1211 Croisade des Albigeois, Savari de Mauléon à la rescousse du comte de Toulouse Raimond VI
Après la mort de sa femme Jeanne d'Angleterre à Fontevraud, le comte de Toulouse épouse Eleonor d'Aragon, Il fait hommage pour l'Agenois et le Querci a Jean sans Terre, roi d'Angleterre.
L'année suivante le comte Raymond contracta une nouvelle alliance à Perpignan avec Eleonor soeur de Pierre II. roi d'Aragon, qu'il n'épousa solennellement que trois ou quatre ans après, à cause de sa jeunesse.
Il eut une entrevue la même année avec Jean Sans-Terre roi d'Angleterre son beau-frère qui se rendit en Aquitaine tant pour y recevoir les hommages de ses vassaux, que pour pacifier quelques troubles qui s'y étaient élevés.
Raymond fit alors hommage à ce prince pour les terres et les châteaux que le feu roi Richard lui avait donnés pour la dot de la reine Jeanne sa sœur.
Il fut stipulé dans l'acte qui en fut dressé (1200), que lorsque le Jeune Raymond serait parvenu à l'âge de majorité il posséderait tous ces domaines, et en ferait hommage au roi Jean son oncle; que s'il venait à mourir sans enfants, ces mêmes domaines reviendraient au comte de Toulouse son père, et à ses successeurs, qui les tiendraient par droit héréditaire des comtes de Poitiers ducs d'Aquitaine; qu'ils seraient obligez de servir ces princes avec 500. Chevaliers pendant un mois à leurs dépens, toutes les fois que ces derniers auraient guerre en Gascogne et que si les comtes de Poitiers demandaient un plus long service, ils seraient obligez de soudoyer ces troupes.
On ne dit pas le nom des domaines pour lesquels le comte de Toulouse fit alors hommage au roi d'Angleterre: mais nous apprenons d'ailleurs que ce fut pour l'Agenois et le Quercy qui aboient été donnez en dot à Jeanne, lorsqu'elle épousa le comte Raymond en sorte que ce dernier pays ; qui n'avait été que restitue à Raymond VI. et qui n'avait jamais été de la mouvance du duché d'Aquitaine possédé par les comtes de Poitiers, fut soumis désormais leur suzeraineté.
Mais voilà que le prince Jean-sans-Terre, ami de Savari de Mauléon, est excommunié par le pape.
On croirait peut-être que le meurtre d'Arthur avait dirigé les foudres de l'Église; non, c'était pour avoir chassé d'Angleterre un légat, à qui le souverain pontife avait donné, sans consulter le roi d'Angleterre l'archevêché de Cantorbéry.
Alors celui-ci veut résister au pape, sur le continent comme dans son île, et Savari de Mauléon est envoyé avec des forces considérables au secours des Albigeois (1).
On sait qu'à cette époque, la population de cette province et de presque tout le midi vers Toulouse fut accusée d'hérésie et qu'une croisade fut prêchée contre eux. Qui ignore les cruautés de Montfort et des siens?
Ce fut en 1211 que Savari de Mauléon arriva dans le midi à la tête d'une armée composée d'Anglais et d'Aquitains du nord et de Gascons, gens fort adroits et vaillants, dit un auteur de l'époque.
Le guerrier-troubadour en imposa tellement aux croisés par sa vaillance, qu’ils conçurent contre un ennemi généreux une horreur indicible.
Savari, suivant eux, et je laisse parler un moine qui vivait alors, était un méchant apostat prévaricateur, fils du diable en iniquité, fauteur de l'antechrist, surpassant tous les autres hérétiques connus, relaps, ennemi déclaré de Jésus-Christ, poison si jamais il en fut, scélérat de toute perdition, ennemi de Dieu, prince d'apostasie, artisan de cruauté, auteur de perversité, complice des méchants consort des pervers opprobre des hommes, ignorant en vertu, être diabolique, plus que cela, diable tout à fait!
J'ai cru devoir reproduire ici, à cause de sa singularité, cette litanie d'injures accumulées par Pierre religieux du monastère de Vaux-Cernay. Au lieu de cela, un autre auteur, moins partial, plus modéré surtout, qualifie l'envoyé de Mauléon d'homme sage et prudent.
Quoi qu'il en soit, Raymond, comte de Toulouse, lorsqu'il eut reçu le renfort que lui envoyait Jean-sans-Terre fut assiéger Carcassonne, ville dans laquelle était Simon de Montfort, qui s'empressa d'évacuer la place, pour se retirer sur Castelnaudary, position plus faible, afin de la défendre.
Ayant joint le comte de Toulouse, le comte de Foix livra un combat près le fort de St-Martin et Savari de Mauléon, resté presque seul au siége, le poussa et donna même un assaut général qui fut sans résultat (2).
Enfin comprenant que la position des siens l'obligeait à des ménagements il concentra ses forces, et se réunit à ceux de son parti, afin de marcher sur Puylaurent.
Bientôt, par suite de l'arrivée de l'armée aux ordres de Savari de Mauléon les villes des environs se soumirent à l'autorité du comte de Toulouse ; des succès divers eurent ensuite lieu et le personnage qui nous occupe et les siens pensant avoir rempli leur tâche, finirent bientôt par retourner dans leur pays ; pour le natif de Mauléon et les siens, c'était notre pays, c'était le Poitou.
Dans le compte rendu des actes du concile de Lavaur, tenu le27 janvier 1213, on trouve une lettre pour le pape Innocent III, écrite au moment de se séparer.
Cette pièce énumère des griefs nombreux contre Raymond VI comte de Toulouse, et parmi eux se rencontre celui-ci :
« Il a appelé contre l'armée de Dieu, Savari sénéchal du roi d'Angleterre, ennemi de l'Église, avec lequel il a eu la témérité d'assiéger le comte de Montfort dans Castelnaudary. Le seigneur a puni sa présomption, et une poignée de catholiques a mis en fuite un nombre infini d'ariens. »
C'est aussi le langage de plusieurs autres écrivains de l'époque (3).
Jean-sans-Terre avait envoyé, disaient-ils, des Anglais, des Poitevins, des gens de Saintes et de Bordeaux, attaquer les catholiques vers Toulouse.
Parmi ceux qui s'empressèrent de marcher au secours de Raymond l'un des plus qualifiez fut Savari de Mauléon sénéchal d'Aquitaine pour le roi d'Angleterre, qui lui amena deux mille Basques.
Ce prince eut recours d'un autre côté à ses vassaux et à ses amis.
Il fit ensuite préparer toutes les machines nécessaires pour un siège, et résolut d'aller attaquer Carcassonne.
Montfort alarmé de ces préparatifs, se tint sur ses gardes ; et ayant assemblé son conseil il se rendit à l'avis d'un chevalier nommé Hugues de Lastic, qui était de ne pas attendre le comte de Toulouse, mais de jeter dans Castelnaudary pour l'arrêter dans sa marche.
Montfort suivit ce sentiment malgré l'opposition de quelques-uns des siens, qui sachant que Raymond s'avançait avec une nombreuse armée, voulaient qu'on laissât seulement quelques troupes à la garde de Castelnau-d'Arri et que le gros des croisez l'attendit à Carcassonne ou à Fanjaux.
Il se jeta donc dans Castelnau-d'Arri avec toutes ses troupes, qu'on ne fait monter qu'à cinq cents hommes, tant chevaliers que sergents ou fantassins. Il fut joint peu de temps après par Gui de Lucé et cinquante autres chevaliers, qu'il avait envoyez pour servir le roi d'Aragon son seigneur contre les Maures d'Espagne et qu'il avait rappeliez sur le bruit de l'armement du comte de Toulouse.
On prétend que le roi d'Aragon les voyant partir, leur dressa des embûches pour les faire périr en chemin, et qu'ils les évitèrent en prenant une autre route. Simon ne pût recevoir alors que ce secours, et il fut obligé de partager le reste de ses troupes en d'autres endroits. Il avait laissé sa femme à Lavaur sous la garde de Bouchard de Marli, à qui il avait donné la seigneurie et le gouvernement de cette ville.
Son fils aîné était actuellement malade à Fanjaux et une fille qu'il avait eue dans le pais, était en nourrice à Montréal, en sorte que toute sa famille était dispersée.
Le comte Raymond suivi des comtes de Foix et de Comminges, de Gaston vicomte de Bearn de Savaric de Mauléon et de divers autres seigneurs, parut devant Castelnau-d'arri vers la fin de Septembre de l'an 1211. et fit camper son armée dans les prairies voisines de la ville : on assure que cette armée était forte de cent mille hommes mais ce nombre paroi exagéré.
Les habitants qui le favorisaient, lui livrèrent aussitôt le bourg, ou la ville, dont il s'assura ; mais Simon maitre du château détacha sur le champ une partie de la garnison, qui chassa les Toulousains de ce poste.
Ces peuples le reprirent toutefois le soir même, parce que les assiégez, qui n'étaient pas assez forts pour le garder furent obligez de l'abandonner.
Castelnau-d'Arri est situé sur une haute colline environnée d'une vaste et fertile campagne, à une demie lieue de la petite rivière de Tonques. Le comte Raymond établit son attaque sur cette colline, après s'être retranché de tous cotez par de bons fossés, et avoir entouré son camp de ses chariots, en sorte qu'il paraissait enfermé dans une forteresse et que les assiégeants semblaient être les assiégez.
Ce prince, pour éviter d'être chassé de nouveau du bourg de Castelnau-d'Arri, en fortifia les murailles du côté du château, situé sur la cime de la colline, et fit diverses ouvertures du côté de la campagne, pour avoir la communication libre avec l'armée; mais les croisez dans une seconde sortie chassèrent de nouveau les assiégeants du bourg, et les poursuivirent jusques dans leur camp où ils les forcèrent de se retirer.
Ils conservèrent la liberté du passage, dont ils se servaient tous les jours pour envoyer abreuver leurs chevaux à une demi lieue de la ville; et firent tranquillement leurs vendanges, sans que les assiégeants osassent s'y opposer.
Raymond fit travailler cependant à ses machines, malgré les sorties des assiégez, qui venaient fréquemment escarmoucher autour de son camp.
Le comte de Foix et Roger-Bernard son fils voulant un jour se revancher, provoquèrent au combat les croisez, qui s'étaient postez devant la porte du château; mais ceux-ci les reçurent si bien, qu'après avoir démonté Roger-Bernard et plusieurs autres chevaliers, ils les obligèrent de se réfugier avec précipitation dans leurs tentes.
Le comte de Foix s'empara néanmoins du village de S. Martin de Landes, situé à une demie lieue de Castelnau-d'Arri vers Carcassonne, et de plusieurs autres postes avantageux des environs qu'il fit fortifier.
Le comte de Toulouse reçut d'un autre côté la soumission des peuples du pais, qui vinrent à l'envi lui offrir leurs services. Quelques abbés qui y possédaient des châteaux, abandonnèrent en même temps le parti de Simon, et lui prêtèrent serment de fidélité.
Enfin les habitants de Cabaret château très-fort, situé à cinq lieues de Castelnaud'Arri, lui offrirent de le rendre maître de ce château. Raymond envoya un détachement pendant la nuit pour en prendre possession mais il manqua son coup, parce que ses troupes ayant erré long-tems dans les ténèbres s'égarèrent, et furent obligées de revenir au camp.
Le comte de Toulouse fit dresser un mangonneau pour battre les murailles du château de Castelnau-d'Arri.
Le succès de cette machine ne répondant pas à son attente, il en fit élever une autre beaucoup plus grande, qu'on appelait trébuchet, et qui servit à lancer une grande quantité de pierres.
Celle-ci eut un sort plus heureux, et on prétend même qu'elle abattit une tour du château.
Simon que cette nouvelle machine incommodait beaucoup, entreprit de la rompre, mais ses gens voyant qu'il y avait de la témérité dans ce dessein parce que le trébuchet était très-bien gardé et environné de fossés très-profonds, s'y opposèrent; et ayant pris la bride de son cheval, l'obligèrent malgré lui à rebrousser chemin, et à abandonner son entreprise.
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Divers corps de croisez marchent au secours de Simon bataille de Castelnau-d'Arri.
Ce général se voyant serré de plus près, envoya Gui de Levis son maréchal, sur la fidélité et la bravoure duquel il comptait beaucoup, à Fanjaux et à Carcassonne, tant pour prendre des vivres, dont le château de Castelnau-d'Arri commençait à manquer, que pour rassembler les milices des diocèses de Carcassonne et de Béziers, et les amener à son secours.
Gui partit, mais personne ne voulut le suivre, et il revint seul à Castelnau-d'Arri. Simon l'envoya de nouveau bientôt après avec Mathieu de Marli ou de Montmorency, frère de Bouchard. Ils se donnèrent en vain divers mouvements dans ces diocèses, et employèrent à pure perte les caresses et les menaces pour obtenir du secours.
Ils s'adressèrent enfin aux habitants de Narbonne, qui leur déclarèrent, que si Aymeri leur vicomte vouloir se mettre à leur tête, ils marcheraient volontiers sous ses ordres ce vicomte refusa de le faire.
Les deux envoyez amenèrent cependant avec eux 300. citoyens de Narbonne à Carcassonne, où ils rassemblèrent 500. hommes du pais mais leur ayant proposé de les suivre à Castelnau-d'Arri, ils se débandèrent tous, et prirent la fuite.
Simon manda alors à Bouchard de Marli, et à Martin d'Algais, chevalier Espagnol, qui étaient en garnison à Lavaur avec la comtesse de Montfort sa femme, de venir le joindre incessamment : il envoya d'un autre côté à Fanjaux un chevalier du pais nommé Guillaume Cat pour ramasser des troupes dans tous les environs de ce château.
Il comptait beaucoup sur la fidélité de ce chevalier qu'il avait comblé de grâces. Guillaume était en effet redevable à Simon de divers fiefs qu'il possédait et ce général, après lui avoir conféré l'ordre de chevalier, l’avait admis si avant dans son amitié, qu'il l'avait fait parrain d'une de ses filles née dans le pais, et l'avait établi gouverneur de son fils aîné- Guillaume paya cependant tous ces bienfaits d'ingratitude : il rassembla à la vérité quelques troupes, suivant les ordres qu'il avait reçus; mais au lieu de les amener à son bienfaiteur, il s'en servit pour dresser des embûches au maréchal Gui de Levis, qui conduisit le secours de Carcassonne, et qu'il vouloir livrer au comte de Foix : heureusement le maréchal évita les pièges qu'on lui avait préparez.
Simon fut si indigné du procédé de Guillaume Cat qu'il ne voulut plus avoir depuis aucun commerce avec les chevaliers de notre langue, dit un ancien historien du pais, et qu'il les eut en exécration encore plus qu'auparavant.
Gui de Levis se joignit avec sa troupe à Bouchard de Marli et à Martin d'Algais, qui amenaient deux cent vingt hommes bien armez et pleins de courage, entre lesquels on met le fils du châtelain de Lavaur.
L'évêque de Cahors et l'abbé de Castres se joignirent aussi à ces deux chevaliers avec un renfort considérable. Après leur jonction ils prirent un chemin détourné pour éviter toute surprise, et passèrent à Saissac, château dont Simon avait donne le gouvernement au même Bouchard.
Enfin ce général détacha Gui de Lucé, le châtelain de Melphe, le vicomte d'Onges et quelques autres chevaliers au nombre de quarante, pour aller au- devant de ce secours, et ne garda avec lui pour la défense de Castelnau-d'Arri que soixante, tant chevaliers qu'écuyers, avec l'infanterie.
Raymond-Roger comte de Foix informé de la marche de es croisez résolut de les surprendre : il se posta d'abord à S. Martin de Landes; mais ne se croyant pas assez fort, il revint au camp pour y prendre d'autres troupes. Tous voulaient le suivre à cause de l'extrême confiance qu'ils avoient en sa valeur il se contenta d'un gros détachement et laissa le reste de l'armée au comte de Toulouse et à Savaric de Mauléon qui demeurèrent pour la garde du camp.
Il alla ensuite se mettre en embuscade entre Castelnau-d'Arri et las Bordes à une lieue de cette ville.
Le lendemain Gui de Levis, Bouchard de Marli et les croisez de leur suite, ayant entendu la messe de grand matin, s'étant confessez et ayant communie, marchèrent dans un ordre plus serré, se doutant de quelque surprise, et détachèrent quelques- uns d'entr'eux pour battre l’estrade.
Ceux-ci ayant découvert l'embuscade, rebroussent chemin et en donnent avis à leurs camarades. Les croisez marchent alors avec encore plus de précaution, et se préparent au combat.
Raymond-Roger comte de Foix étant sorti de sa retraite, partage ses troupes en trois corps. Il met les chevaliers pesamment armez dans le centre, et la cavalerie légère avec l'infanterie sur les ailes. Il marche ensuite en ordre de bataille contre les croisez, que l'évêque de Cahors et un religieux de l’ordre de Cîteaux, substitut de son général pour les affaires de la croisade, exhortaient à combattre.
On en vient aux mains les croisez donnent d'abord avec fureur sur la cavalerie de Raymond-Roger, pesamment armée mais ce comte soutient le choc avec beaucoup de bravoure, repousse vivement les croisez, et les met en fuite après en avoir tué un grand nombre.
Martin d'Algais fut un des premiers qui lâcha le pied ; mais l'évêque de Cahors lui fit des reproches si vifs qu'il se remit au combat. Raymond-Roger voulant profiter de son avantage, marche cependant contre un corps de croisez qui s'étaient retirez du côté de las Bordes.
Geraud de Pepieux qui conduisit l'avant-garde, les attaque brusquement, en criant Foix, Foix, Toulouse; et après avoir percé d'outre en outre d'un coup de lance un chevalier François qui vouloir s'opposer à son passage, il défait entièrement ces troupes.
Montfort voyant cette déroute de la porte du château de Castelnau-d'Arri, où il s'toit posté pour favoriser l'entrée des croisez, consulta ceux qui étaient autour de lui : les uns lui conseillaient de demeurer à la garde du château ; les autres prétendons au contraire qu'il devoir marcher incessamment en personne au secours de ses troupes.
Il préféra ce dernier parti parce que l'affaire lui paraissait décisive; et ayant assemble les soixante chevaliers qui lui restaient, il n'en laisse que cinq à la garde de Castelnau-d'Arri avec l'infanterie, et s'avance avec les autres vers le comte de Foix.
Bouchard de Marli, Gui de Levis, et tous ceux qui s'étaient dispersez, le voyant venir de loin, raniment leur courage se rallient et reviennent à la charge.
Le comte de Foix les reçoit en brave, et les met de nouveau en fuite, après avoir tué le fils du châtelain de Lavaur, en sorte que l'évêque de Cahors et Martin d'Algais ne pouvant plus résister, sont obligez de céder et de se réfugier à Fanjaux; ainsi le champ de bataille demeura pour la seconde fois à Raymond-Roger : mais ses gens au lieu de profiler de leur avantage, s'étant amusez au pillage et à dépouiller les morts, Bouchard de Marli trouve moyen cependant de rallier de nom eau les fuyards, et tombe sur les troupes du comte avec tant de furie, qu'il en fait un carnage horrible.
Raymond Roger au désespoir de se voir enlever la victoire, fait des prodiges de valeur pour tâcher de rétablir le combat. Il tue de sa main trois autres fils du châtelain de Lavaur, et rompt son épée à force de frapper.
Roger-Bernard son fils, suivi de Sicard de Puilaurens et de plusieurs autres chevaliers, accourt et fait reculer les croisez mais ceux-ci redoublant de leur côté leurs efforts, viennent enfin à bout de mettre en fuite la cavalerie du comte, font ensuite main basse sur son infanterie et l'obligent à s'enfuir lui-même malgré la supériorité du nombre de ses troupes; car on prétend qu'il avait trente hommes contre un.
Simon de Montfort, quelque soin qu'il eût de hâter sa marche, n'arriva qu'après la fin du combat.
Il se met aussitôt à la poursuite des fuyards, et les pousse vivement. La plupart pour éviter la mort feignent d'être de son parti et crient : Montfort Montfort. « Puisque vous vous déclarez des nôtres, leur disent les croiser donnez-en des preuves, et tuez ceux qui fuient devant vous. »
Plusieurs exécutèrent cet ordre dans l'espérance de sauver leur vie, et par ce stratagème, les croisez armèrent leurs ennemis les uns contre les autres, et en firent périr un plus grand nombre.
On assure que le comte de Foix perdit dans cette action la plus grande partie de ses troupes, tandis que les croisez n'eurent qu'environ trente des leurs de tuez.
Enfin Simon las de poursuivre les fuyards, retourna au champ de bataille, où il rallia toutes ses troupes; et s'étant mis à leur tête, il arriva triomphant devant Castelnau-d’Arri.
Durant l'action, Savaric de Mauleon ayant marché enseignes déployées avec une partie des assiégeants, s'approcha de la porte de Castelnau, où il attendit avec beaucoup d'impatience des nouvelles du succès du combat.
Il fit cependant quelques efforts pour se rendre maitre du château; mais les cinq chevaliers qui le gardaient avec l'infanterie, repoussèrent son attaque avec force, et rendirent sa tentative inutile.
C'est ainsi qu'un historien, qui toit alors sur les lieux, rapporte les circonstances de cette action, durant laquelle Simon de Montfort ne combattit pas, parce qu'il arriva trop tard.
Un autre historien fait entendre néanmoins le contraire: « Il arriva un jour, dit ce dernier auteur, que quelques-uns des chevaliers de Simon de Montfort conduisant à Castelnau-d'Arri un convoi qui venait du diocèse de Carcassonne, le comte de Foix alla à leur rencontre, et leur livra bataille.
Simon averti du péril où étaient ses gens, pourvût à la défense de la place, et sortit à la vue de l'armée ennemie, à la tête d'environ soixante chevaliers, pour secourir les siens, qui étaient presque entièrement défaits.
Etant arrivé au lieu du combat, il se joignit au petit nombre de ceux qui restaient encore à cheval, et s'étant jeté dans la mêlée comme un lion, ses ennemis qui sentirent bientôt sa présence, furent obligez de prendre la fuite. Il les poursuivit, en fit un grand carnage et rentra victorieux dans le château, etc. »
Enfin si nous en croyons un autre ancien historien, Simon de Montfort arriva avec un puissant secours pendant le combat ; et s'étant jette à corps perdu dans la mêlée, il fit périr bien du monde. Roger-Bernard fils du comte de Foix étant survenu ajoute cet historien repoussa vivement les croisez, rétablit la bataille, et fit durer l'action jusqu'à la nuit, qui sépara les combattants; en sorte que les croisez se retirèrent à Castelnau et le comte de Foix avec les siens dans le camp du comte de Toulouse.
Ce dernier historien assure que le comte de Foix en arrivant au camp, trouva que Raymond comte de Toulouse avait déjà fait plier bagage, et qu'il était prêt à décamper; supposant que toutes ses troupes avoient été tuées dans le combat ; qu'il le rassura par sa présence; que Raymond comptant que Simon de Montfort ne manquerait pas de venir l'attaquer, pour tirer vengeance de la perte qu'il avait faite, se mit en état de défense et qu'enfin Simon ayant attaqué le camp durant la première veille de la nuit, fut vivement repoussé et contraint d'abandonner son entreprise.
D'autres prétendent que Simon résolut seulement avant que de rentrer dans Castelnau-d'Arri de faire une irruption dans le camp du comte de Toulouse, mais qu'il changea de sentiment, et qu'il différa cette attaque au lendemain par le conseil des officiers de son armée, parce qu'on ne pouvoir approcher du camp qu'à pied à cause des retranchements dont il était environné, et que les croisez étaient extrêmement fatiguez, au lieu que les troupes du comte de Toulouse étaient toutes fraîches.
Quoi qu'il en soit de ces circonstances rapportées différemment par les historiens, il est certain que le comte de Foix fut battu et obligé de se retirer après une grande perte. Quant à Simon, ce général étant arrivé devant la porte de Castelnau, il se déchaussa, et marcha nus pieds jusqu'à l'église, où il fit chanter le Te Deum, en actions de grâces de la victoire qu'il venait de remporter
Savari fit dans le midi de la France, comme dans l'ouest de cette région, preuve d'un grand courage.
Mais qui le décida à abandonner la cause des Albigeois
Ce fut, d'après certains documents du temps (4), et la chose est à croire, à cause du parti pris par la cour de Rome contre cette ligue qu'elle reconnut bien décidément entachée d'hérésie.
Savari se trouvait ainsi le point d'attaque des partisans de la foi orthodoxe. Ensuite il parait que Jean-sans-Terre en l'employant dans une expédition où le risque moral était peut-être plus grand que le risque matériel, ne songeait guère à pourvoir à la solde et aux besoins de ceux qui combattaient pour lui. Alors il y eut au moins de la froideur entre les deux personnages.
Sentant toute l'importance de Savari de Mauléon dans la lutte anglo-française, le roi Philippe-Auguste chercha à se l'attacher en lui faisant les offres les plus séduisantes.
Il proposa de lui céder la Rochelle, l'ancien patrimoine de sa maison, mais à la charge de l'enlever au roi d'Angleterre et d'en faire hommage à la France (5).
On y ajoutait Cognac et Benon, avec toutes les dépendances de ces terres.
On doit insérer dans ces propositions que Savari de Mauléon ne jouissait pas de Benon que lui avait cédé pourtant la reine Aliénor en échange de ses droits héréditaires sur la Rochelle, avec des rentes alors d'une valeur considérable.
Nous allons donc voir Savari de Mauléon combattre pour la couronne de France; et cette fois c'est sur mer qu'auront lieu ses prouesses car rien ne semblait en dehors de la spécialité de cet homme extraordinaire.
Jeanne Plantagenet, Reine de Sicile, comtesse de Toulouse fille d’Henri II Plantagenet roi d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine<==.... ....==> 1213 Savary de Mauléon commande la flotte de Philippe Auguste (bataille navale de Damme)
==> 23 septembre 1249 Testament de Raymond VII Comte de Toulouse pour se faire inhumer à Fontevraud
==> 1er JANVIER 1259 Testament de Simon de Montfort earl of Leicester
(1) MM. Barrau et d'Arragon, dans leur Histoire des croisades contre les Albigeois donnent à Savari de Mauléon le titre de sénéchal d'Aquitaine, et ils ajoutent qu'il amena au secours des Albigeois deux mille Basques, bons frondeurs. Il est évident, d'après cela qu'ils considèrent à tort Savari comme seigneur de la ville du dans le voisinage des Pyrénées.
(2) MM. Barrau et d'Airagon [Hist. des crois. contre les Alb.) nous apprennent que le nom de Savari de Mauléon est demeuré au quartier du nord de Castelnaudary, contre lequel ce guerrier dirigea ses attaques.
(3 ) Guliel. Armor. Philip. – Pétr. V. Abéric.
(4) « Devant cest affaire avint que li rois d'Engletierre envoia Savavi de Maulyon au conte Raimon de Toulouse son serouge, que il entendi ke li cuens estoit escumenités de l'apostole pour les mescreans d'Aubegois que il soustenoit, et de lui-meismcs tiesmoignoit-on qui il estoit de mauvaise créance; par coi il fu fourjujiés en la court de Rome. Savaris, quant il chou sot, ne vaut plus démourer en son service; ains s'en parti, et il requist que il li paiast ses soldées, et li cuens ne li vaut paier ; par coi il prist puis Raimont son fill qui niés estoit le roi d'Engleterre son segneur, fils de sa serour de la roine Jehane gi le raienst de X livres.
Lors fu noncié a Savari que li rois d’Engleterre Ii savoit si mauvais gré de son neveu ke raient avoit, que se il ii pooit tenir, il li feroit anui; par coi il cuist sa pais an roi de France, et s'aparella de passer o lui an Engletierre. »
(5) Monum. Durand et Martenne.