cependant, on découvrit, il y a quelques années, dans l'église de Méry-es-Bois, diocèse de Bourges, un reliquaire contenant une relique très-authentique de sainte Solange. M. l'abbé Caillaud, vicaire-général, faisant la visite de cette église; constata l'authenticité de cette précieuse relique. Il la divisa en trois portions : il laissa la plus considérable à l'église de Méry; donna la seconde à l'église de Sainte-Solange, et la troisième fut déposée dans l'église métropolitaine.

On lit dans la légende de sainte Solange, insérée dans les anciens bréviaires de Bourges, que, par un privilège tout spécial, on remarquait, le jour et la nuit, au-dessus de la tête de la Sainte, une étoile qui la guidait dans toutes ses démarches.

 Nous pensons, avec un auteur de sa Vie, qu'il ne s'agit ici que d'un symbole par lequel les légendaires ont voulu indiquer que les lumières et les grâces de l'Esprit-Saint ne l’abandonnaient jamais.

On la représente gardant ses moutons; avec cette étoile au-dessus de sa tête ; d'autres fois, elle est agenouillée au pied d'une Croix, entourée de son troupeau ; on aperçoit dans le lointain le comte Bernard, accompagné d'un écuyer.

 Enfin, on la voit; le plus communément, portant sa tête entre ses mains.

Nous lisons dans une Vie de sainte Solange par M. Ondoul, curé dans le diocèse de Bourges (4), la description des anciennes tapisseries de  l'église de Sainte-Solange ; c'est l'histoire iconographique de cette Sainte.

 

Nous nous empressons de la reproduire ici :

 « On voit dans le choeur de Sainte-Solange six tableaux en tapisserie, d'un fort bon goût et bien exécutés, qui représentent l'histoire de la Sainte, d'après la tradition

» Le premier représente sainte Solange entourée de ses brebis, au pied delà croix qui était, dit-on , au milieu du pacage commun. On voit dans la nef de la même église et dans celle de Saint-Etienne-de Bourges, un tableau qui offre le même sujet.

» Le deuxième représente la pieuse bergère auprès de ses moutons, et le comte, à pied, la sollicitant ; l'écuyer du prince est dans le fond, à cheval.

» Le troisième représente le comte à cheval, voulant, aidé de son écuyer, enlever Solange; dans le fond, se voit le cheval de l'écuyer.

» Le quatrième représente le prince levant le fer sur Solange qui, inclinée avec résignation, se prépare au martyre ; l'écuyer est derrière le comte : on voit au haut du tableau un ange, une couronne à la main.

 Au bas, on lit cette inscription en laine rouge : Cette histoire, en tapisserie, de sainte Solange, a été faite en 1704, des deniers de la confrérie.

» Le cinquième représente sainte Solange » debout, sa tête entre ses mains, allant à l'église de Saint-Martin, qui est, dans le fond, figurée comme avant l'incendie de la flèche de la tour : derrière la sainte, on voit le comte et l'écuyer courant à toute bride.

Il est bon d'observer que ce trait merveilleux était gravie sur la châsse de cuivre doré, dont il fut fait présent en 1511 qui, comme l'a judicieusement remarqué quelqu'un, était sur le modèle de la première; et que, sur la châsse d'argent comme sur celle, d'aujourd'hui, on fut soigneux de respecter la tradition en ce point.»

 

 

 

Ducs d' Aquitaine et Comtes de Poitou et plus <==

 

 


 

(1) Le lieu natal de sainte Solange n'existe plus, on voit seulement au milieu du Pré-Verdier la ruine d'une maison ; c'est là, dit-on, que sainte Solange habitait. Le Pré-Verdier est à une demi-lieue de l'église, qui porte le nom de la sainte.

 

(2)  867. BERNARD, marquis de Gothie, ou de Septimanie, fils de Bernard le Poitevin, frère d'Eménon, et petit-fils, par Bilichilde, sa mère, de Rorgon Ier, comte du Maine, différent par conséquent de Bernard, père de Guillaume le Pieux, comte d'Auvergne, quoi qu'en dise Besli, succéda à Rainulfe Ier, dans le comté de Poitiers. ( Vaissète. )

 La conduite violente et tyrannique qu'il tenait dans son département le fit excommunier en 878 par le concile de Troyes ; il fut ensuite dépouillé de ses dignités, et proscrit par le roi Louis le Bègue.

Ce prince apprenant qu'il s'était retiré dans le comté d'Autun, envoya des troupes pour l'en chasser.

Bernard, après la mort de Louis le Bègue, obtint de Boson, qui s'était fait roi de Provence, le comté de Mâcon.

Les rois Louis et Carloman étant venus presque aussitôt, l'y assiéger, le prirent sur la fin de 879, et vraisemblablement le firent mourir.

Du moins l'histoire ne parle plus dé lui depuis ce temps-là.

Bernard laissa trois fils, Rainulfe, Ebles, abbé de Saint-Hilaire, de Saint-Denis et de Saint-Germain-des-Prés, et Gauzbert.

Ce dernier, suivant l'usage où les enfants mâles de la maison de Poitiers, étaient de prendre la qualité de leur père, se donne celle de comte dans une charte du mois d'avril 878, par laquelle il fait donnation de certains fonds situés en Saintonge à l'église de Saint-Hilaire de Poitiers. ( Cartul. de Saint-Hilaire.) ( Voy. Bernard II , marquis de Gothie, et Bernard , comte de Bourges. )

L'art de vérifier les dates des faits historiques

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