M. Morin ne voulut point trahir sa conscience quand la Révolution exigea des prêtres la promesse de fidélité à l’impie Constitution civile.
Il demeura quand même dans le pays, exposé à être découvert et mis à mort.
Mais enfin dénoncé par de mauvais patriotes et arrêté, il fut jeté en prison, puis condamné à la déportation.
Les prisons de Rochefort ne suffisant plus à contenir les déportés qu’on destinait à la Guyane, on chercha d’autres lieux de détention.
L’île de Ré devint d’abord une succursale de Rochefort, puis elle lui fut substituée, écrit M. Manseau (1), pour être le dépôt général de tous les déportables.
Les croisières des vaisseaux anglais empêchaient le transport des condamnés en Guyane.
M. Morin fut envoyé, en 1798, dans la citadelle de Saint-Martin-de-Ré et entassé avec douze cents prisonniers, quand les règlements pénitentiaires ne fixaient qu’à quatre cents le nombre de ceux qui y pouvaient être incarcérés.
Les prisonniers actuels ont des lits avec matelas, draps et couvertures, mais les pauvres prêtres, de 1798 à 1801, n’avaient pour se coucher que la terre nue ou une paille infecte qui souillait les vêtements et les corps.
Au lieu d’une nourriture substantielle et variée comme de nos jours, ils n’avaient qu’un pain noir et grossier, de la morue rance et des haricots tellement vieux et avariés qu’ils étaient rebelles à la cuisson.
Ce qui est constaté par les lettres des prisonniers et le rapport des commissaires.
La viande, prescrite sept fois par décade, faisait souvent défaut, et si la pitié des bons catholiques de Saint-Martin n’était venue au secours des déportés, la plupart, parmi les vieillards surtout, auraient succombé sous le poids de la misère et des privations.
M. Morin, âgé de cinquante-cinq ans, affaibli par un long séjour préventif dans les prisons de la Vendée, jouissait d’une mauvaise santé; de plus, il avait dû faire un long et pénible voyage à pied pour être amené à Rochefort.
La vie, dans cette nouvelle prison, était trop dure pour le pauvre détenu.
En 1800, il tomba dangereusement malade.
Un pharmacien de Saint- Martin, M. Bernier, catholique bon et dévoué, obtint de le faire transporter dans sa maison et lui donna tous ses soins pour le soulager, mais inutilement.
Le bon prêtre était arrivé au terme de ses souffrances d’ici- bas
II mourut, le 30 mars 1800, victime de sa fidélité à la foi catholique et romaine.
Dans son agonie, il dut murmurer quelques paroles de cette prière qu’il récitait chaque jour en sa prison : « O Cœur adorable de Jésus, soyez l’unique objet de mon amour, le terme de tous mes désirs, le centre de mon cœur. Soyez ma paix et ma tranquillité à l'heure de ma mort et ma béatitude éternelle. » Espérons de la miséricorde divine qu’il a été exaucé.
Le Clergé vendéen victime de la Révolution française, notices biographiques, 1790-1801 , par l'abbé A. Baraud,...
==> Justice révolutionnaire à Niort.
(1) Prêtres et religieux déportés, excellent ouvrage auquel sont empruntés quelques détails qui suivent.