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PHystorique- Les Portes du Temps
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13 mai 2024

Richelieu 28 Octobre 1675, Mme de Maintenon voyage dans le Poitou

Françoise d'Aubigné revit le Poitou en mai et en octobre 1675. Sa faveur avait singulièrement grandi. Elle avait acheté la terre de Maintenon 25o.ooo francs et elle en avait pris le titre nobiliaire dès le 15 janvier 1676, longtemps avant que la terre fut érigée en marquisat (1688), le Roi lui ayant fait la grâce de l'appeler publiquement : « Madame de Maintenon ». Scarron était bien tombé dans l'oubli ! .

La santé du duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV et de Mme de Montespan, lui ayant fait prescrire les eaux de Barègés, Mme de Maintenon, à la demande du roi, quitta Paris avec l'enfant le 28 avril 1675.

On peut croire que le train de voyage de la nouvelle marquise ne différait guère de celui de son amie Mme Sévigné quand elle allait en Bretagne ou à Vichy : « Je vais à deux calèches, j'ai sept chevaux de carrosse, un cheval de bât qui porte mon lit et trois ou quatre hommes à cheval ».

Nous savons en tout cas que Mme de Maintenon avait au moins deux carrosses.

Dans le premier elle avait pris place à côté du petit malade et sans doute en compagnie de la fidèle Nanon Balbien.

Dans le second, se trouvaient Mlle de la Couture, autre femme de confiance, Marotte et du Vaché, gens de service du duc et un aumônier.

On entendait la messe avant de partir et on marchait trois heures le matin et trois heures l'après dîner. On allait à petites étapes et l'on mit onze jours pour faire les quatre vingt deux lieues qui séparent Paris de Poitiers, en passant par Orléans, Blois et Châtellerault.

Encore le petit prince était-il si fatigué qu'il resta quatre jours alité à Poitiers, du 8 au 12 mai, avec la fièvre tierce.

Il ne pouvait être question de faire un détour sur Niort. Au reste Mme de Maintenon ne s'en souciait peut-être guère.

Elle se contenta de voir à Poitiers quelques membres de sa famille, au moins son cousin par alliance, le conseiller Jouslard de Fontmort, et le 12 mai elle se remit en route pour gagner Saintes par Lusignan, Brioux, Saint-Jean-d'Angély, Varaise, où elle rencontra son parent Elie de Saint-Hermine, seigneur de La Laigne.

Elle partit de Saintes le 20 mai, dîna à Pons, coucha au Petit-Niort.

Le 28 elle était à Bazas, après être passée à Blaye, Bourg-sur-Gironde, Bordeaux.

Le voyage fut un triomphe, écrivit-elle à son frère Charles d'Aubigné, le 28 mai :

« On nous reçoit partout comme le Roi ; mais il faut avouer que la Guyenne se distingue et que l'on ne peut rien ajouter aux démonstrations de joie qu'ils nous donnent-; on nous avait pensé étouffer à Bordeaux à force de caresses ; M. le duc de Saint-Simon nous traita magnifiquement à Blaye, et les jurats de Bordeaux nous y vinrent amener un bateau magnifique ; nous voguâmes très heureusement avec quarante rameurs et, à la vue de la ville, il se détacha des vaisseaux pour nous venir saluer, les uns pleins de violons et les autres de trompettes ; mais quand nous fûmes plus près, rien effectivement ne peut être plus beau que tout le canon du Château Trompette, celui des vaisseaux qui nous suivaient et les cris de « Vive le Roi » d'une infinité de peuple qui étoit sur le bord de l'eau ».

Le 20 juin seulement, après plus de cinquante jours de voyage, on arriva à Barèges, et la désillusion commença pour Mme de Maintenon, dans ce « lieu plus affreux qu'on ne peut dire, où l'on gèle, où la compagnie est mauvaise... ; toutes nos femmes sont toujours malades, ce sont des badaudes de Paris, qui ont trouvé le monde grand, dès qu'elles ont été à Etampes ».

Il fallut pourtant rester à Barèges pendant environ deux mois, la cure du petit prince étant sans cesse interrompue par la maladie.

Le 4 août, il fut question de retour.

Mme de Maintenon écrivit à Mme de Villette :

« J'ai beaucoup envie de vous voir en repassant ; et entre vous et moi de ne point aller à Niort où je serois accablée. Sy vous pou vies venir à Poitiers, ce me seroit un grand plaisir ; nous y séjournerons, et je ne vous quitterais pas ; je vous advertirai du temps. N'avez-vous nulle cognoissance où vous pourriez demeurer quelques jours ? ».

Ces projets étaient malheureusement prématurés. Mme de Maintenon avait compté sans la maladie qui retarda encore le départ de plus de quarante jours. Il eut lieu à une date que l'on peut supposer voisine du 20 septembre, car le 16 octobre, elle était à Brioux, empruntant sans doute le même itinéraire qu'à l'aller.

Elle écrivit ce jour-là à son frère :

« Je croy que la datte de ma lettre vous sera connue : car on y parle fort poittevin, et ce seul mérite-là me fait trouver tout ce que je voy de fort bonne compagnie ».

A partir de Brioux, les incertitudes commencent. Il est hors de doute que Mme de Maintenon comptait passer par Poitiers où elle avait donné rendez-vous à Mme de Villette et où le chevalier de Méré devait la rencontrer puisqu'il avait écrit à l'intendant René de Marillac : « Je me prépare donc à vous aller rendre mes respects... et je suis bien aise que vous ayez à gouverner trois ou quatre jours Mme de Maintenon (1) ». Mais elle était non moins décidée à ne point aller à Niort pour ne pas y être « accablée ».

Or une lettre à son frère, datée du 28 octobre est en contradiction formelle avec sa résolution initiale.

De plus son point de départ, Richelieu, s'écarte tellement de l'itinéraire normal de Brioux à Paris que nous avons conçu des doutes sur son authenticité.

Cette lettre, aujourd'hui dans les Archives royales de la Haye, fait partie d'un important dossier de lettres de Mme de Maintenon ayant appartenu au Cabinet de Feuillet de Conches, érudit aussi peu scrupuleux que Fillon, en fait de supercheries historiques. Grâce à l'obligeance de M. Japikse, directeur du Koninklijk Huis-Archief, que nous ne saurions trop remercier, nous avons obtenu une photographie de la lettre et force nous est de nous rendre à l'évidence. Elle est entièrement de la main de Mme de Maintenon. M. le Chanoine Langlois l'a soumise à un des experts en autographes les plus autorisés d'à présent, M. Raoul Bonnet, qui y a retrouvé toutes les caractéristiques de l'écriture de Françoise d'Aubigné.

Voici donc cette lettre, qui a été utilisée par tous les biographes et les historiens, mais qu'il n'est peut-être pas inutile de reproduire une fois de plus, tant elle intéresse de près le Poitou.

Ce 28 Octobre à Richelieu 1675

Il y a bien longtemps que je ne vous ay escrit, mais je seray plus soigneuse quand je seray à Paris ; j'ay receu la lettre que vous aves adressée pour moy a Monsieur le Mareschal d'Albret par laquelle vous me faittes une proposition qui me parest très raisonnable et qu'il a jugé telle ; il me mande qu'il y faudra travailler dès que je seray de retour et je vous promets de faire tout ce qui me sera possible. Nous partons d'icy le lendemain de la Saint-Martin et nous arriverons

le 18 ou le 20 de novembre, après cela vous aurés de mes nouvelles ; j'en ay beaucoup à vous dire de poitou où j'ay esté quinze iours ; j'ay logé aux ursulines, mais je n'ay pu me dispenser de coucher souvent chez M. de Villette dont je suis fort contente et de sa femme pareillement qui est plus raisonnable que tout ce que j'ay veu de mes parantes ; il n'y a sorte de considération ni d'amitié que je n'aye receu d'eux ; j'ay fait beaucoup de jaloux et M. et Mme de Fonmort en sont tous mal contens ; j'ay esté trois jours à Mursay ; j'ay esté disner à Surimeaux où l'on m'a régalé et où ie n'aurois pas esté si M. de Sansac n'eust esté absent.

Mme de Launé a très bien vescu avec moy ; Mlle de Sansac ne m'ont pas quittée, mais par une conformité de votre goust et du mien j'ay pris en amitié la pauvre Artémise ; elle est très changée et si malade de sa grossesse qu'à peine peut-elle se soutenir,  cependant au travers de cette langueur et d'une très grande tristesse où elle est, elle m'a plu et par sa [fortune, rayé] personne et par un procédé plein de douceur et de franchise dont je m'accomodois admirablement ; elle passoit les iournées avec moy, il est vray que ce n'estoit pas teste à teste et que j'ay estée accablée de visites à n'avoir pas un moment à moy ; il n'i a sorte d'honneur que l'on ne m'ai fait à Niort et M. l'Intendant me regala en passant par Poitiers, M. et Mme de Lalaigne me sont venus voir ; j'ay aporté l'histoire de mon grand père, c'est à dire sa vie et plusieurs papiers qui prouveront votre noblesse s'il en est jamais besoin; parmy ces papiers j'en ay veu quelques uns qui m'ont fait voir nos prétentions sur Surimeaux et je pourray bien faire quelque pas contre eux ; mais je vous assure que si je prens ce parti là je commenceray par des propositions très douces et très raisonnables pour des créatures que je ne voudrois point ruiner  ; je vous advertiray de tout, cependant faitte de vostre mieux et conduises vous par tout comme si vous y déviés passer vostre vie.

Pour Monsieur d'Aubigny

On voit qu'il est impossible, d'après cette lettre, de déterminer la durée du séjour de Mme de Maintenon à Niort, ni de savoir s'il faut le placer avant ou après celui de Poitiers. « Quinze jours en Poitou », écrit-elle.

En retranchant trois ou quatre jours pour le séjour à Poitiers, autant pour le voyage, il resterait huit jours pour Niort et Mursay.

Voici peut-être comment les choses se sont passées. Mme de Maintenon aurait continué sa routé de Brioux sur Poitiers. Elle y aurait retrouvé Mme de Villette et, cédant à ses instances, elle aurait accepté de rentrer avec elle à Niort, non sans une arrière-pensée de gagner les bonnes grâces de Philippe de Villette et de préparer les voies de sa conversion.

 Pendant son séjour incognito (car il n'en est nullement question dans les archives communales de Niort) elle compulsa ses papiers de famille et se fortifia dans ses idées de noblesse.

De retour à Poitiers, au lieu de se diriger comme à l'aller directement sur Loches, elle prit la route de Loudun, berceau de Jean d'Aubigné, et de Chinon où on lui avait dit qu'elle trouverait un portrait d'un de ses ancêtres.

De Chinon elle alla passer quelques jours au château de Richelieu, où se trouvait peut-être la duchesse, son amie.

Elle en partit probablement, comme elle l'avait projeté, le 12 novembre, non sans avoir écrit la veille à Philippe de Villette pour lui rendre compte de ses trouvailles :

« ... J'ay trouvé le tombeau de Savary d'Aubigny (a), dans l'église de Chinon, comme il est dit dans la vie de mon grand' père et on me fait espérer que je trouveray de grands éclaircissemens sur sa maison dans le trésor d'une autre église du mesme lieu.

On a trouvé dans celui de Richelieu un titre de trois cens ans d'un Jacquelin d'Aubigné et on m'assure que l'on y en trouvera d'autres.

Un gentilhomme de M. de Richelieu, curieux de généalogie, prétend avoir la nostre et pouvoir faire la filiation jusqu'à nous... Vous voyés que l'engouement de ma maison me dure encore ».

Comme Mme de Maintenon voulait éviter de passer par Tours, le seul chemin possible était de reprendre la route royale à Port de Piles, ou plutôt à Châtellerault, car le chemin de Richelieu à cette première bourgade était peu praticable à des carrosses.

La Fontaine, se rendant en 1663 en Limousin, l'avait fait à cheval et l'été de 1675 avait été si pluvieux qu'on avait promené la châsse de Sainte-Geneviève dans les rues de Paris en plein mois de juillet (Mme de Sévigné). Les voyageurs arrivèrent à Paris vers le 20 novembre.

On peut faire — et nous en convenons — plusieurs objections au but que nous assignons ainsi à Mme de Maintenon. La plus sérieuse est qu'elle avait charge d'âme et d'une âme bien fragile. Le « Mignon » — c'est ainsi qu'on appelait le petit duc du Maine — n'avait guère profité de sa cure. Etait-il raisonnable — et Dieu sait si sa gouvernante l'était ! — de lui infliger quinze jours de voyage supplémentaires pour le plaisir de visiter la duchesse de Richelieu — dont au surplus nous ignorons la présence à son château en octobre-novembre 1675 — ou de faire des recherches généalogiques sur la maison d'Aubigné ?

Ceci nous amène à risquer une conjecture qui nous semble infiniment plus plausible.

 

Ce n'était pas la duchesse de Richelieu qui était le motif du détour, mais l'abbesse de Fontevrault, Marie-Madeleine-Gabrielle de Rochechouart-Mortemart, soeur de Mme de Montespan.

Mme de Maintenon aurait reçu « l'ordre » de présenter à l'abbesse son neveu et de tenir ce voyage secret.

Elle aurait fait à Fontevrault un séjour d'une dizaine de jours au début de novembre 1675.

 

 

Société historique et scientifique des Deux-Sèvres (Niort)

 

==> A Niort, Henri Gelin recherche la maison natale de Françoise d'Aubigné dit Mme de Maintenon.

==> Au XVIIème siècle, Madame de Maintenon, pour aller dans l'île d'Oléron, s'arrêta à Bourcefranc-le-Chapus

==> Note sur la famille maternelle de Jean de La Fontaine, Les Pidoux du Poitou et d'alliance entre les Richelieu

==> Mémorial des Abbesses de Fontevrault issues de la Maison Royale de France accompagné de Notes Historiques et Archéologiques

==> Voyage dans le Haut – Poitou de Jean de La Fontaine (Richelieu, Châtellerault, Poitiers, Chauvigny, Bellac)

==> Time Travel 1666 ; Lussac les châteaux - Gabriel de Rochechouart de Mortemart et Madame de Montespan, la favorite du Roi-Soleil

==> Mémorial des Abbesses de Fontevrault issues de la Maison Royale de France accompagné de Notes Historiques et Archéologiques

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