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PHystorique- Les Portes du Temps
17 mars 2023

10 mars 1278 Accord entre l’abbaye de Fontevraud et le seigneur Girard Chabot, sire de Rais pour le prieuré du Val de Morière

10 mars 1278 Accord entre l’abbaye de Fontevraud et le seigneur Girard Chabot, sire de Rais pour le prieuré du Val de Morière

 Fontevraud a possédé dans le pays de Rays, ou Retz, diocèse de Nantes, un prieuré appelé Bademoreria, en mémoire d'un certain Bademor, ancien propriétaire du terrain sur lequel le petit couvent et sa chapelle furent construits.

Au seizième ou au dix-septième siècle, ce nom a subi une transformation assez difficile à expliquer la Bademorière est devenue et est encore le Val-de-Morière.

Fondée par les sires de Rays, avant l'année 1150, cette maison reçut d'eux des revenus ainsi que des terres assez considérables.

11 oct. 1160  Reginaldo cappellano de Thoveya (Touvois, Tesvoye, Thoeia, Thouvoie, Thouvoye, Thovaie, Thoveya, Thoveya, Thovoye.)

Les seigneurs et les religieuses vécurent longtemps en bonne intelligence; mais leurs relations furent beaucoup moins amicales lorsque, tombé en quenouille, le fief changea de mains.

 

La pieuse coutume des fiançailles, très anciennement consacrée par l’Eglise, était jadis l’objet d’une cérémonie religieuse et publique qui avait pour effet de lier indissolublement les futurs époux.

Une fois qu’ils s’étaient donné leur parole devant le prêtre, les fiancés ne pouvaient se dégager sans un motif grave, dont l’autorité diocésaine seule était juge celle des parties qui obtenait alors la rupture devait même à l’autre une indemnité, au paiement de laquelle était subordonnée la permission de pouvoir « se marier ailleurs ».

 Voici, à ce propos, la traduction d’une curieuse sentence rendue, le 17 mars 1533, par 1’official et visiteur de l’évêché de Luçon, au sujet de la rupture des fiançailles entre un sieur Nicolas Bonneteau, paroissien d’Aizenay, et Françoise Belutelle, jeune maraîchine de la paroisse de Sallertaine :

« A la Garnache, lors de la visite de son église paroissiale. »

«  Par devant Nous, official et visiteur de l’évêchè de Luçon, ont comparu Nicolas Bonneteau, paroissien d’Aizenay, et Françoise Belutelle, paroissienne de Sallertaine : lequel Bonneteau nous a exposé que depuis un an, ou environ, entre les mains d’un prêtre et par paroles de futur, il a contracté avec ladite Belutelle des fiançailles dont les bans ont été publiés; mais depuis il est venu à sa connaissance que ladite Françoise, sa fiancée, est atteinte du mal caduc (pervenit ad noticiam ipsius Bonneteau, exponentis, quod dicta Belutelle, sua affidata, laborabat morbo caduco) »

« L’exposant s’est donc, par ce motif, présenté devant Nous pour demander et requérir la rupture des fiançailles et obtenir la permission de se marier ailleurs, offrant de délivrer à Belutelle six boisseaux de méture, mesure de Commequiers, un lit de plume garni de traversin avec une berne, et deux aunes de drap gris; et il affirme, en outre, par serment, qu’il n’y a jamais eu entre sa fiancée et lui aucune copulation charnelle, ni aucun acheminement à mariage autre que lesdites fiançailles. »

Interrogée par nous sur lesdits faits, Belutelle a reconnu leur exactitude et aussi juré qu’elle n’a eu avec son fiancé aucune copulation charnelle ; puis, avouant qu’elle est atteinte dudit mal caduc ou autre semblable, elle a consenti à la rupture des fiançailles, à condition que Bonneteau lui donnera les objets mobiliers énumérés ci-dessus. »

Lesquelles choses vues par Nous, et parties ouïes, Nous avons cassé les fiançailles susdites, et Nous donnons respectivement à Nicolas Bonneteau et à Françoise Belutelle le droit de se marier ailleurs, les solennités de l’Eglise préalablement observées ; pourvu que l'exposant ait d'abord fait délivrance des objets mobiliers indiqués ci-dessus... »

Le texte original de cette curieuse sentence se trouve au recueil des procès- verbaux officiels de la visite épiscopale en 1533-1534, aux archives de la ville de Luçon.

 

Où l’on verra que notre fressure vendéenne était probablement connue dès le XIIe siècle. — Ce que c’était autrefois que le droit de « fressenge » et comment le seigneur Maurice de Montaigu en fit usage pour assurer des souliers a de pauvres religieuses.

Parmi les nombreux droits féodaux dont jouissaient autrefois les seigneurs du Bas-Poitou, il y en avait un, appelé droit de fressenge (frecetigia) qui obligeait à une certaine redevance les propriétaires de porcs, et qui devait être très probablement prélevé sur ce que nous appelons encore aujourd’hui la fréssure.

 En vertu de ce droit, le seigneur de Montaigu levait tous les ans un impôt sur les paroisses dont il était suzerain, notamment sur celles des Brouzils et de Chavagnes.

 M. Paul Marchegay a découvert à ce propos une bien curieuse charte du XIIe siècle, dans laquelle Maurice de Montaigu assure une rente annuelle de 20 sous a de pauvres religieuses de Fontevraud qui habitaient le couvent du Val-de-Morière (1), dépendant aujourd’hui de la paroisse de Touvois, et situé presque sur les limites du Poitou et de la Bretagne.

 

La charte dont nous publions la traduction littérale établit qu'il disposa d'une partie de cette redevance en faveur d'un petit et pauvre prieuré de l'ordre de Fontevraud, situé sur les limites du Poitou et de la Bretagne mais en cette dernière province.

 En passant au Val-de-Morière (Commune de Touvois), Maurice y avait vu les religieuses réduites à marcher pieds nus. Avec 20 sous par an, lui dit-on, elles seraient toutes pourvues de souliers. Maurice leur en fit don immédiatement, et assigna la rente sur les fressenges des Brouzils et de Chavagnes.

Notre charte est surtout curieuse par la mention, à une date très ancienne, de deux localités importantes sur lesquelles il n'existe pour ainsi dire pas de documents écrits pour la période du moyen-âge.

On y trouve aussi, dans le surnom du premier témoin, l'étymologie du nom d'une autre commune du canton de Saint-Fulgent, la Copechanière ou Copechagnière

Ce document n'est pas daté, mais la mention, des fils de Maurice, permet de dire qu'il est antérieur non-seulement au mois de février 1202, date d'une charte du seigneur de Montaigu constatant la mort d’Arbert et de Girard; mais encore à l'année 1195, époque à laquelle le même seigneur, faisant confirmer par ses fils une importante donation, ne parle que de Maurice et Brient.

Les deux pièces que nous venons de citer existent en original dans les archives de la Vendée, parmi les titres du prieuré de Commequiers.

Dans la première, le bienfaiteur des moines et des religieuses de son voisinage, donne sur sa famille, des renseignements précieux pour notre histoire locale.

 Son aïeul s'appelait Urvoy, Urvodius, son père Brient, sa mère Agathe, sa première femme Héloïse, leurs filles Pulereisodis (en langue vulgaire Belle-Assez), et Kateline, ses oncles Herbert et Hugue, sa tante Gummodis et sa seur Pulereisodis. Tous étaient morts, ainsi que ses fils Arbert et Brient.

==> 1202 Maurice de Montaigu fait d'importantes donations du prieuré de Commequiers pour le salut de son âme

Nous avons trouvé la copie du texte latin de notre charte, dans un des manuscrits de la Bibliothèque Impériale, portant n° 5480 de l'ancien fonds latin, au volume 1er, page 236.

Qu'il soit connu de tous, soit présents soit à venir, que Maurice de Montaigu, de Monte Acuto, avec l'assentiment de sa femme et de ses fils, Maurice l'ainé, Brient clerc et Girard, pour la rédemption de son âme et de celle de ses amis, principalement pour l'âme de son fils Arbert, a donné aux religieuses du Val-de-Morière, Bademoreria, 20 sous de rente annuelle : 10 à prendre sur la fressenge des Brouzils, Brossilis, et 10 sur la fressenge de Chavagnes Charenie.

Ces deux sommes doivent être payées par les sergents desdits lieux, quels qu'ils soient, le jour de la fête de Saint-Georges, sans aucun délai; et elles seront annuellement employées en achat de souliers pour les religieuses (1).

Sont témoins de cette donation : Arbeget Copechane, Geoffroi, de l'Herbergement, de Arbergamento (2), Bernier alors sénéchal, Etienne... (3) et M. son clerc, Guillaume prieur (4) du susdit lieu (du Val-de-Morière), Létard homme d'armes de ladite maison, et plusieurs autres.

Vers 1250, Eustachie de Rays épouse un cadet de la puissante et très-nombreuse famille des Chabot, ainsi surnommée, ou parce que son principal auteur avait une forte tête, ou parce qu'il avait pris pour armoiries trois de ces poissons, très-communs en bas Poitou, nommés alors chabots, et aujourd'hui grondins.

La mésintelligence entre le prieuré de la Bademorière et le château de Machecoul éclate, au plus tard, sous le fils d'Eustachie.

 Témoins des débats existant entre leur maître et les religieuses, un chevalier et un sergent de Girard Chabot, deuxième du nom, se croient autorisés à convertir les menaces en faits.

Ils ne se bornent pas à commettre de nombreuses violences, injures et vilainies à l'encontre du prieuré et même des nonains; un homme ou sujet des religieuses, nommé Etienne Racinous, est tué par eux.

Quatre pièces du débat auquel ces actes barbares donnèrent lieu ont été transcrites dans le cartulaire des sires de Rays et sont analysées, sous les Nos  76, 79, 80 et 86, dans la Table que nous avons imprimée.

La première nomme, le 10 mars 1278 (nouveau style), l'arbitre chargé de prononcer sur le procès. Les autres contiennent : 1er le jugement rendu le 30 octobre suivant, par Hugue de Chatillon, chevalier; 2° la garantie donnée le lendemain même, par le susdit arbitre, pour le payement des dommages et intérêts auxquels il a condamné Girard Chabot et ses gens; 3° la quittance délivrée par l'abbesse de Fontevraud à celui-ci, qui les solda au mois de juillet 1281. Ils s'élevaient à la somme de 160 livres.

Le retard apporté au payement provient sans doute d'un appel a minima, interjeté par les religieuses. Girard aurait encouru une trop forte amende pour rejeter la sentence de l'arbitre choisi par lui-même. Il devait s'y soumettre d'autant plus volontiers qu'elle ne condamnait ni lui ni ses gens à la perte de la vie ou même d'un membre, et le déclarait innocent, d'intention comme de fait, des excès commis par le chevalier Thibaut et Rondeau le sergent.

Quant à la peine pécuniaire, elle était sans doute forte pour l'époque; mais elle ne le fut pas assez pour apprendre à Girard Chabot qu'un baron ne doit pas user de sa puissance pour opprimer les serviteurs de Dieu.

Le cartulaire des sires de Rays en fournit notamment la preuve, au n° 94 de la susdite table.

Moins de trois ans après le payement des 160 livres à l'abbesse de Fontevraud, Robert, abbé de Marmoutier, près Tours, se mit en route pour visiter les prieurés du monastère à la tête duquel le choix des religieux venait de le placer.

Arrivé à la porte du prieuré de Machecou, il y est sommé, par le sire de Rays, de lui livrer, à titre de redevance féodale, le palefroi sur lequel il chevauche.

 L'abbé refuse et proteste contre cette prétention; Girard persiste, et, sur un mot, ou tout au moins un geste de lui, accourent quatre vigoureux écuyers, lesquels culbutent le cavalier et s'emparent de la bête.

Bientôt le sire de Rays est frappé d'excommunication, et sa terre mise en interdit. Il est donc obligé de reconnaître, non pas qu'il n'a aucun droit sur le cheval, mais que ses serviteurs n'ont pas dû traiter l'abbé Robert d'une façon aussi brutale.

Du reste, Girard obtint l'absolution à la charge de prendre la croix pour le Pèlerinage d’Aragon, et en faisant faire par ses écuyers, nommés La Queue.

Henri de Vue, Guillaume de la Forêt, dit Pincelou, et Jean Tribouillart, une amende honorable, qui consistait à suivre, en tunique sans capuchon, sine soua cuayfa, deux processions des moines l'une à Machecoul le jour de l'Assomption; l'autre à Marmoutier, le jour de la Saint-Martin d'hiver.

Maîtres Thibaut et Rondeau auraient mérité de subir au moins une humiliation du même genre, ne fût-ce qu'en pénitence du meurtre du pauvre Racinous; mais Hugue de Chatillon jugea l'affaire en laïque.

En vrai baron du treizième siècle, il déclara aussi que quelques pièces d'argent payaient à sa juste valeur le sang d'un vilain.

Nous avons retrouvé la charte originale par laquelle Girard Chabot le choisit comme arbitre. Elle est rédigée en langue vulgaire, tandis que les autres pièces du procès sont écrites en latin.

C'est elle aussi qui donne le plus de détails, de la part du sire de Rays lui-même, sur les excès commis contre les religieuses et le prieuré de la Bademorière.

 

10 mars 1278 ACCOURD DE L'ABBASSE DE FRONTEVAUX E DU SEIGNEUR DE RAYS, POUR LA BADEMORIERE.

A touz ceos qui verront ces presentes letres, Girart Chabouz. chevaler, seignor de Rays, saluz en nostre Seignor.

Sachent tuit que, de toz les contenz que religieuses dames l'abaesse e le convent de Font Evraut movéent ou entendoient a esmover contre moi e contre monsor Johan Thibaut, chevaler, e contre Johan Rondeau, mon sergent, par requeste ou par complainte ou par denunciation on en austre meniere sur les violences, injures, trobles e enpeschemenz que lesdites religiouses diséent que je e le chevaler e mon sergent davant diz lor avions fait e porchacé en troblant lor saisine, lor joutise e lor seignorie, e en lor faisant injures : ceu est a savoir des vexations e des injures e des vilanies faites aux nonains de la Bademorière, de l'ordre de Font Evraut, ea la terre e en la joutise desdiz abbaesse e au convent; de rechief sur la violence et sur les injures e sur les trobles faites en la seignorie e en la joutise de ladite abbaesse e au convent en lor vile de la Bademorière, par raison de la mort Estienvre Racinons, lor home; les queles choses offrent a montrer e a desclaerer ladite abbaesse e le convent en leu e en tens, si come eles diséent ; je me sui mis, por moi e por l'austre chevaler e por mon sergent desusdiz, sur paene de cinq cenz livres, au dit e a la votenté et a l'ordinacion haute e basse monsor Hues de Chatillon, chevaler; e promeit, sur la paene desus dite, tenir e fermement garder e a faire e a procurer a tenir e a garder sur ladite paene ledit Johan Thibaut, chevaler, e le dit Johan Rondeau, mon sergent, quant que ledit Hues chevaler, la vérité enquise, fera e ordrenera haut e bas sur les choses desus dites e sur les apartenances de celes, en tote la meniere que il verra que on fera a faire, sauve noz vies e noz menbres.

 E vuil e otroi que ceste chose soit determinée dedenz le prochain parlement a venir.

 E si on n'esteit déterminé dedenz ledit parlement, les choses desusdites e les euquestes et les aprises e tout le promis fait sur ceu, par le comandement de la cort, demorret en l'estat e en la vertu en quoi oul estoet avant ceste mise e voil e otroi que ceste mise ou ceste ordenance ne nuise riens a la davant dite abbaesse e au convent, que l'enqueste, l'aprise e le proçais davant diz y demorast en son estat e en sa vertu si la chose n'estoet déterminée dedenz le davantdit parlement par ledit monsor Hues, si corne de desus est devisé e sauves mes raisons aussi come eles estoent davant la mise.

E quant aus choses davant dites tenir et fermement garder de moi, de monsor Johan e de mon sergent desus diz, e de non venir encontre par auqune cause ou par auqune raison, et de paer la paene desus dite, si elle estoet commise contre moi ou contre monsor Johan Thibaut ou contre mon sergent desus diz, je en oblige a la dite abbaesse e au convent moi e mes heirs e mes successors e toz mes biens mobles e non mobles presenz e a venir, en quauque leu que il seent, e soumeit a la juridicion lou rei de France, en quauque leu que je aille.

En tesmoig de la quau chose, je ai saclé cestes presentes tetres de mon seiau.

 Ceu fut fait en l'an de grace mit e dous cenz seixante e dis e sait, le jeudi apres le dimenche que l'on chante Invocavit me.

(Original jadis scellé)

 

P. MARCHEGAY

 

 

 

 

 

 

Il y avait encore des religieuses au Val-de-Morière à l’époque des guerres de Vendée : ce fut à leur couvent que Charette, au commencement de l’année 1794, vint faire soigner la blessure qu’il avait reçue au combat des Brouzils.

 

 

 

 

Henri Bourgeois.

Le Réveil populaire : organe de la 2e circonscription de Fontenay-le-Comte : journal politique, indépendant, littéraire, commercial, agricole et industriel

 

 

Les Sires de Retz et le château de Machecoul <==

 

 


 

(1) Ad emendum sotulares pro dictis monialibus annuatim.

(2) C'est l'Herbergement-Antier, et non l'Herbergement-Ydreau, paroisse de Sainte-Florence.

(3) Il manque ici, un titre ou un surnom.

(4) On sait que dans chaque prieuré de l'ordre de Fontevraud il y avait religieux et religieuses, et ces derniers; soumis à la prieure, s’occupaient des affaires du dehors, surtout quand elles se traitaient avec des hommes.

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