Le second fils de Catherine de Parthenay a laissé une triste renommée dans notre province du Bas-Poitou. A l'audace de son frère il joignait la dissimulation, parfois la cruauté ! On peut dire de Soubise qu'il fut « plus reitre que gentilhomme ».
Aussi son nom était-il devenu un terme de mépris, un objet de terreur : il y a peu d'années, dans certains cantons de notre bocage, quand une mère voulait gronder un de ses enfants et lui faire honte, elle l'appelait « Petit Soubise ».
Henri de Rohan avait confié à Soubise le soin de garder Saint Jean-d'Angély considéré comme le boulevard de la Rochelle.
Louis XIII se décide brusquement à marcher en personne contre Soubise retranché dans Saint-Jean-d'Angély.
Les chroniqueurs racontent qu'un héraut d'armes se présenta aux portes de la ville, et sans se découvrir, dit à Soubise :
« À toi Benjamin de Rohan ; le roi ton souverain seigneur et le mien, te commande de lui ouvrir les portes de sa ville de Saint-Jean-d'Angeli, pour y entrer avec son armée. À faute de quoi je te déclare criminel de lèse-majesté au premier chef, roturier toi et ta postérité, tous tes biens confisqués : que les maisons seront rasées de toi et de tous ceux qui t'assisteront.
— Je ne puis répondre que comme soldat, répliqua Soubise, qui était resté couvert.
— Tu ne dois répondre ni comme soldat ni comme capitaine, reprit le héraut, avant que tu sois dans ton devoir : sache que quand je te parle au nom du roi, ton seigneur et le mien, tu dois avoir le chapeau à la main.
Hautefontaine, vieil officier, excusa la faute de son chef, en disant : « M. de » Soubise n'ayant jamais reçu une « pareille sommation, il est excusable de n'en pas connaître les formalités. Si on lui avoit dit qu'il faut mettre un genou en terre, il les auroit mis tous les deux. »
Soubise donna, pour réponse, ces mots écrits de sa main. Je suis très humble serviteur du roi : mais l'exécution de ses commandements n'est pas en mon pouvoir. Benjamin de Rohan. »
Assiégée, ville fut obligée de capituler après trois semaines de siège (juin 1621).
Amené devant Louis XIII, Soubise lui jura fidélité. Croyant à la sincérité de ce serment, le roi pardonna au rebelle sa félonie et lui rendit ses bonnes grâces.
Moins de huit mois ensuite, Soubise s'empresse d'oublier ses serments ; nous le voyons à la Rochelle acceptant de l'Assemblée un corps de 3, 000 hommes avec lesquels il entre en Bas-Poitou.
Sur son passage il soulève les protestants du pays ; à l'aide de cette bande de soldats avides de sang et de pillage il sème la terreur jusqu'aux portes de Nantes, brûlant les églises qu'il a dévalisées, égorgeant les catholiques et pendant les prêtres, les religieuses et les moines, après leur avoir fait subir mille outrages.
Emu des désastres inouïs causés à ses sujets par Soubise et sa bande, Louis XIII vole au secours de son peuple. Soubise s'était retranché dans l'île de Riez, avec 6 ou 7,000 hommes et 7 pièces de canon.
Sa position semblait inexpugnable, l'île de Riez n'étant reliée à la terre forme que par une chaussée étroite longue de près de doux lieues. A la faveur de la nuit et à marée basse, le roi franchit le passage avec toutes ses troupes, et tombe à l'improviste sur l'armée protestante Soubise, qui n'avait pas su prendre ses mesures, oublia ses devoirs de général et do soldat. Abandonnant ses troupes à la merci du vainqueur, il ne songe qu'à la retraite : 4,000 réformés mettent bas les armes ; le reste prend la fuite, et est en partie massacrée par les paysans exaspérés des maux que les rebelles leur ont fait souffrir.
Soubise se réfugia à la Rochelle ; la population, outrée de son humiliante déroute et de sa fuite honteuse, lui prodigua les insultes les plus cruelles. Moins sévère, la postérité pourrait peut-être excuser le manque de sang-froid d'un révolté en face de son roi ; mais elle blâmera sévèrement l'impéritie du général qui néglige de garder un peste où une poignée d'hommes eût suffi pour arrêter une armée entière au milieu de marais quo la multiplicité dos canaux renduit presque inaccessibles.
Catherine et ses filles ressentirent vivement l'humiliation d'une telle aventure : la plus jeune soeur de Soubise « la belle Anne, savante et sage » (1), ne put supporter, sans s'en prendre à son frère, le cruel chagrin que lui causa sa félonie. Elle lui écrivit une lettre pleine de regrets amers, dans laquelle l'élévation des pensées et la noblesse des sentiments s'allient à l'éloquence du coeur :
« Le ciel, contribuant à ma peine, semble se douloir avec moi de la fatalité de votre désastre... Maintenant la bonne réputation de notre ancienne race est ensevelie dans le tombeau de l'oubli, puisque votre rechute a corrompu la bonne odeur que la bonne renommée de notre illustre famille avait conservée jusques à vous.
« C'est un mal d'offenser ; et vous savez bien que c'est un mal irrémissible d'offenser son prince. Vous vous deviez contenter d'un premier pardon sans vous mettre au hazard de n'avoir plus de grâce : on ne doit jamais abuser de la miséricorde d'un bon roi....
« D'ailleurs quelle gloire avez-vous acquise en votre rébellion ? J'entends de toutes parts les gémissements des veuves et des orphelins, que la cruauté des armes a destitués d'amis, redonder sur nos têtes, et les plaintes du peuple justement animé étonnent nos oreilles.
« De tous côtés on publie votre malheureux sort, et il n'y a celui qui ne vous crie le père et l'autour de l'affliction publique.
« Ce n'est pas peu d'être mal voulu du monde, c'est beaucoup de conserver son honneur, et depuis qu'on fait une fois banqueroute à cette qualité, on flotte à tout vent. On estime que vous avez mené vos gens à la boucherie, et les avez exposés à la discrétion du soldat ……
« C'est en quoi vous êtes blâmable, car puisque vous les aviez engagés au péril, vous deviez courir avec eux un semblable danger, et non pas les abandonner lorsqu'ils avoient le plus besoin de vous. Depuis que le chef prend la fuite, les compagnons se mettent en déroute C'étoit là où il falloit vaincre ou mourir, puisque vous y étiez obligé. Vous êtes perdu du tout, car de vous remettre il vous est impossible.
« Faites merveille, vous aurez de la peine à réparer cette brèche. La vie d'un homme ne suffit pas pour acquérir une bonne renommée, et un moindre bronchement est capable de détruire toutes les bonnes actions qu'on a jamais faites. Il faut beaucoup pour acquérir une bonne réputation, mais il faut peu pour se mettre en mauvaise odeur : cent bonnes actions sont étouffées par une seule faute, et c'est ce qui maintenant nous fait gémir et pleurer.
« Que dira-t-on maintenant de la maison de Rohan qui a marché de pair avec les rois et est maintenant ravalée jusques à l'indifférence par votre soule ambition. La gloire d'être chef d'une société séditieuse vous a fait franchir les bornes du devoir; vous ne deviez entreprendre que ce qui étoit juste ....
« Or sus, mon cher frère, ce n'est pas tout ; puisque c'est une faute, il faut la couvrir. Tâchez à amender votre marché, et moi je prierai Dieu qu'il préside à vos conseils, et conduise tout havre de grâce, pour son honneur et sa gloire. »
Plusieurs autours attribuent à un bourgeois de la Rochelle une chanson on patois sur la déroute de Riez. « Nul autre récit ne poindrait mieux la joie de nos pauvres paysans, furieux des dévastations que commettaient alors les huguenots dans les campagnes du Poitou restées catholiques. »
Nous ne croyons pas sortir de notre cadre en transcrivant à cette place quelques couplets de cette chanson populaire.
Chanson poitevine sur la réjouissance de la déroute du sieur de Soubise et de ses gens dans l'Ile de Riez par le roi Louis XIII, d'heureuse mémoire,
(Extraits).
REFRAIN
Vive le Ré, netre ban sire
0 n'en fut jamais un itau (2).
I quiou ben Monsiou de Soubise,
Qui s'dit le ré dos parpaillaux (3),
Tôt embuffi do vont de bise,
A monti su nez grons chivaux
.
Gle sant sortis de la Rochelle
Pre fére la loi aux papaux,
Ponsont d'ine façon ribelle,
Les mongi en in grain de sau (4),
Pre fére in moult bea sacrefice
A lur gront dlamoure infernau,
Lie firent brûli nous Eglises,
Etounirant (5) tos nous houstaux.
Netre ban Ré vinguit à Nantes
Pre buttre fin à nos travaux,
Et d'ine façon bon galante,
Dounit la chasse aux parpaillaux.
Gle fit ni ben, pre sa finesse
Qu'en ine net(6), tôt d'in plain sault,
Avec sa brave noblesse,
Gle surpringuit lez parpaillaux.
Vertu Dé! la grond boucherie
Qu'ol on fut fat dan in journau !
I cré que plus de quatre mille
F'urant guaris de tot lurs maux.
Quand i entendis la huée
Et la chasse des parpaillaux,
I ve pris ma gronde cougnée,
Et les fendas queme naviaux.
Qu'o sont geons de poi de cervelle
Qu'iallez malotrus parpaillaux
De se brûli à la chondelle,
Après que gl'ont fat tant de maux !
Chaulons tretons à plaine taite,
La défaite des parpaillaux ;
Pre netre Ré fasons grond faite,
Priant Dé que glz gard' de maux,
Vive le Ré, netre ban sire...
(La gente poëtevinrie, p, 35, linp, en 1660.)
Soubise perd l’ile de Ré le 15 septembre 1625
L'année suivante, Soubise, auquel le roi avait encore pardonné, osa paraître à la cour avec madame la duchesse de Rohan, ce qui ne l'empêcha pas quelques mois après, en 1624, d'oublier la grâce que son frère et lui, à genoux aux pieds du roi, avaient obtenue de Sa Majesté.
Il sollicite l'appui des Rochelais pour une expédition qu'il projetait contre une partie de la flotte royale mouillée à l'embouchure du Blavet. Désapprouvant les projets de Soubise, et ne voulant pas engager une nouvelle lutte contre leur souverain, le corps de ville lui intima l'ordre de sortir de l'ile de Ré, son refuge ordinaire après ses courses sur mer.
Malgré cette opposition, Soubise parvint après mille dangers à s'emparer, en Bretagne, de quelques vaisseaux, et à les ramener triomphalement dans le port de la Rochelle.
Cette heureuse expédition lui permit d'armer une flotte composée de 74 navires de guerre, montée en grande partie par ces hardis marins rochelais qui passaient alors et à juste titre pour les meilleurs matelots de l'Ouest.
Après avoir forcé l'entrée de la Gironde et ravagé les côtes du Médoc, Soubise, apprenant que la flotte royale soutenue par une escadre hollandaise le cherchait pour le combattre jeta l'ancre à l'île de Ré, sous la protection des forts de Saint-Martin.
Sans perdre de temps, Soubise envoie un parlementaire à l'amiral hollandais pour lui observer que, tous deux étant de la même religion, ils doivent surseoir aux hostilités. L'amiral y consent dans l'espoir que la paix qui se traite à Paris va se conclure : on échange même des otages, lorsque, au mépris de la foi jurée, Soubise tombe inopinément sur la flotte combinée.
Deux brûlots rochelais, dirigés sur la flotte hollandaise à la faveur du vent et de la marée, s'attachant aux lianes du navire que commandait le vice-amiral Dup, le brûlent et font périr 300 hommes.
La victoire reste indécise : chaque flotte se retire dans son mouillage.
Indigné d'une telle félonie, Louis XIII envoie aux Sables d'Olonne le duc de Montmorency avec ordre de se mettre à la tête d'une flotte composée de 66 voiles.
Le 12 septembre 1625, l'amiral de France mit à la voile, et alla à la rencontre de Soubise; il avait pris son poste à l'avant-garde sur le vaisseau de l'amiral hollandais.
Un chef d'escadre refusa de marcher, prétendant qu'il n'était point là pour combattre, mais pour traiter. Le duc lui fit signal que s'il n'avait pas levé l'ancre au troisième coup de canon, il lui courroit sus comme ennemi, Cette menace le rendit docile.
Le 14 septembre, à 11 heures du soir, la flotte royale appareille, et à 10 heures du matin elle arrive par le travers du Perthuis-Breton ou les navires des Rochelais étaient mouillés.
Rallié par quelques vaisseaux anglais envoyés comme renforts, Montmorency attaqua Soubise, dont la flotte comptait vingt-six vaisseaux.
L'héroïque marin avait peu pratiqué la mer, et l'expérience du Hollandais vraisemblablement lui vint en aide.
Cependant, on dit « qu'il sut prendre ses advantages, donner ses ordres et faire ses attaques aussi judicieusement que si une longue expérience lui eût appris toutes les finesses de la mer.
L'amiral Houstain et les capitaines, qui étaient près de lui, furent plutôt ses admirateurs que ses conseillers, et reconnurent que les hommes que Dieu destine aux actions extraordinaires viennent au monde avec les vertus qu'il faut pour les achever. »
Averti par ses émissaires que des chaloupes chargées de soldats royalistes cinglent vers l'ile de Ré, Soubise lève l'ancre et s'empresse de mettre sa flotte en sureté dans le canal étroit qui conduit de la haute mer au port de la Rochelle.
Il se hâte de débarquer dans l'île et vole au secours de la garnison à la tête de 600 hommes, de 120 chevaux et de 4 pièces de canon.
Les troupes royales, malgré le feu violent des Rochelais, se lancent résolument à l'eau, ayant à leur tête le brave Toiras (7)
Le choc fut terrible et la victoire longtemps indécise.
Soubise se battit comme un lion : Montmorency combattit à l'avant-garde, et fit essuyer à Soubise de si rudes bordées que le chef protestant vira de bord et se jeta, avec quatre de ses gros vaisseaux, dans la fosse de l'Oie, où il s'échoua.
800 rebelles restèrent sur la place, 400 se noyèrent dans les marais ; l'armée du roi subit des pertes cruelles, en officiers de mérite surtout.
Comme prouve de l'acharnement des deux partis, l'historien du maréchal de Toiras raconte « qu'on comptait sur le corps du baron de Cause 30 coups d'épée et de pique, et qu'on pouvait dire de lui qu'il sortait de ses plaies plus de gloire que de sang ».
Le peuple, toujours enclin à accuser ses chefs de trahison quand la fortune les abandonne, prétendit que Soubise avait été simple spectateur du combat et avait été le premier à fuir.
Un témoin oculaire Saint-Luc, officier catholique d'une grande valeur, a vengé Soubise de celle calomnieuse imputation : « lise présenta, dit-il, à la tête de sa cavalerie pour enfoncer par les flancs notre infanterie » (1626).
Malgré cette nouvelle rébellion, le Roi pardonna de nouveau aux chefs calvinistes, et la paix fut signée à Paris.
Vaincu, mais non abattu, Soubise se réfugia en Angleterre et noua de nouvelles intrigues. Ce rebelle incorrigible acheva la ruine de son parti, et attira sur la Rochelle la plus épouvantable des calamités.
La guerre déclarée entre la France et l'Angleterre lui fournit de nouvelles armes.
Georges de Villiers, duc de Buckingham, parait le 20 juillet de 1627 en vue de l'île de Ré avec une flotte puissante et 8,000 hommes de débarquement
Soubise qui l'accompagne se jette aussitôt dans une chaloupe et se présente à l'entrée du port de la Rochelle.
Le maire Godefroi, persuadé que ce seigneur veut engager la ville dans la guerre allumée par ses intrigues, lui on refusa l'outrée.
Prévenue de ce qui se passe,
Arrive M'"" de Rohan sa mère, retirée en la ville quelques mois auparavant, qui, après les embrassades et les salutations, le prit par la main, et lui dit d'une voix assez haute (afin d'être ouye dudict sieur maire el de force peuple qui ostoit accouru là); « Mon fils, venez voir votre soeur qui est fort malade.» Ausquelles paroles, sans aullrement demander l'adveu du maire qui se trouva fort surpris, et n'osa ouvertement et par force s'opposer à luy, il entra dans lu ville avec elle » (Mervault).
Malgré la présence de Soubise el du secrétaire de Buckingham, les Rochelais hésitaient à prendre les armes : la ville était divisée en deux partis. Le corps de ville penchait on majorité du côté de l'obéissance à son légitime souverain ; sans les intrigues de Soubise et les promesses de l'anglais Becker, secrétaire de Buckingham, le peuple, touché de la bonté du roi Louis XIII toujours prêt à lui pardonner, découragé surtout par les nombreux échecs qu'il venait d'éprouver, eût préféré aux hasards de la guerre la douce tranquillité dont il commençait à jouir.
Il était dit que les excitations de Soubise et les belles promesses de Buckingham allumeraient dans la malheureuse cité l'incendie qui devait la dévorer à bref délai on faisant périr plus des quatre cinquièmes de ses habitants. La populace força la main aux bourgeois et aux officiers municipaux ennemis de l'alliance avec l'étranger.
Malgré ses incessantes rébellions, la partie saine de la Rochelle était restée française. Si Soubise avait demandé des secours aux Anglais, c'était en dehors et sans l'autorisation du corps de ville : ce seigneur savait pertinemment que les Rochelais détestaient l'ancienne domination anglaise, et que, s'ils étaient entrés maintes fois dans ses desseins, c'était surtout pour conserver avec leurs vieilles franchises communales le libre exercice de leur nouvelle religion. Aussi leur surprise fut-elle extrême quand ils virent la flotte anglaise jeter l'ancre en vue de leur ville.
Les Rochelais n'eurent pas de peine à deviner le plan do Buckingham ; son but inavoué, mais clair, quand surtout on connaît le mobile qui fait agir les Anglais, était, non de servir les intérêts de la Rochelle, ce dont il se souciait médiocrement, mais bien de lui faire payer cher ses services ; puis peu à peu de lui imposer son protectorat en attendant l'occupation définitive.
En armant une flotte formidable, l’Angleterre espérait se fortifier dans un poste d'où il serait difficile de l'expulser et faire de la Rochelle un nouveau Calais.
Ces espérances, les Rochelais surent les déjouer : le traité d'union qu'ils conclurent avec Buckingham ne fut pas un engagement de servitude, ils acceptaient les Anglais comme auxiliaires, mais non comme maîtres. Cette attitude réservée explique pourquoi l'amiral anglais ne tenta que peu d'efforts pour ravitailler et secourir la Rochelle aux abois..
La Grande-Bretagne n'a pas l'habitude de combattre pour la gloire et l'honneur, elle ne hasarde ses troupes et n'ouvre ses trésors que dans l'intérêt de son commerce et pour acquérir des avantages pécuniaires.
Le roi, irrité de cette nouvelle mutinerie, ordonna au duc d'Angoulême d'investir la ville, après toutefois avoir sommé les révoltés de se soumettre à l'autorité royale : souvent sur le bord de tomber dans un précipice, on s'obstine à ne pas reculer. Le peuple, égaré par Soubise et par les prédications des ministres calvinistes, refusa d'obéir au roi ; tous les officiers du présidial, sauf sept, redoutant les suites de cette rébellion, sortiront de la ville, le blocus le plus rigoureux fut aussitôt décidé (août 1627).
Pendant les 14 mois que dura le siège, Soubise, retiré sur les vaisseaux anglais, essaya, mais on vain, de secourir les malheureux que son orgueil et sa félonie avaient engagés dans cette lamentable aventure.
Après la prise de la Rochelle, Soubise se retira en Angleterre; il y finit ses jours dans la tristesse, haï de ses coreligionnaires, méprisé de ses ennemis.
La duchesse de Rohan séjournait alternativement au château du Parc-Soubise et à la Rochelle.
« Le corps de ville, le 13 février 1626, lors de l'arrivée de Catherine à la Rochelle, lui fit une réception brillante et lui offrit l'hôtel de Marsan, situé rue Dompierre, aujourd'hui rue Fleuriau. » (Ephém. de la Rochelle, Jourdan).
Catherine ne devait quitter l'hôtel de Marsan que pour le donjon do Niort
Avant d'établir le blocus autour de la Rochelle, le duc d'Angoulême voulut tenter un dernier effort pour ramener les révoltés à l'obéissance envers le roi. Connaissant l'influence décisive que Catherine exerçait sur les résolutions du conseil, le duc entra dans la ville et se rendit tout droit à l'hôtel de Marsan. Il ne put rien obtenir de l'altière duchesse ; avec une énergie digne d'une meilleure cause, Catherine et sa plus jeune fille, Mlle Anne, préférèrent courir les risques d'un siège qui s'annonçait plein de périls.
Le duc d'Angoulême eut beau observer à Mme de Rohan que l'alliance avec les Anglais serait considérée comme un crime de lèse-majesté, affectant de ne pas compter sur les secours des ennemis du royaume et persistant dans sa résolution, la duchesse lui répondit « que les vendanges n'étant pas encore venues, il ne faudrait alors aux assiégeants aultres ennemis pour les combattre que les raisins et les vins nouveaux » (Mervault).
La fin du mois d'août vit le blocus se resserrer du côté de la terre ; Richelieu, en construisant la fameuse digue dont à marée basse on découvre encore les fondements, empêcha le ravitaillement de la place du côté de la mer.
Le roi arriva au camp le 12 octobre suivant. La Rochelle n'avait plus qu'à se rendre ou à mourir de faim; le peuple, fanatisé par le maire Guiton et par les ministres calvinistes, soutenu par l'exemple de Mlle et de Mlle de Rohan, préféra mourir.
Nous n'entrerons pas dans les détails de ce siège mémorable. Catherine de Parthenay et sa fille, en secondant la farouche énergie de Guiton, jouèrent un rôle considérable dans la défense d'une ville que les calvinistes considéraient comme leur boulevard.
On vit ces deux femmes soutenir les courages chancelants et supporter sans murmure les horreurs d'un siège que maints auteurs ont comparé à celui de Jérusalem.
Au moment où les vivres commencèrent à manquer, Mmme de Rohan « fit demander au roi la permision de quitter la place avec deux cents femmes ».
Louis XIII répond « que tous les habitants sortiraient le même jour ».
Alors la mère et la fille voulurent partager le sort des plus misérables, elles distribuèrent la viande de leurs chevaux à la foule affamée (Morvault). Nous les verrons plus tard manger une sorte d'horrible bouillie, dont les cuirs de leurs harnais seront la base, quand à prix d'or elles ne pourront plus se procurer ni blé, ni rats, ni coquillages !! II faut lire dans le journal quotidien d'un témoin oculaire, Mervault, les navrants détails de ce siège.
Moins d'un an après l'investissement de la place, le blé et les autres provisions étant épuisés, on dévora les animaux de toute espèce, même les plus immondes et les reptiles les plus répugnants. A la bouillie de cuir succéda, hâtant le trépas des affamés, une pâle horrible composée de la poudre des os que les chiens avaient abandonnés, de plâtre et de sciure de bois ; on fit des prières publiques pour conjurer le ciel d'ouvrir ses nuées, afin que la terre rafraîchie pût produire un peu d'herbe ; on déterra plusieurs cadavres pour s'en repaître.
Détail affreux, une malheureuse femme mourut on se dévorant un bras. Dans chaque maison riche on eut soin de se faire faire autant de cercueils qu'il y avait de 'membres dans la famille -
La garnison, composée au début de 12 compagnies rochelaises et de 6 ou 700 auxiliaires anglais, fut réduite à la fin du siège à 74 Français et à 62 Anglais.
Je laisse la parole à Mervault :
« Les soldats qui avec les habitans estoient comme des anatomies peu à peu défaillaient, sur quoy est notable ce qui arriva à deux Anglois qui sontans qu'il 'n'en pouvoiont plus allèrent de compagnie chez un menuisier commander chacun leur coffre pour le lendemain huit heures du malin.
L'aultre du commencement en faisoit refus, joinct que lui-mesme, atténué de la faim, n'avoit pas, disoit-il, assez de forces pour travailler. Neantmoins les deux le pressons et le payans par advance, le gain lui fist entreprendre, et devant eulx commença son oeuvre, et acheva ces deux cercueils, qui vindrent à poinct à ceulx qui les avoient commandez, veu que, dès le propre soir, l'un mourut, et l'aultre le lendemain sur les 10 ou 11 heures du mutin.
« La famine se renforçoit horrible et espouvanlable, ne se trouvant plus du tout rien. Il y avoit plus de trois mois que le plus grand nombre ne sçavoit plus que c'estoit de pain ni des provisions ordinaires.
Les chevaux, asnes, mulots, chiens, chats, jusques aux rats et souris estoient mangez. Il ne leur restoit ni herbes ni limaçons par les champs ; le recours estoit aux cuirs et peaux de boeufs et de moutons, cornes do cerf mises en poudre, vieux pourpoints de buflle, souliers, boites, devantaux de cuir, ceintures, port espées, pochettes, aiguillettes, colle de Flandre fricassée, pain de paille fait avec un peu de sucre, iris, geléo de peaux de boeuf et mouton, bois pilé, plastre, terre, fiente (ce que ay veu de mes yeux), charognes et os que les chiens avoient autrefois rongez, et finalement à tout ce qui venait à la fantaisie et devant les yeux, qui donnoit plustôt la mort qu'aucun soutien et prolongement de vie, dont il ne passait iour qu'il ne mouroit deux ou trois cents personnes et plus, en telle sorte que non seulement les cimetières, mais mesme les maisons, ruës et extrémitez de la ville séviront en peu de temps remplis de corps morts, sans avoir d'aultre sépulture que les lieux où ils mouraient, les vivants n'ayant pas la force de leur creuser des fosses pour les mettre dedans : plusieurs même alloient mourir dans le cimetière. »
Plus loin Mervault nous apprend que « lorsqu'on mettoit les compagnies en garde, le matin il s'en trouvoit une moitié de morts ; tels mêmes rendoient l'esprit au lieu où on les avoit mis en sentinelle, et iusques-là qu'il s'est pusse plusieurs nuits sans qu'il y oust personne en la plus part des corps de garde. »
Quelques lignes plus haut, le même témoin raconte « qu'on ne pouvoit plus remuer le canon, et qu'on désista de sonner la grosse cloche pour le presche ».
Bientôt la malheureuse ville no fut plus qu'un vaste sépulcre : des familles ontières périssaient à la fois, leurs propres maisons leur servaient de tombeaux.
Séduit par les promesses des Anglais dont la flotte croisait toujours au large, terrorisé par le farouche Guiton qui-avait juré de « poignarder le premier qui parloroit de se rendre », le peuple s'était résigné à mourir de faim ; pendant tout le temps du blocus, il n'y eut aucune émeute populaire pour obliger le corps de ville à ouvrir les portes de la Rochelle.
Aussi, quand les troupes royales entrèrent dans la ville, 5,000 habitants sur 27 ou 28,000, chiffre de la population avant le siège, restaient seuls en vie, et encore avaient-ils plus l'air de spectres que d'êtres vivants : « le souffle qui leur restait n'était dû qu'à la lenteur de la mort. » (Arcère).
A la vue d'un tel désastre, Louis XIII fut ému d'une vive compassion. « Il fut remarqué à son entrée, que, voyant les pauvres habitans comme des anatomies et qui à peine avoient face d'hommes, il en eust pitié iusques à espandre des larmes. » (Morvault).
Le roi donna aussitôt l'ordre de ravitailler la place et d'y faire entrer des vivres.
Guiton avait juré de ne pas se rendre « tant qu'il y aurait un homme pour fermer les portes ».
Il fut cependant des premiers à proposer la capitulation. On vit alors ce fier républicain, toujours prêt à mourir pour la patrie, se décidera vivre avec elle!
Deux seules personnes furent exceptées de l'amnistie : le roi voulut se réserver de décider du sort de Mesdames de Rohan.
Conduites au château de Niort, Catherine de Parthenay et sa fille restèrent en prison jusqu'à la fin de juin 1629, époque à laquelle Richelieu imposa aux huguenots le traité de paix qui mit fin à ce parti dans l'Etat.
La captivité de Mesdames de Rohan fut supportée avec dignité : la mise à prix de la tête d'Henri de Rohan, les dangers que courait le rebelle incorrigible étaient, dans leur prison, leur seule préoccupation.
Ce soigneur tenait toujours la campagne à la tête des bandes calvinistes.
Le 8 juin 1629, sa mère lui écrit pour l'engager à se soumettre au roi. Avec la permission de Sa Majesté, elle lui députa le seigneur de Malleray (8) et un de ses amis, Mgr d'Irlande avec cette missive :
« Mon fils; vous saurez par eux l'extrême envie que j'ai de vous voir remis aux bonnes grâces du roi... Je n'espère plus longue exhortation ni de plus forte conjuration que de vous prier le plus affectueusement qu'il m'est possible, d'entendre les propositions qu'ils vous feront d'avoir à coeur les commandements du Roi et de Monseigneur le Cardinal sur ce projet, pour aviser au moyen de pacifier les troubles du pays où vous êtes, et faire que le Roi soit servi de vous et de tous ceux qui vous accompagnent. Mgr d'Irlande croit qu'il ne sera rien requis de vous qui fût contre votre conscience, honneur et sûreté : cela étant, je ne doute pas que vous ne vous rendiez facile à toutes les conditions qui vous sont offertes..... Je me contenterai de prier Dieu qu'il plaise bénir cette négociation, et que sous l'obéissance et service de Sa Majesté vous puissiez tenir du repos et du contentement que vous désire votre très affectionnée mère.
« CATHERINE DE PARTHENAY, »
Henri de Rohan se rendit aux sages conseils de sa mère. Le roi, toujours prêt à pardonner on père à ses sujets, octroya aux deux frères « remise et abolition de toutes les choses passées ».
La duchesse de Rohan revint avec sa fille habiter le château du Parc-Soubise.
Ployant sous le poids des années, elle montra jusqu'à la fin ce mâle courage qui a fait de la grande Catherine une des ligures les plus remarquables de cette époque tourmentée.
La Rochelle a survécu à ses désastres, elle a réparé ses ruines, et, sous la direction de Vauban, elle a entouré son enceinte d'ouvrages défensifs remarquables.
L'impartiale histoire dira à son honneur que, depuis sa soumission, la Rochelle donna maintes fois des preuves de son amour pour son souverain et de sa fidélité à la patrie.
Lettres patentes portant érection de la terre de ROHAN en Duché-Pairie en faveur de M. de CHABOT
Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre à tous présens et à venir salut : Encore que la vraye récompense et le véritable prix de la vertu, qui est la source de la plus pure noblesse, soit la vertu mesme, et que les marques d'honneur les. plus certaines et les plus avantageuses dans les maisons célèbres et dignes de reconnoissance et d'estime, soient sans doute la réputation, la vénération universelle et la gloire publique légitimement acquise, néantmoins il a esté d'ordinaire pratiqué dans les estats bien policez, et les roys de France, ces sages monarques nos devanciers, ont toujours usé de la mesme sorte heureusement et avec succès, en faveur des grandes et illustres familles de nostre royaume, de ne leur desnier jamais aucuns honneurs, ni grâces possibles, mais plutost de les décorer en toutes rencontres, de toutes sortes de titres extérieurs, et par là les distinguer d'avec les autres par des degrez de grandeurs, par des qualitez et des prérogatives les plus éminentes dont la majesté et la magnificence royalle les pouvoient honorer, afin que témoignant cette gratitude et cette justice aux belles et héroïques actions des grands hommes, et aux services connus des anciens ou de leurs descendans, ces bienfaits servissent de nouveaux motifs et de puissans aiguillons pour exciter de plus en plus la fidélité de ceux qui les reçoivent, et pour en engager d'autres à espérer les mesmes avantages en suivant la vertu, et se proposant des exemples aussi assurez, que ceux de leurs semblables.
Mais entre tous les grands honneurs de nostre monarchie, il est indubitable que le plus éclattant, le plus solide et le plus élevé de tous pour l'établissement des familles, est le titre de duché accompagné de la dignité de la pairie, qui relevans infiniment les principalles terres des maisons, communiquent en mesme temps aux seigneurs qui les possèdent et qui ont mérité cette faveur, des prééminences et un relief extraordinaire au dessus de toutes les autres grandeurs communes de nostre estat, ce qui fait certainement que nous n'en devons favoriser que les familles les plus puissantes, aussi nous ne les départons qu'aux personnes les plus considérables de nostre haute noblesse, soit que l'on les répute telles par le lustre du sang, ou que ce soit à cause de la vertu et des hauts-faits de leurs prédécesseurs, et des leurs particuliers qu'elles soient dans cet ordre.
Ça esté pour toutes ces considérations sans doute et par d'autres encore toutes singulières, que les feus roys Henry le Grand et Louis le Juste, nos très-honorez seigneurs ayeul et père de glorieuse mémoire, désirans gratiffier plus particulièrement la très-illustre maison de Rohan et favorablement traiter feus nos très-chers et très-amez cousins Henry, duc de Rohan, prince de Léon et Benjamin de Rohan, seigneur de Soubize, duc de Frontenay, frères, les avoient faits et créez ducs et pairs de France, scavoir notre dit seigneur et ayeul, en érigeant la vicomté de Rohan, l'une des plus grandes terres de Bretagne, en duché et pairie en faveur de nostre dit feu cousin Henry de Rohan, par ses lettres du mois d'avril de l'an 1603, vériffiées au parlement de Paris le 7 aoust ensuivant, cy-attachées sous nostre contrescel; et nostre dit seigneur et père, la terre de Frontenay, première baronnie de Xaintonge, par lettres du mois de juillet 1626, pour rendre duc et pair nostre dit cousin Benjamin de Soubize, fils puîné de la maison de Rohan ; ces deux grands et justes monarques estans très-bien informez que la célèbre famille de Rohan estoit l'une des premières et des plus grandes races non-seulement de la Bretagne et de la France, mais mesme l'une des plus illustres de toute l'Europe comme estant sortie des anciens rois de Bretagne et dont la suite des vicomtes justifiée durant 700 ans et depuis le fameux Salomon, vicomte de Rohan, qui vivoit au commencement du neuvième siècle, avoit toujours soutenu sa grandeur et conservé son éclat à l'égal quasi des maisons souveraines et des plus puissantes de la chrétienté; les grands biens, les grands honneurs et les hautes alliances de cette maison fameuse, n'estant pas aussi inconnues à ces sages rois, non plus que leurs emplois relevez, de paix et de guerre, dont s'estoient dignement acquittez tant de grands hommes portans ce surnom glorieux, comme entre autres les mareschaux de Gié et de Montauban, dont le dernier fut aussi admirai de France avec beaucoup d'honneur et de réputation et le premier ministre d'estat, devant quoy et depuis il est notoire, que les vicomtes illustres de Rohan, avoient souvent donné et pris des femmes dans les maisons des ducs de Bretagne leurs princes naturels , dans celles de tous les princes voisins, et spécialement qu'ils s'estoient souvent alliez mesme immédiatement avec la maison royalle de France, et avec ses branches, tant celle d'Évreux que celle dite communément de Valois et d'Orléans ; en la première par le mariage de Jean (IIe du nom), vicomte de Rohan, avec Jeanne de Navarre, fille de Philippe d'Évreux et de Jeanne de France, roy et reyne de Navarre, en l'autre, par celuy de Margueritte de Rohan avec Jean, comte d'AngouIesme et de Valois, grand-père de François 1er; et depuis encore avec la maison royalle de Navarre, du nom d'Albret, par le mariage d'Isabeau de Navarre, avec René (1er du nom), vicomte de Rohan, de toutes lesquelles maisons nous sommes descendus ; avantages et grandeurs certainement extraordinaires et fort peu communes, mesme aux plus grandes maisons de nostre estat, qui estoient d'autant plus à estimer dans celle-cy que l'on les pou voit regarder avec justice, toutes ramassées et recueillies en ces deux frères, très-braves et très-considérables par leur valeur et par leurs autres éminentes qualitez, nommément en nostre dit cousin de Rohan, qui est mort des blessures qu'il receut en combattant glorieusement pour nostre service, en la bataille de Reinsfeld et en deffendant la cause commune de nos alliez en Allemagne, avec cette réputation générale d'avoir esté l'un des plus grands capitaines, comme il estait aussi d'ailleurs estimé l'un des plus savans hommes de son siècle.
Mais les feus roys d'heureuse mémoire, nos très-honorez seigneurs ayeul et père savoient encore bien mieux que personne que nostre dit cousin, le duc de Rohan , estait le plus proche parent du costé maternel (par la dite maison de Navarre) qu'eust en France et ailleurs nostre dit feu seigneur et ayeul Henry le-Grand, en-sorte qu'il estait non-seulement prince du sang de la dite maison de Navarre, mais mesme s'est veu aussi longtemps héritier présomptif de cette couronne, sous ce grand monarque, comme il estait aussi d'ailleurs prince de Bretagne et successeur apparent de la couronne d'Ecosse, si Jacques, roy d'Angleterre et d'Ecosse, fust mort sans enfans, rencontres uniques et honneurs qui ont esté tous singuliers en la personne de nostre cousin de Rohan , et dont il faut demeurer d'accord qu'il ne s'en est point veu et qu'il ne s'en rencontrera peut estre jamais de semblables eh aucuns princes ni seigneurs dépendans du pays de nostre obéissance.
Ça esté donc avec beaucoup de justice et de raison que nos dits cousins de Rohan et de Soubize ont esté décorez de ces titres et favorisez de ces prérogatives d'honneur; mais on peut dire que ça esté pourtant avec peu de fruit et de succès pour leur famille que ces avantages leurs ont esté départis; car, d'un costé, nostre dit cousin de Soubise estant mort sans estre marié, et auparavant mesme que d'avoir pu faire vérifier ses lettres de duché et pairie en nostre parlement de Paris; et, d'autre part, nostre dit cousin de Rohan n'ayant laissé qu'une fille unique , leur maison n'a quasi point profité de ces illustres marques de la bienveillance et de l'estime des roys nos devanciers, les ayant veu (au deffaut d'enfans masles) aussi-tost esteindre et finir, qu'elle les avait veu naistre chez elle.
Aussi, en considération de ce malheur arrivé de cette sorte à une si illustre maison, et encore à cause de la proximité et affection héréditaire, le feu roy de très-glorieuse mémoire, nostre très-honoré seigneur et père, et nous-mesmes depuis nostre avènement à la couronne, par l'avis de la reyne régente, nostre très-honorée dame et mère , avons pris un soin très-particulier des intérêts, du bien et de l'avancement de nostre trèschère et très-amée cousine Margueritte de Rohan , princesse de Léon , restée seule unique, mais très digne héritière de nos dits cousins de Rohan et de Soubize, et de tous les grands biens et honneurs de cette puissante maison des vicomtes de Rohan et princes de Léon ; et parce qu'il importoit au bien de nostre service qu'un parti si considérable comme celui-là, et qui estoit l'un des plus avantageux de la France, ne tombast en des mains estrangères qui nous peuvent estre ou devenir suspectes, nous avons certainement empesché et détourné, aussi bien que nostre dit seigneur et père, plusieurs princes estrangers de penser au mariage de nostre dite cousine, nostre conseil ayant toujours trouvé plus à propos, pour les dites raisons, et par d'autres considérations d'estat, mais plus encore pour l'intérest de la vraye religion (pour laquelle nous continuons d'avoir le zèle extraordinaire de nos ancêtres ), de marier dans nostre royaume cette héritière si riche et si puissante en grandes terres, vassaux, villes et autres possessions, tant en Bretagne qu'ailleurs, et de la confier à quelque seigneur de mérite de nostre cour qui nous fust agréable, affidé à nostre service, et de la vertu et conduite duquel nous puissions espérer non-seulement une fidélité entière, mais surtout de voir par son moyen restablir, parmi les enfans et successeurs de nostre dite cousine, la vraye religion catholique, ce qu'ayant rencontré heureusement et avec satisfaction en la personne de nostre cher et bien amé cousin Henry Chabot, nous aurions résolu par l'avis de la reyne régente, nostre très-honorée dame et mère, et de nostre conseil, de le préférer pour un mariage aussi avantageux que celui-là, et de conclure l'affaire en sa faveur, trouvant aussi de la disposition en ce dessein de la part de nostre dite cousine pour nostre dit cousin de Chabot, dont la haute naissance et les alliances illustres, avec l'agrément et la recommandation particulière de nostre très-cher oncle le duc d'Orléans, et de nos très-chers cousins le deffunt prince de Condé et celui d'aujourd'huy, son fils, avoient encore rendu sans doute le mérite et la personne plus considérables auprès de nous pour un parti de cette importance, lequel, en effet, nous ne procurerions pas à un seigneur indigne d'un tel honneur, puisque les barons de Jarnac, dont il est sorti, sont les aînés de l'illustre race de Chabot, l'une des plus anciennes et des plus puissantes de Poitou et de toute la Guyenne, maison dont l'ancienneté est justifiée chez les historiens par une notoriété publique depuis six cents ans, c'est-à-dire qu'elle est connue en France depuis Guillaume Chabot, chevalier qui florissoit sous le règne du roi Henry 1er, dès l'an 1040, ou environ, duquel, de père en fils, est sortie une grande lignée, féconde en toute sorte de grandeur, des prélats, des chevaliers de nos ordres, des chevaliers de Saint-Jéan-de-Jérusalem, grands-prieurs de France, des officiers de nostre couronne, des gouverneurs des provinces et des plus importantes places de nostre royaume, des princesses, et surtout de braves et de grands capitaines, sans mesme parler de l'admiral Chahot (l'un des premiers hommes de cette famille), qui, n'estant que cadet de nos cousins les barons de Jarnac, dont est issu notre dit cousin Henry de Chabot , porta sa vertu et sa fortune si haut, qu'il alla de pair avec les princes, le roy François 1er ayant marié une sienne nièce aînée avec lui, et ayant donné la cadette à nostre cousin de Montpensier.
Mais entre tous ceux de ce surnom nos dits cousins de Jarnac (devenus aînez de leur famille par l'extinction de la branche des barons de Rays et de Machecoul) n'ont pas esté, sans doute, les moins recommandables en valeur; ni en belles actions dans leur race tesmoins entre autres choses les grands services rendus au roy François 1er, par nostre dit cousin Charles de Chabot, baron de Jarnac, que ce monarque créa chevalier de son ordre et lui donna le gouvernement de La Rochelle et du pays d'Aulnis ; que si l'on considère les alliances de la maison de nostre dit cousin de Chabot, on trouvera qu'elles en accompagnent fort bien l'ancienneté, le lustre et les honneurs, car elle a esté alliée immédiatement avec la maison de Lorraine, et dans les temps plus anciens avec les rois de Jérusalem du surnom de Luzignan, avec les vicomtes de Brosse et de Limoges, nos ancestres, par les femmes, avec les maisons de Chastillon-sur-Marne, de Craon, de Partenay , de Laval, de Larochefoucaud, de Maure, de Vivonne, de Saint-Gelais, de Givry, de Duras, de Harcourt, de Longvy, de Gouffier, de Tavannes, d'Aumont, d'Halwin, de la Chastre, et plusieurs autres, et médiatement avec les plus grandes maisons de l'Europe, nommément avec celle de Rohan, en sorte qu'il a fallu nécessairement dispense de Rome pour le mariage de nostre dit cousin de Chabot avec nostre dite cousine l'héritière de Rohan, qui se sont rencontrez parens au quatrième degré de consanguinité, n'étant pas aussi à oublier entre les plus remarquables alliances immédiates de la maison de Chabot, que nostre dit cousin par Magdeleine de Luxembourg, sa quatrième ayeulle, femme de Jacques de Chabot, chevalier, baron de Jarnac, a l'honneur d'appartenir, en degré assez proche, à toutes les maisons impériales, royales et souveraines de l'Europe, d'où vient que les roys nos prédécesseurs, tant de la branche dite communément de Valois, que de celle de Bourbon, soit à cause de la dite alliance de Luxembourg, soit aussi parce que en effet tous les roys de France et toutes les branches royalles descendent;
médiatement d'une fille de Chabot, qui fut dame Eustache, femme de Geoffroy de Luzignan, comte de Japhe, que les dits roys nos devanciers ont depuis long-temps reconnus et traitez comme cousins et parens, tant par écrit qu'autrement, les dits barons de Jarnac prédécesseurs de nostre dit cousin de Chabot, lequel et ses deux frères, le comte et le chevalier, ont dignement répondu par leur valeur et le mérite; de leurs personnes aux avantages d'une si belle et si haute origine, et d'aussi illustres et augustes alliances que celle-cy, le dit comte de Chabot s'estant signalé par un nombre infini de belles actions, notamment par la fameuse reprise de Flix en Catalogne, et après quatorze belles et heureuses campagnes de service, ayant esté tué au premier, siége de Lérida, auquel il commandait à un quartier comme plus ancien mareschal de camp ; le chevalier de Chabot, cadet de la maison, ayant aussi très-glorieusement servi douze campagnes, et fait connoistre son courage et sa valeur aux célèbres batailles de Roeroy et de Fribourg, et très-dignement en celle de Nortlinghen , où il commanda le gros de réserve, et finalement ayant aussi perdu la vie pour nostre service au mémorable siége de Dunkerque, en y faisant la charge du mareschal de camp; et nostre dit cousin de Chabot ayant témoigné le mesme courage et la mesme générosité en diverses occasions, principalement aux siéges de Herdin, d'Arras, de Thionville et de Graveline, tellement que par toutes sortes de considérations, nous l'avons jugé digne du mariage que nous lui avons voulu procurer avec nostre dite cousine, l'héritière de Rohan , pour auquel parvenir et désirant de tout point qu'il sortist effet, nous avons dès auparavant la passation de leur contract accordé à nostre dite cousine, par brevet signé de nostre main, la continuation et assurance des honneurs et avantages deus à sa qualité de princesse par tant de titres, et nommément par celui d'une si proche parenté avec nostre maison royalle de Navarre, qu'elle n'a point, du côté de son père, de plus proches parens en France que la rêyne régente, nostre très-honorée dame et mère , à cause du feu roy de glorieuse mémoire, et que nostre très-cher oncle, le duc d'Orléans ; et par autre brevet du 1er mai 1645, avons aussi permis et accordé à nostre dit cousin de Chabot, lors futur époux de nostre dite cousine, de faire revivre en sa faveur, et pour la considération de l'alliance où il entrait, la duché-pairie de Rohan éteinte par la mort arrivée , sans masles, de nostre dit feu cousin le duc de Rohan , et à cause principalement que l'aisné des enfans qui sortiraient du dit futur mariage, devoit relever le nom et les armes du dit duc et des vicomtes de Rohan ; et mettant aussi en considération que les droits de deux duchez et pairies, savoir: de Rohan et de Frontenay, cidevant érigez en faveur de nos dits feus cousins de Rohan et de Soubize, se trouvent réunis en la personne de nostre dite cousine , leur héritière.
A ces causes et autres, à ce nous mouvans, voulant nommément favorablement traiter nos dits cousin et cousine de Rohan , et de plus en plus contribuer à l'imitation de nos ancestres à l'agrandissement des familles illustres de nostre royaume, et, en particulier, à l'élèvement de la maison de Chabot, qui se trouve par ce moyen confuse avec celle de Rohan, et dont le fils aisné et ses descendans, comme dit est, doivent porter le nom et les armes à l'avenir, et pour satisfaire aussi à l'assurance que nous avons donnée à nostre cousin et cousine, auparavant l'accomplissement du dit mariage, de faire revivre en leur faveur le dit duché et pairie; promesse: qui a été comme l'une des conditions essentielles du dit mariage, et sans laquelle il n'eust esté fait. Savoir, faisons que par l'avis de la reyne régente, nostre très-honorée dame et mère, des princes de nostre sang, et grands seigneurs de nostre conseil, de nostre certaine science, pleine puissance et autorité royalle, et parce qu'ainsi nous plaist, nous en exécutant nostre dite promesse, la dite terre de Rohan et seigneurie de Pontivy, Goirée, les Salles, Londeac, et la chastellenie de la Cheze, adjacente aux précédentes, de la consistance desquelles, de leur valeur, droits et autres avantages, il appert assez par les dites lettres de création du dit duché de Rohan cy-attachées, toutes les dites terres et appartenances s'étendant aux trois évêchés de Vannes, de Saint-Brieu et de Cornouailles, avons remis et rétablis, remettons et rétablissons, et en tant que besoin est créé, érigé et établi, créons, érigeons et établissons par ces présentes signées de notre main , en duché et pairie de France.
Voulons qu'iceluy nostre dit cousin Henry de Chabot et ses descendans masles soient doresnavant nommez ducs de Rohan et pairs de France, à tels et semblables honneurs, droits, rangs, prérogatives, prééminences en tous droits ; faits de guerre, assemblées de noblesse, cours et compagnies comme en jouissoit nostre dit cousin le deffunt duc de Rohan, et tout ainsi que les autres ducs et pairs de France en jouissent et usent, lequel duché et pairie nostredit cousin tiendra en foy et hommage de nous et de nostre couronne de France, et pomme tel sera tenu de nous faire et prester nouveau serment au nom , titre et qualité de duc de Rohan et pair de France.
Voulons et nous plaist qu'en cette qualité lui et ses successeurs ducs de Rohan nous rendent et à nos successeurs leurs aveux et dénombrement, ainsi que leurs vassaux et tenanciers des fiefs mouvans du dit duché, le reconnaissent et lui prestent la foy et hommage, rendent leurs aveux et dénombremens et déclarations, quand l'occasion escherra, au même titre de duc et pair de France.
Voulons aussi et nous plaist que la justice du dit duché et pairie soit exercée et administrée au dit duché de Rohan, suivant les clauses et conditions particulières accordées par déclaration spéciale à nostre dit cousin deffunt le duc de Rohan , par le roy Henry le Grand nostre très-honoré seigneur et ayeul, que Dieu absolve, en datte du mois de mars 1609 et confirmée par autre déclaration obtenue par nostre dite cousine Margueritte de Rohan sa fille, depuis l'extinction du dit duché et pairie en datte du mois de may 1642, donnée par le deffunt roy de glorieuse mémoire nostre très-honoré seigneur et père, les dites deux déclarations vérifiées en nostre cour de parlement de Rennes, cy-attachées sous le contrescel des présentes, à la charge aussi que deffaillant la ligne masculine de nostre dit cousin de Rohan, Henry de Chabot et de ses descendans masles, la dite qualité de duc et pair demeurera éteinte et retournera la dite terre en l'estat qu'elle estoit auparavant la dite érection, sans que par le moyen d'icelle, ni de l'édit fait à Paris en l’an 1566 et autres précédens et subséquens, mesme les déclarations du dernier décembre 1581 et mars 1581, vérifiées en nostre cour de parlement, sur l'érection des duchez, marquisats et comtez, l'on puisse prétendre le dit duché de Rohan estre réuni et incorporé à la couronne, ni nous, ni nos successeurs y prétendre pour ce aucun: droit ; desquels édits, ordonnances, déclarations , nous avons pour les susdites considérations excepté et réservé, exceptons et réservons de nostre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royalle, le dit duché et pairie de Rohan, appartenances et dépendances, sans laquelle exception, ni réservation, nostre dit cousin n'eust voulu, ni ne voudrait accepter la présente création.
Si donnons en mandement à nos amez et féaux les gens tenans nos cours de parlement de Paris et Bretagne, et chambre des comptes de Paris et Nantes, et à tous nos autres justiciers, officiers, ou leurs lieutenans comme il appartiendra, que nos présentes lettres ils fassent lire, publier et registrer, et de tout le conteriu en icelles ils fassent, souffrent et laissent jouir et user nostre dit cousin et ses successeurs pleinement, paisiblement et perpétuellement, sans leur faire, mettre ou donner, où permettre leur estre fait, mis ou donné aucun trouble ou empêchement, lesquels sy faits, mis ou donnez estoient, les fassent réparer incontinent et sais délay, pleinement et entièrement, et remettre au premier état et deu.
Car tel est notre plaisir, nonobstant les dites, ordonnances et déclarations faites pour la réunion et rêversion à nostre couronne des duchez, marquisats et comtez de nouvelle érection, et que pour le regard de la dite pairie on voulust prétendre le nombre des pairs laïcs de France estre préfix, à quoy et à quelqu'autres ordonnances, statuts, déclarations, restrictions, mandemens, deffenses et lettres à ce contraire, et notamment à nos ordonnances faites sur les remontrances de nos estats généraux tenus en nostre ville de Blois, nous avons de nostre puissance et autorité que dessus dérogé et dérogeons, et aux dérogatoires des dérogatoires y contenues par ces présentes; lesquelles afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons signées de nostre main, et à icelles fait mettre nostre scel, sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes.
Donné à Paris, au mois de décembre l'an de grâce 1648 et de nostre règne le 6e, signé Louis et sur le reply, par le roy, la reyne régente sa mère présente, de Lomenie et à costé visa Seguier, et scellées sur double queue du grand sceau de cire verte sur lacs de soye rouge et verte, et à costé est écrit : « registrées, ouy ce requérant et con« sentant le procureur général du roy, pour jouir par le dit maistre Henry Chabot, de l'effet et contenu en « icelles, lequel dit sieur Chabot a esté receu en la qualité et dignité de duc de Rohan, pair de France, fait le serment accoutumé, juré fidélité au roy, et a eu rang et séance en la dite cour.
A Paris, en parlement, le 15 juillet 1652, signé Dutillet. »
Catherine de Parthenay, fille de Jean de Parthenay-Larchevêque, seigneur de Soubise <==....
Le siège de Royan en 1622 par le roi Louis XIII <==.... ....==> Les sièges de Ré et La Rochelle, digue de Richelieu (Time Travel 1627)
Le littoral de l'îlot de Saint-Martin n'a pas été profondément modifié depuis le IIe siècle avant notre ère, sauf en ce qui concerne ses extrémités occidentale et orientale. Sa côte " sauvage " a continué de reculer, non plus à cause de transgressions, mais par l'érosion produite par les eaux et les vents sur les rives battues, relativement friables et restées longtemps sans aucune défense artificielle.
(1) Théodore-Agrippa d'Aubigné.
(2) Itau... semblable.
(3) Parpaillaux... huguenots.
(4) Sau... sel.
(5) Etounirant... dévastèrent.
(6) Net... nuit.
(7) Jean du Cayrac de Saint-Bonnot, maréchal de Toiras, gentihomme du Languedoc.
(8) Le seigneur d'Irlande, maire de Poitiers : on croit qu'il était seigneur de Bazoges en Pareds