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PHystorique- Les Portes du Temps
7 juillet 2020

Jeanne Plantagenet, Reine de Sicile, comtesse de Toulouse fille d’Henri II Plantagenet roi d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine

Ecclesia Fontis Ebrandi Jeanne Plantagenet, Reine de Sicile, comtesse de Toulouse fille d’Henri II Plantagenet, roi d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine

Henri II Plantagenêt eut huit enfants d'Eléonore d'Aquitaine, dont trois filles; Mathilde, mariée à Henri de Saxe, Eléonore, épouse d'Alphonse III de Castille et Jeanne d'Angleterre.

Raconter la vie de Jeanne d'Angleterre, c'est quitter le Saumurois pour des contrées lointaines, mais c'est laisser un peu de son cœur dans ce beau pays d'Anjou, avec le désir d'y retourner.

Etre la fille du roi d'Angleterre et de la duchesse d'Aquitaine conférait des droits et des privilèges considérables, mais imposait aussi des devoirs et des obligations souvent pénibles.

A peine né à Angers, en octobre 1165, l'enfant reste confié à l'abbesse de Fontevraud, auprès de laquelle la petite fille restera jusqu'à sa neuvième année.

 Et durant cette prime jeunesse, son père la « marie » deux fois ! Tout d'abord et sans succès, au roi d'Aragon ou de Navarre, lorsqu'elle a trois ans, ensuite au fils du roi de Sicile, mais encore sans succès, car à ce moment-là Frédéric Barberousse et Manuel Comnène proposent chacun leur fille en mariage au fils du roi de Sicile. D'ailleurs, celui-ci refuse l'offre de l'Empereur d'Allemagne et élude celle du basileus de Constantinople.

Sur la vie d'un enfant royal à Fontevraud vers 1165, nous ne sommes pas bien renseignés, si ce n'est indirectement, par l'auteur du roman breton, Galeran. Par contre, nous savons que la fillette est tirée de Fontevraud pour rejoindre sa famille à Winchester, en juillet 1174.

Cette charmante petite ville, proche de Southampton et, pendant un temps, capitale de l'Angleterre, conserve le « Grand Hall », seul reste du château fort normand construit par Guillaume le Conquérant, ancêtre de Jeanne, où derrière des murs de 2,50 m. d'épaisseur, Henri Plantagenêt séjourne souvent.

Mais c'est à Londres, qu'un beau jour de Mai 1176, le roi Henri reçoit trois ambassadeurs du roi de Sicile qu'accompagne l'archevêque de Rouen, et qui lui demandent la main de la princesse Jeanne pour leur maître Guillaume, le tout jeune roi de Sicile qui vient de succéder à son père. Il est de la lignée des princes normands devenus rois incontestés du riche royaume qu'est alors la Sicile, avec le sud de l'Italie.

On dit que le pape Alexandre III, suzerain de Guillaume, a conseillé cette union, appuyé par l'archevêque de Palerme, l'anglais Walter of the Mill. Henri Plantagenêt, qui se souvient que son offre de 1169 était restée sans effet, réunit son conseil le 25 Mai 1176, en délibère et accepte, tandis que les Siciliens vont à Winchester où la beauté de la princesse « leur plaît extrêmement ».

Alors, quatre ambassadeurs anglo-normands sont porteurs de la réponse du roi Henri et l'évêque de Winchester est chargé de composer la suite et l'escorte de la princesse qui s'embarque à Southampton, le 8 Septembre suivant : ce sont les archevêques de Canterbury et de Rouen les évêques d'Ely, d'Evreux et de Bayeux, son oncle Hamelin et trois autres grands personnages.

On aborde en Normandie où le prince Henri, son frère, se joint à l'escorte, remplacé en Poitou par le prince Richard.

Enfin l'on arrive à Saint-Gilles-du-Rhône, le 9 Novembre 1176. Dans ce port, une flotte sicilienne de vingt-cinq galères attendait.

On gagne le large et, après une escale à Gênes, où Jeanne est reçue avec tous les honneurs dus à son rang, on reprend la mer. Mais la jeune princesse ne peut vraiment pas s'habituer au mouvement des vagues et l'on doit abréger le voyage en débarquant à Naples, où l'on passe les fêtes de Noël.

 On poursuit par la voie de terre, par Salerne et la Calabre, le détroit de Messine. Enfin, l'on arrive à Palerme, résidence royale et capitale du royaume. Comme la nuit est tombée, la ville s'illumine, on dirait un incendie et un ciel étoilé.

Jeanne est reçue, fêtée, acclamée : le tout jeune roi Guillaume lui assigne un magnifique logement en attendant le jour des noces. Alors, revêtue des habits et insignes royaux, montée sur son cheval, elle est encore acclamée par une population enthousiaste et chaleureuse. La cérémonie religieuse a lieu dans la fameuse chapelle royale, ce pur joyau de l'architecture sicilienne, plafond de style arabe et mosaïques byzantines resplendissantes.

Le mariage est célébré en présence des invités anglo-normands et de la noblesse du royaume, le 13 Février 1177.

Les chroniques contemporaines ne disent rien de Jeanne: elle n'a pas encore douze ans et l'on peut s'interroger sur ses sentiments au cours des fêtes dont elle est l'objet; à un âge où les petites filles viennent tout juste de faire leur première communion, elle épouse un roi de vingt-quatre ans, à peine plus âgé que ses frères aînés, vêtu à la mode de Byzance, parlant français et arabe. Peut-être tient-elle tout simplement son rôle avec beaucoup de sérieux et de conscience et se montre-t-elle digne de sa race.

Après les fêtes, Jeanne découvre le palais royal de Palerme.

Un voyageur arabe, Mohammed Ibn-Djobaïr, le visitera en 1185 et nous en laissera une description enchantée : il est plein d'admiration devant les esplanades, les cours, les amphithéâtres, les jardins, la grande salle à manger avec les portiques où l'on peut assister au repas du roi. Un autre contemporain, Falcand, ajoute que le palais neuf « resplendit à l'intérieur de l'éclat de l'or et des pierreries », mais il donne aussi des détails inquiétants : « Autour (de la Joharia, où le roi a coutume de se retirer), sont disposés des pavillons bâtis pour les matrones, les jeunes filles et les eunuques qui servent le roi et la reine ».

Le roi Guillaume parle et lit l'arabe ; il a adopté pour devise la formule musulmane : « Louange à Dieu ! Juste est sa louange ». Il s'est attaché un médecin et un astrologue arabes. Il aime aussi à déployer un grand luxe d'habillements somptueux, et il a installé à cet effet dans son palais, des ateliers où l'on travaille la soie. On y confectionne des étoffes à six fils, teintes en écarlate ou en vert tendre et rehaussées d'or ; « Souvent des perles, fixées dans les chatons d'or ou percées d'un léger fil qui les tient enchaînées, y sont disposées avec tant d'art, qu'elles donnent au tissu l'aspect d'une peinture ».

Sortant du palais, on pénètre dans un parc où sont des jardins plantés de grenadiers, citronniers, orangers, amandiers, figuiers, caroubiers, dattiers, avec des bosquets de lauriers et de myrtes, et dominé par une jolie petite construction appelée la Cuba, ornée de marbres blancs, de porphyres et de mosaïques, imitation de la Ziza construite par le père du roi. Mais Guillaume construit aussi le dôme de Montreale, vaste église ornée de quelques six mille mètres carrés de mosaïques, chef-d'œuvre d'art sicilien.

Au moment du mariage, la reine de Sicile a reçu en douaire le comté de Mont-Saint-Ange, avec les villes de Siponto et de Vestri, tandis qu'à Venise, le roi de Sicile et l'empereur d'Allemagne signent une trêve de quinze ans.

Quatre ans plus tard, parvient en Normandie la nouvelle de la naissance d'un fils appelé Bohémond, que son père fait duc d'Apulie ; hélas ce fils meurt en bas âge et le jeune couple restera sans postérité.

C'est alors que le roi de Sicile commet l'erreur de régler sa succession en mariant sa tante Constance à Henri, fils de Frédéric Barberousse (1184). Puis, assuré de la paix en Italie, il lance une armée contre Constantinople, armée qui sera entièrement défaite.

 

Alors il prépare la IIIe Croisade.

Mais, à cause de sa mauvaise santé, il renonce à accompagner en Terre Sainte les rois de France et d'Angleterre qui se sont croisés et il meurt en Novembre 1189, laissant une jeune veuve sans enfant.

La noblesse et le peuple de Sicile élisent et couronnent Tancrède comte de Lecce, en Janvier 1190. Le nouveau roi prive Jeanne de la jouissance de son douaire et elle reste abandonnée de tous.

En Septembre de la même année, la flotte des Croisés arrive à Messine sous la conduite de son frère, le roi Richard.

La ville de Messine, peuplée de grecs et d'arabes, est hostile et Richard doit même chasser les lombards et construire le château fort de Mategrifuns Alors, il adresse une ambassade à Tancrède pour lui réclamer le douaire de sa sœur et sa part du trésor des Croisés, amassé par Guillaume.

Tancrède ne réfléchit pas longtemps à la réponse qu'il fait aux envoyés de Richard : cette affaire est une question de droit et sera réglée selon les lois et coutumes du pays, par une cour de barons siciliens. La réponse déplait franchement à Richard, tandis que les Croisés se voient les vivres coupés.

Jeanne et son frère Richard Cœur de Lion rencontrent Philippe Auguste, enluminure vers 1230, Biographical Historia Anglorum

De tous côtés on se prépare à la guerre. Jeanne qui est à Messine, reçoit la visite de Philippe-Auguste, et l'on parle d'un mariage possible, mais Richard installe sa sœur de l'autre côté du détroit : on craint un affrontement avec Tancrède. Enfin, ce dernier prend peur et propose vingt-mille onces d'or que l'archevêque de Montreale et les évêques de Reggio et d'Evreux apportent à Richard.

On partage le trésor et le roi d'Angleterre offre un banquet dans la grande salle de Mategrifuns, pour Noël : on y admire une riche vaisselle à ciselures et images coulées, enrichie de pierres précieuses.

Enfin, le 30 Mars, les deux rois s'embarquent pour la Terre Sainte.

Mais Richard ne dépasse pas Reggio, où il prend à son bord les deux princesses venant de Brindisi, pour les conduire à Messine : Eléonore d'Aquitaine était arrivée avec Bérengère de Navarre, cette jeune fille qu'il avait connue à Poitiers et qu'elle voulait lui faire épouser.

Là, on célèbre les fiançailles, puis Eléonore regagne l'Angleterre après avoir confié la garde de la royale fiancée, jeune fille « réservée et bien élevée » à Jeanne d'Angleterre.

Le 10 Avril 1191 (Mercredi Saint), la flotte Croisée forte de cent cinquante vaisseaux et cinquante galères quitte Messine. Jeanne et Bérengère sont à bord du dromont (solide vaisseau à voiles et à rames) « Buza-de-Liuns » et Richard, monté sur l'énèque rapide «Trenkmer», quitta la Sicile le dernier.

La navigation est mouvementée.

Le Vendredi Saint, par vent contraire, les croisés sont pris d'un « grand malaise en tête, en cœur et en bouche ». Et, après un repos de dix jours à Rhodes, la flotte est prise dans une épouvantable tempête qui jette trois navires sur les rochers de Chypre ; le « Buza-de-Liuns » subit des avaries mais parvient à se mettre à l'abri en rade de Limassol.

Il faut lire le récit dramatique de ces journées, qu'a laissé le chroniqueur Ambroise, pour comprendre pourquoi les Croisés n'ont jamais aimé les Grecs.

Comme Jeanne ignore totalement ce qu'est devenue la frêle galère de son frère, elle fait descendre à terre quelques marins pour s'enquérir de sa présence éventuelle parmi les naufragés. On ramène à bord quelques survivants qui provoquent l'indignation des passagers au récit des tourments qu'ils ont endurés de la part des chypriotes.

Pendant ce temps, Isaac Comnène fait reconnaître le navire, puis demander à la reine de Sicile de descendre à terre pour recevoir des cadeaux et du vin de l'île. Mais Jeanne, peu disposée à se fier à cet empereur de Chypre, refuse de quitter le bateau et se contente de demander des nouvelles de son frère. Alors Isaac fait armer ses galères, bien décidé à s'emparer du dromont et à capturer la reine, ce que voyant, les chevaliers de l'escorte font lever l'ancre en hâte et gagner le large où, par une chance extraordinaire on retrouve la galère royale.

« Forcer l'entrée du port, s'emparer de Limassol, battre complètement Isaac, fut pour Richard Cœur de Lion l'affaire d'un jour » écrit Henri Chardon.

Et quelques jours plus tard, Richard épouse Bérengère à Limassol, en présence de Jeanne et de tous ses barons, puis il entreprend la conquête de l'île, capturant l'empereur et sa fille qu'il donne comme servante à sa femme et à sa sœur.

L'arrivée de la flotte anglo-normande, début Juin, devant Acre, provoque l'enthousiasme des Croisés qui assiègent la ville depuis un an et qui livrent le dernier assaut. Le tirage au sort attribue la Tour des Chevaliers au roi d'Angleterre qui y loge les deux reines. La chronique raconte qu'elles s'entendent « comme doves en cage ».

Puis Richard part en expédition avec l'espoir de prendre Jérusalem au Sultan Saladin.

Après la brillante victoire de la palmeraie d'Arsouf, il reconquiert tout le littoral, mais doit renoncer à entrer dans la Ville Sainte.

 Pour faire la paix, il propose Jeanne en mariage à Malek el-Adil, frère de Saladin, mais le projet échoue par suite de l'opposition décidée de Jeanne qui refuse d'épouser un musulman. C'est pourquoi la Troisième Croisade ne peut atteindre son objectif et pourquoi elle se limite à la conquête des villes littorales.

 Richard fortifie Jaffa où il séjourne pendant deux mois en compagnie des reines, puis il se retourne vers le nord. Pendant son absence, Saladin se jette sur Jaffa et pille la ville. « Tableau inoubliable, Richard revient in extremis, fait le carnage des sarrazins, se précipite sur l'armée de Saladin, dont il enlève le camp et qu'il met en fuite ». Une contre-attaque musulmane est brillamment repoussée.

« sa personne, son cheval, étaient si couverts de flèches qu'on eut dit un hérisson », rapporte la chronique, en parlant de Richard. C'est alors qu'est signée la trêve de trois ans et que les Croisés regagnent l'Occident.

Jeanne et Bérengère, escortées par Etienne de Tourneham, font escale en Sicile, fin Septembre 1192; le roi Tancrède les reçoit amicalement.

Elles arrivent à Rome, où, par crainte de l'empereur d'Allemagne, il retenait Richard Cœur de Lion en otage elles séjournent pendant six mois.

Le pape Célestin les fait conduire à Pise et à Gênes par le cardinal di Monte. De là, elles gagnent Marseille où les accueille Alphonse d'Aragon, puis traversent le Languedoc avec Raimond VI de Toulouse.

Elles parviennent enfin à Poitiers.

 

 

Quatre ans plus tard, Richard Cœur de Lion et Raimond de Toulouse guerroient en Quercy, mais Jeanne d'Angleterre va jouer un rôle important puisque la paix est signée si elle épouse Raimond VI.

 

Le mariage a lieu à Rouen, en Octobre 1196.

 Jeanne est alors âgée de trente et un ans, Raimond a quarante ans ; il venait de répudier Bourguigne de Lezignan, invoquant le motif de consanguinité.

La Cour de Toulouse était alors l'une des plus raffinées et des plus riches de son temps, et si l'époque la plus brillante de la poésie provençale coïncide avec le règne de Raimond V (1148-1194), celui de Raimond VI voit se continuer le développement de la poésie des troubadours.

La ville de Toulouse était considérable et Jeanne est certainement éblouie de tout ce qu'elle voit au cours des cérémonies où le comte confirme et étend les libertés des bourgeois, dans la grande salle du prieur de la Dauzade, en présence des dix-huit consuls et du Conseil de ville au grand complet.

Le comte Raimond visite aussi les abbayes dont il confirme solennellement les privilèges : il est à Moissac en 1197 et à Grandselve l'année suivante.

Située au nord de Toulouse, l'abbaye de Grandselve était la fondation de Gérard de Salles, disciple de Robert d'Arbrissel.

Mais en 1144, Fontevraud cède Grandselve à Clairvaux.

Avec ses huit cents moines blancs, elle est une abbaye très importante.

En 1197, Raimond est à Nîmes et fait le siège du château de Beauvoisin pendant que Jeanne, restée à Beaucaire, accouche d'un fils : ce sera Raimond VII, si connu pendant la croisade contre les Albigeois.

L'année suivante, on passe les fêtes de Pâques à la Cour de Richard Cœur de Lion.

En Décembre, Raimond laisse Jeanne à Toulouse pour se rendre à Nîmes. Seule, elle apprend que le seigneur de Saint-Félix-de-Lauraguais s'est révolté. Bien qu'elle soit enceinte à cette époque, elle entreprend aussitôt le siège du château de Cazer.

Mais l'affaire se prolonge ; un jour, elle est ulcérée d'apprendre que ses propres gens fournissent armes et vivres aux assiégés. La situation lui semble même si détériorée qu'elle décide de quitter le camp, mais, au dernier moment, les siens mettent le feu à sa maison : au péril de sa vie, elle traverse les flammes et parvient à se sauver. Comme elle ne peut rejoindre son époux à Nîmes, elle gagne le nord pour obtenir secours de son frère.

 

 Hélas, en chemin, on lui annonce la mort de Richard, blessé au siège de Chalus-en-Limousin.

En inspectant les abords du château bas, le 26 Mars, il avait reçu un carreau d'arbalète dans l'épaule gauche ; la plaie ne s'était pas refermée et il était mort le mardi 6 Avril, avant les Rameaux. Pendant sa maladie, il avait fait donner l'assaut du château par Merchadier, chef de ses mercenaires brabançons. Le chevalier qui avait envoyé le carreau, Pierre Basile, fut capturé ; Richard lui pardonna mais, après la mort du roi, Merchadier aurait fait écorcher vif et pendre le pauvre Pierre Basile.

On a raconté (Annales de Winchester) que, pour venger son frère, Jeanne aurait fait crever les yeux du malheureux, mais ce geste n'est pas prouvé par d'autres contemporains.

Jeanne accablée de tristesse de cette mort, continua néanmoins sa route et se retira à l’abbaye de Fontevraud, où elle avait été élevée dans sa jeunesse.

Après y avoir passé quelques mois, elle se rendit à Rouen pour y communiquer certaines affaires à Jean surnommé Sans-Terre, son frère, qui avait succédé à Richard.

Elle tomba malade, et se voyant sans espérance de guérison, elle témoigna, quoique mariée et grosse, qu'elle souhaitait de prendre habit religieux.

Dans ce dessein, elle envoya à Fontevraud chercher la prieure du monastère mais comme le temps pressait, et qu'elle comprit que cette prieure arriverait trop tard elle pria instamment l'archevêque de Cantorberi, qui toit présent, de la consacrer à Dieu en lui donnant le voile.

Ce prélat fit d'abord beaucoup de difficulté de se rendre à cette demande.

 Il représenta à la comtesse de Toulouse qu'il ne lui était pas permis de se faire religieuse du vivant de son mari : mais elle persista avec tant de zèle et de teneur, que l'archevêque de Cantorbéry la croyant inspirée du ciel, l'offrit à Dieu et à l'ordre de Fontevaud, en présence de la reine Eleonor d'Aquitaine sa mère, de l'abbé de Turpenay, et de plusieurs religieuses,.

On a une donation (1) faite « par Jeanne d'Angleterre ci-devant reine de Sicile, et alors comtesse de Toulouse, duchesse de Narbonne, et marquise de Provence, de mille sols Angevins de rente sur les salines d'Agen en faveur des religieuses de Fontevraud pour l'usage de leur cuisine, en présence de la reine Eleonor sa mère, d'Hubert archevêque de Cantorberi de Wautier archevêque de Rouen etc. » et il y a lieu de croire que Jeanne fit cette donation dans le temps qu'elle était malade à Rouen.

Elle meurt, le 24 Décembre 1199, « de regret et de douleur». comme elle était avancée dans sa grossesse, on l'ouvrit dès qu'elle fut morte.

 On lui tira un enfant, qui eut le temps de recevoir le baptême, et qui étant décédé presqu'aussitôt, fut inhumé dans l'église de Notre-Dame de Rouen.

Quant au corps de la comtesse, la prieure de Fontevraud l'apporta avec elle dans cette abbaye, où il fut inhumé aux pieds du roi Henri II, père de cette princesse, et à côté du roi Richard son frère.

 Nous avons pris toutes ces circonstances de l'ancien nécrologe de Fontevraud, où on fait un grand éloge de Jeanne, qu'on y qualifie reine de Sicile et duchesse de Narbonne.

Cette princesse et Raymond VI, comte de Toulouse, furent mariez pendant 35. mois.

Il ne parait pas qu'ils ayent eu d'autres enfants de leur mariage, que Raymond le Jeune qui succéda dans la suite au comte son père, et le posthume qui mourut et fut enterré à Rouen.

 

 Le corps de Jeanne, revêtu de l'habit de l'ordre, est porté à Fontevraud où on l'ensevelit dans l'église, à côté de son frère.

 

Aujourd'hui, il est difficile de savoir où reposent les restes de Jeanne d'Angleterre, à cause des bouleversements qui se sont produits au cours des siècles, dans la disposition des tombeaux.

Lorsque l'abbesse Renée de Bourbon décida la réforme de l'abbaye et la clôture des religieuses, elle fit transporter tombes et gisants dans la nef.

Plus tard, en 1638, l'abbesse Jeanne-Baptiste remuera les monuments pour construire une belle arcade recouvrant le cimetière des rois, où elle place les gisants, puis elle fait sculpter deux statues en marbre, représentant Jeanne et Raimond.

Sous la Révolution, l'église est saccagée, l'arcade et les statues de marbre détruites. Un témoin (Louis Baugé) aurait vu les restes des rois.

En 1910, l'architecte Lucien Magne découvre quatre tombes avec les ossements, puis un coffret renfermant d'autres ossements.

Peut-être les restes de Jeanne sont-ils là, quelque part sous l'angle nord-est de la nef de Fontevraud ? Elle ne peut avoir meilleure demeure.

Visiteurs, ayez une pensée pour la sœur de Richard Cœur de Lion.

 

Pour nous permettre d'imaginer ce qu'était la vie d'un enfant royal à Fontevraud, nous pourrons lire ci-dessous un charmant extrait du roman « Galeran de Bretagne », écrit entre 1195 et 1225 par Jean Renart, poète français du début du XIIIe siècle, dont la vie mal connue ; il écrivit des romans d'aventure où règne l'esprit courtois, avec toutefois une pointe de réalisme.

Jean Renart, dans son roman « Frêne et Galeran », met en scène Madame Gente (Eléonore d'Aquitaine) sur le point d'envoyer une fille à l'abbaye de Beauséjour (Fontevraud) :

« Madame Gente se hâte d'apprêter les atours de l'enfant : des draps de lin fin et moelleux et un oreiller beau à souhait (.). Gente prépare encore un peliçon de gris pour envelopper l'enfant et choisit pour son lit un petit berceau d'ivoire tout doré.

On remet l'enfant à Galet qui, à cheval, parvient à l'abbaye de Beauséjour : En bas coulait une rivière (.) et sur ses bords était assise une magnifique abbaye édifiée à merveille, avec moutier, dortoir, cloître et réfectoire, salles, cuisines, cellier, grange, grenier, officine et mainte appartenance.  

Dans cette abbaye, riches et pauvres étaient bien reçus et ils y trouvaient chair et poisson, bon vin et larges miches. Il y avait là, outre un clerc et un chapelain, une abbesse qui commandait à plus de soixante nonnains, toutes dames de haut parage, qui préparaient leur salut en servant Dieu et la Sainte Eglise.

Galet dépose le berceau (.) que l'abbesse prend entre ses mains, émerveillée du travail, puis elle découvre l'enfant qui semble toute joyeuse et qui sourit doucement.

Les nonnes poussent des cris d'admiration ; elles se demandent si une telle créature ne vient pas plutôt du ciel que de la terre (.).

A voir le trousseau, il n'y a pas de doute qu'elle ne soit de haute extraction.

La prieure se met à la recherche d'une nourrice. Elle arrêta son choix sur une belle dame de gentil parage (.), veuve d'un chevalier mort à la guerre, qui était ruinée et vivait petitement.

L'enfant fut appelée Frêne (.) et élevée à côté du neveu de la comtesse Ide et du comte Albran, le petit Galeran.

(Frêne et Galeran) apprennent ensemble à faire les premiers pas, à bagayer les premiers mots. Les nourrices (.) ont reçu en présent des pelisses de gris, des surcots et des cottes d'écarlate.

Chacune d'elles porte son nourrisson, le mène par la main. Les enfants se retrouvent ensemble dans la salle carrelée où ils font leurs jeux et sous les grands arbres de l'abbaye. Comme les nourrices parlent entre elles, Frêne et Galeran les imitent.

 C'est merveille de voir comme ils profitent. Rien ne leur manque.

La comtesse envoie souvent, en échange des nouvelles qu'elle reçoit, force argent, robes et maint autre présent.

Il leur fallut bientôt interrompre leurs jeux enfantins et s'occuper de lecture, d'écriture et de choses convenables à leur sexe. La fillette manie le dé et l'aiguille (.). Frêne avait appris les arts où les femmes excellent : pour filer et broder des orfois, il n'y avait pareille ouvrière qu'en Pouille ; elle apprit aussi à jouer de la harpe. Son parrain Lohier lui montre à chanter des lais et des sons et à baller les mains. Notes sarrasinoises, lais bretons, chansons gasconnes, françaises et lorraines n'eurent pas de secret pour elle.

Frêne était la plus belle qui fut née. Iseut, Lavinie, Hélène eussent été assez honorées d'être ses chambrières (.). Nature lui avait donné une chevelure d'or, partie tressée, partie librement flottante et ondoyante. Une raie sépare les cheveux sur le front qui lui sied à ravir(.).

Lorsque Frêne chante, on ne prise plus harpe ni vielle ; pour son langage, il est à venter : maîtres et clercs d'école l'ayant entendue, tiennent Caton ou Tullius Cicéron pour des marauds ou des apprentis. »

 

 

Il y a juste cent ans, l'abbé Pottier, président de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, découvrait dans les ruines de Grandselve, le double sceau matrice de Jeanne d'Angleterre, magnifique pièce en argent, qu'il décrit ainsi :

Sur l'endroit on lit : « Sceau de la reine Jeanne, fille de Henri roi des Anglais » et l'on voit Jeanne debout, revêtue d'une longue robe dont les plis nombreux sont arrêtés par une ceinture non apparente.

Un ample manteau, doublé d'hermine, tombe des épaules aux pieds, laissant les deux bras libres ; un double cordon le retient sur la poitrine, attaché à la bordure par un nœud en forme de boucle.

Elle porte à la main gauche un sceptre terminé en fleur de lys et, sur la tête, une couronne à quatre fleurons. Une chevelure abondante descend sur les épaules. Sur la seconde matrice, on lit : « Sceau de Jeanne, duchesse de Narbonne, comtesse de Toulouse, marquise de Provence ». Elle est assise sur un fauteuil à l'antique, avec un coussin à étoffe quadrillée. Le mouvement du corps drape la robe d'une façon harmonieuse ; le manteau est ramené sur le genou, la main droite porte la croix de Toulouse. La tête de Jeanne exprime la noblesse et la bonté, elle a une chevelure abondante et frisée, partagée au milieu du front.

 

Cette évocation biographique nous a été proposée par M. et Mme, Griffon, pour illustrer des souvenirs de vacances sur la route d'Espagne.

 

Pierre GOURDIN

 

 

 le Cimetière des Rois d'Angleterre à l’abbaye de Fontevraud<==.... ....==>1211 Croisade des Albigeois, Savari de Mauléon à la rescousse du comte de Toulouse Raimond VI

==>  Raymond VII de Toulouse 1197 – 27/09/1249 fils de Jeanne d’Angleterre et de Raymond VI de Toulouse inhumé dans l'abbaye de Fontevraud

 


 

 

Fiançailles Richard Ier d'Angleterre dit Cœur de Lion - Alix de France et Bèrengère de Navarre

Ce sont deux lamentables histoires que celles d'Alix de France et de Bèrengère de Navarre. Elles auraient sûrement inspiré quelques plans à Bertrand de Born, si ce troubadour avait eu dans le coeur d'autres sentiments que l'amour de la guerre et de l'indépendance Triste victime des négociations diplomatiques, la malheureuse Alix, âgée de cinq ans à peine, avait été fiancée à Richard Coeur-de-Lion par le traité de Montmirail.

 

Raymond, pour épouser Jeanne d’Angleterre, répudia Bourguine de Lusignan ou de Chypre sa troisième femme, sous le prétexte qu’ils étaient parents du quatrième ou cinquième degré. Bourguigne, après sa répudiation, se retira à Marseille ou elle épousa vers l’an 1204, Gaucher de Montbelliard, parent de Baudouin comte de Flandres. Gaucher la ramena en Orient, et en eut des enfants.

 

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