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PHystorique- Les Portes du Temps
21 août 2022

Retour sur le passé du château de la Rochefoucauld

Retour sur le passé du château de la Rochefoucauld

 « Du chasteau de La Rochefoucauld, qui est assis sur les bords de la Tardouere, l’Empereur Charles-Quint passant par la France en dit un mot qui luy est plus glorieux que tous les tesmoignages des Escrivains et qui nous donne une représentation plus véritable de ce beau lieu, que toutes les descriptions qu’en peuvent faire les plus diligens Cosmographes : Il avait veu, dit-il, cinq merveilles en ce Royaume, un Monde, une Ville, un Village, un Jardin et une Maison ; à sçavoir Paris, qui renferme un monde de peuple en ses murailles ; Orléans, qui est une ville compassée en toutes ses parties aux règles des plus célèbres Architectes, et aux projets des plus fameux Politiques ; Poitiers qui est un désert sans horreur et un village civilisé ; Tours le séjour des innocens plaisirs et le Jardin des Princes, et la Maison de La Rochefoucauld. » (1)

Ce Château, qui a été, à juste titre, appelé la Perle de l’Angoumois, domine, avec le Bois de son Parc qui le continue au Midi, la Ville qui s’étend sur la vallée de la Tardoire.

Il est la couronne et la parure de la petite Cité justement fière de lui : c’est à lui qu’elle doit sa naissance, c’est par lui (qu’elle est ce qu’elle est et qu’elle ne ressemble à aucune autre. Quel cadre enchanteur pour les rêveries de l’archéologue ou de l’historien, de l’artiste ou du touriste !

Que ce soit le matin, quand les premiers feux du soleil levant dorent sa façade et ses pinacles, que ce soit au milieu du jour, où une luminosité apparentée à celle des réglions du Midi ou même de l’Italie, fouit ressortir toutes ses richesses, que ce soit le soir quand il s’estompe majestueusement sur le fond d’un ciel pourpre, ce château mérite qu’on s’arrête un moment pour redire son histoire et contempler ses merveilles.

 

 

Quelques mots d’Histoire

Afin de protéger les habitants de la contrée contre les invasions normandes, un fort fut construit, au IX e siècle, sur cette Roche qui dominait la vallée de la Tardoire, très large en cet endroit.

 Ce fort devint le siège d’une baronnie qui, vers 950, avait à sa tête Aymard de Lusignan, fils de Hugues I er de Lusignan, et, dit-on, de la célèbre Mélusine.

Le château actuel a été établi à l’extrémité d’un plateau rocheux. D’un, côté, il est baigné par la Tardoire qui le sépare de la ville, de l’autre côté, il est défendu par les escarpements du rocher.

 Une première enceinte occupant approximativement l’emplacement des communs actuels protégeait contre l’ennemi le front le plus accessible.

C’est vers 1026 que Foucauld 1er, seigneur de cette Roche (d’où le nom de La Rochefoucauld), construisit sur elle son château féodal pour remplacer et agrandir la construction du fort dont on trouve les traces dans le bas de la Tour Carrée et qui semble remonter au IX e siècle.

Le Château, bâti par Foucauld 1er f ut pris et rasé plusieurs fois au cours de ces guerres du Moyen Age.

Alors, en effet, c’était la guerre et la guerre perpétuelle ; « guerre entre les barons, guerre entre les provinces. »

 On s’était battu pour se défendre non sans peine, contre les invasions normandes, on se battra contre les Anglais, et dans l’intervalle, on se bat entre soi, entre voisins et alliés de la veille.

 Nous savons, en particulier, que Vulgrin Taillefer II, comte d’Angoulême, de 1120 â 1140, fit plusieurs fois la guerre à Aymard, seigneur de La Rochefoucauld, et que son successeur Guillaume Taillefer IV, comte d’Angoulême de 1140 à 1177, après la deuxième croisade à laquelle il participa avec le roi de France Louis VII, fit lui aussi la guerre â Guy IV de La Rochefoucauld vers 1150 (2).

Le château rebâti alors subit de grandes modifications dues à Aimeri de La Rochefoucauld, vers le milieu du XIV e siècle.

D’importants travaux semblent, en tout cas, y avoir été exécutés au cours du XV e siècle. Mais c’est dans la première moitié du XVI e siècle que notre château prit son aspect habituel.

 François 1er de La Rochefoucauld avait eu le grand honneur de tenir sur les fonts du baptême le futur roi de France François 1er. Le roi de France sut être reconnaissant envers son parrain, il érigea sa terre en Comté.

Ce fut son fils François II de La Rochefoucauld qui, avec Anne de Polignac son épouse, dota le château d’une construction somptueuse et vaste dans le style de la Renaissance.

Au XVIII e siècle, une aile de ces dernières constructions fut la proie d’un incendie. On la remplaça alors par un corps de logis dé moindre mérite artistique et qui dépare lé château. Le château de La Rochefoucauld qui, depuis la Révolution avait souffert d’un grand abandon a été l’objet d’une restauration assez complète depuis 1909, grâce à l’intelligente initiative de l’ancien duc défunt François XVI de La Rochefoucauld.

Après cette histoire très rapide du château, nous allons en parcourir les diverses; parties et, tout en faisant la description, nous nous étendrons sur les renseignements d’ordre historique qui nous sembleront utiles pour les faire mieux comprendre.

 

Première Entrée et Parterres

 On entre dans les jardins du château par une porte qui se trouve dans un pavillon surmonté d’une haute toiture à quatre pans. Elle doit remonter au début du XVII e siècle, ainsi qu’une échauguette en saillie sur cette ligne de bâtiments.

 Dès qu’on est entré dans les Jardin, on aperçoit à quelques pas sur la gauche la margelle du puits qui se trouvait dans la cour intérieure du château et qui a été transportée ici lors des dernières restaurations. Cette margelle est abritée par un édicule rectangulaire : quatre colonnes portent un entablement et une toiture de pierre formée de quatre portions de sphère.

 Un peu plus loin sur la droite, au milieu des parterres, a été placée également lors des dernières restaurations, une belle vasque octogone en marbre de Carrare de 4 mètres de diamètre. Elle est ornée de cannelures alternant avec des godrons et de têtes humaines.

Cette vasque a toute une histoire intéressante à raconter. Elle est ici à La Rochefoucauld depuis 1911. Elle venait des jardins du château de Liancourt (Oise). N’oublions pas que le château de La Rochefoucauld appartient à la famille La Rochefoucauld-Liancourt.

C’est M. Paul Vitry (3) qui l’avait découverte dans le parc de Liancourt, où elle se trouvait depuis 1754. Auparavant, elle faisait partie de la célèbre fontaine du château de Gaillon (Eure). Un dessin d’Androuet du Cerceau (4) prouve qu’elle constituait la grande base d’une fontaine ornée de nymphes et de satyres, œuvre de Bertrand de Meynal et de Jérôme Pacherot, « le plus important des monuments de ce style qu’il y ait jamais eu en France » (5).

Cette fontaine, commandée le 14 décembre 1506, à trois sculpteurs génois, Agostino Solari, Antonio délia Porta et Pace Gazini, était le don de la République de Venise au Cardinal d’Amboise, ministre de Louis XII, par, reconnaissance d’avoir, à la sollicitation des Vénitiens engagé son maître à chasser les Sforza du Milanais..

 Exécutée dans une baraque située, sur le port de Gênes, embarquée à Gênes, elle arriva dans le port voisin de Gaillon, au milieu de Mars 1508. Son érection dans la Cour d’honneur du château, fut terminée le 1 er Mai suivant.

Cette fontaine avait été amenée de la Riviera par un marbrier génois, Bertrand de Meynal,  qui dirigea sa mise en place et qui tailla, à Gaillon, son bassin inférieur, — celui-là même qui est maintenant ici à La Rochefoucauld (6).

 Comme on le voit, cette vasque si riche et ; si gracieuse méritait d’avoir pour 'cadre le ; jardin du château de La Rochefoucauld, dont la partie Renaissance fut édifiée, comme nous le verrons plus loin, une quinzaine d’années après cette fameuse fontaine de Gaillon.

 

Plan du Château et Coup d’œil d’ensemble

Le plan du château est un pentagone, dont les quatre grands côtés correspondent à peu près aux quatre points cardinaux. Le cinquième côté forme au Sud-Ouest, un pan coupé ou s’ouvre la porte d’entrée, flanquée de deux tours jumelles.

Le front Ouest comprend près de cette porte, le donjon qui, comme nous le verrons, date de plusieurs époques, puis l’aile du XVIII e siècle, terminée par une tour cylindrique appartenant à l’époque gothique.

Les fronts Sud et Est, séparés par une tour également gothique sont l’œuvre de François II de La Rochefoucauld. Une tour demi-cylindrique, datant aussi du XVI e siècle, flanque l’extrémité de l’aile de l’Est; elle contient l’abside d’une grande chapelle et elle occupe l’emplacement d’une tour plus ancienne, qu’une courtine reliait à l’aile de l’Ouest.

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Ces bâtiments ont été rasés et remplacés par une terrasse surplombant le faubourg de la Basse- Ville qui s’étend au pied du château.

Pendant le moyen âge, une poterne flanquée de tours conduisait à ce faubourg. Devant le front de l’Est, très en. contre-bas du sol de la cour intérieure, s’étendent aussi de belles terrasses qui soutiennent des glacis;, de très grandiose apparence, comme d’ailleurs tout l’ensemble du château.

 Nous allons parcourir les diverses parties de ce château. Afin de mieux comprendre la construction de cet édifice dans son ordre chronologique, nous allons commencer par l’étude du donjon, réservant, pour la suite, l’étude de l’entrée et de ses deux tours jumelles, puis entrant dans l’intérieur de la Cour d’honneur, nous nous occuperons de la partie principale du château construite à l’époque de la Renaissance.

 

Le Donjon ou « Tour Carrée »

 Le donjon de La Rochefoucauld est certainement le plus beau de ceux qui restent dans l’Angoumois. C’est une vaste « tour carrée », (c’est ainsi qu’on l’appelle dans le pays), qu’on aperçoit de loin et qui a dû jouer son rôle dans les guerres perpétuelles du moyen âge.

Ce donjon est bâti sur un rocher au bas duquel coule la Tardoire et adossé à la colline.

 De cette colline, il est séparé par d’énormes et profondes douves, creusées dans le sol.

 Une partie du pays était autrefois couverte de forêts. Ainsi placé à mi-côte, le donjon tenait à la fois la plaine qui s’étendait à ses pieds, les forêts et la colline : il dominait vraiment toute la région environnante et constituait un véritable centre.

De cette tour carrée, on se rend compte qu’on se trouve au carrefour de plusieurs provinces aux mœurs, au langage, au climat, aux cultures, au terrain tout à fait différents ; c’est là que finissent et commencent la langue d’oc et la langue d’oïl, l’Angoumois et le Limousin, le Poitou et le Périgord.

Cette tour carrée, qui comprend quatre étages et qui a une élévation de 33 mètres, appartient à deux époques bien distinctes. Le rez-de-chaussée seul, et jusqu’à une hauteur de 16 mètres, a des soubassements du IX e siècle et un ensemble, du XI e et XII e siècle, qui sont de style roman. Le reste, jusqu’à la plate-forme crénelée, est du XV e siècle.

 Le rez-de-chaussée est un carré dans lequel on n’a pas observé une régularité parfaite, selon les habitudes de construire des premiers temps du moyen âge. C’est ainsi que l’on compte : à l’extérieur, du Nord au Sud, 12 m. 06, et de l’Est à l’Ouest, 11 m. 78, et à l’intérieur, du Nord au Sud, 7 m. 65, et de l’Est à l’Ouest, 7 m. 20. Le pilier central a la même irrégularité ; il mesure du Nord au Sud, 2 m. 54 et de l’Est à l’Ouest 2 m. 61.

La porte qui fait communiquer le bas du donjon avec la cour intérieure n’est pas de la construction primitive : c’était sans doute une très étroite fenêtre pour donner de l’air et du jour. Naturellement, en effet, comme cela se pratiquait alors, le rez-de-chaussée n’avait pas d’ouverture sur le dehors : on y descendait du premier étage au moyen d’une échelle par une ouverture carrée, sorte de trappe, qui se voit encore jet qui fut bouchée lors de la reconstruction du donjon, au XV e siècle, c’est- à-dire quand la porte fut ouverte, au moment où, de l’ancienne forteresse féodale, on essaya de faire une demeure habitable.

Ce rez-de-chaussée forme une salle carrée, sans autre ornement qu’un pilier central destiné à supporter la retombée de la voûte. La voûte est en plein cintre, et à sa naissance elle est séparée du mur par une corniche continue qu’on voit aussi à la même hauteur, au pilier central.

La décoration extérieure du rez-de-chaussée consiste dans deux arceaux en plein cintre qui font saillie sur chacune de ses faces et s’appuient sur des corniches qui sortent des contreforts. Au Midi, l’on ne voit qu’un seul arceau occupant un des entre-deux des contreforts; l’autre a été maçonné postérieurement. Deux arcades aveugles se trouvent au dedans du rez de chaussée, mais d’un seul côté, celui de l’Ouest.

 

Les contreforts ont très peu de saillie, les uns ont 30 centimètres, les autres 33; leur largeur est de 80 centimètres. Ils sont construits en calcaire grossier beaucoup plus dur que celui du reste du donjon. Ils s’unissent au mur, où ils forment la chaîne. L’intervalle de ces contreforts est un blocage de petit appareil carré et carré long, fortement cimenté.

Deux grands arcs de décharge, compris entre les contreforts et un troisième contrefort placé au milieu, se remarquent aux faces Est et Ouest; il est probable que les faces Nord et Sud, cachées aujourd’hui par les bâtiments en possédaient aussi. Cette disposition singulière n’est pas unique en Angoumois; on la retrouve au donjon de Marthon, non loin de La Rochefoucauld, propriété, d’ailleurs, pendant plusieurs siècles, d’une famille de La Rochefoucauld.

Le château féodal constituait, au moyen âge, un système de défense très bien combiné et qui se complétait par la Tardoire, dont les eaux baignaient les pieds du rocher ; un bastion, une courtine et une tour carrée défendaient merveilleusement le passage de la Tardeire.

Néanmoins, le château fut pris et brûlé vers le milieu du XII e siècle, dans une de ces guerres que les seigneurs de La Rochefoucauld eurent à faire contre leurs suzerains, las comtes d’Angoulême. « On rapporte de Guillaume Taillefer IV, comte d’Angoulême, nous dit François Vigier de la Pile, dans son Histoire de l’Angoumois, qu’étant en guerre avec Guy de La Rochefoucauld, il entra dans son château là main armée, le brûla, ou le pilla, à la réserve des munitions qu’il trouva dans la tour et qu’il eut soin de conserver. » (7)

 Nous sommes alors vers 1150. Ce texte est important pour comprendre l’histoire des constructions du château et particulièrement du donjon de La Rochefoucauld

Ce donjon est conservé dans son état primitif jusque vers une hauteur de 16 mètres. Le rez- de-chaussée et une partie du premier étage sont incontestablement de celle première période, c’est-à-dire des XIe et XII e siècles, sans oublier les soubassements qui remontent à une époque antérieure, au Xe et probablement même au IX e siècle.

C’est sans doute dans le deuxième quart du XV e siècle, lorsque le pays fut débarrassé .des Anglais que l’on reconstruisit une partie de ce château, fort malmené durant les guerres féodales et la Guerre de Cent Ans.

Nous pensions que c’est de cette époque que date la seconde partie de la Tour Carrée.

Nous savons, en effet, que le château, en 1453, était en état suffisamment convenable pour recevoir le roi Charles VII, qui y demeura du 12 au 27 juillet. Il y faisait son quartier général de la période 'suprême de la Guerre de Cent Ans : c’est là, comme nous le verrons, qu’il y reçut la nouvelle de la Victoire de Castillon (17 juillet) qui clôturait celte guerre si longue et si sanglante. ==> Juillet 1453 Charles VII à la Rochefoucauld apprend la fin de la guerre de Cent ans

Pour terminer l’étude clé la tour carrée, examinons donc l’apport du XV e siècle.

Nous avons vu que le rez-de-chaussée est totalement de l’époque primitive. Dès le premier étage, nous nous apercevrons qu’il y a des par lies qui sont de cette première époque toute romane, et d’autres, au contraire, qui sont du XV e siècle.

Le premier étage à 5 mètres 30 centimètres de hauteur, 7 mètres 15 centimètres de largeur dans œuvre de l’Est à l’Ouest, et 8 mètres 12 centimètres de longueur dans œuvre du Sud au Nord.

Ces proportions, qui se continuent jusqu’à la plate-forme, établissent que le donjon n’est pas un carré parfait et qu’il existe un mètre de différence entre les deux diamètres inférieurs. Il y a lieu de remarquer, clans ce premier étage, l’ancienne porte en plein cintre. Elle est fort étroite : elle mesure exactement 75 centimètres au dehors, 70 centimètres au dedans et 80 centimètres entré les deux feuillures. Il ne faut pas oublier que le rez-de-chaussée n’avait, autrefois, aucune entrée au niveau du sol.

C’était, comme nous l’avons dit du premier étage, qu’on y descendait par une échelle.

C’était là que se plaçait le trésor du château et le dernier et le plus solide centre de résistance en cas d’assaut. Cette porte, si petite, si étroite, était le seul endroit par lequel on pénétrait dans le donjon. Elle appartient au mur de la tour romane primitive.

 L’exhaussement du XVe siècle ne commence que plus haut. Plus tard, une large porte fut pratiquée du côté du Nord, lors de la construction de la partie ogivale. Dans l’angle Nord-Est de ce premier étage, se trouve la naissance de l’escalier. La porte est un arc très surbaissé : c’est une ogive en accolade. Une longue fenêtre fut ouverte sur la cour intérieure. Enfin, au Midi, se voit une cheminée. Les murs de ce premier étage sont presque tous de la construction romane, excepté les ouvertures, la cheminée et l’angle Nord-Est occupé par l’escalier.

Le deuxième étage est la répétition du premier. La largeur dans œuvre est de 7 mètres 25 centimètres sur 8 mètres 38 centimètres. Les murs ont légèrement diminué d’épaisseur. Autour de l’embrasure ide la fenêtre de l’Est se trouve un banc de pierre, selon l’usage du temps. C’était là que se plaçaient les châtelaines, ayant des escabeaux sous leurs pieds. Cet étage est entièrement de la construction du XV e siècle, sauf peut-être les angles du Sud et de l’Ouest On remarque à chaque étage, dans le haut de la cheminée, un arc surbaissé, sortant du mur à encorbellement, pour supporter le bas de la cheminée de l’étage supérieur. Ces deux étages ne sont séparés, du troisième que par un plancher. Le retrait du mur est marqué par une corniche en saillie. Le troisième étage, qui a 8 mètres 10 centimètres de hauteur formait une salle d’une grande beauté avant qu’on en eût détruit sa magnifique voûte ogivale. Elle était assez vaste pour pouvoir contenir une grande partie de la garnison chargée de la défense du château.

 Comme une immense lézarde s’était faite au Nord et au Sud de la Tour, depuis le haut jusqu’au premier étage, ou pensa que le poids des matériaux de cette voûté surchargeait ces murs.

 C’est-ainsi qu’en novembre 1838, la voûte fut coupée et des barres de fer transversales de l’Est à l’Ouest retinrent les deux parties qui menaçaient de se séparer. De l’extérieur, on peut voir ces barres en forme de croix.

 

Une grande fenêtre en plein cintre éclaire seule ce troisième étage. C’est aussi la seule ouverture que la tour ait du côté de l’Ouest : il est évident que l’accès en est impossible à cette hauteur.

II ne faut pas oublier de signaler un conduit carré faisant saillie au Sud, sur le mur extérieur et partant à peu près du pied du deuxième étage pour s’élever jusqu’au haut du parapet crénelé, avec lequel il se joint; il servait probablement de latrines.

La diminution de l’épaisseur des murailles a continué. Ce troisième étage se trouve avoir dans œuvre, 8 mètres 13 centimètres de l’Est à l’Ouest et 8 mètres 49 centimètres du Nord au Sud. La Tour a été amenée ainsi, peu à peu, à la forme carrée. En effet, la mesure de la plate-forme, non comprise la saillie des encorbellements, est de 12 mètres 17 centimètres, sur 12 mètres 38 centimètres. Il y a donc eu, depuis la base du premier étage jusqu’à celle du troisième, un retrait dans la muraille de 1 mètre 02 centimètres dans le diamètre de l’Est à l’Ouest, pendant que ce retrait n’a été que de 37 centimètres seulement dans le diamètre du Sud au Nord.

Tandis que les parties basses du donjon sont d’appareil petit et irrégulier, ou de blocage et que les contreforts font chaînage, les parties hautes, au contraire, sont construites en pierre calcaire régulièrement appareillée.

Les mâchicoulis de cette tour carrée, qui sont du XV e siècle, portent sup plusieurs encorbellements;  leur linteau est orné d’arcs trilobés qui soutiennent un parapet percé de quelques larges créneaux. Dans le dernier quart du XIX e siècle, cette fameuse Tour carrée avait été recouverte d’une toiture en tuiles rouges. Elle était d’un effet disgracieux et constituait un ridicule anachronisme.

Les cartes postales et les images de ces derniers temps nous en ont gardé le souvenir et nous ne saurions trop féliciter les restaurateurs du château de la période de 1909 et des années suivantes d’avoir fait tomber celle toiture et rendu au sommet de ce vieux donjon son aspect primitif.

Lors de ces dernières restaurations, on avait, exécuté une petite terrasse en haut de la tour carrée et l’on pouvait y monter au moyen d’une échelle et d’une petite trappe.

 On a dû, depuis, par suite de certains inconvénients, supprimer cette trappe et priver ainsi les visiteurs de la vue incomparable dont on jouit de là-haut Souhaitons vivement que l’on puisse arranger bientôt ce passage du troisième étage jusqu’à la plateforme de façon que les touristes puissent contempler le splendide panorama qui se déroule de ce belvédère magnifique.

A l’Est, s’étend la ville de La Rochefoucauld et plus loin les derniers contreforts des monts du Limousin, dont le point culminant, 345 mètres au-dessus du niveau de la mer, est à 15 kilomètres, le Signal de l’Arbre (au sommet de la Tour Carrée, on se trouve environ à 130 mètres au-dessus du niveau de la mer); au Sud et au Nord, c’est la riche vallée de la Tardoire, au Sud, à 5 kilomètres, on aperçoit très bien le clocher de la petite église de Rancogne, bâtie sur le pic rocheux au-dessous duquel sont creusées les célèbres grottes; à l’Ouest, c’est la ligne bleue de l’immense forêt domaniale de la Braconne; vers le Nord-Ouest, il est particulièrement intéressant de découvrir toute une route forestière qui a comme perspective, pendant plusieurs hectomètres, notre Tour Carrée, depuis le Rond-Point Limousin, jusque près de Vieilles Vaures, à l’orée de la forêt.

Voici quelques données sur la hauteur exacte de ce fameux donjon.

Du niveau de la cour intérieure

jusqu’au pavé du 1er étage 10 m. 50

 Hauteur du premier étage 5 m. 30

Hauteur du deuxième étage 6 m. 80

Hauteur du troisième étage (jusqu’à l’angle des fornerets) 8 m. 10

 Extrados de la voûte (jusqu’à la plate-forme) 0 m. 50

Hauteur du parapet crénelé 1 m. 79

 Hauteur totale :  32 m. 99

 

Les Constructions proprement féodales en dehors de la Tour Carrée

L’Enceinte féodale En dehors de la Tour Camée, notons rapidement les constructions du château qui sont ou contemporaines de la base de ce donjon, ou postérieures même, mais antérieures toutefois au XIIIe siècle.

Signalons particulièrement l’enceinte féodale dont on voit un beau fragment au Nord et à 50 mètres du revêtement extérieur des fossés. Ce fragment se compose d’une courtine d’environ 50 mètres de longueur! et d’un bastion de 4 mètres de diamètre. Ces remparts sept entourés d’un large fossé et ont encore 8 mètres, de hauteur.

Ils soutiennent une plate-forme changée en jardin, qui formait la première fortification, après laquelle il fallait encore franchir des douves larges et profondes avant d’arriver au château. Les murs de l’enceinte sont tantôt en petit blocage, tantôt en moellons réguliers. Ils semblent être du XII e siècle.

On peut voir dans les archives de la ville un plan du XVIII e siècle, sur lequel étaient indiquées les diverses portes fortifiées s’ouvrant sur la campagne, les bastions, les courtines et les tours composant la première enceinte de fortifications, dont il ne reste aujourd’hui que de rares fragments isolés.

On peut aussi, assez facilement, faire la reconstitution du château à l’époque féodale. Elle a été d’ailleurs tentée avec bonheur par MM. E- Bauhain et J. Godefroy, architectes, dans leur intéressante brochure de 1893.

Dès le XII e siècle, on avait englobé dans l’enceinte fortifiée, à quelques choses près, le quartier de la ville qui s’appelle toujours la Basse-Ville, partie pourtant la plus élevée de la ville actuelle, mais qui mérite ce npm .parce que ce quartier était au bas du château.

L’Eglise S. Pierre, qui est du XII e siècle était dans cette enceinte. C’était la chapelle du château et elle servait de lieu de sépulture aux seigneurs (8).

Pour reconstituer l’état du château et spécialement de l’enceinte féodale, entre le XII e et le XV e siècle, il y a lieu d’examiner les divers murs de soubassement. Ils présentent, en effet, des traces d’escaliers et de tours moins importantes que celles que nous décrirons plus loin.

Dans les caves situées au-dessous, de la chapelle actuelle, qui date de la Renaissance, on retrouve les premières assises de la grosse tour flanquant l’angle Nord-Est.

 Un long couloir souterrain partant de cette tour et conduisant à une deuxième entrée, flanquée de deux petites tourelles, faisait communiquer, par un pont-levis jeté sur la douve, l’enceinte fortifiée et le château.

Un énorme mur, partant de cette entrée et aboutissant à la tour sud-est protégeait une galerie de contre-mine et soutenait une terrasse formant, du côté de la rivière, une première ligne de défense.

Enfin, une deuxième enceinte fortifiée, entourée d’un large fossé, protégeait le château du Midi à l’Ouest.

 

La transformation du Château à la fin du Moyen-Age

 Après l’étude de la Tour Carrée et de ses transformations, au cours des siècles, ainsi que de l’enceinte fortifiée et quant d’aborder les autres parties du château, peut-être sera-t-il bon de faire un peu d’histoire pour comprendre les diverses constructions postérieures à la période purement féodale.

 Au moyen âge, ce qu’il y avait de capital dans un château, c’était le donjon.

Il constituait le vrai chef-lieu de la puissance seigneuriale. En temps de guerre, l’habitation du châtelain pouvait disparaître par l’incendie ou la démolition, tant que subsistait la tour baronnale, même à quelques mètres au-dessus du sol, c’était là que l’hommage des vassaux, les redevances des tenanciers devaient être rendus.

 Le donjon était le dernier refuge et du seigneur et de ses défenseurs et de tous ses trésors ; on comprend dès lors pourquoi, comme nous l’avons vu il y a un moment, le bas du donjon, jusqu’à une certaine hauteur, n’avait aucune ouverture pratiquée sur le dehors.

Ce n’était que par le haut et par l’intérieur même du château que l’on pouvait pénétrer dans le donjon.

Lorsque le moyen âge finit, que les Anglais sont définitivement chassés de France, que la royauté étend sa domination sur le sol de la Patrie, le système féodal expire.

La société se transforme peu à peu et avec la société, les arts eux-mêmes.

Sans doute, tout danger lutte intérieure ou d’invasion étrangère pas complètement disparu, mais du moins la guerre n’est plus la passion unique, ni le passe- tempe exclusif de ceux qui habitent ces châteaux bâtis sous le régime féodal.

D’ailleurs, les croisades et la Guerre de Cent ans avaient fini par éteindre ces ardeurs trop belliqueuses qu’en Espagne ridiculisait Don Quichotte.

 A la fin du Moyen Age, les seigneurs, n’étant plus seulement occupés à batailler, pensèrent à faire de leur château autre chose qu’une forteresse, à y recevoir et à y loger d’autres hommes que des soldats. On n’abandonnait certes pas toute pensée de défense militaire, mais elle n’était plus la principale préoccupation. Il arrivait parfois qu’on se battait encore et qu’on se battait bien, mais on songeait surtout maintenant à vivre plus confortablement que les durs et fiers barons du temps passé.

C’est de cette époque du XIIIe, du XIV e et du XV e siècle, que date la reconstitution du château de La Rochefoucauld; c’est sous cette inspiration qu’elle s’est faite et nous allons en étudier les parties qui en subsistent.

Ces parties sont, outre la partie supérieure du donjon que nous avons déjà étudiée, les deux tours jumelles de la porte d’entrée, la tour ronde du Sud-Est et la tour ronde du Nord (9). 

 

 

Les deux Tours jumelles de la porte d’entrée

La porte d’entrée du château proprement dit, où l’on pénétrait par un pont-levis, est encadrée par un arc brisé. Elle donne accès à un passage assez long conduisant à la cour intérieure. Elle est flanquée de tours cylindriques jumelles qui soutiennent et ornent le donjon en même temps qu’elles le masquent. Ces deux tours, très gracieuses et très élancées, sont de faible diamètre et semblent dater de la fin du XIII e siècle. Elles ont des toits aigus, revêtues d’ardoises, et il y avait herse et pont-levis. Elles avaient leurs mâchicoulis et leurs meurtrières, dans le style du début du XIV e siècle. Mâchicoulis et meurtrières pouvaient servir le cas échéant.

Les meurtrières sont très caractéristiques :

On commence déjà à voir poindre un art plus raffiné. Au siècle d’après (au XV e ), les mâchicoulis ont été remplacés par de simples corniches et quelques croisées de pierre ont été bâties pour éclairer ces deux tours

 A l’intérieur, les étages sont occupés par plusieurs salles superposées, notamment par 1 le cabinet de toilette d’une chambre d’invités. Les voûtes de ces salles sont à huit nervures et la clef de voûte qui les réunit est décorée d’un fleuron à huit feuilles polylobées. Les ogives de ces voûtes, partiellement effondrées, sont chanfreinées. Elles portent le style du XIV e siècle. Certains archéologues, comme M. L Serbat. estiment même que ces deux tours remonteraient jusqu’à la seconde moitié du XIII e siècle.

 

La Tour ronde du Sud-Est

Cette tour, qui était la tour des archives, est d’une construction sévère. Les premières assises du parapet du mâchicoulis sont carrées et portent sur les pierres d’encorbellement, qui gardent la forme la plus ancienne de cette partie de l’architecture militaire. Enfin, une fenêtre à fronton triangulaire aigu, ornée de crosses végétales, surmontée d’un panache et décorée de deux pinacles, s’élève au-dessus du toit aigu de la tour.

 Dans le tympan du fronton, l’écu des La Rochefoucauld est couché, surmonté d’un cimier, et a pour supports deux sauvages armés de massues.

Les armoiries sont sculptées de la même manière, peut-être par le même ouvrier, que sur la façade de l’église ogivale de Saint-Claud (10), bâtie en 1449. et qui était une baronnie dépendant de La Rochefoucauld. C’est avec les écussons de la porte d’entrée de l’escalier d’honneur, les seuls qu’aient respectés les mutilateurs révolutionnaires de 1793.

On peut raisonnablement estimer que cette tour ronde du Sud-Est remonte aux premières années du XV e siècle.

 

La Tour Ronde du Nord

 L’aile du XVIII e siècle 'est flanquée sur l’angle du Nord-Ouest d’unie tour cylindrique dont les dimensions sont à peu près les mêmes que celles de la tour du Sud-Est. A l’intérieur, il y a une salle à chaque étage. Le parapet de son mâchicoulis est orné d’arcades ogivales trilobées, exactement semblables à celles du donjon, aussi pouvons-nous dire que cette tour est moins ancienne que celle du Sud- Est. Elle doit être datée de la fin du XV p siècle.

Un cordon circulaire marque peut-être une reprise. La toiture est en poivrière.

 

Le Travail de la Renaissance

C’est à l’époque de la Renaissance que fut construite la partie la plus complète, la plus intacte et la plus artistique du château : c’est par la construction de cette époque que le château de La (Rochefoucauld est le chef-d’œuvre de l’architecture de la Renaissance en Angoumois et mérite un des premiers rangs parmi les châteaux de la Renaissance dans toute la France. C’est grâce à l’apport de la Renaissance que ce château, nous dit Palustre, « doit être considéré à bon droit comme l’une des merveilles de la province. »

Il serait même intéressant de montrer que, contrairement à ce qu’ont avancé beaucoup d’écrivains, — et il suffirait pour cela de s’appuyer sur Chambord et sur La Rochefoucauld — la Renaissance française a précédé la Renaissance italienne, du moins sur noire sol. Ainsi, les architectes italiens, au lieu de tracer la voie aux nôtre?, n’ont fait que s’engager dans la voie déjà suivie par eux.

Sans doute, sur certains points, nous aurons soin de le noter plus loin, à La Rochefoucauld, nous pouvons trouver des réminiscences de l’architecture italienne, mais dans l’ensemble nous sommes ici en face d’une œuvre vraiment française.

Avant d’étudier l’apport de la Renaissance dans ce château, ayons soin de bien situer cette construction dans l’histoire, et spécialement dans l’histoire de la famille de La Rochefoucauld.

 Les La Rochefoucauld avaient grandi avec la monarchie française : ce n’étaient plus seulement des barons puissants dans l’Angoumois, c’étaient des serviteurs dévoués, des conseillers influents et écoutés de nos rois.

 Foucauld III de La Rochefoucauld était conseiller et chambellan du Roi Charles VIl; c’est, comme nous l’avons déjà dit, ici même, que ce Roi tint son quartier général lors des dernières batailles de la Guerre de Cent Ans, en juillet 1453.

Si, quelques mois plus tard, le 22 octobre 1453, le Roi de France donne au Seigneur de La Rochefoucauld, le gouvernement de la ville de Bayonne, qui venait de rentrer sous le pouvoir des Français, ce devait être, sans doute, pour le remercier de l’hospitalité si grande et si généreuse accordée à son Roi, pendant quinze jours à La Rochefoucauld.

Mais sur la fin du XV e siècle, exactement le 12 Septembre 1494, survenait un événement encore plus important pour l’accroissement de la famille de La Rochefoucauld et son alliance avec la famille royale : un enfant naissait ce : jour-là, à Cognac, enfant prédestiné qui allait devenir Roi de France, sous le nom de François 1 er et c’était François Ier de La Rochefoucauld qui allait avoir l’insigne honneur de le tenir sur les fonts baptismaux.

Monté sur le trône, le royal filleul ne se montra pas ingrat, vis-à-vis de son parrain.

Par lettres patentes données à Anet, au mois d’Avril 1528, la baronnie de La Rochefoucauld  était érigée en Comté, en mémoire, disent les lettres, « des très bons, très recommandables services que feu nostre triés cher et aimé cousin et parrain, conseillier et chambellan ordinaire, le Seigneur de La Rochefoucault a par cy devant faietz à feuz noz prédécesseurs à la Couronne de France et à tous nous paravant et depuis nostre advenement jusques à son trespas. »

 De ce jour, semble dater la gloire de cette illustre maison. Depuis cette époque, aussi, fous les fils aînés de la famille-souche de La Rochefoucauld portent le nom de François.

 1528: c’est la date qui est marquée sur la porte de l’escalier d’honneur du château. Serait-ce la date du commencement des travaux exécutés par François II de La Rochefoucauld et Anne de Polignac ? Et, de fait, 1528 marque la belle époque de la Renaissance en France : dans la vallée de la Loire, Chambord vient de se construire, Chenonceaux est déjà commencé.

1528, marque, selon nous, plutôt une étape dans la reconstruction du château que le commencement des travaux. On peut, sans témérité, remonter plus haut et aller jusque vers 1519. François I er de La Rochefoucauld était mort en 1516; François II, son fils, qui lui succéda, épousa, le 5 février 1518, Anne de Polignac, qui, par sa mère, Jeanne de Chambes, était nièce de Philippe de Commines et, par sa haute culture artistique, était digne d’être associée avec le Comte, son mari, à celle grande œuvre de la construction de la plus belle partie de ce château.

Il est vraisemblable que les travaux durent commencer quelques mois à peine après leur mariage. La date de 1528, inscrite sur la porte, n’est sûrement pas la date du commencement des travaux. Cette date correspond à un état déjà avancé de la construction. Entre le niveau de la cour intérieure et celui des terrasses, il y a une différence de plusieurs mètres. Les cuisines et les autres pièces de service sont aménagées en contre-bas et, nulle part ailleurs, on ne trouve plus d’ampleur, plus d’élévation, plus de lumière directement versée.

 La première galerie, en 1528, devait être achevée, car, autrement, l’une des parties principales eut difficilement pu être mise entre les mains des sculpteurs. En se bornant donc à affirmer l’existence de l’indispensable, il y a lieu de ramener de plusieurs années en arrière, avant 1528, le commencement des travaux. Ils durent commencer vers 1519, 1520, peu de temps après le mariage de François de La Rochefoucauld et d’Anne de Polignac. Il suffit d’ailleurs de se rappeler les rapports étroits qui reliaient les deux jeunes époux à la famille royale, et les goûts si distingués de la nouvelle châtelaine, pour ne pas être surpris du caractère grandiose qu’ont revêtu, tout de suite les travaux de construction et d'embellissement de ce château.

Si on ne veut pas admettre, comme l’admet Palustre, le commencement des travaux vers l519, 1520, c’est-à-dire aussitôt après le mariage du Comte et avant Pavie, où François Il de La Rochefoucauld fut le compagnon de captivité de François 1er roi de France, il faudrait alors redescendre à l’année 1524, c’est-à-dire jusqu’après le retour de Pavie, et cela semble bien tard.

 

Quand ces travaux de la Renaissance furent- ils terminés ?

Nous avons, pour nous guider, le testament du Comte François II de La Rochefoucauld. Celui-ci, au moment de mourir, très jeune, en 1533, demande que « la chapelle de La Rochefoucauld soit achevée et dédiée à Notre-Dame. » Ainsi, nous constatons que les travaux n’étaient pas encore terminés en 1533. Anne de Polignac les termina lors de son veuvage. Vraisemblablement, elle se contenta — en dehors de la chapelle, mentionnée expressément sur le testament — de l’exécution des travaux jugés indispensables.

Il semble qu’à partir de son veuvage, la comtesse ne vint que rarement à La Rochefoucauld. Sa résidence habituelle était au château de Verteuil-sur-Charente. C’est dans ce dernier château, non dans celui de La Rochefoucauld, qu’elle reçut, en 1539, l’empereur Charles-Quint.

Au lieu de concentrer tous ses efforts sur le château de La Rochefoucauld, elle entreprit de reconstruire celui de Randan, puis un autre à Ouzain. C’est dans ce dernier qu’elle mourut.

Nous pouvons donc dire que la partie Renaissance de La Rochefoucauld fut construite de 1519-20 ou de 1524 à. 1531 ou 1535.

Le Comte de La Rochefoucauld eut la bonne fortune de mettre la main, pour accomplir la transformation qu’il rêvait sur un artiste d’une rare valeur.

Mais quel était ce savant artiste ?

L’abbé Michon, dans sa belle étude sur le, Château de La Rochefoucauld, parue en 1844, dans la Statistique monumentale de la Charente, à laquelle nous faisons, d’ailleurs, de fréquents emprunts, l’appelle Antoine Foutant.

 Sur quelles preuves se base-t-il ? C’est ce; qu’il est impossible de savoir, attendu qu’il ne cite aucun témoignage qui se puisse contrôler. Il s’est simplement basé sur le personnage sculpté en haut du grand escalier d’honneur, dont nous parlerons en son lieu et près, duquel le savant archéologue charentais aurait trouvé dans de petits cartouches, placés de chaque côté, le nom d’Antoine Foutant, avec le millésime 1538, tracés au pinceau, tandis que, partout ailleurs, on ne rencontre que des inscriptions gravées dans la .pierre.

Le seul ouvrage technique où il soit question de Fontant est le Dictionnaire des Architectes, de Lance, lequel renvoie... au livre de l’abbé Michon (11).

M. Palustre ne reconnaît pas Antoine Fontant comme l’architecte du château de La Rochefoucauld. Mais il estime que l’architecte de ce château est Sûrement un Français, non un Italien. Il croirait volontiers qu’il s’agirait de Charles Viart, le maître d’œuvre qui s’est distingué à Blois et à Beaugency ; ou, s’il ne s’agit pas de Charles Viart, La Rochefoucauld trahirait l’influence de ce Charles Viart (12).

Mais, pas plus que l’abbé Michon pour Foutant, Palustre n’apporte aucune preuve historique pour Charles Viart.

D’ailleurs, il semble prouvé maintenant que tout comme Antoine Fontant, Charles Viart n’a existé que dans l’imagination des archéologues (13).

Quoiqu’il en soit d’Antoine Fontant, de Charles Viart ou de tout autre architecte, nous sommes ici — et tout le monde est d’accord pour le reconnaître — eu face d’une œuvre éminemment française, tout au moins dans son ensemble extérieur : le château de La Rochefoucauld se rattache étroitement par son style à l’école de la Loire.

L’artiste aura eu, sans doute, à subir des conditions imposées par le Comte de La Rochefoucauld. Il est vraisemblable qu’on lui ait demandé de conserver le donjon, les deux tours jumelles de la porte d’entrée et les deux tours du Nord et du Sud-Est, le tout entouré de larges douves, présentant lin plateau rocheux d’une médiocre étendue et d’une forme irrégulière.

N’était-il pas bon, en effet, de respecter, dans la mesure du possible, et de conserver les vestiges de l’antienne baronnie du moyen âge ?

 Comme le dit très justement l’abbé Michon, « il y a un respect pour autrui, auquel l’homme de talent se soumet parce que, à son tour, il le commandera lui-même. Toutefois, ne nous plaignons pas de ces entraves. L’œil a bientôt vu un édifice régulier, sorti d’un jet de la même pensée, fût-il immense comme Versailles.

Cette beauté des œuvres de l’homme dans 4a contemporanéité de toutes leurs parties, leur enlève pourtant ce charme indéfinissable des oeuvres de la nature qui ne fait pas toutes choses à la fois. Chez elle, rien n’est monotone, parce que tous les âges sont représentés : une plante naît quand une autre est à son adolescence, quand, à côté, de vieux troncs sont couverts de mousse et se laissent voiler des lianes qui les tapissent chaque année, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de leur poussière.

De même un édifice où je trouve la rude main du serf du IX e siècle, dans les épaisses et grossières murailles du donjon, où mon regard s’élance avec les tourelles gracieuses du XIII e siècle, où l’art capricieux de la Renaissance vint ensuite m’étaler les mille fantaisies où il se joue, cet édifice me plaît par le côté même où il choque mes théories d’unité. J’aime à vivre avec toutes ces générations successives d’ouvriers dont, par instinct, mon oeil va chercher, sur chaque assise, les signes lapidaires. Ce charme de beauté, dans la variété des parties dont un édifice se compose, se trouve pour moi dans le Château de La Rochefoucauld. Je sais gré à l’architecte de la Renaissance de n’avoir pas renié le donjon aux étroits contreforts, les tours couronnées de leurs mâchicoulis. On est grand quand on se place sans peur à côté de ce qui est grand. »

 L’architecture de la Renaissance qui, en apparence, ne se soumet à aucune règle, occupe cependant une belle place dans l’histoire de l’art. Sans doute, elle n’a pas la simplicité, la régularité grandiose du style grec, mais elle sait pourtant s’inspirer de ces principes d’unité et de symétrie sans lesquels il ne peut y avoir ni œuvre d’art, ni, à plus for le raison, de chef-d’œuvre.

 Quand on se trouve en face de ces magnifiques monuments du XVI e siècle, qui s’appellent Fontainebleau, Chambord, Blois, La Rochefoucauld, quand, surtout on cherche à deviner la pensée de ceux qui les ont construits, il est impossible de ne pas reconnaître une puissante idée directrice et de découvrir un beau cachet de création, véritable signature d’artistes de génie.

Toute œuvre architectonique repose nécessairement sur deux éléments : l’arc, pour les courbes, et l’ordre pour la décoration.

 L’architecte du Château de La Rochefoucauld adopta l’arc surbaissé, familier aux architectes de la Renaissance, et l’ordre ionique.

L’arc surbaissé a de grands avantages pour les constructions dans lesquelles plusieurs étages sont superposés. Il se plie à toutes les combinaisons, se resserre, s’élève, s’applatit presque jusqu’à la ligne droite, selon les exigences de diamètre et de hauteur .qui se rencontrent.

L’ordre ionique adopté ici par notre architecte, n’est pas, comme on le pense bien, l’ordre ionique grec avec ses proportions classiques. C’est un ordre de fantaisie sur lequel s’est exercée librement l’imagination de l’artiste. Il y a vraiment du goût dans l’arrangement de tous les membres qui composent Porche.

Mais ce qui mérite surtout l’éloge est le chapiteau : il est dessiné avec un 'art infini et travaillé admirablement. C’est suri lui que le ciseau a été porté avec complaisance. On voit que l’artiste s’est ingénié à varier les détails de la volute, les ornements de la végétation qui la décorent, les petits canaux qui la sillonnent, la rose ou fleur du tailloir qui reçoit un grand développement et se change en feuillages à jour qui sortent en haut et en bas d’un anneau en formé d’un cornet.

On compte quatre-vingt Chapiteaux à volutes, ainsi travaillés avec un soin minutieux et un goût exquis. Il y en a un à la naissance de l’escalier; huit à la façade Sud du pavillon de l’escalier; deux à la fenêtre au-dessus) de la chapelle; vingt-huit à la façade de l’Est; quarante-trois à la galerie.

Allez étudier Fontainebleau, Blois et Chambord, ces trois grands chefs-d’œuvre de la Renaissance : vous constaterez que vous ne trouverez nulle part le chapiteau travaillé avec la même hardiesse et le même bonheur qu’à La Rochefoucauld. Fontainebleau est pauvre, même grossier, à cet égard. Chambord, dont La Rochefoucauld est contemporain, a bien des chapiteaux remarquables, certes, mais cependant, pour l’originalité du dessin et surtout la perfection de l’exécution, il faut avouer, très loyalement, qu’ils sont inférieurs à ceux de La Rochefoucauld.

 

Renaissance française ou Renaissance italienne à La Rochefoucauld ?

Dans l’ensemble, avons-nous dit, et dans l’ensemble vu de l’extérieur, le château de La Rochefoucauld est très étroitement apparenté par son stylo à l’école de la Loire.

On n’a presque pas touché aux tours du moyen âge. Seule, la tour du Nord-Est, où fut logée la chapelle, à cause précisément de su nouvelle destination, a subi d’importants remaniements : on y a percé de hautes fenêtres et l’on a refait le couronnement, en manière de chemin de ronde, avec des sortes de mâchicoulis décoratifs.

Ce sont les courtines seules qui ont été reconstruites dans le style de la Renaissance. Celle du Midi a une grande ressemblance avec la face externe du corps de logis principal du château de Bury (Loir-et-Cher), construit entre 1514 et 1524, mentionné par le Roi François I er , en des lettres patentes, données à Angoulême, en juin 1526 : « chasteau, auquel, dit le monarque, nous, nostre très chère et très aimée Dame et mère et nos très chers et très aimés enfants nous sommes quelque temps tenus et récréés. »

Ici. à La Rochefoucauld, comme à Bury, le décor est composé de simples cordons de moulures horizontaux et verticaux qui s’entrecroisent en encadrant les croisées, et la corniche est formée d’une rangée d’arcatures à coquilles. La façade de l’Est, plus riche que celle du Midi, présente un exemple de ces ordonnances, vulgarisées par l’école de la Loire, à pilastres superposés avec double bandeau séparant les étages.

 A l’Est comme au Midi l’édifice est couronné, ainsi que l’aile François I er de Blois A par une étroite terrasse, bordée d’une balustrade et au fond de laquelle s’érigent les lucarnes. Celles-ci sont d’une grande richesse. Leurs pignons découpés, selon des combinaisons de courbes compliquées, hérissés de candélabres très nombreux, rappellent de près, quant à leur silhouette générale, ceux du château d’Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire), construit entre 1518 et 1527 dans une tradition si purement française (14).

 Cependant, au lieu que les pignons d’Azay sont couverts de bas-reliefs délicats, ceux de La Rochefoucauld sont percés en leur milieu d’une petite baie rectangulaire. Les lucarnes de l’aile méridionale sont très voisines encore de l’art gothique et n’ont rien d’italien. Non seulement leurs frontons ont des rampants en accolade, mais aussi les lucarnes, dans leur entier, sont enveloppées d’une moulure, comme celles des façades extérieures! d’Azay; toutefois, à la différence de ces dernières, elles comportent un entablement qui sépare le fronton de la croisée.

Si notre Château de La Rochefoucauld demeure, au dehors, un château purement français, l’intérieur y est d’un italianisme frappant. De toutes les cours d’honneur de nos châteaux français, nulle ne rappelle d’aussi près celle d’un palais romain.

 « Sans doute son ordonnance bramantesque, d'arcades sur piédroits avec pilastres intermédiaires, n’était-elle pas inédite en France : la façade des loges à Blois, la galerie de l’aile d’entrée à Bury, les tours de Chambord en offraient déjà des exemples. Mais ce qui donne à La Rochefoucauld sa physionomie plus particulièrement italianisante, c’est, en premier lieu, la conception même de cette cour, complètement entourée de galeries ouvertes superposées (15).

 « C’est, d’autre part, l’intelligence des éléments architecturaux employés : à Blois, A Chambord, la séparation entre les étages n’était marquée traditionnellement que par un double corps de moulures; à La Rochefoucauld , au contraire, chaque ordre est couronné par un entablement complet, au-dessus duquel règne un stylobate continu servant de balustrade à la galerie supérieure : (16) c’est la disposition classique, apparue dès le XV e siècle au palais de Saint-Marc, à Rome, et qui fut, au XVI e systématisée par Bramante. 

« Enfin, nous ferons observer le parti pris large de la décoration, caractérisée 1 par une recherche exclusive de l’effet d’ensemble! et par un mépris du détail remarquables aux environs de 1530 : tous les chapiteaux sont semblables, dérivés assez frustes du corinthien composite, avec deux petites feuilles d’acanthe plaquées à la hase- de la corbeille et de grossies volutes en corne de bélier; l’ornementation, très sobre, des écoinçons, des frises et des piédroits, se réduit à quelques disques et losanges, qu’à défaut de marbre on a couverts de peinture noire (17).

« Bien entendu, l’italianisme de La Rochefoucauld n’implique nullement que ses bâtisseurs soient venus d’outre-monts, et le plus sommaire examen de l’édifice y dénonce l’interprétation française d’une donnée étrangère. Les arcs, légèrement surbaissés au lieu d’être en plein cintre, suffiraient à le démontrer. Mais davantage encore le dernier étage, dont la disposition très originale est sans rapport aucun avec l’architecture italienne : les arcades .y ont été doublées; l’anse de panier remplace le cintre surbaissé et l’ensemble est couronné d’un ornement, que Palustre (18) compare assez exactement à une crête de faîtage, où alternent des pinacles en candélabre et de petits gables ondulés, meublés d’une coquille. » (19). .

Ainsi, on le voit, à La Rochefoucauld, nous avons une heureuse union de la Renaissance française et de la Renaissance italienne.

C’est, ne l’oublions pas, le fils du parrain du Roi François 1er de France, qui, marié à Anne de Polignac, fille d’un gouverneur de Livourne et de Pietra Santa en Italie, a construit cette partie Renaissance du château de La Rochefoucauld : il y a là un vrai symbole et peut-être même une raison historique profonde de cette alliance de l’art français et de l’art italien dans le château de La Rochefoucauld. Anne de Polignac avait un goût artistique très prononcé et fut une femme des plus cultivées.

Elle a eu incontestablement une influence profonde dans les constructions de ce château. Par ses origines elle était elle-même apparentée à la famille royale de France, (20) par ses goût de grande bâtisseuse, (21) elle était tout à fait digne d’être associée à l’œuvre de François Il de La Rochefoucauld.

 

 Du XVI e au XX e Siècle

Après cette étude d’ensemble sur les caractères de la Renaissance et avant d’en faire la description détaillée, pour en finir avec la partie purement historique, ajoutons qu’après la mort de François II de La Rochefoucauld, la chapelle fut terminée par sa veuve, comme il l’avait demandé dans son testament. Mais là se borna l’œuvre de restauration d’Anne de Polignac.

 Ce n’est pas à La Rochefoucauld, mais à Verteuil, qu’Anne reçût le 6 Décembre 1539, l’Empereur Charles-Quint venant d’Espagne et allant réprimer la révolte des Gantois dans les Flandres.

François 1er, roi de France, avait demandé qu’on fit à l’Empereur les mêmes honneurs qu’on lui eut rendus à lui-même.

Il y fut accueilli avec une magnificence royale. Charles Quint se loua autant de cette brillante réception que le roi François 1er celle qu’il avait reçue de sa famille au château de Polignac en 1533.

D’après les chroniques du temps, l’Empereur fut tellement satisfait de la réception qui lui fut faite à Verteuil, qu’il ne put s’empêcher de dire : « n’estre jamais entré en maison qui mieux sentist sa grande vertu, honnesteté et seigneurerie que celle-là. » (Guillaume Paradin.)

 Anne de Polignac était pourtant grande bâtisseuse et grâce à ses; origines et aux circonstances, possédait un goût artistique supérieur (22).

Mais, sans doute faute de fonds, elle ne continua pas à La Rochefoucauld l’œuvre magnifique de son mari. Evincée par son cousin, le yicomte de Polignac, de Randan, dont elle avait « fait prendre aux fondements » le château « qui, achevé, eust esté un des plus 1 beaux de tout le pays d’Auvergne », dit Gaspard Chabron, « elle s’en alla faire bastire le château d’Unzain et le couvent des Cordeliers du mesme lieu, où elle est enterrée. »

Elle mourut le 29 mars 1551.

Si, à cette époque, le château de La Rochefoucauld semble abandonné et s’il n’est plus question de continuer sa restauration, n’en soyons pas surpris : de tristes événements allaient se dérouler qui occuperaient autrement l’activité de la famille de La Rochefoucauld. C’était la période des Guerres de Religion.

François III de La Rochefoucauld commença par servir dans les rangs de l’armée catholique. Il était, au siège de Metz, comme lieutenant de la compagnie de Guise et fut fait prisonnier à Saint-Quentin, où la liberté lui coûta une rançon de trente mille écus d’or. Resté veuf de son mariage avec Sylvie Pic de la Mirandole; il épousa en secondes noces Charlotte de Roye.

 Il devint ainsi beau-frère du Prince de Coudé, et sous l’influence de sa femme, huguenote fervente et passionnée, il quitta les Guises pour se rapprocher des Courbons.

 Le seigneur de La Rochefoucauld devient vite un des chefs les plus réputés de l’Armée Protestante. Il avait autre chose à faire que de continuer la restauration inachevée de son château.

Tandis que Charlotte, avec une rage sauvage, fait démolir, à La Rochefoucauld même, et aux environs, les lieux du culte catholique, François III, en 1568, au mois de novembre, est à son château de La Rochefoucauld, en compagnie de tous les chefs du parti huguenot, « de M. le prince de Navarre, le prince de Condé, l’amiral de France (qui était Coligny), M. d’Andelot et plusieurs grands seigneurs el capitaines. » (23).

C’était le commencement de la seconde guerre civile.

Le comte de La Rochefoucauld se bat à Jarnac, à la Roche- Abeille, à Port-de-Piles, au siège de Lusignan.

 François III périt tristement à Paris, au massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572)

Le comte François IV, huguenot comme son père, eut, comme lui, une fin tragique : il fut tué dans une embuscade près de Saint-Yrieix.

Avec François V, qui revint à la religion de ses aïeux et se rangea avec son Roi pour lutter contre les Protestants dans le Poitou, l’Aunis et la Saintonge, nous arrivons à une période des plus glorieuses pour l’histoire de celte noble famille.

Pour le remercier d’avoir combattu, pour sa cause, le Roi Louis XIII, qui avait reçu l’hospitalité au château de La Rochefoucauld, érigea la terre de La Rochefoucauld « en duché et pairie en faveur de François, comte du dit lieu, à Niort, au mois d’avril 1622. »

Toutes les pièces d’habitation, à l’intérieur du château, subirent alors, sous Louis XIII, un remaniement important.

Le nouveau duc et pair crut devoir, en effet, célébrer, par de grandes dépenses, l’avènement si important dans l’histoire do sa famille.

Mais si nous en jugeons par la décoration des cheminées qui apparaissent à moitié sous les lambris dont on les a revêtues, il n’y a pas lieu de trop le regretter.

Une période assez brillante pour l’histoire de notre château, fut celle du XVII e siècle.

C’était l’époque du plus célèbre de nos ducs, François VI, l’auteur des Maximes et des Mémoires (1613-1680) : il fut alors le théâtre de belles réceptions, où le bouillant Marsillac disait des mots aimables à Mlle de Longueville, ou débitait quelques-unes de ses Maximes à Mlle de Sablé.

==> François de la Rochefoucauld, auteur des célèbres Maximes, reçut la châtellenie d’Ardelay en dot en épousant Andrée de Vivonne 

A partir de 1709, il devient inhabité.

Un incendie, au XVIII e siècle, détruit l’aile de l’Ouest, située entre le donjon et la tour du Nord-Est. On reconstruisit l’aile Louis XV qui subsiste encore.

Pendant la Révolution, le château devint une prison d’Etat, où l’on enferma la noblesse des environs, puis des prisonniers de guerre venus d’Autriche.

Les ducs de La Rochefoucauld ayant émigré, le château fut vendu pour la somme de soixante mille francs.

 Redevenu la propriété des Lu Rochefoucauld, il donna asile, sous le Premier Empire, au Collège communal. La ville en payait la ferme au Duc.

En 1814, le château servit au logement de prisonniers de guerre : 900 Russes y furent internés.

Après 1870, il devint caserne d’artillerie.

Jusqu’en 1909, il continua à être inhabité et demeura dans un lamentable état d’abandon et de ruine. C’est alors qu’il fut restauré par le duc François XVI. Celui-ci restaura notamment le sommet de la Tour Carrée, les appariements du rez-de-chaussée et du premier étage et la chapelle, où il est inhumé.

 Souhaitons que la restauration de ce magnifique château se poursuive et qu’il serve de nouveau à abriter les descendants de la noble famille qui l’avait bâti et qui en avait fait un des plus beaux de France.

 

 

 

La Cour d’Honneur et les Galeries à jour

Le sol de la Cour d’honneur, qui a été transformé et embelli lors des dernières restaurations de 1909-1911, a vu disparaître, à cette époque le puits qui se trouvait à environ 7 mètres et en face de l’entrée entre les deux tours jumelles.

 La margelle de ce puits a été transportée, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, dans les parterres, près du corps de logis de la première entrée du château.

Nous plaçant le dos tourné au Nord, le seul côté qui, aujourd’hui, n’a aucune construction et permet d’éclairer toute cette cour d’honneur, contemplons le magnifique chef-d’œuvre que nous avons sous, les yeux : les galeries à jour qui occupent à quelque chose près les côtés Est et Sud de cette cour. Ces galeries constituent, avec le grand escalier d’honneur, ce qu’il y a de plus remarquable et de plus original dans ce château de La Rochefoucauld. Ces deux ailes, du côté Est et du côté Sud, si larges qu’en soient les proportions, sont simples et comme cela se pratiquait alors, les pièces se commanderaient si ces galeries extérieures n’assuraient le dégagement.

Cette disposition, que l’on retrouve à Graves, dans l’Aveyron, à Dampierre, dans la Charente- Inférieure, et aussi dans une jolie maison de Nay, dans les Basses-Pyrénées, constitue toute l’heureuse décoration de cette cour intérieure.

L’idée de ces galeries, telles qu’on les voit également à Blois, à Saint-Germain-en-Laye, à Fontainebleau, vient-elle du Midi ? Ont-elles été importées en France à la suite des guerres d’Italie ? Sont-elles antérieures à cette époque? Ont-elles été empruntées aux monastères, à certains cloîtres, où elles enveloppent le rez- de-chaussée ? L’une et l’autre opinions ont été également soutenues sans que l’on puisse arriver à une conclusion nette et formelle.

 Ces galeries, qu’elles soient ou non une adaptation de l’architecture religieuse à l’architecture séculière, qu’on retrouve, d’ailleurs, non seulement dans les châteaux, mais dans beaucoup de maisons bourgeoises du XV e et du XVIe siècle, constituent un système à la fois gracieux et commode.

Mais ici, à La Rochefoucauld, notre architecte a voulu que sa galerie servît, non seulement au rez-de-chaussée, mais encore aux deux étages du château. De là, cette triple rangée d’arcades superposées, dont le couronnement s’élève au-dessus du toit.

Douze arcades forment le rez-de-chaussée par un développement de 48 mètres de longueur. Elles portent sur treize pilastres ioniques avec bandeaux formant entablement. Entre les pilastres, s’ouvrent de grandes baies en arc surbaissé qui reposent sur des pilastres appliqués contre les faces latérales des précédents. Des disques ornent les écoinçons et, sur les entablements, des moulures dessinent des losanges et des panneaux simulés.

Le premier étage a le même nombre d’arcades et décorées de la même manière que le rez-de-chaussée.

Au second étage, on a doublé le nombre de baies, et, par conséquent, celui des pilastres intermédiaires. C’était nécessaire, parce que cette galerie supérieure était moins élevée que les deux autres.

Du côté de l’Est, côté le plus long, dont le développement est d’environ 30 mètres, le nombre des arcades a été porté de huit à seize. A chaque baie correspond une sorte de petit gâble, composé d’un demi-cercle, monté sur deux contre-courbes. Ce tympan est décoré d’une coquille. Des « candélabres » ou petits pinacles séparent; les gâbles au droit des pilastres; un autre candélabre surmonte chacun de ces gâbles. De grands crochets, terminés en volute, agrémentent les courbes des tympans. La répétition de ces divers motifs forme une décoration continue qui cache la base du comble. Ce couronnement est dans le goût italien et dans la forme des pinacles qui décorent le haut des fenêtres du château.

M Palustre eut préféré un demi-étage en attique, suivant le procédé ordinaire. « Mais, ajoute-t-il, la tendance était d’orner à outrance les parties hautes, tandis que tout le reste demeurait dans une simplicité relative.

 A proprement parler, le couronnement, assez semblable à une crête de faîtage, qui, à 1 la base du toit, tient lieu de balustrade, ne fait qu’un avec le dernier rang d’arcades. Frontons et pinacles se fussent trouvés déplacés, soit au- dessus d’ouvertures plus larges, soit au-dessus d’un mur plein. »

Il y a lieu de remarquer, dans les frises, dans les parties nues de la galerie, des compartiments, les uns circulaires, les autres en losange, en peinture noire, appliquée sur la pierre, pour figurer les placages eu ardoises qui se voient à Chambord.

 Sur quelques parties on a imité ce qu’on appelle des canaux, petites cannelures que l’architecte de La Rochefoucauld a prodiguées dans toutes ses décorations. C’est un exemple assez rare de la peinture extérieure murale à l’époque de la Renaissance alors qu’elle était très commune au moyen âge.

Nous avons, en tout cas, là, comme nous l’avons dit, une preuve de parenté entre le château de La Rochefoucauld et les autres châteaux construits à la même époque, sur les bords de la Loire, entre Tours et Orléans.

M. Palustre, qui avait éprouvé « une vive impression de surprise et d’admiration » à la vue de cette cour, avait remarqué que l’architecte n’avait point l’idée des ordres antiques. Il s’était contenté de répéter partout des chapiteaux ioniques. C’était, dès lors, pour lui, un argument de plus en faveur de l’origine française de l’architecte de La Rochefoucauld, même s’il avait emprunté à l’Italie l’agencement des galeries.

 Chacun des étages de la galerie est séparé par une voûte en plafond, dont les arcs doubleaux sont extrêmement surbaissés. Au rez-de-chaussée, quatre clefs pendantes reçoivent des nervures et forment des compartiments triangulaires.

Au premier étage, la disposition est plus simple et les compartiments sont carrés. Les arcs doubleaux portent sur des consoles: en saillies, d’une sculpture fort remarquable; il est regrettable qu’un certain nombre 1’aient été mutilés. Nous en donnons plus loin la nomenclature.

L’architecte ayant songé, avant tout, à l'ordonnance de la façade et des galeries, n’a pas prévu l’emplacement des portes, aussi, plusieurs chambranles se trouvent ils coupés par le cul- de-lampe d’un doubleau.

La galerie du second étage n’a pas de voûte, mais un simple lambris composé de dalles de pierre.

 

Voici la nomenclature et la description des consoles en partant du côté du Nord :

1° Arc doubleau : Un portrait historique de femme, avec draperie nouée sur l’épaule. — En face : Un ange vêtu, tenant une banderole.

 2° Arc doubleau : Une femme à cheveux longs, nue jusqu’à la ceinture, se voilant d’une draperie. — En face : Deux enfants ailés et nus, se voilant.

3° Arc doubleau : Un enfant ailé, tenant Une corne d’abondance. — En face : sujet mutilé.

 4° Arc doubleau : Un monstre se mordant la jambe. Beau travail. — En face : Espèce de salamandre se mordant le dos. Beau travail.

5° Arc doubleau : Un centaure combattant un lion. Beau travail. — En face : un portrait historique de jeune homme avec un vêtement noué sur l’épaule.

6° Arc doubleau : Un portrait historique d'an homme de l’âge mûr, sans barbe, la tête couronnée de deux branches de laurier, retenues par un ruban. Il a la fraise autour du cou et la draperie nouée sur l’épaule. — En face : sujet mutilé.

7° Arc doubleau : Un enfant tenant des deux mains la gueule d’un gros lézard qui s’est jeté sur lui et veut le dévorer. Beau travail. — En face : Un enfant ailé se battant contre un lion.

8° Arc doubleau : Une femme nue jusqu’à la ceinture, se voilant d’une draperie qu’elle tient par les deux bouts. — En face : un enfant ailé étouffant un serpent.

9° ...

10° Arc doubleau : Un enfant ailé tenant fin singe sur ses genoux. — En face : Un enfant ailé étouffant un serpent dont ses membres sont entrelacés. Beau travail.

11° Arc doubleau : Un enfant. Le sujet a été mutilé. — En face : Un enfant ailé tenant un carquois.

12° Arc doubleau : Un enfant. Le sujet, a été mutilé. — En face : Une console en cul- de-lampe, ornée de feuillages.

13° Arc doubleau : Un enfant. Le sujet a été mutilé. — En face : Un enfant ailé, dont Un lion saisit la main.

14° Arc doubleau : Un singe encapuchonné se touchant le dos. — En face : Un enfant nu, à figure moqueuse dans la même attitude que le singe. Est-il besoin de faire remarquer que le personnage à figure grave du n° 6, dont la tête est ceinte d’une couronne de lauriers, semble être François II de La Rochefoucauld, le constructeur de cette partie de la Renaissance du château et le premier qui ait porté le titre de comte.

Ce doit être le même personnage qui a la place d’honneur dans la, frise de la porte d’entrée du grand escalier. Les autres figures de femmes, de jeunes enfants, appartiennent probablement à la famille du comte.

Avec quelques recherches dans les anciens portraits de famille que doivent posséder les de La Rochefoucauld, il serait sans doute facile d’identifier c’est divers personnages en s’aidant des dates.

De magnifiques portes s’ouvrent à tous les étages sur ces galeries et desservent ainsi les différentes parties- du château. Parmi ces portes les plus remarquables, il faut signaler celles qui s’ouvrent sur l’escalier et sur la chapelle.

 

La porte de l’escalier, au premier étage, comprend un arc en plein cintre porté sur des pilastres, ornés de panneaux et de disques. Elle est encadrée d’une bordure rectangulaire, ce qui a produit deux écoinçons garnis de médaillons. Au-dessus, un couronnement important comprend également des disques et des panneaux entre une petite frise régulière et un rang de longs denticules.

Au rez-de-chaussée, l’arc de la porte donnant sur l’escalier est surbaissé; deux rangs de claveaux portant des petits caissons et des rinceaux reposent sur quatre pilastres tout couverts d’arabesques. Deux larges pilastres et un entablement forment l’encadrement. Lies pilastres sont montés sur des socles garnis de panneaux losangés : ils sont décorés de cannelures et couronnés de chapiteaux ioniques. L’entablement, compris, ainsi que dans la porte précédente, entre une frise régulière et un rang de denticules, est chargé de trois médaillons avec bustes séparés par des cartouches et des rinceaux où se voient fleuronnées l’F et l’A, initiales des constructeurs de cette partie du château : F(rançois II de La Rochefoucauld) et A (nne de Polignac, son épouse).

Dans un petit cartouche de la frise, on trouve le millésime 1528, qui est la date du commencement de la construction de cette partie du château. Les trois médaillons représentent des personnages historiques : un homme d’âge mûr, la tête couronnée de laurier, une femme et une jeune fille.

Ce doit être François II de La Rochefoucauld et sa femme et une de ses filles (24).

 

Parmi les identifications que propose M. Roche, pour mieux dater, grâce aux ressemblances, les statues de ce Sépulcre démembré, voici celles qui ont trait aux médaillons du château de La Rochefoucauld. Il y a au Louvre un bas-relief représentant Anne de Polignac et François II de La Rochefoucauld.

La porte d’entrée de la chapelle qui donne sous la galerie du rez-de-chaussée, côté Est. est -d’une ordonnance tout à fait semblable aux portes précédentes. Il n’y a que les ornements qui diffèrent. De petits anges servent de modillons à la corniche. Saint-Pierre et Saint- Paul en buste et en demi-relief sortent de la frise, au-dessus des chapiteaux des deux pilastres. Le milieu de la frise est occupé par deux autres saints, Saint-André et Saint-Jacques. La voussure de la porte en arc surbaissé est ornée de têtes d’anges.

Pour une porte de chapelle, cette porte manque de caractère religieux. Déjà, on le sent, l’art se rapetisse et traite Dieu à l’égal de l’homme. A part ces têtes d’anges et les bustes des saints, cette porte n’est qu’une copie, peut- être un peu plus élégante, de la porte de l’escalier. Et toutes ces portes ressemblent à celles qu’on voit en divers endroits en Italie, notamment à la Chartreuse de Pavie.

Près de la porte de la chapelle, on remarque des arrachements qui indiquent qu’on avait projeté de continuer les galeries sur le côté Nord, aujourd’hui ouvert et qui devaient se continuer jusqu’à la Tour du Nord-Ouest. D’ailleurs, comme l’ont constaté MM. Godefroy et Bauhain, la chapelle occupe Remplacement d’une tour plus ancienne, qu’une courtine reliait à l’aile de l’Ouest, et dont on voit encore les traces. Ces bâtiments ont été rasés et remplacés par une terrasse surplombant le faubourg de la Basse-Ville qui s’étend au pied du château.

 

 

Telle est cette Cour d’honneur et particulièrement cette magnifique galerie à jour, qui a la gloire d’être unique en son genre. Malheureusement, comme tant d’autres œuvres, sorties de la main de l’homme, elle n’a pas été achevée, non plus d’ailleurs que le château. Comme nous venons de le Voir, des pierres d’attente, à l’angle Nord de la galerie, indiquent qu’elle devait se prolonger jusqu’à la tour du Nord-Est et que l’architecte devait construire, à l’Ouest. Une aile qui occupât l’espace compris entre cette tour et le donjon.

L’on comprend que Palustre dit pu dire que « si la construction, au lieu d’être inachevée, déployait tout autour de la cour son triple rang d’arcades, l’effet produit serait prodigieux. »

Que ce dût être triste pour l’artiste d’arrêter là tout à coup son œuvre ! Il faut en, accuser sans doute la mort du comte François II, peut-être aussi le manque de fonds, mieux encore les guerres religieuses qui allaient ensanglanter tout le pays de La Rochefoucauld et des environs pendant près d’un demi-siècle.

 

La Chapelle

 

La chapelle, qui est une des parties les plus connues du château, fut commencée par François II de La Rochefoucauld. Elle n’était pas achevée lorsqu’il mourut : Elle ne fut terminée que par sa veuve, Anne de Polignac, après 1533.

Dès qu’on entre dans cette chapelle, on est d’autant plus frappé par ses proportions grandioses que la porte qui y donne accès est basse et vulgaire, malgré ses ornements sculptés. La voûte de cette chapelle est très élevée. Elle est en même temps très vaste, car elle occupe, non seulement toute la largeur de l’extrémité de l’aile de l’Est, mais encore une tour très saillante.

Voici, d’ailleurs, ses dimensions exactes : elle a dans œuvre, 15 mètres 47 centimètres de longueur, 7 mètres 46 de largeur et 12 mètres 90 de hauteur. Elle comprend trois travées et un chevet en hémicycle et des voûtes d’ogives avec liernes et tiercerons. C’est un édifice hybride où l’ogive se marie aux moulures de la Renaissance, combinaison peut-être discutable au point de vue du, goût.

 

Mais en revanche les voûtes en arc surbaissées sont à nervures let du plus bel effet : on y reconnaît vraiment les bonnes traditions de l’art ogival.

 Seize clefs pendantes avaient été ornées d’écussons. Ces écussons, malgré leur hauteur et le danger que présentait l’opération, avaient été mutilés par les Vandales de la grande Révolution.

Jusqu’à ces dernières années, on y retrouvait, pourtant, en regardant bien çà et là les sept burelles des de La Rochefoucauld, et aussi l’écu des de Polignac qui est fascé d’argent et de gueules de six pièces.

Lors de la restauration de 1909-1911, tous ces écussons ont été refaits et peints : c’est un véritable arbre généalogique, qui donne satisfaction à l’historien aussi bien qu’à l’artiste.

 Les arcs doubleaux sont carrés, ornés de compartiments de la Renaissance fils retombent sur des demi-colonnes engagées, dont les chapiteaux à volutes ont des anges à la place de la rose. Il y a dix de ces demi-colonnes dont le fût a une grande élévation. La base de chaque colonne est ornée de deux larges feuilles sortant de la dernière moulure et s’épanouissant sur la corniche du piédestal, en se relevant à l’angle : ce sont des griffes, et c’est un gracieux emprunt à nos édifices romans de la région de la fin du XII e siècle. Dans le chevet, trois grandes fenêtres à deux meneaux, dont le haut est A compartiments trilobés, sont pratiquées au fond de trois retraits rectangulaires. Une fenêtre, disposée de même, éclaire le mur Nord de la nef, sous la seconde travée.

La longueur du Vaisseau s’augmente des profondes arcades creusées dans l’épaisseur des murs, à la partie semi-circulaire qui forme ainsi une véritable abside. L’arcade du centre abrite même l’autel, au-dessus duquel on a creusé une assez grande excavation, place, sans doute, de l’armoire eucharistique, comme cela se pratiquait du XIII e au XVII e siècle.

Depuis la restauration de 1909-1911, de grandes transformations ont été faites pour l’embellissement de cette chapelle. Outre les écussons des clefs pendantes de la voûte, dont nous avons déjà parlé, il y a lieu de signaler :

 1° la tribune en pierre aux riches sculptures, où l’on a utilisé, pour y parvenir, une ouverture pratiquée dans le mur méridional et qui fait communiquer avec le vaste appartement du premier étage;  2° l’autel (XV e siècle) qui provient de Florence; 3° le pavé du chœur en mosaïque avec la devise des de La Rochefoucauld : « C’est mon plaisir » (25); 4° la belle table de communion exécutée par M. Villars, menuisier-ébéniste de la ville; 5° les grandes verrières qui sont sorties de la maison Champigneul, de Paris. Remarquer l’heureuse inspiration de la grande verrière du milieu, au- dessus de l’autel : la silhouette du château de La Rochefoucauld, dominée par la Sainte Vierge, dans son Assomption qui, comme telle, est la patronne de cette chapelle, comme le demanda François II, dans son testament, ainsi que de l’église de la ville, ancienne collégiale, fondée par les de La Rochefoucauld, au XIII e siècle.

Signalons enfin les deux tombeaux tout récemment élevés. D’abord du côté Nord, entre les deux colonnes de la seconde travée, le tombeau du petit duc François-Marie-Joseph (25 juin 1905 -11 mars 1909), qui est un sarcophage sur lequel se penchent deux anges et surmonté, incrusté dans le mur, d’un médaillon sculpté, en marbre blanc de Carrare, représentant le jeune enfant. C’est un vrai chef-d’œuvre de grâce, de pureté et aussi de parfaite ressemblance.

A noter l’à-propos des 3 vitraux du sommet, dont les trois saints : Saint François, la Sainte Vierge, Saint Joseph, correspondent aux trois prénoms de l’enfant, gravés sur la pierre.

L’autre tombeau, élevé en 1928, se trouve dans le chœur, côté de l’Epitre, et comprend le buste du défunt, sculpté également en marbre de Carrare et représentant le dernier duc François XVI de La Rochefoucauld (21 avril 1853-24 février 1925).

 Le 21 février 1933, en a inhumé, en face, du côté de l’Epitre, sa veuve. Mattie-Elisabeth Mitchell, duchesse de La Rochefoucauld.

 

Le Grand Escalier

 « Il n’y a, en France, nous dit l’abbé Michon, que deux escaliers qui puissent rivaliser avec celui-ci. Moins ingénieux que celui de Chambord, moins léger que celui de Blois, il a une majesté d’ensemble, une pureté de lignes, un choix exquis d’ornements qu’aucun d’eux ne lui disputera. C’est, en ce genre, le chef-d’œuvre d’art de la Renaissance. »

« Cet escalier, dit à son tour M. Gustave Eyriès, est l’une des choisies les plus exquises qu’ait produites la Renaissance dans ce genre. Nous n’aurons garde, pourtant, quelle que soit notre admiration, de le comparer, comme l’a fait l’abbé Michon, à l’escalier de Chambord ou à celui de Blois; mais, tel qu’il est, il peut honorablement prendre place à côté des chefs- d’œuvre de la Renaissance. »

Cet escalier est enfermé dans une cage rectangulaire qui part du sous-sol et monte jusqu’aux combles. Cette cage rectangulaire a dans œuvre 6 mètres 75 centimètres. Les marches, au nombre de 108, s’engrènent autour d’un gros noyau central, orné de moulures en spirale à hauteur d’appui, et qui ressemble assez à celui de l’escalier principal du château de Châteaudun.

Cette gracieuse colonne centrale a 1 mètre 47 centimètres de diamètre, ce qui donne aux marches une longueur de 2 mètres 64 centimètres dans la partie la plus étroite et de 4 mètres 5 centimètres dans les angles du pavillon. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que, la plupart de ces marches, malgré leur longueur, sont d’une seule pièce. Elles sont, en même temps très larges et n’ont que 13 ou 14 centimètres de hauteur. C’est dire que la montée de cet escalier est aussi pieu fatigante que possible.

L’extrémité la plus large des marches repose le long des murs du pavillon, carré sur une moulure analogue aux précédentes et qui est supportée par des arcs surbaissés, plaqués contre les parois; ces arcs reposent sur de jolis culs de lampe, formés de feuillages de fantaisie. Quelquefois, la corniche des consoles a des volutes de chapiteau; d’autres fois, de petites têtes d’anges ou d’enfants; forment une couronne sous cette corniche.

A son sommet, la colonne centrale s’élargit en moulures qui lui tiennent lieu de chapiteau et présentent huit têtes d’anges ailés, destinés à porter la naissance de huit nervures des voûtes. Ces nervures, rayonnant d’abord autour de la colonne, vont se rencontrer à des clefs pendantes, autrefois sculptées en armoiries, gratées pendant la Révolution, avec seize autres nervures qui partent deux à deux de huit consoles correspondantes, placées sur la muraille.

Toute la sculpture de cet escalier a été traitée avec un soin particulier. La pierre, calcaire compact lithographique, qui semble provenir des carrières de Libourne (sur les bords de la route nationale entre le Pont du Bandiat, dit de la Bécasse et Saint-Projet) a une finesse de grain qui se prête au poli pomme le marbre, et qui donne les arêtes les plus vives et les contours les mieux accusés.

Les consoles qui soutiennent les nervures de la voûte sont d’un délicieux travail. Elles sont' au nombre de douze. Parmi elles, quatre sont placées aux angles du pavillon pour soutenir les nervures des formerets.

 

 

 

Voici les sujets de ces consoles, en partant de .l’angle Sud-Est et en suivant le côté méridional :

1° Un cygne se .mordant l’aile. Très beau travail.

2° Un enfant nu, ayant de petites cornes aiguës à la tête et jouant de la cornemuse. Très beau travail.

3° Un satyre, aux pieds de bouc, ailé, cornu, jouant de deux cors de chasse. Très beau travail.

4° Un enfant nu, portant la main à la corniche pour la soutenir.

5° Un enfant ailé, caressant un Oiseau.

6° Un enfant ailé, caressant un cygne. Très beau travail.

7° Un enfant enlacé d’un serpent prêt à le dévorer. 

8° Un monstre ailé, de la gueule duquel sort un feuillage.

9° Un dragon ailé, dévorant un lézard. Très beau travail.

10° Un cygne saisissant un serpent. Très beau travail.

11° Un enfant tenant line banderole.

12° Un satyre cornu, à pied de bouc, tenant une corne d’abondance. Très beau travail.

Tous ces morceaux de sculpture indiquent un ciseau exercé- Ils n’ont pas tous la même perfection; mais quelques-uns sont d’une exécution infiniment délicate.

Le palier final, au sommet du 2e étage, est bordé d’une balustrade divisée en trois compartiments, avec encadrements losangés et décorés de cartouches. Celui du milieu présente, en très fort relief, un buste d’homme dont nous allons donner la description.

Depuis près d’un siècle on discute, — et l’on discutera sans doute encore longtemps sans beaucoup de résultats — sur ce buste et sur ce qu’il peut bien représenter. Nous allons donner à nos lecteurs les deux opinions extrêmes et contradictoires. Ils apprécieront, choisiront de ces deux explications, celle qui leur semblera la plus vraisemblable, à moins qu’ils se chargent d’en élaborer une troisième.

Voici d’abord l’explication, en même temps que la description du fameux buste, d’après l’abbé Miction, dans sa Statistique monumentale de la Charente, qui date de 1844. Ce buste est pour lui si important, qu’il n’a pas craint de le mettre à la place d’honneur, à la première page de son livre, qui traite des monuments de tout le département de la Charente.

 Quel est donc l’architecte de la Renaissance qui construisit toute cette partie importante du château ? L’abbé Michon répond : « Si nous savons son nom, Antoine Fontant, nous ne pouvons rien savoir de plus sur lui. Toutes mes recherches pour savoir ce qu’était ce Fontant ont été infructueuses. Seulement, nous avons; son buste en demi-relief sculpté par lui- même, au haut de l’escalier qui est son chef-d’œuvre. Dans un cartouche, à Côté, avec un pinceau, il a luis son nom et le millésime 1538.

 C’est tout ce que nous savons du grand artiste.

 Voyez-le dans la posture qu’il a choisie. Sa tête a pour coiffure un mouchoir formant des plis autour d’un bouton central, se nouant par derrière la tête et revenant ensuite en tresse sur le front, où ses deux extrémités s’épanouissent.

 « Il porte sur les épaules une espèce de capuchon dont le manteau, ou camail, découpé en longues dents de scie, se termine par des houppes. Le reste du costume est l’habit serré, aux manches fendues et ouvertes, selon l’usage du temps. La figure est maigre et triste, mais d’une grande noblesse, et de cette beauté du génie qui s’échappe de la forme et s’illumine aux regards. Des deux mains, il tient, par les ailes, un oiseau (26) qui cherche à prendre son vol, symbole de cette renommée de gloire que les artistes veulent retenir, et dont ils redoutent, avec raison, le vol sans retour, à travers les siècles oublieux du passé. »

Quelques pages plus loin, l’auteur de la Statistique Monumentale ajoute : « La profonde tristesse du visage d’Antoine Fontant, n’est-elle pas l’impression pénible du regret qu’éprouva l’artiste de s’arrêter tout à coup »,  avant l’achèvement complet de son travail.

Et, comme si l’abbé Michon pouvait prévoir à l’avance le scepticisme dont on ferait preuve plus tard, au sujet de son explication, il écrivait en note : « On pourrait croire, au premier coup d’œil, que ces houppes sont des: grelots et que l’homme de génie s’est donné le vêtement des fous, faisant allusion aux déceptions qu’ils rencontrent toujours dans leur sublime carrière. On ne peut nier que ce vêtement n’ait beaucoup de ressemblance avec celui des fous des rois, au XVI e siècle. Mais en étudiant de près la sculpture, on voit que ce sont des houppes arrondies.

Avec quelques recherches sur les anciennes gravures du temps, il serait facile de rencontrer de semblables costumes. »

Cette explication, si ingénieuse soit-elle, de l’abbé Michon, fut loin d’être convaincante.

Elle fut battue en brèche, surtout dans le dernier quart du XIX e siècle, particulièrement, par M. Emile Biais, l’historien angoumoisin si érudit de toutes nos curiosités charentaises.

 Soit dans la visite au château qu’il fit avec la Société Archéologique et Historique de la Charente, en juin 1880, soit dans une élude insérée dans le Bulletin de cette même société, de l’année 1880, il critiqua l’explication die l’abbé Michon en ces termes : « Dans l’une des Visites que je fis, en juillet 1875, avec l’un de mes collaborateurs, M. Eugène Sadoux (27), par le moyen d’une longue échelle, il me fut permis d’étudier de très près le haut- relief en question, de le débarrasser d’une couche de poussière et de m’assurer que l’érudit abbé Michon, trompé par la distance, avait donné une description inexacte du personnage figuré.

Une récente étude, accomplie dans des conditions identiques, vint corroborer les notes que j’avais relevées sur le champ môme.de mes investigations.

« Le personnage dont il- s’agit porte un camail de Folie : les grelots l’indiquent sans conteste; ces boules qui ponctuent l’extrémité des découpures en dents de scie, sont, évidemment, des grelots : il en reste encore quatre d’une entière conservation, placés aux deux côtés du col. M. Michon peut les vérifier, et il n’hésitera certainement pas à les reconnaître à la partie fendue et trouée en façon de grelots métalliques.

« Les grelots des parements de la poitrine ont ôté brisés; un marteau misérable s’est escrimé à en enlever jusqu’à la dernière apparence; la cassure des points saillants a formé des vides affectant la configuration, d’une sorte d’ove, ce qui a porté l’éminent historien à les confondre avec les houppes ou glands que l’on retrouve dans quelques costumes de différentes époques.

« Quant à la signature, effacée aujourd’hui, et dont les lignes, en se dissipant, ont teint le cartouche d’un glacis rougeâtre, présentait- elle vraiment le nom de l’architecte ?... « On ne saurait l’admettre sans une certaine complaisance.

« Tandis qu’il gravait en creux, dans la frise de la porte d’entrée de l’escalier, la date de construction (1528); tandis qu’il s’installait à la place d’honneur, pourquoi donc l’architecte se serait-il contenté de tracer au pinceau les lettres de son nom ? Le ciseau est l’outil de l’architecte en de telles conjonctures.

« Si l’on proposait de Voir là le portrait du maître tailleur d’imayges », ce serait une autre hypothèse, peut-être aussi acceptable, attendu que cette coiffure où l’on distingue nettement les traces d’une couronne de lierre, rapelle, par sa disposition, le foulard traditionnel dont les sculpteurs se couvrent encore la tête, afin d’éviter l’inconvénient des petits nuages poussiéreux qu’ils soulèvent...

« A propos de la signature reproduite dans la Statistique « Monumentale de la Charente, M. Michon, mieux que personne, a dû constater qu’elle n’offre pas deux T de même caractère; le T final n’est pas barré, il est plus allongé que le précédent pour quiconque a un peu l’habitude de la calligraphie du seizième siècle, ces particularités ne sont pas sans intérêt.

 « Ensuite, il a fallu réserver un bloc spécial relativement considérable pour y tailler, à, peu près en ronde-bosse; cette figure, énigmatique de notre temps. Or, jadis, comme aujourd’hui, quel duc puissant, quel simple citoyen même laisserait à l’architecte obscur d’un palais, qu’il paie à beaux deniers comptants, le droit d’y faire trôner son effigie, — et se contenterait, lui, le maître de céans, d’y être, avec les siens, « pourtrâicturé » dans des petits médaillons ?

 « On peut donc douter qu’il se nommât Fontant, cet artiste ignoré, à qui l’on doit, suivant M. Michon, cette œuvre unique de son génie.

 François de La Rochefoucauld l’avait rencontré par hasard, dans ses terres, ce futur auteur d’un splendide poème lapidaire, végétant, s’étiolant, rêvant d’art, de gloire, d'immortalité, et il lui avait confié, sans autres garanties que celles que prodiguent les rêveurs, la création de sa principale maison seigneuriale !

Voilà, en résumé, la version pathétique ayant cours depuis une trentaine d’années.

 « Le trait serait beau, sans doute; il serait édifiant surtout; mais en l’accueillant comme certain, ne serait-ce pas faire entendre que l’artiste miraculeux qui, du premier bond, se serait élevé à une telle hauteur, sans laisser d’autres traces de son passage, présenterait un exemple, peut-être sans second dans les annales artistiques des peuples civilisés.

« En somme, cette sculpture est — et restera, probablement, — soumise à bien des interprétations ; elle me paraît aussi impénétrable que l’énigme d’un Sphynx.

 Le renseignement nouveau, bien précis et scrupuleusement observé que je viens d’indiquer, apportera peut-être quelque lumière sur ce point ténébreux. »

M. Palustre (28) se range à l’avis de M. Biais ; « L’inscription, dit-il, si l’on en juge par le fac- similé donné par M. l’abbé Michon, est loin de présenter les caractères du XVI e siècle. Il y a donc tout lieu de croire à une sorte de mystification, dont le prétendu portrait sculpté à la balustrade a suggéré l’idée. Un architecte ne se fût pas ainsi affublé du camail de folie, et de ses deux mains, au lieu de retenir par les ailes un oiseau, eussent été armées de l’équerre et du compas. »

 Il ajoute, enfin, que d’après les mœurs du temps, où si peu de considération était donnée aux architectes, il est absolument impossible que celui du château de La Rochefoucauld se fût permis de sculpter son portrait à une place d’honneur.

 Quelle que soit l’explication que l’on adopte au sujet de ce buste, nous devons, dire que la théorie de l’abbé Michon est de moins en moins admise. Eyriès, Serbat et tous ceux qui ont écrit durant ces dernières années sur le château de La Rochefoucauld, ne voient point dans ce personnage sculpté Antoine Fontant, dont ils ne citent le nom que  pour le récuser jusqu’à plus ample informé. De plus en. plus, on semble ne Voir dans ce buste fameux qu’un simple « fou », tout à fait à sa place, sur cette balustrade, qui n’est qu’un « garde-fou ».

 Il ne s’agit pas là du portrait d’un architecte, mais bien plus, probablement, d’un symbole emprunté au Royaume du Tendre, suivant le vers connu :

« Bien fol est icelluy qui veult Amour capter !...»

Amour y est figuré par un oiseau, et cet oiseau, décapité, a tout l’air de la colombe allégorique.

 Dans tout grand monument digne de ce nom, ne faut-il pas qu’il y ait quelque particularité proposée au visiteur qui passe comme un problème historique ou archéologique à résoudre ? Le château de La Rochefoucauld ne saurait faire exception. Voilà pourquoi nous nous sommes étendu quelque peu sur le buste de la balustrade du sommet de l’escalier d'honneur de ce château et sur l’énigme qu’il soulève.

 

Les Sous-sols

Le bas du grand escalier d’honneur permet de communiquer avec les sous-sols du château. Sous la chapelle, dans le bas de la tour du Nord-Est, il y avait les prisons, et encore plus bas, des escaliers conduisant à des souterrains où l’on trouve des grottes naturelles creusées dans cette fameuse Roche, et constituent ainsi, à peu près au niveau de la Tardoire, un véritable petit Rancogne.

 Dés couloirs souterrains faisaient communiquer ces véritables chambres sépulcrales avec la campagne.

Au-dessous des appartements du premier étage, d’immenses salles voûtées en berceau un peu aplati et éclairées par de larges ouvertures donnant sur la terrasse de l’Est, étaient occupées par les offices et une partie des cuisines. Il est bon de visiter tous ces sous-sols : on peut ainsi se rendre compte du mouvement qui devait régner autrefois, dans toute cette partie du château, sans oublier les plus tristes souvenirs de l’époque de la Terreur que nous rapellent ces longues salles sombres et voûtées.

C’est là qu’un grand nombre de membres des familles nobles du pays ont été entassés.

Quelques-uns ne les ont quittées que pour aller porter leur tête sur l’échafaud (29).

 Plus tard, d’autres prisonniers y ont été enfermés : des prisonniers autrichiens commencèrent à y arriver le 6 août 1798 et le 8 mars 1814, on y reçut 900 prisonniers, russes.

On voit encore, dans chacune de ces salles, de monumentales cheminées et la place d’énormes fourneaux. La pièce, sans contredit, la plus intéressante, est la grande cheminée qui se dresse dans le sous-sol de l’aile du Midi. Elle servait en même temps à deux salles et consiste en un gigantesque mur de pierres et de briques formant foyer des deux côtés. De grands marteaux descendant de la voûte, s’avancent de part et d’autre et sont soutenus à chaque angle, par des piliers et des colonnes. Quel curieux et intéressant spécimen d’architecture utilitaire, au service de l’art culinaire, où des bœufs entiers eussent pu rôtir, et qui demeure comme un témoin des fantastiques festins de jadis.

 De la cuisine, on passera avec intérêt sur la terrasse de l’Est, où l’on pourra admirer la belle façade qui domine la ville. Par un petit escalier, on peut aussi remonter du côté des parterres en face de l’aile du Sud où il faut se mettre pour contempler la façade méridionale.

 

 

Les Appartements du 1 er et du 2 e Étage

Nous ne pouvons qu’indiquer ici, sans trop nous y étendre, les appartements du rez-de- chaussée et du premier étage, qui, sauf la grande salle du 1er étage, viennent d’être restaurés en ces dernières années.

Au rez-de-chaussée, le grand salon, la chambre du duc, la chambre de la duchesse, où règne un lit à baldaquin, rehaussé d’or et surélevé; au premier étage, la salle à manger. Sans oublier, dans l’aile du Midi., les chambres d’invités. On pourra remarquer, de ci de là quelques tableaux représentant les membres illustres des La Rochefoucauld (30).

Autrefois, on voyait dans la grande salle du premier étage, des tableaux ou des panneaux en toile, des boiseries où étaient peints des groupes d’oiseaux, des chasses d’animaux. Quelques-unes de ces peintures avaient un certain mérite. Elles ont maintenant disparu. Elles étaient, d’ailleurs, dans un état de grand délabrement. Ces appartements qui ont subi les injures du temps, devaient avoir une splendeur véritable. On peut en juger par les lambris encore couverts de peinture et d’or.

Près de la chambre de la duchesse et de la tour du Sud-Est, aux murs si épais, ayant sa fenêtre tournée au Midi, se trouve une petite pièce appelée « le Boudoir de la Duchesse », transformé aujourd’hui en cabinet de bains. Il mérite de fixer un peu notre attention.

 Ce boudoir est entièrement lambrissé. Les encadrements des lambris sont chargés d’arabesques et de chiffres. Les fonds contiennent des vases de fleurs, des corbeilles de fruits et des paysages assez grossiers, parmi desquels est une petite vue du château, d’ailleurs médiocre. De huit tableaux sur toile qui ornaient ce boudoir, deux seulement ont été conservés. Ils ont pour sujet l’Annonciation et la Visitation de la Sainte Vierge : ils n’ont pas une "très grande valeur artistique. Le lambris du plafond, formé d’encadrements saillants et de caissons, est chargé de fleurs tressées en couronnés peintes sur fond d’or et de chiffres entrelacés en or sur. fond d’azur. Ces chiffres, répétés' plusieurs fois, sont I O G, IO, et ce dernier avec une couronne ducale. Ils doivent donner, sans doute, les initiales du nom de la duchesse de La Rochefoucauld, pour laquelle fut décoré ce gracieux boudoir.

II est à remarquer d’ailleurs que ces mêmes initiales se retrouvent sur les chevrons du plafond de la grande salie (31).

Signalons enfin les combles, où, avant qu’on ait — lors des dernières restaurations — construit une multitude de petites chambres de domestiques, on pouvait admirer les proportions grandioses des charpentes des diverses ailes et des tours : c’était une Véritable forêt d’arbres magnifiques qu’il avait fallu abattre et tailler pour abriter ces constructions du château.

 

Façades extérieures de l’Est et du Midi A.

— FAÇADE DE L’EST

 L’élévation des deux ailes du XVI e siècle comprend, comme nous l’avons déjà dit, trois étages : le rez-de-chaussée, le premier et le deuxième étage, sans compter les sous-sols et l’étage des grandes lucarnes, dont l’encadrement coupe la base du comble.

La façade de l’Est s’élève sur une haute el large terrasse qui dominé le pont de la Tardoire.

 Trois étages de pilastres supportant des bandeaux marquent les étages. L’étage inférieur est plus élevé que les autres : les fenêtres y sont rares et n’occupent ni toute .la largeur, ni toute la hauteur d’un entre-colonnement.

 Aux deux étages suivants, au contraire, pilastres et bandeaux encadrent des croisées de pierre. Une corniche court au-dessus des fenêtres du dernier étage. Elle est composée d’une série de petits culs de lampe, qui portent un garde-fou formé d’une suite de panneaux que décorent alternativement des F et des A, initiales de François II de La Rochefoucauld et d’Anne de Polignac, son épouse.

 

Les lucarnes, au lieu d’être placées à l’aplomb du mur, se dressent en arrière d’une étroite terrasse, disposition caractéristique que l’on retrouve aussi dans un certain nombre de châteaux de la Loire.

Il y a encore quelques années, la charpente des deux façades extérieures descendait jusque sur le balcon où de petites colonnes la soutenaient. Primitivement, il n’en était pas ainsi. Dans la suite, on avait construit cet auvent adventice pour éviter les infiltrations des eaux qui, tombant des toitures sur le parapet, endommageaient les murailles. Mais heureusement — avant même la grande restauration de 1909- 1911, dès 1898 — on a redonné au toit sa forme primitive et rendu aux deux façades une partie de leur élégance : la toiture s’arrête à la ligne verticale du mur et l’on peut ainsi admirer les lucarnes dans toute leur élévation.

Ces lucarnes elles-mêmes comprennent deux étages. Le premier est une vaste croisée de pierre flanquée de deux pilastres qui portent un entablement. Sur cet entablement, repose une baie rectangulaire, assez allongée et de beaucoup moindres proportions; elle est réunie par deux autres contre-courbes à l’entablement de l’étage inférieur et surmontée d’une sorte de gable formé aussi de deux contre-courbes et d’une demi-lune avec coquille. De chaque Côté de cette baie, deux pilastres dressés au droit des pilastres de la grande fenêtre, et deux autres supports en balustres, forment un écran ajouté qui porte un bandeau régnant avec la partie horizontale de l’encadrement de la petite baie déjà mentionnée.

Sur ce bandeau sont posés, de chaque côté, deux pinacles en forme de « candélabres ». Deux candélabres, encore, flanquent le gable surmontant les petites baies; trois autres, enfin, de composition semblable, mais plus petits, accompagnent la coquille qui amortit ce gable, des rinceaux de pierre, s’enroulant de l’un à l’autre, étrésillonnent tous ces pinacles, dont l’ensemble forme un couronnement d’une grande richesse et d’une extrême légèreté.

 Les chapiteaux de cette façade sont traités avec un soin infini et les détails en sont extrêmement variés, et les fenêtres ou grandes lucarnes qui' s’élèvent au-dessus du toit sont des chefs-d’œuvre en ce genre.

Elles sont là depuis quatre siècles, « jetées à une grande hauteur avec leur décoration et leurs pinacles élancés. Quel art il a fallu à leur construction, pour qu’elles aient résisté à tant d’hivers, à tant de tempêtes !

Il est difficile de trouver en France, de semblables travaux, plus gracieux, plus aériens. Nous avons dit que le tympan de l’encadrement placé au-dessus de chaque lucarne contenait des écussons en relief qu’on a complètement effacés.

Les mutilateurs ont eu beau faire, il y a une gloire pour François II de La Rochefoucauld et Anne de Polignac, une gloire que le marteau d’aucun vandale ne saurait atteindre, c’est celle d’avoir fait bâtir un semblable monument. » (Michon).

Pour bien juger de cette façade, il faut la contempler de la terrasse, où l’on peut la suivre jusque dans les détails.

Pour avoir un coup d’œil d’ensemble plus impressionnant, il faut la regarder de la place du champ de foire, de l’autre côté de la rivière, ou même encore, de l’autre côté de la ville, sur le plateau de l’Est, au- delà de la ligne du chemin de fer.

Les Foires Grasses de la Rochefoucauld

Les FOIRES GRASSES de La Rochefoucauld
Sur l'Antique route su sel reliant le littoral atlantique au Massif central, La Rochefoucauld est traditionnellement un carrefour de transactions commerciales entre le Limousin et l'Angoumois et une ville active et industrieuse. jusqu'au milieu du XXe siècle, deux foires mensuelles attiraient agriculteurs, éleveurs et marchands forains de novembre à avril, les "foires grasses" se négociaient les plus beux boeufs gras de la région, se tenaient sur le Champ de Foire au pied du château

 

 Les nombreux voyageurs qui passent dans le train ne voient guère, de ce château, que le haut du donjon, et cette façade : rien n’est plus propre à le leur faire admirer et à leur donner l’envie de descendre à la gare de La Rochefoucauld pour visiter celle incomparable et antique demeure seigneuriale.

A l’extrémité Nord de celte façade, à droite, par conséquent, quand on la regarde de la terrasse ou du champ de foire, s’élève la belle tour de la chapelle. Cette tour possède, au niveau de son crénelage, qui se trouve interrompu, une lucarne de même Style, mais plus simple, que les lucarnes de la façade proprement dite, dont nous venons de parler. Son gable rappelle de très près ceux qui courent au-dessus des petites arcades de la cour intérieure. Le crénelage porté sur des mâchicoulis décoratifs, car celle tour, ainsi qu’il a été déjà dit, appartient, au moins à partir du niveau du sol de la chapelle, à la Reconstruction du XVI e siècle.

On s’en rend, d’ailleurs, parfaitement compte : du côté du Nord, on constate que la partie demi-cylindrique de celle tour forme la suite du mur qui ferme l’aile et qui est percé d’une fenêtre éclairant la nef de la chapelle.

Lors des restaurations de 1909-1911, la longue tige de fer qui surmonte la toiture de cette tour, destinée au paratonnerre, a été décorée d’un Saint-Michel terrassant le démon (32).

 A l’autre extrémité de cette façade, du côté du Sud, à gauche, par conséquent, quand on regarde la façade, le dos tourné vers la vide, s’élève la tour ronde du Sud-Est, dite tour des Archives, et dont nous avons déjà parié, puisque sa construction remonde au XIV e siècle, peut-être même au XIII e siècle

Au sommet, la tige de 1er supportant le paratonnerre a été ornée, en 1909-1911, pour faire pendant au Saint-Michel de la tour de la chapelle, de la Mélusine, chère aux La Rochefoucauld, qui, comme les Lusignan, dont ils descendent la possèdent comme cimier dominant leur blason (33).

Par un petit escalier, on peut passer de la terrasse où l’on a contemplé la façade de l’Est, dans les parterres où, nous plaçant à côté de la vasque, nous allons pouvoir admirer la façade méridionale .du château : nous ne pourrions mieux terminer que devant elle la visite de ce magnifique monument.

 

La Minoterie Bessonla Minoterie Besson
Elle a été édifiée en 1878 à l'emplacement de l'ancien moulin à blé du château.
plus performante- l'énergie hydraulique traditionnelle est complétée par une machine à vapeur, puis par un moteur au mazout ou électrique - la minoterie est capable d'entrainer plusieurs paires de meules.
A l'intérieur, l'itinéraire du grain à la farine est agencé de manière rationnelle sur plsuieurs niveaux en utilisant la gravité.

 

FAÇADE DU MIDI

Cette façade du Midi, en ce qui concerne l’élévation, est semblable à celle de l’Est. Mais l’étage inférieur est moins visible, parce qu’il est caché dans un fossé sec et elle est moins régulière, dans son ensemble, que la façade qui regarde la ville. Cependant, jetée en avant- corps, dorée par le soleil, dominée par un pavillon central qui rompt la monotonie des lignes, elle n’en mérite pas moins de retenir l’attention.

Nous pouvons dire aussi que cette façade est plus simple que la précédente : elle n’a d’autre décoration murale que les pilastres superposés, encadrant les quatre fenêtres du pavillon, et de simples moulures horizontales ou verticales marquent les étages et encadrent très gracieusement les fenêtres, dont quelques- unes, assez étroites, ne possèdent qu’un meneau transversal.

Mais, hâtons-nous de le dire, le balcon placé devant la terrasse des lucarnes est encore plus riche : toute la richesse, en effet, de l’architecture a été réservée, et pour ainsi dire, réservée dans ce couronnement.

En voici l’ingénieuse composition.

Au-dessus du cordon des encadrements du second étage, s’élèvent des arcatures soutenues par des consoles (34); une coquille est au centre de l’arcature; au-dessus est une corniche à plusieurs moulures, et enfin un parapet formé d’une suite de caissons dans lesquels sont sculptés en relief, comme sur la façade orientale, les lettres F et A.

Les lucarnes sont décorées dans le même genre que celles de la façade de l’Est, mais l’ornementation en est plus simple.

Cette façade — il est facile de s’en apercevoir — n’est point sur la ligne qui rejoindrait les tours de l’entrée à celle des Archives (angle Sud-Est : à droite, quand on regarde cette façade) : elle est placée fort en avant et se rattache à ces deux tours par deux pans couplés.

Cette disposition, peut-être unique, provient du désir qu’avait l’architecte de ne pas projeter la cage de l’escalier en dehors de l’alignement de la façade. Néanmoins, l’existence de cet escalier se révèle, même à l’extérieur. D’abord, les deux fenêtres destinées à l’éclairer interrompent les cordons qui séparent les étages; elles ne sont point de niveau avec les croisées des appartements. En outre, le haut de l’escalier, comportant un étage de plus, forme un pavillon rectangulaire couvert d’un toit à quatre croupes : une croisée encadrée de pilastres y est percé et supporte une grande lucarne à double étage, absolument identique à celles de la façade orientale. Les autres lucarnes de cette façade méridionale correspondent aux fenêtres, de largeur inégale, mais de disposition invariable : la croisée, encadrée de moulures, est surmontée d’un gâble, où s’ouvre une baie rectangulaire; les rampants du gâble sont figurés par deux paires de contre-courbes amorties par une coquille. Des candélabres réunis par des volutes ajourées flanquent les naissances des contre-courbes et trois autres petits candélabres se dressent sur la coquille finale.

 

Ce que nous pouvons dire, en tout cas, c’est que toutes les allégories des sculptures de cette partie de la Renaissance du Château de La Rochefoucauld, traitées tout à fait dans le goût de l’époque, sont dans le style de l’école d’Italie, aussi bien pour l’agencement des sujets que pour leur maniérisme.

Il serait tout à fait vraisemblable que les sculptures du château de La Rochefoucauld, de l’ancienne chapelle des Frères Saint-Gelais, à la Cathédrale d’Angoulême (aujourd’hui détruite) et la maison Saint-Simon, existant toujours dans la rue de la Cloche-Verte, à Angoulême, ont dû être ciselées par les mêmes artistes ornemanistes. On retrouve, dans toutes ces sculptures, la même richesse d’entrelacs, les mêmes qualités dans les décorations courantes, mais aussi la même sécheresse et les mêmes incorrections dans la représentation des figures humaines.

 

Le Parc Après avoir visité en détail le château de La Rochefoucauld, il convient de faire une petite promenade dans le parc.

En sortant du pavillon d’entrée, on pourra passer sur la grande terrasse, appelée « plate-forme », qui domine la ville, puis au bout de cette terrasse, on s’engagera, en tournant à droite, dans le bois, au bout de quelques minutes, on arrivera au milieu de la grande allée. En la continuant sur main droite et en se dirigeant une fois de plus encore sur la droite, on reviendra devant la porte d’entrée du château, notre point de départ.

 On admirera ce parc aux chênes séculaires qui, grâce aux libéralités des ducs de La Rochefoucauld, sert de véritable promenade publique aux habitants de la ville et sert de cadre merveilleux et incomparable à la Frairie, c’est-à-dire à la fête patronale annuelle du premier dimanche de juillet.

Lorsque, surtout la nuit venue, la grande allée est illuminée et forme un immense tunnel de feu, c’est un spectacle féerique, presque unique en son genre.

 

APPENDICE I

Courte Généalogie de la Maison de La Rochefoucauld (Suite de la Branche aînée)

La Roche sur laquelle a été bâti le château que nous venons d’étudier, aurait été donnée, suivant la tradition, en apanage, par Hugues I er, comte de Lusignan (X e siècle), l’époux de la fameuse Mélusine, à son fils Esmerin ou Amaury, père du premier Foucauld.

 Ce n’est que plus tard, quand la seigneurie eut été érigée en baronnie, que les seigneurs de la Roche joindront à leur nom, celui de Foucauld, prénom du second des barons.

Ce baron Foucauld II de la Roche vivait au temps de Robert le Pieux, roi de France, et de Guillaume II, comte d’Angoulême. Il épousa une dame, nommée Jarsande, qui jouissait, en son temps, d’une si grande réputation d’honnêteté et de vertu que ses descendants conservèrent longtemps le souvenir de ses bienfaits et, nous dit une vieille légende, tinrent a honneur de joindre à leur nom celui de Foucauld, qu’elle avait si « sainctement porté ».

  1. FOUCAULD I er, seigneur de la Roche; vivait, entre 975 et 1030. Il fut le père de
  2. GUY I er, seigneur de La Rochefoucauld qui fonda, en 1000 le prieuré de Saint-Florent de La Rochefoucauld. Il fut le père de
  3. GUY II, seigneur de La Rochefoucauld, qui vivait en 1081 et fut le père de

IV. — GUY III, seigneur de La Rochefoucauld, qui mourut en 1120 et fut le père de

  1. AYMAR, seigneur de La Rochefoucauld et de Verteuil, soutint diverses guerres contre Vulgrin II, comte d’Angoulême, et mourut en 1140. Il fut le père de

 

VI. — GUY IV, seigneur de La Rochefoucauld, Verteuil, Marthon, Blanzac, eut de grands démêlés avec Guillaume, comte d’Angoulême, assista en 1170 à la Dédicace de Saint-Amant de Boixe et fut père do

 VII. — FOUCAULD II, seigneur de La Rochefoucauld, qui fut fait prisonnier à la bataille de Gisors, en 1198, fut le père de 1° GUY V, fondateur des Cordeliers d’Angoulême en 1230, mort sans postérité, et 2° de

 VIII. — AIMER1er, seigneur de La Rochefoucauld, qui vivait en 1219 et fut père de

 IX. — GUY VI, seigneur de La Rochefoucauld, père de  

X. — AIMERI II, seigneur de La Rochefoucauld, père de

XL — GUY VII, seigneur de La Rochefoucauld, qui servit en 1317 et 1318 le roi Philippe le Long contre les Flamands, excommunié le 6 février 1329 (n. s./ par l’évêque d’Angoulême, Aiguelin de BLaye, pour avoir refusé les honneurs qu’il lui devait porter un des pieds de son fauteuil le jour de son intronisation, fondateur, en 1329, du Couvent des Carmes de La Rochefoucauld, tué, près du roi de France, à la triste bataille de Poitiers, en 1356, père de

XII. — AIMERI III, seigneur de La Rochefoucauld, qui rendit, dès 1338, de grands services au roi Philippe de Valois et mourut le 16 septembre 1362, père de

XIII. — GUY VIII, seigneur de La Rochefoucauld, gouverneur d’Angoumois, conseiller et Chambellan des rois Charles V, Charles VI et Philippe le Hardi.

Guy VIII de La Rochefoucauld est le 21 du mois d'aoust l'an 1379 en la ville de Niort, en l'hostel des frères Cordeliers avec plusieurs seigneurs.

En 1380, il combattit en champ clos à Bordeaux Guillaume de Montferrand, partisan des Anglais. Il fut le père de

XIV. — FOUCAULD III. — seigneur de La Rochefoucauld, conseiller et chambellan du Roi Charles VII, fait chevalier en 1451, au siège de Fronsac, reçut le roi Charles Vil dans son château, du 12 au 27.juillet 1453, testa en 1466- II fut le père de

XV. — JEAN 1er, seigneur de La Rochefoucauld, conseiller et chambellan des rois Louis XI et Charles VIII, gouverneur de Bayonne, choisi comme « le plus puissant de tous les Vassaux du comte d’Angoulême, pour être gouverneur de la personne et tuteur des biens de Charles d’Orléans, comte d’Angoulême. » Il fut père de

 XVI. — FRANÇOIS I er, comte de La Rochefoucauld, (depuis lui, tous les aînés de la branche aînée ont pris ce nom de François), chambellan des rois Charles VIII et Louis XII.

Il fut le parrain, en 1494, de celui qui devait Revenir François I er , roi de France (né à Cognac le 12 septembre 1494).

Dès son avènement au trône de F rance (1515). François Ier érigea, en faveur de son filleul, la baronnie de La Rochefoucauld en comté. Il mourut en 1517 et fut père de

XVII. — FRANÇOIS II, comte de La Rochefoucauld, l’époux en 1518 d’Anne de Polignac, le constructeur de la partie Renaissance du Château de La Rochefoucauld. Il mourut en 1533, fut le père de ~

XVIII.- FRANÇOIS III, comte de La Rochefoucauld, prince de Marcillac, qui par suite de sa 2 e femme, Charlotte de Roye, comtesse de Roncy, belle-sœur de Condé, devint Protestant et fut tué à Paris au massacre de la Saint- Barthélemy (24 août 1572).

De sa première femme, Sylvie Pic de la Mirandole, il fut le père de

XIX. — FRANÇOIS IV, comte de La Rochefoucauld, protestant comme son père, épousa le 27 septembre 1587 Claude d’Estissac et fut tué par les Ligueurs catholiques à St-Yrieix (Limousin) le 15 mars 1591. Il fut le père de

XX. - FRANÇOIS V, duc de La Rochefoucauld, qui se mit avec Louis XIII, avec les Catholiques.

Louis XIII érigea pour lui le 22 avril 1622 le comté de La Rochefoucauld en duché-pairie. Né le 7 septembre 1588, mort dans son château de La Rochefoucauld le 8 février 1650. Epoux de Gabrielle du Plessis-Liancourt en juillet 1611, fut père de

 XXL — François VI, duc de La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes et des Mémoires, l’un des grands acteurs de la Fronde.

Epoux, le 20 janvier 1628, d’Andrée de Vivonne. Né et mort à Paris (15 décembre 1613-17 mars 1660). Père de

XXII. - FRANÇOIS VII, duc de La Rochefoucauld, grand veneur de France, époux de sa cousine Jeanne du Plessis-Liancourt. Né le 15 juin 1634, mort le 12 janvier 1714. Père de

XXIII. - FRANÇOIS VIII, duc de La Rochefoucauld, époux de Magdeleine Charlotte le Tellier de Louvois. Né le 17 août 1663, mort le 22 avril 1728. Père de François IX (1681- 1699) et de  

XXIV. - ALEXANDRE, duc de La Rochefoucauld, né le 29 septembre 1690, époux, le 30 juillet 1715 de Elisabeth-Marie-Louise-Nicole de Cavlard de Toiras d’Amboise, père 1° de François X (1717-1718) et de François XI (1720- 1721) et de Louise-Elisabeth, mariée le 28 février 1732 à

XXV. - JEAN-BAPTISTE-LOUIS-FREDERIC DE ROYE DE LA ROCHEFOUCAULD, duc d’Anville et devenu duc de La Rochefoucauld, en vertu des lettres patentes de Louis XV qui avaient accordé que le titre de duché-pairie serait transmis à la postérité masculine de la duchesse d’Anville, à condition qu’elle épouserait un La Rochefoucauld. Il fut père de

XXVI. - LOUIS-ALEXANDRE, duc de La Rochefoucauld, né en 1743, mort assassiné à Gisors le 3 septembre 1792, membre de l’Académie des Sciences, membre de l’Assemblée des notables en 1787, député de la noblesse de Paris aux Etats Généraux de 1789. Mort sans postérité, le titre ducal passe à son cousin germain.

XXVII bis. - FRANÇOIS XII (ALEXANDRE- FREDERIC), duc de La Rochefoucauld-Liancourt, né le 11 janvier 1747, mort à Paris le 27 mars 1827. Célèbre philanthrope, créateur de l’Ecole des Arts et Métiers, propagateur de la vaccine en France.

Le 12 juillet 1789, à Louis XVI disant « C’est une révolte, » il répondit le mot célèbre : « Non, Sire, c’est une Révolution. » Homme politique d’opposition libérale sous la Restauration. Très: populaire. Graves incidents à ses obsèques où l’on empêcha les jeunes gens de son école de porter le cercueil et où le cercueil tomba dans la boue. Il fut le père de

XXIII. ~ FRANÇOIS XIII, duc de La Rochefoucauld, né à Paris le 8 septembre 1765, mort le 3 septembre 1848. Marié à la Haye le 24 septembre 1793 avec Marie-Françoise de Tott, née à Constantinople-Péra le 19 mars 1770, morte à Paris le 3 janvier 1854. Père de

XXIX. - FRANÇOIS XIV, duc de La Rochefoucauld, né à la Haye le 11 septembre 1794, mort à Paris le 11 décembre 1874. Marié à Paris le 10 juin 1817 avec Zénaïde Chapt de Rastignac, née à Paris en 1798, morte à Paris le 19 décembre 1875. Père de

XXX. — FRANÇOIS XV, duc de La Rochefoucauld, né le 14 avril 1818, mort le 4 décembre 1879. Marié à Paris en 1852 à Radegonde- Euphrasie Bouvery née à Paris le 13 mars 1832, morte à Paris le 7 novembre 1901. Père de

XXXI. — FRANÇOIS XVI, duc de La Rochefoucauld (François-Alfred-Gaston) né à Paris le 21 avril 1853 ; marié le 11 février 1892 à Matti- Elizabeth Mitchell, née à Portland (Etats-Unis) le 28 août 1866, décédée à Paris le 21 février 1933, inhumée au château de La Rechofoucauld.

 Restaurateur du château de La Rochefoucauld. Mort à Monaco le 24 février 1925. Inhumé an château de La Rochefoucauld le 2 mars 1925. A eu un fils unique François XVII (François- Marie-Alfred), né à Paris le 25 juin 1905, mort à Paris le 11 mars 1909, inhumé au château de La Rochefoucauld.

Le titre ducal passa au frère de François XVI :

XXXI bis. - MARIE-FRANÇOIS-GABRIEL- ALFRED, duc de La Rochefoucauld, né à Paris le 27 septembre 1854, marié à Paris le 5 juin 1884 à Pauline Piscatory de Vaufreland. Mort à Paris le 29 juillet 1926. Père de

XXXII. - JEAN-MARIE-FRANÇOIS, DUC DE LA ROCHEFOUCAULD, Duc de Liancourt, Prince de Marcillac, Duc d’Anville, Chef actuel du Nom et des Armes. Né à Paris le 10 mars 1887. Capitaine de Réserve au 3 e Régiment de Chasseurs. Maire et Conseiller général de Montmirail (Marne). A épousé à Paris, le 27 décembre 1917, Edmiée Frish de Fels, née à Paris en 1895. Dont : 1° Isabelle, née à Paris le 28 mars 1919; 2° François, duc de Liancourt, né à Paris le 12 décembre 1920; 3° Philippe, né à Paris le 17 juin 1922.

 

APPENDICE II

Les Origines de la Maison et des Armoiries de La Rochefoucauld

Nous avons établi la généalogie de cette illustre Maison, en remontant jusqu’au X e siècle. C’est la généalogie courante et classique telle que la donnent entr’autres le P. Anselme (Histoire généalogique et chronologique de la Maison de France), et Moréri (Grand Dictionnaire historique.)

Mais d’après certains auteurs, on pourrait la faire remonter plus haut encore.

Les La Rochefoucauld descendent incontestablement des Lusignan et Jean du Bouchet, dans ses Annales d’Aquitaine, nous dit que cette maison de Lusignan eut pour auteur un chevalier romain qui vint dans la Gaule visiter Saint Martial, envoyé par Saint Pierre pour convertir cette contrée.

En 1779, Bernard Chérin, historiographe des Ordres du Roi, surnommé l’intègre Chérin, établit un Abrégé Chronologique de la Maison de La Rochefoucauld depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, où il remontait de male en mâle par les Lusignan jusqu’à Marcomir, Roi ou Prince des Français, Vivant encore l’an 396 et ce par quelques 47 degrés.

Marcomir était l’aïeul de Clodion le Chevelu par Théodoric, petit-fils de Sigisbert, Roi d’Austrasie.

Quoiqu’il en soit de ces lointaines origines, tout le monde semble d’accord pour faire descendre les La Rochefoucauld, ainsi que la maison de Parthenay, d’un cadet apanage de l’illustre race des Lusignan qui devinrent Rois de Chypre et de Jérusalem, et dont les immenses possessions s’étendaient dans l’Anjou, Le Poitou, la Marche, l’Angoumois et la Saintonge.

 On apporte, d’ailleurs, à l'appui de cette opinion une identité d’armoiries,

A la séparation de Parthenay des Lusignan (vers l’an 970), les premiers reproduisirent l’écu de ces derniers qui était burelé d'argent et d'azur de dix pièces, mais, comme cadets, ils adoptèrent, pour brisure, une bande de gueule.

Les La Rochefoucauld ne s’étant séparés que quelques années plus tard, vers 980-1000, prirent absolument les mêmes armes et les modifièrent par une brisure de trois chevrons de gueules, même émail que la maison de Parthenay.

Et le premier de ces chevrons est écimé en témoignage de branche cadette (35).

Enfin, pour dernière marque d’une commune origine, les sires de Lusignan, de Parthenay et de La Rochefoucauld conservèrent, pour cimier de leurs armoiries la fameuse Mélusine qui fait remonter l’origine des Lusignan au temps où les fictions les plus étranges se mêlaient aux récits de l’histoire et aux faits d’armes de la Chevalerie. .

 

APPENDICE III

Armoiries des La Rochefoucauld

Ecu : Bardé d'argent d’azur,à trois chevrons de gueules brochant sur le tout, le premier écimé, ou, comme on disait autrefois, celui du chef à la pointe coupée.

 L’écu 'est apposé sur un manteau d’hermine.

Couronne ducale.

Cimier ; la Mélusine issant d’un baquet rempli d’eau, tenant un peigne dans la main gauche et un miroir dans la main droite.

Tenants : Deux hommes nus, velus, ceints de feuillage, la massue à la main, sur un tertre gazonné.

 Devise : C'est mon plaisir

 

 

Le château de La Rochefoucauld  par Pierre de la TARDOIRE  

Le Petit courrier de la Charente : journal du canton de La Rochefoucauld

 

 

 

 ==> 28 janvier 1960, le donjon du château de La Rochefoucauld s’est écroulé.

 

 

 


 

(1) Les Rivières de France, ou Description géographique et historique du cours et débordement des Fleuves, Rivières, Fontaines, Lacs et Etangs qui arrousent les Provinces du Royaume de France, avec un dénombrement des villes, ponts, passages, batailles qui ont été données sur leurs rivages et autres curiositez remarquables dans chaque Province, par le Sieur Coulon. - A Paris, chez François Housier, en la Place Dauphine, à l’Aigle d'Or. - MDCXLIV,  Tome Ier pp. 446-447.

(2) François Vigier de la Pile, Histoire de l’Angoumois, édition Michon, 1.846, (d’après Manuscrit de 1756), pp. XX - XXIII.

(3) Paul Vitry, Michel Colombe et la sculpture française de son temps, p. 148.

(4) Androuet du Cerceau (Jacques). Le premier volume des plus excellents bastiments de France.

(5) François Gebeiin. — L’Art Français. Les Châteaux de la Renaissance. Paris. Les Beaux-Arts, édition d’études et de documents, rue de La-Boétie, 39, 1927 3 p. 109.

(6) Fr. Gebeiin, op. cit. p. 109. — Courajod, Leçons professées à l’Ecole du Louvre (1887-1896), Tome II Origines de la Renaissance, pp. 649-652. — Federigo Alizeri, Notizie dei professori del disegno in Liguria, IT. IV, p. 306-319. 

(7)    Histoire de l’Angoumois, p. XXIII. 

 (8) A partir du XVI e siècle, ils sont plutôt enterrés dans la chapelle des Cordeliers de Verteuil, près du château des La Rochefoucauld, mais on porte leur coeur dans l’église Saint-Pierre de la Basse-Ville.

(9)    Avant d’aborder cette étude en détail, une remarque cependant s’impose. C’est par souci pratique pour ceux qui visitent le château que nous employons cette méthode. Nous voulons, dans toute la mesure du possible, décrire les diverses parties du château dans l’ordre naturel où on les fait visiter et en même temps faire l’histoire des transformations successives au cours des siècles de ces diverses parties. On comprendra que cette méthode présente quelques inconvénients ; car la même partie visitée a subi justement des transformations aux diverses périodes. Pourtant quand nous nous trouvons en face de telle ou telle tour par exemple — c’est notamment ce que nous avons fait pour la Tour Carrée — nous en faisons la description et l’histoire complète en même temps, et il semblerait qu’ainsi à première vue nous empiétons dans le cours du récit sur une période suivante. Le lecteur comprendra qu’il n’en est rien et que nous n’avons voulu, en procédant de la sorte que lui faciliter la visite du Château.

Cela est vrai, en particulier pour l’étude des deux tours jumelles de la porte d’entrée, de la tour ronde du Sud-Est et de la tour ronde du Nord. Ces tours ont été en partie bâties durant la période féodale, mais elles ont été transformées et adaptées ensuite lors des constructions et restaurations qui ont suivi, notamment au XVe siècle, puis à la Renaissance.

(10) Saint-Claud-sur-le-Son, chef- lieu de canton de la Charente, arrondissement de Confolens, à 18 kilomètres Nord-Est de La Rochefoucauld.

(11) Lance. Dictionnaire des Architectes français, 1872, 1 t. I er p. 269.

(12) L. Pilastre. La Renaissance en France, Paris, A. Quanti n, 1879-1889, Tome 111, p. 264.

(13) P. Lesueur. Le mythe de Charles Viart, dans Bulletin monumental , Tome LXXXV (1926) pp. 317 337,

(14) François Gebelin ; Les Châteaux de la Renaissance, p. 52.

(15) N’oublions pas que si le château avait été achevé, les quatre faces de la cour intérieure auraient été pareilles la galerie de l’aile du Nord avait été amorcée, mais non réalisée, vers 1533,

(16) Au premier étage, cette balustrade n’est pas à proprement parler, un stylobate : elle est interrompue par le fût des pilastres qui n’ont pas de piédestal. Mais au second il y a bien stylobate continu.

(17) On sait qu'à Chambord, des effets polychromes analogues ont été obtenus au moyen de losanges et de disques d’ardoise.

(18) Palustre, la Renaissance en France, tome III, p. 275.

 (19) François Gebelin, les Châteaux de la Renaissance, p. 126,

(20) Elle descendait par divers degrés de dame Alixe de Dreux, princesse de la maison de France. Elle portait le nom d’Anne, car elle avait pour marraine la reine de France, Anne de Beaujeu, fille aînée du roi Louis XI.

 (21) Outre La Rochefoucauld, elle a construit les châteaux de Randan, d’Onzain et les Cordeliers d’Onzain, où elle est inhumée.

(22) La bibliothèque (livres et manuscrits) d’Anne de Polignac est célèbre. Elle a fait l’objet d’études intéressantes de Léopold Delisle. Elle contenait des fragments d’ouvrages imprimés à Angoulême dès les premiers temps de l’imprimerie, par nos tout premiers typographes Pierre Alain et André Chauvin, en 1491, 1492, 1493. Un de ces livres trouvé à La Rochefoucauld, il y a quelques trente ans, une Bible, imprimée à Angoulême, fut remis par le Duc de La Rochefoucauld à la Bibliothèque Nationale. Cf, La Bibliothèque d’Anne de Polignac et les Origines de l'Imprimerie à Angoulême, par Léopold Delisle, Paris 1879. — Mélanges de Paléographie et de Bibliographie, par L. Delisle, Paris, 1880, p. 33. D’autre part, en tête d’un manuscrit qu’elle fit écrire : « Exposition des sept paroles prononcées par Jésus- Christ en croix », l’auteur s’efface devant elle, « nourrie en sainctes méditations et choses spirituelles, » et qui « prend plaisir à veoir et lire les escriptures, faisans mencion des faicts merveilleux, des parolles et de la vie d’icelluy Nostre Seigneur Jésus-Christ. » Un autre de ses manuscrits est intitulé : « Méditation en vers sur la passion et la résurrection de Jésus-Christ. »

(23) Mémoire sur ce qui s'est passé à La Rochefoucauld du temps des Guerres de Religion, par Jean Pillard, chanoine de la Collégiale de La Rochefoucauld.

 (24) Puisque nous parlons des identifications des médaillons sculptés du château, avec des personnages de la maison de La Rochefoucauld, qu’il nous soit permis de signaler le beau travail de M. Denis Roche, paru dans la Gazette des Beaux-Arts (XXXIX, 3 e Période, pp. 403- 420) sur « Un Saint Sépulcre démembré ». Il s’agit du Saint-Sépulcre de l’église de Verteuil-sur-Charente, tout démembré, en effet, provenant du château de Verteuil, très probablement exécuté, vers 1550, sur la demande d’Anne de Polignac, veuve de François II de La Rochefoucauld.

 Les traits d’Anne de Polignac, au nez abattu, le cou gros, correspondent à ceux d’un crayon de la bibliothèque des Arts et Métiers à Paris et à ceux d’un médaillon, à la porte de l’escalier du château de La Rochefoucauld.

 « Par les sculptures du château de La Rochefoucauld que nous avons pu examiner avec soin (elles se réduisent malheureusement a un buste en haut-relief, des médaillons et des culs-de-lampe), par ces sculptures, par nos statues actuelles de Verteuil et par le reste du tombeau du Louvre, il apparaît qu’il y a chez les La Rochefoucauld, entre 1525 et 1565 approximativement, des sculpteurs suivant une même iconographie et ayant plusieurs traits d’une tradition commune. Leurs œuvres suivent exactement l’évolution de l’histoire de l’art pendant cette période...

En 1556, François III de La Rochefoucauld perdit sa femme, Silvie de la Mirandole, ancienne demoiselle d’honneur de Catherine de Médicis. On a au Louvre, le portrait de Silvie (Exposition des Primitifs français, n° 1021). Le visage poupin et blanc, au nez droit, aux beaux sourcils acquis, au front rond, nous semble correspondre, avec une exactitude assez remarquable à une jolie tête souriante, peut-être un peu plus idéalisée, mais encore de même structure, — et la seule qui soit telle parmi toutes les autres — placée au château de La Rochefoucauld, au retour d’angle de la galerie du premier étage. »

Notons en passant que Palustre ne veut pas voir, dans les médaillons de la porte de l’escalier d’honneur, des membres de la famille de La Rochefoucauld, mais simplement des personnages de fantaisie.

 (25) Dans le livre : les Délices de la France, ou description des Provinces et Villes capitales d’icelles: depuis la paix de Ryswick et la description des châteaux , maisons royales, etc.., a Amsterdam, chez Pierre Mortier, libraire, sur le Vygendam, MDCXCIX, Tome II, p. 192, on lit ces lignes : « La Rochefoucaut qui appartient à l’ancienne Famille de ce nom, Princes de Marsillac, laquelle a un château, fort superbe, où il y a une des plus belles chapelles de France pour son dessein extrêmement hardy et un des plus beaux pavés du Royaume. » Peut-être est-ce en souvenir de ce célèbre pavé, que le restaurateur de 1909, a tenu à faire placer dans le chœur de la chapelle, ce pavé en belle mosaïque.

(26) Cet oiseau, malheureusement, a été mutilé pendant la Révolution. Sa tête a été enlevée, et il est assez difficile de savoir quel oiseau représente cette sculpture, et, par conséquent, ce qu’il peut signifier à titre de symbole. Peut-être est-il tout simplement la colombe traditionnelle.

(27) M. Eug. Sadoux est le dessinateur qui a illustré le livre intitulé Les Châteaux de France, dont le texte est de M. Gustave Eyriès (Poitiers, libr. H. Oudin, 1877) et qui contient un très intéressant chapitre sur le château de La Rochefoucauld et auquel nous faisons des emprunts dans cette étude.

(28) L. Palustre, la Renaissance en France , t. III, p. 265

(29) Il ne faut pas oublier que de tous les tribunaux révolutionnaires de la Charente, celui du district de La Rochefoucauld fut de beaucoup le plus sanguinaire. Mon grand-père (qui était né en 1828) me racontait, comme le tenant de ses parents, que, malgré la grande surveillance des prisonniers, beaucoup pouvaient avoir des nouvelles de leurs familles au moyen de lettres soigneusement cachées dans l’intérieur de poulets rôtis, qu’on leur avait toléré de recevoir,

(30) Parmi ces tableaux de famille, signalons au moins le portrait du Cardinal de La Rochefoucauld, le grand réformateur des Congrégations religieuses. Dans la chambre voisine, celui du duc de Doudeauville, qui fut membre de la Chambre des Pairs. On remarque aussi les douces figures de Mlle de Longueville, peintes par Guénet, un portrait sévère et vivant de Louvois par Rigaud, une glorieuse toile, où l’on voit le jeune prince de Marsillac, cravaté d’une soie écarlate, prêt à bondir dans la bataille où il périra. La dernière duchesse a tenu aussi à semer mélancoliquement et maternellement, dans tous les appartements, les portraits du jeune duc, mort dans sa quatrième année...

(31) C’était l’opinion de l’abbé Michon. Nous croyons plutôt, avec Palustre, qu’au lieu de lire IO G, il faut lire partout sur les poutres cp et O. L’emploi du Phi grec, pour représenter la première lettre de François, étant très fréquente pendant et après la Renaissance.

(32) Saint Michel, patron de la France, l’un des saints les plus chers à la vieille chevalerie française et aussi très particulièrement aux La Rochefoucauld qui portèrent les colliers de l’ordre de Saint-Michel (ordre fondé par Louis XI, le 1er août 1469. )

(33) Sur la légende de la Mélusine, voir l’ Appendice IV

(34) Cinquante-trois consoles reçoivent les arcatures. Je n’en donnerai pas la nomenclature, ce qui finirait par devenir fastidieux. Elles ont d’ailleurs beaucoup de rapports avec celles qui ont déjà été décrites dans les galeries à jour de la cour intérieure. Ce sont des reptiles, des oiseaux, des quadrupèdes, des singes, des têtes d’anges, des monstres fantastiques, des personnages jouant du cor, luttant contre des monstres, etc. Peut-être y aurait-il lieu de se poser, à cette occasion, une question : toutes ces sculptures sont-elles symboliques ? Ne sont-elles dues qu’au caprice de l’artiste ? Beaucoup de ces scènes grotesques et plaisantes, telles que le personnage qui tient, avec complaisance, un singe sur ces genoux, l’enfant nu qui montre le dos, les singes encapuchonnés, ne sont-elles pas des allusions satiriques dont nous n’avons plus le mot ? Les sujets plus graves, comme le centaure luttant contre le lion, l’ange étouffant le serpent dont ses membres sont enlacés, n’indiquent-ils pas cette vieille tradition de la lutte du bien et du mal si familière aux artistes du moyen âge ? L’enfant ailé, armé du carquois, était-il le Cupidon de la fable, ramené sous le ciseau du sculpteur par les études classiques ? Ce sont des questions intéressantes dont je n’ose hasarder la solution. Je dirai seulement qu’à cette époque, où domine la personnalité artistique, les traditions du symbolisme doivent être conservées. Peut-être, cependant, la Renaissance g conservé les derniers reflets de ce jour de la pensée rendue, en hiéroglyphes, qui s’échappait, au moyen âge, de la pierre la plus grossièrement sculptée. » (Michon).

(35) Nous donnons cette interprétation d’après certains généalogistes et quelques professionnels de la science héraldique. D’après d’autres, et M le Duc Jean de La Rochefoucauld est de ce nombre, il n’y aurait là que pure question de dessin, sans autre signification.

 

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