Le quatre août 1795, l’église du Poiré-sur-Vie fut le théâtre d’un fait, qui est certainement l’un des plus remarquables de l’histoire de notre Vendée.
Il est même l’unique de ce genre dans les fastes de l’Eglise, pendant la période révolutionnaire. Il s’agit d’un des actes les plus graves et les plus solennels de la juridiction épiscopale; d’une mesure à laquelle on doit, peut-être, la conservation de la religion dans la contrée, la persévérance de cette province dans la grande unité romaine.
Persécutés, emprisonnés, bannis de leur patrie, les premiers pasteurs du diocèse avaient vu briser les liens qui les unissaient à leur troupeau, et ce troupeau, violemment dispersé, restait catholique par instinct et par éducation. Cette situation pouvait être périlleuse pour la foi et pour la discipline. L’une et l’autre n’y ont que trop perdu.
M. l’abbé de Beauregard, vicaire général de Mgr de Mercy, obligé de fuir et réfugié en Suisse, tenta de sauver de ce danger la contrée confiée à sa sollicitude. La Vendée était restée fidèle à son roi et restée profondément catholique, mais il devenait nécessaire de rétablir, pour elle, les chaînons brisés de la hiérarchie religieuse.
M. de Beauregard résolut de tenir un Synode, au milieu de la période révolutionnaire.
Bravant tous les périls, quittant leurs retraites ignorées, sans crainte d'exposer, une fois de plus, leurs têtes vouées au martyre, cinquante-sept prêtres, c’est-à-dire tous ceux qui étaient demeurés fidèles et cachés en Vendée répondirent à son appel.
L’église du Poiré vit alors une de ces solennités belles et sublimes de simplicité et de courage, une de ces solennités qui retrempent la foi d’un peuple en lui faisant toucher du doigt le berceau de sa religion et l’autorité de ses pasteurs. On a vu depuis plus de cinquante ans assez de congrès de toutes sortes; beaucoup ont été entourés de tout l’éclat que les hommes peuvent donner, ont réuni des noms, des fortunes, des talents admirés, mais aucun n’a pu impressionner, exciter au bien, obtenir des résultats pratiques, comme cette assemblée de prêtres proscrits, venant de tous les points du diocèse, même de ceux occupés par l’ennemi, et réunis au château désert de Pont-de-Vie, agitant dans cette église du Poiré, sous le regard de Dieu, des questions d’où peut dépendre l’avenir de la religion dans leur province. Ils savaient bien, ces héros du Christ, que leur démarche hardie les rapprochait de l’échafaud ou des balles révolutionnaires, mais rien ne les arrêta, rien ne put faire faiblir un instant leur courageuse fidélité!
Mgr de Mercy, évêque de Luçon, avait réussi à s’échapper de Paris la veille des massacres de Septembre.
Les premiers succès de l’insurrection de la Vendée lui ayant fait espérer la fin prochaine de la Révolution, il avait envoyé du lieu de son exil, le ler janvier 1794, une Instruction pastorale destinée à tracer des règles de conduite, et, le ler juin de la même année, une lettre pastorale à son clergé fidèle pour le disposer à reprendre avec fruit, après le schisme, les fonctions du saint ministère.
Le 11 juin 1794, il avait écrit à M. de Beauregard alors en Angleterre :
« J’ai su tout ce que votre zèle apostolique vous a fait entreprendre. Je n’en ai point été surpris. J’y ai applaudi, j’en ai remercié Dieu et je ne cesse de lui demander de répandre sur vous ses plus abondantes bénédictions. Vous paraissez, dans l’ordre de la Providence 3 devoir être mon prédécesseur dans mon diocèse... Vous vous approcherez, le plus que vous pourrez, de mes instructions; mais je ne trouverai pas mauvais qu’on s’en écarte, quand la nécessité ou un plus grand bien l'exigeront. »
Il lui écrivait encore de Ravenne :
« Vous avez vu que je vous laisse la plénitude de mes pouvoirs pour gouverner et décider de tout provisoirement, dans ce que je n’aurais pas prévu et dans les changements que les circonstances peuvent apporter même dans ce que j’ai voulu prévoir. »
C’est en vertu de ces pouvoirs que l’abbé de Beauregard tenta de réunir dans un Synode les prêtres demeurés en Vendée. Il s’agissait pour lui de trouver un gîte.
Il arriva, le 11 juillet 1795, à Belleville, au quartier-général de Charette, qui eût voulu le retenir près de lui en qualité d’aumônier. ==> Belleville sur Vie - QUARTIER GENERAL de CHARETTE.
Mais le vicaire général refusa.
« Je veux, dit-il, prêcher l’évangile sans prendre part aux affaires publiques. J’ai des ordonnances de mon évêque, je les ferai connaître au clergé et j’administrerai le diocèse avec l’abbé de Charette de la Colinière, votre cousin. »
Il se fixa donc dans la paroisse de Beaufou. L’église avait été brûlée.
Le curé était vieux et cassé (1); ce fut une circonstance favorable qui lui permit de dissimuler l’importance de sa mission sous le titre modeste de vicaire du curé. « Je travaillai donc avec assez de fruit, écrit-il, dans mon vicariat de Beaufou et dans toute cette partie du diocèse. »
Il s’agissait aussi de retrouver et de prévenir une soixantaine de prêtres disséminés dans tous les coins de la Vendée, cachés dans les villages et dans les bois inaccessibles; de connaître leurs retraites, que connaissaient seuls les intimes et les catholiques chargés de pourvoir à leur subsistance.
Tout cela n’était pas chose facile dans une contrée occupée par les soldats de la Révolution.
Quand tout fut bien établi, continue l’auteur des Mémoires, je crus devoir réunir tout le clergé du diocèse de Luçon pour y faire publier les ordonnances de Mgr de Mercy.
Je fixai le lieu de la réunion dans la belle église du Poiré, non loin de laquelle se trouvait un château dont les propriétaires avaient émigré (2).
Je fis part de mon projet à Charette, qui m’offrit des rations pour les chevaux et un dîner pour les prêtres.
« Soixante prêtres (exactement cinquante-sept) se rendirent à cette cérémonie qui avait attiré un grand concours de peuple. Je chantai la messe et prêchai, puis nous nous rendîmes dans la grande salle du château (de Pont-de-Vie).
L’abbé de Charette et moi prîmes nos places. Je désignai un promoteur et un secrétaire, et après avoir fait reconnaître la signature de Mgr de Mercy par tout le Synode, je fis lire ses Ordonnances. On établit en tête du procès-verbal les noms des prêtres assistants.
« Un des articles de ces Ordonnances disposait que l’évêque reconnaissait pour canonique tout ce qui avait été ordonné par ses délégués directs ou par ceux qui l’avaient été en son nom, mais qu’aussitôt que l’un des anciens grands vicaires serait arrivé dans le diocèse, tous les pouvoirs cesseraient, excepté ceux de ce grand vicaire.
« Il fut fait plusieurs règlements dont l’un portait que toutes les fonctions ecclésiastiques seraient gratuites; que l’on pourrait seulement recevoir des fidèles des dons modérés. On pria MM. les présidents du Synode de déclarer qu’on n’acceptait pas les contributions que Charette avait fait offrir (3).
« On régla l’étendue de la juridiction de chaque ecclésiastique. Les présidents furent priés de recevoir le prix des dépenses et d’en former un fonds pour les nécessités des prêtres et des églises.
On rédigea les articles qui durent être remis à chacun de MM. les ecclésiastiques, et l’on m’invita à trouver les moyens de correspondre avec Mgr de Mercy (4). »
Voici les articles arrêtés dans cette assemblée du clergé, le 4 août 1795 :
Baptêmes. On réhabilitera les baptêmes faits par les jureurs et intrus, lorsqu’ils seront douteux, et on pourra suppléer les cérémonies sans Saint-Chrême.
Messe. On ne dira plus la messe sur deux corporaux.
Mariages. Les mariages faits par les intrus seront réhabilités selon les formes établies, ainsi que ceux faits devant la municipalité On observera, quant au mariage, l’usage établi par l’Eglise, c’est à-dire que les parties contractantes s’approcheront des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie.
Il a été arrêté qu’il sera fait des représentations au général en chef de la Vendée pour pourvoir à la subsistance et aux besoins des Religieuses nécessiteuses, ainsi qu’à ceux des ecclésiastiques qui seraient dans le besoin.
Arrêté qu’il sera fait par MM. les curés une liste des Religieuses qui seront dans leurs paroisses, laquelle sera envoyée à MM. les Vicaires généraux.
Arrêté qu’il sera fait des recherches au sujet des ornements, livres d’église, calices, et généralement tout ce qui sert au culte de la religion; que rapport en sera fait aux Vicaires généraux, afin qu’on puisse en distribuer aux paroisses qui en manquent. MM. les Cures donneront un état des pauvres et autres nécessiteux (5) qui seront dans leurs paroisses, afin que les Vicaires généraux, de concert avec les pasteurs, écrivent aux administrateurs pour avoir des secours.
Arrêté que MM. les Curés donneront une liste des diacres et sous-diacres qui sont dans leurs paroisses, alin qu’il leur soit enjoint par les supérieurs d’aider les prêtres dans leurs fonctions, particulièrement dans celle du catéchisme.
Arrêté que MM. les Curés feront passer à MM. les Vicaires généraux une liste de toutes les dispenses qu’ils ont accordées, en vertu du pouvoir qu’ils ont reçu, pendant la persécution, du Seigneur Evêque, afin qu’il en soit tenu un registre exact pour être mis sous les yeux du Prélat, lorsqu’il reparaîtra dans son diocèse.
Fait et arrêté au Poiré-sur-Vie, le 1 août 1795.
LISTE DES PRÊTRES PRÉSENTS AU SYNODE
MM.
- Doussin de Voyer, desservant du Bourg-sous-la- Roche.
- Alexandre Ténèbre, curé de Croix-de-Vie : interné à Rochefort, déporté à Guyane.
- Alexis Molliet-Ribet, curé de Saint-Hilaire-le-Doyen (Poitiers), desservant les Essarts.
- Jacques Chabot, curé d’Aubigny.
- Simon Robin.
- Melchior-Siméon Le Gouix, desservant Sainte-Cécile, prisonnier à Fontenay, délivré par Vendéens.
- Blanchard, curé de Belle-Noue.
- Moreau, curé de Saint-Nicolas de la Chaize-le-Vicomte.
- Allain, prieur de Saint-André-Goule-d'Oie : a souffert tout ce qu'on peut souffrir, excepté la mort, disent les Mémoires de M. Remaud.
- Remaudet, à Pont-de-Vie, paroisse du Poiré. « Mady, curé de Saint-Denis-la-Chevasse.
- Pierre Remaud, curé de Chavagnes-en-Paillers.
- Buet, desservant à la Merlatière.
- O’ Brien, prêtre irlandais, desservant de Boulogne.
- Audureau, vicaire à Saint-Denis-la-Chevasse.
- Merland, curé de l’Aiguillon, desservant lAirière, paroisse de la Ferrière.
- Guesdon de la Poupardière, curé de la Rabatelière.
- Goillatideau, chanoine de la Collégiale de Montaigu, desservant les Brouzils.
- Amiaud, vicaire de Saint-Sulpice-le-Verdon, desservant Mormaison. –
- Charles-Vincent Barbedette, curé du Grand-Luc.
- Jousbert de la Cour, curé de Beaufou, dont M. de Beauregard fut vicaire.
- Pierre Moreau, curé du Poiré.
- Michel Gillier, desservant de Legé.
- Sauvage, desservant de Saint Christophe-de la-Chartreuse, paroisse de Rocheservière.
- Thouret, desservant Saint-Etienne-du-Bois.
- Guyard, à Chauché, aumônier des Bénédictines des Sables.
- Mitrecey, curé à la Grolle, paroisse de Rocheservière.
- Hervouet, vicaire de Bouaine (Saint-Philbert).
- Huet, curé de Landevieille, à Luçon.
- Voisin, curé de Landeronde, à...
- Gaboriaud, desservant de Treize-Septiers.
- Veillard, desservant de Saint-Etienne-de-Corcoué.
- Duranceau, curé de Sainte-Foy.
- Le Breton, desservant de Saint-Michel-Mont Mercure.
- Serre, desservant la Flocellière, missionnaire du Saint-Esprit, tué à Saint-Laurent.
- Paillar, aumônier des Religieuses de Cholet, desservant Saint-Mars.
- Boursier, curé des Moutiers-sur-Lay, desservant Ardelay.
- Jacques Boursier, prieur de Mouchamps, incarcéré plus tard à Rochefort.
- Fumoleau, curé de Chavagnes-en-Pareds.
- Vrignaud, vicaire de Cheffois, desservant le Boupère.
- Macê, desservant de Saint-Paul-en Pareds.
- Serillé, desservant des Châtelliers.
- Fr. Julien, capucin de Machecoul, desservant le Petit-Bourg-des-Herbiers.
- Brillaud, desservant de Saint-Fulgent.
- Cornu, curé de la Barotière.
- Desplobains, curé de Puymaufrais, à Chantonnay.
- Imbert, curé de la Ronde (Deux-Sèvres), près la Châtaigneraie.
- Marion, curé de Saint-Jacques de Montaigu, à Saint- Georges-de-Montaigu.
- Charles Augis, curé de Beaulieu, desservant la Meilleraye.
- Giraud, desservant Landeronde, vicaire à donne.
- Jacques Gautier, desservant de la Boissière-de-Montaigu.
- Pierre Brénugat, desservant de Bazoges-en-Paillers : fut déporté à la Guyane, où il est mort de misère et de faim, en 1798, trouvé mort à genoux, mains jointes, le crucifix sur les lèvres. Ses confrères durent creuser sa fosse de leurs mains.
- Pierre-Charles Jagueneau, à la Guyonnière, arrêté et jeté en prison à Nantes et à Paris.
- Mathieu de Gruchy, desservant à Venansault, fut arrêté et fusillé à Nantes, en 1797, âgé seulement de trente- six ans.
- De Charette de la Colinière, vicaire général.
- Jean Brumauld de Beauregard, vicaire général, faisant fonctions de vicaire de Beaufou.
Tous ces prêtres, ayant refusé le serment, tombaient sous le coup de la déportation (6).
Quelle magnifique et glorieuse assemblée que celle de ces généreux confesseurs de la foi, qui, pour demeurer fidèles à leurs devoirs et ne pas laisser les catholiques de Vendée vivre et mourir sans sacrements, avaient déjà souffert des persécutions de toutes sortes, sans asile et sans autre appui que leur confiance en Dieu, toujours poursuivis la nuit et le jour par les ennemis de l’Eglise, et dont quelques-uns avaient connu les horreurs de la prison, notamment à Fontenay.
Cet événement rappelait un des premiers conciles des Gaules, tenu à Paris au IVe siècle, et où parut le grand S. Hilaire, victime des persécutions de l’empereur Constance. S. Jérôme, parlant de ce héros de la foi, écrivait : « Il serait impossible d’exprimer avec quelle tendresse la Gaule reçut son Hilaire et embrassa ce héros qui revenait du combat. »
Au Synode du Poiré, ce n’était pas seulement un héros qui revenait du combat, mais un grand nombre, qui, meurtris déjà, allaient y retourner et dont plusieurs y laisseraient leur vie.
Mais, qu’importe ! ils en avaient fait le sacrifice pour Dieu et les âmes.
On a vu que le synode avait refusé les contributions que Charette avait offert de lever pour l'entretien du Clergé, mais qu'il avait demandé qu'il fut pourvu à l'entretien des religieuses.
Il fut donné satisfaction aux voeux du clergé Vendéen par l'ordonnance suivante :
"Nous, François Athanase Charette de la Contrie, lieutenant-général des armées du Roy, général en chef de la Vendée.
Toujours animé du bonheur public, nous nous sommes appliqué, dans la partie de notre commandement, à diminuer les horreurs de la guerre affreuse et sans exemple, que les ennemis de la Religion et du Trône nous ont livrée. Au milieu des combats nous n'avons pas négligé de pourvoir à la police intérieure. Les individus de toutes les classes étant également l'objet de notre sollicitude, nous n'avons pas oublié les ordres religieux et généralement tous les ecclésiastiques. Nous nous sommes particulièrement occupé de leur sort, par notre règlement du douze octobre de l'année dernière ; les circonstances impérieuses où nous nous sommes trouvés, ne leur permettant pas la libre jouissance des bénéfices et communautés dont ils avaient la possession avant les troubles, nous sommes venus à leur secours d'une autre manière, en les engageant par notre susdit règlement, à faire connaître leur état aux conseils respectifs de leur résidence, et en chargeant nos inspecteurs généraux de leur indiquer comment et où ils doivent recevoir leur moyens de subsistance. Soit que, malgré la publicité donnée à notre règlement, ses dispositions ne soient pas venues à leur connaissance, soit que la continuation des troubles ait apporté obstacle à leur exécution, nous avons appris avec douleur qu'un très petit nombre seulement, s'était présenté et avait pris part aux secours que tous avaient également droit d'attendre. D'un autre côté, considérant que la somme des secours accordés à chacun devenait insuffisante dans l'état actuel des choses, nous avons cru devoir statuer et ordonner ce qui suit relativement aux religieuses dont on nous a fourni la liste, sauf à régler ci-après, les traitements des curés et autres ecclésiastiques qui se trouvent actuellement dans les pays de notre commandement, ce que nous nous proposons de faire d'après les renseignements qui nous seront donnés par Messieurs les Vicaires Généraux.
Article 1er - Il sera payé à chaque religieuse actuellement résidente dans le pays de notre commandement, de quelque Ordre qu'elle soit, une pension annuelle de mille livres, et à chaque soeur attachée audit ordre, celle de sept cents livres ; dont le tiers sera acquitté en bled, à raison de six livres le boisseau de froment du poids de quarante livres, et de quatre livres seize sols le seigle même mesure ; et en bois à feu, selon les besoins de chacune, au prix ordinaire.
Article 2 - Les dites pensions commenceront à courir de ce jour, et seront payées par quartier et toujours d'avance, selon les simples quittances des religieuses et soeurs.
Article 3 - Autant que faire se pourra, ces pensions seront acquitées par le Conseil de la résidence des dits religieuses et soeurs, et en cas d'impossibilité, seront, sur leur réquisition, donné des ordres par les inspecteurs généraux ou particuliers aux conseils les plus prochains et en ayant les facultés, de faire les dits payements, qui ne pourront être retardés sous aucun autre prétexte. Mandons aux chefs de divisions, inspecteurs généraux ou particuliers, de tenir la main à l'exécution du présent, qui sera lu, publié et affiché partout où besoin sera.
Donné en notre quartier général de Belleville, le six septembre mil sept cent quatre-vingt quinze, l'an premier du règne de Louis dix-huit.
Signé : Le chevalier CHARETTE
VERDIGNER, secrétaire
Pour copie conforme à l'expédition que j'ai par devers moi.
BAUDRY, inspecteur général.
Le soussigné certifie l'extrait ci-dessus conforme à l'expédition qui m'a été adressée par M. l'inspecteur général Baudry, à Pont-de-Vie, le 16 septembre 1795.
RENAUD, inspecteur.
La terre et le château de Pont de Vie tirent leur nom de leur situation même sur les bords de la Vie, où un pont permettait de la franchir.
Un Pierre de Pont-de-Vie, rendit aveu, en 1344, à Jean, duc de Normandie, comte de Poitou, pour la tierce partie de la dîme du terrage des blés et autres droits au village de la Brosse, situé dans la châtellenie de Belleville.
Un Jean de Pont-de-Vie avait un manoir à Villeneuve, paroisse de Nesmy, où il demeurait en 1396.
Le principal corps de logis où s’est tenu le célèbre Synode du 4 août 1795 a été complètement rasé.
Seul le pavillon de l’entrée est encore intact avec les servitudes qui le continuent sur la droite et une tour isolée à laquelle manque son couronnement, et qui servait de fuie.
A la révolution les biens des Vaz de Mello (7), qui étaient considérables, furent confisqués. Ces biens, pour la plupart, et notamment les châteaux de Pondevie et de la Métairie, tous deux situés dans la commune du Poiré, furent donnés plus tard au général Travot, en paiement des arrérages du traitement que la République lui devait.
En 1796, le général Travot en a fait son quartier général, ainsi tous les prisonniers devaient passés par le château de Pont de Vie (Poiré-sous-la-Roche) avant de partir pour le tribunal des Sables.
Le 26 mars 1796, après avoir capturé le général Charrette, le Général Travot le fait incarcérer à Pont de Vie, où il passa sa première nuit de captivité dans une petite tour à la Nilière :
23 mars 1796 — Dans la matinée, l'adjudant-général Valentin rencontre Charette et sa troupe, de 50 hommes, entre la Guyonnière et le Sableau, près Saint-Sulpice-le-Verdon.
Il le poursuit pendant deux heures et demie, avec cent grenadiers, et tue dix hommes de son escorte, sans pouvoir l'atteindre.
A deux heures et demie, Charette est enfin capturé par l'adjudant-général Travot, dans le bois de la Chasselandière, commune des Lucs.
Son escorte, composée de 30 chevaux, est mise hors de combat.
Charette, blessé en deux ou trois endroits, accablé de fatigue, était soutenu par deux rebelles, lorsque Travot l'atteignit.
« Où est Charette, s'écrie-t-il ? »
— « Le voilà », répond ce dernier.
— Est-ce bien lui, répliqua Travot ?
— Oui, répond-il, foi de Charette !
Travot l'a fait alors prisonnier, et toute la troupe crie
« Vive la République ! Vive Travot ! »
Ce dernier ayant, dans l'action, égaré son chapeau, Charette ne le reconnaissait pas. Mais les vivats venant de lui donner le nom de son vainqueur, il témoigne à ce dernier, la satisfaction qu'il éprouve d'être son prisonnier, en le félicitant d'être aussi brave dans les combats qu’humain envers les vaincus.
On l'emmène de suite à Pont-de-Vie, commune du Poiré, pour de là le conduire aux Sables.
Chemin faisant il voulut sonder Travot, et lui dit :
« Je vois bien que je ne puis rien avec les baïonnettes ; mais de l'argent pourrait bien me tirer d'affaire.
— Travot lui répondit : « En vous arrêtant, j'ai servi ma patrie, et jamais je n'ai eu le dessein de la trahir! »
Puis il est reparti, le lendemain pour Angers, pour enfin arriver à Nantes, où il a été fusillé place Viarme.
La maison de Pont-de-Vie dans un Acte du Cardinal de Richelieu
Elle est citée dans un accord de 1641 entre les mandataires de Richelieu et Jacques Sallo, mandataire de saint Vincent de Paul :
Etablissement à Luçon d’une maison de missionnaires de Saint-Lazare, sous les auspices du cardinal de Richelieu
En 1625, il établit la Congrégation des prêtres de la Mission, compagnie chargée de moraliser les classes laborieuses et de leur porter des secours.
Grâce à la protection toute-puissante de Richelieu, ces ministres de paix, répandus promptement dans toute la France, commencèrent à prêcher la concorde et à sortir de l’ornière sanglante du fanatisme où leurs prédécesseurs marchaient depuis près d’un siècle.
C’était un pas immense fait vers la conciliation, sainte tentative que les énergumènes des deux partis repoussèrent également.
Le grand cardinal, qui aimait à témoigner de la bienveillance à son ancienne ville épiscopale, dota Luçon d’une maison de ces missionnaires et pourvut aux frais de leur installation.
Un an avant sa mort, il fit présent d’une somme considérable à Vincent de Paul, qui chargea son ami, Jacques de Sallo, conseiller au parlement de Paris, d’acheter l’hôtel de Pont- de-Vie pour servir de demeure aux nouveaux prédicateurs.
Voici le texte de ce curieux contrat :
« Sachent tous qu’en la cour du scel royal aux contracts à Fontenay- le - Comte ont esté présens et personnellement establys en droict Nicolas Pichard, seigneur de la Frénière, receveur du Taillon pour le Roy en l’eslection de ceste ville de Fontenay, et dame Marguerite Dejan , sa femme, de luy bien et duement autorizée pour l’effect du contenu en ces présentes, demeurant en ceste ville, d’une part ; et Jacques de Sallo, écuyer, seigneur de Beauregard, conseiller au parlement de Paris (8) , au nom et comme procureur de messire Vincent de Paul, supérieur général de la Congrégation des reverands Pères de la Mission , et par l’ordre et commandement qu’a le dict messire Vincent de Paul de Monseigneur l’éminantissime cardinal duc de Richelieu, d’autre part, a été convenu ce qui suit : »
Les dits Pichard et Dejan, conjoinctz, o la susdite octorité, de leur bon gré et vollonté, chacun d’eulx seul et ung pour le fout et soubz la renonciation de biens cy après déclarée, ont vendu, ceddé et transporté, et par ces présentes vendent, ceddent et transportent à perpétuité au dict sieur de Sallo, au dict nom de procureur de messire Vincent de Paul, supérieur de ladite Congrégation de la Mission, stippulant et acceptant pour lui à l’advenir et pour ceux qui de luy auront droit et cause, en vertu d’une lettre missive dattée de Paris, du XII e octobre et d’une autre du XXIVe novembre derniers, signées Vincent de Paul ;
scavoir est une maison vulgairement appellée Pont-de-Vie (9), scittuée au bourg de Luçon, consistant en un grand corps de logis avec celliers, grande court au bout de laquelle sont les escuries, et à ung coing de l’autre bout est ung pavillon ; le jardin par le derrière du dict logis, où demeurent à présent les Révérends Pères de la Mission , et outre le troeil joignant au logis, est ung petit jardin au bout duquel y a un apentif qu’exploicte à présent le nommé La Tousche, avecq les entrées et yssues, le tout renfermé de murailles, estant des appartenances du dict logis de Pont-de-Vie, tenant d’ung costé et d’ung bout, du costé du portal du dict logis, au chemin comme l’on vient des grandes portes à l’aumosnerie de Luçon, et de l’autre costé au jardin de Jean Cottereau, seigneur de Grand-Marais, et de l’autre aux jardins et escuries de Jean Nault, Marie Merland, le seigneur de la Mongie (10) , et autres ; comme aussy luy ont vendu, au dict nom, ung petit jardin qui est devant le portail du dict logis de Pont- de-Vie , la rue entre deux, tenant par le devant à la dicte rue, et d’autres costés au jardin de la chapelle des Debonds, de la quelle est à présent chapellain Lorains Rochereau , les quelles maisons et jardins les dicts vendeurs ont déclairé qu’ils croient estre en fiefs de l’archidiaconé d’Aizenay (112) et des baronnies de Luçon, et ne sçavent à quelz devoirs les dicts lieux cy-dessus vendus sontsubjetz, offrant le déclairer lorsqu’il sera venu à leur cognoissance.
Faictes les dictes vendrions, cessions et transports pour et moyennant le prix et somme de quatre mil huict cents cinquante livres tournois, que le dict sieur de Sallo a baillé et paié comptant, à la veue de nous notaires et tabellions royaux soubscrits, aux dicts vendeurs en espèces de pistoles , pièces de cinquante et huict sols , quarts d’escus et aultres monnaies du poids et prix de l’ordonnance, faisant la dicte somme qu’ils ont eu, prins et reçeu, et s’en sont contentes et contentent et en ont quitté et quittent le dict sienr de Sallo au dict nom ; la quelle somme de quatre mille huict cents cinquante livres soient du dict messire Vincent de Paul, et d’icelle somme don luy a esté faict par Monseigneur l’éminantissime cardinal duc de Richelieu.
Des quels lieux cy vendus et confrontés le dict Pichard et sa femme, o la susdite octorité, se sont desmis, desvestus et dessaisis, et ont faict saisy le dict sieur de Sallo au dict nom, voullant et consentant que la possession et jouissance qu’ils en ont faicte soit pour et au dict nom, luy en ceddant et transportant, par l'octroy des présentes, tous droicts de propriété et possession, pour en jouir dès à présent et à perpétuité, promettant les dicts vendeurs luy garantir et deffendre de tous troubles et autres empeschements, en payant à l’advenir les debvoirs qui peuvent estre deubz et accoutumés estre payés ; à la charge néanmoins que tous les meubles estant en la dicte maison de Pont-de-Vie, appartenant au dict Pichard et à sa femme, y demeureront jusqu’au premier jour d’avril prochain, dans lequel temps ils seront tenus les faire oster, comme aussi pourront faire oster les deux mets et tonneaux estant au dict troeil, moyennant quoy le dict Pichard et sa femme ont quitté et remis aux dicts Révérends Pères le loyer qu’ils leur doivent pour la dicte maison depuis le mois d’aoust jusque à présent, dont ils demeurent quittes.
Et se sont les quels vendeurs, par exprès, réservé et retenu par devers eux tous les autres biens, soit cens, terrages et complants qui leur appartiennent en la paroisse de Luçon, et es environs, hors les dites choses cy-dessus vendues.
Tout ce qui a esté ainsy respectivement vendu, stippulé et accepté par les parties, et à ce faire, tenir, garder et accomplir, chascun, en leur faict et promesse, ont obligé et hypothecqué’ tous et chascun de leurs biens présents et à venir ….etc.
Fait et passé au dict Fontenay en la maison dudict Pichard, le VIIe jour du mois de décembre mil six cents quarente ung, après midy (12)
MARGUERITE DE JAN. PICHARD (13)
On le voit, Richelieu était venu en aide à Vincent de Paul, dont il respectait et aimait le caractère, et dont il encourageait les bienfaisants efforts.
Ces deux hommes illustres devaient d’ailleurs se comprendre; car il y avait chez eux communauté de but. L’un, fondateur orgueilleux et terrible de l’unité gouvernementale, servait d’instrument involontaire à la caus démocratique ; l’autre, né dans une chaumière et élevé à force de vertus au haut de l’échelle sociale, ramenait le prêtre à sa véritable mission, et faisait enfin comprendre au peuple que la religion était une loi de fraternité et non un texte placé sous la sauvegarde du bourreau.
Tous deux ont donc rendu d’inappréciables services à la patrie ; mais le dernier, du moins, ne fit couler que des larmes de reconnaissance.
Benjamin Fillon, une fondation de Saint Vincent de Paul à Luçon, 1848, Fontenay, Robuchon.
Revue du Bas-Poitou - M. Gouttepaguon - 1890 (2ème livraison) - p. 177
Le Clergé vendéen victime de la Révolution française, notices biographiques, 1790-1801 , par l'abbé A. Baraud,...
Université de Bordeaux. Faculté des lettres et sciences humaines
Société d'émulation de la Vendée.
Arrestation d’Athanase CHARETTE ; de la CHABOTTERIE au PUY DU FOU (1796..1911… Voyage Virtuel dans le temps) <==.... ....==> Time Travel 29 mars 1796 : Exécution du général François-Athanase Charette de La Contrie place Viarme à Nantes
(1) M. Jousbert de la Cour.
(2) Le principal corps de logis où s’est tenu le célèbre Synode a été rasé complètement. L’emplacement de la chapelle domestique n’est plus marqué que par un mur faisant partie d’une maison récemment construite pour le fermier. On y voit cependant encore un bénitier et un petit enfoncement dans la muraille pour les burettes.
(3) Pour l’entretien du clergé.
(4) Mémoires de Mgr Brumauld de Beauregard, p. 88.
(5) Cette mesure était nécessaire au moment où les campagnes dévastées n’offraient presque aucun moyen de subsistance aux familles dont les chefs avaient péri dans les combats ou à la suite de l'armée vendéenne.
(6) A part les sexagénaires.
(7) Au XVIIIe siècle, les Vaz de Mello étaient propriétaires des seigneuries de la Métairie et de Barat, en Vendée.
Les Mello comptèrent des négociants, des médecins et des prêtres. Ils s'allièrent à la famille des Vaz, et c'est par suite de ces alliances que l’une des branches de la famille Vaz adopta le nom de Vaz de Mello.
André Alexandre Désiré VAZ de MELLO de la Métairie épousa, le 24 novembre 1760, Marie Madeleine Charette de la Verrière.
L'inscription d'Alexandre-Désiré à « la garde du corps du Roi, compagnie-écossaise», porte la date du 1 janvier 1787.
Il passa depuis dans la légion de Béon en qualité de chasseur à cheval, et y fut tué le 26 avril 1794
Ses deux fils furent tués, l'un à Quiberon, l'autre en Hollande, et ses quatre filles furent décapitées, le 15 août 1798, sur la place du Bouffay, à Nantes.
Aussi considérable que la famille des Vaz, celle des Mello a joui, à Nantes d'une haute considération au XVIIe siècle.
(8). Jacques de Sallo, fils de Josias de Sallo, écuyer, seigneur de la Coudraye de Luçon, et de Marie Brisson, fille de Pierre Brisson, sénéchal de Fontenay.
Jacques eut de Marguerite Viole, sa femme, Denis, conseiller au parlement, fondateur du Journal des Savants. ’
(9). C’était l’ancien hôtel des seigneurs de Pont-de-Vie, paroisse du Poiré-sous-la-Roche-sur-Yon, seigneurie qui relevait de l’évêque.
En 1422, Etienne de Pont-de-Vie était religieux du monastère de Luçon..
(10). Charles de Sallenove, écuyer, seigneur de la Mongie et des Fossés, frère de Robert, lieutenant de la grande louveterie de France, auteur d’un traité sur la chasse.
(11). L’archidiaconé d’Aizenay avait un fief à Luçon qui est mentionné dès le XIe siècle.
(12). Pierre de Nivelle, successeur d’Aymeri de Bragelongne, était alors évêque de Luçon.
(13). La famille Pichard a donné à notre ville Françoise Pichard, femme très-bienfaisante, qui a été l’amie de René Moreau et a contribué à fonder l’hôpital général. Elle avait épousé Jacques Fourneau, seigneur de la Chaulme, avec lequel elle se maria le 13 septembre 1631.
Paul PICHARD, né à Fontenay-le-Comte le 28 mars 1598 épousa vers 1620, Marguerite DEJEAN, alias de JEAN, née vers 1595, décédée à Fontenay-le-Comte le 16 mars 1664.
16 Rue Benjamin Fillon. Cette maison du 16e siècle a été reconstruite entre 1775 et la Révolution pour le conseiller Pichard de Maupinson, en conservant le corps de bâtiment sur rue de la maison précédente.
Dans un acte notarié de 1807, la maison est dite avoir été construite après le mariage des époux Pichard, survenu en 1775. Evaluée à 4000 francs avant les travaux, elle l'est à 12000 francs après. La façade sur rue a été refaite au cours de la 2e moitié du 19e siècle.
Cet acte de vente fait suite à l'offre faite par le cardinal d'une somme de 24.000 livres destinée à acheter cette maison pour servir d'habitation aux Lazaristes, missionnaires envoyés par saint Vincent.