1420 Le complot de Margot la Boiteuse (Marguerite) de Clisson pour emprisonner Jean V, duc de Bretagne
Entre les deux branches de la maison ducale, le traité conclu en 1410 par Jean V duc de Bretagne avec les Penthièvre marqua le début d’une période pacifique qui dura dix ans, pendant lesquels le souvenir des querelles anciennes parut même complètement enseveli sous les nombreux témoignages d’une amitié sincère et mutuelle.
Ainsi, de 1412 à 1417, Charles de Bretagne-Penthièvre, troisième fils de Marguerite de Clisson et de Jean comte de Penthièvre, figure dans la maison du duc, non seulement comme « mareschal de la chevallerie (ou cavalerie) ducale, » mais même comme « chambellan spécial et privé » chargé de la garde de la personne de Jean V, avec pension de 500 livres, environ 20 000 francs valeur actuelle (2).
— En 1417, les deux premiers témoins au contrat de mariage d’Isabeau fille de Jean V avec le duc d’Anjou furent — après Richard frère du duc — Olivier comte de Penthièvre et son frère Charles, que le duc se plaît à nommer « ses très-chers cousins » (3).
— En 1418, quand Jean V va faire en France un voyage politique, dans lequel il se proposait de travailler « pour le bien de la » paix et union generale du royaume, » le premier qu’il appelle à l’accompagner dans ce voyage, à le seconder dans cette œuvre importante, c’est le comte de Penthièvre, avec pension mensuelle de 120 livres (4), plus de 4 000 francs d’aujourd’hui.
Margot de Clisson avait quatre fils : Olivier l’aîné comte de Penthièvre — Jean qui eut la seigneurie de Laigle en Normandie — Charles sire d’Avaugour dont nous avons parlé tout à l’heure — Guillaume le plus jeune, que l’on comptait donner à l’église et que le duc Jean V, en 1419, s’engagea à faire nommer évêque de Vannes ou de Saint-Brieuc à la première vacance de l’un de ces deux sièges (5). .
Jean V avait donc tout à fait changé de politique et de sentiments à l’égard des Penthièvre.
Dans les premières années de son règne il avait pris à tâche de les molester, de les harceler de vexations iniques. Aujourd’hui il se plaisait à les combler de faveurs. Charmés d’un tel changement, les Penthièvre y répondaient par des marques d’affection et des protestations de dévouement ; bientôt même entre eux et Jean V cette affection devint de l’intimité. Les jeunes princes fils de Marguerite de Clisson se tenaient souvent à la cour ducale et dans la ville où elle résidait : souvent ils mangeaient chez le duc et le duc chez eux.
Enfin — preuve suprême d’amitié cordiale au moyen-âge — plus d’une fois il arriva à Olivier et a Charles de Penthièvre de coucher avec Jean V dans le même lit (6). Il n’y a pas de raison de suspecter la sincérité des princes de Penthièvre dans leur affection expansive à l’égard de Jean V.
Ils n’avaient pas connu la lutte si Violente de Jean IV contre leur aïeul le connétable ; lors des querelles des premières années de Jean V ils étaient encore fort jeunes. Tout cela pour eux c’était « de l’histoire ancienne. »
Le présent, qu’ils trouvaient fort bon, dont ils jouissaient sans arrière-pensée, c’était l’amitié du duc, les faveurs, les plaisirs, la haute influence qu’elle leur donnait : toutes choses dont ils appréciaient fort bien la douceur et ne désiraient que la continuation. Ils avaient donc, on doit le croire, renoncé de bon cœur à l’héritage de haine et de rancune, triste legs d’une guerre civile presque séculaire.
Quelqu’un pourtant veillait anxieusement sur cet héritage, s’épuisant à raviver Je son souffle ces tisons presque éteints.
C’était la femme au cœur violent, impitoyable, qui jadis avait demandé à son père la mort de Jean V enfant, « cette hautaine et superbe mère Marguerite de Clisson, » comme l’appelle si bien notre vieil historien d’Argentré, qui dénonce en elle très justement « l’amorce du feu » dont la flamme va de nouveau tout à l’heure désoler la Bretagne.
« Cette mère, dit-il en sa langue pittoresque, cette mère estoit pour ses fils une continuelle allumette, les tenant en cœur, leur reprochant qu’ils ne ressembloient en rien à leur père ni ayeul qui estoient morts en la querelle ; qu’ils avoient (eux, ses fils) faute de valeur; que s’ils eussent été ce qu’ils dévoient estre, ils eussent eu quelque semence des trespassez, généreuse comme eux, pour se mettre en devoir de reprendre leurs erres et recouvrer ce qui injustement leur estoit osté [c’est-à-dire, le duché de Bretagne]; que voyant tout brouillé par le royaume, c’estoit l’endroit où se trouveroit l’occasion de faire quelque bonne partie : qu’ils montrassent donc s’ils avoient rien au cœur ni au sang de la grandeur de leur race (7). »
Elle ajoutait sans doute — à tort ou à raison — que la paix de 1410, point de départ des nouvelles et amicales relations entre ses fils et le duc, avait été aux Penthièvre plus nuisible qu’utile, en leur enlevant la seigneurie de Montcontour remplacée par une simple compensation pécuniaire.
Comment ces jeunes princes, élevés sous l’aile et sous la crainte de cette mère à la volonté hautaine, tenace, implacable et sans scrupule, comment auraient-ils pu réagir contre le courant dans lequel cette volonté les poussait ou plutôt les jetait de haute lutte, au nom de la mémoire sacrée de leurs aïeux, Clisson et Charles de Blois?
Margot n’avait point troublé ses fils dans leurs liaisons amicales avec Jean V, parce qu’elle était sûre de les rappeler à elle à l’heure marquée et de faire d’eux ce qu’elle voudrait; peut-être même songeait-elle déjà à tirer de cette belle amitié quelque profit pour l’exécution de ses plans de vengeance.
Attaquer Jean V à force ouverte, comme Charles de Blois avait combattu contre Jean de Montfort et Clisson contre Jean IV, il n’y fallait pas songer.
Le duc maintenant était trop fort, le pays trop uni en soi et trop uni à son prince, surtout par le désir passionné de garder le bienfait de la paix; à peine si l’apanage de Penthièvre lui-même eût donné quelque soutien à la guerre civile. Il fallait donc user de ruse, « coudre (comme dit encore d’Argentré) la peau du regnard à celle du lion, » et guetter l’occasion.
L’occasion vint, je l’ai dit, sur la fin de l’an 1419, sous la forme du très vif mécontentement éprouvé par le dauphin régent du royaume (le futur Charles VII), auquel le duc de Bretagne, après lui avoir promis le concours de ses forces, avait fini par retirer cette promesse.
Les Penthièvre avaient à la cour du dauphin des amis dévoués, entre autres, le président Louvet et le bâtard d’Orléans, qui prévinrent Margot de Clisson de l’irritation du prince contre Jean V et du parti qu’en pourrait tirer Margot. Celle-ci ne se le fit pas dire deux fois, s’offrit au prince pour le venger du duc de Bretagne, lui exposa son plan et le fit approuver par le dauphin, qui lui promit son appui (8).
Elle n’eut plus qu’à exposer et imposer ce plan à ses fils et à leur tracer leur rôle, particulièrement aux deux qui devaient y prendre la principale part, Olivier l’aîné comte de Penthièvre, et le troisième Charles sire d’Avaugour, les deux justement auxquels le duc avait fait plus de faveurs. S’ils eurent des scrupules, ils ne tinrent pas devant les ordres de leur mère, et bientôt l’exécution commença.
2. — L’enlèvement du duc Jean V.
On était au commencement de février 1420. Le duc se trouvait à Vannes. Les Penthièvre lui envoyèrent un de leurs conseillers, Pierre Beloy, pour lui marquer leur désir de s’unir plus étroitement à lui par une de ces alliances privées, intimes, engagements assez habituels en ce siècle, où les parties se juraient amitié sans fin et dévouement inviolable.
Les Penthièvre ici offraient de s’obliger à « servir, honorer, chérir le duc comme leur prince et seigneur vers tous et contre » tous qui pourraient vivre et mourir (9), » et ils demandaient au duc de vouloir bien leur promettre de se montrer toujours pour eux « bon seigneur et ami. » Jean V accueillit très bien cette idée et leur fit dire par leur messager de venir nouer cette alliance à Nantes, où il devait se rendre dans quelques jours pour recevoir une ambassade du dauphin dont la venue lui était annoncée (10)
. Olivier et Charles de Blois ou de Penthièvre y vinrent en effet et l’alliance fut conclue, avec renouvellement de grandes démonstrations d’amitié, lit commun, table commune, etc.
Au bout de quelques jours, le comte de Penthièvre vint prier le duc, de la part de sa mère et de ses frères, de leur faire l’honneur de venir prendre quelque esbatement au château de Châteauceaux sur la Loire, résidence de la vieille comtesse de Penthièvre, ajoutant qu’il y trouverait de belles chasses et « gracieux » bancquet, où il serait servi par les plus belles damoiselles, jeunes et frisques, » que l’on sçauroit souhaiter, et y trouverait du passe temps moult plaisant (11). »
Jean V, jeune encore et bien tourné, passait pour n’être point insensible aux charmes des belles damoiselles; sans trop se faire prier il accepta.
Le lundi 12 février au matin, le comte de Penthièvre vint réveiller le duc encore au lit, le pressant de partir « parce qu’il estoit haulte heure et qu’on » l’attendoit à Chasteauceaux. » Il avait d’abord été question de faire le voyage en bateau par la Loire ; mais la saison était rude, le temps incertain.
On préféra la voie de terre, et Jean V, accompagné de son plus jeune frère Richard de Bretagne, n’alla ce jour-là qu’au Loroux-Botereau, à quatre lieues de Nantes environ, où ces deux princes couchèrent, tandis que plusieurs officiers de la maison du duc, portant sa vaisselle d’or et d’argent poussèrent le soir même avec le comte de Penthièvre jusqu’à Châteauceaux.
Celui-ci, le lendemain de bonne heure, était revenu au Loroux, toujours pour hâter le départ du duc, lui répétant que « les dames l’attendaient » et que s’il ne faisait hâte « la viande se perdrait. »
Le duc et son frère entendirent la messe, montèrent à cheval et partirent. Par la voie que l’on suivait, pour aller à Châteauceaux il y avait à faire trois ou quatre lieues. A mi-chemin environ on rencontrait une rivière la Divatte, petit affluent de la Loire coulant dans une gorge profonde, et que l’on passait sur un pont dit de la Tourbade ou de la Troubarde fait de méchantes planches, incommode aux chevaux. Jean V et son frère Richard mirent pied à terre pour le traverser.
Comme, après l’avoir passé ils remontaient à cheval suivis seulement de quatre ou cinq gentilshommes, le gros de leur suite assez nombreuse étant encore sur l’autre rive,
— voici que quelques valets et pages des Penthièvre s’en vont en riant, comme par jeu, lever les planches du pont, déclouées et déchevillées d’avance, et les lancent dans la rivière de façon à couper toute communication entre les deux bords et à isoler le duc de son escorte.
Jean V, croyant à une plaisanterie, riait comme les autres, quand en se retournant, il vit sortir d’un bouquet de bois tout voisin Charles de Penthièvre sire d’Avaugour, frère puîné d’Olivier, à la tête d’une quarantaine de lances à cheval et d’un certain nombre de gens de trait :
— Beau cousin, dit le duc à Olivier, quelles sont ces gens-ci ? — Ce sont mes gens, répondit le comte d’un ton hautain ; en même temps, il saisit le duc au collet, déclarant le faire prisonnier au nom du régent de France, c’est-à-dire du dauphin, et ajoutant qu’avant de sortir de ses mains Jean V devrait se résigner à lui rendre son héritage, c’est-à-dire le duché de Bretagne.
En même temps Richard le frère du duc était arrêté de la même façon par le sire d’Avaugour.
Les six ou huit serviteurs du duc qui avaient passé le pont avec lui n’hésitèrent pas à se jeter tête baissée sur ceux qui venaient d’empoigner les princes, pour tâcher de dégager ceux-ci.
Presque tous furent blessés : un Beaumanoir eut le poing coupé, Jean de Kerpest valet de chambre du duc perdit un bras et une jambe, Thébaud Busson seigneur de Gazon, Robert d’Espinai chambellan du duc, gravement atteints, furent mis hors de combat. Un gentilhomme des Penthièvre s’élança même vers le duc pour le frapper à la tête de son épée, mais le comte Olivier l’en empêcha, disant qu’il voulait remettre Jean V aux mains du dauphin, qui en déciderait.
Cette lutte par trop inégale ayant cessé, tous les serviteurs du duc furent désarmés et conduits prisonniers à Châteauceaux par le sire d’Avaugour.
Le maréchal de Bretagne, Bertrand de Châteaubriant, qui était de la suite du duc, fut seul réservé avec les deux princes, et ces trois prisonniers, au lieu d’être conduits à Châteauceaux, prirent le chemin de Clisson sous la garde d'une grosse escorte commandée par le comte de Penthièvre lui-même.
Clisson est à cinq lieues environ dans le Sud du pont de la Troubarde, et il faisait encore jour quand cette troupe traversa cette ville, où elle ne s’arrêta pas et passa au plus court par les faubourgs. Olivier de Penthièvre avait grand peur que le duc dans cette traversée ne fût reconnu, convaincu que, s’il l’était, les habitants s’ameuteraient pour le délivrer.
Aussi avant d’entrer à Clisson il défendit à Jean V, sous de terribles menaces de mort, d’appeler au secours ou de dire le moindre mot pour se faire reconnaître. Si le prince avait bravé cette menace, il eût été très probablement délivré de suite ; mais tout absorbé et tout abattu par son malheur, il ne parla ni ne bougea, les Clissonnais ne se doutèrent même pas du passage de leur souverain dans leur ville.
Passé Clisson, sans doute parce que la nuit venait, Olivier de Blois redoubla de précautions pour la garde de son prisonnier; il fit lier fortement la jambe gauche du duc avec une corde à l’étrivière de la selle et conduire le cheval par un licol attaché à la bride ; et de plus, dit le duc (car nous avons un récit écrit par lui de cette triste aventure) « ledit Olivier de Blois ordonna deux grands » ribauds à chevaucher à l’entour de nous d’une et d’autre part, avec chacun » son mi-glaive entre leurs mains pour nous tuer et occire si nous eussions » fait signe de nous vouloir enfuir ou échapper, et pour ceste cause estoient » placés là ces deux ribauds, comme nous dit lui-même Olivier de Blois (12). »
Le pauvre prince avait encore bien du chemin à faire avant d’être à sa destination.
On le menait au château de Palluau en Poitou à onze lieues (44 kilom.) dans le Sud-Ouest de Clisson. La troupe chevaucha longtemps silencieuse dans la nuit. Le bouillonnement de la haine satisfaite mêlé à l’agitation du remords excitait et soutenait le comte de Penthièvre : car depuis le matin au Loroux Botereau il n’avait pas mangé et semblait n’y pas songer.
Enfin, vers minuit, passant auprès du manoir d’une dame Catherine de Fresnoi, amie de sa maison, il fit faire halte : « auquel hostel descendit celui Olivier (dit le duc dans son récit) et entra dedans pour manger, boire et se galler, et nous laissa tout à cheval en la rue [sur la route], lié et detenu sans faire compte de nous, et y fûmes-nous longtemps au vent et à la pluie (13). »
Le malheureux duc était là littéralement mort de froid et de faim, sans même parler d’autres besoins que sa relation ne nous laisse pas ignorer (14). Un des hommes d’armes chargés de le garder, touché de sa détresse, en fit part au comte Olivier de Blois qui, craignant de voir son prisonnier périr de misère entre ses mains, le laissa enfin descendre de cheval quelques instants, ainsi que son frère, et là, dit le duc, « nous beusmes un peu et mangeasmes d'une oie froide. »
Cela fait, le duc remonta à cheval, on le ligota comme devant et comme devant on le remit entre les deux ribauds chargés de l’occire s’il bronchait. Et de nouveau la troupe se mit en route, piétina et chevaucha toute la nuit, pour arriver à Palluau au jour, c’est-à-dire vers sept heures du matin, le 14 février 1420.
Tel fut, dans ses principales circonstances, le traîtreux enlèvement de Jean V par les Penthièvre, qui constitue ce qu’on peut appeler le premier acte du complot de Margot de Clisson (15).
3. — Jean V devant Margot de Clisson.
On avait emmené le duc à Palluau, non pour l’y laisser mais pour créer une fausse piste, dans le cas où quelque tentative fût faite de Bretagne pour le retrouver.
Margot n’entendait nullement renoncer au plaisir de savourer sa vengeance en humiliant devant elle le chef de la race qui avait humilié la sienne et en triomphant de lui insolemment.
Déjà elle avait fait main basse sur la vaisselle ducale, dépouille opime du vaincu. Maintenant elle voulait voir à ses genoux, dans son inexpugnable palais de Châteauceaux, le vaincu lui-même.
Le duc ne fut à Palluau que quatre ou cinq jours. Le comte de Penthièvre l’en tira ainsi que son frère Richard, le 19 février, pour les mener à sa mère, et ils étaient à Châteauceaux le lendemain, jour du mardi gras, 20 février 1420.
Ce fut pour Jean V de toute façon un triste carnaval ; en ce jour de liesse et de festins il eut « pour tout disner un peu de jambon de porc froid » dû à la charité du chapelain du prieuré de Châteauceaux, chez qui Olivier de Blois avait consigné son prisonnier, pendant qu’il allait lui-même au château prévenir sa mère de prendre les précautions indispensables pour loger un tel gibier. — Lui Olivier (le duc nous le dit dans sa relation), pendant que Jean V était réduit à sa petite tranche de jambon, il se gobergea tout à loisir chez sa mère, puis revint enfin, le ventre plein, reprendre ses prisonniers et les introduire dans la forteresse où il les logea en une grosse et sombre tour, sans laisser se montrer sur leur passage un seul des habitants de ce grand château qu’ils auraient pu croire désert.
Mais le soir ils eurent à qui parler. Olivier avait promis au duc de lui faire voir à Châteauceaux de belles damoiselles.
Il fut dans sa prison visité par Margot de Clisson suivie de sa bru, femme de Charles de Penthièvre sire d’Avaugour, et d’une autre « damoiselle » dont on ne dit pas le nom.
Dès que Jean V vit Margot, il s’adressa à elle d’une voix suppliante, « lui remontrant qu’il étoit son pauvre parent né de germain, la priant et requérant de vouloir lui sauver la vie » ou de daigner tout au moins lui dire si ses jours étaient vraiment en danger.
D’un ton ironique, indifférent, Margot répondit qu’elle n’en savait rien. Puis se mit à lui reprocher durement tous les torts que lui et son père avaient faits à ses enfants, déclarant que l’heure de la réparation était venue et qu’il fallait s’y soumettre. Le duc s’avoua humblement prêta réparer tout ce qu’on voudrait, pourvu qu’on lui garantît la vie. La comtesse sortit sans lui répondre.
Le lendemain jour des Cendres, elle revint plus superbe, plus orgueilleuse encore que la veille, déclarant nettement cette fois que la réparation qu’il lui fallait, c’était purement et simplement pour son fils et pour sa race — le duché de Bretagne.
Le duc lui répondit qu’il n’avait cure de seigneurie ni de duché, pourvu qu’il eût la vie sauve, priant en grâce Marguerite de la lui assurer. Elle qui se délectait à le voir dans ces craintes, dans ces affres, dans ces humiliations, affirma que la chose ne dépendait pas d’elle mais de monseigneur le régent (c’est-à-dire le dauphin) dont ses fils s’étaient bornés en cette affaire à exécuter les ordres et dont ils avaient, pour se couvrir, belles et bonnes lettres. Puis d’un ton de prédicateur elle se mit à exhorter Jean V à la patience, vu que bien d’autres princes avant lui avaient eu à souffrir de grands revers de fortune, qu’au reste c’était la volonté du Seigneur, comme le dit ce verset du psautier : Deposuit potentes de sede. Sur quoi le bon duc pour la dixième fois lui répéta « qu’il ne lui challoit de déposition » de seigneurie » [qu’il ne s’inquiétait nullement d’être privé du trône] « pourvu » qu’il fut assuré de sa vie. »
Margot pour toute réponse lui annonça qu’il ne la reverrait point, qu’elle allait quitter le château dans la crainte qu’on essayât de l’assiéger (16).
Cependant elle resta à Chateauceaux ; mais satisfaite d’avoir à plaisir humilié, fait ramper le duc devant elle ; fixée maintenant sur ce qu’elle pourrait tirer de lui par la crainte de la mort; sachant tout ce qu’elle voulait apprendre et jugeant ennuyeuses, embarrassantes, de nouvelles entrevues avec ce prince, elle avait inventé ce subterfuge pour s’y soustraire. De siège à ce moment elle n’en craignait point et croyait Châteauceaux inexpugnable.
Au contraire, elle commençait hardiment la guerre contre la Bretagne, lançant de la frontière poitevine sur le comté Nantais l’un de ses fils, Jean sire de Laigle, bon capitaine, qui avec quelques bandes aguerries enlevait, dans la marche pictavo-bretonne, le château de la Garnache au vicomte de Rohan, celui de la Motte-Achard au baron de Retz (17) et harcelait de ses courses et de ses pilleries tous les environs de la ville de Nantes.
Margot triomphait.
4. — L'appel aux armes; — La duchesse Jeanne de France.
Margot triomphait trop tôt.
Elle allait trouver dans la duchesse de Bretagne, Jeanne de France femme de Jean V, une antagoniste dont l’énergie en cette circonstance fut tout à fait digne des deux grandes Jeannes du XIV e siècle : Jeanne de Penthièvre et Jeanne de Montfort.
La duchesse était à Vannes quand elle apprit l’attentat des Penthièvre contre le duc.
Dès le lendemain (le 16 février 1420) elle convoqua son conseil et les principaux seigneurs présents à la cour. Dans ce conseil elle rendit une ordonnance appelant aux armes tous les Bretons, particulièrement tous les nobles et tous les vassaux astreints par leurs fiefs au service militaire.
Pour lever, dresser, former les troupes qui répondraient à cet appel, elle nomma le vicomte de Rohan lieutenant-général du duc absent dans toute la Bretagne et, sous lui, capitaines généraux en basse Bretagne, le comte de Porhoët son fils et le sire de Guémené, — en haute Bretagne le sire de Châteaubriant et le sire de Rieux.
En même temps la duchesse convoqua les Etats généraux du duché pour le 23 février (18).
Du 16 au 23 février, Vannes se remplit de seigneurs, de prêtres, de bourgeois venant de tous les coins de la Bretagne exprimer à leur souveraine leur indignation contre l’attentat, leur résolution de tout faire pour le venger et délivrer le duc (19).
Le 23 février, les trois Etats étaient là au grand complet. La duchesse se présenta devant eux avec ses deux fils : l’aîné François, héritier du duché âgé de dix ans, l’autre son puîné Pierre qui avait deux ans à peine. Elle n’eut pas besoin d’un long discours; en quelques mots elle rappela l’odieuse trahison, le péril du duc, et adjura ses fidèles Bretons de voler à son secours ; elle y emploierait sans compter tout le trésor amassé pendant la minorité de Jean V et, si ce n’était assez, tous ses joyaux. « Et en ce disant tenoist ladite dame duchesse ses deux fils, » qu’elle montrait aux prélats, aux barons, aux gens des bonnes villes, et plouroit (dit Le Baud) moult tendrement (20). »
Tous les assistants émus, indignés, enthousiasmés, jurèrent de s’employer corps et biens à la délivrance du duc.
Les contingents militaires affluèrent immédiatement aux lieux de rendez-vous, non seulement les contingents féodaux, mais aussi les volontaires des paroisses, jaloux de prendre part à cette campagne.
Une tradition, recueillie par Pierre Le Baud qui avait connu des témoins de ce grand mouvement national, porte le chiffre total de cette levée à 50000 hommes (21).
On s’est récrié contre ce chiffre et en effet, à cette époque en Bretagne, il était à peu près impossible de former, de faire manœuvrer, surtout d’armer, d’approvisionner une armée aussi considérable. On a les chiffres précis des contingents de troupes fournies dans cette circonstance par quelques régions de la Bretagne (22), j’entends, en hommes d’armes, archers, arbalétriers; — et de ces chiffres il semble résulter que le total de l’armée ducale dut monter à environ dix-huit mille hommes, ce qui est pour ce temps un très beau chiffre.
Mais cette armée, comme nous le verrons, ayant opéré sur divers points de la Bretagne pour prendre les diverses places des Penthièvre, vit successivement, partout où elle se portait, les gens des paroisses se joindre à elle contre l’ennemi qu’elle assiégeait, — et ainsi, successivement mais non simultanément, il put bien y avoir une quarantaine de mille hommes à prendre part dans des conditions diverses à cette campagne.
En tous cas on peut dire qu’à l’appel de la duchesse la nation bretonne, moralement, se leva comme un seul homme pour flétrir, rejeter et condamner d’un même cœur l’odieux attentat.
Mais la duchesse ne s’en tint pas là. Voulant mettre à la tête de ses troupes un chef illustre, dont le nom fût un gage assuré de victoire, elle pria le roi d’Angleterre de permettre à Arthur comte de Richemont, son prisonnier depuis Azincourt, de venir prendre le commandement de l’armée bretonne destinée à délivrer le duc Jean V, frère de Richemont (23).
Elle envoya des ambassadeurs au dauphin pour lui donner des explications, adoucir son ressentiment, obtenir au moins de lui la neutralité.
Aux Espagnols, aux rois de Navarre et de Castille, liés depuis longtemps à la Bretagne par des alliances et des traités de commerce, elle envoya demander du secours. Mais elle s’appliqua surtout par ses envoyés, à persuader aux nombreuses compagnies bretonnes servant alors en France de revenir momentanément prêter à la cause du duc le secours de leurs armes — et elle obtint de ce côté d’importants résultats (24). Il y eut donc bientôt sur pied une belle force, une belle armée, pour délivrer le duc.
Mais le délivrer, comment ? On ne savait même pas où il était ; la duchesse, qui le faisait activement chercher par des agents secrets, n’avait rien appris de certain.
Restait la ressource, en attendant mieux, de punir les coupables, c’est-à- dire d’enlever aux de Blois l’apanage de Penthièvre perdu par leur félonie, et d’abord de prendre leurs places.
Avant la fin de février, Lambale leur capitale était assiégée, serrée de très près.
Quand les Penthièvre apprirent ces nouvelles, ils devinrent fous de colère. Ils avaient compté évidemment que, le duc pris, leur parti relèverait la tête en Bretagne. Par malheur ce parti était mort, et dans leur apanage même personne ne bougea. Pour apaiser le terrible orage amassé contre eux, ils employèrent d’abord un expédient un peu trop puéril.
Il y avait à Chàteauceaux un varlet, c’est-à-dire un Page, qui ressemblait un peu à Jean V ; on lui mit les bottes, la robe du duc, on lui banda les yeux, on le conduisit de la sorte jusqu’à la Loire où on le jeta dans une barque qui descendit le fleuve : on dit à tout le monde que c’était le duc que l’on allait noyer; puis comme ce jeune homme ne reparut pas à Chàteauceaux, on envoya des gens à Nantes répandre le bruit qu’on avait effectivement retiré de la Loire, sous une souche de saule, le cadavre de Jean V.
On croyait que l’armée formée pour délivrer ce prince, le sachant mort, se dirait qu’elle n’avait plus rien à faire et se disperserait. Comme si au contraire, dans ce cas, elle n’eût pas eu à cœur de poursuivre plus que jamais sa campagne pour tirer vengeance de ce crime.
Cette farce grotesque n’eut d’ailleurs aucun succès et ne trompa personne (25).
Alors, tout naturellement, c’est sur le pauvre duc que l’orage tomba.
Un soir, Olivier de Blois et son frère Jean sire de Laigle, chargés de leurs cuirasses, hérissés de dagues et d’épées, entrent tout à coup à grand fracas dans la prison de Jean V et lui mettant tous deux le poing sous le nez, lui crient que si le siège de Lambale continue, ils lui feront immédiatement « voler la teste de dessus les espaules. » Que s’il veut la conserver, il lui faut de suite écrire aux chefs de l’armée bretonne l’ordre formel de lever ce siège et de laisser en paix les autres places de Penthièvre — sans quoi la duchesse de Bretagne ne reverrait la tête de son mari que plantée sur une pique au sommet du donjon de Chàteauceaux.
Le duc écrivit tout ce qu’on voulut et donna au messager chargé de cette lettre, pour en mieux garantir l’authenticité, une petite chaîne d’or qu’il portait habituellement sur la peau pour suspendre son Agnus : chaîne dont, bien entendu, le comte de Penthièvre, lors de la prise du duc, l’avait dépouillé, mais qu’il consentit à lui remettre momentanément en cette occasion.
Kermelec, l’un des serviteurs du prince et comme lui prisonnier à Chàteauceaux, fut chargé de porter aux chefs bretons cette chaîne et cette lettre. Sous peine de mettre le duc en péril, il lui fut enjoint de revenir à Chàteauceaux rendre compte de sa mission et reprendre sa prison.
Il partit pour la Bretagne vers le 5 ou le 6 mars (26).
Huit jours après et avant son retour, Margot de Clisson fit sortir le duc de Chàteauceaux, — craignant sans doute que son séjour en ce lieu, nécessairement connu en Bretagne par la mission de Kermelec, n’attirât sur cette place l’effort de l’armée bretonne.
Le duc et son frère Richard furent conduits vers la mi-mars de Chàteauceaux à Vendrines (27), où Olivier de Blois leur prodigua encore les injures et les plus cruelles menaces, puis de là à Nuaillé (28) près de La Rochelle, enfin jusqu’à Saintes (29), en plein pays français, à près de 50 lieues de la Loire.
Vers la fin de mars, on le fit remonter vers le nord, on l’enferma au château de Saint- Jean d’Angéli (30), où il passa les deux mois d’avril et de mai.
Nous l’y retrouverons plus tard (31).
5. — La lutte.
— Le siège de Châteauceaux. Jean de Kermelec eut beau exhiber aux chefs de l’armée bretonne les lettres du duc ordonnant de cesser le siège de Lambale, il eut beau représenter les dangers que faisait courir à la vie du duc la continuation de la guerre : le siège ne fut pas interrompu. Car nul ne doutait que les ordres du duc n’eussent été extorqués par la violence.
Quant au reste, la conduite des Penthièvre avait soulevé chez tous les Bretons, dans toutes les classes, une telle indignation, que rien n’en pouvait arrêter l’effet; on voulait, quoi qu’il en pût advenir, prendre du crime sur les coupables une éclatante justice.
En l’absence de Richemont, que le roi d’Angleterre n’avait pas voulu lâcher même momentanément, l’armée bretonne était commandée par les quatre capitaines-généraux, entre lesquels Alain de Rohan comte de Porhoët, comme fils du lieutenant-général du duc, semble avoir occupé le premier rang.
Lambale se rendit au commencement de mars (32), et ses fortifications furent démolies aussitôt par Fouquet Renart. Guingamp investi avant la reddition de Lambale, capitula le 5 mars, mais ne fut pas démoli (33).
Jugon, la Roche-Derien, Châteaulin-sur-Trieu, la Roche-Suhart, toutes places et châteaux bien fortifiés furent pris sans grande résistance en mars et avril (34).
Le château de Broon se défendit plus longtemps, il tenait encore le 8 mai, mais il avait déjà capitulé sous condition d’un certain délai, car la duchesse ce jour-là en ordonnait la démolition dès qu’il serait rendu (35).
C’est Charles de Montfort, Seigneur de Frinodour qui eut l’honneur de cette conquête, on lui avait laissé le soin de ce siège avec un fort détachement (36), pendant que le reste de 1’armée bretonne se dirigeait vers la Loire.
Les Penthièvre, exaspérés par la prise de leurs places et la perte de leur apanage, avaient voulu prendre des représailles sur le comté Nantais, et de Chàteauceaux ils dirigeaient contre la frontière bretonne de fréquentes incursions, dans lesquelles ils faisaient de grands ravages (37).
La duchesse de Bretagne n’hésita pas à répondre à ces insolentes provocations ; elle ordonna le siège de Châteauceaux.
Grosse et difficile opération, car la place passait pour imprenable. Mais là se trouvait, on en était sûr, Margot de Clisson, la première cause de cette guerre, l’auteur véritable de cet odieux complot, — et si l’on pouvait prendre Margot, tout serait gagné : du même coup l’on finirait la guerre et 1’on recouvrerait le duc.
Châteauceaux était une belle seigneurie et une grande forteresse située enterre angevine sur la rive gauche de la Loire, mais ayant devant elle la Bretagne de 1’autre côté du fleuve sur la rive droite, et sur la rive gauche la frontière bretonne à une lieue ou une lieue et demie vers l'Ouest.
Aussi malgré sa situation territoriale qui le donnait à l’Anjou, Chàteauceaux était un lieu autant, sinon plus breton qu’angevin.
Depuis le XIII e siècle, il avait presque toujours appartenu à des princes bretons, et toujours il avait joué dans les guerres de Bretagne un rôle important.
La situation du château, planté sur une haute roche, était très forte; cette roche baignant son pied dans la Loire, le blocus semblait presque impossible; les Penthièvre, depuis qu’ils l’avaient, s’étaient plu à augmenter les défenses de cette place; ils la réputaient inexpugnable.
Aussi la fière comtesse de Penthièvre, l’altière Margot de Clisson, quand elle entendit parler d’un siège, ne songea point à quitter ce château : elle s’occupa seulement de compléter les approvisionnements, de renforcer la garnison — et elle attendit ensuite, avec un grand calme, les assiégeants, — bien sûre qu’au pis aller un mois ou deux d’efforts inutiles, d’attaques désastreuses, d’échecs honteux pour les assaillants ne manqueraient pas de l’en débarrasser.
Loin de songer à fuir, elle ne pensa qu’à se bien défendre; c’est elle qui commandait dans la place, où elle n’avait avec elle que son quatrième fils, encore un enfant, appelé Guillaume à peine âgé de quinze ou seize ans et que, nous l’avons dit, on destinait à l’église.
Ses trois autres fils sortis de la place tenaient la campagne, et leur mère comptait sur eux pour l’aider, par leurs attaques du dehors, à venir à bout de l’armée bretonne.
En somme ce fut un beau siège, bien attaqué, bien défendu.
Le chef des Bretons était le comte de Porhoët; versé dans les perfectionnements de l’art militaire, il amena avec lui une nombreuse et puissante artillerie ; on ne voulut pas dégarnir Nantes toujours menacée par Jean de Penthièvre.
Mais des villes de l’intérieur, notamment de Ploërmel et de Vannes, on tira grand nombre de gros canons et de fortes bombardes.
Pour se rendre à Chàteauceaux on suivit la rive droite de la Loire parce que c’était la terre bretonne. Arrivés devant le château, on établit sur la Loire un pont de bois large et solide, par où passa toute l’armée, toute l’artillerie (38), et qui eut pour premier effet de couper à la place sa communication si utile avec le fleuve, dont ce pont rendait les assiégeants absolument maîtres à cette hauteur.
Le comte de Porhoët vit de suite les difficultés de son entreprise, entre autres la longueur forcée du siège et le danger très probable d’avoir à subir du dehors les attaques combinées de ces trois Penthièvre, Olivier, Jean et Charles, qui n’étaient sortis de Chàteauceaux que pour le mieux secourir.
Aussi, après avoir établi son camp tout autour de la place, son premier soin fut de le fortifier d’une façon formidable.
On creusa à l’entour un profond fossé, dont la terre rejetée du côté du camp forma un retranchement couronné d’une enceinte continue faite de poteaux de bois, de robustes madriers, et qui valait une muraille de pierre.
Cette enceinte avait trois portes protégées, tout comme celles des villes, par ces fortifications avancées qu’on appelait des boulevards (39) et des barrières.
Ainsi ce camp était une vaste forteresse dont l’enceinte, enveloppant la place assiégée et s'appuyant sur le pont de la Loire, constituait autour de Châteauceaux un blocus infranchissable.
Cela fait, les Bretons attaquèrent la place. « Ils levèrent (dit Le Baud) leurs engins (leurs machines de jet) devant le château, ils assortirent (ils mirent en batterie) leurs canons et leurs bombardes, dont ils abattirent les couvertures et les pavillons des tours et battirent les murs (40).
Mais ils ne réussirent pas à faire brèche, parce que (dit d’Argentré) « les murailles étoient fortes, de vieil ciment, qui tenoit comme si elles eussent été d’une pièce; et si (aussi) y avoit des hommes dedans qui tiroient incessamment et faisoient de grands efforts de se defendre et résister de grand courage : tellement que le siège y séjourna longuement sans y advancer beaucoup (41). »
Ce siège fut long en effet : commencé vers le 8 ou 10 mai, il se prolongea jusqu’aux premiers jours de juillet.
Les princes de Penthièvre eurent donc tout le temps de préparer leurs attaques contre les assiégeants, pour dégager la place.
Un jour de très grand matin, le sire de Laigle (Jean de Penthièvre) avec une grosse troupe se jeta à l’improviste très impétueusement sur le camp breton, espérant tout au moins à cette heure matinale en forcer par surprise les premières barrières, puis de là se glisser dans la place.
Mais le guet était bien fait, les premières barrières si résistantes que les assaillants usèrent leurs efforts contre elles, et pendant qu’ils étaient là tout le camp s’émut, tomba sur eux, leur tua beaucoup de monde et les mit en pleine déroute (42).
Après une telle réception on n’y revint plus, nul n’osa inquiéter les assiégeants. Ceux-ci reprirent sans se lasser leur travail contre la place ; ayant reconnu les points les plus faibles de l’enceinte, ils concentrèrent là tous leurs efforts, le tir de tous leurs engins et de toute leur artillerie ; ils réussirent enfin à ouvrir une brèche, il ne restait plus qu’à l’élargir pour la rendre praticable, c’était l’affaire de quelques jours.
A cette nouvelle, la comtesse de Penthièvre s’émut. Elle connaissait la piteuse issue de l’attaque tentée contre le camp breton par son fils Jean ; donc pour elle plus de secours à espérer du dehors. Maintenant elle était à la merci d’un assaut.
Si le premier échouait, le second ou le troisième réussirait, car il était bien clair Que les Bretons bien établis, bien approvisionnés, recevant des recrues tous les jours, étaient désormais très résolus à ne pas lâcher prise. Si la place était emportée de vive force, après toutes ses insultes contre le duc, toutes les colères excitées par ses attentats, point de quartier à espérer pour Margot de Clisson.
Et puis elle n’était pas seule dans Chàteauceaux ; avec elle il y avait son jeune fils Guillaume, sa fille Jeanne, sa bru Isabeau de Vivonne femme du sire d Avaugour; dans un assaut tous ces princes et princesses pouvaient périr.
La fière Margot atterrée commença à entrevoir qu’il lui fallait à son tour plier, céder, s’humilier; elle eut beau se révolter contre cette conclusion, chercher de tous côtés une autre issue : il n’y en avait point.
Alors, avec cette énergie de volonté qu’elle tenait de son père, elle envoya aussitôt un trompette aux assiégeants dire qu’elle voulait traiter. Les chefs bretons répondirent qu’il fallait d’abord délivrer le duc, sans quoi point de capitulation; que s’il n’était pas à Châteauceaux, il fallait de suite l’envoyer chercher.
— Par ailleurs (dit Le Baud, qui avait connu dans sa jeunesse les acteurs de cette histoire) « la conclusion du traité fut que la comtesse rendrait aux seigneurs bretons » la place de Châteauceaux pour en faire leur volonté; et au parsus, feroit réparation de l’injure faite au duc à l’égard et ordonnance desdits seigneurs : et ce faisant, luy permettraient de partir paisiblement elle et ses enfans dudit chastel, » avec leur famille et gens de la garnison, pour s’en aller où bon leur semblerait » (43).
Quant au duc, il était moins loin que les Bretons ne croyaient.
Nous l’avons laissé, au commencement d’avril, enfermé dans le château de Saint-Jean d’Angéli; il y resta deux mois, avril et mai et, chose curieuse, la bonté et les malheurs de ce prince créèrent autour de lui, dans cette terre naturellement hostile à sa cause, un véritable courant sympathique qui se manifesta de diverses façons, même par des tentatives de délivrance (44).
Dès que le comte de Penthièvre, Olivier de Blois, s’en aperçut, il le tira de là et le fit pendant tout le mois de juin errer de prison en prison, le traînant de Saint-Jean d’Angéli dans le pays de Niort, où il l’enferma d’abord au château de Fors, puis en celui du Coudrai-Salbart ;
de là on le transféra à Bressuire (45), ce qui le rapprochait notablement de la Bretagne, et enfin on le ramena à Clisson, — que le duc, on s’en souvient, avait traversé le premier jour de sa captivité ; mais cette fois il y fut plus longtemps, il dut passer dans le château de Clisson la plus grande partie de juin.
Olivier de Blois, qui s’était constitué le geôlier de sa victime, l’avait menée là, à sept lieues seulement de Châteauceaux, pour suivre plus aisément les péripéties du siège de cette place.
C’est donc là qu’il reçut le message de sa mère ordonnant d’envoyer de suite Jean V à Châteauceaux pour y être remis aux seigneurs bretons.
Ce fut pour Olivier un coup de foudre. Sa foi en sa mère était si grande qu’il n’avait jamais douté de la réussite du complot tramé par elle (46). Il comptait toujours très fermement sortir de cette affaire duc de Bretagne. Et de fait, tant qu’il restait maître du duc, il avait dans cette partie la chance du joueur qui tient en main le roi d'atout.
Mais s’il lâchait son atout, il lâchait tout; de duc de Bretagne il tombait au rang ignominieux de criminel de lèse-majesté, condamné à mort avec confiscation de tous ses biens. Du trône il était précipité dans un gouffre : quelle chute ! Pourtant il n’eut pas l’idée de résister : la vie de sa mère était en jeu ; puis regimber contre cette volonté de fer?... impossible.
Toutefois avant de lâcher sa proie, il voulut user d’une dernière ruse.
Au lieu de dire la vérité au duc, il vint lui conter que, par ordre de sa mère, il allait l’envoyer à Châteauceaux, où la comtesse de Penthièvre le mettrait en liberté s’il voulait au préalable accepter certaines conditions.
La première condition, c’était le mariage de lui Olivier de Blois, alors veuf, avec Isabeau de Bretagne fille de Jean V, déjà promise au duc d’Anjou, roi de Sicile.
La seconde condition, c’était le don à Olivier de Blois, en faveur de ce mariage, des trois châtellenies de Montcontour, de Jugon et de Cesson (près Saint-Brieuc). Le duc devait s’engager en outre à garantir aux Penthièvre la jouissance de fous les biens possédés par eux avant la trahison du 13 février, et de grosses pensions sur le trésor (47).
Jean V promit, signa et jura tout ce qu’on voulut — absolument comme Clisson, trente ans plus tôt, dans le château de l’Hermine.
Après quoi Olivier de Blois n’osant, comme auteur principal de l’enlèvement du duc, affronter le courroux des barons de Bretagne, remit Jean V aux mains de son frère Jean sire de Laigle, qui lui n’avait pas personnellement pris part à cet attentat.
Sous la conduite ou plutôt l’escorte respectueuse de Jean de Penthièvre, le duc se rendit à Châteauceaux le vendredi 5 juillet 1420.
Les acclamations enthousiastes de l’armée bretonne lui apprirent là le triomphe complet de sa cause et le dernier mensonge d’Olivier de Blois.
Aussitôt Margot de Clisson et tous les siens, parents, amis, serviteurs, soldats, sortirent du château, vies et bagues sauves, et le soir même Jean V alla coucher à Nantes, au palais ducal de la Tour-Neuve (48).
6. — Le dénouement.
Le premier acte de Jean V après sa délivrance fut d’ordonner la démolition du château de Châteauceaux, ce qui fut exécuté de suite (49).
Puis il s’occupa de reconnaître les services qui lui avaient été rendus pendant ses malheurs, en ayant soin de commencer par les sujets et amis dévoués qui s’étaient ingéniés à adoucir sa captivité dans ses diverses prisons, ou avaient tenté de l’en tirer (50).
Il se mit aussi très promptement en devoir de remplir les vœux qu’il avait faits pendant sa captivité pour obtenir de Dieu d’avoir la vie sauve.- le plus connu de ses vœux est celui par lequel il avait promis de donner à Notre-Dame des Carmes de Nantes son pesant d’or; le duc ne lésina point , pour se faire peser il
revêtit de pied en cap son armure, ainsi vêtu il pesait 190 livres 7 onces soit 380 marcs ; dès le 14 juillet il fit livrer aux Carmes par son trésorier une énorme quantité de bijoux de toute sorte formant ce poids en or et en pierreries.
Lobineau a eu l’indiscrétion de remarquer que la valeur extraordinaire de ce vœu « marque assez l’excès de la peur qu’il avait eue de mourir. »
Et l’on en peut dire autant du nombre infini de vœux faits par le prince à même fin.
A saint Yves il avait promis son pesant d’argent, et c’est avec cette somme que fut élevé le magnifique tombeau de ce saint (51), détruit pendant la Révolution, si heureusement rétabli par le dernier évêque de Saint-Brieuc et de Tréguer, Mgr Bouché. Puis c’était 250 livres de cire à Saint-Pierre de Vannes, autant à Notre-Dame du Bondon, puis des présents de toute sorte aux églises de Redon, de Grâces, de Brélevenez, de Saint-Julien de Vouvante, et hors de Bretagne, aux sanctuaires de Sainte-Catherine de Fierbois, de Notre-Dame des Vertus, de Saint-Jean d’Angéli, etc.
On pourrait presque à la lettre dire que le pauvre duc s’était voué « à tous les saints du paradis. » Tous ces vœux furent, je le répète, promptement et strictement acquittés. Il avait fait de plus celui du pèlerinage de Terre-Sainte, il en fut dispensé par le pape à condition d’envoyer un gentilhomme vénérer à sa place le Saint-Sépulcre (52).
Un seul de ses vœux ne fut pas rempli : celui de ne plus mettre d’impôt sur ses sujets; ce n’est pas le prince qui en sollicita l’annulation, ce fut les Etats de Bretagne, jugeant que le gouvernement de la nation deviendrait impossible. Du reste l’authenticité de ce dernier vœu a été contestée (53).
Et les Penthièvre? Ah ! les Penthièvre, ils faillirent s’en tirer à bon marché.
Jean V a reçu chez les chroniqueurs bretons le surnom de Jean le Bon, nous allons voir qu’il le méritait.
Moins d’un mois après sa libération il accorda aux Penthièvre leur pardon sous cette condition que les deux auteurs directs de l’attentat, Olivier et Charles se présenteraient aux prochains Etats ou Parlement général de Bretagne convoqué à Vannes pour le mois de septembre suivant et là, en présence des prélats, des barons et des députés du tiers-état diraient humblement au duc : « Nostre très redoubté seigneur, par mauvais conseil et par jeunesse, nous vous avons pris, mis les mains en vous et en monseigneur Richard votre frère, et longuement détenus contre vos volontés, follement et comme mal conseillez; dont nous deplaist et suimes repentans, et vous en crions merci, en vous suppliant qu’il vous plaise nous pardonner et nous impartir vostre grâce et miséricorde (54). »
Margot de Clisson et ses deux autres fils devaient dire : « Nous avons aucunement porté et soutenu la prinse et détention de vostre personne et de Monseigneur vostre frere : de quoi nous deplaist et suimes repentans. Mais en tant que nous l’avons fait, nous vous supplions que vous plaise nous pardonner et nous impartir vostre grâce et miséricorde, et vous en crions merci (55). » Moyennant cette amende honorable — et peut-être une amende d’argent pour tes frais de guerre — le duc pardonnait toutes les injures, toutes les menaces, tous les mauvais traitements qu’on lui avait prodigués, les Penthièvre reprenaient tous leurs droits et tous leurs biens.
Ah! oui ce duc était bien Jean le Bon. Les Penthièvre acceptèrent d’abord cette grâce, et pour gage de leur comparution en justice ils mirent aux mains du duc leur frère Guillaume, qui personnellement n’avait pris nulle part à l’attentat.
Mais au moment de comparaître devant le Parlement et les Etats de Bretagne convoqués à Vannes en septembre 1420, ils ne purent croire à la magnanimité de Jean V, ils flairèrent là, à tort, un piège imaginé pour s’emparer de leurs personnes et leur faire expier au centuple les tourments infligés par eux au duc, ils firent défaut.
Le 7 octobre on décida de les ajourner de nouveau (56). Mais en Bretagne quand on voulait épuiser toutes les ressources de la procédure, on pouvait aller, dit d’Argentré, jusqu’à neuf défauts (57). « Il y eut en la cause des Penthièvre (continue le même auteur) force solemnitez et formes d’ajournements en plusieurs endroits. »
Cela dura fort longtemps, si bien que la sentence définitive ne fut rendue à Vannes que le 16 février 1425 (58).
Elle prononçait contre les Penthièvre (Olivier et Charles) la peine due aux félons, aux traîtres et aux criminels de lèse-majesté, la mort et la confiscation de tous leurs biens (59).
Les coupables étant en fuite échappèrent à la mort, mais le vaste apanage des Penthièvre fut réuni au domaine ducal.
La principale victime de cette félonie fut justement le plus innocent des Penthièvre, ce pauvre jeune Guillaume, livré comme otage par ses frères et qui pendant vingt-huit ans (1420 à 1448) fut promené captif à travers toute la Bretagne, du château de Nantes à celui de Vannes, du donjon de l’Isle à ceux de Brest et d’Aurai.
Si bien que quand la pitié du duc François I er , fils de Jean V, voulut enfin (en 1448) le rendre à la liberté, le pauvre prince était presque devenu aveugle à force de pleurer (60).
Ce complot des Penthièvre, nous avons cru nécessaire de le raconter avec détail. Car s’il tient peu de place dans le temps — pas même un semestre (13 février à 5 juillet 1420) — il n’en a pas moins une grande importance comme symptôme très caractéristique de la situation politique de la Bretagne.
Après cette épreuve, il est clair que la monarchie ducale de Bretagne et avec elle la nation bretonne est bien une maintenant et bien compacte.
Dès qu’on touche au duc, chef de la nation, représentant armé de l’indépendance nationale, la nation entière se lève pour défendre en lui le symbole de sa propre dignité, la garantie de sa paix au dedans, de sa sécurité au dehors. Donc, union intime des diverses classes entre elles et avec le duc, voilà ce que met en pleine lumière cet étrange et très curieux épisode.
Le dualisme issu de la longue lutte du XIV e siècle semble définitivement disparu. Comme à Dinard le 3 août 1379, il n’y a plus maintenant chez nous « qu’une nation, un peuple, une race, une Bretagne. »
Histoire de Bretagne. par Arthur Le Moyne de La Borderie,... ; [continuée par Barthélemy Pocquet]
Marguerite de Clisson, dite Margot, née vers 1372 et morte en 1441, fille du connétable Olivier V de Clisson et de Catherine Béatrix de Laval, comtesse de Penthièvre.
(1) Ce nom de Margot, diminutif familier de Marguerite et fort usité au moyen-âge, est attribué à la fille de Clisson même dans des actes officiels.
Un mandement du duc Jean V, du 22 novembre 1422, porte : « Après le deceix du sire de Cliczon, Margot sa fille, par force et oultraige et de sa vollenté desordonnée, print et leva ladite somme sur les dits hommes » etc. (Blanchard, Lettres et rnand. de Jean V, n° 1540, Arch. de Bret., VI, p. 96). — Il s’agit d’une taille de 180 livres dont Olivier de Clisson avait par son testament exempté les habitants de Clisson et que sa fille fit lever indûment.
(2) D. Morice. Preuves II, 1070, cf. 876 et 896.
(3) Id. Ibid. 950.
(4) Id. Ibid. 966. — 11 s’agit d’une négociation mentionnée ci-dessus p. 160, ayant pour but de réconcilier le dauphin et le duc de Bourgogne.
(5) D. Morice, Pr. II, 995.
(6) Id. Ibid. 1071.
(7) D’Argentré, Hist. de Bret. édit, de 1618, p. 736.
(8) La complicité du dauphin dans le complot des Penthièvre contre Jean V est incontestable. On a vu plus haut (ci-dessus p. 162 note 1) le témoignage de Monstrelet ; celui du Religieux de S. Denys est plus clair encore et aggrave la responsabilité du dauphin, car, selon lui, ce prince aurait promis à Olivier de Penthièvre le duché de Bretagne pour prix de la capture de Jean V :
« Oliverus de Blesis, cornes de Pentievre in Britannia, Johannem ducem Britanie cepit et incar- ceravit et, ut verum fatear, in favorem domini dalfini, et ut indignationem (a dalfino) in ducem con- ceptam — quia, jam mense exacto, (dux), rogatus (a dalfino) ut Britanie copias militares cum suis jungeret, denegaverat — vindicaret. Sibi (Olivero de Blesis) namquc (dalfinusj promiscrat quod, si ducem capcre procuraret, ducatum Britanie sibi daret perpetuo possidendum. » (Le Relig. de S. Denys, VI, p. 400).
(9) D. Morice, Preuves II, col. 1071.
(10) Id. Ibid. 998.
(11) Alain Bouchart, édit, de 1532, f. 154.
(12) D. Morice, Pr. II, 1073.
(13) Id. Ibid.
(14) « Avions grand besoin aussi, dit-il, de descendre (de cheval) pour nostre aisément. » (Ibid.)
(15) Sur toutes les circonstances de l’enlèvement de Jean V, voir le récit du duc, ou du moins fait en son nom, contenu dans 1’ « Arrêt contre les Penthièvre, » D. Morice, Pr. II, 1071, 1072, 1073.
(16) Sur les entrevues de Margot de Clisson avec Jean V, voir Arrêt contre les Penthièvre, dans D. Morice Pr. II, 1074.
(17) Voir R. Blanchard, Lettres et mandements de Jean V duc de Bretagne, n° 1435, dans Arch. de Bret., VI, p. 27.
(18) D. Morice, Preuves II, 999, 1000, 1001.
(19) Id. Ibid.
(20) Id. Ibid., 1001 ; et Le Baud, Ilist. de Prêt., p. 454.
(21) Le Baud , p. 455, et d’Argentré (édit. 1618, p. 738), qui donne même la date de cette revue des 50 000 hommes, « faite (dit-il) devant Raoul sire de Coëtquen, mareschal de Bretagne, le 22 e de juin 1420. »
(22)D’Argentré (édit. 1618. p. 731) rapporte que « les forces particulières des pays de Rennes, Foulgères et Montfort, desquelles estoit chef general messire Jean de Penhouët, chevalier, admiral de Bretagne, se trouvèrent monter au nombre de 468 hommes d’armes, 59 arbalestriers et 255 archers, conduits par 15 chevaliers leurs capitaines; » ensemble 797 hommes.
Mais si l’on admet que chaque homme d’armes menait avec lui deux servants, il faut majorer ce chiffre de 936 combattants, ce qui porte le chiffre total à 1 733 hommes.
Rennes, Fougères, Montfort représentent moins du dixième de a Bretagne ; donc pour toute la Bretagne cela donnerait une armée d’environ 18000 hommes.
(23) Lettre du 5 avril 1420, dans D. Morice, Preuves, II, 1016-1017. Le roi d’Angleterre refusa.
(24) Compte de Maulcon, voir D. Morice, Hist. I, p. 475-476; D. Lobineau, Hist. I, 544-545.
(26) Arrêt contre les Penthièvre, D. Morice, Pr., II, 1075.
(27) Sur cette scène faite au duc à propos du siège de Lambale, voir Id. Ibid. 1075-1076.
(28) Auj. Vendrennes, c ton des Herbiers, arr. de la Roche-sur-Yon, Vendée.
(29) Commune du canton de Courçon, arr. de la Rochelle, Charente-Inférieure. (5)
Il n’est pas question de Saintes dans l’Arrêt contre les Penthièvre, mais M. Blanchard a bien établi le séjour du duc en ce lieu (voir Lettres et mand. de Jean V, Introduction, p. cxxv note 4).
Entre Saintes et Saint-Jean d’Angéli, Jean V fut quelque temps enfermé au château de Thors, auj. commune du canton de Matha, arrond. de Saint-Jean d’Angéli, Charente-Inférieure.
(30) Auj. ch.-l. d’arr. de la Charente-Inférieure.
(31) Sur les diverses résidences ou plutôt prisons de Jean V pendant sa captivité, voir R. Blanchard, Lettres et mand. de Jean V, Introd., p. cxxiv, cxxv.
« La noblesse bretonne s’étant levée pour délivrer son souverain, les Penthièvre, en prévision de siège de Châteauceaux, jugèrent à propos d’en éloigner les captifs ; en conséquence ils furent menés « à Vandrines, et illecq cuyda l’en trouver un carches à nou enferrer par le coul…..
Item, dudit lieu de Vendrines feusmes menez à Nuailly près la Rochelle, et de Nuailly à Thors, et de Thors à St Jehan d’Angelé, auquel lieu nous feusmes par deux moys ou environ ; et de St Jehan d’Angelé feusmes menez à un chastel appellé Fors, et d’ilecq au Couldray Salbart et piux à Bresseure, et de Bresseure à Cliçon »
(32) Voir Le Baud, Hist. de Bret., p. 455.
(33) Capitulation de Guingamp, dans D. Morice, Pr., II, 1003-1005.
(34) Le Baud, p. 455. .
(35) D. Morice, Pr., II, 1019. Broon était certainement pris le 27 mai, Id. Ibid. 10-1.
(36) Id. Ibid. 1020 ; et Le Baud, p. 456.
(37) Le Baud, p. 456 ; d’Argentré, Hist. de Bret., édit. 1618, p. 739.
(38) Le Baud, p. 458.
(39) Ces trois boulevards avaient pour défense de gros remparts de terre « de telle sorte que par artillerie on ne les pouvoit grever. » (Bouchart, édit. 1532, f. 155 v°). Voir aussi, sur l’enceinte fortifiée du camp breton devant Chàteauceaux, d’Argentré Hist. de Bret. édit. 1618, p. 739).
(40) Le Baud, Hist. de Brct. p. 456.
(41) Argentré, Ibid. p. 739.
(42) Sur cette attaque du camp breton par les Penthièvre, voir Le Baud, p. 456, d’Argentré. 739-740. H. de B. — T. IV.
(43) Le Baud, p. 457. Voir aussi, sur la reddition de Châteauceaux, Alain Bouchart édit. 1532, f. 155 v° Et 156; d’Argentré édit. 1618, p, 740.
(44) Il y eut, entre autres, deux Bretons, Jean Loz du pays de Léon et Jean Guéraut de Nantes, établis à Saint-Jean d’Angeli et qui, pour servir leur duc, se compromirent au point d’être forcés de quitter le pays. Le duc, une fois libre, s’empressa de les récompenser. Voir Lobineau, Hist.de Bret. I. p. 549, § cxix.
(45) Fors, c ne du c lon de Prahec, arr. de Niort, Deux-Sèvres; Coudrai-Salbart, com d’Echiré, c ton et arr. de Niort ; Bressuire ch.-l. d’arr. Deux-Sèvres. Voir Blanchard, Lettres de Jean V, introd. p. cxxv.
(46) D’autant plus que le dauphin (le futur Charles VII), par lettres du 16 mars 1420 adressées à Olivier de Penthièvre et à ses frères, leur avait ordonné de faire garder jour et nuit avec le plus grand soin le duc Jean V, parce qu’il en faisait son prisonnier et le prenait « en sa main. » Voir Cosneau, Le connétable de Richemont, appendice n° xiv, p. 496-497.
(47) Voir la dispense accordée, le 28 aout 1420, par le pape Martin V au duc dJean V des erments que celui-ci avait faits dans sa prison, dans D. Morice, Pr. II, 1038-1039.
(48) Sur la délibrance de Jan V, voir Arrêt contre les Penthièvre, dans D. Morice, Pr. II, 1077 ; Bouchart de 1532, f. 156 ; Le Baud, p. 457 ; d’Argentré de 1618, p. 740. La date 5 juillet 1420 est tirée du Compte de Mauléon, trésorier de Bretagne, attesté par Lobineau Hist. I, p. 549, et par D. Morice Hist. I, p. 479.
(49) Bouchart, de 1532, f° 156 r°. col 2 ; d’Argentré de 1618, p. 741.
(50) D. Lobineau, Hist. I, p. 549 ; D. Morice, Hist. I, p. 479.
(51) Sur les vœux du duc, voir Lobineau (Hist. I, p. 549-550), plus complet que D. Morice ; voir aussi l’inventaire des joyaux et pierreries que le duc donna aux Carmes de Nantes pour son pesant d’or, dans D. Morice Pr. II, 1026-1031, et sur le tombeau de S. Yves, Lobineau, Ibid. 550, et D. Morice Pr. II, 1195 et 1224.
(52) Dom Morice, Pr. II, 1068. Mais selon d’Argentré (p. 737), le pèlerinage de Jérusalem fut commué en un don de 20000 florins pour la réparation des églises de Bretagne et de Rome.
(53) Voir sur ces deux derniers vœux, d’Argentré éd. 1618, p. 737, et Lobineau, Hist. I, p. 550.
(54) Lettre d’Olivier de Blois, du 6 août 1420, acceptant ces conditions, dans D. Morice, Pr. II, 1038.
(55) D. Lobineau, Hist. I, 550-551. ..
(56) Voir Blanchard. Let. et mand. de Jean V, dans Arch. de Bret. VI, p. 40, n a , . c défaut contre les Penthièvre
(57) « Furent faictes plusieurs procedures par contumace à l’encontre des dits comtes de Pnthièvre, force solemnitez et formes d’ajournemens en plusieurs endroits, Car il falloit neuf defauts. Finalement intervint l’arrest susdit en l’an mil quatre cenz vingt quatre (vieux style), le seizième de février. » (D’Argentré. Histoire de Bretagne, édit. 1618, p. 750).
(58) Voir Blanchard, Ibid., p. 144, n° 1611. Il prouve fort bien (note 1) que la vraie date de cette Pièce est le 16 février 1424 v. st. c’est-à-dire 1425 n. st., quoique Lobineau et Morice 1’aient datée on ne sait pourquoi du 16 févr. 1420 v. st. ou 1421 n. st. . .
(59) Voir le texte complet de cet arrêt solennel, contenant le curieux récit de l’ attentat des Penthièvre mis dans la bouche de Jean V, et qui remplit un peu plus de dix colonnes des Preuves de Morice (t. II. 1070 à 1080), mais avec la fausse date de 1421 au lieu de 1425.
(60) Voir Le Baud, Hist. de Bret. p. 458-459. Cet infortuné Guillaume devenu libre (en 1448) reprit goût à la vie, se maria et eut quatre enfants.