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PHystorique- Les Portes du Temps
21 juin 2023

LES MARINS VENDÉENS SUR LE VENGEUR A LA BATAILLE NAVALE DU 13 PRAIRIAL AN II (1er juin 1794).

L'Achille, le HMS Brunswick et le Vengeur du Peuple accrochés ensemble

L'année 1794 menaçait la France de la disette. Pour éloigner ces menaces, le Gouvernement avait fait acheter des grains en Amérique, et un nombreux convoi de blés et de farines, escorté par le contre-amiral Van Stabel, avait déjà quitté les États-Unis, et se dirigeait vers les côtes de France.

Le départ, la marche et la route de ce convoi, signalés en France, l'étaient aussi en Angleterre.

Les deux peuples, alors en guerre, armèrent deux flottes, se donnant pour mission, l'un d'assurer l'entrée dans les ports du convoi impatiemment attendu, l'autre de lui en interdire l'accès et de s'en emparer.

La flotte française, forte de vingt-six vaisseaux et de quelques frégates, sortit de Brest le 8 prairial an II, commandée par le contre-amiral Villaret-Joyeuse, ayant avec lui sur la Montagne, autrefois l'Océan, le représentant du peuple Jean-Bon-Saint- André, qui écrivit plus tard le journal de la campagne.

La flotte anglaise, aux ordres de l'amiral Howe, composée de vingt- sept vaisseaux, dont quatre à trois ponts, d'un assez grand nombre de frégates et de bâtiments légers, croisait dans l'Océan. »

Le 9 prairial les deux flottes se rencontrèrent pour la première fois, mais la journée se passa en reconnaissances et en évolutions.

Le lendemain 10, le combat s'engagea. Il ne dura pas moins de neuf heures, fut soutenu de part et d'autre avec une égale ardeur, causa aux deux adversaires une perte à peu près égale en hommes et en vaisseaux ; mais le champ de bataille resta au Français.

C'étaient pour eux un succès.

Leur armée, en effet, comptait moins de vaisseaux, et de moins forts, que l'armée anglaise. Leurs équipages avaient été formés à la hâte de paysans enlevés à leur charrue par la réquisition ; leur état-major, décimé par l'émigration, s'était recruté parmi les capitaines du commerce, les officiers auxiliaires de la marine, les pilotes et les simples matelots, dont les nécessités de l'époque avaient fait des commandants ; enfin leur amiral, lui-même, Villaret-Joyeuse, brave et intelligent d'ailleurs, n'était capitaine de vaisseau que depuis deux ans, quand il fut élevé tout à coup au grade de contre-amiral, et investi d'un commandement aussi important L'engagement du 10 n'était que le prélude de la grande bataille du 13.

Un brouillard épais enveloppa les deux flottes pendant deux jours et les déroba l'une à l'autre ; mais, le troisième au matin, il se dissipa, et elles se retrouvèrent en présence. A neuf heures, elles étaient aux prises.

Le plan du vieil amiral Howe était de couper la ligne française, comme le fit plus tard, à son exemple, son compatriote Nelson, à Trafalgar.

 Elle fut coupée en trois endroits, notamment au centre, où combattait Villaret-Joyeuse.

Grâce à une fausse manœuvre du Jacobin, matelot d'arrière de la Montagne, celle-ci se trouva enveloppée par six vaisseaux ennemis, au feu desquels elle répondit sans désavantage pendant près d'une heure, et dont elle sut enfin se débarrasser.

 « Elle soutint son nom et jamais volcan n'avait vomi un torrent de feu comme ce vaisseau (2) ; » mais son capitaine avait été tué, l'amiral renversé de son banc de quart ; un tiers de son équipage était hors de combat, sa coque trouée et ses manœuvres hachés. Les vaisseaux anglais qui lui avaient prêté le flanc, sans en excepter la Queen-Charlotte que montait l'amiral Howe, n'étaient pas moins maltraités qu'elle.

Partout, si on avait souvent mal manœuvré, on s'était bien battu.

Après six heures « d'un combat sanglant et tel que l'histoire de la marine n'en offrait nul exemple (3) », des vaisseaux français et anglais, en nombre à peu près égal, rasés et désemparés, restaient en place sans pouvoir manœuvrer.

Si nos frégates eussent pris nos vaisseaux à la remorque, comme le firent pour les leurs les frégates anglaises, pas un des nôtres ne fût probablement tombé au pouvoir de l'ennemi.

Mais, tandis que les Anglais exécutaient cette manœuvre de sauvetage, l'amiral Villaret-Joyeuse restait en panne, sans donner d'ordres. Cette inaction de deux heures, que tous les marins expérimentés lui ont reprochée, et que l'on ne saurait attribuer qu'à la volonté de Jean-Bon-Saint-André, laissa aux Anglais le temps de remorquer leurs vaisseaux et d'amariner les nôtres. Elle nous coûta sept vaisseaux, dont six pris et un coulé.

L'avantage pour nous de cette bataille fut de permettre, le jour même où elle se livrait, au convoi de Van Stabel de passer, sans être inquiété, à 25 lieues de là, à l'endroit où avait eu lieu le combat du 10, au milieu d'épaves flottantes, de gagner le port de Brest, de rassurer la France inquiète et d'y ramener l'abondance.

Parmi les vaisseaux dont les commandants se distinguèrent par leur intrépidité, dans la journée du 13 prairial, et auxquels l'histoire a accordé une mention d'honneur, il faut citer l'Achille et le Sans-Pareil, qui repoussèrent l'attaque successive de six ou sept vaisseaux ennemis; l'Impétueux, qui vit tomber sur leur banc trois de ses capitaines, et ne se rendit qu'avec ses mâts coupés, ses poudres mouillées et sa batterie basse submergée; enfin, le Vengeur, s'enfonçant aux cris de Vive la République (4) !

Le Vengeur !..... si j'ai parlé de la bataille de Prairial, ce n'est pas pour en reproduire les détails, racontés par tous les historiens de la Révolution : c'est pour en détacher le glorieux épisode de ce vaisseau, redire son héroïque combat et sa fin plus héroïque encore.

 

Il avait trente-deux ans d'âge en 1795.

D'abord le Marseillais, puis le Vengeur du peuple, et par abréviation, le Vengeur, ce vaisseau de 74 avait été construit en 1762, et refondu à Rochefort en 1788.

 Il avait pour capitaine en premier Jean-François Renaudin, et pour capitaine en second Mathieu-Cyprien Renaudin, cousins germains ; les fils des deux capitaines servaient comme mousses avec les pères.

François et Cyprien Renaudin étaient nés d'une famille de marins, peut-être de pêcheurs, l'un à Saint-Martin-du-Gua, en 1750, l'autre à Saint-Denis-d'Oléron, en 1757 (5).

François Renaudin, dont le nom est désormais inséparable de celui du Vengeur (6), n'avait reçu qu'une éducation imparfaite.

Comme la plupart des officiers de ce temps-là, c'est à peine s'il savait lire et écrire. Il fit son apprentissage, fort jeune, dans la marine marchande, à laquelle l'emprunta la marine militaire.

Lieutenant de frégate auxiliaire — 1779, — puis entretenu 1782, — sous-lieutenant de vaisseau — 1785, — puis lieutenant — 1792, — il avait commandé la flûte la Dorade, sur laquelle il avait eu quatre engagements qui lui avaient fait grand honneur; après la Dorade, la frégate l’Andromaque, avec laquelle il avait soutenu un combat de huit heures contre un vaisseau et quatre frégates espagnols.

C'est après ces deux combats que la République, qui l'avait trouvé officier bleu (7), en fit un capitaine de vaisseau — 1793 — et lui donna le commandement du Vengeur, attaché à la flotte de Brest.

Ce commandement, très court, dura toutefois assez pour immortaliser son nom.

Dans l'affaire du 10 prairial, Renaudin sut, en soutenant le feu de dix vaisseaux anglais, empêcher l'exécution du plan de l'amiral Howe, qui voulait couper la ligne française.

La Montagne et le Scipion vinrent le dégager; il avait de graves avaries.

Le 13 prairial, le Vengeur eut d'abord affaire à deux vaisseaux ennemis, dont l'un à trois ponts.

 Puis un autre, le Brunswick, en le rangeant de très près, l'accrocha avec son ancre. Liés ainsi l'un à l'autre, les deux vaisseaux dévièrent de la ligne et commencèrent un combat qui ne devait finir que par la destruction de l'un d'eux.

Ils étaient si rapprochés, que les canonniers français ne pouvaient, faute d'espace, faire usage de leurs écouvillons en bois, tandis que les Anglais, qui en avaient en corde, pouvaient facilement se servir des leurs.

 L'anglais avait donc la disposition de toutes ses pièces, pendant que le français était réduit à celles de son avant et de son arrière.

Malgré ce désavantage, elles furent si bien servies et si bien appuyées par la mousqueterie, que bientôt le capitaine du Brullswick, mortellement blessé, fut emporté et remplacé sur son banc; qu'un grand nombre de ses officiers, soldats et matelots furent tués ou mis hors de combat; que son pont désert n'offrait plus qu'une faible résistance et qu'un double incendie éclatait à bord.

Déjà, pour l'éteindre, plusieurs hommes du Vengeur étaient passés sur le vaisseau ennemi, qu'ils considéraient comme leur conquête, et Renaudin allait l'enlever, quand il fut assailli par deux nouveaux ennemis.

C'étaient un vaisseau de 80 et le Ramillies, dont le capitaine, sir Henry Harvey, était frère du commandant du Brunswick. Voyant le danger qui menaçait ce dernier, sir Harvey s'était hâté de venir à son secours.

Loin de se laisser abattre, Renaudin communique son ardeur à son équipage, et le combat recommence, non moins acharné, avec ces deux adversaires, qu'il force encore à s'éloigner.

Mais le Vengeur, dans ce nouvel engagement de près de deux heures, avait perdu tous ses mâts et un tiers de son équipage: l'eau avait pénétré dans les soutes et gagnait de toutes parts. Vainement des canons avaient été jetés à la mer et tous les bras valides mis aux pompes; l'eau montait toujours et était déjà arrivée à l'entrepont (8).

Renaudin, dans cette extrémité, fit amener son pavillon en berne.

Les canots anglais s'approchèrent alors, et « reçurent tous ceux qui les premiers purent s'y jeter (9) ».

 Renaudin y prit place avec son fils et deux cent soixante-sept hommes de son équipage.

 

Mais les malades et les blessés, au nombre de deux cent six, étaient restés sur le Vengeur, qui s'enfonçait peu à peu.

Ces malheureux, « les mains levées au ciel, et poussant des cris lamentables, imploraient du secours » ; quand ils virent qu'ils l'attendaient inutilement et que le Vengeur sombrait, l'enthousiasme étouffa la crainte de la mort, » leur dernier vœu fut pour la patrie et leur dernier cri : «Vive la Nation ! Vive la République ! » Ils disparurent dans le gouffre béant.

« Plusieurs hommes revinrent à la surface, les uns sur des planches, d'autres sur des mâts et des débris du vaisseau. Ils furent sauvés par un cutter, une chaloupe et quelques canots (10). »

Et dire que si Villaret-Joyeuse, s'inspirant des événements et ne tenant compte des ordres du commissaire de la Convention, qui avait quitté le pont après les premières volées, eût envoyé une remorque au Vengeur, comme l'amiral Howe en avait fait porter une au Brunswick, cette catastrophe eût été évitée et deux cent six hommes arrachés au gouffre !.

Conduit à bord du Culloden, Renaudin y trouva les soins et les égards dus au courage malheureux.

En Angleterre, Tavistock lui fut assigné comme résidence; il y resta deux mois, jusqu'à son échange avec le capitaine Georges Oakes, qui se montra d'une courtoisie de gentleman pour le commandant du Vengeur (11).

 

Tandis que Renaudin rédigeait à Tavistock son rapport, document précieux pour l'histoire, resté longtemps enseveli dans les archives du ministère de la marine, d'où l'a exhumé pour la première fois Jal, l'historiographe, Jean-Bon-Saint-André faisait à la tribune de la Convention — 16 messidor an II, — le récit quelque peu fantaisiste, avec additions ou réticences selon le besoin, des combats des 10 et 13 prairial.

Cinq jours après — 21 messidor, — un plus disert, le rhéteur Barère, présentait à l'Assemblée un rapport plus poétique que vrai.

Jetant un voile complaisant sur les fautes de son collègue de la Montagne, dissimulant la défaite de l'escadre de Villaret et mettant en lumière le magnifique combat du Vengeur, il appelait l'intérêt sur l'intrépidité, l'héroïsme et la mort glorieuse de son équipage.

C'était détourner l'attention de l'Assemblée, et cacher habilement le principal sous l'accessoire.

« Un instant, disait l'orateur, ces hommes ont dû délibérer sur leur sort. Mais non, citoyens, nos frères ne délibèrent plus ; ils voient l'Anglais et la patrie ; ils aimeront mieux s'engloutir que de se déshonorer par une capitulation ; ils ne balancent point ; leurs derniers vœux sont pour la liberté et la République ; ils disparaissent!.

« Une sorte de philosophie guerrière avait saisi tout l'équipage.

« Tous montent ou sont portés sur le pont. Tous les pavillons, toutes les flammes sont arborés ; les cris « Vive la République ! vive  la liberté et la France ! » se font entendre de tous côtés.

 C'est le spectacle touchant et animé d'une fête civique plutôt que le moment terrible d'un naufrage. »

Arrière la fiction et les déclamations !.

Une fête civique célébrée par des blessés et des mourants au moment d'être dévorés par le gouffre déjà béant !.

L'histoire et l'humanité donnent un démenti à la fable et à la rhétorique de Barère.

Après la tribune avec ses amplifications, vinrent la poésie avec ses odes et ses chants de triomphe, la peinture avec ses toiles brillantes.

Ni la tribune, ni la poésie, ni la peinture ne surent rester dans la vérité, assez belle par elle-même, et dont la nudité n'avait pas besoin d'atours.

 Les phrases de Barère, les vers de Lebrun et de Chénier pâlissent devant l'humble prose de Renaudin ; c'est dans son simple récit qu'il faut chercher l'intérêt et l'émotion, et, en même temps, toute la vérité sans exagération et sans emphase.

« Le vaisseau le Vengeur, dit-il, approchait sensiblement du « moment où la mer allait l'engloutir.

Le danger s'accroissait de la manière la plus alarmante, malgré les efforts de l'équipage à pomper et à épuiser.

« L'eau avait gagné l'entrepont ; nous avions jeté plusieurs canons à la mer ; la partie de notre équipage qui connaissait le danger répandait l'alarme. Ces mêmes hommes, que tous les efforts de l'ennemi n'avaient pas effrayés, frémirent à l'aspect du malheur dont ils étaient menacés ; nous étions tous épuisés de fatigue ; « les pavillons étaient amarrés en berne.

« Plusieurs vaisseaux anglais ayant mis leurs canots à la mer, les pompes et les rames furent bientôt abandonnées. Ces embarcations arrivées le long du bord reçurent tous ceux qui, les premiers, purent s'y jeter.

« A peine étaient-ils débordés, que le plus affreux spectacle s'offrit à nos regards : ceux de nos camarades qui étaient restés sur le Vengeur, les mains levées au ciel, imploraient, en poussant des cris lamentables, des secours qu'ils ne pouvaient plus espérer ; bientôt disparurent et le vaisseau et les malheureuses victimes qu'il contenait.

« Au milieu de l'horreur que nous inspirait à tous ce tableau déchirant, nous ne pûmes nous défendre d'un sentiment mêlé d'admiration et de douleur.

 Nous entendîmes, en nous éloignant, quelques-uns de nos camarades former encore des vœux pour leur patrie ; les derniers cris de ces infortunés furent ceux de : « Vive « la République ! »

Voilà la vérité. Ne suffit-elle pas toute seule à la gloire du Vengeur et de son équipage ?.

A peine de retour en France, Renaudin reçut le commandement du Jemnzapes, qu'il échangea plus tard contre celui du Républicain et le titre de contre-amiral.

Malgré le désir qu'il nourrissait d'une revanche contre les Anglais, la fortune ne lui en ménagea pas l'occasion Il eut d'abord sous ses ordres une division de six vaisseaux, destinée à croiser dans la Méditerranée, et fut nommé inspecteur général des ports militaires de l'Océan.

 

 

 

LES MARINS VENDÉENS SUR LE VENGEUR A LA BATAILLE NAVALE DU 13 PRAIRIAL AN II

Nous avons eu deux fois, au cours de ce volume l'occasion de citer l'ardent patriotisme dont firent preuve les marins des côtes vendéennes, et signalé la présence d'un certain nombre d'entre eux dans l'équipage du Vengeur, au combat du 13 prairial an II (1er juin 1794).

On sait que, sur le rapport fait par Barère au nom du Comité de salut public, le 22 messidor (10 juillet 1794), la Convention nationale décréta :

ARTICLE PREMIER. Une forme du vaisseau de ligne Le Vengeur sera suspendue à la voûte du Panthéon, et les noms des braves républicains composant l'équipage de ce vaisseau seront inscrits sur les colonnes du Panthéon.

ART. 2. A cet effet, les agents maritimes des ports de Brest et de Rochefort enverront sans délai à la Convention nationale le rôle d'équipage du vaisseau Le Vengeur.

L'article premier de ce célèbre décret n'a pas reçu son exécution. Mais, conformément à l'article 2, il a été dressé deux rôles qui sont conservés dans nos archives maritimes, l'un à Brest, l'autre à Rochefort, où nous les avons vus et vérifiés.

Celui de Brest est annexé au Journal d'armement du vaisseau LE VENGEUR, coulé à fond dans le combat du 13 prairial.

 Il y est constaté que « le bâtiment fut pris par l'escadre anglaise de lord Howe.», et qu'il sombra « ensuite, ayant 625 hommes à bord ».

Le registre de Rochefort a pour titre : Liste des citoyens composant l'équipage du vaisseau LE VENGEUR DU PEUPLE, faisant partie de l'escadre aux ordres du contre-amiral Villaret, qui était à son bord le 9 prairial de l'an II de la République française, jour de son premier combat contre l’armée anglaise.

On lit sur une bande de papier, collée avant le premier des 193 feuillets:

Le journal d'armement a commencé le 36 nivôse an II ;

La campagne a commencé le 8 ventôse suivant;

La revue a été passée le 2 germinal même année ;

La campagne a cessé le 13 prairial suivant, par la prise du bâtiment par les Anglais ledit jour.

 

Le registre est clos par la note et les signatures qui suivent:

De 367 personnes qu'il y a eu de sauvées, je n'ai pu, jusqu'à ce jour, me procurer les noms que de 265, apostilles sur cette liste : Sauvés.

 J'ai écrit pour avoir ceux des 102 autres ; ils ne me sont pas parvenus. Si je les reçois, je les enverrai à la première occasion.

A Tavistock, cantonnement de Plymouth, en Angleterre, le 6 thermidor, l'an II de la République une et indivisible.

Signé: BONNEAU (désigné dans l’état-major « René Bonneau, sous-chef civil »)

Pour copie: Le chef du bureau des armements,

Mol-Augustin MASSAL.

Pour copie conforme à l'original :

RENAUDIN (13).

 

Brest, le 27 thermidor an II de la République une et indivisible.

 

L'équipage du Vengeur comprenait 723 hommes, dont 193 marins et 230 soldats de garnison.

367 ayant été « sauvés », le total des hommes qui ont péri dans les deux combats du 9 et du 11 prairial, ou qui se sont engloutis avec le vaisseau, est de 356 (14).

Parmi les désignés comme MORTS, nous trouvons :

FRANÇOIS TESSIER, matelot à 27 livres, né aux Sables-d'Olonne, le 16 juin 1774; NICOLAS GUICHETEAU, matelot à 30 livres, né à Beaulieu, le 27 août 1772, inscrit au port des Sables ;

PIERRE PÉAULT, matelot à 27 livres, né à Croix-de-Vie (sans date), inscrit au port des Sables ;

Parmi les désignés comme SAUVÉS, nous relevons :

VINCENT LOUINEAU, enseigne de vaisseau, des Sables, qui a vécu très vieux dans sa ville natale et y était connu sous le surnom du «  Bombardier ».

BENJAMIN LUSSET, enseigne de vaisseau, l'ainé de trois frères, tous capitaines de navire ;

JULIEN GUINEMENT, matelot à 30 livres, né aux Sables, le 17 juin 1773 ;

JOSEPH MORNEAU, matelot à 30 livres, né aux Sables, le 26 mai 1769 ;

ANDRÉ MORNEAU, matelot à 27 livres, né aux Sables, le 30 novembre 1775;

JEAN CADOU, matelot vétéran, de l'Ile d'Yeu ;

AMABLE POINTOISEAU, matelot à 33 livres, de l’ile d'Yeu;

FRANÇOIS POIREAU, matelot à 27 livres, né à l'ile d'Yeu, le 16 septembre 1776 ;

JEAN-BAPTTISTE SOUDEAU, matelot à 27 livres, de l'ile d'Yeu;

HYACINTHE MOIZEAU, mousse, de l'île d'Yeu.

 

Aucune désignation n'accompagne les noms suivants :

PIERRE TESSiER fils, matelot à 27 livres, des Sables ;

ETIENNE BECQ, matelot à 27 livres, né aux Sables, le 16 avril 1771 ;

Louis BARREAUD, matelot à 27 livres, des Sables;

BOUSSEAU (Jean ou Jacques), novice à 24 livres, des Sables ou de l’ile d'Yeu ;

PIERRE NOLLEAU, matelot à 30 livres, de l'ile d'Yeu ;

ETIENNE ROUET, matelot vétéran, de l'ile d'Yeu ;

JEAN DESLANCES, matelot à 27 livrés, de l'île de Noirmoutier.

 

Les noms de Jean Cadou et d'Etienne Rouet, de l’ile d'Yeu, sont dans le Journal d'Armement de Brest, le premier avec la mention « sauvé », le second sans mention ; ils ne se retrouvent pas sur la Liste de Rochefort.

Les indications sur les lieux et dates de naissance de plusieurs sont dues a des recherches très difficiles qu'a bien voulu faire pour nous le commissaire de la marine aux Sables, actuellement à La Rochelle, M. Dusser.

Le Journal d’Armement de Brest indique, dans l’état-major du Vengeur :

 

PIERRE ROUILLÉ, aspirant de marine, des Sables, - « était malade à terre; passé ensuite second sur le transport le Sablais ».

Le dépouillement des matricules du quartier maritime des Sables fournit trois noms, qui ne se retrouvent pas dans les deux rôles des Archives maritimes de Rochefort et de Brest :

JEAN-JOSEPH RAFFIN, matelot, né aux Sables, le 5 octobre 1753 ;

AIME  GAUDIVEAU, contremaitre, né aux Sables, le 10 décembre 1756 ;

RENÉ-PIERRE GUÉDON, contremaitre, né à Croix-de-Vie, le 6 août l768.

Rien ne prouve que ces trois marins aient assisté aux combats de prairial, mais ils sont inscrits comme ayant été embarqués sur le vaisseau le VENGEUR.

 

En résumé, il y eut dans l'équipage du Vengeur 24 Vendéens, dont sûrement 20 prirent part au combat de prairial; 3 de ceux-ci y moururent, l'un des Sables, l'autre de Beaulieu-sous-la-Roche, le troisième de Croix-de-Vie.

L'auteur des Biographies vendéennes, C. Merland, dans la vie de René Guiné, rappelait qu'il y eut sur le Vengeur 11 enfants des Sables, et 2 officiers.

M- le docteur Marcel Petiteau, dans l'une des études très érudites qu'il donne à l’Etoile de la Vendée et à la Revue du Bas-Poitou, accepte ces  chiffres et cite 4 morts, qui ne sont pas dans les rôles de l'équipage du Vengeur.

Mais, avec la complaisante collaboration de M. Dusser, nous avons fini par retrouver, dans les matricules du quartier des Sables, les noms cités par M. Petiteau :

HILAIRE MOYNÉAU, canonnier, né aux Sables, le 28 juillet 1761, TUÉ à bord du vaisseau le Jemmapes, dans le combat du 13 prairial;

PIERRE-ANDRÉ BERTHOMÉ, matelot gabier, né aux Sables, le 16 octobre 1766, TUÉ à bord du vaisseau le Trente-et-un-Mai, dans le combat du 13 prairial;

JEAN-BAPTISTE BLANNNEAU, matelot gabier, né à la Chaume, le 8 octobre 1763, TUÉ à bord du vaisseau la République, dans le combat du 13 prairial;

DENIS-MICHEL PENISSON, matelot, né à la Chaume, le 1er novembre 1762, MORT le 21 prairial, des suites des blessures reçues, à bord du vaisseau le Trente-et-un-Mai, dans le combat du 13 prairial an II.

Si donc, à défaut de la colonne du Panthéon, un monument commémoratif devait être érigé par la Ville des Sables-d'Olonne aux fils de la Vendée, qui ont bien mérité de la Patrie et de la République dans la terrible bataille navale du 1er juin 1794, on pourrait y inscrire avec certitude ces 24 noms :

Les marins de la République : le vengeur et les droits de l'homme, la Loire et la Bayonnaise, le 13 prairial, Aboukir et Trafalgar par H. Moulin

 

 

1792 LES CANONNIERS ET LES CANONS DE LA GARDE NATIONALE PERMANENTE <==

==> Le Miroir du passé, 10 juin 1794 la loi du 22 prairial an II

 

 

 


 

(1). L'émigration, en enlevant à la marine ses anciens officiers, avait fait dans les cadres des vides qu'il fallait remplir. Le gouvernement fut obligé de faire appel à la marine marchande, à la course, au pilotage, aux jeunes officiers et aux vieux matelots.

Aussi, parmi les vingt-six vaisseaux qui composaient l'escadre de Villaret-Joyeuse, neuf étaient commandés par de simples capitaines au long cours, quatorze par des lieutenants et sous-lieutenants de vaisseau, deux par des matelots et pilotes, tous promus récemment au grade qu'ils occupaient.

Villaret-Joyeuse lui-même n'était capitaine de vaisseau que depuis deux ans, quand il fut nommé contre-amiral, en 1793, et bientôt après vice-amiral, en 1794. « Il n'y avait rien en lui d'un amiral, ni expérience du commandement supérieur, ni habitude des grandes manœuvres, ni plan, ni coup d'œil, ni improvisation sur le champ de bataille. » (Guérin, Histoire de la marine.) « Villaret-Joyeuse, disait Jean-Bon-Saint-André, est aristocrate, mais brave. »

(2). Rapport de l'amiral Villaret-Joyeuse au ministre de la marine, du 1er juin 1794.

(3). Même rapport de l'amiral Villaret-Joyeuse.

(4).. Il faut, pour réparer un injuste oubli, donner les noms des capitaines de ces vaisseaux : l'Achille était commandé par le citoyen de la Villegris; le San-Pareil, par le citoyen Courand; et l'Impétueux, par le citoyen Douville, qui lui dangereusement blessé.

(5). Tous les biographes qui, avant Jal, avaient parlé des deux Renaudin, s'étaient trompés sur la date de leur naissance et sur leur degré de parenté.

Ils en avaient fait deux frères, et les avaient fait naitre, l'un en 1757, l'autre en 1761. Le rôle même d'équipage du Vengeur du 1er juin 1794, conservé à Brest, indique « Cyprien Renaudin comme frère du commandant et son premier lieutenant ». Jal, qui a vu leurs actes de l'état civil, a établi qu'ils n'étaient que cousins germains, et nés, François le 13 juillet 1750, et Cyprien le 27 mars 1757. (Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire.)

(6) « Le Vengeur, c'est Renaudin; c'est par Renaudin que le Vengeur fut grand. » (Jal, ouvrage déjà cité.)

(7). On appelait officiers bleus les officiers auxiliaires, et on leur donnait ce nom à cause de leur costume qui était tout bleu, sauf les bas qui étaient blancs.

Les officiers du grand corps de la marine portaient l'uniforme bleu, au collet et aux parements rouges, avec veste, culotte et bas rouges.

(8). « Il n'y avait pas un seul point de la guibre du Vengeur où l'on pût placer une règle de deux pieds de long sans toucher deux trous de boulets. » (Lettre du contre-amiral A.-J. Griffiths, du 17 septembre 1838, Revue britannique d'août 1839.)

(9). Rapport du capitaine Renaudin, du 1er messidor an II. (Archives de la marinp, et Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire, Revue britannique d'août 1839.)

(10). Rapport du capitaine Renaudin.

(11). Lorsque l'échange des deux prisonniers eut été accepté par l'Amirauté anglaise, le capitaine Oakes s'empressa de l'annoncer à Renaudin par la lettre suivante: « Monsieur, j'ai l'honneur de vous informer qu'ayant été fait prisonnier de guerre, le 12 janvier dernier, par l'amiral Van Stabel, il m'a mis à terre à Norfolk, en Virginie, le 12 avril, sur ma parole d'honneur de ne pas servir mon pays jusqu'au moment où je serai échangé contre un officier de mon rang.

« Comme il m'a été représenté que votre conduite a été très brave dans le dernier combat avec le comte Howe, et que vous désirez beaucoup de tourner dans votre famille, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'un ordre a été envoyé aujourd'hui à Tavistock pour vous relever de votre parole, à condition que je sois aussi relevé de la mienne. Je vous félicite sur cet événement et vous souhaite un heureux passage en France et le plaisir de trouver votre femme et votre famille en bonne santé….

« Lorsque j'ai été prisonnier, j'ai reçu beaucoup d'honnêtetés de la part du

« capitaine Pillet, qui commandait le Jean-Bart; si vous le connaissez et si vous avez l'occasion de le voir, je vous prie de lui dire que je me ferai toujours un plaisir de rendre tous les services qui seront en mon pouvoir dans ce pays à lui et à ses amis, qui pourraient tomber dans nos mains. Je serais bien aise d'apprendre de ses nouvelles.

« Si vous avez besoin de quelque chose qu'il soit en mon pouvoir de vous offrir pour faciliter votre retour en France, vous avez mon adresse ; j'aurai toujours beaucoup de plaisir à vous être utile. Il pourrait se faire que vous eussiez besoin de quelques guinées ; si cela est, je vous prie de me le marquer et d'agir avec moi sans cérémonie; je prendrai la plus prompte occasion de les faire passer à l'agent des prisonniers.

« G. OAKES.

« J'ai l'honneur.

« 18 juillet 1794. »

A cette lettre obligeante et courtoise, Renaudin, « officier de grande valeur, mais de peu d'éducation et républicain très ardent, » répondit :

« J'ai vu avec plaisir, capitaine, que le Gouvernement avait jeté les yeux sur moi pour vous dégager de la parole d'honneur que vous avez donnée à l'amiral Van Stabel.

« Éloignez, je vous prie, d'un vrai républicain les louanges que vous voulez bien faire sur la manière dont je me suis comporté à l'affaire dernière. C'est celle de mon devoir, et je suis convaincu que tout vrai Français pense comme moi et en aurait fait autant. Je désire, aussitôt mon arrivée en France, d'avoir l'occasion de me mesurer avec vous, et que je puisse être assez heureux de vous faire une pareille offre à celle que je ne puis accepter, n'en ayant nullement besoin.

« RENAUDIN. »

Cette lettre, assez sèche et d'assez mauvais goût, ne rebuta pas le capitaine Oakes, et il y répondit par de nouvelles protestations et de nouvelles offres de service.

« J'ai reçu, écrivait-il, l'honneur de la vôtre aujourd'hui, avec un certificat qui me dégage de ma parole donnée à l'amiral Van Stabel.

«  Par la voiture, je vous envoie dix guinées, et me trouve très heureux d'être utile à un brave; car je n'aurai jamais dispute avec un homme pour sa façon de penser. J'estime celui qui agit suivant ses principes et s'acquitte de son devoir envers son pays. La préférence que vous avez obtenue est en raison de votre bravoure.

« G. 0. »

 

(12). Ce désir, il l'exprimait dans une lettre au ministre de la marine, du 26 août 1794 : « Le désir que j'ai, disait-il, de reprendre sur les Anglais les avantages que la fortune nous a refusés m'a fr.it accepter le commandement « du vaisseau le Jemmapes, et je me suis trouva heureux de pouvoir, en cette occasion, sacrifier à mes devoirs les plus sacrés ma satisfaction particulière.

Pages 311-312 et 496-497.

 (13). Il y avait à bord du Vengeur trois Renaudin : François Renaudin, né à Saint-Martin-du- Gua le 13 juillet 1750, capitaine, commandant en premier; –Cyprien Renaudin père, son cousin-germain, né à Saint-Denis-d'Oléron le mars 1757, lieutenant de vaisseau, commandant en second ; Cyprien Renaudin fils, mousse.

(14). Ces chiffres diffèrent de ceux généralement donnés par les historiens et notamment dans l'excellent ouvrage populaire Les Marins de la République, par H, Moulin (Charavay, Mantoux et Martin, éditeurs), qui contient le meilleur récit, fait jusqu'à ce jour, de la bataille du 13 prairial,

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