Les Sires de Retz et le château de Machecoul
Le pays de Retz, au midi de l'embouchure de la Loire, était la contrée comprise entre ce fleuve, la mer, la limite du Poitou et le lac de Grand-Lieu.
Faisant originairement partie du territoire des anciens Agésinates et des Poitevins, il fut conquis à la Bretagne par les victoires que Nominoé remporta sur Charles le Chauve, par celle, surtout, que gagna, en dernier lieu, Erispoé, fils de Nominoé, et qui fut suivie d'un traité fait à Angers en 851, dans lequel Erispoé, roi de Bretagne, reçut du roi de France l'investiture du comté de Nantes et du pays de Retz.
Le nom de Retz, qui, pendant le moyen âge, s'écrivait, en latin, Radesius, et en français, Raiz, Rays, Raix , provient d'une ville gauloise, Ratiastum, qui fut située sur ce territoire, mais dont on cherche vainement les vestiges aujourd'hui.
Machecoul a été, de temps immémorial, la capitale du pays de Retz.
Cette contrée a formé, dès l'origine des fiefs, une seigneurie dans l'intérieur de laquelle se trouvaient d'importantes châtellenies, telles que : Legé, la Bénaste, Pornic, Bourgneuf, Prigny, Vue, Saint-Étienne-de-Malemort ou de Mer-Morte, Prinçay, situé dans la forêt de ce nom (commune de Chéméré), enfin Machecoul lui-même, qui, dans le principe, eut quelquefois des seigneurs distincts des barons de Retz.
Il est à peu près impossible de démêler la filiation et la succession des sires de Retz et de Machecoul antérieurement au XIIIe siècle.
Les Chartres et les chroniques bretonnes mentionnent un Justin de Retz avec Arsculfe, son fils, vers 1070.
Nous trouvons un sire de Retz, présent aux obsèques d'Alain-Fergent, duc de Bretagne en 1119; Garsire de Retz, en 1125; Roland de Retz, en 1144; enfin, Arsculfe de Retz, en 1204.
(1112 à 1143) Donation faite par Conan duc de Bretagne au prieuré de Machecoul, dépendant de l'abbaye de Marmoutier.
Quoniam generatio vadit et generatio preterit, multa oblivioni traduntur nisi scripto in memoriam retincantur. Ideo postcris nostris notum fieri volumus quod Conanus, dux Britanniae, filius Alani comitis, concessit Deo et S. Martino et monachis Majoris Monasterii apud Machecol (a) commorantibus omnes consuetudines comitales quaterionis terre (b) illius quam monachi habebant apud Fraxinetum (c), et dimidium quaterionem in Porfaifanto (d), hoc est fruinentagium suum et bianum (e), et omnes alias suas consuetudines, et dominium quod pater suus Alanus monachis dederat (f).
Hoc equidem confirmationo sigilli sui corroboravit.
Testes qui hoc viderunt et audierunt isti sunt : Conanus dux Britanniae. Garsilius dominus de Machecol, Goscelinus frater ejus. Petrus de Gasnachia (g). Paganus filius Roaldi. Gestinus de Aurasio. Rollandus de Liriaco. Hatuinus. Maino de Garrandia. Daguenet. Gaufridus Ferratus. Petrus Brunus. Lcvinus. Cornillel. Evanus frater ejus. Rainaldus frater ejus, et alii multi.
NOTES. Pris sur l'original, aux Arch. dép. do la Loire-Inférieure; fonds du prieuré de Machecoul, n° 2. — Copie du XVIIe siècle, par extrait, aux Mss. de la Biblioth. Nal., Cartul. de Marmoutier, t. III, p. H».
A côté de cette copie on a dessiné le sceau qui avait été appendu à cet acte : il représente la duc Conan III monté sur un cheval couvert d'une housse. La pièce originale n'a plus ce sceau.
(a). Machecoul
(b). Un quarteron de terre, — mesure agraire dont on n'a pas déterminé la valeur.
(c). Fresnai, paroisse voisine de Machecoul, auj. cne du cton de Bourgneuf en Retz, arrond. de Paimbeuf, Loire-Inférieure.
(d). Port-Fessan, village voisin de Machecoul.
(e). Biain, sorte de corvée pour faner, faucher ou moissonner.
(f). Preuve évidente qu'il s'agit ici du duc Conan III. Le père de Conan IV s'appelait bien aussi Alain (Alain le Noir, de la maison de Penthièvre), mais il n'était pas comte de Nantes, ne possédait rien dans le Nantais, d n'y pouvait rien donner aux moines de Marmoutier. L'Alain ici mentionné ne peut être que le duc Alain Fergent.
(g). La Garnache, grande châtellenie poitevine limitrophe de la Bretagne, qui partageait avec la baronnie de Retz la seigneurie des marches pictavo-bretonnes.
Dans le même temps, on trouve un Amauri de Machecoul (1203); Bernard de Machecoul (1204) ; Beatrix de Machecoul (1204); Aimeri de Machecoul (1224); Oliver de Machecoul, seigneur de la Benate et de Saint Philibert de Grand-Lieu (1276—1287); Gérard Ier de Machecoul (1278-1343); Louis Ier de Machecoul (1316-1360)
1267, v.s., 28 Janvier Acte dans lequel Thomasse de Pouancé relate les engagements pris par elle au moment du mariage de sa fille Eustachie avec Olivier de Maschecou, sgr de la Benaste et de Saint Philibert de Grant lieu.
Thomasse, dame de Chasteillon.
Je ai donné par nom de mariaige à monsieur Olivier de Machecoul, chevalier, Eustace, ma fille, o tote la terre que cèle Eustace ha en Normandie, que je lui ferai valoir cent livres de rente, si ce que la femme de monsor Robert tient de doère devers celi Robert ne vaut à parfaire lesdites cent livres. Et lui donne outre sept cent livres dont il prendra trois cents sur ce que ladite Eustace doit acoir en mariage sur la terre de Vitré et quatre cents que monseignor Guy de Laval-Guyon défunt ha commandé en son testament rendre à ladite Eustace par ses eslus de ladite terre de Normandie que il avait prises puis que celi Guy m’épousa.
Et ai scellé les présentes de mon sceau.
Le samedi avant la Chandeleur l’an de grâce 1267.
Ce sceau représente une femme et au contre-sceau deux lions l’un sur l’autre avec ces mots…. DNE DE VITRE
On ne peut commencer à établir de succession chronologique, parmi les seigneurs de Retz, qu'à partir du moment où la famille Chabot, originaire du Poitou, et possédant déjà en cette province les fiefs importants de Vouvent (petit château), de Mervent, Oulmes, de la Grève et de la Rocheservière, implanta l'une de ses branches cadettes dans la seigneurie de Retz, ce qui eut lieu vers la première moitié du XIIIe siècle.
Maison de Chabot.
I. GÉRARD CHABOT I était le second fils de Thibaut Chabot IV, seigneur de la Rocheservière et de la Grève.
Il eut en partage les terres de la Motte-Achard et de la Maurière, et épousa Eustache de Retz, dite Aliette, fille et héritière de Raoul, sire de Retz, de Machecoul, Falleron, Froidefond, etc. Peut-être ce Raoul (Radulfus), désigné dans les titres de la maison de Chabot, n'est-il autre que Arsculfe, que nous avons déjà mentionné comme ayant été seigneur de Retz en 1204.
Gérard Chabot et Eustache de Retz laissèrent trois enfants :
- 1° Gérard II, qui suit ;
- 2° Geoffroi, seigneur de la Maurière ;
- 3° Eustache Chabot, mariée à Gérard de Machecoul, seigneur du Coustumier et de la Bénaste.
Gérard Ier était mort avant 1250.
II. GÉRARD CHABOT II a laissé souvenir de plusieurs de ses actes.
6 octobre 1258. Comment Pierres, filz du duc de Bretaigne, promist aider monsr de Rays encontre messire Morice de Belle [Ville], touchant le chastel de Machecoul
Universis presentes litteras inspecturis et audituris, Petrus, filius domini Johannis ducis Britanie, miles, salutem in Dominosempiternam.
Noverint universi quod nos conemur adjuvare Girardum dictum Chaboz, dominum Radesiarum, et eumdem juvare promictimus bona fide, pro servicio nobis adicto Girardo jam fideliter prestito, salvis litteris quas nos habemus de dicto Girardo et Oliverio de Clicio et Briencio Bovis, milite, fide jussoribus dicti Girardi, contra Mauricium de Bella Villa, in causa seu causis, negocio seu negociis, quam vel quas, quod vel que dictus Girardus habet vel habiturus est adversus dictum Mauricium, in curia dicti ducis carissimi patris nostri, super castro de Machecolio et dicti castri pertinenciis, tam substrahando dicto Mauricio placitatores et placitatorium consilium et patrocinium omnium in quos nos, per nos vel per alios, preces habere poterimus vel mandata, bona fide et sine nostri proprii missione quam supplicando dicto patri nostro pro negocio supradicto.
Et promictimus eidem Girardo reddere omnes litteras et munimenta que habemus, nos vel carissimus pater nosterloco nostri, de donacione a domino Oliverio de Machecolio nobis facta super terra de Machecolio et de Sancto Pheliberto de Grandi Lacu;
et si nos dictas litteras eidem Girardo reddere non possemus, nos promictimus et tenemur dare dicto Girardo litteras nostras super renunciacione dictarum litterarum et qnictacione rerum predictarum nobis a dicto Oliverio donatarum, bonas et eidem Girardo super premissis finaliter valituras, racione donacionis predicte.
Et eidem Girardo promictimus consilium et auxilium nos in dicto negocio prestaturos, modis omnibus quibus poterimus, bona fide, tanquam si esset negocium nostrum proprium, sine nostri proprii missione, sive per guerram sive per plaeitum, nisi forte per aliquem de superioribus nostris guerra nobis fuerit Interdicta; et hoc salvo quod in predictis causis non tenemur personaliter interesse.
Et ad hec omnia et singulanos obligamus specialiter et expresse et promictimus, fide a nobis corporaliter prestita, nos omnia premissa et singula tenere, facere et inviolabiliter observare, renunciantes excepcioni doli vel metus in factum, et beneficio restitucionis in integrum, crucis privilegio indulto et, indulgendo, omni consuetudini et statuto, et omni alii indulgencie induite et indulgende a quacumque sede, et omni alii allegacioni et excepcioni que contra presentem litteram, dejure vel de facto, possent obbici vel opponi, per que vel per quod presens pagina in aliqua sui parte posset irritari vel viribus vacuari.
Et ut premissa firma et inrevocabilia permaneant, nos predicto Girardo presentes litteras dedimus, sigilli nostri munimine robbratas
Datum apud Nanetas, die dominica ante festum beati Dionisii, anno Domini millesimo II° L° octavo.
Septembre 1260. Accord entre monsgr de Rays et Olivier de Machecoul, touchant les terres de Machecoul et de Saint Philebert.
A tous ceulx qui cestes lettres verront et orront, Jehan, duc de Bretaigne, salut.
Sachent tous que comme fust contens esmeuz par devant nous entre monssr Girart Chahotz et Eustaice sa femme, fille monsour Raoul de Rays, feu, d'une part, et monsour Olivier, dit de Machecoul, de l'autre, sus la terre de Machecoul et de Saint Philbert de Grant-Lieu et des appartenances d'iceulx ;
A la parfin vindrent les parties par devant nous en tele maniere que monsr Girart Chabotz et madame Eustaice sa femme, devantd., et leurs hoirs et leurs successeurs, auront, tiendront et exploicteront à eulx et à leurs hoirs le chasteau de Machecoul et toute la terre que monsour Morice de Belleville et madame Jehanne sa femme, feue, eurent de monsour Olivier de Machecoul, par la paix qui fut faicte entre eulx selon la teneur des lettres que monsour Morice de Belleville a de nous, seellées de nostre seel (a).
Et avec ceste chose, lesd. Girart Chabotz et sa femme devant nommée et leurs hoirs, entre la paix aud. Morice, auront, tiendront et exploicteront perdurablement les hommages et les estages et les gardes de tous ceulx qui doivent gardes ou estages en la ville et ou chastel de Machecoul, tant comme il en apartient ès estages et ès gardes de Machecoul, et tiendront et esploicteront les bailz de tous ceulx qui doivent gardes ou estaiges en la ville [et] ou chastel de Machecoul, tant comme les fiefz se estandent et parmontant, dont les gardes et les estaiges sont deues et les autres redevances de ceulx fiefz, dont les gardes et les estaiges sont deues, demouront à icelui Olivier, sauve la paix et la partie que lidiz Morice tient orendroit.
Et sera le devantd. Olivier homme au devantd. Girart ou à la devantd. Eustaice sa femme, ou à leurs hoirs, des choses dont ilz estoient homme aud. Morice, que il tient et tenir peut en la chastellenie de Machecoul et de Saint Philbert de Grand Lieu et des appartenances, emprès la mort d'icelui Morice, ou avant si celui Girart ou sa femme pevent gaigner ou delivrer l'ommaige, ou par paix ou par droit, exceptés les hommages, les gardes et les estages si comme ilz sont divisez par devant.
Et auront led. Girart Chabotz et Eustaice sa femme, ou leurs hoirs, l'ommaige du viconte de Rohan, d'un denier que lidiz viconte a en Laire, dont il estoit homme au devantd. Olivier.
Et se ainsi advient que led. Olivier mourust sans hoir de sa femme espouse, toutes les choses que led. Olivier tient et a et peut avoir esd. chastellenies et esd. lieux, par raison de heritaige, remendront et revendront perdurablement aud. Girart Chabotz ou à sa femme, ou à leurs hoirs ou à leurs successeurs, ou point et en la maniere qu'elles venissent aud. Morice ou à madame Jehanne sa femme, s'ilz eussent hoir entre eulx deux.
Et se ainsi estoit que led. Morice morust ou led. Girart peust conquerre ce que led. Morice tient ès choses devant nommées, par paix ou par hommage des choses devantd., nous prandrions led. Girart Chabotz devantd. en nostre fié de celles choses sans nul contredit.
Et de ceste paix tenir et enteriner, les parties jurèrent par devant nous, de leur bonne volenté, que ilz la tiendront bien et loiaulment et que jamais encontre ne viendront par nulle raison, ne par eulx ne par autres.
Et pour ce que ceste chose soit ferme et estable, nous, à la requeste des parties, avons cestes presentes lettres seellées de nostre seel, sauve nostre droiture [et] nostre seigneurie en toutes choses.
Ce fu fait l'an de l'Incarnacion Nostre Seigneur mil IIe et soixante, ou moys de septembre.
(a). Ces lettres, du 10 mars 1258, forment le n° CCXX du cartulaire.
Il fut l'un des exécuteurs testamentaires de Geoffroi de Châteaubriant, en 1262; il s'empara, par force, de la part qui revenait, en l'île de Bouin, à Maurice, seigneur de Belle Ville ; mais Alphonse de France, comte de Poitiers, la lui fit rendre, par mandement, en 1265.
Il confirma, l'année suivante, les dons que sa mère, Eustache de Retz, avait faits à l'abbaye de Buzai (1), où elle fut ensevelie.
==> 1268, Chevauchée de Girard Chabot, sire de Rays sur la terre de Maurice, seigneur de Belleville
Il plaida, la même année, pour une dîme que Raoul, sire de Retz, son aïeul, avait donnée aux religieuses du Val-de-More ou Morière ; puis il finit par la leur abandonner avec d'autres biens, par son testament de l'an 1281.
Il assista, en janvier 1276, à une assemblée tenue à Nantes par le duc de Bretagne, Jean Ier, dans laquelle ce prince, mû par un sentiment de justice, renonça au bail de rachat, impôt établi précédemment par Pierre de Dreux, et d'après lequel tous les revenus des mineurs étaient attribués au duc pour entretenir des hommes d'armes, jusqu'à ce que les mineurs fussent en âge de servir eux-mêmes.
Le duc déclara qu'il se contenterait, à l'avenir, d'une année de revenu.
Le scel de Gérard Chabot, apposé à cet acte de délibération, avec ceux des autres seigneurs assistants, représente le sire de Retz sur son cheval, portant, sur l'écu et sur le caparaçon, les armes de Chabot (d'or, à trois Chabots de gueules avec un lambel à trois pendants, indice de la branche cadette).
Au mois d'avril de la même année, Gérard Chabot et Olivier 1er de Clisson, qui avaient été excommuniés par l'évêque de Nantes, au sujet d'un différend que ces seigneurs avaient eu avec Guillaume de Rochefort, vicomte de Donges, se soumirent à payer vingt marcs d'argent ; convention qui fut signée à Oudon le mardi de la semaine sainte.
Janvier 1276 Mariage de Jehan de Coché et Eustaice, fille de messire Girart Chabot, sgr de Rais (Cartulaire des sires de Rays, p.247)
Octobre 1278. Accort entre monsr de Rays et Jehan de Coché touchant IIe livres de rente
Sachent tous presens et avenir que en nostre court, en droit personnaument establi nobles hommes monsour Girart Chaboz, sgr de Rais et de Chasteaugontier, d'une partie, et monsour Olivier de Maschecou, sgr de la Benaste et de Saint Philibert de Grant lieu, chevaliers, de l'autre partie, des contens, des accions et des demandes qui estoient esmeues entr'eulx sur l'assise de la terre que celui monsour Girart devoit faire à Jehannot de Coché, filz dud. monsour Olivier, en son mariage o Eustaice sa femme, fille dud. monsour Girart, de conseil de leurs amis et prodes hommes, vindrent à pais et à concorde, de leur bonne volenté, en nostred. court, en la forme et en la maniere cy par dessoubz devisée.....
8 octobre 1283 Eschange fait entre messire Girart Chabot, seigneur de Rays, et l'abbé et convent des Fontenelles, de la cohue et minage de Machecoul avecques le marays Dieu le Fist, assis en l'isle de Boign (1)
A tous ceulx qui cez presentes lettres verront et orront, Girart Chaboz, cher, sgr de Rays et de Machecoul, et Hugues de Thoars, sgr de Pousauges et de Thiffauges, valet en celui temps, salut en Nostre Seigneur Jesucrist.
Comme religieux hommes l'abbé et le convent de l'abbaye des Fontenelles, de la diocese de Poictiers, eussent tenu, porsis et esploicté par long temps, par droit de seigneurie, comme leur propre chose, la cohue de Machecoul o toutes ses appartenances, et le marchié et le minage de la ville de Machecoul, lesquelles choses noble dame et de bonne memoire Beatris, jadis dame de Macheco, de l'eritage de laquelle lesd. choses estoient, donna ou temps que elle vivoit (2), en pure et perpetuel aumosne, aux devantd. religieux et à leur abbaye devantd., à en faire leur planiere volenté comme de leur propre chose, Sachent tous presens et advenir que nous Girart Chaboz, devant nommé, avon fait eschange o les devantd. religieux et il o nous, de communal assentement, des devantd. choses o autres choses qui cy dessoubz sont nommées, en tel manière :
C'est assavoir que iceulx religieux nous ont octroié, baillé et livré, par nom d'eschange, la devantd. cohue o toutes ses appartenances, et le marché et le minage devantd. o tout le destroit et o toute la signeurie que eux avoient et povoient, devoient et actandoient à avoir en icelles choses, à pourseir, à tenir, à avoir et à esplecter nous et à nos hoirs et à noz successeurs, ou à nostre commandement, à tous temps mais, en paix et à.toute nostre volonté en faire comme de nostre propre heritaige.
Et pour l'eschange des devantd. choses, nous baillons, octroions et livrons à jamais, par nom d'eschange, à iceulx religieux et à leurs successeurs, à avoir et tenir, à porseir et à esplecter, par eulx ou par leur commandement, ou par ceulx qui ont ou auront cause d'eulx, ung nostre maroys que nous avion en l'isle de Boign, de la diocèse de Nantes, o ses ayres, o tous les vivres, les bociz et les autres appartenances de celuy maroys, lequel maroys est appelez publianment le grant maroys Dex le Fist, et est assis entre le Grant maroys Estiene Justeau, d'une part, et entre le maroys Jehan Justea, appelez la Gasquieciere, d'autre part, et jouxte les prez Jehan Dex le Fist, d'une partie, et jouxte le maroys Estiene Bertrand, appelez la Gasqueciere, d'autre. Douquel maroys dessusd., o ses vivres, o ses ayves, o ses bociz et o ses autres appartenances, les devantd. religieux ou leur commandement randront desoresmès, par chascun an, quarante seixtiers de sau de cens, et quarante soulz de taillée et la disme tant seulement, aux seigneurs et aux personnes ausquelles les cens, la taillée et la disme devantd. sont deues et seront.
Et ensorquetot, nous livrons, baillons et octroions, par non dud. eschange, aux devantd. religieux et à leurs successeurs, à avoir, à tenir, à porseir et à esplecter à jamais, en paiz, par eulx ou par ceulx qui ont ou auront cause d'eulx, ou par leur commandement, ung nostre maroys autre, que l'en clame le marois de la Barbotiniere, o ses ayres, o tous ses vivres, ayves, bociz et autres appartenances, exceptées toteveies de celui maroys ving et cinq aires de salines qui sont à Estiene Blandin et à sa fraresche ; lequel maroys est assis en lad. ille de Boign entre le maroys de la Violere, d'une part, et la Metoierie d'autre, et le maroys de la Place, d'une autre part, et le maroys qui est appeliez Costement, de l'autre; duqueld. maroys de la Barbotiniere et des aires et des vivres, des ayves, des bociz et des autres choses y appartenantes, iceulx religieux o leur commandement randront desoresmès, par chascun an, vingt seixtiers de sau de cens, et vingt solz de monoie courant de taillée et la disme tant seulement, aux seigneurs et aux personnes auxquelles les cens, la taillée, la disme devantd. sont et seront deuz sur le devantd. maroys o ses appartenances.
Et des devantd. deux maroys et de chascun par soy, et de tous les vivres, ayves, bociz et autres choses baillez de nous, par non d'eschange, aux devantd. religieux, si comme divisé est par devant, nous decessissons et à iceulx religieux en bâillon et en eulx en transporton toute la saisine, la pocession, la proprieté et le droit que nous y avion et povion et devion avoir, ou le deu, si comme il est dessus devisé, rendant; et prometons en bonne foy et par stipulacion leau, à iceulx religieux et à leurs successeurs, et sommes tenuz à leur garantir, deffendre et garir, et à ceulx qui, en non d'eulx, seront o meindront en devantd. maroys ou en l'un d'eulx ou en leurs appartenances, ou qui auront cause d'eulx, iceulx deux maroys o toutes leurs apartenances, et les sergenz et les autres parsonniers qui y seront ou meindront en non d'iceulx religieux, quictes, francs et delivres envers tous et contre tous, de tout bien, de toute autre taillée, de tout autre cenz et de tout doublage de cens, par quelconque raison ou cause l'en les pouroit demander et avoir, et de toute host, chevauchée, garde de prison et de prisonniers, et de toute garde de chasteaux, de villes et d'autres lieux, et de monstrée d'armes et de criée faicte et à faire en Boign, et de tous destroiz, de toutes servitutes, exaccions, estorssions et de tous autres deuz, exceptez les soizante sextiers de sau de cens, les soixante solz de taillée et la disme dessusd., et excepté haulte justice.
Et si ainsi estoit que li home des devantd. seigneurs de lad. ille de Boign dussent sauniers desd. marroys, il serreit les deux ans seignors, par raison des autres choses qu'ilz tendrent en lad. isle, selon l'usage de lad. isle, c'est assavoir que lidiz religieux peut herberger et tenir et avoir à tousjours troys menssionnaires tant seulement en dessusd. maroys, pour qu'il les amaingent de sors lad. ille, lequau mansionnaire seront franc et quipte selon toutes les franchises dessusd. et octroiées ausd. religieux et si lidit mansionnaire avoient rien ou teneient en lad. ille avant la dacte de cestes lettres ou après, par quelque raison que ce fust, ilz feroient et rendroient aux seigneurs touz les. deuz de lor tenues, selon la coustume de lad. isle, ainsi comme font les coustumiers de lad. ille.
Et promecton ce à faire et à procurer, et en garder iceulx religieux et les leurs de tous dommages et à garir toutes les choses dessusd. perpetuaument et à toutes cestes convenances dessusd. et chascune tenir et enteriner sans venir jamais encontre par nous ne par autres, par aucune raison, obligons espiciaulment et expressement à iceulx religieux et à leurs successeurs, nous et noz hoirs et noz successeurs et tous noz biens et toutes nos chouses, et renoncions quant en cest fait francheement à excepcion de barat, de tricherie et de decevance oultre moitié de droit pris et de lesion, et à touz aides de droit, de lay et de canon, à toutes excepcions, allegacions et raisons de fait et de droit, et à coustume et à establissemeiit de païs faiz et à faire, à touz privilegez et lettres données et à donner, et à toutes autres choses par quoy lesd. convenances ou aucune pourroient estre rappellées ou afeblies, ou destruites en tout ou en partie.
Et est assavoir que iceulx religieux ne pourront desoresmès receivre en l'assise dud. eschange à estagiers nulz de noz hommes roturiers, ne de noz hoirs, ne des hommes routuriers aux seigneurs soubz lesquels les choses dud. eschange sont assises, si ce n'estoit o nostre volenté ou de noz hoirs et des seigneurs dessus devisez.
Et adcertes nous Hugues de Thoars dessusd., qui avon juridicion et seigneurie par moitié communal par non devis o l'autre metié quel lidiz missire Girart [a] en choses dessus nommées, volons, graions, octroions et confermons led. eschange ausd. religieux et à leurs successeurs, à la priere et à la requeste du devantd. monsr Girart -Chaboz, et volon que lidiz religieux aient, tiengnent et esploictent, eulx ou leur commandement, desoresmès, lesd. choses, ou ceulx qui esteront esd. lieux par iceulx, quiptes et delivres, et ou les franchises dessusd., vers nous et noz hoirs et noz successeurs, toutesvoies en paiant le devoir dessusd. ; et promectons loiaulment en bonne foy que jamès encontre ne vendrons par nous ne par autre par aucune raison, ains voulon et octroions, pour nous et pour noz hoirs et pour noz successeurs, que iceulx religieux et leurs successeurs tiengent et esploictent pcrpetuaument à jamais en paix led. eschange des choses dessusd., en la forme et en la maniere dessusd.
En tesmoing de laquelle chose, que ce soit ferme et estable à touz jours mais, nous Girart Chaboz et nous Hugues de Thouars devant nommez, donnons à iceulx religieux cestes presentes lettres seellées en nos seaulx.
Ce fut fait en l'an de l'Incarnacion Nostre Seigneur mil deux cens IIIIxx et troys, le vendredi avant la feste de saint Denys, en moys d'octobre.
1. Cf. au n° CXXXII une requête du 3 avril 1285 pour obtenir la confirmation de cet échange.
2. En1235. Voy. no CXXXIII la charte visée ici et cf. n° CXXIII.
Gérard suivit, en 1285, Philippe le Hardi dans la croisade que fit ce monarque en Catalogne, pour venger, contre le roi d'Aragon, le massacre commis sur les Français aux Vêpres Siciliennes.
Nombre de seigneurs bretons accompagnèrent également le roi de France dans cette expédition; ce furent les sires de Laval, de Donges, de Châteaugiron, de Rougé, etc.
Dans l'assemblée tenue, par Jean II, duc de Bretagne, à Ploërmel, le 19 août 1294, dite l'assemblée des Osts du duc de Bretagne, pour le dénombrement des vassaux et des hommes d'armes, le sire de Retz déclara qu'il devait, à cause de sa terre de Retz, cinq chevaliers, et qu'il s'enquerrait s'il devait quelque chose, et combien, pour sa terre de Machecoul.
Gérard épousa, en premières noces, Amicie de Château-Gonthier ; en deuxièmes, Jeanne de Craon.
Il eut de cette dernière :
- 1° Gérard III;
- 2° Raoul, mort avant 1329;
- 3° Guillaume, seigneur de la Motte-Achard et de la Maurière, de Falleron, St-Étienne-de-Vaujoux, etc. Ce Guillaume se maria deux fois, d'abord à Guillemette de Pressay, ensuite avec Marguerite de Bourgneuf ; il mourut en Sicile, laissant, de sa première femme, un fils, nommé Simon Chabot, qui revint en France, et plaida contre les barons de Retz, qui s'étaient emparés des biens de son père. Simon mourut sans enfants, ses biens revinrent aux sires de Retz. Son scel est trois Chabots avec deux étoiles en chef.
III. GÉRARD CHABOT III
GÉRARD CHABOT III vivait en 1332.
Il épousa Marie-Clémence de Parthenay, dont il eut Gérard IV et
Foulque de Laval défendit avec un grand zèle la cause de Charles de Blois, contre le comte de Monfort, qui se disputèrent pendant vingt-quatre ans la couronne ducale de Bretagne.
Il fut fait prisonnier, avec quatre cents chevaliers, au mois de septembre 1350.
Remis en liberté, il ménagea, en faveur de son suzerain, un traité avec Raoul de Cahours, chevalier breton, qui lui livra, en 1351, les forteresses de Beauvoir-sur-Mer et de Lampans, l'île de Bouin et l'île Chauvet, points importants sur la frontière du Poitou (2).
Foulque de Laval vivait encore en 1358 ; Jeanne la Folle mourut dès 1341, et fut enterrée dans l'abbaye de Buzai.
Ils laissèrent plusieurs enfants, entre autres Gui de Laval 1er, surnommé Brumor, un des chevaliers les plus accomplis de son temps, qui épousa Jeanne de Montmorency, dame Blazon, dont il eut Gui de Laval II, que nous verrons appelé, plus tard, à la baronie de Retz.
Foulque de Laval et Jeanne la Folle eurent encore une fille, nommée Philippe, mariée à Alain de Saffré, seigneur de Saffré et de Sion ; la postérité de ceux-ci possédera un jour aussi la baronie.
GIRARD III Chabot, seigneur de Rays et de Machecou, fils de Girard II et de Jeanne de Craon, avait perdu son père quand il épousa Marie de Parthenay, fille de Guillaume l'Archevêque, chevalier seigneur de Parthenay et de Vouvent, et de défunte Jeanne de Montfort.
Le contrat de mariage, où Girard Chabot est qualifié valet, est du 14 juillet 1299 (Cartul. de Rays, n° 115).
La future est dotée de 300 livres de rente sur le port de Saint-Savinien et sur la châtellenie de Taillebourg par moitié ; de mille livres comptant, sans préjudice des droits de Marie dans la succession de sa mère. Girard lui assigne en douaire le tiers de ses biens, et spécialement ceux qu'il possède à Saint-Hilaire de Mermorte, excepté le château de ce lieu et le droit de prendre du bois de construction dans la forêt. Son fils, si elle en a, pourra y chasser le cerf depuis la Madeleine, 22 juillet, jusqu'à la Sainte-Croix, 14 septembre, et depuis la Toussaint jusqu'à Noël.
En octobre 1303, Girard III, encore valet, affranchit les habitants de l'Espay de Bouin de l'obligation de faire moudre leurs grains à ses moulins bannaux, vu la distance où ils s'en trouvaient, moyennant une somme de dix livres tournois, payée par chacun desdits habitants, qui sont au nombre de 47, dont six femmes (Ibid., n° 119).
Le 14 mars 1310, intervint une transaction pour mettre fin à un litige entre Girard Chabot, chevalier, et sa soeur Isabeau, veuve d'Olivier de Machecou, suscité par des conflits de juridiction entre les officiers de leurs terres respectives. Ils nommèrent chacun deux arbitres, chargés de faire une enquête et de prononcer définitivement. Ils s'engagèrerit l'un et l'autre à se soumettre à leur décision, dont les détails nous sont demeurés inconnus (Ibid.,n° 123).
Girard III resta fidèle aux traditions de ses pères vis-à-vis des monastères et des églises. En 1298, le chapitre général de l'Ordre de Cîteaux lui avait accordé, sur la demande de l'abbé de Buzay, en reconnaissance de son affection pour cet ordre, la participation aux prières et aux bonnes oeuvres du monastère.
Ruines du Château de Machecoul d’après la Revue Archéologiques 1858
1318, 6 juillet. — Acte par lequel, avec l'assentiment de Girard Chabot III, sire de Retz, Girard Chabot, son fils, et Catherine de Laval, renoncent à tous leurs droits dans les successions de Guy IX et de Béatrix de Gavre, sauf ceux résultant du manque de descendants mâles
(Cartulaire de Vitré, 73).
Sachent touz que nous Girart Chabot, chevalier, sire de Ray s et de Machecou, donnon povair plenier et auctorité à Girart Chabot, varlet, nostre filz ainzné, et à Katherine, sa famé, fille de noble homme monsieur Guy, seigneur de Laval et de Vitré, et à chacun d'eulx en tant comme nous debvon et povon, de faire, de tenir et accomplir fermement et sanz rapel toutes les chouses et chacune qui sont contenues et seront contenues en cestes présentes lettres ; et nous Girart Chabot, varlet, fils dou dit sire de Rays, et Katherine, nostre famme dessus dicte, o l'auctorité dessus dicte et o l’auctorité de nous Girart Chabot, fils dou dit sire de Rays et de Machecou, laquelle nous donnons à la dicte Katherine, nostre famme, quant à toutes les chouses qui sont et seront contenues en cestes lettres, laquelle nous Katherine prenons bonnement et acceptons, faisons savoir à touz qui ces présentes lettres verront et orront que nous Girart, varlet, et Katherine dessus dicte avons abrenoncié et uncore abrenuncion par parollés expresses à toute la succession et l'eschaiste qui nous poveit avenir et eschairs, et à toutes les chouses meubles et heritaux qui à nous et à chacun de nous povaint toucher et appartenir par raison de la succession et de la eschaite dou dit noble seigneur de Laval et de Vitré, et de damme de bon mémoyre Béatris, jadis famme dou dit noble seigneur de Laval, père et mère de nous Katherine dessus dicte, sauf et exceptées les promesses qui nous furent, faites dou dit seigneur de Laval au mariage de nous Girart et Katherine dessus ditz tant soulement, les nous accomplissons selon que elles sont, contenues es lettres qui furent faictes dou dit mariage, saellées soubz le seel des contractzle duc de Bretaigne establi à Rennes o les seaulx des dits seigneurs de Laval et de Rays, et Katherine dessus ditz, que si les filz du dit monseigneur Guy ou les hoirs des dits filz se deshairaieiit de hairs masles, que en celuy cas nous pourrions prendre et avoir nostre porcion et raison en la terre au dit seigneur de Laval, selon la quantité de la terre et le nombre des effans non contractant le abrenonciement dessur dit.
Et de cestes chouses dessur dictes toutes et chaseune tenir et garder leaument et en bonne foy sanz ressort, nous es noms dessus ditz Girart, varlet, et Katherine avons donné la foy de noz propres corps.
Donnez tesmoigns noz propres seaulx ensemble o le seel dou dit sire de Rays et de Machecou à maire confirmacion.
Et nous Girart Chabot, sire de Rays et de Machecou, avons mis nostre dit propre seel en cestes présentes lettres en tesmoign de vérité, en ratiffiant, coni'ermant et approuvant toutes les devant dictes chouses et chacune.
Ce fut donné ou jour de sebmadi prouchain après la Saint Martin d'esté, en l'an de graice mil CCC et oyct (a)
(a). Nous laissons dans le texte la date telle que nous la trouvons au manuscrit du Cartulaire. Mais Béatrix de Gavre, dont le décès a eu lieu avant la confection du document; vivait encore en 1315, et Girard Chabot III, ayant épousé Marie de Parthenay en juillet 1299, ne pouvait guère avoir en 1308 un fils déjà marié.
Nous estimons donc que l'acte est bien postérieur à 1308, et, supposant la simple omission par son copiste de l'un des chiffres constituant sa date, nous croyons pouvoir en fixer la confection à 1318.
En 1321, Girard fit donation à l'abbaye de la Chaume, diocèse de Nantes, de la jouissance de sa garenne à connins, située près de Machecou, en se réservant toutefois le droit d'y chasser lui-même (Cartul. de Rays, n° 129).
En 1328, pour augmenter les revenus d'une prébende de chanoine, récemment fondée dans la cathédrale de Nantes, il céda les dîmes sises dans les paroisses de Bouin et de Prigny, qui lui rapportaient 32 livres par an, moyennant une somme de 200 livres, donnant ainsi, en pur don, au moins la moitié de la valeur de ces revenus (Ibid., n° 136).
En janvier 1330, il confirma les donations faites à l'abbaye de Buzay par son père (F. lat. 17092, f. 85).
On a vu plus haut (article de Guillaume Chabot, seigneur de la Mothe-Achard) les détails d'une transaction passée entre Girard III et le père de Marguerite de Bourgneuf, veuve de Guillaume. Cet acte est daté du 14 octobre 1321 (Cartul. de Rays, n° 131).
Moins de deux ans après (21 juin 1323), Girard III maria sa fille Margot ou Marguerite avec Hervé de Léon, fils aîné de Hervé de Léon, seigneur de Noyon. Il lui donna 1.300 livres de rente, dont 1.000 sur les revenus de l'île de Bouin, l'habitation dans le château de Prigny ou 60 livres de rente.
Si Hervé préfère, au lieu des assignations qui précèdent, tout l'héritage de Guillaume de la Mothe-Achard, frère de Girard II et oncle de Girard III, il aura pour choisir un délai de deux années à partir des fiançailles.
Dans le cas d'option pour l'héritage de Guillaume de la Mothe-Achard, les assignations de rentes seraient nulles. Le père du futur, de son côté, constitue en douaire à Marguerite Chabot 600 livres de rente en Normandie, ou en toute autre partie de ses terres (Cartul. de Rays, n° 132).
Un procès qui survint en 1332 prouve que Hervé avait choisi les 1.300 livres de rente.
L'année 1327 nous fournit un renseignement précieux touchant la police de la navigation dans les ports de la seigneurie de Rays.
Un nommé Regnault Bérenger, habitant de Saint-Savinien, propriétaire d'un bateau nommé le Saint-Nicolas, avait navigué et stationné dans les ports de la seigneurie de Rays pendant huit marées, avec son bateau chargé d'environ 40 tonneaux de vin, sans avoir pris un brief ou permis scellé. Pour cette contravention, une saisie fut ordonnée : elle comprenait le bateau, les vins, l'argent et le maître du bateau lui-même, qui ne pouvait racheter que sa personne moyennant rançon. Regnault Bérenger se soumit, et, par un acte passé devant le sénéchal de la Roche-sur-Yon, reconnut la légitimité de la saisie (n° 135).
Un procès entre Girard III et son gendre Hervé de Léon fut apaisé en novembre 1332 par un arrangement intervenu entre eux. Il s'agissait des arrérages de la rente de 1.000 livres, assise sur les revenus de l'île de Bouin, et stipulée dans le contrat de mariage de Marguerite Chabot avec ledit Hervé. Deux annuités de cette rente étaient en souffrance, nous ne savons pour quelle cause. Hervé les réclamait à Girard III, qui d'abord refusa de s'exécuter, mais consentit enfin à lui tenir compte de 2.000 livres, qu'il paiera en plusieurs termes (n° 140).
Un mois après, un autre procès plus important se terminait, non par une transaction, mais par un arrêt du Parlement de Paris, rendu le 19 décembre 1332.
Girard III et sa femme Marie de Parthenay avaient cité devant cette juridiction royale Hugues l'Archevêque, seigneur de Parthenay, frère de celle-ci ; le procès était entamé depuis plusieurs années.
Hugues retenait depuis quinze ans tout l'héritage de Jeanne de Montfort, sa mère, et mère de Marie, et en avait perçu, durant le même temps, la totalité des revenus, sans en faire part à ses cohéritiers. Marie réclamait pour sa portion dans l'héritage une rente annuelle de 500 livres en terres, à partir du jour de la mort de leur mère.
La Cour, reconnaissant que, selon la coutume du pays, l'aîné hérite des deux tiers des biens de ses parents, et les puînés seulement de l'autre tiers, condamna Hugues de Parthenay à restituer à sa soeur Marie, femme de Girard Chabot, seigneur de Rays, la part qui lui revenait dans ce tiers, selon le nombre des puînés ayant droit à l'héritage de leur mère, plus sa part dans les revenus perçus depuis le commencement du procès (Cartul. de Rays, n° 139).
19 décembre 1332. Arest de la court de parlement donné au prouffit de madame Marie de Partenay, femme messire Girart Chabot, sgr de Rays, contre Hugo Larcevesque, frère de lad. Marie, touchant son partaige (a)
Philippus, Dei gracia Francorum rex, Universis presentes litteras inspecturis, salutem. Notum facimus quod lite mota in curia nostra inter Mariam de Partenayo, uxorem Girardi Chaboti, nunc militis, cum auctoritate dicti mariti sui, ex una parte, et Hugonem Archiepiscopi, fratrem suum, ex altera, .super eo quod dicta Maria proponebat et dicebat quod licet Johanna de Monteforti, mater ipsorum, tempore quo vtvebat et decesserat haberet, teneret et possideret pleno jure plures baronias, redditus et hereditates, et decessiset quatuor velqumque suis Itberis relictis, qui poterant et debebant succedere in hereditate dicte Johanne eorum matris; et ad ipsam Mariam, racione successionis dicte matris, pertineret et pertinere deberet legitima pars seu porcio hereditatis predicte, juxta numerum dictorum liberorum, tam de jure quam de consuetudine patrie.
Nichitominus, dictus Hugo hereditatem predictam matris sue tenebat et tenuerat per quindecim annos, fructus et emolumenta levaverat, ipsa Maria, tam propter minorem etatem et existente in potestate patris sui, tam propter ejus absenciam et ex aliis causis legitimis, non valente agere contra Hugonem fratrem suum predictum quare petebat dictum Hugonem sibi condempnari ad dendum, tradendum et restituendum partem et porcionem ipsam contingentem, usque ad valorem quingentarum librarum annualium terre, et ad ipsam ut premictitur pertinentem juxta consuetudinem patrie, cum fructibus inde perceptis, ad hoc plures raciones proponendo.
Prefacto Hugone in contrarium proponente et dicente quod, de consuetudine patrie ubi hereditas predicta erat situaia, filii et filie post geniti, in hereditate que tenetur in baroniam, sicut erat hereditas predicta, nichil petere poterant a filio primogenito nisi solum apanamentum sibi fieri per manum ipsius, et quod filie maritate et dotate per patrem, sicut fuerat dicta Maria, nichil de cetero in hereditate parentum petere poterant de consuetudine; et quod parentes sui ipsum, tanquam filium primogenitum et heredem suum, matrimonialiter copulari procuraverant cum filia domini de Nigella uxore sua, et in tractatu matrimonii predicti, actum fuerat et concordatum per parentes suos quod tota hereditas ipsorum ad ipsum Hugonem, tanquam filium suum primogenitum et heredem, ex tune pertineret, usufrutu dumtaxat quamdiu viverent penes ipsos reservato; et sic de consuetudine patrie tota hereditas ipsorum parentum ad ipsum pleno jure, quo ad proprietatem et pocessionem, ex tunc pertinuit et pertinebat quodque dicta Maria, post mortem sue matris, fuerat per patrem ipsorum maritata et sufficienter dotata, et sic, de consuetudine patrie, nichil petere poterat in hereditate matris sue, quare jam renunciaverat, saltim tacite, de consuetudine predicta, vel quod saltim fructus petere non poterat nisi a tempore mote litis, de consuetudine predicta; premissa et plures alias raciones et consuetudines proponendo ad finem quod absolveretur ab impeticione ipsius Marie.
Prefata Maria ex adverse replicante et dicente quod, de consuetudine ipsius patrie, per convenciones quascumque factas in, tractatu maritagii filii sui primogeniti vel alias, non poterat prejudicari filiis vel fiabus post genitis, quominus possint petere et habere partem et porcionem ipsos contingentem in hereditate parentum decedencium; et quod licet pater suus, post mortem matris sue, ipsammaritasset et dotasset, non tamen snfncienter secundum porcionem quam habere debebat in hereditate patris sui si decessisset; et nicbHominus, tam de jure quam de consuetudine patrie, petere poterat et habere debebat partem et porcionem suam in hereditate matris sue, cum de ipsa hereditate mortua fuisset saisita pleno jure, presertim quia in tractatu maritagii sui predictus pater suus voluerat et concenseratquod dicta Maria petere posset partem et porcionem hereditatismatris sue, que tunc decesserat; premissa et plures alias raciones, facta et consuetudines ad finem suum predictum proponendo.
Facta igitur inquesta super premissis per certos commissarios per nostram curiam super hoc deputatos, nonnullis testibus hinc inde productis et examinatis, et litterisquibusdamin modum probacionis productis, et ipsa inquesta pro judicando ad nostram curiam remissa, et auditis Johanne Archiepiscopi, domino de Partenayo, fratre et herede dicti Hugonis, et ipsa Maria, per arrestum curie nostre dictum fuerit quod hujusmodi inquesta reciperetur et judicaretur in statu in quo erat, ut esset racionis.
Recepta igitur per curiam nostram adjudicandum inquesta predicta, ipsaque visa et diligenter inspecta, cum per inquestam inter cetera repertum fuerit quod, de consuetudine patrie, due partes hereditatis deffuncti nobilis ad filium primogenitum pertinere debent et tercia pars dumtaxat ad omnes alios libères post natos, per judicium curie nostre dictum fuit quod prefatus dominus de Partenayo reddet et restituet prefate Marie, sorori sue, partem et porcionem tercie partis hereditatis denuncte matris sue predicte, ipsam Mariam contingentem, juxta numerum liberorum dicte matris tunc vivencium, qui poterant et debebant porcionem hereditariam petere in hereditate predicti, juxta consuetudinem patrie assidendam, eum fructibus indeperceptis a tempore mote litis in curia nostra, que quidem lis mota fuit anno Domini millesimo ccc° secundo, die mercurii postfestum beati Gregorii', proviso tamen quod prefatus dominus de Partenayo non compelletur, actentis probatis in inquesta, tradere vel dividere honorem baronie, sed alias in redditibus et proventibus dicte hereditatis, juxta consuetudinem patrie, ut est dictum et per idemjudicium dictum fuit quod dicta porcio quingentas libras terre annuales, cum ad dictam summam dicta Maria se restrixerit, non excedet. In cujus rei testimonium, presentibus litteris, nostrum fecimus apponi sigillum.
Datum Parisius, in parlamento nostro, die decima noha decembris, anno Domini millesimo ccc tricesimo secundo.
Sic signatum Per judicium curie. Hangest.
(a). Cet arrêt est également transcrit dans un registre du parlement (Arch. nat.,X1a, fo 271). Celui-ci, entre autres améliorations, nous a permis de rétablir une ligne sautée par le copiste du cartulaire.
Girard III, en 1333, sévit contre une de ses filles, nommée Jeanne, qui avait épousé clandestinement un gentilhomme de petite noblesse, Jean de la Muce-Ponthus. Il la déshérita d'abord, puis exigea d'elle et obtint par contrainte une renonciation à toute succession provenant de ses père et mère et de leur descendance. On lira, à l'article de Jeanne Chabot, les détails de ces faits et de leurs suites.
Nous ne trouvons plus un seul document se rapportant à Girard III, jusqu'à sa mort.
14 mars 1338- Eschange entre madame Marie de Partenay, veufve de feu mons de Rays, et mons de Rays son filz, touchant IIIe livres de rente assises à Taillebourg et IIIe livres de rente à Machecoul.
A tous ceulx qui cestes presentes lettres verront et orront, Marie de Partenay, dame de Saint Estienne de Malemort et de la Mothe Achard, d'une partie, et Olivier, sgr de Cliczon, ch., sire de Belleville, et Girart de Rays, sire de Rays et de Machecoul, salut en Nostre Seigneur perdurable.
Sachent tous que nous les devantd., de nostre certaine science, nous submetans à la juridicion de nostre sires le roy de France quant ès choses qui ensuivent en cestes presentes lettres, congnoissons et confessons nous les davantd. Marie, d'une part, et nous led. Olivier, ch., comme curateur donné aud. Girart, et led. Girart, o l'auctorité et assehtement denous davantd. Curateur à lui donné suffisanment quant à toutes choses et chascune qui s'ensuivent, d'autre part, d'une commune volenté et assentement, nous avoir fait et adecertes faisons contract de permutacion et eschange perpetuel en la forme et maniere qui s'ensuit (1) :
C'est assavoir que nous lad. Marie avons baillé et octroyé, et encores baillons et octrions à jamès perpetuelment, à perpetuel heritaige, aud. Girart, sire de Rays, en son nom, et aud. sire de Cliczon, comme curateur dud. Girart, troys cens livres de rente que nous lad. Marie avions, tenions et poursuivons ou temps de cest eschange, comme nous disons, en l'evesché de Xaintes, c'est assavoir cent et cinquante l. sur le port de Saint Savenien et sur les rentes, issues et aventures, et le droit de destroit et seigneurie qui, pour raison desd. rentes non paiéesde celui port, advendroient ou pouroient advenir, et cent 1. derente en la rue Sauneresse de Taillebourg, et cinquante l. de rente sur les bailliaiges de la chastellenie de Taillebourg, o tout le droit, destroit, justices et amandes, qui, pour raison desd. cent et cinquante t. de rente non paiées, pourroient ou deveroient advenir, en la maniere et selon que nous lad. Marie les y avions et levions, et les y soulions avoir et lever.
Et en retour et recompassacion et eschange des choses dessusd., nous les devantd. Girart, o l'auctorité dud. monsour Olivier nostre curatour, et nous led. Olivier, comme curatour dessusd., avons baillé, livré et octroyé, et encores baillons, livrons et octroyons à lad. dame Marie troys cens 1. de rente en deniers, lesquelles seront prinses et levées sus toutes les choses de la chastellenie de Machecoul par la main des receveurs aud. Girart, et estre paiées premier et avant, sans ce que nous led. Girart puissons riens avoir ne lever de nulle des choses de lad. chastellenie, en nulle maniere, jusques à tant que lad. dame soitparenterinement paiée par chascun an desd. IIIc 1.
Et commensera lad. dame, dès te temps de present, à lever lesd. Ille 1. sus lad. chastellenie; et aussi nous led. Girart, o l'auctorité dessusd., commanserons lever lesd. mIIIc 1. à nous baillées par eschange, comme dit est, dès le temps de présent.
Et transportons, nous lesd. dame Marie et Olivier, sgr de Cliczon, comme curateur dud. Girart quant à ce, et led. Girart et chascun de nous, en tant comme chascun en touche, les ungs aux autres, réelle et corporelle pocession et saisine desd. choses baillées par eschange, comme dit est, et nous en desvestissons et dessaisismes du tout en tout par la court du roy nostre [sire] dessusd., de nostre propre volunté et de nostre propre assentement et de chascun de nous, et en vestimes et cesismes les ungs les autres, c'est assavoir nous lad. Marie, led. monsour Olivier, ou nom que dessus est dit, et led. Girart, en la maniere que dit est, et chascun entant comme lui touché, desd. IIIc 1. de rente que nous leur avons baillées en dit esvesché de Xaintes, et nous led. Olivier de Cliczon, comme curateur dessusd., et nous led. Girart, o l'auctôrité dud. monsour Olivier, lad. dame Marie desd. IIIc 1. que nous lui avons baillées à prendre et lever sur les choses de la chastellenie de Machecoul, comme dit est, à jamès, mesmement par la baillée de cestes presentes lettres.
Et promectons et sommes tenuz nous lad. Marie et Olivier, sr de Cliczon, en nom dessusd., et nous led. Girart, ou l'auctorité dud. sire de Cliczon, et chascun de nous en tant comme à chascun de nous atouche et peut apartenir, sur l'obligacion de nous, de noz hoirs, de noz successeurs et de tous nos biens meubles et inmeubles, presens et advenir, garantir et deffendre lesd. choses baillées par eschange, comme dit est, les ungs ès autres, de tous empeschemens, vers tous et contre tous, selon usage et coustume de païs à avoir, à tenir, à prandre, lever et exploicter lesd. choses baillées par eschange, comme dit est, de nous dessusd. nommez, pour nous, pour noz hoirs et pour ceulx qui de nous auront cause, à jamès, en paiz et sans contens, à en faire toutes noz propres voluntez comme de nos propres heritaiges.
Et renoncions nous lesd. parties, en cest nostre fait, à toutes excepcions [de] fraude, barat et tricherie, de lesion, decirconvencion, de decevance oultre moitié de droit priz ou dedens, à toute aide de droit escript et non escript, à tout privilege de croiz prinse ou à prandre, à excepcion de ceducion, de mal introducion, à tout pourforcement, à eschange non eue, non bonne, non prinse à gré; et generalment à toutes les choses et chascune qui contrôla teneur et le devis de cestes lettres pourroient estre dictes, obicées ou opposées, tant de droit que de coustume, et espicialment au droit disant géneral renunciacion non valoir si n'est comme eue est expressement spécifiée et espiciaument nous lad. Marie, au benefice du droit Velleien et divi Adrien, duquel nous avons esté acertainée premier; et nous led. Girart, o l'auctorité dessusd., à excepcion de non eage, à tout benefice de restitucion en enterin pour cause de meneur eage ou autrement.
Et jurasmes nous lesd. parties et chascun de nous en tant comme à lui touche, sus sains euvangilles Nostre Seigneur de nous touchées corporellement, tenir et acomplir la teneur et le devis de cestes presentes lettres par tous et en chascuns articles, sans jamès venir encontre par nous ne par autres ou temps avenir, et loiaulment acomplir les choses dessusd.
En tesmoign desquelles choses, nous les dessusd. en avons donné l'une partie à l'autre cestes presentes lettres seellées, à noz requestes, du seel de la senechaussie de Poictou, jadis estably à la Roche sur Yon pour nostre seigneur le roy de France, ensemblement o noz propres seaulx, à maire fermeté avoir des choses dessusd.
Ce fu fait, donné et passé soubz le jugement de la court du roy nostre seigneur dessusd., et scellé par moy Guion Angelot, clerc, garde dud. seel en celui temps, à la relacion de Pierres Sauderon, clerc, mon juré, auquel je ay adjousté plaine foi, qui lesd. parties, de leur assentement, presentes et consentantes aux choses dessusd. si comme dessus est dit, par le jugement de la court du roy nostre sire jugea et condampna, si comme il me fit planiere relacion de toutes les choses dessusd. et chascune, en la vertu de leurd. serment tenir, garder et acomplir et non venir encontre sauve le droit de nostre sire le roy et l'autruy, led. seel dud. nostre sire le roy en cestes presentes lettres ay apposé en tesmoign de verité des choses dessusd., en jour du samadi après le dimanche que l'en chante Reminiscere, l'an de grace mil troys cens trente et sept.
Garans à ce presens et apelez Symon Anger, clerc, Olivier du Verger et Girart Blanchart, valletz.
Ainsi signé P. Sauderon.
(1). Cf. sous le no CLX le même acte d'échange, contenu dans un document passé en la cour de Nantes le 26 janvier 1338. Les clauses sont les mêmes dans les deux pièces et ne diffèrent que par un détail tout à fait accessoire. Dans le no CV, en forme de lettres, les parties en cause parlent à la première personne; dans le n° CLX, en forme de contrat, les intéressés sont désignés à la troisième personne.
Il avait eu de Marie de Parthenay, qui vivait encore en 1359:
- 1° Girard Chabot épousa Catherine de Laval, fille de Foulque de Laval. Il ne laissa qu'un fils, nommé aussi Girard IV, qui continua la descendance.
- 2° Marguerite Chabot, mariée à Hervé de Léon. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit des stipulations de son contrat de mariage, et du litige suscité à cause d'un retard dans leur accomplissement. Nous ne savons rien de plus de Marguerite Chabot.
3° Jeanne Chabot qui fut surnommée la Folle, pour avoir épousé avant d'atteindre l'âge de sa majorité, sans le consentement de ses parents, Jean de la Musse-Pont-Huë, qualifié valet, d'une petite extraction.
Les parents de Jeanne, irrités de cette mésalliance, l'exclurent de la succession de leurs biens présents et à venir. De plus, l'année suivante, profitant du désir manifesté par Jeanne de se réconcilier avec eux, ils l'amenèrent à consentir à un acte passé devant la cour de Nantes, par lequel elle renonçait non seulement à la succession de Girard et de Marie, ses père et mère, mais même à toute autre succession en ligne directe ou collatérale, provenant de leur descendance (Dupaz, Généal. de Bretagne, p. 209).
Peu d'années après, soit que Jean de la Muce prétendît faire annuler cette renonciation comme obtenue par contrainte, soit que Girard III lui-même eût des scrupules, Olivier de Clisson, chevalier, seigneur de Belleville, fut chargé en qualité d'arbitre, de décider si la renonciation de Jeanne Chabot était légitime.
Après avoir mûrement examiné la question et s'être éclairé du conseil de prudes gens, il déclara, dans deux actes différents donnés en avril 1336, pour ne pas cheoir en faulte, et pour alléger sa conscience, que la renonciation obtenue de Jeanne, étant encore mineure, était nulle et sans valeur, et condamna son père et sa mère, seigneur et dame de Rays, à lui assigner une rente de 400 livres, et à la rétablir dans ses droits sur les successions provenant de leur lignage.
Jeanne, devenue veuve de Jean de la Muce, épousa, en deuxièmes noces, Foulque de Laval, dont elle eut un fils nommé Brumor de Laval.
C'est le fils de ce Brumor, du nom de Gui, qui devint plus tard héritier de la seigneurie de Rays. Jeanne Chabot mourut vers 1341.
IV. GÉRARD CHABOT IV, sire de Retz, de la Motte-Achard, de la Maurière, etc., était mort en 1342, laissant, de Catherine de Laval, dame d'Avrilly, en Anjou, son épouse :
V. GÉRARD CHABOT V, sire de Retz, de la Motte-Achard, etc., qui mourut avant l'an 1362.
Il avait épousé Philippe, fille de Robert, seigneur de Briquebec, maréchal de France, dont il eut Gérard VI et Jeanne, surnommée la Sage, par opposition avec sa grand'tante, Jeanne la Folle.
VI. GÉRARD VI assista Charles de Blois à la bataille d'Auray, en 1364, et y fut fait prisonnier.
Rendu à la liberté, le sire de Retz vint joindre à Dreux, en 1371, le connétable du Guesclin; la compagnie qu'il amena se composait de lui, Gérard, chevalier banneret, de Brumor de Laval, chevalier bachelier, et de vingt-huit écuyers, parmi lesquels on remarque Hervé de Bruc, Bertrand de Bruc, etc.
Il mourut peu de temps après, n'ayant pas eu d'enfants de Marguerite de Sancerre, sa femme, et laissant la baronie de Retz à sa soeur.
VII. JEANNE la Sage ne paraît pas s'être jamais mariée, quoi qu'en ait dit Moréri qui lui attribue pour mari un François de Chauvigny.
Cette assertion de Moréri eut sans doute pour cause un passage obscur de d'Argentré, où Jeanne Chabot, dite la Sage, est confondue sous le nom de Dame de Retz avec Jeanne de Laval, qui porta le même titre, un siècle plus tard, et épousa en effet François de Chauvigny.
Mais dans aucun de ses actes parvenus jusqu'à nous, Jeanne Chabot ne figure comme mariée, et réciproquement dans la généalogie de la maison de Chauvigny, donnée par la Thaumassière, en son histoire du Berry, on ne reconnaît aucun François de Chauvigny qui ait pu être le contemporain, ni l'époux de Jeanne Chabot.
Celle-ci, qui vécut plus de trente ans à partir de son avènement à la seigneurie de Retz, eut une vie fort agitée, fort tourmentée ; elle manifesta une incertitude dans ses idées, un défaut de suite dans ses actions qui font un peu contraste avec son surnom de Sage. Peut-être aussi ne fut-elle pas parfaitement libre dans ses actions, et se trouva-t-elle dominée par des motifs qu'il nous est difficile d'apprécier.
Sa carrière est particulièrement marquée par deux actes importants au sujet de son patrimoine et de son héritage, et elle revint sur chacun d'eux à grand renfort de procès et de déceptions.
Le premier de ces actes fut de céder à Jean IV, duc de Bretagne, par contrat du 17 août 1381, la baronie de Retz et toutes ses châtellenies, en échange des terres de Rosporden, de Fouesnant, et de Châteaulin-sur-Trieu, situées en Basse-Bretagne. Cet échange était évidemment disproportionné.
L'ambitieux Jean IV voyant une femme isolée, dernière héritière de son nom, en possession de riches seigneuries, abusa vraisemblablement de sa puissance pour l'amener à souscrire un contrat qui ressemblait plutôt à une spoliation qu'à un échange.
Aussi Jeanne ne cessât-elle de lutter contre cet acte injuste et d'en provoquer la résiliation. Quoi qu'il en soit, le traité reçut d'abord son exécution au commencement de l'année 1382.
Alain du Bois, procureur général de la Dame de Retz, prit au nom de celle-ci, possession des châtellenies de Rosporden, Fouesnant et Châteaulin, et reçut le serment des vassaux et sujets le 7 janvier.
Quelques jours après, le 26 janvier, la Dame de Retz donna procuration au même Alain du Bois, à Gérard Goyon et à Jean Guinier de mettre le duc en possession de la baronnie de Retz.
Cette cérémonie n'eut lieu cependant que le 25 mars 1383, jour auquel Jean, duc de Bretagne, comte de Montfort et baron de Retz, fit lire les lettres d'échange en présence d'un notaire et de plusieurs seigneurs qui virent et reconnurent les sceaux; lesquelles lettres étant lues, Gérard Goyon déclara au nom de Jeanne Chabot, le duc de Bretagne seigneur et baron de Retz, le mit en possession de ladite baronnie, du château de Machecoul et des autres châtellenies dépendantes de Retz, et il commanda à tous les vassaux et sujets de la baronnie de faire hommage et de prêter serment au duc comme à leur vrai seigneur; les quittant de tout serment prêté à ladite Dame de Retz.
VIII. JEAN IV, duc de Bretagne, eut à peine pris possession de sa nouvelle seigneurie qu'il se vit dans l'obligation de remplir un rôle qui, vraisemblablement, le flatta peu.
Ce fut de prendre rang parmi les quatre seigneurs qui portaient l'évêque de Nantes à son entrée. Il reçut de Jean de Montrelais, nommé à l'évêché de Nantes, une lettre datée du 29 mars qui le sommait de se trouver à Nantes le mardi de la semaine sainte, et d'y remplir son devoir de baron de Retz, en portant l'évêque à l'église comme ses prédécesseurs les sires de Retz l'avaient toujours fait en telle circonstance.
Le vainqueur d'Auray ne jugea pas à propos de décliner cet honneur, et il porta l'évêque, de concert avec les trois autres barons du diocèse accoutumés à cette cérémonie. C'étaient les seigneurs de Châteaubriant, d'Ancenis et de La Roche-Bernard.
Le duc se montra plus jaloux de ses droits temporels, et il le fit sentir à Marguerite (ou Catherine), dame de Machecoul et de la Bénaste, épouse de Pierre de Craon-la-Suze, qui faisait bâtir, sans avoir pris son autorisation, un château à la Bénaste, dans le pays de Retz.
Elle fut citée à comparaître devant le duc et son conseil séant à Vannes, pour le jeudi de la Pentecôte, par Prégent de Trélever, maître d'hôtel et garde du pays de Retz.
Elle fut condamnée à démolir les constructions qu'elle avait commencées.
Mais l'échange de la baronnie de Retz que Jean IV avait obtenu par ruse ou par violence, ne fut jamais exécuté de bonne foi et donna lieu à une foule de difficultés.
Jeanne n'avait jamais pu s'acclimater en ses nouvelles châtellenies, au milieu de vassaux et de sujets dont elle n'entendait pas la langue, dont les moeurs lui étaient antipathiques.
Elle obtint du duc de Bretagne qu'il lui laissât, à titre de prêt, les châteaux de Prinçay, de Prigny, de St-Étienne-de-Malemort pour y faire sa résidence ; plus tard le duc eut la pensée de faire payer cher le loyer de ces trois châteaux; car, lorsque aux conférences d'Aucfer, près Redon, il régla, avec Olivier de Clisson, l'indemnité qui était due au duc de Penthièvre, il donna à ce dernier la seigneurie de Châteaulin-sur-Trieu, au mépris de la convention qui déjà avait attribué cette châtellenie à Jeanne Chabot.
Celle-ci réclama vivement contre une telle injustice et plaida contre le duc pour obtenir la résiliation de l'échange de 1381.
Enfin le duc de Bourgogne fut choisi pour arbitre de ce différend, et ce puissant seigneur, relevant noblement la cause de l'opprimée, ordonna, par sa sentence du 24 avril 1399, que le duc restituât à Jeanne la baronnie de Retz avec les châteaux de Machecoul, Prinçay, Pornic, Prigny, etc., et qu'il lui payât une somme de seize mille livres.
Cette sentence fut confirmée par le roi le 12 juin de la même année, et le duc rendit les terres le 21 juillet 1399.
Jeanne, à peine remise en possession de son patrimoine, et se sentant vieillir, s'occupa de choisir son héritier.
Elle n'avait que des parents éloignés ; son idée cependant semble avoir été de chercher ceux que la nature et la loi lui indiquaient comme ses plus proches.
Elle jeta les yeux sur Gui de Laval II, seigneur de Blazon, fils de Gui de Laval Ier, dit Brumor, et petit-fils de Foulque de Laval et de Jeanne la Folle.
Toutefois Gui de Laval ne pouvait hériter naturellement, car l'exhérédation dont avait été frappée Jeanne la Folle, à cause de son mariage avec Jean de la Musse Pont-Huë, l'écartait de la succession ; une institution spéciale, faite par Jeanne de Retz en sa faveur, pouvait seule écarter cet obstacle.
Elle s'y détermina, et institua Gui de Laval son héritier en 1400, à condition qu'il prendrait le nom et les armes de Retz ( d'or, à la croix de sable ) ; et dans le cas où Gui n'accepterait pas, elle institua, par le même acte, Jean de Craon, fils de Catherine, ou Marguerite de Machecoul. Gui de Laval accepta l'hérédité le 25 septembre 1401.
Mais Jeanne se brouilla bientôt avec le successeur qu'elle s'était choisi ; et dans son ressentiment, ne songeant plus qu'à l'écarter, elle reporta, par un nouvel acte du 14 mai 1402, son héritage à Catherine de Machecoul , fille et principale héritière de Louis de Machecoul, seigneur de la Bénaste et du Coustumier, veuve de Pierre de Craon, seigneur de la Suze, Ingrandes et Champtocé.
Cette famille remontait à Gérard de Machecoul qui avait épousé Eustache Chabot, fille de Gérard ler.
Elle avait toujours possédé des fiefs importants dans le pays de Retz, et en dernier lieu, le mariage de Catherine de Machecoul avait porté, dans la famille de Craon-la-Suze, les seigneuries du Coustumier, de la Bénaste, de Bourgneuf et de Bouin.
Mais Gui de Laval ne voulut pas se laisser éconduire, sans résistance, d'une succession qui lui avait été authentiquement concédée.
Il intenta un procès à Jean de Craon, fils et héritier de Catherine de Machecoul.
Ce procès heureusement ne dura pas longtemps, et se termina à l'amiable, par le mariage de Gui avec Marie, fille de Jean de Craon.
Celle-ci céda, par son contrat de mariage, en 1404, à Gui de Laval son époux, toutes ses prétentions à la baronie de Retz.
Peu de temps après cette alliance qui rendit enfin à Jeanne Chabot quelques moments de paix pour ses vieux jours, elle mourut, le 16 janvier 1406.
Maison de Laval.
IX. Gui DE LAVAL prit possession, de la baronie de Retz, aussitôt après la mort de Jeanne Chabot.
Il eut deux enfants de sa femme Marie de Craon-la-Suze, Gilles de Laval, et René, qui, après la mort de son frère aîné et de la fille de celui-ci, hérita de la seigneurie de Retz.
Gui de Laval mourut jeune en 1416; sa veuve se remaria, à Charles d'Estouteville, seigneur de Villebon, et mourut sans laisser d'enfants de ce second hymen.
X. GILLES DE LAVAL, l'un des plus riches et des plus puissants seigneurs du XVe siècle, a laissé, sous le nom de Barbe-Bleue, dans le pays de Retz, et même bien au- delà, un prestige de terreur que quatre siècles n'ont pas suffi pour effacer.
Cette vie si pleine d'affreux mystères s'ouvre par une naissance dont la date est environnée de ténèbres.
Les écrivains qui nous ont précédé ont voulu prendre pour base de leurs supputations le mémoire que les héritiers de Gilles de Laval firent rédiger douze ou quinze ans après sa mort, et dans lequel il est dit que Gilles était âgé de vingt ans au moment de la mort de son père ; or, comme tous les documents fixent cette mort à l'an 1416, il résulte de là que Gilles serait né eu 1396, et la biographie de Michaud, où l'article GILLES DE RETZ a été traité avec étendue, n'a pas hésité à adopter cette époque.
Cependant une telle date est impossible, car elle est en contradiction manifeste avec celle du mariage de Gui de Laval et de Marie de Craon, qui n'eut lieu qu'en 1404.
Nous venons de voir que ce mariage se fit à la suite d'un procès et après divers actes d'institution d'hérédité ou de transaction, de 1400, 1401, 1402, tous si précis et si conséquents l'un à l'égard de l'autre qu'il est impossible de les déplacer. Gilles de Laval n'a donc pu naître avant l'an 1404.
De là cette alternative inévitable : ou Gui de Laval est décédé postérieurement à l'année 1416, ou Gilles de Laval, son fils, n'avait que douze ans et non pas vingt, quand il perdit son père. Cette fixation de date a des conséquences assez graves, car si nous admettons comme deux faits établis que Gilles est né, au plus tôt, en 1404, et que son père est mort en 1416, nous allons le trouver bien jeune à diverses époques importantes de sa vie.
A douze ans, il entre en possession d'une grande fortune sous la tutelle de son aïeul maternel, Jean de Craon, dont, assure-t-on, il n'écouta guère les conseils.
La même année 1416, il y eut un traité de mariage entre lui et Jeanne Painel, fille et principale héritière de Foulque Painel, seigneur de Hambuie et de Briquebec ; ce traité n'était vraisemblablement qu'une fiançaille d'enfants comme on en faisait alors. Mais le mariage n'eut pas lieu, Jeanne Painel étant morte avant la célébration.
Gilles de Laval redevenu libre, épousa, par contrat du dernier novembre 1420, alors qu'il n'avait que quinze ans, Catherine de Thouars, fille de Miles II de Thouars, seigneur de Pouzauges, Tiffauges, etc., et de Béatrix de Montejean.
En 1425, il accompagna à Saumur le duc de Bretagne, Jean V, qui s'était rendu dans cette ville pour y prêter hommage au roi de France.
Bientôt après il passa au service de Charles VII, et prit une part glorieuse dans la lutte de ce monarque contre les Anglais.
Il emporta d'assaut le château du Lude, en 1427 ; prit encore aux Anglais les châteaux de Malicorne et de Rennefort, dans le Maine.
En 1429, il se signala à la levée du siège d'Orléans, et à la prise de Jargeau.
Il assista la même année au sacre du roi à Reims ; et Charles VII pour récompenser la puissante assistance et les brillants services du sire de Retz, lui conféra la dignité de maréchal de France, qui à cette époque ne se donnait qu'à quatre seigneurs puissants, à quatre guerriers illustres du royaume.
Gilles de Laval n'avait alors que vingt-quatre ans, et là toutefois se termina la période honorable de sa vie : le reste ne fut plus qu'un tissu de crimes, ou plutôt qu'un long accès de folie (3).
Rentré dans ses foyers, il se livra à un luxe effréné et bizarre, à des prodigalités extravagantes qui finirent par compromettre sa fortune. Celle-ci pourtant était immense, et il est curieux de faire le dénombrement des domaines dont elle se composait.
Il reçut d'abord de la succession de son père la baronie de Retz, renfermant plusieurs châtellenies et seigneuries comme Machecoul, Pornic, Prigny, Vue, St-Étienne-de-Malemort : cette baronie conférait le titre de doyen des barons du duché de Bretagne.
Il tenait encore du chef paternel les terres de Chemillé et de Blazon (Blaison près les Ponts-de-Cé); celles de Fontaine-Milon et de Gratte-Cuisse en Anjou ; la Motte-Achart et la Maurière en Poitou ; Ambrières et St-Aubin-de-Fosse-Louvain, dans le Maine, et plusieurs terres en Bretagne et autres lieux.
Catherine de Thouars lui apporta en mariage les terres de Pouzauges, de Tiffauges, Lombert, Grez-sur-Maine, Château-Morand , Savenay , Confolens et Chabanois ; ces deux dernières situées en Limousin, étaient entrées dans la maison de Thouars par le mariage de Miles Ier deThouars, seigneur de Pouzauges, avec Jeanne, fille d'Eschivat, seigneur de Chabanois, Confolens, etc., vers 1350.
Enfin, par la mort d'Amaury de Craon, frère de sa mère, tué à la bataille d'Azincourt, en 1415, Gilles de Laval se trouva unique héritier de toute la fortune de son aïeul Jean de Craon.
Celui-ci mourut en 1432, et lui laissa la terre de la Suze , dans le Maine, avec l'hôtel de la Suze, à Nantes, et les seigneuries d'Ingrandes et de Champtocé, du Loroux-Rotereau, de Sénehé et de la Voulte (sans doute le château de la Voûte, près Montoire en Vendomois), de la Bénaste , de Bourgneuf, de l'île de Bouin ; ces trois derniers domaines qui sont compris dans le pays de Retz, avaient été portés, comme nous l'avons vu plus haut, dans la famille de Craon-la-Suze, par le mariage de Catherine de Machecoul, dame de la Bénaste, etc., avec Pierre de Craon.
La fortune de Gilles de Retz est évaluée, dans le mémoire de ses héritiers, à un revenu de trente mille livres en vrai domaine ( non pas trois cent mille livres, comme le dit la biographie de Michaud , l'auteur ayant pris le change sur un zéro ), sans les autres profits qu'il tirait de ses sujets.
Il recevait, en outre, pour son office de maréchal de France, des gages et pensions du roi, avec des dons gratuits, ce qui pouvait élever sou revenu total à quarante ou cinquante mille livres.
Il avait en outre recueilli, tant de ses héritages divers que de son mariage, un mobilier évalué à cent mille écus d'or. De tels chiffres représentaient en ce temps- là des valeurs immenses.
Une fortune qui aujourd'hui serait composée des mêmes domaines, serait plus grande peut-être qu'aucune de France; mais au XVe siècle, les terres étaient peu habitées, peu cultivées, les bois et autres fruits, n'avaient pas de débouchés, les domaines fonciers ne rapportaient en conséquence pas la vingtième partie de leur revenu actuel.
Enfin la fortune de Gilles de Laval, seigneur de Retz, était colossale, et sa composition sert à nous prouver que le sol de la France était alors partagé entre un nombre très-limité de familles.
Gilles de Retz commença, dit-on, à dilapider sa fortune dès le temps de sa minorité, et en dépit de la tutelle de Jean de Craon.
Quand il fut revenu du service, il monta sa maison avec un luxe de prince, mais avec des bizarreries et un désordre plus destructeurs que le luxe. Il eut une garde de deux cents hommes à cheval, magnifiquement vêtus et équipés, entretenus à ses frais, sorte de dépense que les plus grands princes de son temps osaient à peine se permettre. Il tenait une table ouverte, où les convives étaient traités en mets recherchés, en vins fins, le tout servi dans des vases et une vaisselle de grand prix.
Il avait des veneurs, des chevaux, des chiens, des faucons, toujours disposes pour la chasse.
Il faisait faire jeux, farces, morisques (danses moresques), jouer mystères à l'Ascension et à la Pentecôte, sur de hauts échafauds sous lesquels étaient Hippocras et autres forts vins comme dans une cave.
On cite parmi ses fantaisies les plus extraordinaires, sa chapelle, composée de vingt-cinq à trente personnes, chapelains, musiciens, enfants de choeur, qui formaient, avec les serviteurs, une suite de plus de cinquante individus l'accompagnant à cheval dans ses voyages, et vivant partout à ses dépens.
==> Le Fantôme de Barbe-Bleue - chapelle des Saints-Innocents château Machecoul-en-Rais
Cette chapelle était enrichie d'un grand nombre d'ornements en drap d'or et de soie, en encensoirs, candélabres, croix , plats, burettes et calices de grande valeur.
Il avait plusieurs buffets d'orgues, dont un surtout le suivait dans tous ses changements de résidence, porté par six hommes.
Il attribuait à ses chapelains les titres d'évêque, d'archidiacre, de chantre, de doyen, comme dans une cathédrale. Il envoya plusieurs fois vers le pape pour obtenir qu'ils fussent mitres comme des prélats ou comme les chanoines de Lyon.
Il les entretenait de grands habits d'écarlate et de robes traînantes à fines pannes et fourrures, chapeau de coeur de fin gris, doublé de menu voir.
Mais tout ce service, dit le mémoire, n'était que vanité sans dévotion ni bon ordre.
Sa prodigalité était plus insensée encore que son faste n'était ambitieux. S'il lui prenait fantaisie d'engager quelque clerc à son service, il lui donnait, outre ses gages, des terres pour lui et ses parents, comme il fit pour un nommé Rossignol, de La Rochelle, enfant de choeur à Poitiers, auquel il abandonna la terre de la Rivière, près Machecoul, valant plus de deux cents livres de rente, plus trois cents écus à ses père et mère.
Il faisait, en toute circonstance, des dons excessifs et des marchés de dupe dont le détail semble prouver qu'il ne jouissait pas de la plénitude de son esprit.
Ceux qui avaient le gouvernement de sa maison vivaient en grands seigneurs, tandis qu'il manquait de tout et qu'il ne trouvait quelquefois chez lui, aux heures des repas, ni à boire ni à manger.
Quand il séjournait dans certaines villes comme Nantes, Angers, Orléans, il faisait les plus folles dépenses, empruntant de qui voulait lui prêter, engageant ses bagues et joyaux pour moins qu'ils ne valaient et les rachetant fort cher.
Il achetait une aune de drap d'or soixante ou quatre-vingts écus, quand elle n'en valait que vingt-cinq; une paire d'orfraies, quatre cents écus, quoiqu'elle n'en valût pas cent ; enfin il était prodigue notoire, n'ayant ni sens, ni entendement, comme en effet il était souvent altéré de sens ; quelquefois il partait au plus matin, s'en allant tout seul par les rues ; et quand on lui remontrait que ce n'était pas bien, il répondait plus en manière de fol et d'insensé qu'autrement.
Il vendait et engageait ses terres, donnait des blancs seings et procurations de vendre sans y attacher la moindre attention.
Déjà il avait vendu au duc de Bretagne les seigneuries d'Ingrandes et de Champtocé ; il avait successivement aliéné à divers particuliers la presque totalité de ses domaines, car on estime que depuis 1432, époque où il hérita de Jean de Craon, jusqu'à sa mort, il vendit de ses terres pour deux cent mille écus.
Sa famille alarmée adressa une supplique au roi pour obtenir un terme à ce désordre.
Le roi Charles VII, dûment informé du mauvais gouvernement du sire de Retz, lui fit, en son grand conseil, interdiction et défense de vendre ni aliéner ses terres et seigneuries. Le parlement de Paris enregistra ces lettres et défenses, qui furent publiées, à son de trompe, es villes d'Orléans, Tours, Pouzauges, Champtocé, etc., et, par autres lettres , le roi abolit, cassa et annula tous les contrats de vente et aliénations faites par Gilles de Retz.
De telles mesures pouvaient bien arrêter la dispersion de son patrimoine, mais non ses extravagances. Il redemanda aux sciences occultes les trésors qui s'échappaient de ses mains prodigues.
S'étant mis en tête, dit le mémoire, de parvenir à grande et excessive chevance, il s'entremit de faire alquemie, cuidant trouver la pierre de philosophe ; il envoya en Allemagne et autres pays lointains pour chercher des maîtres de cet art, et fit venir de Palerme un certain M. Anth, en quoi il fit de moult outrageuses dépenses qui ne lui firent aucun profit. »
Un autre Italien, nommé François Prélati, et un médecin du Poitou, appelé Corillau, l'entretinrent dans ses funestes illusions, affectèrent de se livrer avec lui à la recherche de la pierre philosophale et des moyens d'évoquer le diable.
Gilles de Retz, d'un côté, continuait, dans sa chapelle et au milieu de son clergé, de vaquer à ses habitudes de dévotion superstitieuse, tandis que de l'autre il se livrait aux pratiques les plus impies, à la dépravation la plus criminelle, à de sanglantes orgies, enfin à des meurtres multipliés, dans le but de se rendre propice le génie du mal.
Il faisait enlever partout, dans les villes et les campagnes, des jeunes garçons, des jeunes filles, qu'il immolait dans les souterrains de ses châteaux, pour tracer avec leur sang des caractères magiques, et pour faire avec leur coeur ou d'autres parties de leur corps des charmes diaboliques, qui devaient faire apparaître le démon, et permettre de lier conversation avec lui.
Ses gens attiraient dans les châteaux, par des friandises ou par quelques promesses, ces innocentes victimes que l'on ne voyait plus sortir; ou bien des émissaires, parcourant les campagnes et les rues des villes, enveloppaient d'un grand sac, à la faveur de la solitude ou des ténèbres, les individus qui leur étaient indiqués, ou ceux qui leur semblaient avoir les conditions requises de fraîcheur et de beauté pour l'affreux sacrifice auquel ils étaient dévoués.
Ces sinistres disparitions ont laissé tant de terreur après elles, que le peuple de Nantes et de Retz en conserve encore l'impression, et qu'il n'a cessé de croire aux empocheurs, qui, dans son idée, rivalisent avec les loups-garous et les sorciers.
Enfin les crimes de Gilles de Retz comblèrent tellement la mesure, que la justice dut intervenir, quels que fussent le rang et la puissance du coupable.
Il fit, peu de temps avant son arrestation, ses pâques à Machecoul, et promit à Dieu d'expier ses crimes passés par un voyage aux saints lieux de Jérusalem ; mais il garda mal sa promesse, car, dans un voyage qu'il fit à Nantes, il se souilla encore des mêmes abominations.
Il fut arrêté par ordre du duc de Bretagne Jean V, au mois de septembre 1440, et conduit au château de Nantes, où son procès fut fait simultanément par les juridictions ecclésiastique et civile.
Une instruction fut faite par ordre de l'évêque de Nantes, dans la tour neuve du château, pour les crimes d'hérésie et de sortilège; une autre fut dressée au Bouffay, par le sénéchal de Bretagne, pour les faits de meurtre et de félonie.
On informa en même temps contre les deux complices, l'italien Prélati, et Corillau, le médecin du Poitou ; ceux-ci avouèrent tous les crimes et en dévoilèrent les affreux détails.
==> Le procès de Gilles de Rais et Francesco Prelati.
Le maréchal, qui d'abord avait nié, confronté avec eux et menacé de la torture, avoua également.
On frémit d'horreur en lisant les détails atroces et obscènes de cet épouvantable procès qui dura un mois, et dont il existe dix manuscrits à la bibliothèque du roi et aux archives de Nantes.
Le nombre des victimes de sa barbarie paraîtra incalculable si l'on considère que ces massacres eurent lieu presque sans relâche dans ses châteaux de Machecoul, de Tiffauges, de Champtocé, dans son hôtel de la Suze, à Nantes ; enfin, dans tous les lieux où il passait ; et qu'ils durèrent quatorze ans, selon l'allégation de ses complices, huit ans selon ses propres aveux; mais cette dernière version peut être admise comme la plus vraisemblable : elle fait dater les crimes de 1432, époque de la mort de Jean de Craon , tandis que la déposition des complices reculerait cette date jusqu'à 1426, époque où le sire de Retz se couvrait de gloire dans les armées du roi de France.
Malgré les précautions qu'il avait prises pour faire disparaître les traces de ses meurtres, soit en enfouissant les cadavres, soit en les brûlant pour en disperser les cendres au vent, on trouva quarante-six corps à Champtocé et quatre-vingts à Machecoul.
Une barbarie accompagnée d'actes aussi insensés eût fait hésiter la justice de nos jours, et il est vraisemblable qu'un tel accusé serait conduit aux Petites-Maisons plutôt qu'à l'échafaud; mais en ce temps-là prévalait une autre jurisprudence :
Gilles de Laval fut condamné, pour crimes d'hérésie, de sortilège, de félonie et de meurtres, à être brûlé vif.
Les approches de la mort ne l'intimidèrent pas, et, gardant jusqu'au bout ses pensées de dévotion vaniteuse, il demanda et obtint d'être conduit processionnellement par l'évêque de Nantes au lieu du supplice.
Le duc de Bretagne, par considération pour la famille et pour les anciens services du maréchal, permit que le coupable fût étranglé sur le bûcher avant qu'on y mit le feu.
Le corps, à peine noirci par les flammes, fut retiré et remis à ses parents, qui lui firent donner la sépulture dans l'église des Carmes.
L'exécution eut lieu le 25 octobre 1440, sur la prairie de Biesse ou de la Madeleine, dans un lieu maintenant traversé par la rue qui débouche du pont de la Belle-Croix.
La Belle-Croix, aujourd'hui brisée et enlevée, se reconnaît encore, sur le bord de la rue, au fût qui la supporta; c'était une élégante construction aux colonnettes ogivales, aux dentelures délicates, monument d'expiation élevé à la lugubre fin du maréchal par la piété de sa fille Marie.
La renommée de Gilles de Laval, maréchal de Retz, vit encore dans la mémoire du peuple, mais elle s'y est infixée avec des images d'horreur et d'effroi ; c'est un cauchemar populaire qui ne représente que meurtres, que taches de sang indélébiles, qu'empocheurs rôdant dans l'ombre.
La tradition ne le connaît que sous le nom de Barbe-Bleue.
Sans doute il est le type de cruauté sur lequel Perraud a modelé son célèbre conte ; seulement Perraud a jugé plus convenable de prêter à son héros les crimes de Henri VIII, roi d'Angleterre, que ceux du sire de Retz.
En effet, Gilles de Laval n'eut jamais qu'une femme, Catherine de Thouars, qu'il n'a pas fait mourir et qui lui survécut plus de vingt ans.
Après le supplice de Gilles de Laval, que devinrent ses immenses domaines et la baronie de Retz ?
Les auteurs nous laissent à ce sujet des données contradictoires. Il nous semble toutefois qu'en observant de près les faits, nous leur avons trouvé une marche conséquente et à peu près certaine.
Dégageons d'abord la dot de Catherine de Thouars; cette dame n'avait eu de son mariage avec Gilles de Laval qu'une seule fille, dont nous parlerons bientôt: devenue veuve par le supplice du maréchal, elle se remaria à Jean de Vendôme, vidame de Chartres, et porta à son second mari son riche patrimoine, composé des terres de Pouzauges, Tiffauges, Chabanois, Confolens, Savenay.
Elle eut deux enfants de ce nouveau mariage; et comme elle survécut à sa première fille, Marie de Laval, morte sans postérité, ses biens passèrent aux enfants du second lit et restèrent définitivement dans la famille des vidâmes de Chartres.
Marie de Laval, qui pouvait être âgée de dix-huit ans, hérita-t-elle des biens de son père?
D'Argentré l'affirme sans hésiter, et prétend que, lors de son mariage avec le sire de Coëtivy, elle stipula, pour condition, que son mari prendrait le nom, les armes et le cri de Retz ; que, si des acquêts avaient lieu pendant le mariage, il n'en prendrait que le tiers ; et quelques autres conditions qui, depuis, semblèrent tellement dures à Coëtivy, qu'il en appela à une assemblée de famille pour tâcher de les faire modifier, demandant l'autorisation de porter ses armes écartelées de celles de Retz, et dans le cas où il n'aurait pas d'enfants, que les héritiers de Retz récompensassent les siens dans une juste proportion de la plus-value; mais qu'il ne put rien obtenir.
« Ceci, dit d'Argentré, se passait en l'an 1443, et en sont les lettres aux Chartres. » Voilà une assertion bien précise, bien détaillée ; mais comment la concilier avec une ordonnance du roi Charles VII, rendue cette même année 1443, le 22 avril, et publiée dans le recueil de dom Morice?
Par cette ordonnance, le roi donne à Prégent, sire de Coëtivy , amiral de France, « toutes les terres, seigneuries, châteaux, châtellenies, cens, rentes, revenus, possessions, biens meubles et héritages quelconques qui furent et appartinrent à feu Gilles, en son vivant seigneur de Retz, maréchal de France, quelque part que les choses soient assises et situées.
Comment qu'elles soient dites, nommées et appelées, soit par amende, condamnation, droit ou titre de confiscation, tant pour les cas, crimes, délits et désobéissances commis envers nous et notre royale Majesté par ledit feu sire de Retz, lui vivant, comme pour les cas et délits pour lesquels, puis trois ans en çà, il a été exécuté ou autrement, en quelque manière qu'il nous puisse ou doive appartenir. »
Cet acte semble impliquer, en même temps, confiscation d'une part, donation de l'autre. Il n'y est nullement question de Marie de Laval, héritière naturelle de Gilles de Retz.
Était-elle, dès lors, mariée à l'amiral de Coëtivy, ou ne l'a-t-elle été que depuis ?
Le mariage ne fut-il qu'une transaction sur cette confiscation? Mais alors Marie n'était pas en position d'imposer des conditions bien dures à son mari, et telles que celles mentionnées par d'Argentré.
Cette ordonnance a-t-elle été rendue à la sollicitation de Coëtivy pour avoir raison des prétentions et des refus de la famille; mais elle est presque du commencement de l'année où eurent lieu les actes mentionnés par d'Argentré, et en ce temps-là rien ne se faisait que très-lentement en matière de chancellerie.
Cette anomalie historique me parait très-peu conciliable.
Pareil procédé fut employé, du reste, quelques mois après, au sujet des terres de Chantocé et d'Ingrandes, que Gilles de Retz avait vendues au duc de Bretagne, et dont ce prince s'était emparé de concert avec le duc d'Anjou, roi de Sicile, malgré l'annulation prononcée par édit royal de toutes les ventes faites par le sire de Retz.
Charles VII, par lettres datées de Chinon le 28 août 1443, confisqua ces deux terres sur le duc de Bretagne, non point à cause de l'indue possession, mais sous prétexte que le duc de Bretagne entretenait des intelligences avec les Anglais, et il les remit également à l'amiral de Coëtivy, pour lui et pour ses hoirs.
Enfin, que l'héritage de Retz ait appartenu aux époux de Coëtivy par héritage de Marie de Laval ou par donation faite à Coëtivy, peu importe; mais il est certain qu'il passa aux héritiers de la femme, non à ceux du mari.
XI. PRÉGENT DE COËTIVY, seigneur de Taillebourg et de Lesparre, amiral de France, n'eut pas d'enfants de Marie de Laval.
Il fut tué au siège de Cherbourg, en 1450. Sa veuve conserva tous les biens qui provenaient de la maison de Laval.
Elle les porta en dot, avec le titre de baron de Retz, à son second mari qui fut :
XII. ANDRÉ DE LAVAL, sire de Lohéac, amiral, puis maréchal de France.
Il vécut jusqu'en 1486. Marie de Laval mourut le 1er novembre 1458, sans avoir eu d'enfants d'aucun de ses deux maris. Ses biens, qui lui restèrent malgré l'ordonnance de Charles VII, qui les avait confisqués et attribués exclusivement à l'amiral de Coëtivy, passèrent, aussitôt après sa mort, à son oncle René de Laval, frère puîné du fameux Gilles.
XIII. RENÉ DE LAVAL prit les titres de seigneur de Retz, Lasuze, Blazon, etc. ;
Il mourut en 1474, ne laissant d'Anne de Champagne, sa femme, qu'une fille nommée Jeanne, qui avait épousé, le 11 avril 1446, François de Chauvigny.
Maison de Chauvigny.
XIV. FRANÇOIS DE CHAUVIGNY, prince de Deols (4), comte de Chàteauroux , vicomte de Brosse, prit le titre de baron de Retz en 1474, du chef de sa femme, par la mort de son beau-père.
Il habita presque constamment ses terres du Berry, et mourut en sa vicomte de Brosse, le 25 mai 1490, laissant de sa femme, Jeanne de Laval, un fils unique, qui fut :
XV. ANDRÉ DE CHAUVIGNY, prince de Deols, comte de Chàteauroux, baron de Retz.
Il mourut en 1502 sans laisser d'enfants.
Après sa mort, les biens provenants de la maison de Retz furent revendiqués par plusieurs prétendants et donnèrent lieu à de longs procès.
Mais c'est ici le lieu de faire observer que l'auteur de l'article Gilles de Retz, dans la biographie de Michaud, a commis une grave erreur quand il a avancé que la succession de Gilles de Laval, après avoir passé à sa fille Marie, et de celle-ci à Jeanne de Laval, épouse de François de Chauvigny, fut léguée par celle-ci à François II, duc de Bretagne, par testament en date de 1481.
Cette singulière assertion a eu vraisemblablement pour motif ce passage de d'Argentré : « Mais finalement Dieu, le créateur, se déplut de cette maison qui était fort grande, tellement qu'il n'en sortit point d'enfants et s'en alla en dissipation, dont il sortit mille et mille procès qui ont duré de notre vivant.
Il se trouve, aux Chartres, que cette Jeanne, soeur dudit Gilles, faisait de grandes dissipations , ayant donné le tiers de son bien de ladite baronie de Raix au duc, bâillant le reste en échange pour les terres de Châteaulin, de Fouesnant et de Rospreden : mais cela ne sortit pas à effet ; ledit Gilles de Raix eut un frère, nommé René de Raix, qui prit part en cette terre, duquel il sortit une fille qui fut mariée au sieur de Chauvigny et mourut sans hoirs. »
Le respectable d'Argentré commet ici beaucoup d'erreurs en peu de mots. Gilles de Laval eut un frère unique, René, et point de soeur.
Cette Jeanne de Retz, ici mentionnée, ne peut être soeur de Gilles de Laval; c'est évidemment Jeanne Chabot, qui, ainsi que nous l'avons vu, échangea au duc de Bretagne, Jean IV, la baronie de Retz contre les terres de Rosporden, Fouesnant, et Châteaulin-sur-Trieux.
Ce que d'Argentré a vu aux Chartres ne peut donc être que ce titre d'échange daté du 17 août 1381, plus de vingt-cinq ans avant la naissance de Gilles de Laval ; donc ce n'était pas la succession de celui-ci que l'on dissipait ou aliénait par cet échange.
Aussi, cette date ayant un peu embarrassé l'auteur de l'article Gilles de Retz, ce critique malencontreux a eu l'idée, pour tout concilier, de la rajeunir d'un siècle et d'écrire 1481 au lieu de 1381.
Or, comme François II était le duc régnant en 1481, c'est lui qu'on a déclaré l'heureux légataire de Jeanne ***, dame de Retz.
Enfin, Jeanne de Laval, épouse de François de Chauvigny, n'est point morte sans hoirs, puisqu'elle laissa un fils, André de Chauvigny, qui vécut jusqu'en 1502, c'est-à-dire plus longtemps que François II.
La succession ouverte par la mort d'André de Chauvigny donna carrière à de grands procès ; mais, finalement, parmi les biens de la maison de Retz, ceux qui provenaient de la famille de Craon retournèrent aux héritiers de cette famille, et la baronie de Retz échut en partage à Georges Tournemine.
Maison de Tournemine
XVI. GEORGES TOURNEMINE, baron de la Hunaudaie, seigneur de Saffré, de l'une des plus antiques et des plus nobles maisons de Bretagne, fut, par arrêt, déclaré héritier de la baronie de Retz , comme étant aux droits de Jeanne de Saffré, sa grand'mère.
Celle-ci était la fille d'Alain de Saffré, qui avait épousé Philippe, fille de Foulque de Laval et de Jeanne Chabot, dite la Folle ; et cette dernière était la fille de Gérard Chabot III.
Ce lignage, qui remontait à un siècle et demi, et qui franchissait toute la maison de Laval, devait cependant souffrir quelques difficultés, par l'acte d'exhérédation qu'avait subi Jeanne la Folle en 1333, et qui n'avait jamais été aboli, si ce n'est d'une manière individuelle, par l'institution que Jeanne la Sage fit de Gui de Laval II pour son héritier, en 1400.
Quoi qu'il en soit, Georges Tournemine eut la chance de gagner son procès et de rester maître de la baronie de Retz. Ce seigneur eut une très-grande part à la victoire remportée sur les Vénitiens, en 1509, par Hercule d'Est, duc de Ferrare, allié du roi Louis XII.
Il n'eut point d'enfants de Renée de Villeblanche, sa première épouse ; mais il laissa d'Anne de Montejean, sa seconde femme, une fille unique, Françoise Tournemine, qui se rendit célèbre à la cour de François Ier, sous le nom de la maréchale d'Annebaud, par sa beauté, ses grâces et son esprit.
Elle avait épousé d'abord :
XVII. PIERRE DE LAVAL- CHATEAUBRIAND , seigneur de Montafilant, puis :
XVIII. RENÉ DE MONTEJEAN, sans en avoir d'enfants ; ce ne fut qu'en troisièmes noces qu'elle se maria avec Claude d'Annebaud.
Maison d'Annebaud.
XIX. CLAUDE D'ANNEBAUD, baron de Retz, amiral, puis maréchal de France, laissa de Françoise Tournemine un fils unique qui fut :
XX. JEAN D'ANNEBAUD, baron de Retz. Il se distingua à Cérisolles, au siège de Fossan, et fut tué à la bataille de Dreux en 1566. Il s'était marié deux fois : 1° à Antoinette de la Baume, dont il eut une fille nommée Diane, qui mourut avant lui, sans enfants, en 1560 ; 2° à Claude-Catherine de Clermont, dame de Dampierre, l'une des femmes les plus accomplies de son temps. Il n'en eut point d'enfants, et il lui légua la baronie de Retz, que bientôt après elle porta dans la maison de Gondi.
Maison de Gondi.
XXI. ALBERT DE GONDI, né à Florence, et venu fort jeune en France, à la suite de Catherine de Médicis, devint baron de Retz par son mariage avec Claude-Catherine de Clermont, veuve Jean d'Annebaud, qui eut lieu le 4 septembre 1565.
Il assista à la bataille de Saint-Denis, en 1567 ; à celle de Moncontour, en 1569 ; reprit Belle-Ile, en 1570, sur les Anglais qui venaient de s'en emparer; fut créé, l'année suivante, marquis de Belle-Ile et maréchal de France, sous le nom de maréchal de Retz.
Le roi Henri III, pour reconnaître les services que lui avait rendus le maréchal, érigea la baronie de Retz en duché-pairie, par lettres du mois de novembre 1581, en faveur d'Albert de Gondi et de ses descendants mâles.
Ce nouveau duché fut composé de Retz et des châtellenies de Machecoul, Prigny, Bourgneuf, la Bénaste , Pornic, Prinçay, Legé, Arthon, les Huguetières, le Bois-de-Seudy.
Nous avons dit que Claude de Clermont était une des femmes les plus remarquables de son temps ; elle eut occasion de montrer sa supériorité lorsque les ambassadeurs de Pologne vinrent annoncer au duc d'Anjou, depuis Henri III, son élection au trône de Pologne, en 1573.
Ils firent leur harangue en latin, et la dame de Retz, seule au milieu de tous les hommes de la cour, se trouva en état de leur répondre en cette langue.
Le maréchal de Retz et Claude de Clermont laissèrent plusieurs enfants, dont l'aîné, Charles de Gondi, marquis de Belle-Ile, né en 1569, fut nommé général des Galères, en 1579, à l'âge de dix ans.
Il donna, plus tard, des preuves de sa valeur, et fut tué en 1596, en voulant surprendre le Mont-Saint-Michel.
Il avait épousé Antoinette d'Orléans, fille de Léonor d'Orléans, duc de Longueville, et de Marie Bourbon, dont il eut Henri de Gondi qui fut duc de Retz.
Les autres enfants du maréchal furent : 1° Henri, évêque de Paris, puis cardinal ; 2° Philippe-Emmanuel de Gondi, père du célèbre cardinal de Retz (Jean-François-Paul) ; 3° Jean-François, premier archevêque de Paris, et six filles.
Le maréchal de Retz mourut le 22 avril 1602, et la maréchale le suivit au tombeau en 1603. Ils survécurent ainsi à leur fils, Charles de Gondi, tué en 1596, et le duché-pairie de Retz passa immédiatement au fils de ce dernier.
XXII. HENRI DE GONDI, duc de Retz, pair de France, chevalier des Ordres du Roi, était né en 1590 ; il épousa, le 15 mai 1610, Jeanne de Scépeaux, fille unique et héritière de Gui de Scépeaux III, duc de Reaupreau, comte de Chemillé, et de Marie de Rieux.
De ce mariage naquirent deux filles seulement : Catherine, née le 28 décembre 1612, et Marguerite-Françoise, née le 19 avril 1615.
Jeanne de Scépeaux, duchesse de Retz, mourut au château de Prinçay le 20 novembre 1620, à l'âge de 32 ans; Henri de Gondi, son époux, lui survécut jusqu'au 12 août 1659, époque où il mourut également à Prinçay.
L'aînée de ses filles, Catherine de Gondi, avait épousé, avec dispenses du pape, son cousin-germain, Pierre de Gondi, fils de Philippe-Emmanuel, et frère du fameux cardinal de Retz.
Le mariage fut célébré au château de Machecoul, dans le mois d'août 1633.
XXIII. PIERRE DE GONDI , comte de Joigny, marquis de la Garnache et des Iles-d'Or, baron de Montmirel et de Villepreux, général des Galères, chevalier de l'Ordre du roi, prit le titre de duc de Retz à la mort de son beaupère en 1659.
Le duché-pairie de Retz, qui devait s'éteindre à défaut d'enfant mâle de Henri de Gondi, fut maintenu en faveur de Pierre et de ses descendants mâles, s'il en avait, par nouvelles lettres du roi datées de Saint-Germain-en-Laye, au mois de février 1634, et enregistrées au parlement de Paris le 4 mars suivant.
Pierre de Gondi combattit avec distinction dans la guerre contre les Rochellais et contre les protestants de l'île de Rhé; il fut blessé d'un coup de mousquet qui lui cassa l'épaule, et il se démit du généralat des Galères en 1635.
Il paraît qu'à dater de cette époque, jusqu'à sa mort arrivée le 20 avril 1676 , il vécut retiré dans ses terres du duché de Retz.
Il se trouvait notamment à Machecoul en 1654, lorsque son frère, le cardinal de Retz , songea à s'évader du château de Nantes, où il était détenu sous la garde du maréchal de la Meilleraye.
Le prisonnier mit d'abord dans ses intérêts Louis de Cossé, duc de Brissac et de Beaupreau, qui avait épousé Marguerite-Françoise de Gondi, soeur de la duchesse de Retz et cousine-germaine du cardinal.
Les ouvertures qui furent faites, par M. de Brissac, au duc de Retz, pour ménager au fugitif un asile à Machecoul, furent mal accueillies de madame de Retz.
Le cardinal, rebuté par une partie de sa famille, ne résolut pas moins de tenter l'évasion, et son audace s'accroissant en raison des difficultés, ce ne fut plus une fuite vers Machecoul, ce fut une attaque ouverte, une révolution dans Paris même qu'il médita. Quarante relais de chevaux furent secrètement disposés par ses soins vers la capitale, et quand tout fut prêt, il s'évada un samedi, 8 août, à cinq heures du soir.
Quatre gentilshommes qui l'attendaient au pied des murs, en feignant d'abreuver leurs chevaux dans la Loire, lui présentèrent un cheval et prirent avec lui, en toute hâte, la route de Mauves ; mais en sortant de la ville le cheval du cardinal se cabra, et se renversa avec son cavalier qui, jeté rudement contre le poteau de la porte, ne se releva qu'avec une épaule brisée.
Malgré sa souffrance, le cardinal remonta sur son cheval, mais il fallut renoncer à courir vers Paris.
Poursuivi de près par les gardes du maréchal de La Meilleraye, il fut obligé de passer la Loire avec précipitation et de se réfugiera Beaupreau. « M. de Brissac, qui était fort aimé dans le pays, dit le cardinal en ses mémoires, rassembla, en peu de temps, deux cents gentilshommes ; M. de Retz, qui l'était encore plus dans son quartier, en rassembla trois cents, avec lesquels il s'avança jusqu'auprès de Beaupreau pour recueillir son frère.
Nous passâmes, dit celui-ci, presque à la vue de Nantes, d'où quelques gardes du maréchal sortirent pour escarmoucher, mais ils furent repoussés jusque dans la barrière, et nous arrivâmes à Machecoul, qui est dans le pays de Retz, avec toute sorte de sûreté.
Madame de Brissac, qui s'était comportée en héroïne dans toute cette action, me donna, en me quittant, une bouteille d'eau impériale. J'eus, en revanche, beaucoup à souffrir de la dureté de madame de Retz et de monsieur son père. Ils ne purent s'empêcher de me témoigner leur mauvaise volonté dès que je fus arrivé. Celle-là se plaignit de ce que je ne lui avais pas confié mon secret d'évasion ; celui-ci pesta assez ouvertement contre l'opiniâtreté que j'avais à ne pas me soumettre aux volontés du roi.
La vérité est que l'un et l'autre mouraient de peur du maréchal de La Meilleraie, qui, enragé de mon évasion, et encore plus de ce qu'il avait été abandonné de toute la noblesse, menaçait de mettre tout le pays de Retz à feu et à sang. Leur frayeur alla jusqu'au point de s'imaginer ou de vouloir faire croire que mon mal n'était que délicatesse, qu'il n'y avait rien de démis, et que j'en serais quitte pour une contusion. J'étais cependant dans mon lit, où je sentais des douleurs incroyables, et où je ne pouvais seulement me tourner. Tous ces discours m'impatientèrent au point que je résolus de quitter ces gens-là, et de me jeter dans Relie-Ile, où je pouvais au moins me faire transporter par mer.
Le trajet était fort délicat, parce que le général de La Meilleraie avait fait prendre les armes à toute la côte. Je ne laissai pas de le hasarder. Je m'embarquai au port de La Roche, qui n'est qu'à une petite demi- lieue de Machecoul, sur une chaloupe que Geselaie, capitaine de vaisseau et bon homme de mer, voulut piloter lui-même. »
Il paraît que l'épaule du cardinal ne le fit pas trop souffrir pendant la course de Machecoul au Port-la-Roche, car la petite demi-lieue qu'il indique, n'a pas moins de sept à huit kilomètres.
On ne s'embarque plus aujourd'hui au Port-la-Roche, qui n'est qu'un misérable hameau abandonné au milieu du Marais et au bord du Dain, bras de mer devenu simple fossé qui sépare l'île de Bouin du continent.
La mer s'est retirée devant les alluvions toujours croissantes de ces marais, au point qu'il faut descendre environ six kilomètres après le Port-la-Roche jusqu'à celui du Frêne, pour trouver à flot une chaloupe capable d'aller à Belle-Ile.
Pierre de Gondi et Catherine de Gondi laissèrent deux filles: 1° Marie-Catherine, religieuse bénédictine au Calvaire de Paris, en considération de laquelle ses parents fondèrent le couvent du Calvaire de Machecoul ; 2° Paule-Françoise de Gondi, qui prit le titre de duchesse de Retz avec ceux de marquise de la Garnache, comtesse de Joigny et de Sault, baronne de Mortagne.
Elle naquit à Machecoul le 12 mars 1655, et porta, par son mariage, le 12 mai 1675, la seigneurie de Retz dans la maison de Créqui.
Maison de Créqui.
XXIV. FRANÇOIS-EMMANUEL DE BLANCHEFORT, DE BONNE DE CRÉQUI , duc de Lesdiguières, gouverneur de Dauphiné, prit, par suite de son mariage avec Paule-Françoise de Gondi, le titre de duc de Retz, bien que le duché-pairie de Retz dût être légalement éteint par l'absence d'enfants mâles de Pierre de Gondi ; ce ne put donc être que par tolérance ; du reste, ses successeurs firent de même.
Paule-Françoise resta veuve en 1681, et vécut jusqu'au 21 janvier 1716. Dame digne de vénération, dit son biographe, par tout ce qu'elle a fait pour la gloire de sa maison. C'est à ses soins que l'on est redevable de l'histoire de Gondi, imprimée chez Coignard, en 1705.
Elle laissa un fils unique, Jean-François-Paul de Bonne de Créqui, duc de Lesdiguières, né en 1678 ; il épousa, en 1696, Louise-Bernardine de Durfort de Duras, et mourut à Modène, en Italie, en 1702, à l'âge de 24 ans, sans laisser de postérité.
Maison de Neufville-Villeroi.
A la mort de la duchesse de Lesdiguières, en 1716, la seigneurie de Retz passa aux descendants de Marguerite-Françoise de Retz, deuxième fille de Henri de Gondi.
Elle avait épousé, en 1645, Louis de Cossé, duc de Brissac, mort le 26 février 1661, âgé de 35 ans; elle-même décéda le 30 mai 1670, laissant de son mariage : 1° Henri-Albert de Cossé, duc de Brissac, qui mourut le 29 décembre 1698, à l'âge de cinquante-quatre ans, sans laisser de postérité, bien qu'il se fût marié trois fois ; 2° Marie-Marguerite de Cossé, mariée le 28 mars 1662 à François de Neufville-Villeroi, pair et maréchal de France.
Elle mourut le 20 octobre 1708, en sa soixantième année, laissant un fils, Louis-Nicolas de Neufville, duc de Villeroi et de Beaupreau, pair de France.
Il épousa, le 20 avril 1694, Marguerite Letellier, fille de Michel Letellier, marquis de Louvois, morte le 23 avril 1711, âgée de trente ans.
De ce mariage naquit :
XXV. LOUIS-FRANÇOIS-ANNE DE NEUFVILLE, pair de France, qui hérita de la seigneurie de Retz, en 1716, et prit le titre de duc de Retz.
Il épousa, le 15 avril de la même année, Marie-Renée de Montmorency, fille de Charles-Frédéric de Montmorency, duc de Luxembourg, pair de France et lieutenant général.
La seigneurie de Retz et le château de Machecoul sont restés dans la famille de Neufville-Villeroi jusqu'à la révolution.
A cette époque, les nombreux et gothiques châteaux qui couvraient ce sol féodal furent tous incendiés et démolis ; leurs ruines n'ont même, quelquefois, pas trouvé d'acquéreurs.
Le château de Machecoul a subi le même sort.
C'était un noble et respectable manoir qui semblait le contemporain et l'émule de celui de Clisson. C'étaient mêmes masses, mêmes ogives, mêmes voûtes ; il devait dater, comme lui, du quatorzième siècle, et avait été bâti, eu conséquence, par la famille Chabot.
Mais Clisson était dans un site enchanteur, assis sur des rochers pittoresques encadrés de verdure et baignés par les eaux limpides de la Sèvre; Machecoul, au contraire, élevait ses créneaux dans une plaine à l'aspect aride, où la végétation est déprimée par le vent de mer, corrodée par l'action combinée de l'air salin et d'un soleil sans ombrage.
A Clisson appartiennent la poésie des lieux et les héroïques souvenirs du grand connétable; à Machecoul, la mélancolie d'un climat délétère et les lugubres traditions de Gilles de Laval.
Cependant, ce vieux manoir, entouré de sa sombre muraille et des eaux croupissantes du Falleron, était, au-dedans, d'une grande magnificence d'architecture, oeuvre de la plus belle époque du moyen-âge.
Au-dehors et sur la campagne on ne voyait que la chemise d'enceinte, que meurtrières étroites, tours à mâchicoulis et à créneaux, les unes rondes, les autres carrées. Mais, dans les cours et sur les façades intérieures, on retrouvait les trésors de l'architecture ogivale. Les croisées, les portes étaient ornées de sculptures, les escaliers tournants étaient multipliés et formaient un labyrinthe de toutes les parties du château. De grandes salles étaient voûtées avec de puissantes nervures, qui venaient se réunir en des clefs sur lesquelles étaient sculptés les écus de l'une ou l'autre famille des antiques barons. De petites salles également voûtées et chargées d'ornements capricieux avaient servi de boudoirs aux châtelaines de Retz; enfin, un mobilier d'une valeur incalculable, musée de tous les âges, avait été amassé pendant des siècles par tant de puissants seigneurs.
La révolution vint, et ce château aux murs de bronze dût se dissoudre comme la poussière sous les éclats de cette foudre irrésistible.
Machecoul fut une des villes les plus maltraitées de la guerre vendéenne, la plupart des maisons de la ville furent brûlées ; les deux partis s'y rendirent coupables de scènes de carnage.
Le château et les cours servirent de parcs aux prisonniers, puis d'arènes sanglantes.
Les crimes occultes de Gilles de Retz furent surpassés par des crimes commis au grand jour et avec une rage plus effrénée que celle de l'insensé maréchal.
Enfin le feu fut mis à ce magnifique séjour, deux fois souillé par tant de meurtres; les flammes s'élevèrent dans les nues, et projetèrent, pendant plusieurs nuits, de sinistres clartés qui furent aperçues de huit à dix lieues.
Le château incendié, démantelé, réduit à ses masses de pierres, à l'enceinte de ses cours imbibées de sang et empestées de cadavres, fut mis à l'encan
Qui, en ce triste temps, avait besoin d'un château ducal? Qui pouvait revendiquer ces reliques d'un âge proscrit?
Le donjon des Chabot, des Laval, des Gondi fut adjugé, dans le tumulte, au premier qui osa l'accepter, comme ces étoffes de rebut que, du haut de leurs tréteaux, des marchands ambulants jettent à la tête des passants.
Qu'allaient devenir ces ruines splendides entre les mains de leur impossible propriétaire?
Force fut à celui-ci de les convertir en carrière, en chantier de pierres à bâtir ; et, cependant, la spéculation ne fut pas très-bonne d'abord.
Les maisons de Machecoul étaient par terre, il est vrai, mais on n'avait pas d'argent pour les relever, encore moins pour en construire de nouvelles; puis les vieux murs du château, construits en pierres de moyen appareil, étaient tellement solides qu'aucune force ne pouvait détacher ces pierres du ciment qui les enveloppait.
La mine renversait les pans de mur et les faisait rouler au loin dans les fossés, sans les désagréger.
L'oeuvre de destruction fut ainsi suspendue pendant quarante ans ; et, grâce à cette circonstance, les murs étaient encore debout, les voûtes intactes en 1825.
On ne pouvait alors se défendre d'un sentiment d'admiration et de deuil tout à la fois, en voyant ces débris d'une magnificence antique aux prises avec les injures du temps, envahis par les plantes sauvages, et menacés de la cupidité humaine ; on apercevait avec une impression d'effroi, d'horreur et de pitié, ces souterrains encore béants, auxquels se rattachaient de ténébreux .souvenirs.
Mais, hélas ! les matériaux ayant repris faveur autour de Machecoul, l'on est retourné à la charge sur le vieux château, et l'on est parvenu, labore improbo, à isoler ces pierres de leur gangue si résistante. Les voilà entassées en informes pyramides; elles se vendent à la charretée....
Et bientôt il faudra déplacer des récoltes et excaver des sillons pour découvir quelques restes d'une demeure jadis magnifique et redoutable!
ARMOIRIES Des diverses familles seigneuriales de Retz
l) Asculfe ou Radulfe de Retz, en 1204, portait sur son scel: d'azur, au palmier ou arbre de.,... avec deux loups ou chiens de issants contre le palmier. (Ce scel est figuré à la fin du recueil de Dom Morice.)
2° La famille Chabot (de 1230 à 1406 ) : d'or à trois chabots ( poissons à grosses têtes , sorte de trigles ) de gueules. La branche de Retz y ajoutait un lambel à trois pendants. Cependant un scel de Gérard VI de Retz est de gueules à la croix de..... (Dom Morice. )
3° Jean IV, duc de Bretagne, porta le titre de baron de Retz de 1381 à 1399 ; il avait les armes de Bretagne ; néanmoins on trouve un scel publié par Dom Lobineau, avec la suscription : Cour de Bais, 1382. Ce scel porte : partie d'argent, au lion issant, partie de gueules, à la croix de…. ;
4° La maison de Laval, de 1406 à 1440, et de 1450 à 1474 , en succédant à celle de Chabot, dut, par suite de l'obligation imposée par Jeanne Chabot à Gui de Laval, dans l'acte par lequel elle l'institua son héritier , quitter les armes de Montmorency-Laval, pour prendre celles de Retz proprement dites, dont il est mention alors pour la première fois, et qui sont indiquées : d'or à la croix de sable ;
5° Gilles de Laval, dont deux scels ont été publiés par Dom Lobineau et Dom Morice, portait de gueules semé de fleurs de lis, et, sur le tout, les armes de Retz;
6° Prégent de Coëtivy (de 1240 à 1250) portait fascé d'or et de, sable ; mais selon d'Argentré, il dut prendre les armes et le cri de Retz;
7° Le maréchal de Lohéac dut porter les armes de Laval-Montmorency ;
8° La Maison de Chauvigny (de 1474 à 1502) : d'argent à cinq fusées, et deux demi-fusées de gueules;
9° Maison de Tournemine (de 1502 à 1530) : d'or écartelé d'azur ;
10° Maison d'Annebaud (de 1530 à 1565) : de gueules à la croix de vair ;
11° Maison de Gondi (de 1565 à 1675): d'or à deux masses de sable en sautoir, liées d'un cordon de gueules passé en sautoir vers la pointe ;
12° Maison de Créqui (de 1675 à 1716): d'or au créquier de gueules;
13» Maison de Neufville - Villeroi (de 1716 à 1792): d'azur au chevron d'or accompagné de trois croix ancrées de même.
Mémoires de la Société archéologique de Touraine. CH. DE SOURDEVAL.
Histoire d'Alphonse, frère de Saint-Louis et du Comté de Poitou sous son administration, (1241-1271) par Bélisaire Ledain,...
(1) L'abbaye de Buzai, dans les fertiles prairies qui bordent la Loire, entre Nantes et Paimboeuf, avait été fondée, au commencement du XIIe siècle, par Ermengarde, fille du comte d'Anjou, et seconde femme d'Alain Fergent, duc de Bretagne.
(2). Ce lieu , qualifié forteresse de Lampans dans l'histoire de la maison de Montmorency , doit être le Vicus Ampennum mentionné dans le récit, que nous a laissé le moine Ermentaire, de la translation des reliques de saint Philbert, translation qui se fit an mois de juin 835 , par suite de la crainte qu'inspiraient les attaques si souvent renouvelées des Normands contre l'île de Her ou Noirmoutier, dont ils firent, pendant près d'un siècle, le repaire de leurs pirateries.
Après avoir débarqué à Furcoe portus , le convoi processionnel fit sa première couchée à Vicus Ampennum ; on dit la messe dans l'église , on exposa les reliques et l'on passa trois jours dans cette localité.
(1) Le 4 janvier 1350, par un acte dont l'original est aux archives nationales Raoul de Cahours, en présence du conseil du roi, s'engagea à placer sous l'autorité du monarque français les villes de Vannes, Guérande et Quimperlé, dans l'espace de cinq mois à partir du jour où son château de Beauvoir et un autre de ses domaines, appelé insula Calveti de l'Ampan, lui seraient restitués et qu'on lui aurait compté 12,150 parisis pour solde des gens d'armes.
Il y a sans doute une erreur de rédaction dans ces mots : insula Calveti de l'Ampan, car insula Calveti désigne évidemment l'île Chauvet, lieu fort distinct d'Ampan, qui en est à 16 kilomètres.
Je présume qu'au lieu du mot de, devrait se trouver le mot et ainsi qu'il suit : Insula Calveti et l'Ampan.
A propos du même fait, il est dit dans les deux histoires de la maison de Montmorency, par Duchesne et par Desormeaux, que Foulques de Laval seigneur de Chaloyau (aïeul du fameux Gilles de Laval, maréchal de Rais), défendant avec un grand zèle la cause de Charles de Blois contre Jean de Montfort, qui se disputaient la couronne ducale de Bretagne, fut fait prisonnier avec 400 chevaliers, au mois de septembre 1350; que, remis en liberté, il ménagea, en faveur de Charles de Blois, un traité avec Raoul de Cahours chevalier breton, qui détenait les forteresses de l'île de Bouin, de l'ile Chauvet, de Beauvoir- sur- Mer et de l'Ampan.
Ainsi Raoul de Cahours vendit les mêmes forteresses en janvier au roi de France, et en septembre à Charles de Blois, l'un des compétiteurs du duché de Bretagne celui-ci, il est vrai, faisait cause commune avec le roi de France, et l'un et l'autre n'avaient guère de soldats disponibles pour tenir garnison en ces citadelles.
A dater de cette époque, Ampennum Ampan, a disparu de l'histoire ;
mais il nous parait difficile de douter que les débris qui jonchent le sol près du moulin de l'Ampan ne soient les vestiges de cette ancienne forteresse.
Les éditeurs ou commentateurs d'Ermentaire, il est vrai, ne sachant à quel lieu attribuer le nom à Ampennum, ont supposé que ce nom avait indiqué primitivement la petite ville de Beauvoir-sur-Mer.
Cependant nous voyons par plusieurs chartes, et notamment par un titre du milieu du XIe siècle tiré du cartulaire de Saint-Sauveur de Redon, et publié par dom Lobineau (Hist. de Bret., t. n, page 178), que, dès une époque très-reculée, cette ville portait le nom de Belvedeir, qui est devenu le nom actuel. Elle le doit sans doute à son tumulus, du haut duquel la vue s'étendait au loin dans la campagne et sur la mer.
J'ai vainement cherché dans la ville de Beauvoir et ses faubourgs un lieu qui pût rappeler le nom d'Ampennum ou d'Ampan il n'en existe d'autre que l'emplacement signalé par nous, lequel est cinq kilomètres au sud-ouest de Beauvoir, dans le territoire même de cette commune.
Des lettres d'Edouard III et le traité de Raoul de Cahours, mentionnant à la fois Beauvoir et Ampan, en font évidemment deux lieux distincts.
Mais, m'a-t-on objecté, Ampan ne laisse apparaître aucun vestige romain, ni briques, ni poteries, ni médailles.
Cela est vrai, sauf ce qui peut se trouver enfoui mais, depuis la domination romaine, Ampennum ou Ampan a existé plusieurs siècles. Ses matériaux primitifs et caractéristiques ont pu se disperser et disparaitre pour être remplacés sous l'action de reconstructions. Ainsi la tuile à rebord avait depuis longtemps cessé d'être en usage lorsque l'ardoise épaisse du XVe siècle est venue recouvrir les toits d'Ampan.
Celle-ci seule nous montre ses débris et cependant il n'est pas constant qu'elle ait été employée au temps d'Ermentaire, ni même à celui de Jeanne de Belleville. ==> Jeanne de Clisson, Dame de Belleville et du château de l'Ile d'Yeu. (légende de Pirate)
D'ailleurs, qu'avons-nous à prouver ici que cette forteresse exista au temps des Gallo-Romains ou des Mérovingiens ? Pas le moins du monde. Nous ne la connaissons qu'en 836, sous les Carlovingiens. Admettons qu'elle ait été bâtie l'année précédente, et alors elle n'a besoin d'aucun caractère gallo-romain mais elle convient toujours à la conclusion que nous en voulons tirer, savoir que de toute la surface alluviale du marais, le point mentionné comme ayant été habité à l'époque la plus ancienne est Ampennum.
L'île de Her, devenue Noirmoutier, n'est guère connue que depuis la prédication de saint Filbert, abbé de Jumièges au VIIe siècle.
Mais des vestiges romains ayant été signalés par M. de la Pylaie en 1832, des fouilles ont été faites en 1863 sur les lieux indiqués par MM. Maisonneau et Richer, et ont mis à jour un fourneau destiné à chauffer des bains sur le même lieu fut bâtie la chapelle Saint-Hilaire, qui a été démolie depuis longtemps. Quelques chapiteaux employés en une maison voisine marquent le XIe siècle et des poutres sculptées en d'autres maisons, venues également de la chapelle, paraissent être du XVe siècle.
Nous ne citerons que pour mention l'ile de la Crosnière, mise à l'abri des eaux en 1770 par les soins de Corneille-Guislain Jacobsen et de Jacques-Augustin Joly-du-Berceau.
Ce terrain, de deux cents hectares, était auparavant une de ces mottes de terre décrites par Bassompierre, où le bétail pouvait pacager temporairement, mais que la mer recouvrait parfois en entier. Le Polder, revêtu de chaussées et peuplé d'une colonie de 250 âmes, fut érigé en paroisse en 1772 par l'évêque de Luçon sous le nom de Notre-Dame-de-Pé. La paroisse a été abolie lors de la révolution et réunie à la commune de Beauvoir.
Un bras de mer, nommé le Lasse, continua de séparer la Crosnière du continent jusqu'en 1806, époque où il se trouva comblé par l'alluvion depuis lors, la Crosnière n'est plus une île. Les travailleurs employés à élever les digues de la Crosnière en 1770 appartenaient pour la plupart à l'ile de Noirmoutier ils prirent l'habitude, pendant le cours des travaux de franchir à pied en basse mer, le détroit de quatre kilomètres qui les séparait de leur demeure.
La communication de l'ile de Noirmoutier avec le continent s'est depuis lors opérée par cette voie, au lieu de l'être par un bac établi jusque-là à l'extrémité de l'ile, entre la Fosse et la Barre-de-Monts.
Aujourd'hui ce passage, nommé le Gois parce qu'il vient du verbe patois Goiser (passer à gué en se mouillant les pieds), est fréquenté même par les voitures publiques.
Il parait, du reste, que le Gois avait été franchi occasionnellement dès une haute antiquité car la chronique de Saint-Brieuc nous apprend que, lorsque la trahison du comte Lambert eut livré la ville de Nantes aux Normands et occasionné le martyre de l'évêque saint Gohard, massacré au pied de l'autel dans le moment où il prononçait ces paroles de la messe si bien appropriées au malheur qui tombait sur son troupeau Sursum corda, des habitants de Nantes, au pouvoir des pirates du Nord, furent emmenés captifs dans l'ile de Her.
Ils s'évadèrent pendant que leurs farouches vainqueurs, ivres et se querellant pour le partage des dépouilles, oublièrent leur surveillance.
La charrue sillonne, de temps immémorial, le sol d'Ampennum et de la citadelle de Lampans; aucune tradition locale n'en a gardé le souvenir; un modeste moulin à vent et une petite ferme sont aujourd'hui les seuls gardiens du nom de L'AMPAN.
Ce fort avait, sans doute, pour but de défendre la rive méridionale du havre de la Cahouette, comme le château de Beauvoir en défendait la rive septentrionale
(3) Desormeaux, auteur d'une histoire de la maison de Montmorency, où la biographie de Gilles de Laval est fort bien traitée, semble n'avoir pas pris le change sur la date de la naissance de ce seigneur, bien qu'il ne la précise pas ; mais il dit que Gilles de Laval commença à se signaler à l'âge de 19 ans, et qu'il fut fait maréchal à 24 ans ; ce qui rentre précisément dans notre thèse.
(4) Deols est une ancienne ville, aujourd'hui bourgade à une demi lieue de Châteauroux (Indre).