L'abbaye Saint-Paul de Cormery (Indre-et-Loire)
A la fin du VIIIe siècle, le pays de Cormery, maintenant si gracieux et si paré, n'était qu'une solitude sauvage. Ce désert séduisit le pieux Ithier, abbé de Saint-Martin de Tours et pro-chancelier de l'empereur Charlemagne.
Les rives de l'Indre, jusqu'alors couvertes d'une végétation luxuriante due à la fertilité du sol plutôt qu'à la culture, étaient restées étrangères à la civilisation. Les moines allaient y établir un centre de piété, de science et de progrès : là, en effet, comme en tant d'autres lieux, la religion fut pour les populations la source de bienfaits sans nombre dans l'ordre moral et matériel. La petite ville de Cormery, en particulier, dut aux moines son existence même, ses développements et sa prospérité.
L'abbé Ithier avait fondé un simple prieuré : une celle, suivant le langage du temps. Elle devait bientôt se transformer en monastère.
Ce fut l'oeuvre du célèbre Alcuin.
En 800, Charlemagne convoqua dans la ville de Tours les principaux seigneurs de ses vastes États, et, de leur consentement, il procéda au partage de ses provinces entre ses trois fils, Charles, Pépin et Louis.
En ce moment l'esprit du souverain était occupé des plus graves affaires : il se disposait à partir pour Rome, où le pape devait le couronner empereur d'Occident. Son séjour se prolongea à Tours beaucoup plus qu'il n'aurait voulu, par suite de la maladie de Liutgarde, sa femme, qui mourut le 4 juin et fut ensevelie à Saint-Martin.
Quelques jours après, le 10 et le 11 juin, à la demande d'Alcuin, il concéda deux, diplômes importants au monastère de Cormery. Le prince fit des instances à son illustre et savant précepteur pour l'emmener à Rome avec lui ; mais le vieillard, regardant l'abbaye de Tours comme le port heureux où la Providence l'avait conduit vers la fin de son voyage, s'excusa à cause de sa faiblesse et du fardeau trop lourd que les années et les infirmités faisaient peser sur ses épaules. Toujours plein d'affection pour son vieux maître de grammaire, le monarque lui reprocha, par une agréable plaisanterie, de préférer les toits enfumés de Tours aux palais de Rome.
Le monastère naissant de Cormery fut peuplé de moines envoyés du midi de la France par saint Benoit d'Aniane, le digne ami d'Alcuin. Souvent l'illustre, abbé de Saint-Martin allait s'édifier et Se reposer au milieu de cette pieuse colonie bénédictine. Comme son prédécesseur, il manifesta toujours une prédilection marquée pour la maison de Cormery. Le restaurateur des lettres en France y établit une école; nul doute qu'il y conduisit plus d'une fois quelques-¬ uns de ses disciples les plus distingués, car souvent il aimait à prolonger son séjour sur les bords riants de l'Indre. Les importuns n'avaient pas accès dans cette charmante solitude. Quand les infirmités le forcèrent à rester à Tours, il lui adressa les adieux les plus touchants, en un style qui montre à quel point les moines avaient le sentiment des beautés de la nature. Voyez ce. vieillard vénérable jeter un dernier regard sur son « cher monastère de Cormery, sa résidence favorite.
Des arbres touffus le couvrent de leur ombre, bosquets délicieux toujours couronnés de fleurs. Les prairies qui l'entourent continueront de s'émailler de fleurs et de produire des herbes utiles à la santé, que viendra cueillir la main expérimentée du médecin. Une rivière aux bords verts et fleuris l'environne de ses ondes limpides, où le pêcheur ne jette jamais ses filets en vain. Les vergers et les jardins, les lis et les roses remplissent le cloître des plus doux parfums. Des oiseaux de toute espèce y font retentir leurs chants mélodieux dès l'aube matinale, et célèbrent à l'envi les louanges de Dieu créateur. »
Alcuin mourut en 804, dans un âge avancé. Il fut enseveli à Saint-Martin, où l'on voyait son tombeau avant 1790.
Sa mort causa un deuil public. Ses contemporains le comblèrent d'éloges : aucun de ses disciples, dont la plupart montèrent aux suprêmes honneurs de l'Église et de l'État, ne fut ingrat envers sa mémoire. Raban Maur alla plus loin que tous les autres; il n'hésita pas à insérer son nom au martyrologe dans le catalogue des saints. Aujourd'hui encore, après tant de siècles écoulés, nous qui écrivons ces lignes à deux pas de la vieille basilique de Saint-Martin, nous ne serons pas infidèle à la mémoire d'Alcuin, Nous saluons en lui un des grands hommes, l'honneur de leur siècle, l'honneur en même temps de la ville de Tours, qui eurent la plus heureuse influence sur la conservation, chez nous, des nobles traditions de la science et de la piété,
A peiné descendu dans la tombe, Alcuin eut pour successeur à Saint-Martin et à Cormery, Fridegise, son compatriote, un des principaux personnages de la cour de Charlemagne, grand chancelier du palais impérial. Est-il nécessaire d'ajouter qu'il se montra constamment digne de la faveur des princes et qu'il sut faire un digne emploi de son crédit et de sa fortune ?
En 820, grâce à la libéralité de Louis le Débonnaire, il ajouta l'abbaye de Saint-Bertin à ses riches bénéfices. Les envieux n'avaient pas manqué de reprocher à Alcuin l'étendue immense des domaines placés sous sa main, et le nombre des serfs, qu'on portait à vingt mille, soumis à son autorité. C'était le territoire et la population d'une province entière. Il faut en convenir, pour un moine faisant profession de pauvreté, il y avait plus qu'un prétexte à la malveillance.
La conduite de l'illustre abbé de Saint-Martin avait suffi pour imposer silence à ses détracteurs. Fridegise, beaucoup moins célèbre, et jusque-là simple chanoine, pouvait-il se flatter d'échapper aux traits de la malignité? Il n'y avait guère d'apparence; aussi le voyons-nous solliciter l'autorisation impériale pour l'abbaye de Cormery d'élire un abbé régulier.
En 821, c'était un fait accompli : le monastère de Saint-Paul eut sa constitution définitive.
La septième année de l'empire de Louis le Débonnaire, un diplôme fut publié, accordant aux moines de Cormery le pouvoir d'élire un abbé suivant les constitutions de Saint -Benoît. L'abbé devait être choisi parmi les membres de. la communauté. Afin de rendre l'élection plus utile au bien spirituel des frères et d'éviter les conflits, toujours possibles au milieu d'hommes qui ont recours au scrutin pour faire triompher leur volonté, il fut stipulé qu'il serait permis aux moines de conférer le titre de supérieur à un religieux bénédictin tiré d'une abbaye voisine. La liberté des votes fut ainsi maintenue dans une complète indépendance.
Une seule restriction fut imposée à la concession impériale : avant d'entrer en fonctions, le nouvel abbé devait être agréé par le chapitre de Saint-Martin. Enfin l'empereur, suivant en cela les suggestions de son chancelier, régla pour l'avenir que le nombre des moines à Cormery ne dépasserait jamais cinquante, et pour leur subsistance il assigna d'une manière spéciale les revenus des domaines de Tauxigny, de Fereé et d'Antogny en Poitou.
Abbaye de Cormery. (L'aspect de cet édifice a été considérablement modifié, tout récemment, par un orage qui a abattu le clocher.)
Le premier abbé régulier de Cormery fut Jacob. L'histoire ne fait connaître aucun acte important émané de lui : il demeure éclipsé entièrement par Fridegise. A cette époque doivent être attribués les premiers commencements de la ville de Cormery. Quelques maisons ne tardèrent pas à se grouper à l'ombre des murs de l'abbaye; tels furent les débuts de quantité de villes en France.
L'abbé Audacher mérite à juste titre d'êlre compté parmi les principaux bienfaiteurs de l'abbaye et de la ville naissante, Il fonda un marché chaque semaine et deux foires annuelles; afin d'assurer la perpétuité de cette institution, il obtint du prince des lettres de confirmation. Cette concession importante eut lieu en 836; elle subsiste encore, après avoir traversé dix siècles.
Deux ans après, en 838, les pirates normands dévastèrent une partie de la Touraine : Cormery alors fut épargné; mais l’année 853 fut une année néfaste.
En cette dernière année, les habitants de Cormery virent arriver chez eux, et en bon ordre, une pieuse caravane composée de vingt-quatre moines, l'abbé Herberne de Marmoutier en tête, de douze chanoines, et d'une troupe de bourgeois de Châteauneuf en armes.
Cette petite armée était chargée de transporter et de garder la châsse de saint Martin. En quittant Tours, elle avait l'espoir de trouver à Cormery, à vingt kilomètres de la capitale de la province, un asile assez solitaire ou assez impénétrable pour y mettre en sûreté son précieux dépôt. On reconnut bientôt que cette place, à peu près sans défense, ne couvrirait pas suffisamment le trésor que tous étaient si jaloux de conserver. L'escorte reprit sa route par Orléans et Saint-Benoît-sur-Loire; elle s'arrêta enfin à Auxerre. ;
Furieux de voir la châsse de saint Martin soustraite à leur convoitise, les Normands coururent en hâte à Cormery. Il était trop tard; quand ils y arrivèrent, les Tourangeaux étaient loin. L'abbaye de Cormery et les maisons bâties alentour offraient une maigre proie à leur rapacité. Après avoir pris ce qui était à leur convenance, ils y mirent le feu, et s'en allèrent ailleurs poursuivre le cours de leurs terribles aventures.
Après Audacher, mort vers 868, l'abbaye de Cormery eut de mauvais jours à passer. La faiblesse des descendants de Charlemagne avait tout compromis en France. La féodalité s'organisait fortement, et Cormery, comme tant d'autres établissements, allait en subir les funestes résultats. Les terres de Cormery devinrent des bénéfices laïques. Les églises mêmes furent souvent concédées à des hommes d'armes. C'était une désorganisation générale. Le remède enfin, par une disposition de la divine Providence, vint d'où' le mal était sorti.
En 965, Guy, fils du comte d'Anjou Foulques le Bon, petit-fils de Foulques le Roux, possédait trois abbayes, parmi lesquelles se trouvait celle de Cormery. Il avait reçu, tout enfant, ces magnifiques bénéfices comme une espèce d'apanage. Mais, grâce à un attrait céleste, Guy se fit moine et entreprit de faire refleurir la régularité. Sa réputation de sainteté, plus encore que la puissance de sa famille, le firent monter sur le siège épiscopal du Puy-en-Velay, en 976. La trace de son séjour à Cormery ne s'effaça jamais. Le monastère, grâce à son influence dans le monde, grâce surtout à son amour pour l'institut bénédictin, lui fut.redevable d'une véritable renaissance.
A partir de ce moment, l'abbaye suivit un long cours de prospérités. Les donations abondèrent; les bâtiments furent rebâtis et agrandis. La cause principale de ces largesses fut la régularité exemplaire des moines.
Au XIIe siècle eut lieu un événement extraordinaire que nous devons rapporter, comme ajoutant un trait caractéristique à la physionomie du moyen âge.
Il s'agit du jugement de Dieu par l'épreuve du fer rouge. Nous avons eu précédemment occasion de raconter la terrible épreuve de Pierre Ignée traversant un brasier ardent.
Voici le fait qui se passa en 1123, à une époque où ces effroyables moyens de preuve allaient disparaître pour jamais. Foulques, père de Geoffroy Plantagenet, possédait le château de Montbazon, et à ce titre il revendiquait la propriété, du moins en partie, de la forêt de Bréchenay.
Les moines de Cormery, possesseurs primitifs de ce domaine, avaient arraché les arbres, défriché la terre et réussi à donner à l'agriculture un sol des plus fertiles.
Par suite des guerres, la campagne de Montbazon, plusieurs fois ravagée, devenue le refuge de bandes de voleurs, était tombée dans l'abandon le plus déplorable. Les métairies avaient été détruites, les paysans égorgés ou mis en fuite. Les champs restaient sans culture. Il paraît que les prévôts du comte trouvaient leur profit dans ce désordre ; car, en laissant croître les bruyères et les buissons, ils voulaient que les terres de l'abbaye fussent de nouveau converties en forets. Les moines s'efforçaient d'essarter les parcelles voisines de leur terre de Veigné; mais ils étaient repoussés avec violence.
Un des plus ardents opposants était Gautier, surnommé Fais mal, Fac malum, ou Fémau. Fatigués des injures de ce malfaiteur, les moines et les colons eurent recours au comte. Celui-ci, reconnaissant que les plaintes étaient fondées, révoqua Gautier et mit un autre prévôt à sa place. La querelle cependant n'était pas finie. Les moines furent encore molestés, et leurs colons maltraités.
A la fin, Thibault et Albert, moines de Cormery, se rendirent à Chinon, où se trouvait Foulques, comte d'Anjou et de Touraine, réclamant justice et offrant de prouver la vérité de leurs allégations.
Le comte ordonna que les moines fussent admis à faire preuve par le jugement de Dieu : il s'agissait de subir l'épreuve du fer ardent. Eudes Amaury, le tenant de l'abbaye, resta renfermé trois jours avant celui du jugement.
Au moment de l'épreuve, il saisit le morceau de fer rougi au feu et le porta jusqu'à l'église Notre-Dame de Montbazon. La main fut enveloppée aussitôt, et attachée avec des liens sur lesquels on apposa des sceaux.
Le troisième jour, les sceaux furent rompus à Veigné, en présence d'un grand nombre de témoins. Eudes Amaury avait la main saine, sans la moindre trace de brûlure. Aussitôt les moines coururent à Tours rendre compte à Foulques de ce qui venait d'arriver. Le prévôt de Montbazon affirma la vérité du fait. Le comte, déclara que l'abbaye resterait désormais en possession paisible du domaine en litige.
La charte où sont constatées toutes les circonstances de cet événement mémorable porte un grand nombre de signatures, parmi lesquelles nous distinguons celles de l'abbé Mainard; de Thibault et d'Albert, moines de Cormery; d'Isambart Buot, de Constant Moulnier, de Veigné; de Poupart, de Robert, de Vital Bivard, etc.
Il serait sans intérêt de mentionner ici les principaux actes d'acquisition et de cession faits par l'abbaye. Arrivons à des événements d'un intérêt plus général.
En 1358, des bandes d'Anglais et de Gascons, venant de Loches, menacèrent le pays de Cormery. Le 21 mars de cette année, les Anglais parurent devant la ville, sous la conduite de Basquin du Poncet. Nous sommes aux plus mauvais jours de notre histoire. Des aventuriers de toute espèce profitent de nos discordes civiles pour semer dans nos pacifiques campagnes le désordre, le pillage, le meurtre, et l'incendie. La Touraine était alors le dernier boulevard de la monarchie française. Maîtres sans combat d'une petite ville sans défense, les ennemis livrèrent les maisons au pillage et ruinèrent les habitations de ceux qui essayèrent de se défendre. Qui pourrait peindre ces scènes de désolation ? Plusieurs habitants furent égorgés ou couverts de blessures ; les autres furent maltraités, et tous mis à rançon.
L'église Notre-Dame du Fougeray fut profanée. Ces brigands ne respectèrent rien. Les femmes et les enfants subirent les derniers outrages. Cinq jours après, l'abbaye tomba en leur pouvoir. La nef de l'église fut transformée en écurie, où ces hordes de barbares placèrent leurs chevaux. Inutile de dire que le vol fut le moindre des excès auxquels ils s'abandonnèrent. Détournons les yeux de ce triste spectacle. Après avoir pillé, ils démolirent; après avoir démoli, pour achever leur triste tâche, ils brûlèrent.
Quand la ville n'offrit plus rien à leurs déprédations, ils dévastèrent les campagnes : Vontes, Aubigny, Montchenin, Truyes, Tauxigny, Esvres, Louans, Saint-Baud, eurent particulièrement à souffrir. Ces horreurs se prolongèrent plus d'une année. Les chefs de ces compagnies indisciplinées avaient d'abord exigé des moines Une rançon qu'il leur fut impossible de payer. Comprenant à la fin que la continuation de leur occupation mettrait l'abbaye dans l'impossibilité absolue de rien payer, puisque ses domaines principaux étaient ruinés et continuaient à ne rien produire à ils firent eux-mêmes des propositions moins dures. L'abbé Gérard accepta. Il avait hâte de revoir son cloître, d'en relever les murailles, et de purifier le sanctuaire profané. La rançon fut soldée; les moines revirent leur monastère délabré : cinquante ans après, les ruines n'étaient pas entièrement réparées. Les.habitants de la ville pleuraient en voyant leurs pauvres demeures bouleversées, portant les traces sinistres de l'incendie. Les bénédictins ?. malgré leur propre détresse, furent la providence de ces infortunés. Quels que fussent les malheurs du temps, ces désastres peu à peu se réparèrent et s'oublièrent. Des jours plus calmes succédèrent à l'orage : l'abbaye, comme le phénix de la Fable, sortit de ses cendres. Elle eut encore des jours heureux; mais la commende lui fut aussi défavorable qu'à tant d'autres célèbres communautés.
La congrégation de Saint-Maur, en 1662, vint y faire refleurir toutes les vertus du cloître.
Hélas ! déjà au XVIIe siècle l'institut monastique penchait vers son déclin. De fausses idées envahissaient les esprits. Il n'était pas difficile de prévoir qu'un changement allait s'opérer. Dans les décrets insondables de la providence de Dieu, ces vieilles fondations séculaires allaient disparaître en un seul jour.
En 1790, lorsque la Révolution viendra brutalement frapper à leur porte et les chasser de leur pieux asile, les moines ne feront entendre aucune parole de malédiction; ils se disperseront sans murmurer. Mais ils ne quitteront pas avec indifférence leur tranquille retraite : lorsqu'ils en franchirent le seuil pour n'y plus revenir, ils étaient profondément tristes, mornes, silencieux, et plusieurs versaient des larmes. La population de Cormery n'a pas oublié cette scène touchante ; les vieillards qui viennent de disparaître racontaient avec émotion les suprêmes adieux que les moines adressèrent à leur chère et illustre abbaye de Cormery.
Tous les restes romans existant encore dans les ruines de l'abbaye de Cormery ont fait partie de l'ancienne église abbatiale. Cette église se composait d'un important clocher formant façade (la tour Saint-Paul actuelle); d'une nef divisée en cinq travées, flanquée de bas- côtés étroits qui se prolongeaient autour d'un chœur porté sur six colonnes. Ces bas- côtés donnaient accès à plusieurs chapelles latérales et absidales. Un transept séparait la nef du chœur.
Une vue de l'abbaye de Cormery de 1699 nous apprend qu'un second clocher plus petit surmontait le milieu de la croisée. A l'heure actuelle, une rue occupe la place de la nef, et les bas- côtés sont englobés dans des constructions modernes.
Comme l'attestent les vestiges qui nous sont parvenus, ce monument, comme un certain nombre d'églises tourangelles, représentait un sanctuaire antérieur au XIe siècle, restauré à cette dernière époque et durant les périodes suivantes.
Plusieurs dessins de Gaignières, conservés à la Bibliothèque nationale, nous ont conservé le souvenir de différents tombeaux ornant encore au xvn' siècle l'intérieur de cet abbatiale. De cet ensemble qui devait être si intéressant, il ne reste plus, indépendamment de la tour Saint-Paul, d'une chapelle gothique du chevet et d'une troisième tour appelée la tour Saint-Jean, construite en 1463, à l'extrémité du croisillon Sud pour fortifier l'abbaye de ce côté, que des vestiges en petit appareil, quelques ouvertures très anciennes et deux colonnes surmontées de curieux chapiteaux.
Parmi ces divers éléments, examinons par ordre de dates ceux qui intéressent notre étude, c'est-à-dire les restes romans.
Vestiges antérieur à l’an mille
Ces vestiges construits en petit appareil ont fait partie, comme nous allons le démontrer, de la façade, des bas- côtés et du transept d'une église très ancienne qui fut restaurée au XIe' siècle et à diverses reprises dans la suite. Cette église carolingienne était assez vaste, ayant été édifiée sans doute après la constitution définitive du monastère, lorsque les constructions de la modeste cella fondée par Hitier devinrent insuffisantes.
La charte de l'an 83l publiée par dom Bouquet et que nous avons citée, nous apprend que Fridégise, successeur d'Alcuin comme abbé de Saint-Martin de Tours et de Saint-Paul de Cormery, commença dans ce dernier monastère l'entière réfection de révise « Monasterii ecclesiam a novo opere inibi construi fecit », dit cette charte.
Suivant Raoul Monsnier qui, vers 1665, écrivit une histoire de l'église Saint-Martin dont il était chanoine, l'abbé Jacob, successeur de Fridégise, acheva ces travaux vers l'an 834.
Ce furent probablement ces constructions que dévastèrent les Normands environ vingt ans plus tard, comme semble l'attester une autre charte en date du mois de mai 856, suivant laquelle Audacher, alors abbé de Cormery, acceptant une donation faite par un personnage de Perrusson en Touraine, en laisse la jouissance aux frères du donateur, à la condition que ceux-ci ~travaillent avec zèle à rebâtir, à restaurer et à agrandir l'église Saint-Paul de Cormery.
Abbayes et monastères de France : histoire, monuments, souvenirs et ruines / par M. l'abbé J.-J. Bourassé,...