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PHystorique- Les Portes du Temps
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17 septembre 2022

Journées du patrimoine - Visites du Château de Mursay - L'enfance et la jeunesse de Françoise d'Aubigné

Journées du patrimoine - Visites du Château de Mursay - L'enfance et la jeunesse de Françoise d'Aubigné

Le 29 novembre 1635. le carrosse de Louise d'Aubigné, marquise de Villette, franchit une des portes de la ville de Niort en Poitou. Simplement accompagnée d'une chambrière, la châtelaine de Mursay, emporte chez elle une enfant née la veille et qu'on vient de baptiser.

C'est sa nièce Françoise, fille de Constant, encore en prison, et de Jeanne de Cardaillac qui a voulu partager la détention de son mari.

Où est-elle née ? le saura-t-on jamais ? Car, dès le premier jour, la vie extraordinaire de la future Mme de Maintenon s'entoure de mystère. Est-ce à la Conciergerie, dans une dépendance du château, sous le toit d'une maison amie, ou dans un pied-à-terre de la famille ?

On a parlé de la Cour, de Candie dont l'hôtel du XVe siècle, avant sa déplorable mise à neuf, fut gravé par 0. de Rochebrune.

Henri Clouzot, l'érudit niortais, tient pour l'hôtel Chaumont, rue du Pont, dont les restes, noyés au fond d'un couloir, ne sont reconnaissables qu'à une lucarne archaïque.

Enfin, il a été même question du donjon bâti sous Richard Cœur de Lion, qui mire dans le calme flot de la Sèvre sa courtine crénelée reliant l'une à l'autre ses deux formidables forteresses.

Mme de Villette, fille d'Agrippa, consent à se charger de ce fragile rejeton issu de parents ballottés au gré des infortunes.

Elle lui donnera la même nourrice qu'à sa propre fille Madeleine, future marquise de Sainte Hermine. La distance est courte jusqu'à Mursay en longeant la rivière; à peine deux lieues et bientôt la basse porte qui fait communiquer les services avec l'intérieur, s'ouvre devant Françoise et son destin.

 

Son père

Le père, ce frivole et dangereux Constant, est un type accompli d'aventurier, il a fait déjà de la prison pour dettes et fausse monnaie.

Le vieil Agrippa, peu scrupuleux cependant, qui avait 'eu l'imprudence de confier son gouvernement de Maillezais à ce joueur débauché, conte dans ses Mémoires qu'il y faisait fondre les calices, ciboires, ostensoirs et reliquaires de l'abbaye.

 Sous son administration la petite ville monastique est devenue un brelan public, un rendez-vous de femmes sans aveu, une boutique de faussaires et de brigands. Assailli de créanciers, mais chatouilleux sur le point d'honneur il n'a pas hésité à poignarder de sept blessures sa première femme, surprise avec un complice. C'est un duelliste dangereux, adversaire sans pitié; déjà pendu, mais en effigie, car il a su disparaître à temps. Coquet, la rose au soulier, hâbleur et joli garçon, au point que dans la prison bordelaise de Château-Trompette il a fait la conquête de son gardien Pierre de Cardillac et de sa fille qu'il épouse le 27 décembre 1627. Il doit encore trois cents livres que nul parent n'a voulu payer.

La pauvre Jeanne, toujours éprise, le suit dans ses geôles et c’est ainsi qu'elle met au monde la petite pensionnaire de Louise de Villette pendant que son mari chante en s'accompagnant sur le téorbe. A la Cour malgré sa réputation équivoque, il a du succès.

Il sert d'intermédiaire capricieux, presque suspect, entre le Louvre et les Huguenots, chez lesquels il a un pied par son père qui, de Genève, où il s'est retiré, célébrant en vieil épicurien le charme de la rose d'automne (1), fait figure de banni et de prophète.

 

Le château de Mursay

Ce château de Mursay, où l'enfant fait ses premiers pas, c'est Agrippa, l'aïeul, qui l'a fait élever.

 Tout au moins il le dit, mais il exagère. Sans doute l'a-t-il réparé, peut-être agrandi, car il est déjà mentionné comme « houstel fort » dans un hommage féodal du XVe siècle.

Il est situé au milieu d'une boucle de la Sèvre, dans ces terres basses où la mer a roulé ses coquillages, au bout du marais poitevin fertile, mystérieux, peuplé d'oiseaux, plein d'une vie secrète.

La longue façade banale s'allonge de chaque côté du pavillon qui contient l'escalier d'honneur..

Les fenêtres, aux volets déjetés, n'ont pas d'époque, et une charpente plate couverte de tuiles, à la mode du pays contraste avec le comble ardoisé de la construction centrale éclairée de deux lucarnes sans caractère.

Des tours en éteignoir occupent les quatre angles. Elles se dressent il côté les murs en ruines provenant de l'ancien château, soit que les prédécesseurs les aient rasés, soit que, dans le sol peu consistant il y ait eu quelque fléchissement malgré les travaux de fondations.

A l'ouest, sous deux arcades, on a ménagé des balcons couverts garnis d'une belle ferronnerie. Pareil abri, sous un toit en auvent est ménagé derrière une balustrade en pierre.

Ce sont ces constructions, évidemment datées des premières années du XVIIe siècle, qu'on doit attribuer au grand-père Agrippa d'Aubigné.

 

 

Intrigues d'Agrippa

Avant d'être seigneur de Mursay, ce petit gentilhomme saintongeais devient le compagnon d'Henri de Navarre.

A ce prince, son cadet de trois années, s’attache le joyeux cavalier, dru et fringant dont l'entrain cadre bien avec le caractère du Béarnais.

 Après un séjour à la cour, où d'Aubigné conquiert les bonnes grâces de Catherine de Médicis par ses boutades, les voilà partis, maître et écuyer, pour une partie de chasse aux environs de Paris qui ne finira qu'en Poitou.

Henri vient y attendre sa sœur Catherine de Bourbon qui le rejoint à Parthenay.

 De là ils s'installent chez les Vivonne, qui descendent des Lusignan, et dont une fille vient d'épouser Ambroise de Lezay en lui apportant en dot la terre de Mursay.

C'est là qu'il a connu Suzanne de Lezay, fille de ses hôtes, et qu'il se prend pour elle d'une passion qui devait lui faire attendre sept années le consentement de la belle et de sa famille.

 Il raconte longuement les moyens et « ruses » qu'il emploiera pour triompher des résistances.

 Il fait soudoyer les Vivonne et les Lezay par un tiers complice, lequel leur dit que le meilleur moyen d'éconduire ce mince prétendant est de paraître consentir à l'union sollicitée à la condition de produire les titres de noblesse que d'Aubigné est incapable de se procurer.

 

Mais il les a tous dans un tiroir de son coffre. Il les communique. La plupart sont faux, mais quand le généalogiste s’en aperçoit, il est trop tard.

Le roi, entré dans le débat, écrit, intervient, Suzanne se décide, Henri IV assiste aux fiançailles (1583).

L'opposition est anéantie et le fonctionnaire héraldique, après une annotation sur les pièces douteuses, ferme ses dossiers et se lave les mains.

 

 

C'est ainsi que la petite-fille d'Agrippa d'Aubigné vient chercher asile dans la maison que son ancêtre a conquise avec ambition, intrigue et ténacité.

Les archives de nos châteaux nous permettent souvent de suivre depuis sa modeste origine la fortune d'un courtisan qui débute dans l'ombre du prince jusqu'à l'ascension, après quelques palliers, qui fera parvenir sa  maison jusqu'au sommet des grandes charges et des fructueux apanages.

Françoise vit à Mursay jusqu'à sept ans.

Son père, qui vient enfin d'être libéré, l'emmène à Paris, où la pauvre Jeanne de Cardaillac se débat dans d'interminables procès de famille. Ayant demandé et obtenu un emploi à la Martinique, Constant prend la mer avec sa femme et Françoise.

Ils reviennent au bout de deux ans, point enrichis, et le bohème impénitent, après un arrêt ài Lyon, vient mourir à Orange, bientôt rejoint dans le tombeau par sa pauvre compagne épuisée. La fillette a douze ans.

 

Le son de la première heure

A ce moment, son sort agité dans tous les sens parait se fixer dans la gentilhommière poitevine où elle revient avec empressement chez sa « bonne tante ». C'est sous les saules et les peupliers de ces prairies humides que la destinée vient la chercher sous la forme imposante de Mme de Neuillan dont la fille l'a tenue sur les fonts baptismaux.

Les chevaux de la femme du gouverneur de Niort, anxieusement guettés par les deux cousines, franchissent le pont-levis et s'arrêtent devant le perron.

 La visiteuse est introduite et accompagnée dans le large degré jusqu'au salon doré qui occupe la partie droite du premier étage, la partie gauche étant réservée aux hommes et meublée pour la chasse.

 Mme de Villette est venue à sa rencontre et l'installe dans la vaste salle en lui désignant ce que les Précieuses de Molière appelleront dix ans plus tard les « commodités de la conversation ».

Les deux femmes ne s'aiment pas : l'une est protestante convaincue, l'autre catholique des plus zélées.

 Il s'agit de Françoise; vont-elles se la disputer, et la tirer au sort ? Mais pendant qu'on court prévenir les petites, Mme de Neuillan retire un papier de sa poche. C'est une lettre de la Reine. La chose est grave, car la baronne, ayant ses deux enfants filles d'honneur d'Anne d'Autriche, a, par ce canal, intéressé Sa Majesté à l'instruction de cette nièce dont, jusque -là, elle s'était très peu souciée.

 La reine, circonvenue, demande à Mme de Villette de remettre Mlle d'Aubigné à sa tante de Neuillan pour être perfectionnée dans l'étude de la religion catholique.

Une première heure fatidique vient de sonner au cadran de bronze de la haute cheminée de Mursay pour la fille de Constant.

 

La rencontre à l'Hôtel de Troyes

La deuxième sonnera quelques années plus tard à Paris, à l'hôtel de Troyes, proche le Luxembourg. C'est une sorte de pension de famille fréquentée par les Parisiens sans ménage ni parents et par des habitués de province, soucieux de tranquillité.

M. Tiraqueau, avocat au Parlement, originaire de Fontenay-le-Comte, y vit il demeure et sa présence y attire chaque année sa sœur, la gouvernante de Niort, heureuse chaque hiver de fuir sa petite ville crottée pour venir passer quelques mois à Paris respirer l'air de la cour.

Depuis peu, le. poète Scarron, connu par son Virgile travesti et mainte épitre ou satire, y a transporté ses pénates et il est de bon ton, aussi bien dans la capitale que chez les pensionnaires, de visiter le valétudinaire écloppé, qui se proclame le « malade de la reine » et le raccourci de toutes les misères du pauvre monde.

Cette année (1650), Mme de Neuillan est arrivée, suivie d'une jeune nièce laissée pour le voyage sur le siège extérieur, et qu'elle produit pour la première fois. Jolie, timide et gracieuse, elle a vite charmé la société de l'hôtel de Troyes qui a voulu connaître son passé.

On commence à la surnommer la « belle Indienne » en souvenir de son voyage aux iles.

Au bout de quelques jours il faut bien que ces dames se mettent à l'unisson du goût en allant, elle aussi, faire une charitable visite au voisin cloué sur son fauteuil d'impotent.

Accueillies par le valet elles aperçoivent un être ramassé, tassé sur son siège. Vêtu de molleton, un peu hirsute, pas beau, ni soigné, avec quelque chose de sardonique dans le sourire qui l'apparente à un faune.

En termes choisis, il s'excuse de les recevoir en cet équipage, et tirant sur un cordon de sonnette il fait soulever automatiquement son bonnet qui monte au bout d'une poulie et retombe aussitôt sur son crâne.

C'est sa manière de saluer. Françoise rit et le poète, charmé, rit de la voir rire. En leur honneur il met en batterie tous ses feux d'artifice, parle de sa parenté poitevine, de ses souvenirs du Mans, et remercie sur le mode lyrique de l'honneur que ses nouvelles amies lui ont fait.

Mme de Neuillan se retire avec solennité, la « belle Indienne » suit, accompagnée du regard par l'infirme. Ces dames reviendront. Une journée s'est inscrite dans le cadre du destin.

 

L'Heure royale

La troisième heure va se faire attendre. Les moments et les jours passent monotones et silencieux. Voici la vie besogneuse, le veuvage, et les moments difficiles. A quel degré, à quelle profondeur de nécessité peut descendre dans l'immense ville, une jeune femme sans ressources, belle, isolée, ignorante, n'ayant pour guide qu'un secret instinct de droiture, et aussi, pourquoi n'en pas faire état, cette chance qui ne l'a jamais abandonnée ? Les besognes clandestines, les soins ancillaires, les courses lointaines, les veilles et les maladies, les services à demi domestiques dans les grandes maisons, elle aura tout connu, jusqu'à la garde des enfants adultérins du roi.

Ce jour-là, une porte s'entr'ouvre, mais il ne faut pas brusquer la destinée...- patience, prudence, possession de soi-même, cette faculté précieuse de dédoublement qui vous fait assister à votre propre conduite comme à un spectacle dont on juge les incidents pour vous amener, devant le radieux résultat.

Artisan de ce dénouement: le petit duc du Maine; la victime : sa mère, la belle Athénaïs; le grand magicien : Louis XIV; la porte ouverte : Versailles. Le carillon royal a sonné au cartel resplendissant dont le soleil fait le balancier, entre les chevaux d'Apollon, sous la trompette de la Renommée.

 

Mme de Maintenon, dame et maîtresse de Saint-Cyr, toute puissante à la cour, pourra désormais conter avec agrément aux petites de la classe verte qu'elle a gardé les dindons de sa tante dans les chaumes de Mursav.

Robert DELAGRANGE

 

 

 

L'Alsace française : revue hebdomadaire d'action nationale

 

 Fontaine de Madame de Maintenon, côté rive de Siecq

 

Programme des Journées du patrimoine : Visites du Château de Mursay proposé par les Amis du Château de Mursay


- Visites libres de la partie ouverte au public.
- Visites commentées par les guides des Amis du château de Mursay.
– Visites libres sous forme d'un parcours numérique avec QR Codes pour avoir les informations.
– Expositions de photos, de cartes postales anciennes, de documents concernant le château et la famille d'Aubigné.
– La façade nord étant fermée au public, il vous sera proposé une vue du château en 3 D.
– Vente de cartes postales, de livres et de marque pages.

Pour les plus jeunes :
– Un espace ludique placé sous le thème des jeux d'autrefois ( jeux de quilles en bois, jeux de croquet, courses en sacs et autres...
-Concours de dessin : Dessinez votre Château !

Buvette et petite restauration sur place (crêpes gâteaux..)
Pique-nique possible, apportez vos pique-niques, tables et chaises!

 

 

 

http://www.lesamisduchateaudemursay.fr/index.php/jdp

 

 

 

 

1576 Voyage vers la Guyenne, Henri de Navarre fuyant Paris avec son écuyer Agrippa d’Aubigné, se réfugie au château de Mursay <==

A Niort, Henri Gelin recherche la maison natale de Françoise d'Aubigné dit Mme de Maintenon. <==.... ....==> Au XVIIème siècle, Madame de Maintenon, pour aller dans l'île d'Oléron, s'arrêta à Bourcefranc-le-Chapus

Essai d’un voyage Historique de SCIECQ au bord de la Sèvre Niortaise<==

 

 

 


 Article Nouvelle République 27/06/2023 Les Temps d'Aénor

Temps Aénor

(1) « Une rose d'automne en tout point est exquise » (Agrippa. d'Aubigné).

 

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