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PHystorique- Les Portes du Temps
7 juillet 2023

REVENDICATION DE LA SAINTONGE PAR JACQUES II, ROI D'ÉCOSSE, BEAU-FRÈRE DE LOUIS XI.

Avant la réunion de l'Ecosse à l'Angleterre, il y eut entre le premier de ces deux pays et la France, de fréquents traités de confédération et d'alliance.

L'Anglois ne cessoit d'être l'ennemi commun. Les guerres du XVe siècle resserrèrent ces liens. L'Écosse devoit peu se soucier de voir, par l'abaissement de la France, se doubler une puissance qui ne cessoit d'être une menace pour elle-même; mais, tout en consentant à aider la France dans sa lutte avec l'Angleterre, l'Écosse entendoit bien se faire payer ses services.

 Dès l'année 1523, à la seconde année de son règne, Charles VII renouveloit ses alliances et obtenoit un secours de cinq mille hommes, commandés par le comte de Douglas.

 En reconnoiséance de ce secours Charles donnoit à Douglas le duché de Touraine, et le comté de Dreux au connétable Stuart.

Il instituoit la garde écossoise; et en cas de recouvrement de son royaume, promettoit la Saintonge au roi Jacques Ier.

 Ces libéralités, qu'on trouvera excessives, peignent la situation à peu près désespérée de Charles VII.

 Le gouvernement d'Écosse promettoit d'ailleurs de nouveaux envois de troupes.

 Il falloit cimenter ces bonnes dispositions : le mariage du Dauphin, qui fut plus tard Louis XI, avec la fille de Jacques Ier, fut arrêté, conclu, dès l'an 1428, bien que Marguerite n'eût alors que trois ans et le Dauphin, cinq.

Nous n'avons pas vu l'acte par lequel Charles VII avoit cédé la Saintonge au roi d'Écosse; a-t-il précédé de beaucoup le mariage en question, nous ne savons? mais nous avons retrouvé (F. lat. 9812, fol. 63), une obligation de ce prince stipulant « qu'advenant qu'à l'ayde du roy d'Ecosse, il recouvre son royaulme, il luy baillera le duché de Berry ou le comté d'Évreux, au lieu du comté de Xaintonge, dont il lui avoit fait don. »

 Donc la promesse avoit été faite, mais, comme on le voit, à la condition expresse d'être puissamment aidé dans le recouvrement de ses états. Or cet aide, après l'envoi de Douglas, semble être resté à l'état de promesse.

Quoi qu'il en soit des actes et promesses que nous venons d'énoncer, le roi Jacques II, beau-frère du roi Louis XI, crut devoir faire à ce prince la revendication de la Saintonge; mais le roi Jacques avoit affaire à forte partie, et le moment de démembrer la France n'étoit pas venu t –

Voici les deux pièces que nous fournit à ce sujet le manuscrit de la Bibliothèque nationale 99873, fol. 55.

 

Mémoire des ambassadeurs d'Écosse réclamant le comté de Saintonge, avec la réponse qu'on pourra leur faire.

Sire, plaise Vostre Haultesse savoir que nos simplesses sont chargées de par notre souverain sire, le Roy d'Ecosse, vostre beau-frère et alié, par vertu de nos instructions, de dire ce qui s'ensuit de mot à mot.

« Et premièrement : vous exposerez ad Roy comme la conté de Xantonge, pour bonnes et raisonnables causes; fut donnée par feu le roy Charles de bonne mémoire au grand-père du Roy d'Escosse qui est à présent, pour lui et ses hoirs, comme il est contenu aux lettres sur ce faictes.

 Et si n'eust esté la soubzdaine mort dudit Roy d'Escosse, il eust joy paisiblement de lad. conté (1) ; et si eust pareillement le feu Roy d'Escosse de bonne mémoire, se neust esté la soubzdaine mort de luy.

Item pour le présent, il est semblé expédient aux seigneurs d'Escosse assemblez depuis naguerres en ung parlement, que le Roy d'Escosse deust envoyer devers son beau-frère, le Roy de France, pour avoir joissance de lad. conté, en luy offrant de faire pour lad. conté ce qui est de raison, selon la teneur des lettres sur ce faictes.

Item, vous exposerez que le Roy demande lad. conté plus pour le droit qu'il entent d'avoir en lad. conté, que pour le prouffit qu'il pourroit avoir d'icelle, ou pour desir de seigneurie dehors de son pays.

Et semble aud. Roy d'Escosse que le Roy de France ne luy donneroit aide ne support en sa nécessité, s'il ne luy baille ce que il a droit.

Item, en cas que le Roy de France ne feroit aggréable responce sur le joissement de lad. conté, il semble au Roy d'Escosse que les ennemis desd. Royaulmes prendroient courage de invader l'un ou l'autre, cuidant que pour lad. cause ils ne se entraidroient point, comme ils deussent faire par la vertu de leur alience.

Et se lad. conté n'est donnée au dit Roy d'Escosse, il luy semble et à tous ses nobles, que l'on lui fait tort, et que on ne le traite point par bonne amour, mes par grant rigueur, sans justice.

Item, vous direz que vous doubtez que si on ne fait droit aud. Roy d'Escosse à ceste foiz et délivrance de lad. conté, que pourroit estre occasion de plus grant mal au temps advenir, et plus briefvement que on ne cuide : car s'il ne peut avoir le sien par justice, on ne luy pourra imputer faulte si quiert moyen de le recouvrer.

Item, au cas que Vostre Haullesse, pour l'amour de vostre beau-frère et alié le Roy d'Escosse, ne se deporteroit de faire guerre et perturbation à tort et sans cause à la Duchesse de Bretaigne ou au Duc (2), à cause d'elle, de leur oster leurs droits et prééminances de lad. duché, nous sommes chargiez de dire à Vostre Haultesse ce qui s'ensuit :

Premièrement: reu et considéré la proximité du sang en laquelle lad. Duchesse actainct au Roy d'Escosse, laquelle il répute son propre sang, il luy semble que telle molestation ne peut estre faicte à elle sans violations dès anciennes aliences et confédérations faictes entre les Royaulmes de France et d'Escosse.

Item, considèré que la plus grant substance des nobles du Royaulme d'Escosse sont près parents de lad. Duchesse, led. Roy d'Escosse doubte qu'il ne peut bonnement empescher lesd. seigneurs de supporter et deffendre lad. Duchesse en ses droits et privilèges de lad. Duché ; car quant en eulx est, ne souffriroient à tort et sans cause perturber ne déshériter lad. Duchesse de ses droits. »

 

Réponse à faire aux prétentions du roi d'Escosse.

Sire, jay veu le double des informacions que les ambassadeurs d'Escosse ont laissées à Mons. vostre Chancellier et à ceulx de vostre conseil, lesquelles sont fort aspres et estranges.

Et touchant le premier article qui parle de la conté de Xaintonge, jay bien souvenance que le Roy d'Escosse dernièrement mort envoya l'Evesque de Galles, le sieur de Liveray et ung secrétaire, nostré maistre Jehan Arroux en ambaxade devers le Roy vostre père, estant lors à Bourges, pour lad. conté; et la responce qu'il en eust en ceste matière fut qu'il avoit entencion de envoier brief de ses ambassadeurs devers led. Roy d'Escosse son beau-frère pour répondre ad ce —et parler de plusieurs aultres matières qui touchoient le bien des Royaulmes de France et d'Escosse.

Et bientost après, le Roy vostre d. père envoya devers led. Roy d'Escosse sesd. ambassadeurs (3) et moy en leur compaignie : et ès instructions avoit ung article pour répondre à la demande que led. Roy d'Escosse faisoit de lad. conté, qu'il se esmerveilloit fort comment sond. beau-frère le Roy d'Escosse estoit ainsi conseillé de demander droit en lad. conté, veu que les lettres et proumesses qui estoient faictes sur ce estoient condicionnelles.

 — C'est à savoir, que le Roy d'Escosse devoit envoier au Roy six mil hommes pour le servir en ses guerres encontre ses ennemis; et plus fort, avoit promis de y venir luy-mesme en personne pour luy aider, se mestier estoit, et qu'il en feust requis.

—Et de toutes ces choses promises ne sortit oncques aucun effect, car le Roy vostred. père recouvra son Royaulme par aultre moien, à l'ayde Dieu, et de ses loyaulx subgects; et si, ne veint point lad. armée d'Escosse.

—Et pour ceste raison et plusieurs aultres lui fut dit qu'il n'avoit point de droit en lad. conté, combien que les Escoxoys ne se pouvoient contenter de raisons qu'on leur dist, et disoient que ce n'avoit point esté leur faulte que lad. armée n'est venue, et qu'ilz estoient tousjours prestz à toute heure qu'il eust pieu au Roy de les envoier quérir, de accomplir ce qu'ilz avoient promis: et ny eust aultre conclusion faicte, car les Escoxoys soutenoient tousjours leur oppiion.

Or est vray que dedans huit ou dix jours après, le Roy d'Escosse, qui avoit ung très-grand amour au Roy vostre père; ce advisa de luy-mesmes qu'il luy envoieroit, et de fait luy envoya par moy; les lettres originales de lad. conté de Xaintonge - et unes petites lettres escriptes de sa main, lui priant; comme à cellui du monde à qui il se confioit plus, qu'il lui pleust de regarder par lui et par son secret conseil s'il avoit aucun droit en ladicte conté, et qu'il en ordonnast sur ce, ainsi qu'il lui plairoit ; et que s'il n'y avoit point de droit, qu'il lui escripvist les raisons pourquoy il ne le devoit avoir, affin qu'il le peust remonstrer à ceulx de son Royaulme et de son conseil, ad ce qu'ilz ne le pressassent plus de y demander aucune chose.

Et en oultre, Sire; lui envoia à ceste foiz certaines obligations esquelles l'arcevesque de Rains, qui pour lors estoit chancellier de France, et le sieur de Doriole et M. Alain Charretier, quittaient ambassadeurs pour le mariage de feue Madame la Daulphine, à qui Dieu pardonne; et avoient puissance de obliger le Roy par lettre dud. sieur, à eulx, sur ce données, avoient obligé le Roy vostre dit père en certaine somme d'argent qu'ils avoient empruntée de son feu père le Roy d'Escosse; lesquelles il donna franchement au Roy vostred. père en disant que s'il y avoit cent mil escuz qu'il n'en vouloit rien.

Et après que le Roy vostred. père eut receu lesd. obligations, il les bailla en garde à maistre Estienne Chevalier.

Et quand le Roy vostred. père vit la grant confiance que led. Roy d'Escosse avoit en lui et la franchise qu'il lui fist de lui rendre sesd. obligations, dist qu'il ne vouloit point juger s'il avoit droit ou non en lad: conté, mes qu'il se adviseroit quelque jour de lui faire courtoisie dont il seroit contant de lui ; mes par quelle manière, je ne sçay.

 Et dedans trois ou quatre mois après, led. Roy d'Escosse morut (1460), et ne fut parlé, que je sache, de lad. matière, jusques à ceste derrenière foiz que les ambaxadeurs dud. Roy d'Escosse qui à présent est (4), sont venuz devers vous : mais je sçay bien que se le Roy d'Escosse eust vescu il eust esté bien aisé à contanter.

Et touchant l'autre article qui parle de la Duché de Bretaigne, je croy, et si ne cuide point faire de doubte, que quant il vous plaira envoyer ung homme d'auctorité de vostre Royaulme devers le Roy d'Escosse et les trois Estats de son Royaulme que ceux qui ont parlé de ceste matière de Bretaigne ne seront point advouez dud. Roy d'Escosse, ne desd. trois Estats de son Royaulme.

Et se vostre plaisir est d'avoir mon pouvre advis et conseil comment vous pourrez estre seur d'avoir Escosse à vostre commandement, me semble que devriez envoier aucuns notables de vostre Royaulme par de là, en désirant et pourparlant le mariage du Roy d'Escosse qui à présent est, pour une de mes Dames vos filles, ou pour la petite sœur de la Reine ou pour la fille de M. de Savoye, en lui offrant raisonnable mariage de estre payé dedens trois ou quatre ans; et aussi de tenir la main que Madame Marie d'Escosse sa sœur peust avoir quelque mariage honnorable en vostre Royaulme, et en ce faisant, vous gangneriés tous les cueurs du Royaulme d'Escosse perpetuellement vostres.

Et oultre se vostre plaisir estoit de prendre le Duc d'Albanie second frère du Roy d'Escosse (5) en vostre service pour estre nourry en vostre maison à tel estat comme il vous plaira lui bailler, de plus en plus les obligeriés à vous amer et servir, et n'auroit jamais nul de la nation qui osast riens faire contre vous, que l'autre ne le fist pendre ou lui fist couper la teste incontinent.

Et par ainsi romperiés toutes les trafliques et petites aliances qu'ils ont en Angleterre, Bretaigne et ailleurs.

Et est pour ceste heure, Sire, le meilleur conseil que je vous sauroye sur ce donner à mon entendement pour avoir le Royaulme d'Escosse à tous jours et à jamés à vostre commandement.

Et au dos : Memoire sur les responses qu'on pourra faire aux ambassadeurs d'Escosse.

Bibl. imp., anc. f. 9987 3, fol. 55.

 

 

 

Le seigneur de Bazoges-en-Pareds ambassadeur auprès de Jacques Ier Stuart d'Écosse pour le mariage de Marguerite et de Louis XI <==

Jean Stuart, comte de Boucan de la Garde Ecossaise du roi <==

1479 la translation des cendres de Marguerite Marguerite Stuart d'Écosse, femme de Louis XI à Église Saint-Laon de Thouars <==

 

 

 

 


 

(1) On sait que Jacques 1er fut assassiné le 20 février 1437, par Robeit Graham et Walter Dathol, et que Jacques II, son fils et successeur, périt à l'âge de trente ans, le 3 août 1640, au siège de Roxburg.

(2) Le duc de Bretagne, François, avoit épousé, en 1440, Isabelle Stuart, fille de Jacques Ier d'Ecosse, dont il avoit eu Marguerite et Marie, qui, en raison de la loi salique, n'avoient pu succéder au duché, mais dont l'aînée épousa François, comte d'Etampes, depuis duc de Bretagne; morte en 1469.

(3) C'est assavoir David Lindsay et Nor. le héraut.

(4) Jacques III, fils de Jacques II, né en 1453, mort le 11 juin 1488.

(5) Alexandre, duc d'Abbanv, frère de Jacques III, qui depuis, mécontent de la part d'autorité qui lui étoit faite entra dans la ligne des barons, conspira et fut enfermé dans le château d'Edimbourg d'où il s'évada et passa en France, où il prit le titre de roi d'Ecosse et traita avec Édouard IV, roi d'Angleterre.

 

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